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GENESIS
Sebastião Salgado
L’HISTOIRE DU PAPIER
À l’origine furent le parchemin et le papyrus
PAPIERS SENSIBLES Argent, platine ou charbon…
STÉNOPÉ
Qu’est-ce que c’est ? Votre premier sténopé
OISEAUX TEMPÊTE
Musique et photo en osmose
WANG BING
Le témoin impitoyable de la métamorphose chinoise
SHANGRI-LA
Entre mythe et réalité
YANNICK ALLÉNO
Portrait d’un chef trois étoiles
Le papier, toute une histoire…
Directrice de la publication : Céline Faverjon Éditeur : Nicolas Bastien Directeur éditorial : Tristan Gevaux Rédactrice en chef : Manon Langlois Secrétaire générale : Christelle Heslot Conseiller éditorial : Dimitri Roland Direction artistique : Arnaud Faverjon Reportages et chroniques : Emmanuel Burdeau,
Marie Guichoux, Claire Moulène, Louise Merzeau
Ont aussi participé à ce numéro : Sébastien Redon Levigne, Arnaud Faverjon, Philippe Martin, Chris Mettraux
Comité éditorial : Kévin Guedj, Carolane Pernice,
Quentin Moretti, Hénoc Fernandes, Julie Loukine, Océnae Di Raimondo
Fabrication : DFS +, imprimerie Aix -
ZI les Milles - Actimart, 1 140, rue Ampère 3, allée des Ingénieurs -
13 851 Aix-en-Provence cedex 3 France.
Tél : 04.42.90.04.21.
Pour contacter l’équipe Filigrane : redaction@filigrane.fr 54, rue du Bugey -
01 330 Villars les Dombes - France. Tél : 07.71.11.83.49
C’est sur cette ligne directrice que s’articule toute la construction de Filigrane. De ses origines orientales à ses dernières innovations technologiques, le papier a traversé les âges et s’est vu emprint de l’histoire de l’humanité. Originellement conçu pour l’écriture et l’archivage, il s’est ensuite développé dans le mon de la photographie, nécessitant le développement de nouvelles techniques de nouveaux papiers. Lisse ou texture, épais ou fin, c’est un véritable charnel qui s’articule entre l’Homme et le papier, une osmoe qui fait que l’on appréciera plus ou moins ce qui lui est appliqué. C’est fort de cette constatation que Ilford s’est efforcé au fil de son histoire de développer une multitude de papier pour satisfaire les exigences de chacun. Du papier baryté à fibre d’antan aux derniers papiers RC plastifiés, l’histoire de la marque s’est façonnée avec les évolutiosn technologiques des papiers et des émulsions. Fort de cette expérience, de nombreux professionnels se sont tournés vers Ilford pour les tirages de leurs photos, c’est donc avec une extrême fierté que la marque est visible de par le monde au travers de multiples événements et demeure ainsi l’un des meilleurs défenseurs de ce support millénaire face à l’abondance du numérique de nos jours. C’est par nécessité que le papier survis, pour que les Hommes conservent ce rapport charnel avec leurs images, avec leurs écris. C’est donc avec joie que nous publions ce premier numéro de Filigrane. C’est grâce à l’ensemble de l’équipe enseignante et principalement à notre professeur d’Édition que ce premier numéro est possible.
Quoi de neuf dans la photo aujourd’hui ? p.6
PORTFOLIOS
9 Sébastien Redon Levigne Arnaud Faverjon Philippe Martin Chris Mettraux
6 — SOMMAIRE
CULTURE
14
14
Wang Bing Les trois sœurs du Yunnan p.16
Oiseaux Tempête Musique et photo en osmose p.16
Fur Un portrait imaginaire de Diane Arbus p.24
DOSSIER Genesis Sebastião Salgado p.30
28
PAPIER
40
L’histoire du papier p.42
Internégatif numérique p.48
Papiers sensibles p.44
Papiers numérique p.50
REPORTAGES
52
Shangri-La Entre mythe et réalité p.54
GASTRONOMIE Yannick Alléno Portrait d’un chef trois étoiles p.76
74
Festival internationnal de la photographie culinaire p.78
STÉNOPÉ Qu’est-ce que c’est ? p.84
7 — SOMMAIRE
Guadeloupe Dans les coulisses de rhums d’exception p.66
82 Votre premier sténopé p.85
Titan Harman p.86
QUOI DE NEUF DANS LA PHOTO AUJOURD’HUI ? thème ou par région, mais pensées comme un portfolio entraînant ceux qui le contemplent
dans un voyage autour du globe, les enve-
loppant dans la vision de Salgado pour leur
faire voir le monde à travers ses yeux et leur permettant, peut-être, de comprendre le sens
de la vie, comme la première fois que le photographe a regardé le monde à travers un viseur. 8 — QUOI DE NEUF
écouvrez les secrets de l’exposition à la page 24 D de votre magazine.
Henri Cartier-Bresson au Centre Pompidou De la fin des années 1920 à l’orée du 21e
siècle, le photographe s’est évertué à respecter son principe fondamental de vie et de vue.
Son génie de la composition, son intelligence
des situations ou sa dextérité à les saisir au bon moment, se sont dès lors le plus souvent
trouvés résumés dans la notion d’« instant décisif ».
La première partie de l’exposition, retra-
çant les années 1926 à 1935, est marquée par la fréquentation du groupe surréaliste, les
débuts photographiques et les grands voyages à travers l’Europe, le Mexique et les États-Unis. La deuxième période, qui commence en 1936, au retour des États-Unis et se clôt en 1946 avec
un nouveau départ pour New York, est celle de l’engagement politique, du travail pour la presse communiste, de l’activisme anti-
fasciste, du cinéma et de la guerre. Enfin, le troisième temps commence avec la création
Le livre de l’exposition enfin disponible Genesis est la très grande exposition de
Il y a deux ans quasiment jour pour
Sebastião Salgado, un hommage photogra-
jour, sortait le X100. Fujifilm créait la surprise
photographies imprimées sur du papier Ilford
rétro, ultra silencieux, doté d’un capteur
phique sans précédent à notre planète. Les 245 Galerie Prestige Gold Fibre Silk et exposées, au
terme de huit ans de travail et d’une trentaine
de voyages à travers le monde, sont présentées selon un parcours en cinq chapitres géogra-
phiques (« Aux confins du Sud », « Sanctuaires naturels », « Afrique », « Terres du Nord », « Amazonie et Pantanal »), qui sont autant de régions du monde explorées par Sebastião
Salgago pour nous révéler la nature de notre planète dans toute sa splendeur.
L’édition limitée (à 2 500 exemplaires),
de l’agence Magnum en 1947 et se termine au
conçue et réalisée par Lélia Wanick Salgado,
Cartier-Bresson arrête le reportage.
tos grand format qui ne sont pas classées par
début des années 1970, au moment où Henri
Fujifilm X100s
présente de superbes reproductions de pho-
avec un boîtier assez compact, furieusement APS-C et d’une focale fixe équivalent 35 mm lumineuse, l’arme rêvée pour le tout reporter qui se respecte. Seulement, il fallait faire avec
quelques tares, pas insurmontables mais parfois pénibles à la longue. Le X100s se propose aujourd’hui de faire oublier tous ces mauvais souvenirs.
SFR Jeunes Talents Rencontres d’Arles 2014 Pour la neuvième année consécutive,
Nouvelle ligne des produits ILFORD Multigrade Baryté
SFR est partenaire du rendez-vous incontour-
Ilford Photo présente une nouvelle
nal « Les Rencontres d’Arles Photographie ».
gamme de papiers à contraste variable et
support Fibres Baryté, constituée d’un papier-
nable de l’image réunissant professionnels
et amateurs de la photo : le festival internatio-
Vous avez jusqu’au 27 mars à 14h pour
présenter une série de 5 à 15 clichés en HD
Multigrade FB Warmtone.
peut-être sélectionné pour exposer votre tra-
Cooltone FB qui vient complémenter l’actuel
Faisant suite à un important programme
R&D, des améliorations significatives ont été
apportées à ce papier qui a été rebaptisé sous le nom de Ilford Multigrade FB Classic. Le nou-
autour du thème de votre choix. Vous serez
vail durant cette édition 2014 des Rencontres, qui auront lieu du 7 juillet au 21 septembre
2014. Le tirage des lauréats est offert et sera réalisé sur papier.
miers compacts à optiques interchangeables
face Brillant et Mat, assure des images plus
dotés d’un capteur plein format. Avec à la clé,
nettes avec une densité maximale améliorée
des caractéristiques et un tarif qui ont de quoi
et des temps d’exposition plus courts.
faire frémir les reflex 24 x 36.
Le nouveau Multigrade FB Classic a éga-
Sony frappe un grand coup dans le
lement été adapté afin de mieux réagir aux
monde de la photographie numérique. L’α7r
techniques de virage traditionnelles compa-
se veut pourtant un peu schizophrénique.
rativement au produit qu’il remplace.
le déjà bien connu papier Ilford Multigrade
FB Warmtone. Ce produit n’a pas été modifié
Appareil compact à objectif interchangeable
ILFORD lab direct Pour la première vous pouvez utilisé le
et aucun projet ne prévoit de changer, dans
service sécurisé du site internet pour payer
Multigrade FB Warmtone. Cette toute nouvelle
cialistes Ilford. Vous pourrez aussi télécharger
et développée avec le souci d’offrir pour la
serveur afin de bénéficier de la toute dernière
un futur proche ou lointain, la formule de
le traitement de vos films par l’équipe de spé-
gamme de papiers Multigrade FB a été conçue
vos fichiers numériques noir et blanc sur notre
première fois aux photographes et tireurs un
technologie de négatifs numériques.
choix complet de tonalités d’images en une seule ligne de produits.
α7r
Le fabricant japonais dévoile les pre-
veau papier, disponible en deux états de sur-
Ce nouveau produit vient compléter
Nouveau SONY
Découvrez-en plus sur cette technique à la page 48 de votre magazine.
à part entière avec sa monture E, propre aux
hybrides de la marque et l’absence de miroir, le nouvel appareil photo numérique du
constructeur japonais n’adopte pas la dénomination NEX.
9 — QUOI DE NEUF
Multigrade FB amélioré et d’un nouveau papier
10 — PORTFOLIOS 10 —
CONTRIBUTION DES LECTEURS
Participez à notre sélection de portfolios, envoyez-nous vos meilleurs clichés noir et blanc pour être publié dans notre prochain numéro. Aucun thème particulier n’est demandé,
laissez aller votre créativité et votre talent afin de participer à votre magazine. Envoyez-nous
une sélection de 4 à 6 images haute définition noir et blanc réalisées par vos soins à cette adresse :
portfolios@filigrane.fr
pour avoir une chance d’être publié dans
notre prochain numéro. Un jury de profes-
sionnels de la rédaction sélectionnera les quatre meilleurs dossiers qui se verront publiés dans nos pages.
Découvrez l’intégralité des portfolios précédents :
PORTFOLIOS 11 —
Découvrez une sélection de petites séries parmi vos photos, quatre photographes que nous avons le plaisir de vous faire découvrir.
12 — PORTFOLIOS
bouquets de nerfs SÉBASTIEN REDON LEVIGNE
DANS L’EAU ET L’INCONNU ARNAUD FAVERJON
13 — PORTFOLIOS
14 — PORTFOLIOS
MEXICO PHILIPPE MARTIN
ISABELLE VON MARION Chris Mettraux
15 — PORTFOLIOS
16 — CULTURE
CULTURE 17 —
De la musique underground aux fictions hollywoodiennes, retrouver les incursions de la photographie dans le monde culturel d’aujourd’hui.
18 — WANG BING
WANG BING Les trois sœurs du Yunnan
Le témoin impitoyable de la métamorphose chinoise, fouillant le passé et portant son regard sur les laissés pour compte du capitalisme administré. Il s’initie à la photo, fait les beaux-arts, vit chichement. Les premiers pas dans le cinéma se feront sous la coupe des organes de propagande du Parti. Il fait notamment le premier assistant sur le docu à succès le Charme diplomatique de Zhou Enlai (Premier ministre de Mao) en 1997-1998, et en garde comme principal souvenir que « de nombreux policiers surveillaient chaque étape de la production ». La radicalité de son engagement dans le cinéma s’élabore dans ces expériences successives, et il n’a, depuis, jamais cessé de s’affranchir de tous les systèmes de contrôle, y compris aujourd’hui où il ne veut pas se plier aux exigences de la production classique.
19 — WANG BING
Dans ce dernier film, qui sort en salles
sortie, loin de la fange, nez au vent. On pense
de ramasser de nombreux prix, Wang Bing
avec cette même énergie à ne jamais se laisser
après un parcours en festivals où il n’a cessé
20 — WANG BING
décrit le quotidien d’un trio d’enfants quasi
livrés à eux-mêmes dans un village à plus de 3 000 mètres d’altitude. L’aînée Yingying,
aux héroïnes de Miyazaki ou des Dardenne, attraper et amoindrir.
