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nº 272 du 25 février au 09 mars 2016

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Coût de la vie

Deux fois plus cher de se loger que de manger!...

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Politique fédérale

Le temps des décisions approche …

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Politique provinciale

Entre la bataille de Rona et la guerre d’Anticosti

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Pages 34-36

Éducation : Lutte au décrochage scolaire

Québec relâche-t-il ses efforts?

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Ski alpin

Les frères Lamhamedi : encore plus vite, encore plus fort…

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Communautés culturelles

Emploi VS discrimination à l’embauche

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nº 272 du 25 février au 09 mars 2016


Editeur : Abdelghani Dades. Directeur Général Rachid Najahi. Rédaction : Abdelghani Dades, Narjisse El-Bakkali, Zahira Ellahgui, Mona Doutabaa, Said Chayane, Reda Benkoula Publicité : Agence Odyssée Conception et Réalisation Graphique : Atlas Média Atlas.Mtl est un produit du. GROUPE ATLAS MEDIA Inc Editeur de. * La Voix des Marocains à Montréal et du site web: www.atlasmedias.com

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Depuis 2002 Groupe Atlas Media Treize ans, c’est… • 268 numéros du bimensuel Atlas.Mtl, soit plus de 7560 articles exprimant la sensibilité maghrébine et valorisant la dimension maghrébine de la société dans laquelle nous vivons; • Une cinquantaine d'événements identitaires, artistiques, culturels et politiques; • De nombreux débats, colloques, séminaires et conférences, • 116 reportages sur la communauté pour les chaînes de télévision 2M, AlMaghribia, Ai Aoula, Arrayadia; • 365 émissions radio (de 2002 a 2009); • Un site web ayant accueilli plus de 8.9 millions de visiteurs depuis 2003 et qui dans sa nouvelle version (mise en ligne début 2012) et qui reçoit en moyenne 2500 visiteurs par jour.

Éditorial

Édito

Sous le radar

La politique d’immigration en débat Comme bon nombre de questions pourtant essentielles, le débat parlementaire – en commissions principalement – sur les plans, projets et programmes gouvernementaux traitant de l’immigration, n’a que peu ou pas fait la Une.

Pourtant, ce n’est pas là un sujet que nous saurions, collectivement négliger. Et pour cause! Les flux migratoires; traditionnels, dus à l’insécurité dans des zones de crises de plus en plus nombreuses ou encore latents mais non moins menaçants qui pourraient découler du changement climatique; prennent avec de plus en plus d’évidence place parmi les grands défis du XXIème siècle. Pour le Canada et le Québec, tous segments de population confondus, plus peut-être par nos caractéristiques démographiques, ce débat est crucial. Écartons d’emblée cependant la présomption qu’il est occulté pour d’obscures raisons ou à des fins inavouées. En fait, il n’est dans l’ombre que parce que la «dictature» de l’information-spectacle est ce qu’elle est. Mais dans le microcosme politique et académique il fait – littéralement – rage. Universitaires, syndicalistes, milieux associatifs et partis politique en participent assidument. Seuls manquent dans le décor un participant qui ne devrait sous aucun prétexte laisser vide sa chaise : les canadiens, citoyens ou résidents permanents (donc citoyens en devenir; et citoyens à part entière à plus ou moins brève échéance). Une dimension manque dès lors aux échanges et discussions, qui fait que, parfois, les choix idéologiques (interculturalisme contre multiculturalisme par exemple) déterminent les attitudes des uns et des autres et influencent, parfois, même les politiques adoptées en bout de ligne. C’est assurément un tort; ne serait-ce que parce que ces absents représentent aujourd’hui, par exemple à Montréal, 39% de la population. Revenons au débat en cours.

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Plusieurs consultations parlementaires ont déjà eu lieu ces derniers temps au Québec, avec présentation de mémoires etc. en préalable à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une nouvelle politique d’immigration. On y a tout vu et tout entendu, le meilleur et le pire, des thèses objectives y ont été défendues, mais également des interventions fortement marquées idéologiquement; toutes utiles cependant. On n’en voudra pour preuve que le mémoire présenté par M. Pierre Fortin; dont nous reproduisons de larges parties dans les pages qui suivent. Certes cet intervenant part-il d’une position idéologique qui remet en question les idées que l’immigration ne peut résoudre le problème démographique qui pourrait être celui du Québec dans les années à venir; il ne croit pas non plus que des pénuries de main d’œuvre se produiront et ne sauraient être palliées que par des flux conséquents de nouveaux arrivants. L’auteur considère également que l’immigration représente un coût pour l’État, une somme nulle pour l’économie et qu’elle ne bénéficie en aucune façon aux populations plus anciennement installées. M. Fortin croit également en une idée généralement combattue dans les réflexions sur le sujet, celle d’un «seuil de tolérance» à l’Immigration. Il ramène même en conclusion l’immigration au Canada et au Québec à une sorte de «devoir de charité et de solidarité» par lequel nous contribuerions – mais plus que notre part – à alléger les souffrances de l’humanité entière. Ce sont là des idées que nous ne saurions soutenir; en publiant des extraits de son mémoire, disons-le de suite, notre propos est d’abord d’informer nos lecteurs mais aussi, de mettre en lumière d’autres idées contenues dans le Mémoire Fortin et qui méritent assurément considération. D’abord, il en ressort, même si cela n’est pas explicitement dit, que face à la question des mobilités humaines,

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tous les pays et les États du monde – pays émetteurs, pays de transit et pays récepteurs – sont interdépendants et que cette caractéristique permanente de nos sociétés ne pourra jamais être traitées par de politiques uniquement nationales qui ne tiendraient pas compte du caractère universel du phénomène. Ensuite et c’est bien plus important, il estime, à raison, qu’une bonne politique migratoire ne saurait découler que d’une politique d’inclusion des résidents permanents et citoyens arrivés au pays durant les dernières décennies. Or, constate-t-il, c’est aujourd’hui loin d’être le cas. Sur ce point il reçoit d’ailleurs un soutien de poids, contenu dans une déclaration faite presque concomitamment par le président de la Commission des droits de la personne rappelant que le taux de chômage est deux fois plus élevé chez les minorités visibles (13,3 %) que dans la population générale (7,2 %) et que des tests de la commission ont montré que si une personne a un nom à consonance étrangère, elle a 15 fois moins de chance d'avoir des entrevues. À ce stade de la réflexion, nous regrettons encore d’avantage l’absence dans le débat de l’avis des populations canadiennes issues de l’immigration qui auraient pu se faire entendre et souligner que autant la gestion des flux à venir est importante, autant elle ne saurait s’améliorer sans questionner les politiques d’inclusion au bénéfice de ceux qui sont déjà là; les absents auraient également pu rappeler cette élément de simple bon sens qu’une politique ne servant qu’à gérer prévisionnellement serait à tout le moins une politique boiteuse et même , une politique unijambiste.

