Exposition virtuelle
Aline Gagnaire, un esprit libre Galerie Les Atamanes
Aline Gagnaire est une artiste peintre, sculpteur, illustratrice, lithographe, écrivain et graveur française (1911-1997). Dada, surréalisme, Main à la plume, Oupeinpo, elle a pris part aux explorations artistiques majeures du XXème siècle. De formation autodidacte, avec un esprit libre, elle a aussi inventé des modes d’expressions qui lui sont propres : • les Pictogrammes qui mêlent calligraphie et idéogrammes • les Reliefs blancs, tableaux sculptés dans le plâtre
L’amoureuse Elle est debout sur mes paupières Et ses cheveux sont dans les miens, Elle a la forme de mes mains, Elle a la couleur de mes yeux, Elle s'engloutit dans mon ombre Comme une pierre sur le ciel. Elle a toujours les yeux ouverts Et ne me laisse pas dormir. Ses rêves en pleine lumière Font s'évaporer les soleils, Me font rire, pleurer et rire, Parler sans avoir rien à dire. Paul Eluard, In Œuvres complètes © Pléiade/Gallimard 1984, Mourir de ne pas mourir p.140
Femme, visage déstructuré d’Aline Gagnaire, 1955 Huile sur isorel http://www.lesatamanes.com/oeuvres/femme-visage-destructure-de-aline-gagnaire
Adieu tristesse, Bonjour tristesse. Tu es inscrite dans les lignes du plafond. Tu es inscrite dans les yeux que j’aime Tu n’es pas tout à fait la misère, Car les lèvres les plus pauvres te dénoncent Par un sourire. Bonjour tristesse. Amour des corps aimables. Puissance de l’amour Dont l’amabilité surgit Comme un monstre sans corps. Tête désappointée. Tristesse, beau visage. Paul Éluard, “À Peine Défigurée” (La vie immédiate, 1932)
Visage d’Aline Gagnaire,1961 Plâtre sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/visage-de-aline-gagnaire
Poète noir Poète noir, un sein de pucelle te hante, poète aigri, la vie bout et la ville brûle, et le ciel se résorbe en pluie, ta plume gratte au coeur de la vie. Forêt, forêt, des yeux fourmillent sur les pignons multipliés ; cheveux d’orage, les poètes enfourchent des chevaux, des chiens. Les yeux ragent, les langues tournent le ciel afflue dans les narines comme un lait nourricier et bleu ; je suis suspendu à vos bouches femmes, coeurs de vinaigre durs. Antonin ARTAUD Recueil : "L'Ombilic des Limbes"
Homme, visage déstructuré d’Aline Gagnaire,1955 Huile sur isorel http://www.lesatamanes.com/oeuvres/homme-visage-destructure-de-aline-gagnaire
La main à la plume J'écrirai des poèmes sur le lait le beurre la crème j'écrirai des odes en vers heptasyllabiques sur les vaches les brebis les biques j'écrirai des myriades de myriades de sonnets sur le vent qui couche les lourds épis de blé j'écrirai des chansons sur les mouches et les charançons j'écrirai des sextines sur les fonds de jardin où se mussent les latrines j'écrirai des phrases obscures sur l'agriculture j'utiliserai des métonymies et des métaphores pour parler de la vie des porcs et de leur mort j'utiliserai l'assonance et la rime pour parler des prés, de la forêt, de la campagne j'écrirai des poèmes la main sur la charrue du vocabulaire Raymond Queneau, Battre la campagne (1968)
Pictogrammes au soleil d’Aline Gagnaire, 1957 Encre et aÊrosol sur papier http://www.lesatamanes.com/oeuvres/pictogrammes-au-soleil-de-aline-gagnaire