Il ne fait pas de doute que Wang Bing
10 ans, Zhenzen, 6 ans, et Fenfen, 4 ans, évo-
retrouve chez Yingying une part de sa propre
cochons et des brebis, gardant les mêmes
à Xi’an, capitale de la province du Shaanxi,
La rétrospective complète à Beaubourg
très vite avec sa mère sur un grand plateau
de l’héritage spirituel d’Andreï Tarkovski
se trouvait à 50 mètres d’une falaise. Je me
à nouveau le projet titanesque « À l’ouest
raconte-t-il. Ses parents sont des intellectuels
fleuve de quatorze heures sur le forage
d’architecture. Ils finiront l’un et l’autre par
en temps réel des ouvriers du lever
luent dans la boue et la brume, au milieu des vêtements raides de crasse pour travailler, aller à l’école ou dormir. La mère est partie,
le père bosse à la ville, les enfants dépendent
de leur tante, une bonne femme pas spéciale-
ment contente de les avoir sous son toit, et du grand-père. Les cousins et cousines des trois sœurs sont là aussi : on voit que la politique
de l’enfant unique à la chinoise n’est pas appliquée partout, et que ce sont autant de petites forces de travail et de bouches à nourrir.
Bien qu’on la voie une fois dans une
classe d’école et à d’autres moments, chez elle, penchée sur un cahier, Yingying semble
déjà devoir se prendre en charge comme une adulte et ne jamais montrer de signes de faiblesse. Les cheveux en bataille sur le visage
aux joues rougies par le froid, maudissant
une botte crevée ou courant dans les champs
d’altitude au point que l’on entend le cadreur souffler derrière elle, hors d’haleine, la fillette est presque de tous les plans, de plus en plus
mutique quand les petites sœurs sont emportées par le père et qu’elle reste seule avec un grand-père qui ne décroche pas deux mots les
meilleurs jours. Bien qu’accablée de tâches à accomplir, on la voit chercher dans la vivacité
de ses gestes, de ses déplacements et de son regard de lynx l’issue de secours, la porte de
enfance campagnarde, lui qui est né en 1967 au centre de la Chine, mais il s’est installé
des films de ce moine-soldat qui se réclame
de terres jaunes à la campagne : « Ma maison
est une chance, puisqu’elle permet de voir
souviens avoir joué au bord de cette falaise »,
des rails », ainsi que « Crude Oil », un docu
qui ont un emploi de cadre dans une agence
pétrolier dans le désert de Gobi, le travail
renoncer à cette activité et par opérer le retour
au coucher du soleil.
quand son père meurt d’une intoxication au
Correspondance filmée entre Wang Bing et Jaime Rosales, rétrospectives intégrales, avant-première, installations, rencontres en présence des cinéastes. Du 16 avril au 26 mai 2014.
à la terre voulu par Mao. Wang Bing a 14 ans monoxyde de carbone. Il a été jusqu’alors un
parfait garçon de ferme et se retrouve du jour au lendemain héritier de la profession paternelle et employé de l’agence d’architecture où
il traîne sans rien avoir à faire, sinon répondre
au téléphone. A partir de cette époque, il lui faudra toujours apprendre à se débrouiller seul.
Emmanuel Burdeau
Plus d’informations sur : http://www.centrepompidou.fr Découvrir la bande-annonce du film « Les trois sœurs du Yunnan » :
L’HOMME SANS NOM
récit photo de Wang Bing Wang Bing raconte avoir rencontré cet homme « par hasard. Au cours d’une pause pendant le tournage du Fossé. L’endroit où nous étions était sauvage et aride, inhabité et désert, hormis le passage des poids lourds. Un homme est apparu tout à coup, sortant de nulle part. Je n’ai pas pu m’empêcher de le suivre jusqu’à son refuge de troglodyte. Il vivait seul, dans une autarcie et un isolement complets. Il n’éprouve pas le besoin de parler. Nous n’avons jamais échangé le moindre mot. Je ne sais même pas comment il s’appelle. Le tournage s’est fait sur la base d’un accord, c’est le cas de le dire, tacite ».
21 — WANG BING
OISEAUX TEMPÊTE musique et photo en osmose
22 — OISEAUX TEMPÊTE
Un voyage poétique et militant retraçant le déclin du monde occidental.
Précédé d’un silence de plomb, la nais-
sance d’Oiseaux-Tempête a de quoi déstabiliser. Contrecarrant toutes les prévisions qui
tendraient à faire du projet un chantier tue
l’amour érigé sur les cendres du post-rock, le premier album éponyme rebat les cartes,
interpelle, force l’auditeur à reconsidérer la notion du beau. Finalement plus free que post,
le rock d’Oiseaux-Tempête sent bon l’embrun, le gout du sable croquant sur le palais et le propos de départ de l’album — mettre en
musique le chaos ambiant, de la crise Grecque à la chute de l’empire européen — se dilue
lentement dans un grand tout harmonique et instrumental où, finalement, les mots n’ont plus leur place.
En musique, le plus difficile réside
souvent dans le fait de savoir émouvoir sans
forcément dire, toucher sans forcément bousculer. Face à cet exercice fort périlleux, une
génération complète issue de rockeurs ténébreux s’est ainsi brulée les ailes à tenter d’empiler les couches d’atmosphères gazeuses pour condenser tension, malaise et angoisse dans
d’interminables montées instrumentales qui passé quinze minutes procuraient le même
effet qu’une pendaison ratée. Le grand art d’Oiseaux-Tempête, ou plutôt sa grande victoire, est de suggérer plus que surligner,
de laisser la liberté à l’auditeur de relier les
pointillés. On croisera ici des travellings à la Michael Mann, des ambiances qui rappellent le bel ouvrage instrumental de Limousine, des sonorités qui rappellent que le groupe américain Apse n’a jamais connu son heure de gloire et que si le pire est toujours à venir,
il permet également d’accoucher de beaux ouragans.
23 — OISEAUX TEMPÊTE
Le premier album du groupe composé de Frédéric D. Oberland et Stéphane Pigneul n’avait sur le papier aucune raison d’être plus séduisant qu’un tableau de bord de mer acheté chez Ikéa. L’album laisse pourtant apparaître de beaux contrejours, de tonnerre.
24 — OISEAUX TEMPÊTE
Nombreux sont les photographes qui on travaillé pour des groupes de musique, mais plus rares sont ceux qui les ont côtoyés pour créer une ambiance cohérente. Oiseaux-Tempête est un projet musical qui est en osmose avec l’univers du photographe Stéphane C. Il propose une expérience immersive où l’ont voit les guitares gémir et l’on entend le grain brut de la photographie noir et blanc.
Filigrane : Comment vous êtes-vous rencontrés, quels ont été vos premiers projets ? Oiseaux-Tempête : La première initiative
Filigrane : Oiseaux-Tempête, c’est un groupe de musique, non? Quel rôle joue la photographie dans ce projet?
avait été la réalisation d’une bande son par
O.-T. : Le groupe tourne de façon autonome et
graphique de Stéphane C., car en parallèle à
presse musicale. Cet album a été enregistré
Frédéric D. Oberland pour un film photo-
ses expositions, il montre souvent son travail sous forme de diaporama. Ils ont ensuite organisé des concerts projections en France, puis
en Grèce début 2012 avec, en parallèle à ces
spectacles, la volonté de travailler en synergie
sur différents supports : photographie argentique et vidéo, musique et expérimentations
sonores. Au départ, le but était de réaliser un film intégrant tous ces éléments. Au retour des premiers voyages en Grèce, l’idée germait de
travailler sur un disque qui serait chargé des perceptions et matériaux accumulés là-bas.
En parallèle au disque et aux concerts projec-
tions, nous avons présenté une installation
vidéo et sonore The Divided Line, qui a été créée pour les Promenades Photographiques
de Vendôme 2013, en parallèle à l’exposition photo de Stéphane C. Ce travail a été projeté
à différentes occasions, que ce soit en première partie de certains concerts de Oiseaux-
le disque a déjà reçu un très bon accueil de la
en trois jours à Lyon, principalement en mode
improvisé et sous influence des photographies et vidéos projetées en studio. Cela c’est passé
dans une urgence magique qui se répète sur scène. Ensuite en éditant les morceaux, on a
intégré des sons et des interviews qui pro-
Filigrane : Est-ce que Oiseaux-Tempête pourrait exister sans la photographie ? O.-T. : Oiseaux-Tempête c’est le groupe d’un ensemble qui se voulait plus large. Disons
que l’axe originel du projet était pensé sur cette interaction entre musique et images. Les
concerts précédant la sortie du disque intégraient les projections photos et vidéo. Mais le groupe se construit bien sûr autour de sa
musique. Depuis il se produit aussi sur scène, sans projections.
viennent des vidéos ou d’enregistrements réalisés en Grèce, ainsi que certaines séquences
claviers composées par Frédéric lors de ses
séjours. Tout cela a construit une musique
concrètement visuelle. On voulait concevoir une sorte d’odyssée sonique. Enfin, le design
du disque paru sur le label Sub Rosa, qui diffère selon la version cd et la version double vinyle, présente des photographies tirées des premiers voyages en 2012. On souhaitait faire
un bel objet, c’était une réelle volonté, aussi une façon de résister à la dématérialisation des supports.
phiques.
Filigrane : Que prévoyez-vous comme projets,, est-ce que cette collaboration photomusique va toujours tenir une place aussi importante dans votre travail ? Filigrane : Stéphane, tu es vidéaste et photographe. Sur scène projettes-tu à la fois vidéo et images ? Si oui, pourquoi mélanger ces deux médiums ? Que s’apportent-ils mutuellement ? Stéphane C. : Oui la projection de photographies, de vidéos, la synergie collective et les
dialogues entre différentes disciplines permettent d’enrichir le propos, d’expérimenter. Quels que soient les supports utilisés, la
priorité doit rester le sens plus que la simple forme ou l’effet. Un sens qu’on peut distiller,
diffuser, associer, et qui doit aussi transiter d’un point de vue émotionnel et intérieur.
S. C. : L’idée de fonctionnement au départ était donc basée sur cette amplitude de partages. Le but était que l’image serve la musique et
inversement selon les déclinaisons. Un projet collectif doit respecter le sens donc, mais aussi
l’apport et les compétences de chacun. Si ce
n’est plus le cas, on pourra parler d’une for-
mule qui a été ponctuelle. Le champ est libre ! Cela pourrait également donner lieu à d’autres
collaborations de part et d’autre. En tout cas, le premier album est une grande réussite. Et à présent, un disque constitué de remixes ou de
morceaux revisités par d’autres musiciens est en chantier. Un nouvel enregistrement studio également. Je retourne bientôt en Grèce pour poursuivre mon travail photographique et le
tournage vidéo, les enregistrements sonores
Écoutez l’album en streaming :
en vue de la réalisation du film.
Propos recueillis par Marie Guichoux
25 — OISEAUX TEMPÊTE
Tempête, comme lors d’événements photogra-
26 — FUR
FUR
un portrait imaginaire de Diane Arbus La monstrueuse parade du cinéaste Steven Shainberg, un biopic à l’image de Diane Arbus : inclassable et sensible. New York, fin des années 50. Diane Arbus est l’assistante de son mari, un photographe de mode réputé. Issue d’une riche famille, elle se sent de plus en plus mal à l’aise dans un monde de convenances rigides où seules les apparences comptent. Un soir, elle remarque des déménageurs qui livrent des meubles et des objets étranges dans l’appartement du dessus. Lorsqu’elle aperçoit son voisin, le mystère s’épaissit encore : enveloppé d’un long manteau, il porte un chapeau et dissimule son visage derrière un masque. Seuls ses yeux sont visibles, et le regard que Diane croise ne fait que la fasciner un peu plus...
