Rudy Ricciotti - Se libérer du cadre, Antoine Baudy

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BAUDY Antoine

Se libérer du cadre Rudy Ricciotti

L6V2 / Approches théoriques de l’architecture Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble



Introduction L’architecte tient un rôle important dans la société contemporaine par ses interventions qui agissent sur la dimension urbaine, sociale et environnementale. C’est trois point sont des axes de recherche et de développement ayant pour objectif d’améliorer le cadre de vie présent mais aussi son utilisation future. Bien que l’architecture du milieu du XXème siècle a connu des théoriciens tels que Le Corbusier ou Mies Van Der Rohe qui exprimaient unevision nouvelle de la profession, l’architecture du XXIème siècle tend vers une homogénéité subie. Les problèmes liés à une urbanisation croissante tentent d’être résolus par une maîtrise normative qui instaure un cadre de pratique du projet de plus en plus restreint. Le contexte contemporain s’inscrit aujourd’hui dans un cadre normatif très fort qui vise à répondre aux multitudes de problèmes posés par l’urbanisation et l’impact environnemental de celle-ci. Que ce soit le sujet de la densité ou celui du développement durable, plus particulièrement l’écologie, les architectes doivent faire face à une réglementation tenue par des décideurs, réglementation qui engendre des systèmes de production développés pour la norme. Mais ce cadre atteint ces limites lorsqu’il en vient à ne considérer seulement que les chaînes de réflexions internes à son propre développement. Rudy Ricciotti fait parti de ces contemporains qui resquestionne le contexte. Son nom évoque la méditerranée et son bagout, le phrasé et la polémique, l’idéologie et le cha1


risme. Ses écrits interpellent et ses projets questionnent. Ancré dans une architecture très personnelle basée sur la maitrise de la technique, un positionnement architectural fort et assumé ainsi qu’une utilisation de mots accrocheurs, cet architecte amène à requestionner le rôle de l’architecte. Lui qui se définie comme un architecte patriote provincial, il remet en question le cadre du projet et la place de l’architecte dans l’architecture contemporaine. Nous nous demanderons donc, à travers l’exemple de Rudy Ricciotti, comment l’architecte peut-il se libérer de ce cadre dans sa pratique du projet architectural? Si Rudy Ricciotti se positionne très clairement sur la lignée du combat face à la réglementation et au minimalisme architectural, l’architecte se doit de trouver une ligne de conduite face au contexte dans lequel il va évoluer. Il s’agit alors de comprendre l’approche théorique de Rudy Ricciotti à travers : ses écrits, ses conférences, ses interviews; mais aussi dans l’application de sa pensée dans la pratique du projet architecturale qui vise à se libérer de ce cadre de production architectural (ex. : Mucem, Le musée du Louvre et le Pavillon Noir). En proposant une façon d’affranchir la création architecturale, par le travail et des productions plus locales, Rudy Ricciotti s’attaque au système qui régit la production du parc urbain contemporain. Il s’offre alors au regard publique, aux refus des décideurs ainsi qu’a la critique de son architecture. Effectivement, si Ricciotti ouvre à la réflexion par sa critique et sa théorie, il expose dans un même temps sa production aux critiques.

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Source:

