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Notre Biennale Notre Biennale

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Galeries Nicolas Bourriaud

1, quai Voltaire 75007 Paris Tél. : 01 42 33 66 72 205, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris Tél. : 01 42 61 31 47 gnb@galeriesnicolasbourriaud.com www.galerienicolasbourriaud.com

Galeries Nicolas Bourriaud


Notre Biennale

2021

Galeries Nicolas Bourriaud 1, quai Voltaire 75007 Paris - Tél. : 01 42 33 66 72 / 205, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris - Tél. : 01 42 61 31 47 gnb@galeriesnicolasbourriaud.com - www.galerienicolasbourriaud.com


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es galeries Nicolas Bourriaud entendent perpétuer la tradition parisienne de la Biennale et exposer au 1 quai Voltaire des sculptures d’exception dignes d’y figurer. Dans un décor épuré, la scénographie s’attache à faire ressortir les sculptures et les détails et nuances de leurs patines. C’est un honneur pour nous de vous donner la primeur de notre plus belle sélection d’œuvres.

Commençons avec Antoine-Louis Barye (1795-1875), surnommé le « Michel-Ange de la Ménagerie ». Il nous donne à voir un superbe Lion assis numéro 1, imposant d’autorité et parfait de ciselure. Autre adepte assidu du jardin des Plantes, Rembrandt Bugatti (1884-1916) est représenté quant à lui par un Flamant en marche, modèle de gracilité qui semble se déplacer au fil de l’eau. On peut aussi citer le célèbre François Pompon (1855-1993) et son Oie sur terrasse arrondie, modèle de 1926 ou bien encore Jane Poupelet (1874-1932) grande figure de la sculpture du début du XXe siècle et son Ânon, modèle choisi pour participer à la première exposition du « Groupe des Douze » en 1932. Sans oublier le prolifique Edouard Marcel Sandoz (1881-1971) et sa Famille de lapins touchante de réalisme, qui n’a été éditée que pendant cinq ans à partir du 24 février 1944. Les animaliers ne sont pas les seuls sculpteurs à l’honneur dans l’exposition. On peut y découvrir le buste en plâtre du Prince impérial de Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875), offert par le sculpteur à l’écuyer Rainbeaux, écuyer du Prince impérial. Auguste Rodin (1840-1917) est présent avec L’Éternel Printemps 4ème réduction, admirable groupe sculpté où les deux amants se fondent littéralement l’un dans l’autre. Dans cette fusion amoureuse, l’homme ouvre son torse alors que la figure féminine (reprise de l’œuvre le Torse d’Adèle inspirée d’Adèle Abruzzesi, un des modèles favoris de Rodin) déploie éperdument sa cambrure. De la même période, le Rêve au coin du feu de Camille Claudel (1864-1943), dont le plâtre (N° 140) fut présenté à l’exposition Universelle de 1900, est d’une grande rareté sur le marché de l’art. Notre exemplaire est une exceptionnelle fonte d’Eugène Blot (1857-1938). L’exposition se prolonge avec Les chants immortels de Joseph Bernard (1866-1931), visage intérieur dont l’expression devait représenter le symbole de la communion avec l’infini. Puis la musique poursuit ses gammes, avec Antoine Bourdelle (1861-1929) et son émouvant Beethoven à la colonne dont le portrait correspond à une empreinte faite sur le vif. Le musée Bourdelle possède un exemplaire en plâtre en tous points similaire au nôtre à l’exception, évidemment, de la dédicace. Nous ne manquerons pas d’évoquer également le Nu assis ou Printemps de Charles Despiau (1874-1946) numéroté 3/3, chef-d’œuvre d’équilibre classique qui a été vraisemblablement exposé en 1925 au Pavillon du collectionneur Ruhlmann. Parmi cette pléiade d’artistes français se distingue un célèbre sculpteur japonais, Yasutake Funakoshi (1912-2002) et son beau Portrait de femme, l’une de ses toutes premières œuvres en taille directe qui a su séduire un diplomate français en poste au Japon dans les années 50. Ce tour d’horizon ne reflète qu’une partie de la trentaine de sculptures spécialement sélectionnées pour leur qualité irréprochable. Nous serons heureux de vous présenter cette année encore notre « Biennale 2021 » dans son espace dédié, rive gauche.

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le célèbre Lion au serpent. Il jouit désormais de la protection de la famille royale. Parmi les plus importantes créations figure la réalisation d’un surtout de table commandé par Ferdinand Philippe d’Orléans (1834-1839). Barye ouvre vers 1838 sa première fonderie, s’occupant à la fois de la fabrication et de la commercialisation de ses œuvres. En 1843, il présente au Salon l’un de ses chefs-d’œuvre, Thésée combattant le centaure Biénor. Durant treize années, Barye va perdre le contrôle de la production de ses bronzes en s’associant avec l’industriel Émile Martin. En 1854, il est nommé professeur de dessin de zoologie au Muséum. En 1857, il reprend la main sur sa production avec l’atelier Barye, comprenant sculpteurs, ciseleurs, patineurs, et ce jusqu’à sa mort en 1875. Pendant cette période les commandes affluent de la part de collectionneurs prestigieux et de mar-

chands américains qui commencent à acquérir son œuvre. En 1867, il reçoit la grande médaille d’or à l’Exposition universelle et est élu en 1868 à l’Institut à l’unanimité des suffrages. L’année 1874, est celle de la publication du dernier catalogue des bronzes de Barye au 4, quai des Célestins. Le Lion assis n°1 est présenté comme le pendant du Lion des Tuileries c’està-dire du Lion au serpent n°1. Il s’inspire du Lion assis commandé en 1847 par Louis-Philippe, dont il constitue peut-être une première pensée ou une variante. En 1867, le Lion assis et un pendant réalisé à partir d’un moulage sont placés au Louvre, à la « porte des lions ». Avec ce modèle, Barye nous révèle toute sa capacité à saisir sur le vif l’animal au repos, faisant saillir sa musculature et ressortir son épaisse crinière modelée dans le bronze avec vivacité et relief.

Lion assis numéro 1 : Bronze à patine brun vert nuancé, signé « BARYE », fonte atelier Barye 36 x 31 x 17 cm. - Circa 1857-1875

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Barye Antoine-Louis (1795-1875)

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a carrière d’Antoine-Louis Barye (1795-1875) fut particulièrement longue, lui permettant de laisser une empreinte indélébile dans l’histoire de la sculpture française du XIXe siècle. Fils d’orfèvre, il reçoit une formation qui lui permet de succéder à son père. Il choisit ensuite deux maîtres, Bosio pour le modelage et Gros pour le dessin. Après un apprentissage de sept ans à l’École des beaux-arts, il entre dans l’atelier de l’orfèvre Jacques Henri Fauconnier (1779-1839) où il perfectionne son métier. Ayant très tôt fréquenté le Jardin des Plantes avec son ami Eugène Delacroix, il acquiert la maîtrise de la morphologie et de l’anatomie animales. Barye établit presque du premier coup son métier de sculpteur, en exposant au Salon de 1831, son Tigre dévorant un gavial qui connaît un succès immédiat. Le Salon de 1833 marque sa consécration avec

Bibliographie : Michel Poletti et Alain Richarme - Barye catalogue raisonné des sculptures Paris, 2000, p.181, modèle référencé sous le n° A56.

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sions ; mais d’autres suivront, comme Eugène Rudier et surtout Claude Valsuani, éditeur de notre bronze.

Quant à la grâce intérieure et spirituelle, elle s’exprime chez le sculpteur au travers de ses visages sculptés, tout en intériorité.

Il pratique également volontiers le nu féminin qui jalonne son œuvre de 1904 à 1927. Ce sont parfois des figures isolées ; d’autres fois deux figures s’associant dans un même mouvement, mais toutes mues par le sens du rythme et de la danse. La Jeune fille à la cruche, œuvre emblématique du sculpteur, présentée à l’Armory Show à New York en 1913, combine à la fois un sens du mouvement et un sentiment de parfait équilibre.

En 1905 l’artiste ouvre une voie très personnelle avec L’Effort vers la nature, une tête féminine (musée d’Orsay) frappante par son caractère massif, anonyme, voire primitif. Comme nous l’in-

Joseph Bernard avait des relations très proches avec ses fondeurs ; en tête Adrien-Aurélien Hebrard, dans la galerie duquel il exposera, en 1907, ses figures de petites dimen-

Les têtes de la série musicale trouvent leur origine dans un projet monumental demeuré à l’état d’ébauche : le Monument à Beethoven (1904). De ce travail découle un groupement de trois têtes de jeunes filles en plâtre que l’artiste intitule De l’aurore à l’apothéose : une des trois écoute et les deux autres chantent. Le titre Chants immortels a été donné par la suite à notre tête pour la différencier . C’est dans cette œuvre que s’exprime avec le plus d’évidence la pensée du sculpteur et sa sensibilité avec lesquelles il est parvenu à exprimer toute la puissance de l’émotion musicale.

Une rétrospective lui fut consacrée au Salon d’Automne en 1911 et plus récemment une grande exposition au musée de La Piscine de Roubaix (26 juin au 5 septembre 2021), conçue en coproduction avec le musée Paul-Dini à Villefranche-sur-Saône.

Les chants immortels : Bronze à patine brun noir, signé « J. Bernard », fonte Claude Valsuani, porte le cachet du fondeur « C.Valsuani cire perdue », numéroté « N° 5 » 46,5 x 25 x 16,7 cm (socle inclus) - Circa 1910

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Bernard Joseph (1866-1931)

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dique René Jullian « on pourrait parler d’affleurement, d’émergence, d’effusion ou encore de visages intérieurs » (René Julian, opus cité-infra, p. 155). Attiré par « la vie de l’âme » Joseph Bernard est parvenu à retranscrire en sculpture une évidente émotion mystique hésitant entre religiosité et paganisme. Il existe alors deux séries de têtes, des têtes musicales, et des têtes inspirées.

et Isérois, fils de tailleur de pierre, put grâce à une bourse fréquenter l’École des beauxarts de Lyon (1881) puis celle de Paris à partir de 1885. Les sculptures de ses débuts, affichent des dimensions parfois spectaculaires, sous l’influence d’Auguste Rodin et d’Alexandre Falguière, dont il fut quelque temps le praticien. On pense au Monument à Michel Servet (1905) qui lui fut commandé par sa ville natale, réalisé en taille directe dans la pierre d’Euville, un calcaire très pur de la Meuse (Vienne, jardin de ville). Dans un style tout aussi monumental, mais plus tardif dans sa carrière, il faut citer La Frise de la danse (présentée à l’exposition de 1925), où s’épanouissent le rythme et la grâce décorative.

Bibliographie : René Jullian - Joseph Bernard - Fondation de Coubertin, Saint-Rémy-les-Chevreuses, 1989, N°117, reproduit en noir et blanc p. 290 (modèle en plâtre des trois têtes). Exposition : Notre sculpture est présentée au Musée des Beaux-Arts de Lyon, exposition L’Odyssée moderne de Louis Bouquet, du 19 mai au 29 août 2021.