Fuyant comme la peste les us et cou-
Impossible en voyant Fur de ne pas pen-
Comme dans son premier long, Steven
tumes du biopic scolaire et académique, Fur
ser au cinéma de Todd Haynes. Depuis son
Shainberg a éludé tout débordement spec-
force transcendante et évoque l’émergence
Carpenter story jusqu’à Loin du paradis en
excès (le sadomasochisme hardcore dans La
est avant tout une célébration de l’art comme
d’un talent majeur : celui de Diane Arbus
qui demeure comme l’une des plus grandes artistes du siècle dernier. A l’aune de Rothko,
son engagement artistique a toujours été
intrinsèquement lié à ses afflictions viscérales. Respectueux et digne, le film s’arrête
aux balbutiements de sa carrière et explique de manière audacieuse comment un talent
insoupçonné émerge de manière tardive (elle fait des photos de mode avec son mari
jusqu’à l’âge de trente-cinq ans). Mais cette singularité peine à masquer un mal-être :
à tendance neurasthénique, l’artiste mettra fin
à ses jours à quarante-huit ans. C’est la partie sombre qu’on ne nous raconte pas dans Fur mais qu’on nous suggère.
premier moyen métrage Superstar : the Karen passant par Safe, Haynes scrute les tumultes
intérieurs de personnages, essentiellement
féminins, qui peinent à faire face au réel. Dans la filmographie de Haynes, Fur évoque
le troisième segment de Poison dans lequel, sous l’influence de Genet, il étaye une relation
amoureuse impossible entre une demoiselle
peu farouche et un homme monstrueusement difforme (ils affrontent tous deux les regards
ingrats de leurs contemporains, l’homme ap-
paraît le plus souvent à l’écran masqué pour ne pas effrayer les badauds). Ici, Diane (Nicole Kidman, excellente comme toujours) s’attache
à ce personnage fictif pour compenser la folie qui manque cruellement à son train-train quo-
tidien. Cet élément est renforcé par la découdeux appartements et sert de liens entre deux mondes (le prosaïque et l’irréel), symbolisant la dichotomie schizo de miss Arbus qui ne sait plus si elle doit abandonner son cocon familial ou s’adonner à ses velléités artistiques.
secrétaire ; le goût pour la morbidité dans Fur) pour se focaliser dans les deux cas sur
une histoire d’amour reliant deux individus hors d’un système de pensée unique avec les
mêmes déterminations liées au conte. Ici, il
est difficile de ne pas penser à une bête et une belle qui apprennent à s’apprivoiser l’un l’autre. L’homme est sciemment manipulateur parce qu’il est conscient qu’il a en face de lui
une proie qui ne demande qu’à être dévorée. Cette part de danger mêlée à la fascination évoque incidemment la poésie faussement
doucereuse de Jean Cocteau tandis que l’univers extravagant du voisin semble tout droit
sorti d’un film de Guy Maddin. En filigrane, Shainberg narre de manière plus convention-
nelle la déchirure subliminale qui provoque l’éloignement du couple, d’une femme mar-
ginale et d’un homme résolument ancré dans
les normes. Mais les deux ambitions d’Arbus sont traitées sans hypocrisie : trouver de la beauté dans la laideur et découvrir qu’être ou se sentir différent n’a rien de honteux.
Acteurs : N icole Kidman,
Robert Downey Jr., Ty Burrell, Harris Yulin, Jane Alexander
Réalisateurs : Steven Shainberg Date de sortie : 10 janvier 2007 Date de sortie du DVD : 13 août 2007 Découvrir la bande-annonce :
27 — FUR
verte d’un escalier reliant symboliquement les
taculaire ou racoleur d’un sujet propice aux
28 — FUR
Diane Arbus
Photographe connue pour avoir photographié en noir et blanc des gens dits marginaux dans les années 50-60 et pour avoir donné un nouveau visage à l’Amérique de cette époque. Diane Arbus (New York, 1923-1971) a révolutionné l’art de la photographie ; l’audace de sa thématique, aussi bien que son approche photographique ont donné naissance à une œuvre souvent choquante par sa pureté, par cette inébranlable célébration des choses telles qu’elles sont. Par son talent à rendre étrange ce que nous considérons comme extrêmement familier, mais aussi à dévoiler le familier à l’intérieur de l’exotique, la photographe ouvre de nouvelles perspectives à la compréhension que nous avons de nous-mêmes.
Diane Nemerov naît en 1923 dans les
ce géant de 2,34 mètres pour lequel Diane
yorkais, d’un père juif d’origine polonaise,
photographia pendant dix ans, et encore
quartiers chic de l’Upper West Side new-
fils d’un petit épicier de Brooklyn, qui avait eu le bon goût d’épouser l’héritière Russek’s,
une boutique de fourrure très en vue. « Trop
d’éclat crée en moi comme un vide. C’est l’anonymat qui éveille ma curiosité », conclura quelques années plus tard celle qui garde un
goût amer de cette enfance trop exposée et d’un père flamboyant qui faisait écran à sa
mère, neurasthénique compulsive, ce dont Diane semble avoir hérité.
Arbus s’était prise d’affection et qu’elle
ce c loc ha rd à qu i el le of f r it le g î te en
échange de quelques clichés. Ses images attestent en creux du traitement si particulier que la photographe s’inf ligeait
— en se consumant littéralement au contact
répété de ces individus hors normes —
et imposait en retour à ses modèles : d’interminables séances de poses qui les contrai-
gnaient à lâcher prise tout en fixant l’objectif. Lâcher prise, c’est justement ce que fera
Son indépendance, elle la gagne très tôt,
Diane Arbus un lundi écrasant de juillet 1971,
dont elle aura deux filles. Il lui offrira son
mois à une longue série sur les hôpitaux psy-
en épousant, à l’âge de 18 ans, Allan Arbus,
premier appareil photo, un 35 mm qui lui permet d’expérimenter la street photography. C’est avec lui encore qu’elle ouvre, en 1947, le
studio Diane et Allan Arbus et entame une
carrière de photographe de mode pour Vogue
et Glamour. Très vite, Diane Arbus se fait remarquer en prenant à rebours l’univers glam de la mode : elle y révèle l’envers du décor.
« Les mannequins y sont tristement osseuses,
alors qu’elle vient de consacrer ses derniers chiatriques. « En fin de compte, analyse Susan
Sontag dans Sur la photographie, ce qui est le plus troublant dans les photos d’Arbus ce
En quelques dates 14 mars 1923 Née à New York 1957 Premières photos personnelles 1962 Passage au format carré du 6x6
et impose alors son style propre
1963 Obtention d’une bourse de la fondation Solomon R. Guggenheim
1966 C onraction d’une hépathite, début de sa dépression
1967 E xposition « New Documents »
au Musée d’art moderne de New York
26 juillet 1971 Suicide à Greenwich Village
n’est pas leur sujet, mais c’est l’impression que
leur accumulation donne de la conscience de la photographe : le sentiment que ce qui nous est montré est une vision intime. »
Claire Moulène
tristement grandes et maigres. Les vêtements rédactrice en chef adjointe de Vogue pendant treize ans.
Car la grande aventure de Diane Arbus,
au-delà d’un style inimitable, inspiré par la
photographie américaine humaniste à la
Walker Evans, Dorothea Lange ou Lisette Model (qui fut un temps son professeur et à
qui elle confiera : « Je veux photographier ce qu’est le mal »), c’est une histoire de presse.
L’artiste Pierre Leguillon l’a bien com-
pris. En effet, l’hiver dernier, il présentait à
la Fondation Kadist à Paris la première rétrospective imprimée de Diane Arbus. Plus
de 150 photographies présentées sur leur
support initial (des pages magazine tirées de Harper’s Bazaar, Esquire ou The Sunday
Times Magazine) qui témoignent d’un âge d’or de la presse et de la grande diversité des
formats que traitait Diane Arbus : reportages, portraits d’anonymes et de personnalités
— Borges, Mastroianni, Martin Luther King, Norman Mailer —, mode enfantine et « essais photographiques » directement légendés par ses soins.
Parmi ces images, un grand nombre se
sont imposées avec le temps comme des icônes (ses célèbres portraits de freaks et autres accidentés de la nature notamment, qu’elle shoote à partir de 1957 — on pense à Eddie Carmel,
29 — FUR
mal ajustés », commente Violaine Binet, ex-
30 — DOSSIER
DOSSIER 31 —
Un dossier complet sur un photographe reconnu, découvrez tous les secrets se cachant derrière ses images.
GENESIS
SEBASTIÃO SALGADO
32 — SEBASTIÃO SALGADO
L’apogée d’un géant de la photographie. Depuis le printemps dernier, neuf expositions de « Genesis », le dernier travail d’Hercule du photographe franco-brésilien Sebastião Salgado, tournent de par le monde. L’une d’elle se pose à la Maison européenne de la photographie, le 25 septembre prochain, pour trois mois. Pendant huit ans, Salgado s’en est allé à la recherche des paradis originels. « Genesis » est un hymne à la nature, un appel à la réconciliation entre les hommes et leur planète. En février prochain, Sebastião Salgado aura 70 ans. Une date qu’il devrait célébrer avec la sortie d’un film sur son travail, co-réalisé par Wim Wenders et le fils aîné du photographe, Juliano. En attendant, il revient sur sa vie, ses engagements et ses reportages au long cours, dans un livre intimiste, « De ma terre à la Terre », co-écrit avec Isabelle Francq, journaliste à « La vie », qui vient de paraître aux éditions Presses de la Renaissance. Trois raisons pour l’attraper au vol lors d’un de ses passage à Paris, camp de base de ses expéditions afin de lui demander de nous raconter le making-of de trois de ses images venues du froid, de la forêt amazonienne et de la touffeur africaine. Comme un conteur, il commence souvent ses phrases par « Ecoute… », « Tu vois… ». Il n’a rien perdu de son accent brésilien, lui pourtant installé à Paris depuis longtemps. La lumière transperce comme en éventail. Un éclairage biblique. « Un jour qu’on travaillait ensemble », raconte Philippe Bachelier, « je lui dis tu as de la chance à chaque fois le soleil sort des nuages ! Sebastião, qui n’est pas croyant, me répond : C’est le ciel du Bon Dieu. Il est infiniment brésilien, avec un côté baroque et dans ses images un côté sublimé de ce qui est photographié. Il me fait penser à ce peintre majeur espagnol , El Greco. » Salgado, lui, souvent confesse un faible pour Géricault. Pour son fils aîné, Juliano, il était dans ses yeux d’enfant, tout simplement « Indiana Jones ». Les fans de la première heure, qui ont aimé ses deux projets monumentaux — « La main de l’homme », hymne au travail, dédié à la disparition des industries manuelles sur les cinq continents de la planète, puis « Exodes » fresque des mouvements de population, véritable ode aux déracinés — seront
peut-être déroutés par un projet plus inspiré par Darwin que par Marx. C’est après la lecture du livre qui rendit Charles Darwin célèbre, « Le voyage de Beagle », qu’il a commencé « Genesis » en passant trois mois aux Galapagos. Du marxisme, il rejette les errements et les crimes mais trouve la dialectique Travail/Capital toujours pertinente. Jeune étudiant, il s’était engagé dans un mouvement prônant la lutte armée contre la dictature militaire brésilienne, avant de se réfugier à 25 ans en France. Qu’allait donc faire ce vénéré géant de la photographie sociale, humaniste et documentaire parmi les tortues, les buffles et les iguanes ? Allait-il se perdre ou se retrouver en crapahutant de dunes en forêts, de volcans en glaciers ? « J’ai été bien malade après le Rwanda », raconte Salgado. « J’y ai vu lors du génocide des choses terribles, des choses qui m’ont fait croire que mon espèce était la plus violente de toutes. J’ai vu des chutes d’eau déverser des tourbillons de cadavres, des amis tués avec toute leur famille... Ma tête n’allait pas bien et mon corps était attaqué par mes propres staphylocoques. » Le goût même de photographier s’enfuyait. Le temps se charge de lessiver les souvenirs, le corps se refait une santé, mais il lui est resté une envie de « paix ». Alors, il est revenu au jardin d’Eden de son enfance. La terre léguée par son père était devenue pauvre et laide à cause de la déforestation. Lui et Lelia, sa femme et son « associée en tout dans la vie », décident de replanter 2 millions d’arbres et de faire revivre l’écosystème. Une utopie aujourd’hui réalisée qui lui a inspiré l’idée de partir à la recherche des jardins d’Eden de la planète. Salgado voit toujours tout en grand, en très grand.
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En bas : Femmes du village Zo’é de Towari Ypi.
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Au-dessus : Les Anavilhanas, c’est le nom donné aux 350 îles boisées du Rio Negro au Brésil, faisant de lui un le plus grand archipel fluvial.
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Au-dessus : Teureum, sikeirei et chef d’un clan mentawai. Ce chaman prépare un tamis à sagou à l’aide des feuilles de sagoutier. Île de Siberut, Sumatra occidental. Indonésie, 2008.
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Au-dessus et à droite : Explications par l’auteur en page 37.
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SEBASTIÃO SALGADO
De la prise de vue au tirage du papier ILFORD PRESTIGE, découvrez l’ensemble des secrets de son dernier chef d’œuvre.