Ce texte fait partie de notre série d’éditoriaux «Sous le radar» mettant en lumière les questions d’actualité qui ne retiennent pas forcément l’attention de nos confrères de la presse dite nationale.

Abdelghani Dades


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Votre argent

Dépenses des ménages au Canada et au Québec

Deux fois plus cher de se loger que de manger!... En 2013, les ménages canadiens ont dépensé en moyenne 58 592 $ en biens et services, soit 4,1 % de plus qu'en 2012. Les dépenses pour le logement ont représenté 28,0 % du total, suivi du transport (20,6 %) et de l'alimentation (13,6 %). Ces proportions étaient pratiquement inchangées par rapport à 2012. À l'échelon provincial, les dépenses moyennes les

plus élevées liées aux biens et services ont été déclarées par les ménages de l'Alberta (71 429 $), suivis des ménages de la Colombie-Britannique (61 007 $) et de l'Ontario (60 718 $). Les ménages de l'Île-duPrince-Édouard (47 410 $) ont présenté les dépenses moyennes les moins élevées.

En moyenne, les couples ayant des enfants ont consacré 81 636 $ aux biens et services. Les ménages formés d'une seule personne âgée de 65 ans et plus (29 064 $) ont déclaré les dépenses moyennes les moins élevées de tous les types de ménages en 2013. Un toit sur la tête

Toutes taxes comprises Cette synthèse diffusée par Statistique Canada le 22 janvier dernier est fondée sur les données de l'Enquête sur les dépenses des ménages (EDM) de 2013, qui a recueilli des renseignements détaillés auprès d'un échantillon de près de 17 400 ménages.

Les dépenses totales désignent la somme de la consommation courante totale, des impôts sur le revenu, des primes d'assurance individuelle, des cotisations de pension, des cadeaux en argent, des pensions alimentaires et des dons à des œuvres de bienfaisance.

Les dépenses moyennes pour un bien ou un service donné sont calculées pour tous les ménages, autant pour ceux qui ont fait des dépenses que pour ceux qui n'en ont pas fait dans la catégorie. Les dépenses moyennes comprennent les taxes de vente.

La méthodologie de l'enquête prévoit l'utilisation d'un questionnaire avec périodes de rappel adaptées à un poste de dépense, jumelé à un journal quotidien des dépenses que les ménages sélectionnés remplissent pendant les deux semaines qui suivent l'interview. Le journal fournit des renseignements plus détaillés, surtout au sujet des dépenses alimentaires et autres achats fréquents.

La consommation courante totale désigne la somme des dépenses alimentaires, de logement, de dépenses courantes, d'ameublement et équipement ménager, de vêtements et accessoires, de transport, de soins de santé, de soins personnels, de loisirs, d'éducation, de matériel de lecture et autres imprimés, de produits du tabac et boissons alcoolisées, de jeux de hasard, et de dépenses diverses.

En 2013, la taille de l'échantillon du journal des dépenses a été de 50 % de l'échantillon total. Les comparaisons entre les dépenses des diverses années n'ont pas été corrigées pour tenir compte de l'inflation.

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Les ménages ont consacré en moyenne 16 387 $ aux coûts de logement en 2013, en hausse de 3,6 % par rapport à 2012. Cette catégorie comprend le loyer, les paiements hypothécaires, les coûts des réparations et de l'entretien, les impôts fonciers et les services publics. En moyenne, les propriétairesoccupants ont consacré 18 669 $ aux coûts de logement en 2013, ce qui a représenté 27,6 % de leurs dépenses totales en biens et services. Les locataires y ont consacré en moyenne 11 616 $, soit 29,5 % de leur budget de biens et services. Les ménages de la ColombieBritannique ont consacré la plus grande part des dépenses liées aux biens et services au logement (30,8 %), alors que les ménages de Terre-Neuve-et-

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Labrador ont consacré la part la moins élevée (22,7 %). Les ménages de l'Alberta ont déclaré les dépenses moyennes liées au logement (19 532 $) les plus élevées. Les ménages du Nouveau-Brunswick (11 702 $) ont présenté les dépenses moyennes les moins élevées. Les dépenses moyennes affectées au logement ont été les plus élevées chez les ménages vivant dans des centres de population d'un million d'habitants ou plus (18 485 $). Les ménages des régions rurales ont dépensé le moins à ce chapitre, soit 13 346 $ en moyenne. Auto, métro, voyages… Les ménages ont consacré en moyenne 12 041 $ aux coûts de transport en 2013, soit 7,4 % de plus qu'en 2012.

Suite à la page 7


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Emploi

Dépenses des ménages au Canada et au Québec

Deux fois plus cher de se loger que de manger!... Suite de la page 5

De ce total, une somme moyenne de 10 825 $ a été consacrée au transport privé, qui comprend les dépenses liées à l'achat de voitures, de camions et de fourgonnettes, ainsi que leurs coûts d'utilisation. Les 1 216 $ restants ont été consacrés au transport public, qui englobe les dépenses liées au transport en commun, aux services de taxi, d'autobus interurbain et de train ainsi qu'aux tarifs aériens. Les dépenses des ménages consacrées au transport privé ont augmenté de 7,3 % depuis 2012, alors que celles consacrées au transport public ont augmenté de 7,8 %. La part du budget allouée aux coûts de transport était la plus élevée pour les ménages de TerreNeuve-et-Labrador (24,9 %), suivis des ménages de la Saskatchewan (24,5 %). La plus petite part du budget allouée aux coûts de transport a été notée en Colombie-Britannique (18,3 %). Les ménages des régions rurales ont consacré 23,1 % de leurs dépenses totales en biens et services au transport, comparativement à 19,7 % pour les ménages vivant dans de grands centres de population (un million d'habitants ou plus). À table!... En moyenne, les ménages ont dépensé 7 980 $ pour s'alimenter, ce qui représentait 13,6 % de leurs dépenses en biens et services. Les dépenses moyennes en aliments achetés au magasin ont augmenté de 3,3 % pour se chiffrer à 5 754 $. Par ailleurs, les dépenses moyennes en aliments achetés au restaurant ont augmenté de 2,7 % pour atteindre 2 226 $. Les ménages de l'Alberta ont déclaré les dépenses moyennes liées à l'alimentation les plus

élevées, soit 9 295 $, alors que les ménages du NouveauBrunswick (6 853 $) ont présenté les dépenses moyennes les moins élevées.

