Exposition virtuelle
Le Pointillisme du XXème siècle : quand le spectateur devient créateur Galerie Les Atamanes
Juxtaposer une multitude de petits points de couleurs différentes et laisser l’œil du spectateur les fusionner, voilà la démarche du pointillisme né avec Georges Seurat au XIXème. 80 ans plus tard, cette technique trouve un essor audelà du point de couleur et devient la marque de fabrique de certains artistes. André LalaumeDupré emploie des points en relief, des grumeaux de matière picturale. Le pointillisme gagne avec lui en densité, en présence. Henri Darnaud se consacre à la touche fragmentaire qu’elle soit point ou trait de couleur et travaille sur des compositions plus abstraites. Le rôle du spectateur est encore plus crucial : l’artiste décompose et divise ce qu’il dépeint et c’est le spectateur qui reconstruit l’œuvre avec sa propre perception. Une collaboration active se forme entre l’artiste et le spectateur et cette forme d’art devient une création à deux voix. C’est un symbole de la richesse de la communication infraverbale qui peut se produire entre deux esprits humains par l’intermédiaire de l’image.
Le Jour Tout est ravi quand vient le Jour Dans les cieux flamboyants d’aurore. Sur la terre en fleur qu’il décore La joie immense est de retour. Les feuillages au pur contour Ont un bruissement sonore; Tout est ravi quand vient le Jour Dans les cieux flamboyants d’aurore. La chaumière comme la tour Dans la lumière se colore, L’eau murmure, la fleur adore, Les oiseaux chantent, fous d’amour. Tout est ravi quand vient le Jour. Théodore de BANVILLE, Recueil : "Rondels"
COMPOSITION AUX POINTS JAUNES de Henri Darnaud
Huile sur isorel, 1976 http://www.lesatamanes.com/oeuvres/composition-aux-points-jaunes-de-henri-darnaud
Chant du ciel La fleur des Alpes disait au coquillage : « tu luis » Le coquillage disait à la mer : « tu résonnes » La mer disait au bateau : « tu trembles » Le bateau disait au feu : « tu brilles » Le feu me disait : « je brille moins que ses yeux » Le bateau me disait : « je tremble moins que ton cœur quand elle paraît » La mer me disait : « je résonne moins que son nom en ton amour » Le coquillage me disait : « je luis moins que le phosphore du désir dans ton rêve creux » La fleur des Alpes me disait : « Elle est belle » Je disais : « Elle est belle, elle est belle, elle est émouvante ».
Robert DESNOS, Recueil : "Les Ténèbres", © Robert Desnos Corps et biens NRF Poésie/Gallimard
RÊVERIE AU BORD DE L’EAU de André LalaumeDupré
Huile sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/reverie-au-bord-de-l-eau-de-andre-lalaume-dupre
Même féerie
La lune mince verse une lueur sacrée, Comme une jupe d’un tissu d’argent léger, Sur les masses de marbre où marche et croit songer Quelque vierge de perle et de gaze nacrée.
Pour les cygnes soyeux qui frôlent les roseaux De carènes de plume à demi lumineuse, Sa main cueille et dispense une rose neigeuse Dont les pétales font des cercles sur les eaux.
Délicieux désert, solitude pâmée, Quand le remous de l’eau par la lune lamée Compte éternellement ses échos de cristal,
Quel coeur pourrait souffrir l’inexorable charme De la nuit éclatante au firmament fatal, Sans tirer de soimême un cri pur comme une arme?
Paul VALÉRY, Recueil : "Album de vers anciens"
COMPOSITION POINTILLISTE AUX LIGNES VERTES de Henri Darnaud
Huile sur bois, 1974 http://www.lesatamanes.com/oeuvres/composition-pointilliste-aux-lignes-vertes-de-henri-darnaud
Sables mouvants Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s’est retirée Et toi Comme une algue doucement caressée par le vent Dans les sables du lit tu remues en rêvant Démons et merveilles Vents et marées Au loin déjà la mer s’est retirée Mais dans tes yeux entrouverts Deux petites vagues sont restées Démons et merveilles Vents et marées Deux petites vagues pour me noyer. Jacques PRÉVERT, Extrait de "Paroles"
PETITE ABSTRACTION de Henri Darnaud
Huile sur carton http://www.lesatamanes.com/oeuvres/petite-abstraction-de-henri-darnaud
L’offrande à la nature Nature au cœur profond sur qui les cieux reposent, Nul n'aura comme moi si chaudement aimé La lumière des jours et la douceur des choses, L'eau luisante et la terre où la vie a germé. La forêt, les étangs et les plaines fécondes Ont plus touché mes yeux que les regards humains, Je me suis appuyée à la beauté du monde Et j'ai tenu l'odeur des saisons dans mes mains. J'ai porté vos soleils ainsi qu'une couronne Sur mon front plein d'orgueil et de simplicité, Mes jeux ont égalé les travaux de l'automne Et j'ai pleuré d'amour aux bras de vos étés. (…) Anna de Noailles, Recueil : Le cœur innombrable (1901).
