Forme Site Phénomène, Antoine Baudy

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BAUDY Antoine

FORME SITE PHENOMENE L6M2 I Redaction du rapport d’études Sous la direction de Stéphanie David Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble



Remerciements Je tiens à remercier Céline Bonicco-Donato pour sa méthodologie de rédaction, Anthony Pecqueux qui m’a suivi durant la préparation au rapport d’études ainsi que Stéphanie David pour sa disponibilité et sa réponse positive pour suivre et corriger ce rapport.

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Introduction

2005, au cours de l’année de 5° au collège. En

vacances à Clermont-Ferrand, je passe du temps chez mon cousin de onze jours plus âgé. Il me parle de l’architecture d’intérieur, de l’agencement d’une maison, que ce milieu l’attire.

Depuis l’âge de quatre ans, ma vie tourne autour

du sport, du divertissement, de l’activité. Le judo me repose, me calme, le sport collectif m’ouvre aux autres. Mais mon cousin m’ouvre les yeux sur un milieu, celui de la création et de l’aménagement. Je me mets à dessiner, regarde sur internet comment monter une perspective. Une feuille, deux points de fuite et des espaces apparaissent. Mais rapidement, ce sont des maisons qui apparaissent. Les formes sont bizarres et illu strent ma vision d’une belle maison. Le stage en quatrième me permet de passer une semaine chez un architecte et de découvrir le métier. J’ai alors un premier recul sur la profession quand je constate que le métier d’architecte représente une part très importante de travail administratif. Telle la partie immergée d’un iceberg, un immeuble ou une belle maison ne sont

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finalement pas représentatifs du labeur engagé dans un projet. Pourtant, je continue à prendre beaucoup de temps et de plaisir à dessiner, à imaginer des volumes. Je vois l’architecture comme simple expression de beauté et de bien-être. En effet, l’architecture paraît noble, plurielle, pleine d’horizons et je comprends qu’elle a un rôle à jouer dans la société d’aujourd’hui, même si je ne sais pas encore lequel. Mon cousin est lui sûr de partir dans la branche de l’architecture d’intérieur, on parle alors de travailler ensemble plus tard grâce à notre complémentarité. Au cours de l’année de terminale, je tombe sur un reportage parlant de la responsabilité de l’architecture face aux problèmes sociaux et environnementaux, je comprends petit à petit la place que l’architecte doit prendre. La première année est compliquée avec l’enseignement de projet. Sans méthodologie et n’ayant pas l’habitude de travailler régulièrement je n’arrive pas à valider mon année. Grosse remise en question, pourquoi n’y suis-je pas arrivé? Je me souviens des heures d’entrainements passées sur le tatami pour obtenir ma ceinture noire de judo. Je ne veux pas laisser passer cette chance d’être entré à l’Ecole d’Architecture de Grenoble au milieu des 1492 candidats présents au concours. Il faudra maintenant que je mette la même hargne engagée dans le sport afin de réussir mes études et de me construire en tant qu’architecte. Le déclic a eu lieu et le travail de recomposition de la Villa Stein de Le Corbusier, premier travail de l’année de redoublement, me prouve que je suis capable d’affronter mais surtout de prendre du plaisir face à une grosse charge de travail. J’apprends et comprends la rigueur, je remets sans cesse mes planches en question, le travail demandé permet

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d’apprendre. Tel un sportif qui s’entraine chaque jour pour progresser, l’architecture engage l’approfondissement du travail et des connaissances. C’est en suivant les enseignements théoriques de Licence 2 que je comprends que l’architecture n’existe pas seulement par le dessin mais qu’elle est contextualisée. Elle est destinée à être vécue, expérimentée, traversée. La profession prend son sens avec la mise en relation des enseignements du premier semestre de la licence 3. Le monde moderne a créé des contre-sens pour répondre à des problèmes contemporains. La production de masse, la spéculation foncière éteignent petit à petit les fondements de l’architecture. L’art de bâtir, que je continue d’apprendre en projet et en rédigeant un article de presse sur la libération du cadre architectural en référence à Rudy Ricciotti, se perd en oubliant de véritablement considérer l’usager. Il s’agit de comprendre le parc urbain en place, d’évaluer les erreurs produites. L’enseignement me donne un esprit critique: ne faut-il pas remettre l’usager au centre de l’architecture? Ne faut-il pas engager le projet architectural dans un travail approfondi incluant l’usager dans un espace? Je considère aujourd’hui que les architectes doivent réellement se nourrir des erreurs passées et doivent travailler en relation avec des corps de métier complémentaires afin de tendre vers une cohérence d’intervention. Que ce soit en phase de conception mais aussi après la livraison, le projet architectural ne doit pas être figé, les espaces doivent être pensés en liant usages, usagers et temporalité. Une construction est livrée pour être vécue, expérimentée et s’inscrit dans une société mouvante. Le retour sur ces quatre premières années d’études retrace le chemin de ma jeune pensée architecturale. La licence m’a ouvert sur l’analyse critique qui permet l’apprentissage

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et la connaissance des pratiques qui ont fonctionné ou débouché sur des échecs. Cette phase des études fait émerger des questions plus qu’une pensée architecturale. C’est avec l’enseignement de licence 3 que j’ai commencé à me positionner sur une vision du métier. Le projet architectural devrait d’abord re-considérer le quotidien de ses futurs usagers. C’est alors pour cela que penser une architecture pour un usager en considérant la recherche in-situ pourrait tendre à proposer de beaux moments de vie. Cette pensée s’est donc formée sur des analyses et une mise en relation de l’apprentissage théorique avec la pratique du projet.

Je me considère aujourd’hui dans la deuxième

phase de mon apprentissage du métier d’architecte. Il me semble que ces études révèlent trois étapes importante en terme de connaissance et de maîtrise du projet. Ce j’appelle ici la forme architectural s’avère être la première étape. L’enseignement de première année ainsi qu’une partie de celui de deuxième année nous pousse à comprendre les proportions géométriques et architecturales afin de nous donner les outils de compréhension et de représentation primordiale pour la pratique de l’architecture. Pour ma part, j’ai ensuite rapidement compris, non pas par science exacte mais par sensibilité, que l’architecture n’était pas seulement qu’une question de forme et qu’une pensée strictement formelle se risque à la formation de contresens.

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Du système fomel ...