Ponto Je dis à mon chien noir : — Viens, Ponto, viens-nous-en ! Et je vais dans les bois, mis comme un paysan ; Je vais dans les grands bois, lisant dans les vieux livres. L’hiver, quand la ramée est un écrin de givres, Ou l’été, quand tout rit, même l’aurore en pleurs, Quand toute l’herbe n’est qu’un triomphe de fleurs, Je prends Froissard, Montluc, Tacite, quelque histoire, Et je marche, effaré des crimes de la gloire. Hélas ! l’horreur partout, même chez les meilleurs ! Toujours l’homme en sa nuit trahi par ses veilleurs ! Toutes les grandes mains, hélas ! de sang rougies ! Alexandre ivre et fou, César perdu d’orgies, (…) Louis Neuf tenaillant les langues d’un fer rouge ; Cromwell trompant Milton, Calvin brûlant Servet. Que de spectres, ô gloire ! autour de ton chevet ! O triste humanité, je fuis dans la nature ! Et, pendant que je dis : —Tout est leurre, imposture, Mensonge, iniquité, mal de splendeur vêtu ! Mon chien Ponto me suit. Le chien, c’est la vertu Qui, ne pouvant se faire homme, s’est faite bête. Et Ponto me regarde avec son œil honnête. Victor HUGO, Recueil : "Les Contemplations"
Un homme, un chien d’Aline Gagnaire Huile sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/un-homme-un-chien-de-aline-gagnaire
Vénus de Milo Marbre sacré, vêtu de force et de génie, Déesse irrésistible au port victorieux, Pure comme un éclair et comme une harmonie, O Vénus, ô beauté, blanche mère des Dieux ! (…) Du bonheur impassible ô symbole adorable, Calme comme la Mer en sa sérénité, Nul sanglot n'a brisé ton sein inaltérable, Jamais les pleurs humains n'ont terni ta beauté. Salut ! A ton aspect le coeur se précipite. Un flot marmoréen inonde tes pieds blancs ; Tu marches, fière et nue, et le monde palpite, Et le monde est à toi, Déesse aux larges flancs ! (…) Allume dans mon sein la sublime étincelle, N'enferme point ma gloire au tombeau soucieux ; Et fais que ma pensée en rythmes d'or ruisselle, Comme un divin métal au moule harmonieux. Charles-Marie LECONTE DE LISLE (1818-1894)
Venus Milo ficelée noué et mise au bain d’Aline Gagnaire Plâtre coulé sur une reproduction de la Vénus de Milo http://www.lesatamanes.com/oeuvres/venus-milo-ficelee-nouee-et-mise-au-bain-de-aline-gagnaire
Porte du second infini L’encrier périscope me guette au tournant mon porte-plume rentre dans sa coquille La feuille de papier déploie ses grandes ailes blanches Avant peu ses deux serres m’arracheront les yeux Je verrai que du feu mon corps feu mon corps ! Vous eûtes l’occasion de le voir en grand appareil le jour de tous les ridicules Les femmes mirent leurs bijoux dans leur bouche comme Démosthène Mais je suis inventeur d’un téléphone de verre de Bohême et de tabac anglais en relation directe avec la peur ! Robert DESNOS Recueil : "C'est les bottes de 7 lieues cette phrase « Je me vois »"
Un jour un début d’Aline Gagnaire Encre sur papier glacé http://www.lesatamanes.com/oeuvres/un-jour-un-debut-de-aline-gagnaire
(…) les cloches sonnent sans raison et nous aussi nous partons avec les départs arrivons avec les arrivées partons avec les arrivées arrivons quand les autres partent sans raison un peu secs un peu durs sévères pain nourriture plus de pain qui accompagne la chanson savoureuse sur la gamme de la langue les couleurs déposent leur poids et pensent et pensent ou crient et restent et se nourrissent de fruits légers comme la fumée planent qui pense à la chaleur que tisse la parole autour de son noyau le rêve qu’on appelle nous (…) Tristan Tzara, L’HOMME APPROXIMATIF (extrait)
Foule démultipliée d’Aline Gagnaire Paire de technique mixtes sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/foule-demultipliee-de-aline-gagnaire