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UN CADRE POUR L’ARCHITECTURE CONTEMPORAINE Un cadre normatif en place La société contemporaine fait aujourd’hui face à des problèmes importants qui demandent une forte considération afin de tendre vers des solutions plausibles. L’architecture est une branche à fort potentiel de réflexion puisqu’elle met en place le cadre de vie des citoyens. La France s’est tournée vers des solutions amenées par la règle. En effet, la règle fixe des idées, ordonne le raisonnement, cadre la pratique. Nous nous concentrerons ici sur la réflexion environnementale proposée par l’administration. Aujourd’hui, des labels tels que le label HQE ou le label BBC, des réglementations comme la RT 2005 ou la RT 2012, tendent à diminuer l’impact de l’Homme sur l’environnement. Les réglementations thermiques ont pour objectifs de réduire la consommation énergétique des bâtiments neufs ou réhabilités. La RT 2012 demande des exigences calées sur celle du label BBC-Effinergie qui à pour principe de réduire la consommation énergétique par une meilleur étanchéité à l’air et une isolation thermique plus performante en traitant, plus particulièrement, le problème des ponts thermiques qui peuvent être diminués avec une isolation par l’extérieur. Nous verrons que Rudy Ricciotti pose un regard très critique sur cette nouvelle façon de penser. Le concept Haute Qualité Environnementale est né d’un mouvement associatif au début des années 90. Il propose aux bâtiments de respecter 7 cibles minimum sur 14 afin d’obtenir la certification HQE. Ces cibles visent bien sur à diminuer l’impact négatif de la production architecturale sur l’environnement. Le label s’intéresse ainsi à la gestion des énergies d’un bâtiment, à la qualité sanitaire de celui-ci et au confort qu’il apporte. Une production adaptée Le secteur du bâtiment et de la construction est le secteur d’activité le plus énergivore en France, c’est pourquoi les labels, plus particulièrement le label HQE, réfléchissent à 5


une chaîne de production maîtrisée. Afin de répondre aux conditions posées par le cadre normatif, des systèmes de production se sont donc organisés en pensant au cycle de vie complet d’un matériaux : transformation, mise en œuvre, recyclage. En effet, les labels et les réglementations ont des demandes précises de matériaux et de mise en œuvre, ce qui engendre une production industrielle régulée. La production de masse rentre alors en jeu pour créer des systèmes de ventilation, des systèmes d’isolation et d’étanchéité globalisés qui entrent en accord avec les réglementations. Ainsi, les maitres d’ouvrages doivent penser à la mise en œuvre des projets par l’utilisation des systèmes et éléments industriels pré-conçus. Le but est donc d’uniformiser les modes de pensée pour maximiser l’empreinte de la recherche de performance environnementale produite par le cadre normatif. Les limites de la norme La globalisation des systèmes de production engendre un phénomène de standardisation de l’architecture. Cette standardisation fait alors apparaître les limites du cadre normatif. Effectivement, si penser à rassembler chaque maillon de la chaîne de production architecturale, sous la tutelle de règles visant à rentabiliser l’efficacité de l’action, apparaît intéressant, il n’en faut pas moins oublier les spécificités des territoires. C’est sur ce point que les réglementations font naître des paradoxes. L’idéologie écologique moderne propose une étanchéité maximum des bâtiments permettant de réduire les échanges d’air entre un volume intérieur et l’air ambiant extérieur. Le fonctionnement d’un projet se raisonne alors par le suivi de la règle en mettant en place des systèmes d’isolation ultra-performant, des systèmes de ventilation normés et laissant de côté l’identité climatique d’un territoire. Dans son pamphlet « HQE, la HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt », Rudy Ricciotti relève ces paradoxes en parlant des protections solaires mise en place sur les bâtiments à Lille, ville du Nord souvent exposée à des températures relativement froide, et des systèmes de sur isolation à Bandol, petite ville du Sud où réfléchir à 6


l’orientation d’un bâtiment par rapport aux apports solaires et aux vents dominants paraît plus cohérent. En effet, Rudy Ricciotti nous propose un positionnement frontal face à ce cadre normatif mise en place par les décideurs, politique... ou commerciaux. C’est pourquoi nous allons maintenant nous intéresser à la théorie de Ricciotti et aux propositions qu’il fait pour se détacher du cadre.