En échec face à une première année synonyme

de découverte du travail et de l’organisation, je redouble. L’enseignement de projet propose une approche formelle de l’architecture par le re dessin et la re composition de maisons d’architecte afin de nous sensibiliser à l’importance de la représentation. Le redoublement ouvre une facette nouvelle qui va transformer mon approche de l’architecture. En effet, la 1

recomposition en plan et en maquette de la villa Stein de Le Corbusier me permet de comprendre les objectifs de l’enseignement de projet de première année. Pourquoi l’architecte a pensé un mur, un espace, un volume et comment le met-il en oeuvre dans sa production? La trame, les proportions, les épaisseurs de murs, tel espace pour tel usage, le lien entre le plan et l’élévation. L’architecture est une composition d’éléments mise en relation par leur définition propre. Le Corbusier propose une vision très radicale de l’architecture, en témoignent les 5 principes fondamentaux de l’architecture moderne, sur lesquels nous reviendrons plus tard, mais il nous permet d’acquérir les bases de la 8 10

1. Construite en 1927, 1928. Villa située à Garches, Hauts-de-Seine. Villa ‘‘ terrasse’’


compréhension et de la réflexion spatiale. Ainsi, le travail va être conditionné par le re dessin d’abord analytique de la trame jusqu’au montage du projet en axonométrie permis par la maîtrise des épaisseur et des surfaces. A chaque dessin la précision augmente, la compréhension s’affine et le corps se projète plus facilement dans le tracé. « L’architecture est la sculpture du vide », je comprends petit à petit cette phrase de Dominique Putz, enseignant de projet en Licence 1. En traçant le plein je me projète dans l’espace que génèrent les traits. Comment est ce que je me comporterais dans cet espace? Quelle aurait été l’effet de ce mur si il avait été plus fin? Pourquoi avoir articulé ces volumes ensemble? Je comprends que maîtriser le plan et la coupe permet une mise en volume immédiate d’un projet. Le travail du Corbusier sur l’importance de l’espace à proportion humaine avec le Modulor me propose une première vision intéressante de l’architecture. Comment rendre un espace agréable si ce n’est en le pensant pour un usage ou un usager? Ce premier réel contact avec une vision architecturale m’ouvre sur le travail ; je cherche à maîtriser ce que je fais et pourquoi je le fais. Si je dois recommencer, je recommence. Si je dois revenir en arrière, je reviens en arrière. Si je dois corriger une erreur, je la corrige. J’apprends la rigueur, gage d’efficacité. Le Corbusier maîtrise l’espace en y incluant l’homme comme facteur de proportion. Les formes que je dessinais au collège ne résultaient pas d’une réflexion spatiale. Avec ce travail, j’acquiers l’importance de la maîtrise des proportions du plans et des volumes qui permet la formalisation d’une architecture lisible et équilibrée. Le souci du détail, de la précision, de la lisibilité. L’esthétique du plan et les qualités spatiales qu’elle engendre me paraissent fondamentales

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Travail effectué en redoublement de licence 1. Exposition du rendu des plans, coupes, élévations et axonométries. Maquette.

Photographies des façades de la villa Stein, le Corbusier

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Travail et projet d’Eisenman. Importance de la représentation géométrique. Projet de villa faisant resortir la structure et rentrer les façades à l’intérieur du bâtiment.

Travail de C.Rowe, Collage City, 1978. Repenser la ville par sa représentation et en la considérant comme un édifice à elle seule.

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dans la pensée architecturale. Afin de tendre vers cette maîtrise spatiale, je considère depuis ce redoublement que le projet n’est jamais fini. Remettre son dessin à l’ouvrage engendre une richesse du plan, du volume à la taille d’une menuiserie. Le travail permet de mettre en cohérence des surfaces, des espaces, de justifier des proportions par la prise en compte du corps dans les volumes créés. Cette vision architecturale est reprise en troisième année dans l’enseignement théorique par le biais du travail d’Eisenman 2

et Rowe qui positionne la représentation au centre

2. Critique britannique d’architecture au cours du XX° siècle.

d’une pensée formelle axée sur la lecture de la forme et l’évolution des systèmes. En effet, en développant des

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villas qui découlent d’une version précédente, Eisenman

propose une architecture de la forme décontextualisée et génératrice d’espace décrochés de l’usage. Il génère une architecture où le travail des liaisons, de la structure et du volume pur prennent le dessus sur l’usage. En opposition au fonctionnalisme en place à la sortie de la seconde guerre mondiale, son architecture est ‘‘orientéeobjet’’. Si l’approche esthétique et formelle donne à penser la construction comme simple acte de beauté, la théorie fonctionnaliste ouvre une nouvelle dimension dans l’apprentissage. C’est donc avec le mouvement moderne que je me suis construit les bases de mon travail sur cette année de redoublement. La forme en architecture, qu’elle soit pure, géométrique ou réfléchie par la proportion humaine, est pour des architectes comme Le Corbusier, Gropius ou encore Mies Van Der Rohe le principal axe de réflexion afin de donner à la profession ses lettres de noblesse. En effet, il me semble que chacun des architectes qui nous a était

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3. Architecte et théoricien américain Figure du déconstructivisme et du mouvement post-moderne


donné d’étudier ou de découvrir au cours de la licence ont chercher à faire évoluer l’architecture avec comme objectif commun de lui donner raison d’exister face aux crises financières, politiques, face aux révolutions industrielles. Ainsi, le mouvement moderne s’inscrit typiquement dans cette idéologie en utilisant la sortie de la Première guerre mondiale comme tremplin de recherche et d’instauration de principes fondamentaux. Le Corbusier met en place au cours des années 20 une pensée du prisme pure qui propose une architecture marquant un retour à l’ordre et aux formes géométriques élémentaires. Il va d’ailleurs amener le mouvement du purisme en 1918 avec Amédée Ozenfant en réponse au cubisme et à ses dérives irrationnelles. Comme nous l’avons vu précédemment, il réfléchie la forme par la proportion du corps physique de l’homme et arrive à créer des normes de mobilier, d’hauteur et d’espaces en relation direct avec la taille du corps. Il inventera donc le Modulor en 1944, corps parfait qui permet de générer des espaces bien proportionnés. Finalement, le Corbusier tends vers une mondialisation de l’architecture en instaurant dès 1926 les principes fondamentaux d’une architecture moderne que sont les pilotis, les toits-terrasse, le plan libre, la fenêtre en bandeau et la façade libre. Ces grands principes visent à ce que l’architecture se suffisent à elle même et c’est durant la reconstruction après la Seconde Guerre Mondiale que ‘’son unité d’habitation à grandeur conforme’’ va être mise en œuvre et révéler toute son idéologie. Très totalitaire à mes yeux, cette architecture est autocentrée puisqu’elle propose tout les services possibles à la vie (commerces, équipements sportifs, crèche, école, logement, espaces publics …) en son sein. Si les habitants sont satisfaits de leur habitat, il n’en est pas moins notable que ce dispositif