Les couples ayant des enfants ont déclaré les dépenses moyennes les plus élevées pour les aliments achetés au magasin (8 331 $) et les aliments achetés au restaurant (2 970 $). Les ménages formés d'une seule personne sont ceux qui ont eu les dépenses moyennes les moins élevées pour les aliments achetés au magasin (3 032 $). De ces ménages, ceux formés d'une seule personne âgée d'au moins 65 ans ont dépensé le moins en aliments achetés au restaurant (761 $). Bon pied, bon œil En 2013, les ménages ont consacré en moyenne 2 407 $ aux dépenses personnelles en soins de santé, ce qui représentait 4,1 % du total de leurs dépenses en biens et services. Ces dépenses comprennent les primes d'assurance-maladie et les coûts de soins de santé (p. ex. médicaments sur ordonnance et en vente libre, articles pour soins des yeux et soins dentaires) non remboursés par un régime de soins de santé public ou privé. La part des dépenses consacrées aux soins de santé augmente en fonction de l'âge. Les ménages ayant à leur tête une personne âgée d'au moins 65 ans ont consacré 7,6 % de leurs dépenses en biens et services aux soins de santé, comparativement à 2,9 % dans le cas des ménages ayant à leur tête une personne de moins de 30 ans. Pour rester branché En 2013, 20,4 % des ménages ont dit avoir seulement un téléphone cellulaire et aucune ligne téléphonique terrestre, en hausse comparativement à 15,7 % des ménages en 2012. Les ménages disant posséder au moins un télé-

phone cellulaire ont atteint une proportion de 84,9 %. La proportion de propriétaires de téléphone cellulaire était la plus élevée en Alberta (90,1 %) et la plus faible au Québec (78,4 %). Une proportion de 83,9 % des ménages canadiens ont dit avoir accès à Internet à la maison. C'est en Colombie-Britannique (89,6 %) et en Alberta (88,1 %) que l'accès à Internet à la maison était le plus répandu, et au Nouveau-Brunswick (78,6 %) et au Québec (79,8 %) qu'il l'était le moins.

Le câble était le mode de connexion à Internet le plus répandu en 2013, alors que 39,9 % des ménages ont dit avoir une connexion par câble et 24,7 % ont déclaré avoir une connexion téléphonique haute vitesse. Une proportion de 15,9 % des ménages ont dit utiliser une connexion à Internet sans fil. Portrait des ménages à faible revenu En moyenne, les ménages ont déclaré une somme de 79 012 $

pour leurs dépenses totales en 2013. Il s'agissait d'une hausse de 4,7 % par rapport à 2012. Ce total comprenait les dépenses de 58 592 $ pour les biens et services, ce qui correspondait à 74,2 % des dépenses totales. Les impôts sur le revenu, les cotisations de pension, les primes d'assurance et les cadeaux d'argent constituaient la part restante de 25,8 %. La répartition de la population en cinq groupes égaux de revenus, ou quintiles, permet d'effectuer des analyses selon différents niveaux de revenus. Les 20 % des ménages ayant les revenus les

plus faibles ont dépensé en moyenne 31 417 $ (correction) en 2013. De ce total, 49,4 % (correction) des dépenses ont été consacrées au logement, à l'alimentation ainsi qu'aux vêtements et accessoires. Les impôts sur le revenu représentaient 1,3 % de leurs dépenses totales. En revanche, les 20 % des ménages ayant les revenus les plus élevés ont déclaré avoir dépensé en moyenne 155 888 $. Ils ont consacré 28,6 % de leur budget au logement, à l'alimentation, aux vêtements et accessoires ainsi que 28,3 % aux impôts sur le revenu

Le Québec des ménages en chiffres 2013 Dépenses totales Consommation courante totale Dépenses alimentaires Logement Dépenses courantes Ameublement et équipement ménagers Vêtements et accessoires Transport Soins de santé Soins personnels Loisirs Éducation Matériel de lecture et autres imprimés Produits de tabac et boissons alcoolisées Jeux de hasard Dépenses diverses Impôts sur le revenu Assurances individuelles et retraites Dons et bonnes œuvres

68 397 $ 51 203 7 892 12 811 3 624 1 585 3 103 10 719 2 758 1 194 3 409 815 212 1 576 129 1 375 12 058 4 281 855

Source : Statistique Canada Données actualisées au 12 février 2016

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2014 69 215 $ 50 664 7 771 13 187 3 643 1 776 2 994 10 443 2 557 1 047 3 262 909 134 1 432 150 1 359 13 005 4 458 1 090


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Dossier

Grands défis du 21ème siècle

Les mouvements migratoires dans tous leurs états 4 milliards de migrants potentiels Sans conteste, l’immigration sera l’une des deux ou trois plus grandes questions qui vont préoccuper tous les pays de la planète au 21e siècle. S’informer, communiquer et se déplacer ne coûte presque plus rien, et il y a 4 milliards d’humains qui se rendent compte que le revenu moyen des autres 4 milliards, juste à côté, est 10 fois plus élevé que le leur. Ils comprennent vite qu’immigrer peut leur procurer un énorme avantage en niveau de vie. Les revenus, les guerres et le climat On se bat à la porte des pays réputés «riches» pour y entrer, non pas seulement en raison des guerres qui amènent présentement un afflux exceptionnel de réfugiés, mais en fonction d’une aspiration universelle et tout à fait normale à détenir un bon emploi, à s’enrichir et à préparer un meilleur avenir pour ses enfants. L’Australie, le Canada, les États-Unis et l’Europe sont parmi les régions riches du globe présentement les plus ouvertes à l’immigration. Au Canada, le poids de la population d’origine étrangère est moins important au Québec qu’en Ontario, en ColombieBritannique et en Alberta, mais aussi important qu’aux États-Unis et plus important qu’en Europe. Ainsi, dans les six plus grandes villes du Canada, le poids de la population immigrante de 1e et de 2e génération est de 40 % ou plus : 76 % à Toronto, 68 % à Vancouver, 39 % à Montréal. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les six plus grandes villes canadiennes ont connu une expansion sans précédent de leur population immigrante depuis 35 ans. Cette déferlante a été moins forte à Montréal qu’à Toronto ou à Vancouver, mais le taux d’immigration internationale net du Québec a tout de même sensiblement progressé. Il était traditionnellement inférieur à celui de l’Ontario, mais ne l’est plus. Le taux ontarien a baissé de presque moitié depuis 15 ans, tandis que le Québec continuait de s’ouvrir de plus en plus à l’immigration.