RUDY RICCIOTTI, L’EXPERIENCE DE LA PRATIQUE

1. Formé à l’École Nationale

Supérieure d’Architecture de Marseille puis à l’école d’ingénieurs de Genève

2. Conférence du 5 Décembre 2013 à l’École Supérieure d’Art et de Design de Valence

Une théorie comme antithèse du cadre Son pamphlet « HQE, la HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt », son livre/interview « L’architecture est un sport de combat », Rudy Ricciotti pose des mots sur sa pensée. Ricciotti a appris le travail, la recherche et la culture. Pour lui, l’architecte doit se démarquer en construisant un propos architectural basé sur la maîtrise d’un site, de la technique 1 et de l’artistique. Son double cursus lui permet d’allier la puissance de création à une culture constructive réfléchie. Le retour à la liberté de créer, de penser, d’imaginer permettra la richesse architecturale. L’architecture doit être fort d’une narration. Comme un écrivain écrit un livre, la cohérence du propos architectural né d’un processus narratif. La narration d’un projet fait appel à la maitrise des corps de métiers du bâtiment et à une forte main d’oeuvre qui inscrivent la discipline dans une chaîne de réflexion. L’architecture, l’accordéon. Si l’architecte articule bien chaque pièce de l’instrument, l’air entre sans encombre dans le soufflet pour créer une mélodie. Une réalisation est embellie par une mise en oeuvre maî2 trisée qui illustre l’acte de travail. Dans une conférence, Ricciotti parlait d’un fait de construction durant la mise en œuvre du Pavillon Noir. Lorsque Ricciotti constata que le coffrage d’un élément avait craqué et que le béton était déformé, il préféra conserver ce défaut de construction en signe de respect de l’ouvrier et comme une illustration de la prise de risque, facteur de réussite. 7


Ill 2. Façade multi-tâche du Pavillon Noir. La circulation et les volumes s’organisent derrière la surface vitrée

Ill 3. Le Pavillon Noir

implanté dans un décaissé le long de l’artère principale de la ZAC Sextius Mirabeau, Aix-en-Provence

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Ill 4. La terrasse supérieur

du MuCEM, perte de repères un jour de pluie

Ill 5. Passerelle entre le Fort Saint-Jean et le MuCEM. D’une portée de 76m, le béton démontre toute ses qualités techniques et plastiques

Ill 6. Le toit du MuCem avec la résille comme prolongement de la mer

Ill 7. Le paysage créé par

le MuCEM entre passerelle, musée, jetée, mer et montagne

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Bâti à coté du Fort Saint-Jean à Marseille, le MuCEM propose deux sites tournés vers la Méditerranée. Les passerelles reliant les sites marquent la relation entre deux mondes, Orient et Occident, liés par l’histoire. Elles rythment le paysage. La résille en béton, rappelle du moucharabieh traditionnel des pays arabes, illustre la recherche technique et artistique. L’expérience du lieu est remarquable. Le MuCEM créé un instant de vie apparentière (jeux d’ombres et lumières, sons et parcours). Avec ces deux édifices, Ricciotti nous démontre toute la noblesse d’un matériau: le béton. Outre la création de nouvelles ambiances, sa réflexion du béton affirme ce matériau dans sa contemporanéité. Dans son pamphlet HQE, Ricciotti explique que le béton à un bilan carbone favorable et une énergie grise quarante fois inférieur à l’acier et deux 3 cents fois inférieur à l’aluminium. Ricciotti se libère par l’expérience, qui demande de la pratique, pratique qui fait intervenir le travail. C’est son combat face au mouvement architectural contemporain.

3. Ricciotti R. , HQE, la

HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt, Le Gac Press, 2009, p.59

Une posture de combattant Ricciotti propose un combat qui s’appuie sur le retour aux savoir-faire et une récupération du pouvoir de création par les maîtres d’oeuvres. Par la globalisation de l’architecture, Rudy Ricciotti signale un « aplatissement du désir esthétique ».4 Il parle de « salafisme architectural » en référence à l’interdiction de la forme, de l’image et de la narration prônée par cette pensée religieuse. Les savoir-faire français et l’acte de travail disparaissent dans une masse architecturale dénuée de réflexion et de créativité. Les cahiers des charges s’allongent et donne le pouvoir aux maîtres d’ouvrages. Les maîtres d’oeuvres se confrontent alors au mercantile et à une modestie qui enrôle le public. « un projet architectural n’a pas à être humble ou sympathique », sinon l’architecture tourne le dos à l’expression personnelle et exclue le projet qui ne s’inscrit pas dans une pensée minimaliste. Ricciotti dénonce l’ « architecture de supermarché », coupable de l’oubli des spécificités des territoires et du patrimoine. 10