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oublie l’évolution des modes de vies, des usages et la prise en compte du changement des usagers. Pour preuve, les habitants d’aujourd’hui ont pour la plus part réaménagé leur appartement qui malgré une conception pensées pour l’homme et pour une appropriation de l’espace, ont été dessiné sur des principes d’utilisations difficilement adaptables à travers les époques. Les parois coulissantes, le mobilier adapté à l’appartement ont maintenant perdu leurs qualités puisque les modes de vie ont évolué et les habitants ne sont plus les mêmes qu’à l’origine du projet. Ce début de critique rejoins alors celles dont le mouvement fonctionnaliste à du faire face. En effet, nous abordons en licence 3 toute la période de reconstruction des années 50 60 en réponse à une grande demande de logement à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale. Cette période a dû faire face aux destructions de la guerre en adaptant au plus vite ses modes de construction afin de palier à la pénurie de logement. C’est pourquoi une architecture démocratique c’est mise en place et a proposé une typologie de grands ensembles permettant une densification rapide de l’habitat. Cette architecture démocratique a alors privilégié la production de masse par les grands groupes du bâtiment et les ingénieurs afin de donner au plus grand nombre une habitation acceptable, voir de qualité pour l’époque, du moins à l’échelle du logement. Effectivement, nombre de personnes ont découvert les plaisirs d’une cuisine individuelle, de salle d’eau individuelle, de services très simples et très pratiques qui permettaient de bien vivre. En revanche, par souci de rapidité et de densité, les concepteurs des grands ensembles ont oublié de prendre en compte l’espace public, de prendre en compte la réflexion sur la forme du bâti. Après la reconstruction de Berlin en 1951, Christian Norberg-

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Photographie de ‘‘la muraille de Chine’’, à Saint-Etienne. Monotonie de la façade.

Axonométrie de la Villeneuve, Grenoble, en l’état existant.

Axonométrie de la Villeneuve avec la proposition d’ouverture sur les alentours et le centre ville à plus grande échelle. Les projets de destruction apparaissent et rendent visibles les espaces d’ouvertures.

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Schulz critiqua cette typologie en dénonçant l’intégration aléatoire du bâti dût à une décontextualisation voir une indifférence du site. A l’image de l’unité d’habitation de le Corbusier, Norberg-Schulz nota une uniformisation des plans menant à un totalitarisme architectural. Finalement, ces grands ensembles ne permettaient et ne permettent pas encore aujourd’hui d’habiter, ils jouent un rôle d’abri pour des personnes qui ne pouvaient à l’époque que vivre dedans et aujourd’hui pour des personnes qui n’ont pas les moyens de vivre ailleurs. Pourquoi ? Les formes n’ayant pas été pensé en relation avec les

usagers et le contexte ni dans un processus de

développement urbain, les grands ensembles sont en général aujourd’hui devenus des non-lieux à l’écart des

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activités urbaines. Je citerais ici la ‘’muraille de chine’’ de Saint-Etienne qui proposait un habitat situé dans

4. Construit dans les années 60, cette barre été le plus grand bâtiment de logement d’Europe.

une barre de 280 mètres de long sur 48 mètres de haut. Comment s’approprier cette architecture ? Comment lier cette architecture à ce qui l’entoure ? Sa destruction en Mai 2000 marquait bien le changement de politique en place depuis les années 80 90 visant à dé-marginaliser, 5

à désenclaver les grands ensembles. La Villeneuve à Grenoble note une approche différente dans l’évolution de cette typologie d’habitat de masse par des programmes de réflexion urbaines et architecturales posant la question du lien entre le tissu urbain actifs d’une ville et ses périphéries. Ainsi, le projet est aujourd’hui d’ouvrir, par des destructions ciblées, la bâti au reste de la ville en travaillant le lien entre le parc de la Villeneuve, le tram et donc le centre ville. Finalement, il s’agit de penser ces zones urbaine comme des potentiels d’activités faisant partie intégrante du processus de développement urbain. Relier ces espaces aux potentiels de la ville en revient donc à réfléchir sur le

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5. Créé en 1972, ce projet est à l’époque novateur par son architectur, sa diversité d’habitant et de service.


contexte d’une intervention, sur le quotidien de l’architecture et des personnes qui la mettent en action. Que ce soit en réhabilitation ou sur du neuf, il me semble que cette réflexion doit être mise en place afin d’éviter de re-créer les problèmes auxquelles nous faisons face aujourd’hui.

Je pense qu’aujourd’hui l’architecte doit penser sont projet dans une société de flux. L’usager est constamment en mouvement. Le projet doit être pensé à différentes échelles afin de s’inscrire autant dans un contexte proche que lointain. De cette manière, il pourra répondre à la pratique quotidienne des usagers et leur permettre de s’approprier les espaces générés par l’intervention. En effet, imaginer un projet d’architecture ne relève pas simplement de l’intuition spatiale ou formelle que l’architecte peut ressentir face à un programme. Il s’agit de raisonner sur des échelles spatiales et temporelles allant plus loin que la simple fonction d’un bâtiment. Un programme de projet s’inscrit toujours dans un contexte social, topographique, humain, typologique et situé. Répondre à ce programme vise à positionner son intervention architecturale au centre de ces données afin de permettre à l’usager de comprendre et de parcourir logiquement l’oeuvre architecturale. Au cours de stages, j’ai compris que la décision d’implanter un nouveau bâtiment et le choix de son emplacement appartiennent au maître d’ouvrage. Toutefois, pour élaborer son projet, l’architecte doit étudier les aspects sociaux et urbains car l’insertion d’un bâtiment dans un site va transformer l’usage que les personnes en ont. Une réflexion approfondie sur cette transformation, lors de la conception du projet, peut infléchir les pratiques à venir. Si Eisenman décontextualise complètement

son

intervention

afin

de

positionner

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Croquis de Renzo Piano montrant bien la volonté de compacité d’un bâtiment en plateau lié à la ville par une grande esplanade.