Page 34 : J’étais à bord de Tara, ce voilier taillé pour les expéditions de l’extrême barré par une très grande navigatrice française, Catherine Chabaud. On commençait à sortir de la Mer de Weddell en Antarctique, à l’endroit même où Ernest Shakleton a vu son bateau écrasé par les glaces. Et on a trouvé cet iceberg, plus grand que tout un pâté de maison. C’était une chance inouïe et, qui plus est, de le trouver dans cette position. Parce que si tu regardes bien, tu vois une ligne de flottaison qui fait un angle indiquant qu’il a bougé sur lui-même ; au dessus il y encore une autre ligne de flottaison… J’ai toujours deux boîtiers autour du cou, dès le réveil. J’ai aussitôt demandé à Catherine Chabaud si elle pouvait en faire le tour. Nous avons contourné deux fois cette masse incroyable, le ciel était très couvert. Et puis au troisième tour, le soleil a montré son nez et a donné tout son relief à l’iceberg… J’adore rester des heures, à guetter, à cadrer, à travailler à fond la lumière. Je peux attendre très longtemps. Je crois que si on n’aime pas attendre on ne peut pas être photographe. Mais là tout s’est mis en place très vite. Les images de ciels chargés où perce la lumière, je suis
Page 35 : Au départ, je faisais une séance de portraits. Je voulais que les visages soient détachés de la forêt. Les indiens ont préparé pour moi des feuilles de palmier afin de recréer un studio. Chacun venait poser en prenant soin de s’habiller avant. Dans cette région reculée de l’Etat de Para au Brésil, cela veut dire pour les hommes de se faire un petit nœud sur le prépuce avec une fibre en liane. Sans cela, ils ne se laissent pas photographier. Les femmes, elles, se couvrent, en se teignant le corps avec un fruit rouge. La tribu Zo’e — quand j’y étais elle comptait 278 membres — avait été perdue de vue pendant longtemps et retrouvée en 1982 par des missionnaires d’origine nord-américaine qui voulaient les évangéliser. La Funai (Fondation nationale de l’indien) les a protégés. Les femmes connaissaient déjà leur image par leur reflet dans l’eau. Elles ont toutefois convaincu l’organisation gouvernementale de leur laisser un objet apporté par ces occidentaux : le miroir. Sur cette image, le fond du «studio» est déplacé à l’intérieur de la maison de la femme qui est dans le hamac au premier plan. Page 36 : Là c’était une très longue attente. Il a fallu faire 25 vols en montgolfière pour avoir un tel troupeau à portée du regard. Dans une telle étendue, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Il faut savoir aussi que le ballon doit voler entre 7 heures et 9 heures du matin, parce qu’ensuite les températures sont telles que la chaleur la ferait monter à des altitudes insensées et sans contrepoids possibles pour y résister, encore moins pour la faire descendre. Ce que je vois, ce que je saisis, c’est la vapeur qui monte des dos des buffles dans leur course, et leurs foulées qui dans ces herbes marécageuses tracent ce dessin très géométrique. Avant, avec un agrandisseur, il était très difficile d’obtenir une image parfaite. Et aujourd’hui, bon, vous pouvez avoir une épreuve parfaite en numérique. Ce qui m’effraie un peu, est juste de savoir s’il est réa
Je recherche un papier qui restitue ce que j’ai ressenti au moment de prendre la photo. C’est la chose la plus importante. Que le papier puisse rendre toutes les nuances de gris. Parce que, en réalité, je ne fais que du noir et blanc, je ne photographie pas en couleurs. Et le noir et blanc est une interprétation, rien dans la réalité n’est en noir et blanc. Mais dans cette abstraction je dois représenter toutes les couleurs de mon sujet et les valeurs intermédiaires de gris doivent restituer l’ensemble de l’échelle des couleurs que je voyais. C’est la chose la plus importante : un papier qui donne des noirs très profonds, des blancs purs et toutes les nuances entre les deux. Nous avons fait de nombreux tests avec différents types de papier avant d’en choisir un définitivement. Nous avons choisi Ilford Galerie mais nous en avons essayé des quantités d’autres. Ensuite pour l’expo Genesis nous avons décidé d’être très stricts dans notre choix car nous souhaitions utiliser un papier qui nous donne vraiment la quintessence. Nous avons à nouveau fait un tas d’essais mais finalement nous sommes revenus au même papier, Ilford Galerie Prestige Gold Fibre Silk. C’est réellement un très, très bon papier. Un papier vraiment beau et nous en sommes très satisfaits.
”
Propos recueillis par Marie Guichoux
39 — SEBASTIÃO SALGADO
né avec. Au Brésil, dans ma vallée du Rio Doce (Etat du Minas Gerais), tout est immense, le soleil tombe à angle droit, crée des lumières dures. Mon père y avait une grande ferme, du bétail. Quand j’étais enfant, comme j’ai le teint clair, on me posait sous un arbre ou on me mettait un chapeau. Si bien que je voyais toujours mon père arriver vers moi dans le soleil. Quand j’ai fait mes premières photographies, je ne savais pas que je faisais du contre-jour.
liste de penser que ces images se conserveront pour toujours. Si vous les stockez sur des disques durs, seront-elles longtemps accessibles ? C’est pourquoi actuellement nous réalisons des négatifs pour les images les plus importantes que je fais en numérique. Nous avons une méthode très pratique pour transformer une image en négatif afin de pouvoir l’archiver. Avec les négatifs, je suis sûr à 100% de pouvoir stocker les images pour une très longue durée. Néanmoins, le procédé numérique est encore en pleine évolution. Les appareils que j’emploie, je n’ai commencé à les utiliser que très récemment. Nous avons démarré le numérique en 2008. Comparés à ceux que j’utilisais en 2008, les appareils qui viennent juste de sortir sont trois fois plus performants en termes de qualité, la qualité actuelle est nettement supérieure. Selon moi, une chose pour laquelle le numérique est fabuleux est la prise de vues en faible lumière. Aujourd’hui avec le numérique on peut déclencher à des sensibilités extrêmement élevées. Si j’avais eu cela au début de ma carrière de photographe, je peux vous dire que j’aurais une quantité d’images intéressantes que je n’ai pu faire.
SEBASTIÃO SALGADO Le parcours d’un maître incontesté.
40 — SEBASTIÃO SALGADO
Sebastião Ribeiro Salgado est né le 8 février 1944 à Aimorés, ville de l'État du Minas Gerais, au Brésil. Marié à Lélia Deluiz Wanick et père de deux enfants, il vit à Paris. Entre 1964 et 1967, il poursuit des études de sciences économiques au Brésil et obtient une maîtrise à l'université de São Paulo. II a également suivi, à Paris, les cours de l'École nationale de la statistique et de l'administration économique et préparé un doctorat de troisième cycle à l'université de Paris. Après une activité d'économiste au ministère des Finances, à Sao Paulo, il rejoint à Londres, en 1971, l'Organisation internationale du café, pour laquelle il travaille jusqu'en 1973. Il décide alors d'entreprendre une carrière de photographe, changeant ainsi totalement de métier. Photographe free lance à partir de 1973, il fait partie en 1975 de l'agence Gamma, qu'il quitte en 1979. À cette date, il est élu à la coopérative internationale Magnum Photos, dont il sera membre jusqu'en 1994. Ensemble, Lélia et Sebastião fondent en 1994 l'agence Amazonas Images, structure tout entière vouée à son travail. Sebastião Salgado a travaillé sur de nombreux projets construits et pensés sur le long terme, qui ont débouché à la fois sur des expositions et sur la publication de livres. On lui doit nombre de reportages comme la guerre en Angola ainsi qu’au Sahara espagnol, la prise des otages israéliens à Entebbe et la tentative d'assassinat de Ronald Reagan, président des États-Unis. En 1978, à la demande de la municipalité de La Courneuve, il effectue un reportage sur la Cité des 4 000. En 1979, il réalise un travail sur la transhumance et les conditions de vie des immigrés en Europe.
De 1977 à 1984, Salgado parcourt l'Amérique latine, visitant les villages montagnards les plus inaccessibles. Les photographies prises au cours de ce périple sont publiées dans le livre Autres Amériques, en 1986. Il y évoque à la fois la persistance des
cultures paysannes et indiennes et la résistance culturelle des Indiens de ce continent. Pendant les années 1984-1985, avec l'organisation Médecins sans frontières, il parcourt la zone du Sahel frappée par la sécheresse et la famine. Sa présence sur place au sein des camps de réfugies lui permet de rapporter les images réunies en 1986 dans l'ouvrage Sahel. L'Homme en détresse. II y montre le calvaire des victimes, la dureté de leurs conditions de vie et les dégâts causés à leur environnement. Pendant six ans, de 1986 à 1992, il conduit un projet consacré au système de production mondial qui le mène dans vingtsix pays, sur tous les continents. II souhaite faire voir et comprendre l'évolution du travail manuel. Intitulé en français La Main de l'homme, l'ouvrage rassemblant le fruit de ces voyages sera publié en 1993. Les photographies de cette série exposées dans le monde entier figurent parmi ses œuvres les plus connues. La lutte menée par les paysans pauvres du Brésil donne lieu en 1997 à la publication de Terra. De par le monde entier, nombre d'événements politiques entraînent la migration de populations civiles. Entre 1994 et 1999, Salgado effectue trente-six reportages sur cette question. Exodes, le livre qui les rassemble, paraît en 2000. Publiés la même année, les Enfants de l'exode décrit le sort des enfants de ces populations déplacées, réfugiés ou migrants. En 2001, il suit et documente la campagne mondiale d'éradication de la polio-
myélite menée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds d'urgence des nations unies pour l'enfance (UNICEF). Un livre intitulé L'Éradication de la polio voit le jour à cette occasion. En 2004, Sebastião Salgado commence à préparer un nouveau projet, « Genesis » : des séries de photographies - comme à son habitude en noir et blanc — de paysages, de faune, de flore et de communautés humaines. Il conçoit ce travail comme une recherche de la nature encore dans son état originel. Sebastião et Lélia ont fondé en 1998 l'institut Terra situé dans la vallée du Rio Doce, fleuve traversant les États du Minas Gerais et de l'Espirito Santo au Brésil. Leur objectif est de replanter la foret Atlantique, qui existait jadis dans ce pays. Ils y mettent en œuvre un programme de reboisement. Cet institut a par ailleurs une vocation pédagogique auprès des responsables de l'environnement et de sensibilisation à une attitude citoyenne face au développement.
41 — SEBASTIÃO SALGADO
En haut : Sebastião Salgado feuilletant son dernier ouvrage, « Genesis ».
42 — PAPIER
PAPIER De ses origines chinoises aux papiers photographiques de haute technologie, le papier est un marqueur significatif de son ĂŠpoque.
L’HISTOIRE DU PAPIER À l’origine furent le parchemin et le papyrus. Fait de chiffons et de bois, le papier fait son apparition puis ses révolutions.
44 — PAPIER JAPONAIS
Une invention chinoise
La machine à papier
On a longtemps attribué au marquis Cai cèdent les papiers arabes. Approvisionnés Louis-Nicolas Robert, premier commis d’une Luan, haut fonctionnaire de la Cour des par les cultures locales de lin et de chanvre, manufacture papetière, dépose en 1798 un Han, l’invention du papier, au Ier siècle de les papetiers arabes utilisent le chiffon. brevet d’invention pour une « machine à notre ère. Mais en 1986, la découverte d’une Blanchies puis effilochées, les fibres sont faire le papier d’une très grande longueur ». carte géographique dans une tombe près de écrasées. Cette opération réalisée à la main Le papier sort dorénavant en bobine. Faute Tianshi (Chine) permet d’établir l’existence ou au marteau-pilon en Chine fait progresde financements, c’est en Angleterre que les du papier au IIe siècle avant notre ère ! Si sivement appel à une meule actionnée par plans seront repris et améliorés. L’apparition Cai Luan n’a conçu ni le matériau, ni le supl’énergie humaine puis animale. Ce début de de ce nouvel outil intensifie le rythme des innovations : épurateur, port d’écriture, il a su améliorer la qualité de mécanisation se traduit par l’apparition de caisse aspirante, presse sèche. Les papetiers se livrent une concurla pâte en ajoutant à sa fabrication des fibres moulins à papiers en Afrique du Nord puis rence féroce qui fait baisser le prix du papier tissées. Auparavant, les papiers étaient en Europe. Du xe au xiie siècle, les papiers poursuivent leur épopée alors que le prix de la matière première (chiffabriqués avec des fibres végétales ou du au rythme des conquêtes arabes, jusqu’à la Sicile qui devient une fons) flambe. bois râpé. Macérés dans l’eau, les fragments place forte du commerce du papier vers le de chiffons ou de cordages permettent à Cai Luan de produire un Nord. Ils sont introduits en France en 1189. support à la fois plus fin et plus résistant, et une structure plus En Italie, ils sont fabriqués à partir de 1230 adaptée à l’écriture. Une invention révoluavec des moulins qui ne font plus appel à tionnaire, mais une invention simplissime. l’énergie humaine mais utilisent l’énergie hyEn effet, quoi de plus facile que de fabriquer draulique et le lin comme matière première. du papier ? Plongées dans l’eau, les fibres Parallèlement, on essaye de trouver des se collent toutes seules, sans adjonction alternatives au chiffon, qui pendant plude quelque substance que ce soit. Une fois sieurs siècles constituera la matière preagglomérées et séchées, elles deviennent mière du papier. Pendant plus d’un milléune feuille sur laquelle on peut écrire. naire, l’histoire des papiers et du chiffon se confondent, à telle enseigne que le papier Les techniques progressent mais l’essor était dénommé « papier de linge ». Le chifdes papiers en Europe reste lent. Vers 1440, fon est une matière rare et sophistiquée que l’invention de l’imprimerie à caractères moles chiffonniers collectent en allant de maibiles va marquer l’avènement de l’industrie son en maison récupérer les vieux tissus et papetière. Prélude aux temps modernes, les les vêtements usagés. A partir du xixe siècle, En 751, les Abbassides s’emparent de papiers et le livre se rencontrent, ils ne se les pénuries de chiffons deviennent légion, Samarkand et font prisonniers des papequitteront plus. Support de la diffusion des et le besoin de trouver de nouvelles matières tiers chinois, qui perdent ainsi un monopole idées, de la transmission des savoirs et de premières plus pérennes et moins chères millénaire. Une fabrique de papiers est oul’expression des luttes politiques et sociales, s’impose. Cette situation est illustrée par verte à Bagdad en 793. Aux papiers chinois, la production de papier va dès lors connaître le roman de Balzac, Les Illusions perdues, fabriqués à partir de fibres végétales, sucun essor sans précédent. publié en 1843. Le héros, David Séchard, im-
Les papiers de bois
L’essor de l’imprimerie
Les routes du papier
Les nouveaux usages des papiers
Les papiers au xxie siècle
primeur en apprentissage à Paris, pressent l’inflation des prix du chiffon et imagine de concevoir du papier à partir de roseau : « Si nous parvenions à fabriquer à bas prix du papier d’une qualité semblable à celui de la Chine, nous diminuerions de plus de moitié le poids et l’épaisseur des livres. Un Voltaire relié, qui, sur nos papiers vélin, pèse deux cent cinquante livres, n’en pèserait pas cinquante
L’essentiel de la production papetière est restée pendant près de quatre siècles consacré au papier, principal débouché de l’industrie papetière pour l’édition de livres et de journaux. L’industrie agro-alimentaire et ses produits manufacturés aux conditionnements diversifiés vont offrir un débouché important à l’industrie papetière qui produit dès lors du carton pour l’emballage. Papier
Tablette numérique ou journal papier, livre de poche ou e-book, les usages ne s’excluent pas, ils sont interdépendants. Le papier n’est pas contre le numérique, mais avec lui. Nous sommes entrés dans l’âge du papier plaisir.