Un consensus politique favorable Il y a présentement au Canada un consensus politique très favorable à l’immigration. En 2015, seulement 38 % des Canadiens – et encore moins de Québécois – étaient d’avis qu’il y avait trop d’immigration au pays (Environics 2015). Un sociologue spécialiste de l’immigration, le professeur Jeff Reitz (2012), de l’Université de Toronto, juge que ce consensus repose sur deux piliers: 1) la conviction que le pays en tire de grands avantages économiques et 2) un engagement moral en faveur de la diversité culturelle. C’est évidemment un truisme que d’affirmer que les immigrants sont économiquement avantagés. Leur revenu au Canada est généralement supérieur à celui qu’ils obtiendraient dans leur pays d’origine. Par contre, relativement aux natifs, leur performance économique s’est nettement détériorée depuis 1980. L’analyse historique fine de cette évolution qu’ont produite en 2011 les professeurs Beach et Green, de l’Université Queen’s, et Worswick, de l’Université Carleton, pour l’Institut C.D. Howe attribue à la forte augmentation des niveaux d’immigration internationale au Canada depuis cette date une partie importante de cette détérioration de performance relative des immigrants sur le marché du travail. Ils rappellent que, plus le Canada accepte un nombre élevé d’immigrants, moins les derniers sur sa liste ont une éducation ou une formation adéquates. Selon eux, une augmentation du nombre annuel d’immigrants de 100 000 personnes au Canada (donc, de 20 000 au Québec) entraînerait une diminution de 1 500 $ du gain salarial annuel moyen des nouveaux arrivants. Il faut donc enregistrer le fait qu’un nombre trop élevé d’immigrants peut nuire au salaire des immigrants et, par conséquent, à leur productivité économique. Il est en outre peu probable

que les natifs tirent de l’immigration un avantage économique significatif. Ce qui ne manquera pas de tempérer l’idée, défendue par des organismes tels le Conference Board du Canada, voulant que la prospérité des Canadiens dépende crucialement de l’immigration ainsi que leur position en faveur d’une hausse immédiate du nombre annuel d’immigrants à 400 000 (soit plus de 1% de la population canadienne, ce qui ferait 90 000 au Québec). L’immigration représenterait même un coût net pour les finances de l’État, puisque du fait du chômage particulièrement élevé chez les immigrants (deux fois (à Toronto) à trois fois (à Montréal) plus élevé que celui des natifs), la valeur des services publics reçus par les immigrants au cours de leur vie est supérieure au montant cumulatif des impôts et taxes que ces derniers paient aux gouvernements. D’autres idées à revisiter Parmi les avantages économiques de l’immigration pour la population d’accueil les plus cités, on retrouve l’idée qu’elle serait une solution au problème du vieillissement de la population. Cette hypothèse est questionnable. De même, il est permis de douter que la baisse de la population d’âge actif entraînera inéluctablement des pénuries généralisées de main-d’œuvre Certes, la population québécoise de 15 à 64 ans a déjà perdu 12 000 personnes depuis deux ans et va continuer d’en perdre pour longtemps encore. Cela fait, bien sûr, diminuer l’offre de travailleurs qualifiés. Mais il ne faut pas oublier qu’avec moins de monde dans les âges actifs au Québec, la demande de biens et de services peut diminuer elle aussi, et avec elle la demande de travailleurs qualifiés. De par cette interaction entre la baisse de l’offre et la baisse de la demande, on peut croire que des pénuries fortes et généralisées de main-d’œuvre sont peu probables dans l’avenir, sauf dans des situations de surchauffe macroéconomique

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que la Banque du Canada a tous les moyens de juguler en haussant les taux d’intérêt s’il le faut. Néanmoins, il existera toujours des pénuries pour divers types particuliers de compétences. Les associations d’entreprises qui se sont présentées devant la Commission ont parfaitement raison : il faut tout faire ce qui est humainement possible pour améliorer la capacité de l’immigration de répondre le mieux possible à ces besoins particuliers de nos entreprises. On ne parle pas ici d’augmenter le nombre total d’immigrants, mais de mieux adapter la composition de l’immigration pour résoudre ces pénuries particulières. Un modèle migratoire à revoir? Le nouveau modèle de sélection des immigrants économiques basé sur la déclaration d’intérêt, l’intensification du dialogue entre le ministère et les groupes d’entreprises, l’introduction d’une plus grande flexibilité réglementaire, une défense plus ferme des intérêts économiques du Québec devant le ministère fédéral de la Citoyenneté et de l’Immigration, la possibilité de faire passer sans heurts un travailleur étranger temporaire ou un étudiant étranger au statut d’immigrant reçu, une association plus étroite entre ministère, entreprises et cégeps dans la formation technique, une reconnaissance moins tatillonne et plus rapide (mais rigoureuse) des compétences et des diplômes acquis à l’étranger, une insistance accrue sur la compétence linguistique des candidats, sont autant de moyens sur lesquels

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il sera intéressant de s’appuyer. Combattre la discrimination à l’embauche En contrepartie, cependant, il faudrait que les associations d’entreprises renforcent le combat contre la discrimination à l’embauche. Si Thomas Fortin pose sa candidature à un poste d’emploi offert et que son curriculum vitae est excellent, il va probablement recevoir un appel de l’employeur en retour. Mais si Mustapha Kaci envoie un curriculum vitae absolument identique, il est moins probable qu’il reçoive des nouvelles de l’employeur, tout simplement parce qu’il a un nom «bizarre». Ce comportement des employeurs canadiens est malheureusement fréquent et il faut le corriger. Les associations d’entreprises ne doivent pas seulement être en demande auprès des gouvernements en matière d’immigration, mais aussi assumer en contrepartie la tâche de responsabiliser leurs membres contre les tendances discriminatoires décourageant les immigrants à l’embauche. Il y a une contradiction au moins apparente entre le discours d’entreprises qui demandent plus d’immigrants pour obvier aux pénuries de main-d’œuvre et le comportement de certaines d’entre elles qui ne répondent pas à Mustapha. Puisé dans les médias nationaux, ce texte est largement inspiré d’un mémoire présenté à l’Assemblée nationale par Pierre Fortin le 10 février 2016.


Dossier

Grands défis du 21ème siècle

Les mouvements migratoires dans tous leurs états Comment optimiser les apports des flux humains au Québec?