Photographie aérienne du Centre Pompidou montrant bien le contraste architectural que le projet instaure.

Photographie nocturne de la façade sur esplanade laissant bien apparaître tout les espaces et éléments de services à l’éxtérieur de l’enveloppe.

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l’architecture au centre du problème pour lui rendre toute son autonomie, il me semble qu’il en oublie que l’architecture est destinée à être vécue. Les espaces projetés sur des plans en deux dimensions seront ensuite destinés à être activés. C’est donc par l’activation de ses espaces que l’architecture doit révéler toute la richesse introduite par le dessin. Hors, activer un espace se détermine par la fonction qui est remplie en son sein mais aussi et surtout par les flux humains qui vont le traverser. Faire de l’architecture c’est donc repérer ce qu’il y a de juste dans un contexte afin de comprendre pour qui, pour quoi et comment cette architecture va être réalisée. Trouver ce qui est juste se pose alors en acte fondateur du projet puisqu’il découle de l’expérience du site, de l’observation objective. Contextualiser son intervention en revient alors à se laisser porter par les qualités qu’un site nous offre afin de récupérer le plus de qualités possibles pour la future architecture à penser. Il est en effet toujours plus agréable de se laisser porter que de porter, de comprendre plutôt que de subir. De ce fait, le travail de la forme architecturale n’en devient que plus intéressant car il découle d’une réflexion contextualiser donnant à l’architecte une légitimité dans sa projection formelle du projet. Une des architectures qui nous est souvent présentée au 6. Les deux jeunes architectes remportent le concours international présidé par J.Prouvé en 1971. Le musée est construit en 1972 et 1978.

cours de la licence est celle du Centre Georges Pompidou 6

à Paris. Les architectes Renzo Piano et Richard Rogers

ont conçu un bâtiment très compact, concentrant ainsi les surfaces d’activités requises sur une emprise minimale au sol. Cela leur a permis d’offrir à la ville une grande place dont le succès urbain est encore aujourd’hui au rendez-vous. La compacité de l’équipement a été possible grâce à la conception particulière visant à rejeter tous

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les espaces et matériels de service à l’extérieur des plateaux d’expositions. Ainsi les escalators, ascenseurs et autres gaines d’aération disposées sur les deux façades principales ne représentent pas un jeu stylistique mais un propos architectural d’ensemble qui fait vivre l’équipement dans sa ville : un musée constitué de grands plateaux libres, capables d’adaptation, accompagné d’un parvis monumental. L’insertion de ce bâtiment, dont l’architecture dite de raffinerie fut si décriée lors de son édification, est symptomatique de la complexité de l’acte architectural capable de proposer une insertion réussie, faite d’une juste adéquation entre le programme du bâtiment et le lieu dans lequel il s’inscrit en ne jouant d’aucun mimétisme formel. Cet exemple reflète très bien une autonomie de l’architecture pourtant penser dans un rapport au site primordial. La forme répond donc à ce besoin d’espace libre au sol qui inscrit complètement le projet dans son contexte malgré sa confrontation de style avec l’architecture du quartier. De plus, cette réflexion articuler entre le site et la forme permet une nouvelle appropriation du tissu urbain par la mise en œuvre de la place publique se prolongeant en rezde-chaussée du musée. Pour être plus précis, contextualiser son intervention en revient aussi à prendre en compte le rôle des éléments fondamentaux liés au climat, à la nature de la roche du terrain d’assise, à l’eau de surface ou souterraine. Aller plus loin que l’accroche sociale ou urbaine permet au bâtiment de s’apprécier dans son interaction avec ces éléments. Ainsi, la conception doit prévoir l’effet de ces données, mais elle doit aussi anticiper la transformation de l’environnement introduite par la nouvelle construction. D’un point de vue architecturale, j’ai appris et compris que l’ effet des données inhérentes au site va influer sur la nature des ouvertures

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Rendu personnel partiel du projet de logement à Berriat. Importance de l’orientation Est/ Ouest afin de gérer une organisation spatiale intérieur entre les espaces diurnes et les espaces nocturnes. La typologie en pation permet d’éclairer la totalité d’une petite maison de manière naturelle et participe à l’aération naturelle du bâtiment.

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du bâtiment, l’aménagement des volumes intérieurs en fonction de l’exposition et de l’ensoleillement. La qualité de la lumière est partie intégrante de l’architecture : des ouvertures au Nord répandront une lumière diffuse particulièrement appréciée des ateliers d’artiste, les fenêtres ouvertes sur le Sud et l’Ouest s’exposent au rayonnement solaire direct. A l’inverse, le bâti pourra protéger l’habitation humaine des effets néfastes du climat, pour assurer une régulation thermique. La configuration du patio, cour intérieure protégée du fort ensoleillement, est caractéristique d’un dispositif né, notamment, d’une prise en compte du climat. Les faibles ouvertures des maisons en terre du désert participent du même objectif. Le projet 7

de logement sur le quartier de Berriat qui m’a été proposé au premier semestre de la licence 3 m’a permis de penser à ces questions d’orientation, d’impact du bâti et de sa relation à un tissu urbain particulier. Ces quelques exemples montrent comment le dessin d’une façade, avec ses proportions de pleins et de vides, est toujours dépendant de l’ensoleillement. On comprend ainsi comment les notions d’ouverture, de porosité, de transparence en opposition à fermeture, étanchéité, opacité, sont convoquées par l’architecte aussi bien dans son propos conceptuel qu’en réponse à des contraintes physiques de l’extérieur. L’introduction d’une nouvelle architecture dans un territoire transforme l’environnement immédiat, à proportion de l’importance du bâtiment. Son élaboration implique le choix des matériaux et des équipements qui auront une incidence sur l’environnement, au sens global : la consommation excessive d’énergie pour le chauffage ou le rafraîchissement, l’utilisation de matériaux qui ne se renouvellent pas ou consommateurs d’énergie lors de leur fabrication, la diminution de la porosité des sols avec les

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7. Projet du studio David. Programme de logement accordé à un projet d’activité. Ce projet se situe en brdure du parc Marliave, Berriat, Grenoble.