sur du papier de Chine. Et voilà, certes, une conquête ».
kraft et carton ondulé font leur apparition, de même que les produits d’hygiène. Cependant, les papiers restent le meilleur ami des mots. La rotative, l’offset et les papiers bon marché participent à la démocratisation de la presse et à la naissance de l’affiche publicitaire et de la presse magazine.
n’en ont pas réduit les besoins. Au contraire, la consommation de papiers graphiques reste importante du fait de la multiplication des sources d’information. Alors à nous de les gérer durablement, sans gaspillage et en les triant !
A la fin du xixe siècle, la production de papiers devient une véritable production de masse. De nouvelles machines permettent d’accroître la vitesse et la capacité de production. Dès lors produit bon marché, apparaissent de nouvelles applications.
Au début du xxe siècle, l’industrie papetière devient une industrie lourde. En 1931, le suédois Arno Asplund met au point une méthode d’obtention de pâte mécanique de raffineur utilisée industriellement à partir des années 1956-1960. Ce procédé est à l’origine de la pâte TMP (Thermo-Mechanical Pulping) et CTMP (Chemi Thermo-Mechanical Pulping).
45 — PAPIER JAPONAIS
Plusieurs tentatives sont réalisées avec les orties, les fougères, le houblon, le maïs ou encore la paille. Tentatives qui ne s’avéreront pas concluantes avant le milieu du xixe siècle. En 1844, un tisserand réalise le rêve du héros balzacien et dépose un brevet pour la préparation de pâte à base de bois, que l’on doit au physicien René Antoine de Réaumur qui publie en 1719 un traité sur la guêpe papetière, qui utilise des fibres de bois pour construire son nid « en papier très fin ». « Si nous disposions de fibres semblables à celles que les guêpes américaines utilisent pour fabriquer leur papier dit-il, nous pourrions produire le plus blanc des papiers. » La découverte du bois, matériau abondant et pas cher, permet d’envisager une production massive. La chimie ne tarde pas à s’en mêler avec la découverte de la cellulose. Anselme Payen, chimiste français, établit de façon scientifique que toutes les cellules végétales contiennent une substance blanche et fibreuse, chimiquement identique au coton des chiffons : la cellulose, qui peut être extraite du bois pour fabriquer du papier.
Aujourd’hui, les papiers sont omniprésents. La révolution numérique n’a pas signé le glas des papiers : micro-informatique et Internet
46 — PAPIERS SENSIBLES
PAPIERS SENSIBLES Argent, platine ou charbon… Chiffon, velours ou satin… L’histoire des papiers photographiques est une histoire de sels et de textures. Ici, l’image se dit en mots tactiles et organiques, parce qu’elle se couche sur un support dont elle épouse les propriétés. Elle a de l’épaisseur et elle vieillit. Ici, la photographie ne fige pas le temps : elle fait l’épreuve du temps. Baignée, insolée, oxydée, réagissant à tous les corps qui la touchent, l’image-papier travaille. C’est par le trouble nocturne de sa matière que le visible advient, se défigure ou se souvient.
Papier, contre métal et verre Dès sa naissance, la photographie se parles émulsions au gélatino-bromure d’argent, encore plus rapides, geant dans du gallo-nitrate d’argent, avant tage entre métal et papier, comme entre remplacent le collodion et sont commercialisées sous forme de de l’exposer humide entre deux plaques de lumière et obscurité. Niépce et Daguerre verre dans une chambre noire. Au bout de plaques sèches, prêtes à l’emploi. La gélaobtiennent des images positives sur des quelques minutes, la feuille est encore vierge de toute empreinte tine pouvant aussi s’appliquer sur du paplaques d’étain, de cuivre ou d’argent. visible, mais l’image latente se révèle lorsqu’on la plonge dans une pier, celui-ci revient alors sur le marché des Talbot, lui, fabrique des négatifs avec du solution identique à celle de la sensibilisanégatifs, avec le film en rouleaux de George papier à lettres. Il lave les feuilles au pinceau dans une solution tion. Au dessin photogénique, succède ainsi Eastman. Après qu’Eastman ait acheté le de nitrate d’argent, les sèche, les trempe dans de l’iodure de potas- le calotype, qui donne au support-papier brevet de la pelicule en 1894, l’essor de sa sium, puis les lave et les sèche de nouveau. une longueur d’avance sur son concurrent firme et de la photographie le papier cesse Il dépose ensuite une plante ou une den- de cuivre argenté en ouvrant la voie de la redéfinitivement d’être un support de prise telle sur l’une de ces feuilles, et l’expose à productibilité. Mais plus qu’un certain rende vue. la lumière. Après plus d’une heure, le sel du de l’image, on attend surtout de la phonoircit et laisse apparaître en réserve une tographie qu’elle garantisse une exactitude : image inversée du corps posé sur le papier. dans la définition des traits, dans la standarEncore sensible, le nitrate non impressionné disation des procédés comme dans la rapiest alors éliminé dans un bain de fixage, qui dité des prises de vue. Vers 1855, le papier retient pour un temps le noircissement de doit donc céder sa place au verre enduit de la surface. En 1839, Talbot augmente la sen- collodion, humide mais plus transparent, sibilité de son papier à lettres en le plon- plus fiable et plus sensible. A partir de 1871,
Du papier esthète au marketing S’il perd la bataille des négatifs, le papier réduire le format des négatifs, dont dépend quoi voulez-vous donc mettre du papier s’impose en revanche comme support prila démocratisation des pratiques photogradans l’eau ? « C’est sans doute en réaction vilégié des images positives. Le procédé phiques. Aujourd’hui encore, il est le plus à cette standardisation que la pratique des utilisé pour le tirage des calotypes et des répandu des papiers utilisés. L’aristotype procédés anciens comme la recherche de plaques au collodion est encore très instable. à noircissement direct d’Abney est quant à l’image unique reviennent en force dans la Réalisé avec du papier à lettres ou à dessin lui l’un des premiers supports à être fabriproduction artistique de ces dernières années. Transférée ou coulavé au sel marin puis sensibilisé au nitrate qués industriellement sur des machines à chée sur des surfaces non photographiques (papier BFK, plexiglas, d’argent, il produit des épreuves où l’image, cylindre, aux alentours de 1882. D’un traibois, plomb, papier journal…), ou marquée contenue dans les fibres supérieures du patement simple, il participe lui aussi à l’augmentation du nombre par des altérations physiques et chimiques pier, est d’autant plus vulnérable aux agents d’amateurs, au même titre que les papiers autovireurs (au prix (oxydations, rayures, virages), la photograpolluants qu’elle n’est protégée par aucune rendu toutefois plus dissuasif par les sels phie retrouve alors une autre matérialité, émulsion. Le papier salé a néanmoins l’avantage d’être moins cher d’or incorporés à leur émulsion). Le papier loin du jetable et du prêt-à-photographier. Gaslight inaugure enfin en 1884 le tirage en lumière artificielle : l’exposition ne dépend plus de l’ensoleillement, et chacun peut désormais improviser un laboratoire à la lumière du gaz… Après l’invention du gélatino-bromure d’argent, la fabrication des papiers noir et blanc ne connaît plus d’évolution majeure. Quant aux sels d’argent, ils s’imposent finalement face aux autres composés comme le platine, qui donne un papier plus stable et d’une plus grande variété de grains et de couleurs, mais d’un prix de revient beaucoup trop élevé. C’est
Si l’avenir de la création peut souffrir une logique de marketing qui domine la fabrication des papiers, on peut aussi s’interroger sur sa validité par rapport au marché qu’elle est censée viser. Explicitement ciblée sur les amateurs, une telle stratégie suppose en effet que le commun des photographes serait indifférent à la qualité-papier de ses images. Or, même si la tendance au prêtà-photographier répond sans doute à une attente, les consommateurs n’en sont pas moins très exigeants quant au résultat de leurs prises de vue. Car la photographie
« la photographie est toujours plus qu’une image : c’est un objet qui se touche et s’échange » aux images une texture encore plus char- au support-papier de subir les effets d’une de famille ou de vacance est toujours plus nelle. Le support est ici enduit d’une géla- stratégie industrielle qui cherche à réduire qu’une image : c’est un objet qui se touche tine bichromatée, additionnée d’un pigment les coûts de production en réduisant son et s’échange, se déchire et se colle, s’affiche — noir de fumée ou charbon végétal — pul- épaisseur et sa résistance. Dans les années et se cache. Si l’on s’attend à ce qu’une vérisé. La gélatine devenant insoluble sous 1970, apparaissent les papiers RC (resin épreuve vive et vieillisse, on attend donc l’action de la lumière, l’image se forme en coated), dont l’émulsion est couchée sur aussi qu’elle résiste aux usures d’une vie et dépouillant l’épreuve de ses pigments non une pellicule de plastique, pour empêcher qu’elle passe, de génération en génération. insolés avec un mélange de sciure de bois et l’absorption des liquides et permettre un d’eau - opération qui laisse une large marge traitement plus rapide en usine. Depuis, ils d’interprétation. D’une finesse pouvant égaremplacent progressivement les papiers barytés à fibres de bois. ler celles de l’argent, le charbon conjugue en S’approvisionner en papiers capables de résister à de nombreux outre la stabilité à la beauté de sa matière. traitements physiques et chimiques n’est Dans une nouvelle génération de papiers, une sous-couche de toutefois pas toujours facile, d’autant que gélatine est introduite entre les fibres et le liant contenant l’image. les besoins varient en fonction des maniAu premier rang de ces supports, figure le pulations : les exigences porteront tantôt papier au gélatino-bromure d’argent, mis au sur l’acidité ou la pureté, tantôt sur l’épaispoint par Mawdslet. Très sensible, il autoseur ou le grain. Mais « essayez d’expliquer rise l’agrandissement par projection, alors à un fabricant de papier qu’il vous faut un que les tirages ne pouvaient jusqu’alors être papier qui se tienne bien dans l’eau. En réalisés que par contact. Il contribue ainsi à général, la réponse est invariable : pour-
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que le daguerréotype, et d’autoriser la retouche et l’application de couleurs. Autour de 1850, il se fait supplanter par le papier albuminé de BlanquartEvrard, qui fait sortir l’image des fibres afin de l’inclure dans une mince couche à la surface de la feuille. Rendue plus lisse par le blanc d’œuf, celle-ci donne des épreuves brillantes ou satinées d’une finesse et d’une densité accrues. Après l’exposition, dont la durée diminue sensiblement, le tirage est viré à l’or pour stabiliser l’image et augmenter la profondeur de ses tonalités. Le papier charbon inauguré par Poitevin en 1855 offre
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De l’image sans support au papier retrouvé
Louise Merzeau
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Parvenus à ce stade de leur évolution technique, industrielle et culturelle, il reste aux supports photosensibles à négocier un tournant autrement plus décisif : celui du numérique. À l’heure où les émulsionnaires rivalisent d’effets d’annonce pour prophétiser l’arrêt de l’argentique d’ici une dizaine d’années, quel peut être l’avenir de l’image photographique sur papier ? Pour les professionnels de l’information, de la communication fondeur, que les quelques microns d’un négatif ou d’une et de l’édition, il va sans dire qu’un émulsion suffisent à procurer à l’argentique. « Alors court-circuit du papier dans la fabri- que la continuité photographique assure au regard une cation et la transmission des docu- vision tactile, objectale, entre les pixels, il y a du vide. ments visuels représente une avancée Et l’on peut se demander si une image transparente est déjà largement amorcée. Ces secteurs, encore une image «. Logiquement, les praticiens engagés qui préfèrent depuis longtemps le dans une démarche artistique sont film ou l’ekta au bromure, n’ont guère encore plus sensibles à ces valeurs que numérique n’en a pas pour autant fini d’exigence sur la qualité des papiers le numérique ne peut encore égaler. Ils avec le papier. Certes, les tirages effecet sont prêts à passer rapidement au repèrent la limite trop découpée des tués sur imprimantes jet d’encre ou à tout-numérique. Les amateurs, qu’on ombres et des lumières propre à un sublimation thermique ne relèvent plus cherche à séduire à grands coups de signal discontinu. Ils voient les milliers d’une esthétique ou d’une mystique de publicité, sont en revanche sans doute de gris que peut offrir une émulsion, la révélation. Ils donnent néanmoins moins disposés à convertir leurs pho- quand les écrans n’en proposent que des résultats spectaculaires, bien que tos souvenirs en pixels et leurs albums 256. Ils connaissent l’infinie variété d’une stabilité encore bien inférieure en écrans d’ordinateur. Car les usages des noirs, et la sensualité des détails à celle de l’argentique. Le jet d’encre affectifs, fantasmatiques ou symbo- qui se lèvent dans les hautes lumières. continu, utilisé par les imprimantes liques de la photographie ne se déta- Ils savent qu’un support satiné peut Iris, permet notamment de réaliser cheront pas si facilement de la matière enterrer une image alors qu’une sur- des tirages d’exposition, non seulement où ils prennent corps. Pour la plupart face brillante donne de l’éclat aux cou- sur papier couché, mais aussi sur Vélin d’entre nous, une image numérisée est leurs, mais diminue sa profondeur… d’Arches blanc, Aquarelle Arches satiencore une image sans support. Elle Pour eux, traiter une photographie, ce né ou tout autre type de papier fourni flotte de programme en programme, n’est pas interchanger des calques et par le client. sans autres définition, tonalité ou des filtres sur Photoshop, mais « traformat que ceux des surfaces scin- vailler une matière : […] comme un Face à l’appauvrissement des papiers photographiques, le tillantes où elle s’affiche passagère- sculpteur qui part de la pierre brute, numérique pourrait donc bien, paradoxalement, restituer ment. Surtout, elle n’a pas cette pro- ici le négatif, c’est sculpter la lumière aux images le goût de leur propre texture, en consacrant pour faire apparaître une image sur le le retour des beaux papiers. Certes, la photographie devra papier. Mais, si elle n’a pas les carac- pour cela renoncer à la magie de l’empreinte photochimique. tères d’une épreuve d’argent, l’image Mais elle retrouvera le tissu, et les accidents qu’il décharge dans la lisibilité des formes et des figures. Emulsion, trame ou pigment : la force des images est de savoir s’humilier dans une matière.