4. Tiré de la conférence

de Rudy Ricciotti à l’ÉSAD de Valence, le 5 Décembre 2013


5. Ricciotti R. , HQE, la

HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt, Le Gac Press, 2009, p.16

6. Parallèle avec Bernardo

Secchi dans « La ville européenne contemporaine et son projet », by Yves Chalas, L’imaginaire aménageur, L’Harmattan, 2004, p.121 et suivantes

Outre l’enjeu environnemental, l’architecte doit penser l’enjeu architectural. HQE est aujourd’hui une marque déposée qui défend les intérêts commerciaux des industriels. L’environnement devient un prétexte de production architecturale et une façon d’accroître son territoire de décision. Le label ne prend en compte qu’un seul pilier du durable; le social, l’économique et le culturel étant les trois autres à considérer. HQE prône un hygiénisme exacerbé, une étanchéité étouffante tel un Thermos ou une chambre sourde: ‘‘ouvrir une fenêtre pour ventiler apparaît socialement dégradant’’.5 Ricciotti dénonce la prise en otage de la légitimité démocratique par la technocratie qui engendre une mise en paranoïa.6 On ne réfléchit pas à ce qu’un site peu nous apporter ou nous contraindre en terme d’environnement. « Eloge du derme supposé sensible et de la double peau de mes deux! Perte de ‘‘physicalité’’ garantie, perte irréversible des savoir-faire, de nombreux métiers de façade, les maçons et les ferrailleurs au placard’’, les nouvelles réglementations oublies toutes les connaissances acquises par l’artisanat français. Ricciotti connaît ses savoirs et utilise le rassemblement des métiers comme une arme face au minimalisme. Ainsi, pour le projet du département des arts de l’Islam au Louvre, Ricciotti a pensé un escalier en béton coulé d’un seul bloc. C’est un charpentier artisanal ayant travaillé dans la charpenterie navale qui réalisa cette prouesse. Chaque personne est consciente de l’enjeu environnemental pesant sur la planète alors pourquoi le laisser tomber dans les bras de lobbies commerciaux ? Ce détacher de ces doctrines commerciales et articuler les savoirs faire entre eux est un facteur de libération du cadre. Les écrits de Ricciotti soulèvent des problèmes et ouvrent à la réflexion. Mais si il ouvre le combat et attaque le cadre en place, il expose ses réalisations à la critique. La théorie face à la réalité Avec des projets comme le MuCEM ou encore le Pavillon Noir, Ricciotti pousse la recherche de performance et d’esthétisme du béton. Ces deux projets illustrent la matérialité assumée d’une architecture prônant l’alliance de la beauté et de la mise en oeuvre. 11


Ill 8. Coffrage, pour l’es-

calier du département des Arts de l’Islam du Louvre, réalisé par le fabricant AGIL BOIS, dans le Puyde-Dôme

Ill 9. Escalier coulé en

un seul bloc en béton noir. L’image d’une coque naval est très présente

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7. Centre National Chorégraphique livré en 2006

8. Grand Théâtre de Provence conçu par Vittorio Gregotti et Paolo Colao. Il a été livré en 2007

9. Architecte et critique, elle est membre de la rédaction de la revue Criticat et enseignante à l’ENSA de Paris-Belleville 10. Prix d’architecture créée en 1960 qui récompense une équipe d’architectes et d’ingénieurs qui ont conçu un bâtiment sur le sol français. Lauréat 2007: Nathalie Franck et Yves Ballot pour une extansion scolaire à Bordeaux 11. Cité par Le Monde le 5 Novembre 2007