LA DOUCEUR DE VIVRE de André LalaumeDupré
Huile sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/la-douceur-de-vivre-de-andre-lalaume-dupre
Au bord de l’eau verte… Au bord de l’eau verte, les sauterelles sautent ou se traînent, ou bien sur les fleurs des carottes frêles grimpent avec peine. Dans l’eau tiède filent les poissons blancs auprès d’arbres noirs dont l’ombre sur l’eau tremble doucement au soleil du soir. Deux pies qui crient s’envolent loin, très loin, loin de la prairie, et vont se poser sur des tas de foin pleins d’herbes fleuries. Trois paysans assis lisent un journal en gardant les bœufs près de râteaux aux manches luisants que touchaient leurs doigts calleux. Les moucherons minces volent sur l’eau, sans changer de place. En se croisant ils passent, puis repassent, vont de bas en haut. Je tape les herbes avec une gaule en réfléchissant et le duvet des pissenlits s’envole en suivant le vent. Francis JAMMES, Recueil : "De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir",1889.
POINTILLISME EN VERT de Henri Darnaud
Huile sur toile, 1968 http://www.lesatamanes.com/oeuvres/pointillisme-en-vert-de-henri-darnaud
Grand air La rive les mains tremblantes Descendait sous la pluie Un escalier de brumes Tu sortais toute nue Faux marbre palpitant Teint de bon matin Trésor gardé par des bêtes immenses Qui gardaient elles du soleil sous leurs ailes pour toi Des bêtes que nous connaissions sans les voir
Pardelà les murs de nos nuits Pardelà l’horizon de nos baisers Le rire contagieux des hyènes Pouvait bien ronger les vieux os Des êtres qui vivent un par un
Nous jouions au soleil à la pluie à la mer A n’avoir qu’un regard qu’un ciel et qu’une mer Les nôtres. Paul Eluard
Pierrette au golf de André LalaumeDupré
Huile sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/pierrette-au-golf-de-andre-lalaume-dupre
Cercle non vicieux Penser est trop bruyant a trop de mains pousse trop de hannetons Du reste je ne me suis jamais trompé les hommes ne m’ont jamais déçu ils ont des regards qui les débordent La nature n’est pas compliquée Toutes mes suppositions sont justes Toutes mes implications fructueuses Aucun cercle n’est vicieux Creux Il n’y a que mes genoux de noueux et qui s’enfoncent pierreux dans le travail des autres et leur sommeil
Aimé CÉSAIRE
POINTILLISME ORANGE AUX LIGNES de Henri Darnaud
Huile sur toile, 1969 http://www.lesatamanes.com/oeuvres/pointillisme-orange-aux-lignes-de-henri-darnaud
Les Grenades Dures grenades entr’ouvertes Cédant à l’excès de vos grains, Je crois voir des fronts souverains Éclatés de leurs découvertes! Si les soleils par vous subis, Ô grenades entrebâillées Vous ont fait d’orgueil travaillées Craquer les cloisons de rubis,
Et que si l’or sec de l’écorce À la demande d’une force Crève en gemmes rouges de jus,
Cette lumineuse rupture Fait rêver une âme que j’eus De sa secrète architecture.