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cé une fascination quasi-obsessionnelle sur Bourdelle, tant pour le personnage, enfermé dans sa surdité, que pour la puissance de sa musique qu’il découvre assez jeune. Il partage avec lui le front haut, le regard de feu et la coiffure. L’identification physique ne tarde pas à devenir artistique. Ainsi, dès 1888 et jusqu’à sa mort, il lui consacre quelque quatre-vingts effigies sculptées en bronze, pierre, terre ou plâtre, qui sont comme autant d’autoportraits déguisés, et où l’expression du visage varie avec une impressionnante sensibilité. Pour ce faire il s’est inspiré d’une empreinte prise sur le vif par le sculpteur autrichien Franz Klein en 1812. Cette empreinte exigeait que les yeux et la bouche de Beethoven fussent protégés et que ce dernier respirât au moyen de tuyaux insérés dans le nez. Le plâtre original, conservé dans la maison natale de Beethoven à Bonn, a donné lieu à de nombreuses épreuves, ce qui explique la très large diffusion du portrait dont Bourdelle avait lui-même acquis un exemplaire. Ces différentes effigies sont déclinées au fil du temps de plusieurs façons : masque, buste ou encore tête, qui présentent elles-mêmes des variantes : yeux fermés ou ouverts, avec peu ou beaucoup de cheveux, avec jabot, avec une main, deux mains ou encore la joue appuyée sur une main... Notre modèle en plâtre se présente, lui, de manière frontale, les yeux fermés sur un socle prismatique permettant d’asseoir de façon structurée la figure dans l’espace. La présentation de ce buste est cependant tourmentée dans le traitement de la chevelure, le plissement du front et la contraction des machoires. Elle témoigne encore de l’influence de Rodin même si un souci de simplification formelle révèle déjà les nouvelles orientations de l’artiste. Ce modèle dit Beethoven à la colonne, yeux fermés a été conçu

dans les années 1901-1902. Il existe aussi avec une variante yeux ouverts. Notre exemplaire est dédicacé, comme bien souvent, puisque Bourdelle avait l’habitude d’offrir ces épreuves en plâtre à ses proches. On peut clairement lire « uis Disp ». Il s’agit en l’espèce, vraisemblablement, de la famille Dispan de Floran, en particulier de Louis Dispan de Floran, avec lequel Bourdelle était très lié et dont on sait, par une photographie d’époque et par des écrits, qu’il possédait un Beethoven à la colonne. Sur le socle de notre modèle figure encore une inscription : « mon domaine c’est l’air quand le vent se lève mon âme tourbillonne ». Il s’agit de la reproduction d’une des citations de Beethoven que Bourdelle a sans doute retrouvée dans ses cahiers de conversation, puisque Bourdelle compile méthodiquement tous les documents qui concernent le musicien. Le Musée Bourdelle possède un exemplaire en plâtre en tous points similaire au nôtre à l’exception, évidemment, de la dédicace. Tous ces modèles en plâtre sont des études qui n’ont jamais été fondues en bronze du temps de Bourdelle mais qui ont abouti à la tête de Beethoven dite Hébrard, dont un exemplaire est conservé au Musée Bourdelle. (Nous tenons à remercier Mme Valérie Montalbeti et M. Colin Lemoine, conservateurs au Musée Bourdelle, pour les précieuses informations qu’ils nous ont données). Si Bourdelle a régulièrement exposé ses Beethoven, la première rétrospective sur le sujet a eu lieu en 1951 à Bonn et dans quelques villes allemandes tandis que la seconde s’est tenue au Musée Bourdelle en 1970. Ce dernier présente actuellement une nouvelle exposition sur ce thème jusqu’au 17 décembre 2021 : Bourdelle devant Beethoven.

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Bourdelle Émile-Antoine (1861-1929)

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é à Montauban d’un père menuisier-ébéniste, Emile-Antoine Bourdelle manifeste très jeune de grandes dispositions pour le dessin, qu’encourage vivement son maître d’école. Il quitte cependant bien vite celleci pour rejoindre l’atelier de son père tout en suivant des cours du soir de dessin. Il s’intéresse aussi particulièrement au modelage. Admis à l’École des Beaux-Arts de Toulouse, il se démarque par son rejet de l’enseignement académique. Laissant ainsi déjà entrevoir ses ambitions de rupture avec l’ordre de la sculpture, il passe tout de même le concours d’entrée à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, où il est reçu second, et intègre l’atelier d’Alexandre Falguière. Décidé à pratiquer son art comme bon lui semble, Bourdelle le quitte un an plus tard pour s’installer dans son propre atelier. En 1893, il rencontre Rodin, qui l’embauche comme praticien. Leur collaboration dure une quinzaine d’années et une véritable amitié se tisse entre les deux hommes. En 1900 ils fondent à Montparnasse, avec Jules Desbois, une école pour l’enseignement libre de la sculpture. Mais Bourdelle cherche parallèlement sa propre voie. Il souhaite se détacher de la manière de Rodin, qui consiste à exacerber les formes, pour au contraire les simplifier, voire les synthétiser. Avec sa Tête d’Apollon, il rompt définitivement avec son maître et ami. Sa première exposition personnelle a lieu en 1905 à la galerie Hébrard. Il devient ensuite professeur à l’Académie de la Grande-Chaumière où il a notamment comme élève Giacometti ou Vieira da Silva. Contacté pour la réalisation de nombreuses commandes officielles, il réalise également les bas-reliefs de la façade et les fresques intérieures du Théâtre des Champs-Elysées. Son œuvre rayonne largement tant en France qu’à l’étranger dans de nombreux lieux publics et institutions culturelles. Beethoven a véritablement exer-

Beethoven à la colonne, yeux fermés : Plâtre signé « A. Bourdelle », dédicacé « …uis Disp … » (vraisemblablement pour Louis Dispan de Floran) et porte l’inscription sur le socle « mon domaine c’est l’air quand le vent se lève mon âme tourbillonne ». 61 x 29 x 34 cm - Circa 1901 Bibliographie : DUFET (Michel) - Le drame de Beethoven vécu par Bourdelle - Paris, 1966. KAISER (Dorothea) - L’Orchestre silencieux d’Antoine Bourdelle (1861-1929) - Les sculptures de Beethoven. n°5/6 La revue du Louvre et des musées de France, décembre 1995, p. 91 à 106.

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il a même le droit de les nourrir et de les soigner. À la différence de Barye et Frémiet qui voyaient dans les animaux des échantillons quasiment interchangeables dans une même espèce, Bugatti les considère comme autant d’individus et s’intéresse à leur psychologie. « Ses sculptures d’animaux sont en fait des portraits » (Luc Vezin Les artistes au Jardin des Plantes, Herscher 1990, page 125). Son bestiaire est très varié : des mammifères, mais aussi des oiseaux, des reptiles, souvent des espèces qu’aucun artiste n’avait encore représentées. Parmi les oiseaux, il s’est particulièrement intéressé aux échassiers parmi lesquels des grues, cigognes, flamants roses, marabouts, jabirus, mais aussi aux rapaces

tels que des condors, serpentaires, ou bien encore aux pélicans, autruche et casoars. Ce Flamant en marche est un bon exemple de son style nerveux et élégant. On imagine aisément l’oiseau se promenant au bord de l’eau, déplaçant ainsi sa silhouette gracile et élancée parmi les étangs. Bugatti a particulièrement aimé représenter les flamants dans différentes poses et situations, les saisissant à chaque fois sur le vif comme par exemple Flamant, le cou tendu ou Flamants face à face (voir opus-cité infra, n° 294 et n°292, page 362). Ce modèle n° A1 fait partie des 18 exemplaires répertoriés. Il fut acquis en 1930 par monsieur Georges Lang, de Remiremont n° Inv. 4777 Cahier Hébrard.

Flamant en marche : Bronze à patine noir nuancé signé sur la base « R. Bugatti », cachet de fondeur « Cire perdue A A Hébrard » et marque « A1 » Fonte à la cire perdue d’Albino Palazollo pour Hébrard. 33,5 x 20,5 x 10,5 cm - Circa 1904-1934

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Bugatti Rembrandt (1884-1916)

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ils du célèbre créateur de meubles italiens, Carlo Bugatti, et frère du constructeur automobile Ettore Bugatti, Rembrandt Bugatti est un sculpteur italien surtout connu pour ses représentations en bronze d’animaux exotiques. Il est encouragé par l’éminent sculpteur russe, le Prince Paolo Troubetskoy, à utiliser de la pâte à modeler pour ses sculptures. En 1902, il suit sa famille à Paris et trois ans plus tard, décroche un contrat avec le fondeur Adrien-Aurélien Hébrard pour l’édition de ses œuvres en bronze. Son travail a été façonné par le temps qu’il a passé à observer et étudier les animaux dans les ménageries européennes, notamment le Jardin des Plantes à Paris et le Zoo d’Anvers. Profondément attaché aux animaux,

Bibliographie : Véronique Fromanger - Rembrandt Bugatti sculpteur - Les Éditions de l’Amateur, Paris, 2016, modèle reproduit page 362, sous le numéro 293

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L’impératrice commande à l’artiste le portrait de son fils en buste et en pied sous les traits d’un petit garçon souriant avec son chien Nero (Musée d’Orsay). Connu pour ses bustes empreints de réalisme et de douceur candide, Carpeaux apparaît comme le parfait illustrateur de l’esprit romantique tant par l’étude de sa carrière que par ses œuvres. Son art, tranchant vivement avec le néo-classicisme, se caractérise par une étude importante du mouvement, du réalisme et un intérêt pour les scènes théâtrales où se mêlent esthétique et recherche de l’émotion. En effet, le sculpteur ne cessera d’incarner l’image d’un peintre souvent mal compris, tentant de transformer le quotidien, l’actualité en de nouveaux mythes mettant ainsi son art au ser-

vice des sens et de la nature. Recevant de nombreuses commandes publiques, Carpeaux réalise le décor de la façade sud du Pavillon de Flore du Louvre, reconstruit par l’architecte Hector Lefuel. Il va le décorer de figures sensuelles et souriantes. En 1861, Charles Garnier à qui l’on vient de confier la réalisation du nouvel Opéra lui commande un groupe de trois personnages inspirés de la danse pour la façade de l’édifice. Ignorant les conseils de l’architecte, Carpeaux dessine une joyeuse ronde de neuf danseuses, nues et pleines de vie. Véritable scandale, l’œuvre ne cessera de susciter des débats. Il expose en 1863 au premier Salon de la société nationale des Beaux-Arts. Répondant à de nombreuses commandes, l’artiste développe lui-même l’édition de ses œuvres pour le commerce. Il a recours à des fondeurs indépendants pour les bronzes mais à partir de 1868, il s’installe à Auteuil où il crée un atelier. Les dernières années de sa vie sont difficiles. La guerre et la défaite de 1870 tarissent les commandes. À la même époque, Carpeaux développe, à l’égard de sa femme, une jalousie maladive qui conduit à la séparation du couple en 1874. Atteint d’un cancer, Carpeaux meurt le 12 octobre 1875 à Courbevoie. En 1864, Jean-Baptiste Carpeaux donne des leçons de dessin et de modelage au prince LouisNapoléon Bonaparte (18561879), fils unique de Napoléon et d’Eugénie de Montijo. L’artiste réalise le portrait du jeune héritier à la demande de l’impératrice : un buste et un portrait en pied du prince avec son chien. Objet de propagande, cette effigie connait un succès considérable. L’empereur autorise Carpeaux à faire des tirages ; ce sera une source