12. Fromonot F. , Le Pavillon Noir flotte sur la marmite, Criticat n°2, P 30-43, 2008

13. Jean-Christophe Gros-

so, MuCEM et affaires, Blog JC Grosso, 17 Avril 2013

Le Pavillon Noir 7s’inscrit dans la ZAC Sextius Mirabeau, à Aix-en-Provence. À l’image de la ZAC Paris Rive Gauche, c’est une urbanisation de dalle, sur voies ferrées pensée, par les urbanistes Bohigas et Martorell. Si la salle de spec8 tacle du pays d’Aix propose une architecture agréable et tente de justifier les trentes mètres de large de l’axe distributif, les bâtiments qui l’ornementent proposent un patchwork architectural. C’est dans ce contexte particulier que Rudy Ricciotti intègre son projet. Dans le Criticat n°2, 9 Françoise Fromonot dresse une critique du Pavillon Noir. 10 En effet, ayant perdu l’équerre d’argent 2007, Rudy Ricciotti déclarait dans Le Monde « Le jury a érigé l’absence en nouveau système des Beaux-Arts. On a atteint le dernier 11 degrés du refus de l’engagement et de l’inventivité ». Lui qui défend la réflexion du projet par rapport à son site, il se retrouve confronté aux problèmes contextuels du projet. Orienté Sud-Ouest, le Pavillon Noir s’expose à l’apport de chaleur naturelle très présent dans cette région. Les grandes baies vitrées, mises en place derrière les façades multi-tâches (esthétisme, porteuse, parasismique), ne supportent pas cette apport solaire. De ce fait, la chaleur n’est pas vivable en saisons chaudes. « pour réguler les variations thermiques dues aux grands vitrages, les salles doivent êtres climatisées à cout élevé », éblouissement et circulations entre « la fraicheur et la fournaise » terminent la remise en question du parti-pris architectural. Françoise Fromonot accroît sa critique sur l’implantation du projet sur le site par un décaissé maladroit qui fragilise « le prisme noir ». Le budget alors alloué à la proposition architecturale et la pluralité des payeurs donna lieu à « huit années d’aléas » avant que le projet voit le jour.12 Huit années qui paraissent bien courtes face aux douze années séparant le premier traîts de crayon et la livraison du MuCEM. Ce projet rencontre aussi des problèmes et des critiques. Tout d’abords, le MuCEM fait face aux mêmes données climatiques que le Pavillon Noir. La résille/enveloppe qui libère de grandes baies vitrées en arrière-plan soulève la question de la considération du territoire. L’apport de lumière trop important c’est avéré problématique quand à la conservation des oeuvres du musée. Ainsi, des voiles ont été mis en place pour éviter un apport de soleil trop conséquent: « bras de fer avec la nature ou avec le 13 soleil? » 13


« Le MUCEM enfile les erreurs de syntaxe architecturale comme des perles en contradiction directe avec les prises de position de son auteur dans la presse ». Jean-Chris14 tophe Grosso attaque Ricciotti dans la mise en oeuvre de sa théorie face à la réalité. Par une proposition architecturale voulant lier Orient et Occident, la passerelle reliant le fort Saint-Jean au nouveau projet apparaît comme une limite pour J.C Grosso: « Pourquoi la passerelle masque t-elle, l’horizon, la Méditerranée et les rives de l’Afrique du nord depuis la promenade haute du fort St Jean au pied des logements de Pouillon? ». De la même manière, il se questionne sur l’intêret d’une résille noire dans « une ville blanche ». Mais c’est sur la valeur travail que J.C Grosso questionne Ricciotti, promoteurs invertéré de la réussite par le travail. En effet, Grosso fait intervenir la question du travail au noir, gangrène des chantiers du bâtiment et antithèse de la valorisation du travail. Rudy Ricciotti est en attente de jugement pour des problèmes rencontrés sur un chantier de rénovation d’une maison à Cassis.15