Ma femme à la chevelure de feu de bois Aux pensées d'éclairs de chaleur A la taille de sablier Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d'étoiles de dernière grandeur Aux dents d'empreintes de souris blanche sur la terre blanche A la langue d'ambre et de verre frottés Ma femme à la langue d'hostie poignardée A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux A la langue de pierre incroyable Ma femme aux cils de bâtons d'écriture d'enfant Aux sourcils de bord de nid d'hirondelle Ma femme aux tempes d'ardoise de toit de serre Et de buée aux vitres Ma femme aux épaules de champagne Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace André Breton, L’union libre, Clair de terre, Gallimard, 1931
Petit nu d’Aline Gagnaire, 1960 Encre sur carton souple http://www.lesatamanes.com/oeuvres/petit-nu-de-aline-gagnaire
Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit. Suivre tes pas, ton ombre à la fenêtre. Cette ombre à la fenêtre c'est toi, ce n'est pas une autre, c'est toi. N'ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges. Ferme les yeux. Je voudrais les fermer avec mes lèvres. Mais la fenêtre s'ouvre et le vent, le vent qui balance bizarrement la flamme et le drapeau entoure ma fuite de son manteau. La fenêtre s'ouvre: ce n'est pas toi. Je le savais bien. Desnos, A la Mystérieuse (1926), A la faveur de la nuit
Nu rouge d’Aline Gagnaire, 1965 Encre sur papier gaufrÊ de couleur rouge http://www.lesatamanes.com/oeuvres/nu-rouge-de-aline-gagnaire
MAINS Ce ne sont pas des mains d'altesse, De beau prélat quelque peu saint, Pourtant une délicatesse Y laisse son galbe succinct. Ce ne sont pas des mains d'artiste, De poète proprement dit, Mais quelque chose comme triste En fait comme un groupe en petit ; Car les mains ont leur caractère, C'est tout un monde en mouvement Où le pouce et l'auriculaire Donnent les pôles de l'aimant (…) Elles sont maigres, longues, grises, Phalange large, ongle carré. Tels en ont aux vitraux d'églises Les saints sous le rinceau doré, Ou tels quelques vieux militaires Déshabitués des combats Se rappellent leurs longues guerres Qu'ils narrent entre haut et bas. Ce soir elles ont, ces mains sèches, Sous leurs rares poils hérissés, Des airs spécialement rêches, Comme en proie à d'âpres pensers. (…) Paul Verlaine, 1888
Le monde est sphérique d’Aline Gagnaire Objet en plâtre sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/le-monde-est-spherique-de-aline-gagnaire
Si tu t'imagines Si tu t'imagines si tu t'imagines fillette fillette si tu t'imagines xa va xa va xa va durer toujours la saison des za la saison des za saison des amours ce que tu te goures fillette fillette ce que tu te goures Si tu crois petite si tu crois ah ah que ton teint de rose ta taille de guêpe tes mignons biceps tes ongles d'émail ta cuisse de nymphe et ton pied léger si tu crois petite xa va xa va xa va va durer toujours ce que tu te goures fillette fillette ce que tu te goures (…) Raymond Queneau, L'instant fatal
Nu minimaliste d’Aline Gagnaire, 1967 Encre sur papier de coumeur bois de rose http://www.lesatamanes.com/oeuvres/nu-minimaliste-de-aline-gagnaire
Une goutte d’homme une goutte d'homme un rien de femme achèvent la beauté du bouquet d'os c'est l'heure de l'aubade dans la fourrure de feu le vent arrive sur ses quatre plantes comme le cheval sur ses quatre roues l'espace a un parfum vertical l'espace a un parfum vertical le vent arrive sur ses quatre plantes comme le cheval sur ses quatre roues c'est l'heure de l'aubade dans la fourrure de feu une goutte d'homme un rien de femme achèvent la beauté du bouquet d'os Jean Arp
Bouquet de fleurs épuré d’Aline Gagnaire, 1968 Encre sur papier chiffon à la cuve à gros grains http://www.lesatamanes.com/oeuvres/bouquet-de-fleurs-epure-de-aline-gagnaire