INTERNÉGATIF NUMÉRIQUE Test de la technique d’internégatif numérique proposée par Picto sur papier translucide Ilford, conservant l’authenticité du tirage argentique même avec les tout derniers appareils photo numériques.
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Cette technique mise au point par Sebastião Salgado et son équipe pour son travail sur son dernier ouvrage Genesis (page 30) est désormais ouverture au grand public afin de profiter pleinement des derniers technologiques permettant d’obtenir une qualité de tirage noir et blanc optimale.
Comment ça marche ? A partir d’une impression jet d’encre réalisée avec les encres Piezo Charbon sur un support translucide Ilford, vous obtenez un négatif de votre fichier numérique, prèt pour une utilisation sous agrandisseur pour réaliser de magnifiques tirages sur papier photo.
Quel intérêt ? Pouvoir tirer soit même (ou faire tirer) par contact le négatif obtenu, ce qui ajoute une vrai démarche argentique dans votre process numérique, de plus, le négatif a une durée de vie estimée a plus de 200 ans et une capacité de tirage illimitée. Il est aussi possible d’obtenir un contact de ce négatif (avec un leger surcout) dont l’interet est d’avoir un tirage type sur lequel partir pour la reproduction. Alors forcément, ceux qui aiment vendre des tirages uniques vont adorer, quelle plusvalue que de pouvoir vendre son tirage et son négatif, tout deux « uniques » en lieu et place d’un tirage laser classique.
Présentation par Picto L’internégatif est un intermédiaire de tirage adapté aux fichiers numériques permettant de tirer sur du papier photo argentique noir et blanc sans passer par un imageur. Le tirage se fait par contact à partir d’un internégatif obtenu par un procédé jet d’encre. Il donne un résultat encore plus intéressant en petit et moyen format qu’une impression directe sur Lambda pour les supports argentiques noir et blanc RC et baryté. A partir de votre fichier numérique, nous imprimons en négatif, à taille réelle, sur un support opalescent Ilford avec la technologie jet d’encre Piezo Charbon Cone afin d’obtenir la meilleur qualité pour votre image.
Le résultat
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Outre les avantages vu plus haut, l’impresPour tous ceux qui veulent associer l’avansion globale se résume en une incroyable tage de l’argentique et ceux du numérique, texture, un rendu des détails bien plus tout en maîtrisant les coût de fabrication riche que l’original (sur écran) et même que et en assurant une plus value « maison » le baryté lambda, pourtant une référence à leurs tirages, voici une excellente nouen tirage N&B. C’est chaud, c’est agréable veauté, qui permettra aux fidèles de l’argenau touché, c’est texturé, c’est beau.nous tique de trouver peut etre en cette technique sommes là dans du tres haut de gamme. un argument pour passer au numérique, J’ai vraiment été surpris par les détails un nouvel outil qui fait vraiment évoluer que cette solution me permet de récupéla photographie numérique, lui offrant rer sur un fichier pourtant tres contrasté, enfin la possibilité d’utiliser des papiers notamment sur l’épaule et l’oreille à droite exceptionnel et avec un rendu tout aussi de l’image, et même dans les noirs, comme impressionnant. ici la mèche de cheveux, alors que les noirs ne sont pas le point « fort » d’un négatif. Ajoutez à cela un micro-contraste vraiment surprenant qui donne une impression de piqué assez incroyable ; et puis le papier, le « vrai » papier qui donne cette impression de finition et de solidité, en bref, un tirage argentique. Le résultat « basique » est un peu plus dense, un poil plus sombre mais ce rattrape sous l’agrandisseur et de toute façon reste soumis à votre appréciation, votre interprétation. Son avantage principal, est d’ailleurs de pouvoir en faire un peu tout et n’importe quoi, le virer, le retoucher par zone, jouer sur les papiers, etc. En un mot le développer, mais le développer « physiquement » et peut être même lui offrir un nouvelle interprétation, plus riche, voire réaliser carrément tout le développement en argentique si le fichier envoyé est vierge de toute retouche et retrouver les joies de l’agrandisseur sans pellicule, avec un capteur digital.
PAPIERS NUMÉRIQUE
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Les progrès réalisés par toute la chaîne de traitement numérique, de la prise de vue à l’impression, en passant par la manipulation des fichiers images, justifient que l’on s’attarde sur les papiers qui sont au bout de cette chaîne. C’est finalement eux qui resteront les témoins de la prise de vue. Avant de penser à l’image que nous allons déposer sur le papier, il faut nous préoccuper du plaisir que nous allons éprouver en le manipulant et des contraintes mécaniques que nous allons lui imposer.
Le toucher
La main
Il dépend de la matière ainsi que du couElle, dépend du grammage du papier ainsi chage déposé sur la surface. Quatre grands que de sa composition. C’est ce qui fait la types de surfaces existent dans les papiers tenue du papier. On trouve des papiers haut de gamme : fibres, des papiers à base de coton (rag), L es types « aquarelle », mats, à base de et des bases mélangées coton/cellulose. cellulose. À noter que si vos photos doivent être mises Les types « papier photo PE », équivalents sous verre, il est inutile d’aller chercher des du PE/RC en argentique. Une couche de papiers très épais (autour des 310g/m² en polyéthylène et un couchage à base de général), certains fabriquants proposent des résine donnent un aspect et un toucher versions allégées de leurs produits, offrant plastifié. les mêmes possibilités d’impression Pensez Les types dits « barytés numériques », qui également que certaines imprimantes ne visent à retrouver l’aspect des tirages arpeuvent pas accepter les papiers très épais. gentiques sur papier baryté. Nous verrons Renseignez-vous. que ce terme est souvent usurpé. Les types dits « papiers couchés ». Il s’agit de papiers de bonne qualité enduits d’un couchage souvent très blanc, mat, au toucher soyeux. Ils sont très agréables à travailler mais n’atteignent pas la qualité des papiers précédents. Leur excellent rapport qualité/ prix fait d’eux une alternative intéressante pour toute expo passagère, ou en tant que papiers de travail.
La teinte
La surface, le couchage
Le papier, qu’il soit à base de cellulose ou de coton est en principe d’un blanc cassé, que nous appellerons blanc naturel (noté NW). Le traitement de surface (couchage) lui donne une plus grande blancheur, mais ceci n’est pas suffisant pour certaines applications (ou pour certaines sensibilités). En noir et blanc, on peut parfois être gêné par des gris un peu jaunes, par contre, les couleurs sont plus chaudes. Les fabriquants ajoutent des azurants optiques dans la composition du papier pour obtenir le blanc « plus blanc que le blanc » (on dit blanc lumineux ou high white, noté HW). Ceci affaiblit ses qualités de conservation.
C’est là que la qualité de la chimie va s’exprimer. Les papiers jet d’encre, comme les papiers argentiques, doivent être recouverts d’une couche protectrice, destinée à lisser le papier et à empêcher l’émulsion (ou ici, l’encre) de pénétrer dans le papier et de le faire gondoler. Il s’agit soit de polyéthylène (papiers PE), soit d’un composé chimique. Le plus connu, étant le sulfate de baryum, lequel à donné son nom au fameux papier baryté. En jet d’encre, rares sont les papiers recouverts de sulfate de baryum, la majorité le remplaçant par du dioxyde de titane, pourtant tous sont appelés barytés numériques. Le plus amusant étant d’ailleurs que
Certains proposent deux versions du même produit (avec ou sans azurants).
La durée dans le temps L’impression sur du papier n’est pas éternelle ! Qu’il s’agisse d’impressions jet d’encre, argentique, voire même avec des procédés d’imprimerie, les couleurs et la qualité de surface vont s’altérer, sous l’action conjugée des réctions chimiques, des UV et de la pollution athmosphérique. Canon et HP, pour ne citer qu’eux, assurent une stabilité des images pendant 100 ans au minimum, sous réserve que les photos soient conservées sous certaines conditions, il est alors nécessaire de prendre certaines précautions pour faire le moins mal possible aux papiers ainsi qu’aux encres utilisées pour l’impression de vos photos :
Le couchage superficiel donnera un aspect plus ou moins brillant au papier, ainsi que sa solidité. La dernière couche, protectrice, lui donne sa solidité aux éraflures, mais enlève de la lumière en jetant un voile sur l’image. Là, on cherchera le meilleur compromis.
hoisir des papiers avec un PH le plus C neutre possible. Il mesure l’équilibre acide/base du papier. Un PH neutre (autour de 7) limite les réactions chimiques entre l’encre et le couchage du papier (qui peuvent avoir lieu même longtemps après l’impression). De même, il est préférable d’éviter les papiers très blancs, comportant des azurants optiques chlorés ou non. Les papiers haut de gamme (fine art, barytés) évitent ce genre de défauts. Les encres ont évidemment leur importance. Les encres pigmentées sont plus résistantes aux UV, elles sont par contre plus grasses, et bouchent facilement les têtes ce qui entraîne une consommation impressionnante. Les encres à colorants ont fait de réels progrès, bien qu’elles restent en retrait par rapport aux pigmentées. Protégez vos images de toute sorte de pollution, notamment celle athmosphérique. Elle détruit vos couleurs aussi sûrement que l’acide ou les azurants dans le papier. Deux solutions existent alors, la première étant le sous-verre (anti-UV de préférence), il est cependant dommage de choisir une jolie surface de papier pour la mettre sous verre ; la deuxième étant un traitement de surface, il existe des sprays invisibles, utilisés pour les aquarelles, fusains et sanguines qui protègent la surface contre les agressions extérieures.