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14. Architecte et ingénieur spécialisé dans la conception de ponts et passerelles. Il est enseignant à l’ENSA de Grenoble

15. Rudy Ricciotti est mise en examen pour travail dissimulé et infraction au code de l’urbanisme


Ill 10. Intérieur du Pavillon Noir sur façade Sud ouverte sur la ville. Problème de l’apport solaire

Ill 11. Intérieur du

MuCEM. Des voiles ont été posé afin de palier à une exposition solaire trop importante

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Conclusion Se libérer du cadre de projet mis en place aujourd’hui est le facteur de revalorisation du travail de l’architecte. Nous devons trouver des solutions pour proposer un art de bâtir cohérent, laissant place à l’expression. L’exemple de Rudy Ricciotti pose ainsi la question du cadre contemporain et de son influence sur le rôle de l’architecte. Ricciotti prône la libération du cadre par l’acte du travail, de la pratique et de la maîtrise. L’architecte, afin de s’affirmer en tant que concepteur, doit engranger de l’expérience et s’ouvrir aux savoir-faire des disciplines du bâtiment. Grâce à cette mise en relation des savoir-faire, il augmentera sa maîtrise de conception et pourra se détacher du cadre normatif et commercial qui génère une architecture pauvre. En effet, le cadre normatif représente une appropriation de la réflexion sur une architecture durable. Des dispositifs tels que le label HQE et les réglementations thermiques (RT) imposent des manières de concevoir plus proche d’un but lucratif que d’un enjeu architectural. Cette architecture pauvre est le combat sur lequel l’architecte doit se positionner. Il doit prendre des risques, proposer de réels moments de vie aux usagers tout en s’obligeant un travail approfondi sur la maîtrise des éléments de conception, des spécificités d’un site. Ce positionnement confère alors à l’architecte une légitimité dans sa remise en question du cadre. Par son expérience et sa maîtrise de la conception, Ricciotti ouvre le combat contre les décideurs de l’architecture et instaure une communication radicale tant avec le public qu’avec 16


les décideurs. En revanche, l’architecte doit faire attention à la portée de ses mots et proposer une architecture en constante cohérence avec son propos, au risque de se décrédibiliser aux yeux du public et des décideurs. La question de la libération du cadre éclaire ce que doit être le rôle de l’architecte et la démarche qu’il doit entreprendre pour tendre vers une cohérence. La pensée architecturale doit être globale et construite sur une somme d’expériences et de connaissances qu’apporte l’ouverture aux autres disciplines. Finalement, si l’architecte pense et dessine le projet, il doit s’inclure dans une chaîne de réflexion en perpétuelle évolution.

16. Ricciotti R. , L’architecture est un sport de combat, Textuel, 2013, p.16

17. Rencontre et discussion avec Rudy Ricciotti à la sortie de sa conférence à l’ÉSAD de Valence.

Nous pourrions alors ouvrir la réflexion à deux autres facteurs qui, selon Ricciotti, participe à la paupérisation de l’architecture contemporaine. Le premier est le rôle du politique et du positionnement des autorités publiques. Les politiciens ont pour rôle de récupérer le pouvoir de décision aujourd’hui entre les mains des lobbies commerciaux et financiers.. Le second se trouve du côté de l’enseignement: « on ne lâche pas un médecin dans la nature avec un diplôme sans valider les résultats d’une pratique » ; cette citation met en exergue le problème des écoles qui oublies la question de l’expérience par l’intégration progressive du métier, à l’image des internes en médecine.16 Valider ses connaissances dans la pratique du projet est quelque chose de primordiale pour la réussite de l’architecte. La problématique ce cet article a été posé à Rudy Ricciotti. Il a tout simplement répondu mais avec une certitude pro17 fonde: le travail.