constructions minérales, l’usage d’eau propre pour des emplois qui ne le nécessitent pas, sont autant d’effets de la construction architecturale sur l’environnement qui peuvent être améliorés lors de la conception et ainsi placer l’acte architectural dans une perspective de développement durable. Nous commençons à approcher cet aspect du projet par les cours de thermiques et d’ambiances mais je pense que chaque étudiant doit approfondir cette question. Des solutions existent déjà ; il devient urgent de les développer. Certains pays d’Europe, comme l’Allemagne, la Suisse, et les pays scandinaves, ont fortement progressé dans cette réflexion. En France, de plus en plus d’architectes réfléchissent et travaillent dans ce sens. Une nouvelle approche de la responsabilité de l’architecte et des acteurs liés au secteur du bâtiment apparaît, éminemment dépendante des rapports que l’architecture entretient avec son environnement. C’est d’ailleurs sur cette idée de nouvelle approche que je continuerais cet écrit. Ma vision de l’architecture a en effet complètement évoluée grâce aux différents enseignements et ceux particulièrement de troisième année. Je pense aujourd’hui que l’architecture peut recouvrir ses responsabilités et dons sa richesse formelle par la mise en action d’une pensée de la forme, du contexte et du phénomène. Plus que la contextualisation, il s’agit de re-penser l’architecture par l’introduction du plaisir, de la sensibilité et des interactions que l’architecture doit produire entre l’homme et le monde.

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... Vers une approche phénoménologique

La deuxième phase ouvre alors l’architecture à un

monde bien plus vaste que la forme. Moi qui au collège ne dessinais que de beaux volumes, vision subjective, je comprends que l’espace doit être penser pour rendre agréable son utilisation à celui qui l’occupe. Sculpter le vide oui, mais une majorité du vide que l’architecte sculpte est vouée à être occupé par des usages et des usagers. Usagers qui agiront à l’échelle proche après avoir circuler dans des échelles plus vastes. Penser à toutes ces articulations d’échelles, l’articulation entre la forme du projet et son contexte, peut et doit participer à enrichir la production architectural. Je me pose alors la question du beau en architecture, qu’est ce qui permet de dire qu’un projet est beau, est réussi ? Comment arriver à lier la beauté du plan et la beauté de l’expérience ? 8

C’est une conférence donnée par Rudy Ricciotti a l’ENSAG qui va faire naître en moi un premier déclic dans mon approche architecturale. En effet, lors de cette conférence, l’architecte provincial va porter une critique sur l’enseignement donnée dans les écoles d’architectures françaises. Il s’oppose aux références données, au manque d’expérience qu’accumulent les étudiants et à une

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8. Architecte spécialisé dans le béton ultra-performant. Réputé pour son bagoût et sa provocation. Conférence inaugurale de l’ENSAG en 2011.


Façade partiel du Pavillon Noir, à Aix-en-Provence

Photographies du MuCEM, passerelle, matérialité, découpage du paysage et ambiances

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vision de l’architecture dictée par le marché actuel qui ne permet pas aux jeunes architectes de s’épanouir en tant que tel et tend à appauvrir l’architecture face aux modèles normatifs. Ricciotti se positionne en tant qu’architecte libre, libre de penser son projet grâce à une maîtrise technique et une vision artistique du métier. Son pamphlet « HQE, la HQE brille comme ses initiales sur la chevalière au doigt », son livre/interview « L’architecture est un sport de combat », Rudy Ricciotti pose des mots sur sa pensée. L’homme a appris le travail, la recherche et la culture. Pour lui, l’architecte doit se démarquer en construisant un propos architectural basé sur la maîtrise d’un site, de la technique et de l’artistique. Son double cursus lui permet d’allier la puissance de création à une culture constructive réfléchie. Le retour à la liberté de créer, de penser, d’imaginer permettra la richesse architecturale. L’architecture doit être fort d’une narration. Comme un écrivain écrit un livre, la cohérence du propos architectural né d’un processus narratif. La narration d’un projet fait appel à la maitrise des corps de métiers du bâtiment et à une forte main d’oeuvre qui inscrivent la discipline dans une chaîne de réflexion. L’architecture, l’accordéon. Si l’architecte articule bien chaque pièce de l’instrument, l’air entre sans encombre dans le soufflet pour créer une mélodie. Une réalisation est embellie par une mise en oeuvre maîtrisée 9

qui illustre l’acte de travail. Dans une conférence, Ricciotti

9. l’ESAD,

Conférence Valence,

à 2013

parlait d’un fait de construction durant la mise en oeuvre 10

du Pavillon Noir. Lorsque Ricciotti constata que le coffrage d’un élément avait craqué et que le béton était déformé, il préféra conserver ce défaut de construction en signe de respect de l’ouvrier et comme une illustration de la prise de risque, facteur de réussite.

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10. Centre National chorégraphique d’Aix-en-Provence, réalisé en 1999 et inauguré en 2006.


Outre son opposition au système en place qui laisse l’architecture dépendre de plus en plus des normes drastiques (écologie, PMR, PLU), j’ai beaucoup apprécié cette idée que l’architecture doit être une narration, une musique. Finalement, notre métier doit absolument faire entrer en jeu l’aspect sensible de la création, car plus que de la construction, l’architecte est voué à proposer des instants de vie lorsqu’elle est traversée. C’est en visitant le 11. Le MuCEM se situe à Marseille en face du fort St-Jean. Il a été inauguré en Juin 2013 après presque 10 ans de conception et de réalisation.

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Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée que j’ai ressenti cette réflexion sensible de l’architecture

dont parle Rudy Ricciotti. Bâti à coté du Fort Saint-Jean à Marseille, le MuCEM propose deux sites tournés vers la Méditerranée. Les passerelles reliant les sites marquent la relation entre deux mondes, Orient et Occident, liés par l’histoire. Elles rythment le paysage. La résille en béton, rappelle du moucharabieh traditionnel des pays arabes, illustre la recherche technique et artistique. L’expérience du lieu est remarquable. Si la critique se tourne vers l’installation de rideaux pour palier aux apports lumineux trop importants pouvant abimer les œuvres présentées, je comprends en visitant le musée que l’architecte à tout simplement choisi d’imaginer un lieu. D’ailleurs, en discutant avec des marseillais, j’ai compris que le bâtiment était plus utilisé comme espace de détente et d’observation, comme lien urbain entre le fort et l’esplanade que comme un musée que l’on visite. Et c’est là que l’architecture prend tout son sens à mon avis. Bien sur nous pourrions reprocher à l’architecte d’avoir délaissé la fonction première à laquelle doit répondre son projet mais il a créé un objet architectural qui vient mettre en valeur se site en bord de mer et qui, pour ma part, m’a laissé sans voix quand à la finesse de ses relations avec son site. Ces passerelles qui rythment l’accès, cette résille qui joue avec la lumière et le vent,