de revenus appréciée par Carpeaux qui doit entretenir financièrement sa famille revenue de son exil en Amérique. Cette version du buste du Prince Impérial dénudé existe en six tailles différentes et a été éditée en plusieurs matériaux (bronze, plâtre, marbre, terre cuite, biscuit). Notre exemplaire grandeur nature en plâtre avec le cachet métallique est plus rare. Il fait partie de la première édition (environ une dizaine) réalisée par Carpeaux dans son « atelier dépôt » du 235 Faubourg Saint-Honoré. Notre plâtre porte l’adresse de ce lieu que loue l’artiste depuis 1862 ainsi que le cachet métallique (Réservé au plâtre et à quelques terres cuites, ce cachet rectangulaire en cuivre porte l’aigle impériale et l’inscription « Propriété Carpeaux »). Avec sa tête légèrement penchée sur le côté et son regard vif et enjoué, le jeune prince impérial est touchant de réalisme. Ecuyer de Napoléon III, Firmin Rainbeaux a joué un rôle important dans l’entourage rapproché de l’empereur. Nommé écuyer en 1864, il séjourne régulièrement au château de Compiègne. Le 6 juin 1867, Napoléon III et le tsar Alexandre Il échappent à la tentative d’assassinat de Berezowski au Bois de Boulogne grâce à la réactivité de Firmin Rainbeaux qui fait se cabrer son cheval entre le tireur et les empereurs. Carpeaux exécute le buste de l’écuyer en souvenir de cet acte héroïque.

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Carpeaux Jean-Baptiste (1827-1875)

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é à Valenciennes dans une famille modeste, Carpeaux déménage avec ses parents en 1838 à Paris. Il se passionne très tôt pour le dessin, l’architecture et le modelage à la Petite Ecole royale, gratuite, avant d’entrer dans l’atelier de François Rude et d’accéder ainsi à l’école des Beaux-Arts. Mettant plus de sept ans à être reçu au grand prix de sculpture en 1854, il part pour quatre ans à la Villa Médicis à Rome où il découvre les chefs-d’œuvre de MichelAnge, un de ses principaux modèles. De retour en France, il réalise un buste de la princesse Mathilde et se met à travailler pour la famille impériale. Il donne d’ailleurs des cours au fils unique de Napoléon III et d’Eugénie.

Buste du Prince Impérial : Buste en plâtre signé « J.Bte CARPEAUX TUILERIES. PAQUES 1865 ». Porte l’inscription « S.A. LE PRINCE IMPERIAL », le cachet métallique à l’aigle impériale « Propriété Carpeaux », « DEPOT FAUBOURG ST HONORE 235 ». 64 x 32 x 22,5 cm - Circa 1865 Provenance familiale : Offert par J Carpeaux à l’écuyer Firmin Rainbeaux, écuyer du Prince impérial (Vente Rainbeaux Drouot Oct 1936) Bibliographie : Michel Poletti , Alain Richarme - Jean-Baptiste Carpeaux sculpteur catalogue raisonné de l’œuvre édité. p.112-113, BU 12

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Montdevergues, elle ne sculpte plus. Elle est abandonnée par sa mère et sa sœur ; seul son frère Paul viendra la voir une dizaine de fois en trente ans. Elle meurt en 1943 à 78 ans. L’œuvre de Camille Claudel peut se diviser en trois genres : bustes et portraits, compositions dont le thème est souvent lié à la vie de l’artiste et groupes de petits personnages figurés dans des scènes miniatures. Notre Rêve au coin du feu fait partie de cette dernière catégorie. Un premier marbre est commandé par la Comtesse de Maigret. Cet exemplaire est daté grâce aux livres de comptes de François Pompon qui reçoit de Camille Claudel en mai 1899 la commande en marbre rose de cette « figurine au foyer ». Cette sculpture est gardée dans la famille du commanditaire. Rêve au coin du feu présente une jeune femme songeuse, appuyée contre sa cheminée et plongée dans ses pensées. Le plâtre présenté à l’Exposition Universelle de 1900 est sans doute à l’origine des bronzes édités par Blot (65 exemplaires sont tirés pour cette version marbre et bronze). Cette « Cendrillon, femme assise au coin du feu » affectueusement nommée par Eugène Blot connaît un grand succès. Il s’agit du plus fort tirage des éditions d’œuvres de l’artiste. Notre exemplaire de Rêve au coin du feu est fidèle à la première version qui représente une femme assise sur une chaise avec un dossier haut. Sur la version suivante, la chaise est remplacée par un tabouret et les contours du personnage et des chenets sont plus adoucis. Notre sculpture présente un beau contraste entre la patine du bronze d’un brun profond et la cheminée en onyx dont l’éclairage en veilleuse réchauffe l’âtre. Paul Claudel s’inspire de cette sculpture dans son livre La Rose et le Rosaire (1940) où il lui semble reconnaître l’âme de sa sœur dans cette jeune femme enveloppée dans son châle et se réchauffant près du foyer. Contemporaine de Rêve au coin du Feu, la sculpture La profonde pensée dont un marbre est exposé également à l’Exposition Universelle, représente une femme agenouillée devant la cheminée.

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Claudel Camille (1864-1943)

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la petite fille de la propriétaire du château. Après un séjour en Angleterre où elle réalise des fusains, Camille concentre son énergie sur un grand groupe inspiré par l’œuvre d’un poète hindou Sakountala. Ce plâtre obtiendra une mention honorable au Salon des Artistes français en 1888. De cette sculpture sera tiré le marbre de Vertumne et Pomone exposé en 1905. En 1892, elle participe pour la première fois au Salon de la Société Nationale des BeauxArts en présentant un buste de Rodin. L’artiste devient sociétaire du Salon et expose La Valse et Clotho en 1893. Elle s’éloigne de Rodin et s’isole dans son atelier ne supportant plus le rapprochement de son travail avec celui du « maître ». Elle rencontre en 1896 la Comtesse de Maigret qui sera sa principale mécène jusqu’en 1905 et qui lui commande notamment Rêve au coin du feu. Malgré une santé de plus en plus fragile, Camille Claudel expose en 1897 un plâtre de La Vague et un onyx représentant Les Causeuses. Sa rupture définitive avec Rodin en 1898 l’amène à déménager rue de Turenne. Elle y achève son second projet de l’Age mûr, véritable allégorie des âges de la vie et vraisemblablement reflet de son déchirement lorsque Rodin choisit de vivre avec la plus mature et stable Rose Beuret. En 1899 Camille Claudel s’installe dans un atelier quai Bourbon. Elle participe une dernière fois en 1902 au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts. Sa rencontre avec Eugène Blot, marchand éditeur, permet la diffusion de son Rêve au coin du Feu : œuvre. Il édite à partir de 1904 Bronze à patine brune, signé « C. CLAUDEL ». une quinzaine de sculptures de Porte le poinçon du Fondeur Blot. Numéroté 12. l’artiste. Ces éditions contribuent Cheminée rétro-éclairée en onyx. à sauver l’œuvre de Camille qui 22 x 30 x 25 cm - Circa 1898/1905 détruit ses sculptures dans ses moments de folie. La galerie Blot lui consacre trois expositions en 1905, 1907 et 1908. Son état de santé se dégrade les années suivantes et en 1913 Camille est internée. Isolée et sans visite à l’asile de

înée de trois enfants, Camille Claudel fait preuve très jeune d’un vrai talent pour la sculpture. Modelant David et Goliath, Bismark et Napoléon dès l’adolescence. Ce passe-temps devient une passion. Camille parvient à faire déménager sa famille à Paris. Elle suit des cours à l’Académie Colarossi rue de la Grande Chaumière et s’imprègne des antiques au Louvre. A partir de 1882, elle loue un atelier avec des amies anglaises avec lesquelles elle suit les cours d’Alfred Boucher. Lorsque Boucher gagne le prix de Rome et part à la Villa Médicis, il demande à son ami Rodin de prendre le relais de son enseignement. Le célèbre sculpteur est impressionné par le travail de Camille. La jeune femme entre comme praticienne dans son atelier. Elle devient sa collaboratrice, son modèle et sa compagne. Influencée au départ par son maître, Camille révèle progressivement sa personnalité et son talent. Elle expose en 1885 une étude en bronze appelée Giganti et la sculpture de la Vieille Hélène au Salon desArtistes Français. L’année suivante elle exécute les bustes de sa sœur Louise et de Rodin. Elle quitte sa famille en 1886 pour rejoindre Auguste Rodin. Le sculpteur lui confie le modelage des mains et des pieds des Bourgeois de Calais. Lors de ses séjours au château de l’Islette à Azay le Rideau, Camille Claudel travaille sur le buste de la Petite Châtelaine représentant

Bibliographie : p.158 Catalogue raisonné Camille Claudel - item 59 (marbre). Edition Gallimard - Camille Claudel Au miroir d’un art nouveau - La Piscine Roubaix p.137, item 86 (marbre), p 205, item 158. Musée Rodin 1984. p.80 - Camille Claudel - item 32 (marbre). Fondation Pierre Gianadda. Martigny 1990. p.105 - C. Claudel - item 67 (marbre)

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les institutions officielles n’apprécient pas son art jugé trop trivial et refusent catégoriquement chaque envoi pour le Prix de Rome. Homme engagé, on le retrouve aux côtés de Gustave Courbet que l’on vient d’élire à la Fédération des Artistes de la Commune de Paris. Dalou est nommé administrateur provisoire adjoint au musée du Louvre avec pour mission de protéger les collections du vandalisme. Menacé aux lendemains de la Semaine sanglante, il est contraint à l’exil. À Londres, il réalise une série de statuettes en terre cuite inspirée des sujets intimistes (Liseuse, Berceuse) et des portraits de l’aristocratie anglaise. Employé comme professeur de modelage à la National Art Training School, son influence sera déterminante auprès des sculpteurs britanniques de la génération suivante. Après de nombreuses batailles politiques, il est amnistié sous la présidence de Jules Grévy. Dalou tente quatre fois le prix de Rome,

sans succès. Il présente le marbre de Daphnis et Chloé au Salon de 1869, dont l’Etat fait l’acquisition. Présenté au Salon de 1870, le modèle en plâtre de La Brodeuse vaut à Dalou une médaille ainsi que de nombreux éloges. Ce charmant groupe est même qualifié de « Fragonard en plâtre ». Le goût est alors aux sujets intimistes et l’Etat lui commande un marbre, dont la guerre empêche malheureusement la réalisation. Un exemplaire en plâtre se trouve au Petit Palais, musée des BeauxArts de la Ville de Paris. Dalou obtient cependant l’autorisation de reproduire sa Brodeuse en réduction. (Des exemplaires sont édités par Eugène Legrain, son compagnon de la petite Ecole). Dalou reprend ce thème de recherches dans les années 1873/1874 et produit l’esquisse de La Couseuse en terre cuite.