Il ressort donc des chiffres et statistiques que l’immigration entraîne des avantages économiques certains, bien que moins importants aujourd’hui qu’il y a 40 ans, pour les immigrants eux-mêmes. Mais elle apporte de moins en moins d’avantages significatifs pour le niveau de vie moyen de la population d’accueil. En même temps, elle représente un coût net pour les finances de l’État et elle n’est une solution ni au problème du vieillissement de la population ni à des pénuries généralisées de main-d’œuvre, pour le moins incertaines. La composition de l’immigration peut cependant répondre aux besoins particuliers des entreprises, dans la mesure évidemment où la discrimination contre les immigrants à l’embauche est minimisée. Le grand historien de l’économie canadienne et expert en matière d’immigration, feu Alan Green, de l’Université Queen’s, en tirait dès 2003 la conclusion qu’au 21e siècle l’immigration allait se justifier par sa dimension sociale et humanitaire beaucoup plus que par le rôle économique qu’elle joue. Ce qui nous ramène au second res sort du consensus politique canadien décrit par le professeur Reitz en 2012 et mentionné plus haut: un engagement moral en faveur de la diversité culturelle.

Un investissement qui en vaut la peine L’immigration, c’est donc notre contribution au combat mondial contre les inégalités de revenu et de richesse. La diversité enrichit notre culture. Cela peut bien nous coûter de l’argent, mais l’investissement en vaut la peine. Il faut toutefois bien saisir que le niveau de diversité culturelle souhaitable n’est pas infini. Pour reprendre la formule du professeur Gilles Paquet, de l’Université d’Ottawa (2012) : «Le niveau optimal de diversité n’est pas nécessairement le niveau maximal de diversité.» Il importe d’être ouvert, accueillant et internationaliste, mais aussi de garder la tête froide sur la question. Il faut moduler notre hospitalité en fonction de notre capacité d’absorption culturelle, politique et sociale. Les travaux du professeur Robert Putnam, de l’Université Harvard (2007), ont démontré qu’à court terme l’immigration et la diversité ethnoculturelle dans une communauté tendent à réduire les relations de confiance, le degré d’altruisme, l’intérêt à coopérer et la cohésion sociale. À long terme, ajoute-t-il, l’immigration et la diversité peuvent réussir, mais à condition d’être absorbées dans une culture commune renouvelée. La clé du succès consiste à éviter d’aller trop vite à court terme et à laisser à la communauté le temps de se

construire peu à peu une nouvelle identité et de nouvelles solidarités.

Un «seuil d’absorption»? Une façon québécoise de comprendre le message de Putnam est de le considérer comme un appui implicite à la stratégie de l’interculturalisme préconisée par la Commission BouchardTaylor sur les accommodements raisonnables et un rejet de la stratégie du multiculturalisme canadien traditionnel. Le simple bon sens veut qu’un niveau d’immigration excédant la capacité d’absorption de la population d’accueil amène la formation de ghettos immigrants imperméables à la culture publique commune, le décrochage scolaire incontrôlable des enfants de l’immigration dans ces ghettos et, en réaction, la montée de la xénophobie et du racisme dans la population en général. On voit aujourd’hui en Europe les conséquences politiques et sociales catastrophiques de la mauvaise gestion de l’immigration et de la diversité. Le Québec, dont le taux d’immigration internationale est déjà plus élevé qu’en Europe, doit faire preuve de vigilance et de prudence en ces matières. Le rôle des élus québécois comme guides de l’opinion publique est ici capital, et il est aussi particulièrement délicat, pour deux raisons. La première est qu’ils

sont naturellement portés à combattre la perception, répandue dans les autres provinces et ailleurs, selon laquelle les Québécois forment une nation chauvine, xénophobe, voire même raciste. En conséquence, ils peuvent être tentés de poser des gestes excessifs qui démontrent leur ferme engagement à être ouverts, accueillants et hospitaliers, mais qui vont trop loin et exposent le Québec aux dangers d’une immigration excédant la capacité d’absorption raisonnable de sa population et destructrice à terme de la cohésion sociale. Une question politique délicate La seconde raison pour laquelle la chose est délicate pour les élus est la pression que leur impose le calcul électoral. Plus de 40 % de la population de la région montréalaise est maintenant composée d’immigrants de première et de seconde génération. Les élus québécois comprennent vite que leur avenir politique dans cette région est foncièrement lié à l’adoption d’attitudes et de politiques favorables à plus d’immigration et de diversité. L’objectivité et la prudence de leur part en la matière sont rendues plus difficiles par cette préoccupation électorale, forcément dominante en politique. Neuf propositions à examiner Je conclus en plagiant les neuf recommandations pleines de

sagesse que les professeurs Boudarbat et Grenier ont mises de l’avant dans l’admirable synthèse sur l’impact économique de l’immigration au Québec qu’ils ont remise au ministère de l’Immigration en 2014 et qui a été pour moi une grande inspiration dans la rédaction de ce mémoire : - Garder le nombre d’immigrants constant (autour de 50 000) - Privilégier le modèle de déclaration d’intérêt pour les travailleurs qualifiés - Favoriser une plus grande ouverture des employeurs face à l’immigration - Favoriser l’emploi des femmes immigrantes - Encourager l’esprit d’entreprise chez les immigrants - Favoriser les immigrants qui ont une expérience au Québec ou au Canada - Collaborer avec les régions pour choisir les immigrants - Favoriser les immigrants qui ont de jeunes enfants - Choisir des immigrants qui sont susceptibles de demeurer au Québec. Puisé dans les médias nationaux, ce texte est largement inspiré d’un mémoire présenté à l’Assemblée nationale par Pierre Fortin le 10 février 2016.

Travailleurs immigrants

La compétence ou les connaissances linguistiques? au cœur du débat syndicats-patronat-politiciens La ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, doit déposer sous peu une nouvelle politique d’immigration qui devrait révéler les véritables intentions du gouvernement Couillard en la matière. La ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, Kathleen Weil, a voulu, mi-février 2016, prendre ses distances avec le patronat, qui voit dans la réforme de la Loi sur l’immigration une chance de réduire les exigences linguistiques pour les immigrants dont les qualifications sont recherchées. « Je n’ai jamais confirmé cette orientation, bien au contraire », a lancé Kathleen Weil à la présidente de la CSQ, Louise Chabot, qui prenait part aux consultations en commission parlementaire sur le projet 77 qui propose une refonte de la Loi sur l’immigration.