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cette place en toiture, autant d’éléments qui m’ont ouvert les yeux sur ce que doit être une architecture réussie. Je ne pense pas que Ricciotti ce réclame de la phénoménologie mais je vois des ressemblance entre ce que dit et créé cet architecte et l’enseignement de philosophie qui nous est donné à suivre en licence 3. Cet enseignement est d’ailleurs venu creuser mon développement architectural pour tendre vers une compréhension plus fine de ma nouvelle vision du projet architectural. C’est pourquoi je tends aujourd’hui vers une approche phénoménologique de l’architecture, courant dans lequel s’inscrit ma jeune vision développée au cours de cette licence à l’ENSAG

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Dans ‘’Bâtir, Habiter, Penser’’, Martin Heidegger pose le projet architectural comme introduction de nécessité et de

12. Philosophe Allemand, élève d’Edmund Husserl, théoricien de la phénoménologie. Il est le précurseur de la philosophie post-moderne.

sens face à un site. Si le travail d’Eisenman sur la forme architecturale pure est une base que tout architecte doit avoir, il ne faut pas laisser de côté le site sur lequel nous, architectes, allons intervenir. Je rejoins cette penser qui vise à positionner un projet comme révélateur d’éléments déjà en place. Faire éclore un site grâce à de l’architecture est un geste très fort, très puissant demandant un travail de compréhension et de recherche poussée afin de justifier chaque traits du projet architectural. Ce travail se base alors sur l’expérience vécue face à un site, un paysage, un tissu. La phénoménologie est en effet une étude de phénomène par l’analyse, la prise de conscience d’une sensation vécue. C’est cette notion de vécue qui m’importe depuis deux années et le projet proposé en deuxième 13

semestre de deuxième année nous proposant d’aménager un espace d’activité pour le surf au Nord de Grenoble. J’ai effectivement pris beaucoup de temps à analyser, relever

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13. Projet du studio Migozzi. Espace d’activité bar/surf sur les berges de l’Isère, Nord de Grenoble, dans un site peu construit par l’homme.


Rendu individuel partiel du projet Surf. Après une expérience du site, le projet c’est décroché des berges afin d’offrir une parenthèse de vie sur l’Isère qui offre un panorama différent sur les berges, le paysage, les infrastructure et l’eau. Il s’agit de redonner de la vie à cet entredeux ponts en proposant un projet susceptible d’amener de l’activité sans dénaturer le presque naturel du site.

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les éléments qui structuraient le site, qu’ils soient naturels ou impactés par l’homme. Se travail d’expérience du lieu à été le fil conducteur du projet de l’esquisse jusqu’au rendu final. Face à un site peu attirant sur un point de vue d’ambiances et d’activités, j’avais ainsi décidé de me décrocher de la terre afin de donner à voir les alentours en créant une parenthèse architecturale donnant à voir et à expérimenter le lieu d’une autre manière. Le projet ne pouvait être compatible qu’avec son site propre car il répondait à l’expérience que j’ai eu de celui-ci. En revanche, je n’avais pas encore la sensation que se positionnement répondait à une approche phénoménologique du projet. C’est par l’enseignement philosophique du deuxième semestre de troisième année et par la découverte de philosophes comme Heidegger ou Bachelard ainsi qu’une analyse différente des projets de 14

Peter Zumthor que j’ai commencé à me reconnaître dans ce courant. Dans Penser l’architecture, Zumthor dit que ‘’ la construction est l’art de former à partir de nombreux éléments un tout cohérent ‘’. Tout en comprenant et en respectant les approches formaliste ou fonctionnaliste, je trouve que ces deux courants ne considèrent pas tout ce qui pour moi permet une architecture réussi. Dans cette phrase, l’architecte retranscrit très précisément cette notion de travail par ce qui entoure un projet d’architecture. Vivre un site est une chose complètement différente que de l’analyser par des données physiques ou quantitatives. J’aime m’asseoir sur un banc dans la ville, j’aime m’accroupir face à un paysage naturel afin d’observer les phénomènes et les éléments qui composent l’espace dans lequel je me trouve. L’approche philosophique de l’architecture fait donc intervenir l’idée de la place du corps dans l’espace, pas du corps simplement physique mais aussi du corps conscient qu’il inter-agit avec ce qui l’entoure. Comme le futur usager

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14. Architecte Suisse, lauréat du prix Pritzker en 2009 pour le projet du Palacio de la Legislatura, en Argentine.


Photographie du projet de la chapelle de Saint-Nicolas de Flue, en Allemagne. Importante de la relation objet/site, rapport au sol et au ciel. Matérialité monolithyque à l’éxtérieur qui contraste avec celle de l’intérieur donnée par la mise en oeuvre du projet avec un coffrage brulé après coulage.

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qui va parcourir le bâtiment, l’architecte a, à mon sens, ce devoir d’expérimenter l’espace sur lequel il va intervenir. J’aime beaucoup le raisonnement que propose Bachelard, repris par Zumthor, qui explique que l’acte fondateur d’une architecture est le souvenir d’enfance, le souvenir d’endroits où l’on se sens bien et donc d’objet esthétiques par le plaisir, le bien être qu’ils procurent. La plupart du temps, ce plaisir du souvenir est procuré par la sensation d’avoir été pleinement soi-même lors des expériences de ces lieux. La découverte du projet de la chapelle de Saint-Nicolas de Flue a marqué une autre étape dans ma compréhension et mon envie de découvrir une arhcitecture différente. Cette chapelle pensée par Zumthor a été bâti par le paysan qui avait commandé le projet. Acte fort lié au quadripartisme heideggerien, le paysan voulais rendre hommage à Dieu pour le remercier de sa réussite. L’architecte a donc choisi de concevoir un monolythe au milieu des champs, sur un chemin de randonnée. Ce monolythe vient alors habriter une petite chapelle à l’échelle humaine avec un puit de lumière zénithale qui lie l’homme au divin. Je n’ai pas eu l’opportunité de vister ce projet mais j’aimerais beaucoup ressentir cet espace, cette relation édifice/territoire/ciel, sentir cet espace de rencontre et de méditation. Heidegger parlerait d’acceptation de sa double finitude qu’est notre présence sur Terre due au hasard et la conscience que nous somme voués à mourir. Accepter cette situation en revient alors a accepter l’immensité de l’espace dans lequel nous vivons. Ainsi, ce sentiment instaure une recherche permanente de la relation à tout ce qui nous entoure. Cette relation peut alors être trouvée en considérant que chaque programme d’architecture à une structure propre, un référant qui marque la qualité : la cheminée pour la maison, le rezde-chaussée pour les logements, le hall pour un musée, la