La Brodeuse : Bronze à patine brune signé « DALOU » Porte le cachet de fondeur « Cire perdue A.A Hébrard ». 28 x 24,5 x 17,5 cm - Circa 1910

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Dalou Aimé-Jules (1838-1902)

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é dans une famille d’artisans gantiers, Aimé-Jules Dalou est élevé dans une famille protestante proche des mouvements républicains. Déjà enfant, il montre un certain don pour le modelage et le dessin, ce qui lui vaut l’attention de JeanBaptiste Carpeaux. Ce dernier le fait entrer en 1852 à la Petite Ecole, future École nationale supérieure des arts décoratifs où il suit les cours d’Horace Lecoq de Boisbaudran. Il est admis deux ans plus tard à l’École des Beaux-Arts de Paris où il étudie la peinture dans l’atelier d’Abel de Pujol et la sculpture avec Francisque Duret. Travaillant pour des ornemanistes, il rencontre Auguste Rodin qui deviendra l’un de ses plus proches amis. La capitale est alors en pleine mutation et c’est dans ce contexte de révolution industrielle que Dalou se forge une expérience en travaillant dans les grands chantiers de la capitale aussi bien dans l’architecture que la décoration d’immeubles sur les grandes avenues parisiennes. Toutefois,

Bibliographie : Amélie Simier - Jules Dalou, le sculpteur de la République - Petit Palais Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris 2013. p 345, n°280.

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Dejean Louis (1872-1953)

Il modèle ainsi de nombreuses figures féminines en terre cuite que le critique d’art Martini décrit comme des « tanagras modernes ». Son art très lisse et appliqué évolue sous l’impulsion de

Rodin vers plus de puissance avant de se rapprocher de Maillol. Rencontrant un premier succès en 1904 avec La Parisienne, il affectionne les statuettes de jeunes femmes vêtues à la mode du temps. Après la Première Guerre mondiale, il réalise le monument aux morts de la ville de Saint-Ouen, une monumentale statue de la Paix pour la grande salle à manger du paquebot Normandie ainsi qu’une Nymphe couchée pour le bassin du palais de Tokyo. Il fait partie de la « bande à Schnegg »,

cercle où se réunissent de nombreux sculpteurs autour des frères Lucien et Gaston Schnegg. Ces artistes se détachent de l’art de Rodin et réinterprètent l’art antique pour s’approcher de leur idéal de sérénité et de dépouillement. La ligne épurée et la posture de notre Torse de femme combinent ces influences antiques revisitées avec un style s’approchant de Maillol. Dejean expose un exemplaire au XXIe Salon des artistes Décorateurs.

Torse de femme : Bronze à patine brune, signé « Louis Dejean », inscrit « à mon ami Deshairs », fonte Alexis Rudier, porte la marque du fondeur. 96 x 25 x 26 cm - Circa 1930 Ancienne collection personnelle de Mr Deshairs (Léon Deshairs 1874-1967), historien d’art, conservateur de la bibliothèque des arts décoratifs

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é à Paris en 1872, Louis Dejean est formé à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs avant de devenir un praticien de Carlès et de Rodin. Remportant quelques médailles au Salon des Artistes Français de 1890 à 1893, il est sans aucun doute influencé par la statuaire grecque présentée au musée du Louvre.

Bibliographie : Jacques Baschet - Sculpteurs de ce temps - Nouvelles Editions Françaises 1946. p. 279 - Mobilier et Décoration 1931-XXIe Salon des Artistes Décorateurs

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du milieu des années 20 que la carrière du sculpteur prend un nouveau départ, en particulier aux Etats-Unis, dans les pays d’Europe de l’Est et du Nord, ainsi qu’au Japon. Avec la reconnaissance des grands marchands et l’accès à leur clientèle, Charles Despiau acquiert enfin une certaine aisance financière. Ainsi, au tout début des années 30 il devient le chef de file incontesté d’un art classique, vivant et indépendant. Charles Despiau voit la consécration de son œuvre, largement représentée, à l’Exposition internationale de 1937. Il meurt peu après la fin de la seconde Guerre mondiale en 1946 et sombre dans l’oubli jusqu’à sa toute récente réhabilitation. Le modèle de cette sculpture a été conçu en 1923. Dans sa première version il mesure 35 cm et est tiré à huit exemplaires. Puis Charles Despiau décide de l’agrandir en 1925 et de ne tirer de cette nouvelle version que trois épreuves. Le modèle a été exposé en 1925 au Pavillon du collectionneur Ruhlmann. Notre sculpture numérotée 3/3 est donc la dernière et aurait été achetée par la Galerie Brummer à New York avant d’appartenir au plus grand mécène de Charles Despiau, Frank

Crowninshield, célèbre journaliste et critique d’art américain, éditeur du magazine Vanity Fair. La composition a priori frontale de cette œuvre est empruntée aux sculptures des pharaons assis sur leur trône cubique. Mais la simplicité de la pose, le geste pudique, viennent rompre le caractère archaïque et hiératique de cette composition. C’est une trapéziste de cirque qui aurait servi de modèle. On y retrouve une observation scrupuleuse et respectueuse de la nature tout en traitant les volumes de manière simplifiée. En grand perfectionniste, Charles Despiau imposait de longues séances de pause à ses modèles et se fâchait au moindre mouvement. Il interdisait tout maquillage et demandait que les cheveux soient collés au crâne pour conserver l’authenticité du volume au visage. Comme dans ses bustes, la vie intérieure du modèle est suggérée à travers un subtil et vibrant modelé. Pour ce faire, Despiau intervient lui-même dans le processus de fonte de façon à contrôler les effets de la lumière dans l’agencement des volumes et les modulations de surface. Cette façon de travailler explique que le nombre d’épreuves pour chacun de ses bronzes est forcément limité. Ce nu assis nous émerveille par sa force expressive et l’extraordinaire sérénité qu’il dégage.

Le NU ASSIS dit PRINTEMPS : Épreuve en bronze à patine brun nuancé. Signée « C. Despiau », numérotée 3/3. Fonte à la cire perdue de Claude VALSUANI. Porte le cachet du fondeur « C.VALSUANI CIRE PERDUE ». 70 x 30 x 37 cm - Circa 1925

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Despiau Charles (1874-1946)

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riginaire des Landes, Charles Despiau s’installe à Paris dès 1891 grâce à l’obtention d’une bourse et entre à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs puis à l’Ecole des Beaux-Arts dans l’atelier du sculpteur Louis-Ernest Barrias. Il commence par exposer à la Société des Artistes Français, puis à partir de 1901 à la Société nationale des Beaux-Arts. Il s’intéresse plus particulièrement aux portraits qui sont remarqués pour leur puissance plastique. Apprécié par Auguste Rodin, il devient l’un de ses praticiens les plus estimés. Il s’engage bien vite dans la voie d’un renouveau classique qui cherche une construction plus architecturale et moins mouvementée avec des sujets simples vus sous une lumière apaisante. Il partage ses convictions avec Lucien Schnegg dont il intègre la « bande » tout en continuant à travailler pour Rodin qui admet cette nouvelle sensibilité. Grâce au soutien du maître, Despiau connait une certaine notoriété qui ne résiste cependant pas à la mort de Rodin en 1917. C’est seulement à partir

Bibliographie : Elisabeth LEBON - Charles Despiau classique et moderne - Biarritz 2016, p. 98, modèle reproduit p. 99. André Levinson - L’Amour de l’Art - « Sculpteurs de ce temps, exégèse de quelques lieux communs », 1924, modèle en plâtre reproduit p. 388

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Funakoshi Yasutake (1912-2002) 22

En 1950, il présente la sculpture Azalea à la 14e exposition de la Shin Seisaku Kykai qui sera acquise par le ministère de l’éducation. La même année, il se convertit au catholicisme et sa nouvelle foi se révèle avoir une profonde influence sur son travail qui commence à présenter des motifs chrétiens.

Grand admirateur de Rodin, il se spécialise néanmoins dans la représentation de figures féminines en buste, le plus souvent aux traits européens, dont notre sculpture est un exemple représentatif. Elle est importante dans l’œuvre de l’artiste, car il s’agit de l’une de ses toutes premières œuvres en marbre en taille directe. Sa provenance est par ailleurs exceptionnelle puisque des archives familiales de l’artiste révèlent qu’elle fut achetée vers 1950 par le Général Zinovi Pechkoff, ambassadeur de France au Japon de 1946 à 1950, et fils adoptif du célèbre écrivain russe Maxime Gorki. Elle est ensuite

demeurée en France jusqu’à nos jours. (Nous remercions très sincèrement Mme Mali Antoine-FUNAKOSHI, fille de l’artiste, pour les précieuses informations qu’elle nous a données). Ce beau visage de femme aux yeux miclos est l’expression même de la sérénité et de la plénitude. Sa surface lisse émerge telle une apparition du bloc de marbre non finito d’où émanent les jeux délicats d’ombre et de lumière animant la pierre froide. Ce contraste saisissant provoque une émotion esthétique instantanée qui nous ramène à une contemplation silencieuse et méditative.

Portrait de femme : Marbre de carrare en taille directe, signé sur le côté « Y. Funakoshi, Japan » ; inscription au dos « Déc. 1941 - Déc. 1947 » 40 x 26, 5 cm - Circa 1941-1947

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asutake Funakoshi est un célèbre sculpteur japonais qui fit carrière exclusivement au Japon. Il fréquente le collège de Morioka où le peintre Shunsuke Matsumoto est un de ses camarades. Ensemble, ils organisent une exposition commune à Morioka en 1941.

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en 1922, puis régulièrement au Salon des Indépendants, jusqu’en 1928, et au Salon des Tuileries depuis sa fondation. En 1940 Gimond quitte Paris pour s’installer en zone libre (à Lyon puis à Aix-en-Provence) avant d’y revenir à la Libération en 1944. De 1946 à 1961 il dirige un atelier de l’Ecole des Beauxarts à Paris. Il est largement représenté dans les collections publiques françaises et étrangères (Paris, Lyon, Nice, Marseille, Dijon, Troyes, Alger, Londres, Stockholm, Bruxelles…). Très rapidement Gimond se spécialise dans les bustes. C’est le visage humain qui l’intéresse avant tout, non pour en reproduire les traits mais pour saisir le type auquel il appartient à la lumière des constantes de la sculpture, toutes époques confondues. Le modèle ne sert que de prétexte. Il cherche à affirmer la

pérennité d’un caractère typique mais qui, pour rester vivant, doit avoir l’apparence d’une individualité. Pour exprimer plastiquement ses recherches il s’engage dans la voie géométrique et architecturale de la nature : tout visage se définit par l’horizontale du frontal et la verticale du nasal, en somme un simple T inscrit dans un ovale. Le portrait est une opération magique qui vise à faire ressentir le calme, la noblesse, la douceur de ces figures avant tout vivantes. Il cherche à incarner la pensée, spiritualiser la chair, révéler l’humain… Qu’y a-t-il derrière cette jeune femme aux yeux bridés, au nez droit, aux lèvres délicatement dessinées, à l’air grave et à qui Marcel Gimond donne la grandeur d’une vierge venue d’ailleurs ? « La vie est un tout » selon Marcel Gimond. « Le devoir de l’artiste est d’en garder l’intensité ».