Paul VALÉRY, Recueil : "Charmes", © Anthologie de poésie française du XXe siècle NRF Poésie/Gallimard
COMPOSITION POINTILLISTE ORANGE ET JAUNE de Henri Darnaud
Huile sur isorel, 1975 http://www.lesatamanes.com/oeuvres/composition-pointilliste-orange-et-jaune-de-henri-darnaud
Tristesses de l’amour Qui de nous, jeune encore et naïf, n’a connu L’inexplicable émoi d’un amour ingénu Qui s’éveille au milieu d’un riant paysage ? Je le revois toujours le pâle et doux visage De celle qui m’aima d’un amour si profond. Nous n’avions que vingt ans tous les deux ; c’était au fond D’un hameau du pays flamand, presque à l’automne : Chaque matin, quittant le hameau monotone En bandes, nous allions courir le long des blés. Elle et moi, nous restions en arrière, troublés De nous voir ainsi seuls dans la grande Nature. Nous marchions sans savoir comment, à l’aventure ; Ses doigts pressaient les miens et nous causions très peu ; La brise se jouait dans son fin jupon bleu Et découvrait le bout de sa bottine noire … Que diraije encor ?… C’est l’éternelle histoire Des amants qui s’en vont dans les sentiers fleuris : Les premières rougeurs et les aveux surpris Quand on marche à pas lents, en se touchant l’épaule, Le long des buissons verts dont la branche vous frôle ; Les fossés où l’on trempe en frissonnant la main, Les petits ponts de bois qu’on rencontre en chemin Et sur lesquels on marche en se tenant ensemble ; Le rire peu fréquent, mais si joyeux qu’il semble Dans sa vibration égayer les échos (…)
Georges RODENBACH, Recueil : "Les Tristesses"
COEURS EN FÊTE de André LalaumeDupré
Huile sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/coeurs-en-fete-de-andre-lalaume-dupre
Voici que la saison décline Voici que la saison décline, L’ombre grandit, l’azur décroît, Le vent fraîchit sur la colline, L’oiseau frissonne, l’herbe a froid. Août contre septembre lutte ; L’océan n’a plus d’alcyon ; Chaque jour perd une minute, Chaque aurore pleure un rayon. La mouche, comme prise au piège, Est immobile à mon plafond ; Et comme un blanc flocon de neige, Petit à petit, l’été fond. Victor Hugo, Dernière gerbe
COMPOSITION POINTILLISTE AU CIEL GRIS de Henri Darnaud
Huile sur carton, 1977 http://www.lesatamanes.com/oeuvres/composition-pointilliste-au-ciel-gris-de-henri-darnaud
Un soir de mai Roulez, élégantes calèches !... En avant, coursiers, en avant !... Ceintures légères et fraîches, Flottez au vent ! Du jour qui meurt la lumière abaissée Joue entre les rameaux, Dore les troncs, et serpente, brisée, Sur l'herbe, en longs réseaux... Silence ! amants, silence !... Le vent du soir balance Le chèvrefeuille en fleur : Le bois est déjà sombre... Ne confiez qu'à l'ombre Vos soupirs de bonheur ! Voyezvous par ici des corolles fermées, Qui d'un nouveau soleil attendent les rayons ?... Prenons à l'ébénier ses grappes embaumées, À l'aubépine ses boutons... Oh ! la belle amazone ! Son jeune front rayonne D'orgueil et de plaisir : Son cheval d'Angleterre Brûle du pied la terre... Quel bonheur de courir !... Charles Dovalle ( 1807 1829)
ELÉGANTES AU PADDOCK de André LalaumeDupré
Huile sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/elegantes-au-paddock-de-andre-lalaume-dupre
La goutte de pluie Je cherche une goutte de pluie Qui vient de tomber dans la mer. Dans sa rapide verticale Elle luisait plus que les autres Car seule entre les autres gouttes Elle eut la force de comprendre Que, très douce dans l’eau salée, Elle allait se perdre à jamais. Alors je cherche dans la mer Et sur les vagues, alertées, Je cherche pour faire plaisir À ce fragile souvenir Dont je suis seul dépositaire. Mais j’ai beau faire, il est des choses Où Dieu même ne peut plus rien Malgré sa bonne volonté Et l’assistance sans paroles Du ciel, des vagues et de l’air.
Supervielle
POINTILLISME AVEC CIEL de Henri Darnaud
Huile sur isorel, 1976 http://www.lesatamanes.com/oeuvres/pointillisme-avec-ciel-de-henri-darnaud
Correspondances La Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles ; L’homme y passe à travers des forêts de symboles Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent Dans une ténébreuse et profonde unité, Vaste comme la nuit et comme la clarté, Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants, Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l’expansion des choses infinies, Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens, Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
Baudelaire, Les fleurs de mal
RUSTICA de André LalaumeDupré
Huile sur toile http://www.lesatamanes.com/oeuvres/rustica-de-andre-lalaume-dupre