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Corpus - Ricciotti Rudy, Centre National Chorégraphique le Pavillon Noir, Aix-en-Provence, 2006 - Ricciotti Rudy, Département des arts de l’Islam du Louvre, Paris, 2012 - Ricciotti Rudy, MuCEM, Marseille, 2013 - Ricciotti Rudy, HQE, la HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt, 103 pages, Le Gac Press, 2009 - Ricciotti Rudy, L’architecture est un sport de combat, 95 pages, Textuel, 2013

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Bibliographie - Fromonot Françoise, Le Pavillon Noir flotte sur la marmite, Criticat n°2, P 30-43, Septembre 2008 - Jean-Christophe Grosso, MuCEM et affaires, Blog JC Grosso, 17 Avril 2013 - Piano Renzo, La désobéissance de l’architecte, 159 pages, Arléa, 2009 - Ricciotti Rudy, HQE, la HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt, 103 pages, Le Gac Press, 2009 - Ricciotti Rudy, L’architecture est un sport de combat, 95 pages, Textuel, 2013 - Ricciotti Rudy, Conférence inaugurale de l’ENSAG, Grenoble, 2012 - Ricciotti Rudy, Conférence à l’ÉSAD, Valence, 2013 - Secchi Bernardo, La ville européenne contemporaine et son projet, by Yves Chalas, L’imaginaire aménageur en mutation, 340 pages, L’Harmattan, 2004

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Table des illustrations - Page de couverture: Photo de Lisa Ricciotti du MuCEM.

http://inferno-magazine.com/2013/01/16/le-mucem-de-rudy-ricciotti-larchitecture-comme-experience-physique/

- Illustration 1: Portrait de Rudy Ricciotti, tiré de l’article de Virginie Galligani, Montpellier, labo des grands architectes, La Gazette de Montpellier n° 1224, 9 Décembre 2011 http://www.lagazettedemontpellier.fr/dossiers-gazette/article-8451/montpellier-labo-grands-architectes

- Illustration 2: Photo de Lisa Ricciotti du Pavillon Noir publiée sur le site de l’agence de Rudy Ricciotti.

http://www.rudyricciotti.com/culturels/centre-choregraphique-national#!6

- Illustration 3: Photo de Françoise Fromonot du Pavillon Noir publiée dans le Criticat n°2 en Septembre 2008. - Illustration 4: Photo de Lisa Ricciotti du Pavillon Noir publiée sur le site de l’agence de Rudy Ricciotti.

http://www.rudyricciotti.com/musees/musee-des-civilisations-deurope-et-de-mediterranee#!39_Lisa_Ricciotti_5720

- Illustration 5: ibbid, rudyricciotti.com

http://www.rudyricciotti.com/musees/musee-des-civilisations-deurope-et-de-mediterranee#!17_Lisa_Ricciotti_0433

- Illustration 6: op.chit, rudyricciotti.com

http://www.rudyricciotti.com/musees/musee-des-civilisations-deurope-et-de-mediterranee#!41_Lisa_Ricciotti_8583

- Illustration 7: op.chit, rudyricciotti.com

http://www.rudyricciotti.com/musees/musee-des-civilisations-deurope-et-de-mediterranee#!13_Lisa_Ricciotti_969

- Illustration 8: Photo du coffrage de l’escalier au Louvre tiré du site agilbois.com http://www.agilbois.com/realisations-et-references_2_42.html

- Illustration 9: Photo de Lisa Ricciotti du département des Arts de l’Islam du Louvre

http://www.rudyricciotti.com/musees/departement-des-arts-de-lislam-#!___Lisa_Ricciotti_6110

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- Illustration 10: Photo de Lisa Ricciotti du Pavillon Noir

http://www.rudyricciotti.com/culturels/centre-choregraphique-national#!8

- Illustration 11: Photo de Sandro Piscopo-Reguieg du MuCEM, publiée le 4 Juin 2013 dans un diaporama du MuCEM sur telerama.fr http://www.telerama.fr/scenes/mucem-le-joyau-de-marseille-provence-2013-raconte-en-images,98612.php Chaque image a été un minimum retouchée sur PhotoShop par l’auteur.

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