Tête de jeune femme : Bronze à patine noir nuancé signé « M.Gimond ». Fonte de Bisceglia à la cire perdue. Porte le cachet du fondeur « cire perdue Bisceglia ». 33 x 22 x 23 cm (sans socle). Socle 14,2 x 21,3 x 17 cm - Circa 1940 Provenance : Ancienne collection Lucien Rollin

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Gimond Marcel (1894-1961)

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riginaire de Tournon, il fait ses études à Lyon où il passe quatre ans à l’Ecole des Beaux-Arts. La fréquentation assidue du Musée des Moulages lui fait découvrir des reproductions de sculptures égyptiennes et grecques dont il saura tirer parti. Plus tard, le Musée des Monuments français, le Louvre et le Musée Guimet à Paris seront une autre source d’inspiration. Dès 1917, Gimond quitte Lyon pour travailler en été près de Marly avec Maillol dont il admire les sculptures aux formes sphériques et aux volumes pleins et lisses, tandis qu’en hiver il vit à Vence auprès de Renoir qui lui prodigue d’amicaux encouragements. Ce dernier apprécie tout particulièrement la grâce et la sincérité des œuvres de Gimond. Il se fixe à Paris en 1920 et expose pour la première fois au Salon d’Automne

Bibliographie : George WALDEMAR - Gimond et l’esprit des formes - Mulhouse, 1962.

Georges TURPIN, Marcel Gimond - La revue littéraire et artistique - 1924, pp. 3-6. George WALDEMAR - Gimond et l’atticisme français, La Renaissance, 1939, pp. 32-36. Gaston POULAIN - Mobilier et Décoration - Les récents portraits de Marcel Gimond, 1946, pp. 36-40. 24

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Intégrant l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen, il participe aux plus importantes expositions parisiennes dont le Salon des Artistes Français et des Indépendants, desquels il repart récompensé. Figure familière de Montmartre, il y installe son atelier et devient l’hôte du Bateau-Lavoir en pleine ère cubiste. En 1931, il rejoint le Groupe des Douze créé par Pompon et Poupelet qui rassemble des sculpteurs comme Jouve ou Jouclard. Grand connaisseur de l’anatomie animale et des comportements sauvages, Guyot retranscrit avec vigueur et vérité ses sujets. Devenu maire de la commune de Neuville-sur-Oise à la Libération, il faut attendre 1970 pour voir sa première exposition personnelle. Il est également l’auteur du groupe en bronze doré Chevaux et chien du grand bassin du Palais de Chaillot, réalisé pour l’Exposition de 1937 et grâce auquel il obtient une renommée internationale.

Conciliant observation naturaliste et étude anatomique, Guyot se montre perfectionniste et n’hésite pas à reprendre plusieurs fois ses esquisses et ses œuvres sculptées. Fervent admirateur des anciens, il possède une collection d’épreuves variées et notamment de dessins qu’il réunit dans son atelier. Après les ours, les félins sont un sujet très présent dans son répertoire. Georges-Lucien Guyot les représente dans différentes attitudes. La musculature et la ligne sont parfaitement étudiées, notre Panthère couchée reprend la même posture que la Petite panthère couchée sur terrasse haute. Un modèle probablement similaire d’une Panthère au repos est acquis par l’Etat en 1937. Très rare, notre sculpture est le seul exemplaire identifié à ce jour.

Panthère couchée : Bronze à patine brune signé « guyot » fonte Susse, porte la marque du fondeur « Susse Frs Fondrs Paris » ainsi que l’inscription « cire perdue » et l’estampille « BRONZE ». 23 x 48,5 x 21,5 cm - Circa 1930

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Guyot Georges-Lucien (1885-1973)

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eintre, graveur, sculpteur et illustrateur, Georges-Lucien Guyot naît à Paris en 1885 et fait preuve dès son plus jeune âge de capacités artistiques flagrantes. Issu d’une famille modeste, il abandonne l’idée de poursuivre des études d’art et fait son apprentissage auprès d’un sculpteur sur bois où il reproduit des œuvres anciennes. Elève assidu, il montre un intérêt certain pour l’étude de la nature. Ce goût le conduit à étudier les diverses espèces végétales et animales du Jardin des Plantes et notamment les fauves. Très vite, il se démarque par un intérêt accru pour l’animal au détriment de la figure humaine, préférant analyser et retranscrire les attitudes et les expressions de ces êtres majestueux. Les animaux sauvages deviennent ses sujets de prédilection bien qu’il réalise pour certains commanditaires des chiens et des chevaux.

Bibliographie : J. COTTEL, Georges-Lucien Guyot sculpteur et peintre - ABC Antiquités Beaux-arts Curiosités - n° 224, sept. 1983, p. 54-58. G. DORNAND - Guyot Georges-Lucien - Paris, 1963. J. DORST Jean, Georges-Lucien Guyot - Le club français de la médaille - n° 68, 2e trimestre 1980, p 12 à 14.

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le faon en granit noir, que le président Auriol a demandé pour Rambouillet. Mais c’est à la Manufacture Nationale de Sèvres que Josette Hébert-Coëffin a réalisé le plus grand nombre de ses animaux en biscuit ou en grès de grand feu, entre autres, des perruches, l’effraie, la coupe des bœufs de Hongrie, les têtes du bouc et de l’agneau, et ce grand et fier coq de la Libération, dépassant un mètre. » (Paul Sentenac, Josette Hebert Coëffin, Mobilier et décoration 1951, p.32). Premier prix d’architecture et de sculpture, elle reçoit, en 1937, la médaille d’or à l’exposition des Arts et Techniques ; elle expose au Salon des Arts décoratifs en 1939. Une partie de ses œuvres est présentée au musée des Beaux-Arts de Rouen, au musée national d’art moderne de Paris, et au sein des collections nationales du château

de Rambouillet. Particulièrement intéressée par le motif des chouettes, Josette Hébert-Coëffin a su ici leur donner une présence saisissante. Le duo de rapaces est traité en polissage, le tertre achevé en bouchardage consistant à marteler la pierre avec un outil à percussion agissant comme de petits marteaux, pour donner une texture spécifique. La pierre devient granuleuse donnant ainsi un relief solide mettant en valeur le sujet qui semble surgir de son support. Les deux chouettes, espèces de rapaces nocturnes, paraissent ainsi repérer patiemment leurs proies avant de s’envoler pour leur chasse composée de petits rongeurs et d’amphibiens du monde aquatique.

Couple de chouettes effraies : Marbre rosalia en taille directe, pièce unique signée « J. Hébert Coëffin » 46 x 36,7 x 16,5 cm - Circa 1945

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Hébert-Coëffin Josette (1908-1984)

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ée à Rouen en 1908 et morte dans la même ville en 1984, sculpteur, graveur, médailleur, Josette Hébert-Coëffin est l’élève de Robert Wlérick, Charles Despiau et Maurice Gensoli. Elle suit des études à l’Ecole des Beaux-Arts de Rouen où elle obtient un premier prix de sculpture et d’architecture en 1922. Elle est la première lauréate de la fondation John-Simon Guggenheim à New-York et crée des modèles pour la Manufacture nationale de Sèvres. Comme nous l’indique le critique d’art Paul Sentenac « Cette artiste s’est classée, en outre, au premier rang comme animalier, en extériorisant son sens de la vie dans un style dégageant l’essentiel. La preuve en réside dans son lama du Musée de Rouen, dans son rapace de Barentin ainsi que dans la biche et

Bibliographie : R. REY - Josette Hébert-Coëffin - Paris 1954. P. SANTENAC - Josette Hébert-Coëffin, Mobilier et décoration - 1951, p. 28 à 32.

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Martel Jan et Joël (1896-1966)

Originaires de Vendée, ces deux indissociables jumeaux, Jan et Joël Martel (1896-1966) arrivent à Paris dès 1906 pour poursuivre leurs études secondaires. Un environnement familial ouvert et stimulant leur permet d’éveiller leur vocation artistique si bien qu’en 1912 ils entrent à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs. C’est après la guerre que démarre leur carrière de sculpteur et de décorateur. Ils sont intéressés par tous les courants artistiques qui rompent avec l’académisme. Convaincus de la nécessité d’une relation entre les différents arts et du fait que l’art doit pénétrer dans le quotidien de chacun, ils réalisent des bas-reliefs pour des monuments civils ou religieux, des bustes, des sculptures d’animaux, de figures, de nus, des affiches… Ils collaborent avec des architectes, en particulier Mallet-Stevens pour l’aménagement intérieur d’hôtels particuliers, notam-

ment le leur. Ils travaillent tous les matériaux, bois, bronze, pierre, terre cuite, y compris les plus modernes comme le béton, l’aluminium... Ils participent à toutes les grandes manifestations et expositions parisiennes ou internationales : le Salon des Jeunes (1919-1920), des Indépendants (19221938), d’Automne (1922-1947), de la Société des Artistes Décorateurs (19241954), des Tuileries (1928-1936) et de l’Union des Artistes Modernes (19291933) ainsi qu’à l’Exposition des Arts Décoratifs Industriels et Modernes de Paris en 1925 et l’Exposition internationale des Arts et Techniques à Paris en 1937. Ils partagent le même atelier et signent d’un seul et même nom « J. MARTEL ». Ils mourront la même année à six mois d’intervalle. L’intérêt pour l’art animalier s’est manifesté très tôt chez les frères Martel, soit dès le lendemain de la première Guerre mondiale avec le dessin d’une belette daté de 1919. A la différence des animaliers qui prennent leurs modèles

au zoo pour les croquer sur le vif et les saisir dans leurs attitudes familières, les frères Martel cherchent à les représenter de manière à trouver les proportions idéales. Pour ce faire ils dessinent l’animal en effectuant un rapport entre lignes droites et arcs de cercle construits selon la règle du nombre d’or. En terme plastique cette conception graphique se traduit par des animaux aux surfaces lisses, aux volumes arrondis coupés par des arêtes aigües, ce qui permet d’opposer de larges plages de lumière à des zones d’ombre. Cela donne au sujet un remarquable relief qui peut encore être nuancé selon le matériau choisi. En l’espèce la patine noire du bronze de notre sculpture donne une solennité et une présence tout à fait saisissante à ce roi de la basse-cour dont le port altier est particulièrement souligné. Il existe très peu d’exemplaires de ce modèle en bronze qui a également été décliné en céramique polychrome.

Coq : Bronze à patine noire, signé « J Martel », édité par Etling, porte la marque de l’éditeur « Etling Paris » et frappé « Bronze ». 39,5 x 25 x 21,5 cm - Circa 1930

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n plus un égale un ! pourrait résumer la vie et le travail des frères Martel.

Bibliographie : L.-CH WATELIN, Les animaux des frères Martel - L’art et les artistes - 1926 p. 97 à 100. COLL. - Joël et Jan Martel sculpteurs 1896-1966 - Paris, 1996.

