Arnaud Faverjon

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Arnaud Faverjon



Dès l’âge de 6 ans, je me trouvais dans cette salle de bain à la fenêtre calfeutrée, dans ce petit espace noir aux côtés de mon père à la seule lueur de la lumière inactinique posée sur la table, respirant pour la première fois les produits chimiques de la chambre noire, découvrant les premiers films sortant des cuves, les images apparaissant sur le papier plongé dans le révélateur. C’était il y a presque 20 ans, et je me trouvais à écouter parler le papier, à le voir prendre vie, et à bien certainement changer ma destinée. Le temps est passé, Ah oui beaucoup de temps, des années, des galères, des voyages, j’en ai traversé des océans, j’en ai parcouru des continents, j’ai fui , je suis revenu, j’ai eu ma jeunesse et mes années pour avancer, pour me consolider et pour enterrer les passés à oublier. Bref une vie standard d’un gamin à qui on a donné le goût de voyager, d’un gamin à qui on a tenté d’ouvrir les yeux sur le grand tapis du monde qui s’étale devant lui, à qui on a tenté d’inculquer de toujours garder les bras ouverts, de ne pas se renfermer et de toujours prendre le temps de se regarder d’un peu plus loin qu’au présent. Scientifique dans l’âme, petit poète dans le cœur, alors je me suis construit entre les bouquins de maths et la prose d’insolents manipulateurs de plume, accouchant d’un être qui trace son chemin entre les siens, d’un gamin d’alors 25 ans, torturé entre ses besoins de rigueur, son perfectionnisme ambiant, et son éternel besoin d’évasion et de liberté. Incompatibles bien certainement, voilà ce qu’on en dirait, alors qu’au final je m’en retrouve avec ma boîte à images, mes règles à calcul fixées dans la tête, paré pour ajuster exposition ISO et ouverture à l’instant, pour scinder les images en modulations, pour tracer les obliques qui viendront donner les dynamiques, pour faire vivre l’image au gré d’une toute belle rigueur, pour lui permettre de prendre sa liberté. La rigueur n’est pas une prison mais une clé à l’expression, un moyen nécessaire à la cohérence de l’évasion. Alors je me retrouve après tous ces années, comme un gosse qui dévisage le monde, à envisager les gens, à mettre la liberté de vivre et d’avancer au fin fond d’une boîte pour lui donner un petit air de réel, de l’argentique ou du numérique, il faut avancer avec son temps sans renier son passé, alors autant le cumuler, d’autant que j’y trouve à chaque instant de quoi m’en rassasier.


Dans l’eau et l’inconnu Partir au Laos s’est fait par hasard, une opportunité qui a débuté à Vientiane, capitale du pays, après un voyage long et compliqué. Un œil dans l’objectif, l’autre face à ce monde inattendu, avec ses champs rincés par les pluies tropicales caractéristiques de la mousson et le sourire permanent des laos. Au fil des rencontres et des regards curieux des enfants, on découvre cette réalité où il faut naviguer en pirogue pour traverser les zones inondées, où l’on traverse la forêt et les rizières sur un chemin détrempé, où l’on croise un éléphant domestique sur la route ou encore cette Mercedes de collection dans une ruelle paisible. Il y a aussi l’omniprésence du bouddhisme, de cette culture pleine de sérénité, le calme des journées qui renforce le sentiment d’irréel de ce petit coin d’Asie coincé entre la Chine, le Cambodge, la Thaïlande et le Viêtnam. Ici tout prend son temps, peut-être un peu trop, mais on y a le plaisir de découvrir un bout du monde inattendu, inexplicable.





















Shangri-La C’est au cours d’un voyage de 4 mois en Chine, dans la province du Yunnan, que j’ai découvert l’histoire mythique de Shangri-La. Inspirée du roman Lost Horizon écrit par James Hilton en 1933, cette ville à la frontière du Tibet incarne un paradis perdu, créé de toute pièce par les chinois en 2002. Cette cité millénaire, qui s’appelait auparavant Zhongdian, se situe à près de 3 300 m d’altitude et possède l’un des plus importants temples tibétains de la région. Il me fallut alors découvrir la réalité de cette ville, et c’est au travers de deux voyages successifs que j’ai pu découvrir la vie locale, les traditions tibétaines et l’influence chinoise. Perdue au milieu de la nature, coincée entre les montagnes, un esprit unique se dégage de cette cité. Les yaks bordent les routes, les maisons traditionnelles me transportent dans un univers jusqu’alors méconnu, et c’est avec les yeux remplis de magie et de sérénité que j’ai pu réaliser ces images. Cependant, dix jours après mon dernier voyage sur place, la vieille ville a été victime d’un incendie d’une ampleur phénoménale, dévastant la quasi totalité des habitations et délogeant ainsi l’ensemble de ses habitants. Outre la perte de bâtiments historiques, pour certains vieux de centaines voire de milliers d’années, c’est avec tristesse que je repense aux personnes installées là-bas et qui m’ont toujours accueilli très chaleureusement.































Distilleries Gwada La Guadeloupe possède à l’heure actuelle neuf distilleries encore en activité, produisant parmi les meilleurs rhums agricoles du monde. Intrigué par ces grandes bâtisses noyées dans le paysage guadeloupéen, je me suis alors intéressé à ce qui se passait derrière les grilles, les distilleries étant ouvertes au grand air. ,Les bâtiments sont articulés autour de machines à vapeur autonomes alimentées par la combustion de la canne à sucre broyée, dont le jus extrait est fermenté plusieurs jours puis distillé. Les alambics sont une autre pièce maitresse de chaque distillerie. Chaque colonne est spécifique grâce à des conceptions ingénieuses et les alambics produisent ainsi des rhums aux caractères différents. Les vapeurs de canne à sucre imprègnent les sens, la chaleur y est étouffante, le bruit de la machine à vapeur englobe toute la distillerie, les ouvriers crient en créole pour pouvoir se parler, les conditions sont rudes sous la chaleur humide des tropiques.











Boucherie Genillon C’est avec une extrême gentillesse que la boucherie Genillon m’a ouvert ses portes. Propriété du boucher du même nom, elle se situe dans le petit village de Villars les Dombes. Partisan d’une boucherie de qualité, c’est une multitude de produits artisanaux qui y sont proposés, allant de la boucherie traditionnelle aux plats traiteurs en passant par la charcuterie. L’ensemble de la fabrication est « faite maison » dans le laboratoire de l’arrière-boutique. C’est un univers magique où le froid remplit tout l’espace tandis que la musique de la radio grésillante vient nous distraire l’oreille. De la fabrication de saucissons à la découpe d’os à moelle en passant par la chambre froide où sont entreposées les carcasses, c’est un tour d’horizon complet de cette petite boutique traditionnelle que j’ai pu réaliser. C’est en repensant à mes 10 ans, lorsque j’étais en stage dans l’ancienne boucherie du village que m’est venue l’envie de me replonger dans cette univers, et c’est la faim au ventre que j’ai terminé la réalisation de ces images. Bercé par la lumière hypnotique des néons du laboratoire où chaque recoin est utilisé, cet univers pratiquement bichromique m’a fasciné, le bleu et le rouge s’accordant en permanence, créant un espace clos où seul le produit compte.













Arnaud Faverjon 54 rue du Bugey, 01 330, Villars les Dombes, France arnaud_faverjon@yahoo.fr www.arnaud-faverjon.fr




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