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le dioxyde de titane présente un avantage que n’a pas son concurrent : il est moins imperméable, ce qui permet à l’encre de s’échapper par en haut (évaporation) et par en bas Les réactions de votre papier à la luminosité et à la couleur s’expri(un peu) en s’enfonçant dans les fibres. Cela ment suivant les mesures L.A.B. dans la description de la plupart évite l’effet de relief (aux frontières du noir des papiers : par exemple) que l’on constate surtout sur L = restitution de la lumière, noté sur 100. les papiers PE, principalement en glossy. À partir de 94 c’est très bon, au- delà de 97, Le nombre de papiers traités au sulfate de c’est exceptionnel. baryum à tendance à augmenter. Tous les a = l’axe A donne la distortion colorimé- autres sont des papiers fibre au dioxyde de trique sur l’axe magenta/vert titane. En fait, la qualité du papier dépend <2 (en + ou en -) c’est très bon, 0 c’est parfait. peu de ce choix, les « vrais » et les « faux » b = l’axe B chaud/froid donne la « tempéra- offrant les mêmes résultats en impression. ture » (axe Kelvin). <0 le papier est froid, >0 il est chaud. Les papiers jet d’encre sont ensuite recou=0 c’est équilibré. verts d’un couchage destiné à recevoir l’encre. La spécificité de cette couche fait A noter que les écarts sur les axes A et B peuvent être facilement que le papier sera destiné aux encres à corrigés grâce à un profil, on ne peut pas vraiment parler de faicolorants (dye) ou à pigments (dans ce cas blesse du papier. En ce qui concerne l’axe L on parle de couche nanoporeuse ou micropar contre, c’est différent, un profil ne pouporeuse). Cette deuxième catégorie de pavant pas vous rendre la luminosité perdue. piers est dite universelle, car elle accepte les encres à colorants, l’inverse n’étant pas vrai.
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REPORTAGES 55 —
Des hautes montagnes tibétaines aux plages guadeloupéennes, découvrez des papiers naturels au travers de leurs cultures d’origine.
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SHANGRI-LA ENTRE MYTHE ET RÉALITÉ
Un lieu imaginaire
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Shangri-La est le nom d’un lieu imaginaire décrit dans le roman Lost Horizon (titre traduit en français : Les Horizons Perdus) écrit par James Hilton en 1933. On parle dans ce livre d’un lieu fermé aux extrémités occidentales de l’Himalaya et dans lequel l’on voit de merveilleux paysages, le temps est détendu dans une atmosphère de paix et tranquillité. Lost Horizon narre l’histoire de rescapés d’un accident d’avion qui réussissent à atteindre une lamaserie utopique, appelée « Shangri-La », aux confins du Tibet. Des articles de Joseph Rock, un botaniste, linguiste, explorateur et géographe américain d’origine autrichienne publiés dans le National Geographic inspirèrent James Hilton pour son roman Lost Horizon où il évoque une communauté de l’Himalaya sous le nom de Shangri-La. Le nom et le concept de Shangri-La auraient pu être inspirés par le mythe de Shambhala, introduit en Occident dès le xixe siècle. Dans le roman de James Rollins, La Bible de Darwins, une partie de l’histoire se passe dans l’Himalaya à Shangri-La. Dans les notes de l’auteur à la fin du roman, il mentionne « Shangri-La a été découverte au fin fond de l’Himalaya en 1998, une oasis de verdure luxuriante et d’eau vive, perdue au milieu de sommets glacés. Y aurait-il autre chose caché là-haut ? »
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Une réalité chinoise
Hilton avait voyagé dans cette région quelques années avant la publication de son roman, mais n’avait jamais donné son emplacement exact, et même aujourd’hui, cela reste un mystère (de la même façon, la culture chinoise est depuis longtemps fascinée par un paradis qui serait dans l’ouest de la Chine, près des montagnes de Kunlun
situées au sud du désert de Taklamakan.) Un des lieux candidats à ce paradis était appelé en chinois Zhongdian jusqu’en 2002, puis ce comté a officiellement changé son nom pour devenir Shangri-La. Son nom tibétain est resté Gyalthang. Est-ce le vrai Shangri-La ? Vous pourrez vous faire votre propre opinion, mais Gyalthang il est vrai pré-
sente des qualités adéquates. Caché dans la montagne à une altitude de plus de 3 300 mètres, il abrite le monastère de Ganden Sumtsenling dans une vallée où se trouvent de vieux villages tibétains, évocateurs d’un paradis pastorale.
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Cette ville de Shangri-La moderne n’a pas toujours été une utopie, mais a été un arrêt important sur la Route du Thé et des Chevaux, qui s’étend du Yunnan au Tibet. Au sud, cette route descend jusqu’à Lijiang et les terres de thé les plus basses du Yunnan alors qu’au nord, le chemin longe la magnifique montagne de Kawa Karpo dont le pic s’élève à plus de 6700 mètres avant de pénétrer dans le Tibet à proprement dit. Même aujourd’hui, cette route est reconnue comme étant le meilleur chemin pour aller du Yunnan au Tibet sur ‘l’autoroute’ construite par les Chinois. Ce lieu,
nommé Gyalthang par les Tibétains, occupe une position particulière dans l’histoire tibétaine. Son monastère le plus célébré a été construit par injonction du 5ème Dalai Lama, et cette ville est l’endroit où de nombreux Tibétains et Khan se retrouvaient pour s’affronter dans des championnats équestres et d’autres jeux. La ville se situe dans une des dernières vallées avant les immenses montagnes qui s’étirent jusqu’au Tibet et l’ouest du Sichuan. Dans ces vallées étroites coulent trois importantes rivières, le Yangzi, le Mékong et le Salween, qui se jettent dans la mer à des endroits
très éloignés, allant de la Birmanie à Shanghai. Ces fleuves abritent toute une variété de vie animale, et la région est dûment connue pour ses oiseaux migrateurs qui enrichissent l’environnement. Le début de l’été est marqué par une profusion de fleurs alpines décorant vallées et montagnes.
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En marge de l’histoire de la Chine, les turbulentes années 1930 virent les armées communistes arriver dans cette région lors de la Longue Marche. Les mêmes armées revinrent vingt ans après afin de s’assurer que cette région avait bien été ‘libérée’ et qu’elle répondait entièrement à Pékin. Deux théories sur l’utopie s’affrontent et c’est la version marxiste chinoise qui a eu le dessus pendant un certain temps. La Révolution culturelle, de 1966 à 1976, a été en général une expérience épouvantable pour les minorités ethniques sous contrôle chinois — cependant, une fois que l’utopie socialiste maoïste fut
oubliée, la possibilité des paradis commerciaux redevint possible et les locaux, dans cette ville connue à l’époque sous le nom de Zhongdian s’en accommodèrent bien. À la fin des années 1990, les fermiers locaux tibétains découvrirent qu’une des nombreuses espèces de champignons qui poussaient dans leur jardin d’éden et qu’eux-mêmes ne ramassaient que très rarement était recherché fervemment au Japon. Les meilleurs champignons de cette variété locale pouvaient se vendre à près de 1 000 $ par livre. Pendant plusieurs années, la moitié, et même parfois les trois-quarts
des habitants de ce paradis étaient impliqués par un moyen ou un autre dans l’acheminement de ces champignons du pied des pins aux assiettes des connaisseurs japonais en moins de deux jours.
Papier tibétain : un trésor historique
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L’histoire du papier tibétain remonte au milieu du viie siècle, où règnait le roi Songtsen Gampo. La princesse Wencheng a fait aprrendre des savoir-faire et des techniques dont la fabrication du papier au peuple tibétain. Par manque des matières premières traditionnelles, les artisans ont du chercher des remplaçants au Tibet. La racine du daphné est une matière indispensable mais le creusage de celle-ci est un procédé dur, même le plus dur. Les ouvriers doivent monter dans les montagnes de plus de 4 500 m d’altitude, parce que c’est à partir de là que pousse le daphné. Pour obtenir les racines du daphné, il faut creuser au moins 30 centimètres de profondeur. De plus, l’une des grandes particularités du daphné réside dans sa vénénosité, ce qui a découragé une grande quantité de nouveaux apprentis et ainsi raréfié la production. Le papier tibétain issu de la préparation traditionnelle est dôté de plusieurs qualités. Une texture ferme, il résiste au frottement et aux repliages. Grâce à des ingrédients particuliers, il résiste aux mites et à la corrosion. Ces caractéristiques l’ont rendu célèbre et distingué parmi les papiers de fabrication traditionnelle. En 2006, la technique de la fabrication du papier a été classée dans la première liste du patrimoine immatériel national.
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GUADELOUPE DANS LES COULISSES DE RHUMS D’EXCEPTION
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Une fabrication traditionnelle
La canne récoltée est rapidement livrée à la distillerie où elle est pesée et échantillonnée pour évaluer sa richesse en sucre. Les cannes s’engagent ensuite dans une série de trois moulins actionnés par une machine à vapeur où elles sont broyées pour en extraire le jus appelé vésou. Le premier moulin permet d’extraire jusqu’à 70% du jus. Arrivée au niveau des second et troisième moulins, la canne est arrosée avec de l’eau afin d’améliorer l’extraction du
sucre. Le vésou ainsi obtenu est tamisé puis envoyé grâce à une pompe dans les cuves de fermentation.L’utilisation de ce vesou fraîchement pressé caractérise la qualité du rhum agricole par opposition au rhum industriel distillé à partir de la fermentation des mélasses issues de la fabrication du sucre.
Pendant la fermentation qui dure de 24 à 36 heures, les bactéries et les levures transforment le sucre en alcool et en éléments « non alcools ». À la fin du processus on obtient un vin de canne qui titre entre 4% et 5% de volume d’alcool prêt à être distillé.
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Le vin de canne, pompé de la cuve de fermentation, est d’abord réchauffé dans le chauffe-vin puis introduit dans la partie supérieure de la colonne de distillation. Il descend progressivement de plateau en plateau par un système de trop-pleins et de plongeurs tandis que la vapeur d’eau envoyée par le bas se charge d’alcool et des éléments non alcools les plus volatils. Cette vapeur termine son parcours dans la tête de concentration au sommet de la colonne puis passe dans le condenseur où en refroidissant elle revient à une forme liquide, incolore et cristalline titrant environ 70% de volume d’alcool pur.
Après la distillation, le rhum à 70% de vol. repose durant plusieurs mois dans des cuves en acier inoxydable à l’habitation. Des apports successifs d’eau déminéralisée ramènent sa teneur en alcool à 55%, 50% ou 40% de vol. par paliers progressifs. Cette réduction s’accompagne d’une oxygénation obtenue par brassage des cuves. Cette technique lente débarrasse les rhums de leur brûlant et donne un alcool équilibré en bouche, rond et savoureux. Cette opération prend de trois à huit mois selon le type de rhum blanc.
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La fibre de canne à sucre comme papier La canne à sucre est une plante annuelle qui constitue une matière première essentielle pour l’industrie mondiale du sucre. Désormais, elle constitue également une nouvelle solution pour l’étiquetage. Auparavant, après extraction de la sève de la canne par les machines, la pulpe résiduelle était généralement rejetée, puis enterrée ou brûlée. Aujourd’hui, ce déchet est transformé en un produit apprécié pour son aspect naturel et ses excellentes performances comme papier d’impression. Le papier en fibre de canne blanc offre aux imprimeurs un matériau écologique doté d’une excellente performance de conversion. Le papier en fibre de canne est composé à 95 % de déchets de canne à sucre recyclés afin d’offrir un papier traité hautement résistant à l’humidité. Ce papier permet d’éviter de détruire des arbres et, contrairement aux papiers recyclés, il ne nécessite aucun produit chimique pour effacer toute trace d’encre et garantir sa couleur blanche. Bien qu’il s’agisse d’un produit de « spécialité », il est moins coûteux qu’un papier sans bois, fabriqué par exemple à partir de coton. Écologique, lisse et présentant un haut degré de blancheur, le papier en fibre de canne est idéal pour une très grande variété d’impressions.
76 — GASTRONOMIE
GASTRONOMIE 77 —
Découvrez l’univers culinaire sous un autre jour, grâce aux compositions hautes en couleurs et en textures des artistes de la table.
78 — YANNICK ALLÉNO
YANNICK ALLÉNO PORTRAIT D’UN CHEF TROIS ÉTOILES Membre du cercle très fermé des meilleurs cuisiniers du monde, il sublime ses plats au travers de véritables photos de mode.
Yannick Alléno est né en 1968 à Puteaux
table gastronomique de l’hôtel Scribe où il ob-
deux de ses concepts : S.T.A.Y. et Sweat Tea
l’emmènent au gré de leurs gérances en pro-
ses expériences précédentes, Yannick Alléno
très réputée « 101 Tower » de Taipei.
dans une famille de bistrotiers. Ses parents vince puis en banlieue parisienne, c’est ainsi qu’il découvre le terroir de l’Ile de France.
« Les gens ignorent qu’il existe un vrai terroir parisien. Je crois que la gastronomie est née
à Paris. Il fallait revisiter l’histoire culinaire de cette ville et redécouvrir ces produits qui
tiendra une deuxième étoile en 2002. Fort de supervise toutes les offres gastronomiques du
quatre étoiles, du petit-déjeuner au room-service en passant par les offres spécialisées de la carte gastronomique.
En 2003, Dominique Bori, directeur
étaient pour la plupart en train de dispa-
général de l’Hôtel Meurice le sollicite pour
sa force de travail, c’est de ses parents qu’il
cher à Dali. En 2004, il obtient une deuxième
au Relais Louis XIII aux côtés de Manuel
l’obtention d’une troisième. Au Meurice,
raître. » affirme-t-il. Sa passion de la cuisine, les tient. Il fait son premier galop en cuisine Martinez.