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sont nombreuses et on ne compte plus le nombre de dessins et plâtres représentant dindes, dindons, coqs et tous types de poules. Il aimait à déclarer : « Les bêtes posent fort bien, et même beaucoup mieux que les hommes et les femmes, car l’immobilité pour eux est un repos. Et puis, la bête, même quand elle comprend qu’on la regarde, ne perd pas son naturel. » (Pompon cité par Ch. Terrasse, Art d’aujourd’hui, printemps 1927). L’Ours blanc est le plus bel aboutissement de son engouement pour l’animal et c’est lors de sa présentation au Salon d’Automne, en 1922, que l’artiste obtient tardivement son premier succès public, à l’âge de 67 ans. Cette même année, Pompon débute sa collaboration avec le fondeur

Valsuani avec lequel il réalise en 1926 le modèle de notre Oie sur terrasse arrondie dont il y eut quelques éditions peu nombreuses du vivant de l’artiste. Pompon a réalisé trois modèles d’oie, le premier plâtre ayant été exposé au Salon des artistes français en 1910. Notre modèle datant de 1926 s’identifie par la tête plus relevée et la base circulaire. Sa patine légèrement ardoisée a été probablement réalisée par Pompon luimême. Le volume du bronze se définit dans l’espace par la pureté de sa ligne et son aspect lisse. Le plâtre est conservé au musée Pompon de Saulieu (Inv. 230). Les comptes Valsuani mentionnent 7 exemplaires. Notre sculpture est demeurée dans la même famille depuis son acquisition vers 1929.

Oie sur terrasse arrondie : Bronze à patine noir mat nuancé ardoise, signé sur la terrasse « POMPON », fonte Claude Valsuani, cachet « C.Valsuani cire perdue » sur la terrasse à l’arrière gauche. 25,2 x 22,7 x 14,7 cm Modèle de 1926, édité de 1926 à 1931, circa 1927-1929

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Pompon François (1855-1933)

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partir de 1902, Pompon prend l’habitude de modeler à l’extérieur et se fabrique un établi portatif avec bandoulière. Il suit alors les animaux de la ferme et de la bassecour des fermes autour de Cuy-SaintFiacre, en Normandie, et les modèle avec précision. Il cherche la vérité de la forme en mouvement, au grand air, dans la lumière. Il réalise plusieurs esquisses de poules et de coqs. C’est vraiment à partir de cette période que Pompon devient sculpteur animalier par goût et par nécessité. Il expose ses sujets régulièrement au Salon des artistes français comme par exemple en 1907 un Coq, en 1908 une Taupe, en 1909 Veau et génisse, en 1910 une Oie … Ces esquisses d’animaux de basse-cour

Bibliographie : Catherine Chevillot, Liliane Colas, Anne Pingeot - François Pompon 1855-1933 Gallimard Electa – Réunion des musées nationaux, Paris 1994, n° 120D, reproduit en noir et blanc p. 210 (modèle en plâtre).

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voyage qu’elle utilise pour faire le tour de la Méditerranée. Très casanière, ce sera son seul voyage. 1904 est également l’année de sa première exposition de groupe à la galerie Barbazanges avec la « bande à Schnegg » sous le titre « Première réunion de Certains ». Elle exposera régulièrement à la Société nationale des Beauxarts (dont elle devient sociétaire dès 1909), au Salon d’automne et dans des galeries réputées à Paris (Georges Petit, Devambez, Druet, Bernier, Ruhlmann…), comme en province (Lyon, Bordeaux,Toulouse…) voire à l’étranger (New York, Bruxelles, Prague, Chicago, Londres…). Elle noue des relations amicales avec des femmes peintres et sculpteurs de toutes nationalités, en particulier américaines, et apporte son aide et son appui aux plus jeunes. Elle a également des préoccupations sociales (elle dénonce les méfaits du corset, de la vivisection, soutient certains orphelinats…). Ce sont sans doute ces préoccupations qui l’incitent à arrêter la sculpture durant la première Guerre mondiale au profit d’œuvres de charité. Elle y fabrique des objets en bois ou en métal et réalise par ailleurs des masques pour les mutilés de guerre pour la Croix-Rouge américaine. En 1923 elle fonde le Salon des Tuileries, destiné à rompre avec la Société nationale des Beaux-arts et, en 1932 avec Pompon, le « Groupe des Douze » avec lequel elle exposera pour la première fois cette même année 1932, peu de temps avant de mourir. Cette artiste, dont l’œuvre est rare et d’une grande modernité, tient toutefois une place primordiale parmi les sculpteurs. Jane Poupelet ne s’intéresse qu’aux nus féminins et aux animaux de la ferme. L’Ânon est une de ses œuvres les plus populaires. Conçu en 1907 à partir d’un groupe figurant une ânesse broutant avec son petit à ses côtés, Jane Poupelet ne conserve finalement que l’ânon qui, en devenant autonome et en dépit de sa petite taille, acquiert une dimension monumentale. La facture lisse et la simplification des formes, qui respectent cependant les détails morphologiques et l’attitude de l’animal,

révèlent les grandes capacités d’observation et les qualités de dessinateur de Jane Poupelet. Le rendu du caractère bourru et pataud de cet ânon à peine en équilibre sur ses quatre membres est saisissant et empreint d’une grande tendresse pour l’animal. Dans sa recherche de la vérité du mouvement et de l’attitude, Jane Poupelet prend de nombreux croquis sur le vif, fait beaucoup de dessins et de modelages qu’elle reprend sans cesse, réalise de multiples moulages qu’elle retravaille avec des indications au crayon ou des ajouts de plâtre frais. Elle procède ainsi par états, de manière à conserver l’esquisse primitive et ne retenir que la meilleure épreuve. Le plâtre sec est ensuite sculpté et ciselé. Une fois le modèle obtenu en bronze, elle le cisèle elle-même et le patine de façon à lui donner toute sa richesse plastique. Cette façon de travailler explique pourquoi Jane Poupelet a si peu produit. L’ânon a été exposé pour la première fois au Salon d’automne de 1907 sous le n° 1424, puis régulièrement en province (Bordeaux 1908, Toulouse 1909…) ou à l’étranger (Bruxelles et New York en 1914…). Il a également été exposé à la Société nationale des Beaux-arts au Grand Palais en 1914 sous le n°1905 et le titre Petite ânesse de trois semaines, ainsi qu’en 1922 à la Société des artistes animaliers. C’est encore l’ânon qui a été choisi pour participer à la première exposition du « Groupe des Douze » à l’hôtel Ruhlmann en 1932. Ce modèle existe avec des patines de couleurs différentes (dorée, médaille, brune ou noire). Il est néanmoins extrêmement rare sur le marché de l’art, la majorité des exemplaires se trouvant dans des musées en France ou à l’étranger (Paris-Musée d’Orsay, Roubaix-La Piscine, Périgueux-Musée du Périgord et Alger-Musée National des Beaux-arts).

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Poupelet Jane (1874-1932)

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ée en Dordogne dans un milieu aisé, Jane Poupelet grandit à la campagne. Celle-ci lui offre des modèles et la matière qui éveillera sa vocation de sculpteur : la terre glaise qu’elle aime pétrir pour modeler les animaux qui sont autour d’elle. Ainsi, à une époque où le milieu artistique est encore fermé aux femmes, Jane Poupelet obtient en 1892 un certificat d’aptitude à l’enseignement du dessin et entre à l’Ecole des Beauxarts et des arts décoratifs de Bordeaux, tout en suivant parallèlement des cours d’anatomie et de dissection à la faculté de médecine. En 1895, après l’obtention d’un « diplôme du Gouvernement de professeur de dessin » elle part à Paris parfaire sa formation artistique. Comme l’Académie des Beaux-arts n’accepte pas encore de femmes, Jane Poupelet s’inscrit à l’Académie Julian en 1897, dans l’atelier de Denys Puech. Elle n’y reste pas longtemps, préférant travailler pour Lucien Schnegg, originaire du sud-ouest comme elle. En 1900 elle s’installe dans le XVe arrondissement de Paris, à proximité des ateliers de Lucien et Gaston Schnegg, dont elle intègrera la fameuse bande…. Au tout début de ce siècle elle travaille également pour Rodin et fréquente Bourdelle, qui la tiennent tous deux en grande estime. De 1899 à 1901 elle expose au Salon de la Société nationale des Beaux-arts sous le pseudonyme de Simon de la Vergne. Une médaille de bronze pour une Fontaine décorative (1900) lui est décernée par un jury qui ignore qu’il s’agit d’une jeune fille. En 1904 elle obtient une bourse de

Ânon ou ânesse de trois semaines : Bronze à patine brun/vert nuancé, signé « JANE POUPELET » sur la terrasse. 20,6 x 6 x 15 cm - Circa 1910 Bibliographie : Catalogue d’exposition à Roubaix - La Piscine, du 15 octobre 2005 au 15 janvier 2006, à Bordeaux, Musée des beauxarts, du 24 février au 4 juin 2006, à Mont-de-Marsan, Musée Despiau-Wlérich, du 24 juin au 2 octobre 2006, Anne Rivière (dir.) Jane Poupelet 1874-1932 « La beauté dans la simplicité » - Paris, Gallimard, 2005, p. 104 et - 105, ill. n°120. Art & Décoration - 1924, p. 87-96. Modèle reproduit p. 91. Charles Kunstler - Jane Poupelet, L’Amour de l’Art - 1927 p. 321-327, modèle reproduit p. 327.

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Si les félins occupent une place prépondérante dans l’œuvre sculptée de Maurice Prost, la Panthère sur une branche est un modèle rare dont à ce jour seuls douze exemplaires ont été recensés. L’un d’eux appartient au Musée de Montbéliard, aujourd’hui en dépôt au Musée de Brunoy. Maurice Prost nous livre ici une version très vivante, très anatomiste, d’une panthère au port altier juchée sur une branche, dans une pose néanmoins nonchalante avec une patte pendante. Cette représentation naturaliste très peu stylisée, assez loin de la manière Art Déco dans laquelle on enferme trop souvent l’art de Maurice Prost, révèle sa grande tendresse pour les fauves. Des photographies anciennes prises dans son atelier de la rue de la Tombe Issoire à Paris 14e, dans lequel il a emménagé fin 1936, nous montrent la maquette de cette sculpture ou encore le sculpteur en train d’en finir le modelage

Fig. 1 Maurice Prost dans son atelier rue de la Tombe Issoire – Courtesy archives Pierre Kastelyn

(Fig.1). C’est un modèle que Maurice Prost a édité personnellement et dont il a contrôlé tout le processus de fabrication. Exceptionnel par sa rareté, sa taille et sa présence, il a été exposé au Musée Robert Dubois-Corneau de Brunoy en 2007 et au Musée Robert Poulain de Vernon en 2008. Nous remercions très sincèrement M. Pierre Kastelyn pour toutes les précieuses informations qu’il nous a données.