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place pour la ville etc... Partir de l’expérience vécue d’un site et du postulat que l’architecture doit permettre de lier l’homme au monde et à ce qui l’entoure, est une réflexion sensible du projet qui positionne la création au centre des relations et des influences. Qui influe sur qui ? Le projet dirige t’il l’usager ? L’usager donne vie au projet ? Ses questions me paraissent prépondérante dans ma jeune vision de l’architecture. Il s’agit que l’Homme se sente bien et trouve sa place dans un espace durant la courte durée que représente son passage sur Terre. S’épanouir, dans la société d’aujourd’hui, ne se fait pas seul. Les relations à l’autre sont obligatoires et doivent participer au bien être individuel. L’espace public prend alors toute sont importance pour donner un sens à chaque individualité dans un mouvement collectif. J’ai donc appris au cours de cette licence que l’Homme et l’Architecture. En effet, si l’homme exprime son caractère par la posture de son corps, par les mouvements qu’il produit, les vêtements qu’il porte, les traits de son visage ou le ton de sa voix ; un édifice exprime sa personnalité par sa position, son enveloppe, ses fissures, ses lignes, ses espaces et ses lumières. Chacun des deux expriment des émotions avec des langages différents. De la même manière que les hommes se rencontrent, les édifices se connectent et chaque jour les deux se côtoient, partagent des instants de vie. Pour aller plus loin, l’homme ne peut être sans l’architecture et l’architecture ne peut être sans l’homme. Effectivement, un édifice ne se construit pas seul, il a besoin de l’architecte et de l’artisan. Aussi, l’homme ne se loge pas seul, il a besoin de l’architecture. C’est dans se sens que je considère qu’homme et architecture doivent travailler ensemble pour construire un espace qui

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Plan et photographie de la Fallingwater House. A mes yeux, le plus beau projet que j’ai pu rencontrer ou étudier de par son architecture et son histoire. Le projet par simplement d’une idée des clients qui voulait pouvoir habiter sur le rocher sur lequel ils aimaient pique-niquer. La maison se developpe alors dans la nature de manière très organique malgrès des formes très rectiligne. On y va ici l’importance du foyer dont parle Bachelard puisque la cheminé est le coeur structurel et spatial de la maison. On retrouve devant la cheminée le rocher incrusté dans le sol intérieur si chère aux clients.

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Projet de Venturi montrant son principe de l’ambiguité et du hors d’échelle. Tout d’abord un centre de pompier dans l’Indiana aux Etats-Unis, réalisé en 1966, puis la Guild House réalisé à Philadelphie en Pennsylvanie en 1963. Son travail du hors d’échelle vise à agripper ses projets à l’urbain en connectant sur un même bâtiment la grande et la petite échelle.

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puisse tous nous recevoir. La construction devient alors architecturale mais aussi construction de la personnalité, le lien entre les deux est évident. Le cadre de vie d’une architecture pensée par le site et pour l’homme apparaît à mon sens bien plus riche pour ceux qui la traverse que l’architecture démocratique du milieu du XX° siècle voir même que l’architecture moderne et post moderne. Ces architectures nous ont montrer les bases, ont permis d’ouvrir des réflexions sur la manière de construire, de penser l’espace, d’accorder forme et usage, mais je crois et je n’engage que ma vision personnelle, qu’une approche différente est obligatoire afin d’accorder la production à son époque. J’en reviens à la relation homme et architecture, nous avons pu voir que beaucoup d’architecte ont réfléchi à la place de l’homme au sein de leur architecture. Il me semble que homme et architecture vivent et grandissent ensemble, dans un monde commun où chacun doit avoir sa place, son intérêt, sa valeur. La différence entre les deux se trouve dans la temporalité. Si l’architecture se construit et s’installe sur un temps long, l’homme lui n’est présent qu’une courte période. C’est en cela que l’expérience d’un site, l’étude de ses phénomènes peu amener l’architecture encore plus loin qu’une réflexion faite sur de simples usages. Lorsque je vois la maison 15

sur la cascade de F.L Wright, tout les éléments semblent s’accorder ensemble. La cheminé, la structure, le sol, chaque élément bâti prend en compte le site naturel et lui répond. Avec le temps, la maison donne l’impression d’avoir toujours était là, de faire partie intérante du site naturel qui a ainsi repris ses droit sur l’objet architectural. Rendre l’architecture pérenne doit se réaliser par la prise en compte du changement des sociétés, des flux et des usages, donc des sites. En résumé, l’architecte doit penser

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15. Architecte Américain de la première moitié du XX° siècle (année 60).


à l’appropriation qu’il va être fait de sa forme, de ses espaces. La question de l’imprévu, de l’ambiguïté. Dans son livre De l’ambiguïté en architecture, Robert Venturi dit cela : ‘’Ce que j’aime des choses, c’est quelles soient hybrides plutôt que pures, issus de compromis plutôt que de mains propres biscornues plutôt que sans détours, accommodantes plutôt qu’exclusives, contradictoire et équivoques plutôt que claires et nettes ‘’ Il s’agit vraiment de proposer des espaces dans lesquels les gens peuvent vivre en respectant leur volonté. L’ambiguïté peut permettre une multitude d’usage, une appropriation personnelle a chacun au milieu du groupe. De la même manière qu’une représentation graphique trop réaliste d’un projet ne permet pas de se projeter et d’en ressentir la qualités fondamentales, un espace trop propre, trop maîtrisé qui ne laisse aucun place à l’imprévu n’est pas un espace riche. Il n’est pas voué à s’enrichir de ce qui va le traverser. L’architecture n’est pas fixe, elle doit évoluer même après sa mise en œuvre. Denise Scott-Brown positionne l’architecture comme un moyen de se confronter aux problèmes urgents et immédiats plutôt qu’une planification d’utopie hors propos. Il faut alors partir de ce qui existe, se nourrir et se laisser guider par la vision, l’émotion d’un site. La forme découlera alors logiquement de toutes ces considérations et sera alors légitime, en harmonie avec le site et ses flux. En somme, l’architecture serait réellement un ART de BATIR.