La semaine dernière, Michel Leblanc, de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, ainsi qu’Éric Tétrault, des Manufacturiers et exportateurs du Québec, sont venus réclamer au gouvernement qu’il permette aux employeurs d’embaucher des travailleurs immigrants qui ne parlent pas français pour combler des postes spécialisés qui font l’objet de pénuries, quitte à ce qu’ils apprennent le français sur les lieux de travail. La ministre a soutenu, en réponse à des questions posées par les journalistes, qu’il était possible de recruter des candidats à l’immigration qui connaissent le français tout en répondant aux besoins précis du marché du travail. « On est capable de faire les deux », a-t-elle dit. Louise Chabot s’est inquiétée de

« l’obsession » de l’adéquation entre la formation des immigrants et le marché du travail. Selon la chef syndicale, la politique d’immigration ne peut pas seulement être axée sur les besoins ponctuels des entreprises en maind’oeuvre. « Par les témoignages qu’on entend du patronat, jusqu’à maintenant, le français semble être un “nice to have” et non pas une condition importante dans l’ensemble des critères », a-t-elle dit aux journalistes. La présidente de la CSQ a insisté sur l’importance de sélectionner en priorité des immigrants qui connaissent le français et d’assurer la francisation des autres. « Ça ne va pas bien la francisation », a-t-elle lancé. Tout en reconnaissant qu’il y a « des baisses dans les cours de francisation », Kathleen Weil a signalé que les immigrants qui ne

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parlent pas le français et qui ne suivent pas de cours de français sont parmi ceux qui quittent le Québec après quelques années. Le taux de rétention des immigrants québécois est de 80 %, a-telle dit. « Pour augmenter le taux de rétention, il incombe qu’on sélectionne des gens qui parlent le français, sinon on les perd », a fait observer la ministre. Dans son mémoire, la CSQ a rappelé que le pourcentage d’immigrants qui ont déclaré connaître le français était passé de 64,1 % en 2009 à 57,4 % en 2013. Kathleen Weil a révélé que ce pourcentage avait connu une hausse en 2014, à 58,6 %, et que récemment la France était passée au premier rang des pays pour la provenance des immigrants au Québec.

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Selon la ministre, il n’y a aucun déclin dans la sélection de candidats qui parlent français. Ainsi, 90 % des requérants principaux pour l’immigration dite économique et choisie par Québec parlent français. En 2012, 85 % des immigrants au Québec étaient soit des francophones, soit des enfants scolarisés en français ou soit des personnes qui suivent un cours de français, a énuméré Kathleen Weil.


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Grands défis du 21ème siècle

Gouvernement Couillard; Prise deux… Emploi VS discrimination à l’embauche

De nombreux diplômés issus de l'immigration peinent à trouver du travail. Le taux de chômage est deux fois plus élevé chez les minorités visibles (13,3 %) que dans la population générale (7,2 %), selon les données de Statistique Canada pour 2011 et ces chiffres sont encore plus scandaleux quand on les ventilent par segments de population selon les pays d’origine. Azeb Wolde-Giorghis de Radio Canada, s’est penchée sur la question; voici son reportage : La situation d'Arnaud Djintchui Ngongang illustre bien le problème. Ce jeune diplômé d'origine camerounaise de 36 ans a beaucoup de mal à se trouver un emploi malgré ses qualifications. Titulaire d'un doctorat en chimie, il est installé au Québec depuis décembre 2011.

À l'époque, le Canada recherchait des chimistes, sa demande d'immigration a été accélérée, et il a obtenu sans problème la citoyenneté canadienne. Son doctorat de l'Université de Munich en Allemagne est reconnu ici. En 2013, il devient membre de l'Ordre des chimistes du Québec. Il entame même un post¬doctorat à l'Université de Montréal pour mettre toutes les chances de son côté. Mais le temps passe et toujours pas d'offre d'emploi. « Je me sens une personne vide qui ne sert à rien. C'est difficile à vivre, se lever le matin et on ne sert à rien, malgré nos études

et qualifications », dit Arnaud Djintchui Ngongang. À contrecœur, il s'inscrit dans une agence de placement et travaille sur appel dans une usine de matelas à Montréal, où il s'occupe de l'entretien ménager. «Je me pose toujours la question : qu'est-ce que je fais ici, ce n'est pas ma place, mais c'est ce qu'il y a de facile à trouver, il faut bien payer ses factures.» finit-il par dire.

Quatre ans de latence Cela fait quatre ans qu'il cherche un emploi dans son domaine. Arnaud Ngongang envoie son curriculum vitae tous les jours à divers organismes, dont la Société des alcools du Québec et la CNESST (Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail), mais toujours rien. Quand il a une réponse, c'est souvent la même : « Vous avez toutes les qualifications, mais votre candidature n'a pas été retenue pour le poste. On conserve votre CV et on vous contactera ultérieurement si on en a besoin. » Dans sa recherche sur la persévérance universitaire des étudiants immigrants, la professeure Fasal Kanouté de l'Université de Montréal note que «plusieurs parlent de phénomènes discriminatoires, subtils ou flagrants, qui ont jalonné leur recherche ou leur expérience d'emploi».

Le professeur titulaire de chimie Sébastien Sauvé affirme qu'il faudrait que les nouveaux arrivants aient une formation dans la recherche d'emploi au Québec. Selon lui, le diplôme n'est pas suffisant, il faut que chacun développe un réseau et comprenne mieux le fonctionnement du marché du travail. Un problème récurrent Doudou Sow, conseiller en emploi à l'organisme Carrefour jeunesse emploi à Montréal¬Nord, affirme que le cas d'Arnaud Ngongang n'est pas unique. Beaucoup sont confrontés à un mur lorsqu'ils recherchent un emploi, malgré leur diplôme. « On ne voit pas la lumière au bout du tunnel, les jeunes étudient, obtiennent des diplômes et sont confrontés à une discrimination », dit-il. Selon lui, la fonction publique doit donner l'exemple et représenter la diversité de la société. « Les personnes issues des minorités ne demandent pas d'être embauchées selon leur origine, mais elles ne veulent pas que leur origine ethnique devienne un handicap », dit-il. Le président de la Commission des droits de la personne du Québec, Jacques Frémont, dénonce ces situations. Malgré la loi sur l'équité, les mentalités ne changent pas.

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«Avec les lois, on ne change pas nécessairement les mentalités, il faut que les employeurs comprennent qu'ils ont tout avantage d'avoir des employés diversifiés.» affirme Jacques Frémont, président de la Commission des droits de la personne. Quinze fois de chance d’entrevues Des tests de la commission ont montré que si une personne a un nom à consonance étrangère, elle a 15 fois moins de chance d'avoir des entrevues. Arnaud Ngongang affirme qu'il ne baissera pas les bras, même si faire des travaux ménagers dans une usine n'était pas le parcours qu'il espérait. Il se

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demande parfois s'il ne serait pas plus utile au Cameroun avec ses diplômes, mais il a choisi le Québec comme terre d'adoption. « Je reste positif, je ne baisse pas les bras, je veux juste qu'on me donne la chance », dit-il. Aux dernières nouvelles, il a commencé un emploi sur appel comme opérateur d'instrument d'analyses chromatographiques. Les horaires sont variables dit¬il, mais c'est déjà un début. Il manque plus de 25 000 employés issus des minorités visibles dans les organismes publics du Québec, selon une compilation réalisée par RadioCanada.