En 1984, après son BEPC, il intègre le
lycée hôtelier de Saint Cloud et sort major de la promotion Ile -de-France (clin d’œil du
prendre la direction des cuisines du palace
étoile et en 2007, c’est la consécration avec Yannick Alléno dirige la maison comme si
c’était la sienne. Il y insuffle son énergie, son talent et sa créativité.
En quatre ans, il a mené la table du
destin). Apprenti pâtissier dans la brigade de
Meurice au meilleur de sa renommée et à
expériences. Au Royal Monceau commis de
Yannick Alléno a offert un présent et un ave-
Jacky Fréon au Lutétia, il enchaine ensuite les cuisine section grillades, puis chef de partie au Sofitel-Sèvres avant d’être embauché par Marc Marchand, chef du Meurice en 1990.
De 1994 à 1999, il rafle les prix et les
récompenses : Auguste Escoffier, Paul-Louis
artistique, Bocuse d’argent, Maître cuisinier.
Dur au labeur, il prépare les concours après ses journées au Meurice. Perfectionniste, il
nir. En jardinier du souvenir, il a réinventé
une gastronomie parisienne, au-delà des plats
bistrotiers des Halles, il a retrouvé la succulence du terroir de l’Ile de France si célèbre au xixe.
N’oublions pas que le concept de restau-
rant, naquit à Paris, par le fait de la noblesse, alentour du Palais Royal.
En 2008, il crée son groupe de restau-
ration et vend des concepts et des produits
trouve son équilibre dans le travail, apprend
signés en France et à l’International pour la
style.
carte du Cheval Blanc à Courchevel où il ob-
inlassablement et petit à petit se forge un
En 1995, Louis Gondard, alors chef du
Drouant, lui propose de le seconder. Cinq années durant, il réactualise les recettes de
cette table historique en jouant le classicisme et l’épure. Nouvelle aventure aux Muses, la
restauration de luxe. Dans ce cadre, il signe la tient deux étoiles, s’installe au sein du Royal Mansour à Marrakech puis à Dubaï au « One and Only One The Palm » depuis fin 2010.
En Septembre 2011, il ouvre le Shangri-
La à Pékin et en Octobre de la même année
En 2012, retour aux sources, Yannick
Alléno prend la concession de la Maison de la Mutualité pour en faire son tout premier
bistrot : « Terroir Parisien ». Attaché à sa
culture d’origine, il propose une vision bis-
trot qui surprendra car « les gens ignorent qu’il existe un vrai terroir parisien. Or je crois
que la gastronomie est née à Paris. Il fallait revisiter l’histoire culinaire de cette ville et redécouvrir ces produits qui étaient pour la plupart en train de disparaître »
Ce bistrot accompagné d’un livre de
recettes nous fait croquer les produits franciliens : chou de Pontoise, Belle de Fontenay, matelote de Bougival, Yannick Alléno a exhumé des oubliettes toutes les spécialités
maraîchères, charcutières ou culinaires qui
firent l’âme et le ventre de la Capitale. Le voici consacré le chantre du locavorisme-écolo-
parigot, allégorie moderne du bistrot où se presse le tout germanopratin.
Depuis l’automne 2013, Yannick Alléno
a quitté le Meurice et vogue vers de nouveaux
projets. Il a repris les rênes des cuisines de
l’Hotel Salomon de Rotschild, et a ouvert un deuxième Terroir Parisien, cette fois-ci dans l’enceinte du Palais Brongniart.
Sophie le Menestrel
79 — YANNICK ALLÉNO
Meissonnier, champion de France de cuisine
celle qui n’avait pas de passé gastronomique,
dans les souks de Beyrouth, ainsi que dans la
80 — YANNICK ALLÉNO
81 — YANNICK ALLÉNO
Yannick Alléno nous surprend une fois de plus avec une nouvelle idée : il vient de lancer un magazine qui présentera recettes et reportages sur les métiers « qui font la grande cuisine d’aujourd’hui, avec un zoom sur les produits ». Ce magazine se veut aussi source de réflexion sur les problématiques de la profession et les techniques clés de la gastronomie (dans le premier numéro, un encart sur la cuisson sous vide). En chiffres : un tirage à 20 000 exemplaires, 132 pages, 40 recettes et une sortie tous les 2 mois. YAM est aussi en kiosk et nul doute qu’il trouvera un large public, à l’heure où l’engouement pour une cuisine de plus en plus raffinée atteint même les amateurs. Le projet d’une version anglaise est dans les tablettes.
Au sommaire Grande Table :
Simple Table :
- Tarte fine de Saint-Jacques aux grains de caviar - Tartare de bar, Yuzu en gelée - Filets de sole, tofu de crevettes, corail d’oursin - Volailles et homard en 4 services - Fuseau croustillants au chocolat lacté, copeaux de truffe noire
- Cannelloni d’épinards à la ricotta, artichauts fondants à la crème de parmesan - Pommes de terre et anguille fumée à l’écume de betterave - Ravioles de langoustines à l’embeurrée de chou vert aux truffes - Cabillaud à la vapeur, duxelles de gros champignons de Paris, cappuccino de moules au safran - Pigeon cuisiné en cocotte, fondue de salsifis aux côtes de salade
Découvrez le site du magazine :
FESTIVAL INTERNATIONNAL DE LA PHOTOGRAPHIE CULINAIRE
82 — GASTRONOMIE
6e édition du 8 au 26 novembre 2014
Le Festival International de la Photographie Culinaire, évènement devenu incontournable dans les milieux de la photographie comme de l’alimentation, se tiendra à Paris du 8 au 26 novembre 2014. À la fois professionnelle et grand public, cette manifestation culturelle rend hommage au travail des photographes plasticiens qui ont choisi d’évoluer dans l’univers de l’alimentaire. Le Festival est l’unique occasion de découvrir le travail de ces observateurs et capteurs de tendances venus des quatre coins de la planète. Il démontre toute la subtilité de la photographie culinaire et prouve encore une fois qu’elle est à considérer comme une œuvre d’art à part entière.
Le mot du président Dans un contexte économique difficile qui met à rude épreuve la faisabilité du montage de nos projets culturels, c’est, plus déterminé que jamais, que j’ai décidé de poursuivre pour la sixième année consécutive la belle aventure qu’est le Festival. Quoi de plus normal que de choisir un thème en concordance avec notre temps, où les valeurs de notre enfance, de notre histoire, font une part importante à nos choix de tous les jours. C’est donc tout naturellement que le retour aux source s’est imposé comme thématique de cette nouvelle édition. Jean-Pierre Stéphan
Le retour aux sources est une notion très personnelle et dépend du vécu de chacun, ce sera le maître mot du Festival et se retrouvera, consciente ou inconsciente, dans chaque photographie.
Pendant 19 jours, du 8 au 26 novembre, le public pourra s’imprégner de l’univers de la photographie culinaire à travers 28 expositions, 8 ateliers, et une journée de Rencontres et Débats organisée à Gobelins, l’école de l’image. Lieux parisiens prestigieux, institutionnels, ou originaux : chacun est libre de faire son propre périple à la découverte du Beau et du Bon.
83 — GASTRONOMIE
Après « Poissons, coquillages et crustacés » en 2009 pour la première édition, « J’ai descendu dans mon jardin » en 2010, « Street Food » en 2011, « l’Oeuf » en 2012, et « Luxe & Fête » en 2013, la prochaine édition du Festival célébrera le thème « Retour aux sources ».
84 —
Le parrain
Un partenaire
C’est avec le partenariat d’Ilford qu’aura lieu cette 6e édition, l’ensemble des tirages seront en effet effectués sur de papier Ilford Galerie Prestige. C’est grâce à ce partenariat que cette nouvelle édition s’assure un gage de qualité pour l’intégralité des expositions qui auront lieu.
Découvrez l’événement :
85 —GASTRONOMIE
Chef des cuisines du Pré Catelan, triplement étoilé au guide Michelin depuis 2007, Meilleur Ouvrier de France en 2000, Frédéric Anton est également membre du jury de MasterChef France. Il excelle à créer les sensations les plus subtiles en mariant des ingrédients parfois très simples, et s’attache à faire découvrir des alliances authentiques.
86 — STÉNOPÉ
STÉNOPÉ 87 —
À l’occasion du pinhole day (journée du sténopé), découvrez cette technique fondamentale de photo sans appareil.
QU’EST-CE QUE C’EST ? Un sténopé est un dispositif optique très simple permettant d’obtenir un appareil photographique dérivé de la camera obscura. Il s’agit d’un trou de très faible diamètre. Par extension, on appelle ainsi l’appareil photographique utilisant un tel dispositif.
88 — STÉNOPÉ
Il se présente sous la forme d’une boîte dont l’une des faces est percée d’un trou minuscule qui laisse entrer la lumière. Sur la surface opposée à cette ouverture vient se former l’image inversée de la réalité extérieure, que l’on peut capturer sur un support photosensible, tel que du papier photographique. Comme l’œil, le sténopé capture des images inversées du visible. Du fait de la petite taille de l’orifice permettant à la lumière de pénétrer à l’intérieur de l’appareil, le temps nécessaire pour impressionner la surface photosensible est très long. Selon la taille de l’appareil et de l’ouverture, il peut se chiffrer en secondes ou en heures. Le trou minuscule du sténopé permet une très grande profondeur de champ (pratiquement infinie). La construction d’un sténopé est extrêmement simple. Il suffit d’une boîte étanche à la lumière. Son intérieur doit être recouvert d’une substance noire et mate pour éviter la réflexion des rayons lumineux. L’une des faces est percée d’un petit trou, à l’aide d’une aiguille à coudre par exemple. C’est ce petit trou qui est à proprement parler le sténopé, il peut être percé dans un matériau différent de la chambre noire et être monté sur celle-ci comme un objectif photographique classique.
Votre premier sténopé avec une boite de conserve
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2. À l’aide d’une aiguille, percez un trou au milieu de la boîte d’un coup sec. Obstruez le trou avec un morceau de ruban addhésif ou un morceau de carton.
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3. Dans une pièce totalement noire, insérez la feuille de papier photographique dans le fond de la boîte et fixez là avec de la pâte à fixe. Refermez la boîte et fixez le couvercle avec du ruban addhésif noir afin de parfaire l’étanchéité. Vous pouvez rallumer la lumière. 4. Sortez de préférence à l’extérieur et exposez votre film une dizaine de seconde selon l’ensoleillement puis refermez le trou. Attendez bien d’être à nouveau dans l’obscurité pour retirer le film et le développer. Vous voilà avec votre première photographie au sténopé.
89 — STÉNOPÉ
1. Prenez une boîte de conserve et peingnez l’intérieur à l’aide d’une bombe de peinture noir mat. Peignez aussi le couvercle afin de le rendre totalement opaque.
TITAN HARMAN
90 — STÉNOPÉ
Le sténopé Titan harman a été conçu en collaboration avec le fabriquant Walker au Royaume-Uni, bien connus pour leurs caméras de cinéma grand format gamme de Titan, et Ilford, fabricant réputé de produits photographiques argentiques noir et blanc Le corps est fait d’injection moulée ABS, fini avec un revêtement antidérapant très résistant. Tous les raccords sont en acier inoxydable. Cette combinaison de matériaux rend le sténopé exceptionnellement robuste pour résister aux éléments naturels extrêmes et manipulation brusque. Il peut être utilisé avec un film photographique ou drictement avec du papier voir même un film 4x5. Il a aussi une possibilité de se fixer sur trépied. Le kit est livré avec un cône de 72 mm grandangle, qui est interchangeable. Il est alors possible d’y ajouter des cônes séparés de 110 à 150 mm, qui est la même distance focale comme la lentille standard sur un appareil photo de 4x5. Le Sténopé de Ilford pinhole photography kit comprend également 10 feuilles de papier photographique Harman direct positif 4x5, 10 feuilles de 4x5 Ilford delta 100 professionnel ainsi que 10 feuilles 4x5 RC perlé et un calculateur d’exposition sténopé basé sur un design de Richard Koolish, le tout contenus dans une boîte Ilford emblématique reconnaissable.
91 — SzTÉNOPÉ
92 — STÉNOPÉ
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Dans le prochain numéro Paris
Marc Riboud Bird’n’Roll Dionysos Blow-up Michelangelo Antonioni Papier numérique Tout sur les derniers papiers Internégatif Le renouveau du négatif dans le monde du numérique Chambre noire Comment ça marche ? Votre premier laboratoire à domicile
Découvrez toujours plus d’actus sur notre site Internet :
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Dossier : GENESIS SEBASTIÃO SALGADO
C’est la chose la plus importante : un papier qui donne des noirs très profonds, des blancs purs et toutes les nuances entre les deux. Nous avons fait de nombreux tests avec différents types de papier avant d’en choisir un définitivement. Nous avons choisi Ilford Galerie mais nous en avons essayé des quantités d’autres.
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