Panthère sur une branche : Bronze à patine brune nuancée de vert. Signé « M. Prost », numéroté 11, porte le cachet aux cobras. Fonte au sable éditée par l’artiste. 44 x 71 x 16,5 cm. Circa 1940

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Prost Maurice (1894-1967)

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mputé d’un bras dès les premiers mois de la guerre de 1914, Maurice Prost abandonne son métier de ciseleur en joaillerie et opte pour sa passion, la sculpture animalière. Il devient sculpteur en taille directe avec l’aide de sa femme d’abord, qui frappe pour lui le ciseau qu’il tient et oriente sur la pierre, puis grâce à la fabrication d’un marteau pneumatique qui le rend totalement indépendant ; dès 1918, il se rend quotidiennement au Jardin des Plantes pour dessiner et modeler les animaux. Il y rencontre les autres animaliers avec qui il se lie d’une amitié sincère. Dès 1921, il expose au Salon des Artistes Français et présente régulièrement des œuvres également au Salon d’Automne et au Salon des Artistes Indépendants. En 1930, il participe à l’exposition des Artistes Animaliers, galerie Edgar Brandt, boulevard Malesherbes, et en 1931 présente sa Panthère noire à l’Exposition Coloniale.

Bibliographie : Musée municipal Robert Duboy-Corneau - Maurice Prost sculpteur et peintre animalier (1894–1967) Catalogue d’exposition (Brunoy, Musée municipal Robert Duboy-Corneau, 10 avril–30 septembre 2007), Edition MMRDC, 2007, modèle reproduit p. 47 n° 26. Maurice Prost 1894–1967 sculpteur animalier - Edition Concorde Art International, Paris, 1999, modèle reproduit p. 19.

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Les années 1880 marquent le début d’une production foisonnante où il exalte à la fois la volupté, la sensualité, la force, la douleur, la passion. Ce sont : Le Saint Jean-Baptiste, La Porte de l’enfer, le Baiser, Victor Hugo, Balzac, Les Bourgeois

de Calais. Ces années-là voient aussi sa rencontre avec Camille Claudel, tour à tour son élève, son modèle, sa maîtresse et sa muse. Leur rupture définitive a lieu vers 1893. A partir de 1890, Rodin connaît un succès international. Il dirige désormais trois ateliers. Il multiplie les conquêtes féminines, puis sous la coupe et l’influence de la duchesse de Choiseul, il parcourt le monde avec ses expositions : Cologne, Dresde, Prague, Londres, etc. Il se lie d’amitié avec des peintres (Monet, Whistler, Legros), des danseuses (Isadora Duncan, Loïc Fuller, Hanako), un danseur (Nijinsky), des écrivains (Rilke, Zola), des sculpteurs qui ont été parfois ses élèves (Boucher, Desbois, Bourdelle, Pompon)... Rodin meurt à Meudon le 17 novembre 1917, laissant derrière lui une œuvre qui a révolutionné la sculpture de son époque. Le résultat est un équilibre frappant qui n’est pas sans rappeler les sculptures de Michel-Ange. Évoquant par son mouvement gracieux la sculpture du XVIIIe siècle, L’Éternel Printemps connut un grand succès et fut traduit plusieurs fois en bronze en de

nombreux exemplaires en quatre dimensions différentes et 10 exemplaires en marbre. La sculpture fut créée durant la période d’intense travail autour de La Porte de l’Enfer, mais ce sujet pas trop gracieux ne fut pas retenu pour y figurer. Exposée au Salon de 1898, elle connut un grand succès commercial. Tout comme Le Baiser, dont il constitue une sorte de variante, son sujet évoque en effet le bonheur de deux jeunes amants, probablement inspiré par la relation passionnelle et tourmentée d’une dizaine d’années entre le maître et son élève amante Camille Claudel. Dans cette fusion amoureuse, l’homme ouvre son torse alors que la figure féminine (reprise de l’œuvre le Torse d’Adèle inspirée d’Adèle Abruzzesi, un des modèles favoris de Rodin) déploie éperdument sa cambrure. La beauté de ce chef-d’œuvre de la sculpture réside dans sa capacité à exprimer un amour érotique, les deux personnages se fondant littéralement l’un dans l’autre. Le musée Rodin possède l’Éternel Printemps, réduction 4, chefmodèle, fonte de Ferdinand Barbedienne, 1898 (N° inventaire S. 00777).

L’Éternel printemps – 4ème réduction : Bronze à patine brune, signé « Rodin », fonte Barbedienne, porte la marque du fondeur et inscrit sur la plaque « L’ETERNEL (LE) PRINTEMPS AUGUSTE RODIN 1840-1917 » Sur socle en marbre d’origine : 25 x 30 x 18 cm et 30,2 x 35 x 21,5 cm (avec socle) Fondu à 63 exemplaires - Circa 1898-1917.

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Rodin Auguste (1840-1917)

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ès son plus jeune âge, Auguste Rodin impose sa vocation artistique à son père et entre à l’École impériale. Refusé aux Beaux-Arts, il devient maçon statuaire et fait de la mise au point, dégrossit les marbres, les pierres, réalise les ornements des bijoux chez un orfèvre (jusqu’à l’âge de cinquante ans, il connaît les ennuis de la pauvreté). En 1864, il rencontre Rose Beuret qui partagera sa vie jusqu’à sa mort et dont il a un fils, Auguste. Après la guerre de 1870, il part en Belgique travailler pour CarrierBelleuse, mais il supporte de plus en plus mal les contraintes de leur travail commun. Après leur séparation, Rodin revient en France et présente au Salon L’âge d’airain. Le premier scandale éclate, il est accusé de surmoulage, mais cela joue néanmoins en sa faveur en le révélant au public.

Bibliographie :

A. Le Normand-Romain - Rodin et le Bronze, catalogue des œuvres conservées au Musée Rodin Éditions de la Réunion des Musées Nationaux, Paris, 2007, Tome I (une autre épreuve reproduite p. 334). 38

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sages. Il appartient à cette génération de sculpteurs qui, après Rodin, ont cherché à renouveler la sculpture en privilégiant un traitement synthétique des volumes, des surfaces lisses, des formes pures avec la volonté de retrouver un certain ordre classique. La part animalière de son œuvre, qui devient dominante, l’amène à donner vie à la Société Française des Animaliers en 1933. Il préside par ailleurs, pendant près de vingt ans, la Fondation Taylor. Devenu membre de l’Académie des Beaux-Arts et commandeur de l’Ordre des Arts et Lettres, il reçoit en outre de l’université de Lausanne un doctorat honoris causa en 1959. C’est avec un petit hibou attrapé lors d’un séjour en Sicile en 1908 qu’il débute ses portraits d’animaux. Tout en restant toujours figuratif, il adopte dans un premier

temps une manière plutôt stylisée sachant saisir les traits et les gestes caractéristiques de ses modèles avec une extrême simplification. Puis, vers le milieu des années Trente, il cherche à les représenter le plus exactement possible. C’est dans cette veine réaliste que s’inscrit cette famille de lapins dont le modèle en plâtre a été présenté pour la première fois à la galerie Allard en décembre 1943. Le lapin est un animal auquel il s’était déjà intéressé et qu’il avait représenté dans diverses attitudes : couché, se léchant la patte, assis, debout, oreille levée, pattes allongées… C’est cependant la première fois qu’il le présente en famille et, à la différence d’autres animaux comme le fennec, il n’y en aura qu’une seule version. C’est un modèle très rare. Il n’a été édité que pendant cinq ans à partir du 24 février 1944 par Leblanc-Barbedienne.

Famille de lapins : Bronze à patine brun/vert nuancé, signé « Ed.M Sandoz », fonte Leblanc-Barbedienne, porte la marque « F. Barbedienne » et l’inscription « bronze ». 8 x 9 x 9 cm - Circa 1945

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Sandoz Édouard-Marcel (1881-1971)

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douard-Marcel Sandoz naît à Bâle le 21 mars 1881. Fils d’un industriel suisse, c’est la visite de l’Exposition universelle de Paris en 1900 qui lui révèle sa vocation artistique. Après avoir suivi pendant trois ans les cours de l’Ecole des arts industriels de Genève, il est admis en 1905 à l’Ecole nationale et spéciale des Beaux-Arts de Paris où il s’inscrit dans l’atelier du sculpteur Antonin Mercié. L’année suivante il expose pour la première fois au Salon de la Société nationale des beaux-arts où son talent de sculpteur est remarqué par les critiques d’art. Il y participera ensuite régulièrement comme aux autres manifestations artistiques. S’intéressant dans un premier temps aussi bien aux figures humaines qu’aux animaux, son œuvre compte aujourd’hui près de 2000 pièces. Il s’exprime aussi bien dans le bronze que dans la céramique, la taille directe ou encore la peinture de fleurs et de pay-

Bibliographie :

Felix Marcilhac - Sandoz sculpteur figuriste et animalier - Les Editions de l’Amateur, 1993, reproduit p.374-375, item 675 42

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Volti Antonuicci (1915-1989) 44

certaine statuaire antique archaïsante et aux recherches d’Aristide Maillol, qui révolutionna la sculpture par ses formes pleines, son travail contraste de manière spectaculaire avec la ligne aigüe des volumes des années 1950 et 1960. Il est également influencé par la sculpture de Henry Moore et par ses lignes simples et épurées, mais ne cesse de conserver son style harmonieux où alternent, telle une architecture, les pleins et les vides du corps féminin. Dès l’après-guerre, il re-

çoit de nombreuses commandes publiques qui témoignent de sa reconnaissance artistique et institutionnelle. Une fondation Musée-Volti existe à Villefranche sur-mer, où l’artiste a séjourné à partir de 1920. Recroquevillée sur elle-même, cette jeune femme arbore des formes très épanouies, toujours appréciées des admirateurs de l’artiste. Ses rondeurs dégagent à la fois volume et harmonie tandis que les aspérités de la surface du bronze donnent vie au modèle.

Femme couchée sur le côté : Bronze à patine noire, signé « Volti », indiqué « Épreuve d’artiste », numéroté ½, fonte Susse, indiqué « Susse Fondeur Paris » 38,9 x 55,5 x 40 cm - Circa 1960-1970.

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ntoniucci Volti, pseudonyme d’Antoniucci Voltigero, a décliné tout au long de sa carrière de plasticien la figure de la femme dont les rythmes et les volumes n’ont cessé de l’enchanter. En 1928, il est admis à l’école des arts décoratifs de Nice, puis en 1932 à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, où il obtient le premier second grand prix de Rome. Tout au long de sa vie, il accumule croquis et études, au crayon, au fusain ou à la sanguine. S’apparentant à la tradition d’une

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devient le mouleur-fondeur exclusif de Bugatti. Passionné par son métier, Adrien Hébrard cherche la perfection. Bourdelle, Carpeaux, Dalou, Falguière, Pompon et bien d’autres bénéficieront de l’excellence du fondeur d’art. La fonderie cesse son activité en 1937 après la mort de son fondateur.

« Le fondeur est au sculpteur ce que l’interprète est au compositeur de musique ». « Une fonte mal faite ruine l’œuvre du meilleur des sculpteurs », écrit Jean Bernard, président de la fondation de Coubertin (métiers manuels).