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Conclusion

‘’ C’est ce que nous pensons déjà connaître qui nous empêche souvent d’apprendre ‘’ Gaston Bachelard

Il me reste logiquement deux ans avant d’être

architecte, trois ans avant de pouvoir signer mes plans. Finalement, j’en suis à la moitié de mon parcours d’étudiant. Quatre années d’études, de comment tracer un trait droit à la sensation que procure ce tracé. La maîtrise de la forme, la représentation enseignée comme base commune à tout architecte. Elle permet une projection directe dans un plan, dans une coupe. Elle rend lisible la pensée de l’architecte, souligne le caractère d’un projet. Souvent, j’entendais les correcteurs en studio dire ‘’ce plan est beau’’. Qu’est ce que cela veut dire ? Chaque être humain a sa propre vision du beau alors comment dire qu’un plan, une coupe, un aménagement est beau ? Aujourd’hui, je vois la beauté d’un plan dans sa maîtrise des proportions, des articulations, des distributions, par la gradation des épaisseurs, les rythmes des murs, sa relation au contexte. Cette recherche du beau architectural m’a inculqué la valeur du travail. L’esquisse est obligatoire pour déclencher un projet mais donner à l’esquisse la

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force d’exister s’obtient par le travail, la réflexion, le requestionnement. Faire évoluer son projet dans une remise en question permet de l’affirmer et de le rendre le plus cohérent possible. La cohérence d’un plan, la cohérence d’une coupe, la cohérence d’une ouverture, autant de points que la représentation permet d’acquérir. Mais, si cet enseignement fournit un socle solide à l’étudiant, il en oublie quelque peu d’ancrer l’architecture dans son contexte. A l’image d’Eisenman, l’architecture de la forme permet de réfléchir à de nouvelles façons de voir l’espace mais elle laisse de côté l’expérience du site sur lequel l’intervention est faîte. Faire un projet architectural, c’est intervenir sur un lieu à l’équilibre, ou au déséquilibre, propre. Comment justifier le projet dans une synergie en place ? Le XXI° siècle est confronté aujourd’hui aux conséquences de l’urbanisme du milieu du XX° siècle. Il s’agit alors de comprendre le passé afin de proposer une architecture vouée à être vécue à plusieurs échelles, du territoire à l’usager. L’urbain, dans une société de flux où la ville est en expansion permanente sur la campagne, est un facteur de réflexion sur lequel l’architecte doit se pencher afin de proposer des nouvelles manières de créer des projets uniques adaptés à leur contexte. J’aimerais devenir un architecte situé au milieu d’une chaîne de réflexion globale mettant en jeu plusieurs acteurs. Se positionner de cette manière me permettrait de me nourrir perpétuellement d’expériences et de personnes aux horizons différentes, de continuer d’apprendre par la production et la discussion. L’écologie, l’urbanisme, la scénographie sont autant de milieux prépondérants pour redonner à l’architecture ce pouvoir d’équilibre et d’écriture. Construire un bâtiment c’est écrire une histoire, une bonne

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histoire, pour des lecteurs. Proposer des parenthèses de vie adapter à son époque et en lien avec l’appropriation, présente et future, que l’usager va se faire des mots que l’on bâtit. L’équilibre de la nature, l’activité urbaine. En généralisant l’intervention de l’architecte sur ces deux contextes, je cherche à capter ce que le site peu apporter au projet et à ce que le projet peu révéler du site. Dans les deux cas, le projet est mis en mouvement par l’usager. Que ce soit physiquement ou par le regard, une personne donne vie à l’architecture par l’expérience et les sensations que celle-ci lui apporte. Il s’agit donc d’accrocher le lieu par un regard sensible afin d’accorder contexte, action et vécu. Le projet peut alors se nourrir des éléments en place, de la pensée de l’architecte et de la prise en compte de ce que va en faire l’usager. C’est dans ce sens que je veux maintenant orienter mon apprentissage. L’architecture phénoménologique est peut-être un terme radical pour la pensée d’un étudiant de troisième année mais je le perçoit comme une route, un axe de pensée à suivre. En captant les informations, je me forme un esprit critique qui débouche vers une pensée architecturale. A l’image de mes entrainements de judo où j’apprenais de mon professeur puis travailler les techniques ensuite, j’écoute, emmagasine puis travail afin de me donner toute les chances d’atteindre mes objectifs. Finalement, le sport et l’architecture partagent des points communs. Le travail, la remise en question et l’adaptation permettent, du moins participent, la réussite face à un maximum de situation.

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Bibliographie - Bouchain Patrick, Construire autrement, L’impensé ACTES SUD, 2006, 190 pages - Durand Jean-Pierre, La représentation du projet, La Villette, 2003, 223 pages - Heidegger Martin, « Bâtir, Habiter, Penser », Essais et conférences, Gallimard, 1958, Paris, p. 170-193 - Lefebvre Henry, CRITIQUE DE LA VIE QUOTIDIENNE II Fondements d’une sociologie de la quoitidienneté, L’arche éditeur Paris, 1980, 357 pages - Lefebvre Henry, Du Rural à l’Urbain(3° édition), Anthropos, 2001, 299 pages - Norberg-Schulz Christian, Genius Loci, Mardaga, 1997, 216 pages - Paquot Thierry, Demeure terrestre : Enquête vagabonde sur l’habiter, Europan, 2005, 187 pages - Piano Renzo, La désobéissance de l’architecte, Arléa, 2009, 159 pages - Ricciotti Rudy, , Le Gac Press, 2009, 103 pages - Ricciotti Rudy, L’architecture est un sport de combat, Textuel, 2013, 95 pages

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- Ricciotti Rudy, Conférence inaugurale de l’ENSAG, Grenoble, 2012 - Ricciotti Rudy, Conférence à l’ÉSAD, Valence, 2013 - Secchi Bernardo, La ville européenne contemporaine et son projet, by Yves Chalas, L’imaginaire aménageur en mutation, L’Harmattan, 2004, 340 pages - Zumthor Peter, Penser l’architecture, Birkhäuser, 2010, 112 pages

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ImprimĂŠ

chez

Alpha.Doc

Grenoble

Juin

2014

ENSAG

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