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Grands défis du 21ème siècle

Les mouvements migratoires dans tous leurs états Des compétences canadiennes d'origine arabe honorées à Ottawa

Des compétences canadiennes d'origine arabe ont été honorées, mardi 17 février 2016 à Ottawa, en reconnaissance pour leurs réalisations et leurs réussites dans différents domaines d'activités au Canada, lors d'un dîner de Gala ponctué par une cérémonie de remise de prix, en présence d'une brochette de distingués invités.

Organisé par le Conseil des Ambassadeurs de la Ligue arabe accrédités au Canada (CALA) en partenariat avec le conseil d'affaires canado-arabe (CABC), ce dîner de Gala a été rehaussé par la présence de nombreuses personnalités politiques canadiennes, notamment le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, la ministre du patrimoine canadien, Mélanie Joly et le président de la Chambre des Communes, Geoff Regan, de députés et de sénateurs canadiens, d'ambassadeurs arabes à Ottawa et de plusieurs autres dignitaires. Un capital humain considérable Intervenant à cette occasion, la Doyenne du Conseil des ambassadeurs de la Ligue Arabe accrédités au Canada et ambassadeur du Maroc à Ottawa, Mme Nouzha Chekrouni a souligné que cet événement, qui est à sa 2ème édition, se veut une occasion pour reconnaître et honorer les compétences canadiennes d’origine arabe, ajoutant que le groupe des ambassadeurs arabes, convaincu que le meilleur investissement est celui dans le capital humain, s’est mobilisé pour l’organisation de cette cérémonie qui revêt une grande importance et ce à plusieurs égards.

«D’abord, parce qu’elle glorifie le savoir, l’innovation et l’excellence, ensuite parce qu’elle célèbre le modèle canadien d’inclusion, de partage et du réussir ensemble et enfin parce qu’elle vous honore, vous les talents canadiens originaires des pays arabes, non seulement ceux présents parmi nous ce soir mais toutes celles et tous ceux qui contribuent au progrès et à l’essor de ce grand pays, le Canada», a-t-elle affirmé.

Dans ce sens, Mme Chekrouni a précisé que le large éventail des réalisations des compétences canadienne d'origine arabe embrasse tous les domaines d’activités aussi bien politique, entrepreneuriale, artistique, sportive qu’humanitaire, relevant que ces compétences sont une partie prenante de cette «mosaïque qui fait la singularité du Canada», notamment dans un monde qui peine à bâtir des politiques cohérentes en matière d’immigration. Un pays qui, grâce à une politique d’ouverture, un climat démocratique et une vision inclusive, permet au génie humain de s’exprimer et de contribuer positivement à l’enrichir, a-t-elle dit. La diplomate marocaine, en outre, précisé que la diaspora issue des pays arabes au Canada constitue un «trait d’union solide» entre ses pays d’origine et son pays d’adoption, notant que les ambassadeurs arabes sont fiers de cette communauté aussi bien musulmane, chrétienne que juive, qui représente la résultante d’un flux d’immigration de qualité. Une particularité et une vertu, a-t-elle poursuivi, qui lui permettent de bien s’intégrer dans le pays d’accueil et de par-

ticiper activement à sa réussite et à sa richesse identitaire. Message d’espoir Et Mme Chekrouni de relever que dans un contexte international caractérisé par les déchirements et les incertitudes et face aux risques de repli identitaire et les fractures civilisationnelles, le Canada constitue un modèle dont la diversité culturelle et spirituelle constitue un atout majeur et dont l’attachement aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue lui confère singularité et reconnaissance. Elle a, par ailleurs, indiqué que les ambassadeurs arabes, porteurs d'un message d'espoir, veulent faire de la diplomatie un moyen de vaincre le rejet et les incompréhensions et sont convaincus que les conflits ne sont pas une fatalité et que l'investissement dans les compétences, le savoir et l’innovation est la meilleure arme pour combattre le terrorisme et la haine.

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Dans ce cadre, Mme l'Ambassadeur a souligné que les pays arabes, dont le Maroc qui oeuvre inlassablement sous le leadership de SM le Roi Mohammed VI, au renforcement de l’harmonie entre ses citoyens aux multiples affluents, aspirent à un monde où le savoir se substitue à l’ignorance, où la convivialité détrône le rejet et où la paix triomphe de la guerre. Un modèle d’intégration De son côté, le chef de la diplomatie canadienne, Stéphane Dion a tenu, à cette occasion, à féliciter le conseil des ambassadeurs de la Ligue arabe pour cette importante et louable initiative, affirmant que le Canada est fier de compter parmi sa population une grande communauté d'origine arabe, jeune et dynamique, qui a contribué pleinement à l'essor du pays. M. Dion a, dans ce sens, mis en exergue l'apport remarquable et le rôle fondamental joué par les

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compétences canadiennes d'origine arabe au Canada, qui a longtemps été et demeurera une terre d'accueil et un pays ouvert sur le monde. Il a ajouté que la force et la richesse du Canada réside dans sa diversité et dans la différence de ses composantes, tout en mettant en avant le modèle d'intégration réussie de la communauté arabe au sein de la société canadienne et leur contribution au développement du pays. Au cours de ce dîner de gala, ponctué de prestations artistiques variées, des prix ont été remis à des compétences canadiennes d'origine arabe dans sept catégories (politique, business, art, sciences, expertise, activités de bénévolat et jeunesse), parmi les 35 personnes déjà sélectionnées par un comité mis sur pied à cette occasion. Source : Maghreb Arabe Presse


Dossier

Grands défis du 21ème siècle

Les mouvements migratoires dans tous leurs états Réfugiés: un système à deux vitesses?

De toute évidence, le tapis rouge n’est pas déroulé pour tous les réfugiés voulant s’installer au Canada. La directrice du Conseil canadien pour les réfugiés, Janet Dench, craint que les récents efforts déployés par Ottawa pour recevoir de nombreux Syriens ne finissent par entraîner la création d’un système à deux vitesses.