RUDIER Alexis : Créée par Alexis Rudier, la fonderie Rudier officie entre 1874 et 1952. Elle compte parmi les fonderies de bronze les plus importantes du début du XXe siècle, aux côtés de Barbedienne, Valsuani ou Hébrard. Alexis Rudier installe sa fonderie en 1874 rue Charlot, puis rue de Saintonge. Il meurt en 1897. Sa veuve et son fils Eugène reprennent l’affaire en conservant la signature « Alexis Rudier ». La fonderie Rudier connaît son véritable essor au début du XXe siècle, lorsque Eugène Rudier parvient à convaincre successivement Auguste Rodin et Aristide Maillol d’y faire fondre leurs sculptures en bronze. En 1914, Eugène est envoyé à Gaillac (Tarn) où l’on utilise ses talents pour la fabrication d’obus. De fréquents voyages à Paris lui permettent de continuer à gérer son entreprise. Rudier est démobilisé en 1916 et retrouve ses employés. Les autres fondeurs, excepté Hébrard, ne travaillent plus ou très peu. Les conditions de ces temps de guerre engendrent une exclusivité de fait pour les œuvres de Rodin. En profitant de cette exclusivité du vivant de l’artiste, dont aucune trace contractuelle n’est connue, Rudier obtient, officiellement cette fois, l’exclusivité pour des fontes pour le musée Rodin, dont il bénéficie jusqu’à sa mort en 1952. Il travaille une quinzaine d’années pour Rodin de son vivant (le sculpteur confiait fréquemment les patines au peintre chimiste Jean Limet). Eugène fonda une grande partie de son immense réputation sur la clientèle de Rodin alors qu’il fournit bien plus de fontes posthumes que de bronzes ayant reçu l’approbation de l’artiste. Vérifiant le travail des fondeurs dans le respect des exigences du célèbre sculpteur, Jean Limet travaille pour Rudier jusqu’à sa mort en 1941. L’entreprise commercialise des bronzes de Rodin, parallèlement au musée, jusqu’en 1944. En 1919, les ateliers sont transférés au 37 rue Olivier de Serres. En 1934, la fonderie déménage à Malakoff. Rudier, ouvert à l’activité syndicale, fidélise une équipe efficace et dévouée. Pour l’Exposition Universelle de 1937, Rudier remporte la quasi-totalité des marchés. Trop âgé, il n’est pas mobilisé lors de la seconde guerre mondiale et continue à travailler. Grâce à sa réputation et à de puissants amis, il échappe à l’interdiction d’utiliser du bronze pour autre chose que la production militaire. Une fois encore, Rudier profite d’une période extrêmement difficile pour ses concurrents et en sort en position de force. Rudier est finalement touché par les difficultés que connaissent toutes les fonderies d’art après la Seconde Guerre mondiale. Il pratique principalement la fonte au sable. Il meurt en 1952. Ses archives sont brûlées et ses moules brisés, comme il l’avait ordonné. Sa disparition laisse le musée Rodin et Lucien Maillol (fils unique d’Aristide Maillol) sans fondeur. Plusieurs sculpteurs célèbres recourent à ses services, comme Auguste Rodin, Aristide Maillol, Antoine Bourdelle ou encore Honoré Daumier. Rudier contribue également à la notoriété de sculpteurs plus tardifs, tels que Paul Dardé, René Iché ou Pierre Traverse. Réputée pour la grande qualité de ses bronzes, la fonderie Rudier a inscrit sa réputation dans l’histoire de la sculpture moderne.

BARBEDIENNE : Au vu de ses nombreux catalogues, la fonderie Barbedienne fut certainement la plus prolifique de toutes les maisons françaises de la seconde moitié du XIXe à la première moitié du XXe siècle. Elle a vraiment débuté en 1838, avec la rencontre déterminante entre Ferdinand Barbedienne (1810-1892) et l’ingénieur Achille Collas (1795-1859), dont le procédé de réduction ouvrait la voie à la sculpture mécanique, appliquée à la statuaire comme aux bronzes décoratifs. Il fut le premier à reproduire en petites tailles les plus belles sculptures des musées d’Europe comme les sculptures des artistes vivants les plus en vogue, tels Antoine-Louis Barye, Antonin Mercié, Emmanuel Frémiet et bien d’autres. Tous deux créèrent également de nouveaux procédés de coloration et de patine pour les sculptures en bronze. Présente à toutes les Expositions Universelles de son temps, la maison Barbedienne fut régulièrement distinguée par des récompenses, notamment lors de l’Exposition Universelle de 1855 où elle reçut la grande Médaille d’Honneur. A la mort de son fondateur, l’entreprise comptait un effectif de plus de 600 employés. C’est son neveu et successeur, Gustave Leblanc-Barbedienne (1848-1945), qui développa la fonderie en se spécialisant dans les bronzes monumentaux. Il parvint néanmoins à signer un contrat avec Auguste Rodin (1840-1917), assurant l’exclusivité de L’Éternel Printemps et du Baiser pour une durée de vingt ans. BLOT Eugène : Il succède à son père qui avait ouvert une fonderie spécialisée dans les bibelots imitant le bronze sous le nom de BLOT et DROUARD. Peu avant 1890 Eugène Blot reprend l’entreprise, d’abord sous la dénomination de « Eugène Blot successeur » puis à partir de 1894 sous celle d’« Eugène Blot ». Il privilégie rapidement l’aspect artistique au détriment de l’industrie. Ainsi délaisse-t-il le zinc d’art qui était la spécialité de son père. Il passe des contrats d’édition avec des sculpteurs et propose des éditions en bronze, en terre cuite ou en marbre. Il utilise également le procédé de réduction Collas. Il fait partie des premiers fondeurs souhaitant quitter le marché de l’édition pour celui des « bronzes de collection » qui sont des épreuves à tirage très limité et qu’il numérote avant l’heure. Comprenant que le marché de la reproduction d’œuvres anciennes est saturé, il se tourne vers des artistes novateurs comme Rodin, Claudel, Meunier, Carabin, Maillol… dont il édite les modèles. Mais il a du mal à les vendre et, pour des raisons financières, doit à plusieurs reprises organiser des ventes de ses collections de peintures, sa véritable passion. S’il a modifié le métier de fabricant-éditeur, les chiffres annoncés pour ses séries sont néanmoins encore trop importants et son commerce reste trop dispersé en proposant toutes sortes d’objets usuels. Il ne pratiquera par ailleurs jamais la cire perdue. Précurseur incompris et peut-être trop timide, il cesse finalement son activité en 1937. C’est à Leblanc-Barbedienne qu’il cède ses modèles et les droits qu’il détenait sur certains artistes (comme Camille Claudel), moyennant une redevance. Il s’éteint en 1938. ETLING Edmond : Marchand d’objets d’art décoratif parisien dont le magasin était situé 29 rue de Paradis. Au cours des années 1920-1930 il fut l’un des plus importants éditeurs de multiples, dans les domaines du verre pressé-moulé et de la statuaire en bronze, en terre cuite ou en céramique auxquels il s’est simultanément intéressé. Le secret de sa réussite tient à deux principes : adhérer étroitement au goût du jour et engager des artistes à la mode. Ainsi la marque Etling recouvre les créations d’artistes parmi les plus originaux de leur époque. D’origine juive, Etling et sa famille ont été déportés durant la seconde Guerre mondiale et ne sont pas revenus. HÉBRARD Adrien-Aurélien : Ingénieur chimiste de formation et passionné de sculpture contemporaine, il crée sa propre fonderie à partir de décembre 1902. Il est le fils fortuné du fondateur de l’influent journal quotidien Le Temps (ancêtre du journal Le Monde). L’entreprise s’installe au no 73 de l’avenue de Versailles à Paris. En 1904, Adrien Hébrard ouvre également une galerie au no 8 de la rue Royale où il présente les œuvres des artistes qu’il édite. La fonderie Hébrard pratique principalement la fonte à la cire perdue à tirage limité. Il effectue également des fontes au sable et produit des modèles d’orfèvrerie en argent. Les bronzes à la cire perdue produits par Hébrard sont réputés pour la grande précision de leur empreinte et la qualité de leur patine. Adrien Hébrard fond notamment Le penseur de Rodin et devient le collaborateur privilégié de Rembrandt Bugatti. Le sculpteur italien présente à Hébrard le fondeur Albino Palazzolo, rencontré à Milan. Ce talentueux artisan devient chef d’atelier et

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SUSSE : En l’espace de trois générations, entre 1740 et 1830, les Susse, une famille dynamique et entreprenante, quittent leur Lorraine natale, s’installent à Paris, abandonnent leur métier traditionnel de fabricants de meubles et deviennent des marchands et connaisseurs d’art réputés dans le monde entier. Les frères Nicolas et Michel-Victor Susse, célèbres papetiers et marchands de nouveautés installés à Paris depuis 1804, commencent à proposer des bronzes d’art et d’ameublement à partir de 1832. Ils sont les premiers à signer un contrat d’édition avec un sculpteur, Cumberworth, en 1837. Ils sous-traitent toutes leurs fontes au sable avant d’ouvrir leur propre atelier de fonderie en 1876. La fonderie Susse ouvre un atelier de fonte à cire perdue en 1918. C’est la plus ancienne fonderie d’art française encore en activité de nos jours.

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Fondeurs / Éditeurs

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l faut distinguer un fondeur d’art d’un éditeur. Le premier travaille sous le contrôle de l’artiste ou de ses ayants-droits, sans cession de propriété, et produit des tirages en nombre limité. Un éditeur, en revanche, a obtenu de l’artiste la cession des droits de reproduction d’une œuvre sur une période déterminée et peut dès lors en tirer en grande quantité sans limitation de nombre. Lorsque l’éditeur dirige une « fabrique », c’est-à-dire une entreprise chargée d’achever les bronzes pour les commercialiser, il est dit fabricant.

VALSUANI Claude : Claude Valsuani est fondeur à la cire perdue. Fils de Marcello Valsuani, lui-même fondeur à la cire perdue qu’Hébrard fait venir d’Italie à l’ouverture de sa fonderie en 1902 comme chef d’atelier. Claude Valsuani arrive probablement en France avec son père, ainsi qu’avec son frère Attilio. Il est actif à Paris dès 1902. Contrairement à ses concurrents, il ne cherche pas à prendre les artistes sous contrat et leur laisse une entière liberté. Il gagne rapidement une excellente réputation, y compris auprès des artistes et amateurs étrangers et contribue largement à la renommée internationale du bronze français au XXe siècle. Son fils Marcel lui succède tout aussi honorablement, mais au départ de celui-ci en 1973, la réputation de la maison périclite.

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REMERCIEMENTS Les Galeries Nicolas Bourriaud tiennent à remercier pour leur contribution Anne Charlotte Desrousseaux, Chantal Grangé, Violaine Leyte, Fanny Baudoin et Sophie Bourriaud. Les photographies contenues dans ce catalogue ont été réalisées par François Benedetti, que nous remercions également. Maquette, photogravure : GraFFix© & 06.09.03.09.24 Impression : Imprimerie Bédu 60270 Gouvieux Septembre 2021 978-2-492369-01-8 - 20eTTC Aucun élément de cette publication ne peut être reproduit, transcrit, incorporé dans aucun système de stockage ou recherche informatique, ni transmis sous quelque forme que ce soit, ni aucun moyen électronique, mécanique ou autre sans l’accord préalable écrit des détenteurs du copyright.


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1, quai Voltaire 75007 Paris Tél. : 01 42 33 66 72 205, rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris Tél. : 01 42 61 31 47 gnb@galeriesnicolasbourriaud.com www.galerienicolasbourriaud.com

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