Mme Dench a rappelé que l’obtention du statut de réfugié au pays est normalement un processus bureaucratique complexe comportant des règles, des quotas et des restrictions de toutes sortes. Or, plusieurs de ces barrières ont été retirées pour faciliter l’arrivée des Syriens. Selon elle, cette disparité peut nuire aux réfugiés venant d’autres pays. « Le système a

été établi pour décourager les gens. Il est difficile, sinon impossible, de parrainer des réfugiés (d’autres nationalités). » Listes d’attente Une communauté mennonite de Montréal en a fait l’expérience après avoir décidé de parrainer un réfugié. Le pasteur John Docherty raconte que sa communauté était déchirée entre le choix qui se posait à elle : parrainer une famille syrienne ou une famille d’un autre pays. Or, elle a constaté que le délai pour faire approuver la candidature d’un réfugié non syrien est beaucoup plus long que pour un Syrien. Pour sa part, le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum, affirme que même si beaucoup d’attention est portée aux Syriens, les réfugiés

provenant d’autres pays ne sont pas négligés pour autant. Il reconnaît, toutefois, que ces derniers doivent malheureusement s’armer de patience puisque son équipe et luimême doivent composer avec d’interminables listes d’attente. « Un de nos principaux défis est de les réduire et de diminuer les délais de traitement. C’est que nous nous efforçons de faire, mais ça ne se réglera pas du jour au lendemain », précise-t-il. Selon lui, la faute en incombe au gouvernement précédent. « Les gens attendent tant de choses depuis de si nombreuses années », a-t-il déclaré.

d’attente pour un réfugié africain ou venant du Proche-Orient et bénéficiant d’un parrainage privé était de 45 mois en 2015. Dans certains cas, l’attente pour obtenir le visa d’entrée peut même atteindre 69 mois, soit un peu moins de six ans.

Cinq ans plus tard Selon des données de Citoyenneté et Immigration Canada, le temps moyen

Ce délai est si long que le pasteur Docherty reconnaît que son groupe pourrait jeter son dévolu sur une famille syri-

enne. « Les gens qui ont l’énergie aujourd’hui n’en auront peut-être pas autant dans cinq ans, dit-il. En raison de cet enthousiasme, de cette motivation, de cette volonté et de la facilité avec laquelle nous pouvons trouver l’argent, la tentation est forte de se lancer dans ce processus. Dans cinq ans, tout ça aura assurément disparu. »

Xénophobie, racisme et exclusion

«Il faut plus de diversité à la télévision» Sohad Murrar, un étudiant de psychologie de l'Université du Wisconsin aux États-Unis a présenté devant la Society for Personality and Social Psychology, la plus grande organisation de psychologie au monde, une étude montrant que les séries télévisées qui mettent en avant la diversité culturelle des acteurs, feraient reculer le racisme.

Le modèle «La petite mosquée dans la prairie» Selon les conclusions de cette étude, relayée par Le Journal de Montréal, les téléspectateurs qui regardent des séries dont les acteurs principaux sont issus de minorités visibles, montreraient plus de tolérance et d'ouverture envers ces minorités par la suite. Pour appuyer son étude, Sohad Murrar a pris comme exemple une série canadienne, Little Mosque on

the Prairie. Cette série de comédie de situation montre les situations de discrimination de la communauté musulmane de Saskatchewan dans l'Ouest du Canada. Sohar Murrar a fait regarder cette série à un premier groupe de personnes et a choisi la série "Friends" pour un 2ème groupe. D'après ses conclusions, les personnes du 1er groupe ont changé d'attitude et portaient moins de préjugés sur les musulmans après avoir regardé la série. Elles étaient plus ouvertes que les personnes du 2ème groupe qui ont regardé un film avec un casting majoritairement blanc.

Le rapport montre aussi que 4 à 6 semaines après avoir regardé la série sur la communauté musulmane, les téléspectateurs du 1er groupe montraient encore des signes

de réceptivité à la minorité. Elles restaient toujours plus ouvertes que les personnes du 2ème groupe.

Travailler sur les représentations « Nous croyons que nous pourrions observer un pareil phénomène en visant d’autres minorités culturelles », a confié l'auteur du rapport à la chaîne américaine CNN. Il estime que le visionnage de la série a changé de façon impressionnante, l'attitude des sujets observés par rapport aux musulmans, le plus souvent décrits comme « violents » ou « agressifs ». « Dès qu’on s’ouvre à l’autre, ça change tout. C’est ce qu’il faut faire dans nos séries. L’arabe qui arrive dans L’auberge du chien noir n’a pas besoin d’être un terroriste; il peut être un directeur

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financier très sympathique », complète l'anthropologue montréalais, Jerôme Pruneau. L'étude de Sohad Murrar intervient en pleine polémique sur la diversité dans les nominations aux Oscars. Certains acteurs ont

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dénoncé le manque de représentativité de la communauté noire dans les nominations. Pourtant Jerôme Pruneau donne en exemple des séries de Shonda Rhymes comme Grey's Anatomy, Scandal ou encore How to Get Away with Murder.


Politique fédérale

Gouvernement Trudeau

Le temps des décisions approche …

Un sondage Léger récemment publié le disait tout en chiffres : le Canada raffole de Justin Trudeau et de son gouvernement. Avec des appuis de 50 % à travers le pays et une popularité personnelle immense, tout baigne pour le nouveau premier ministre. Du moins jusqu’ici : car le vrai travail commence à peine, rappelle-ton à l’interne comme à l’externe. Regard. Des chiffres et des symboles Peu importe les indicateurs, la conclusion est la même : après 100 jours de pouvoir, les libéraux fédéraux sont en apesanteur. Portés par une onde gravitationnelle, dirait-on. Loin devant tout le monde, enrobés de teflon et au diapason des attentes des Canadiens. Comme pour illustrer l’habituelle période de grâce de 100 jours dont bénéficie normalement un nouveau gouvernement, la situation a été particulièrement douce pour les libéraux. Ils sont encore crédités de 49 % d’intentions de vote, 22 points devant les conservateurs, et 34 devant les néodémocrates… En quatre mois, les libéraux ont gagné près de 10 points d’appui (en comparaison, ceux de Philippe Couillard étaient stables après la même période suivant leur élection en 2014).

part, la marque des 100 jours est d’abord un point de référence médiatique : un mandat en dure près de 1500, après tout. Et d’autre part, il est facile de demeurer populaire quand on n’a pas encore pris de grande décision, reconnaît un conseiller de M. Trudeau. « On en est encore à mettre la table, dit-il. Le budget n’est pas déposé, l’agenda législatif n’est pas encore là. Mais le sondage montre que les gens sont prêts à nous donner la chance de mettre en oeuvre notre programme. Les grandes décisions vont venir avec les projets de loi, bien sûr, mais la population est à l’écoute pour le moment. » Le coup de sonde n’est ainsi qu’une manière de juger des premiers pas d’un gouvernement qui a voulu imposer dès le début un puissant contraste par rapport au règne conservateur. Les « vraies » décisions Le cabinet paritaire en était un exemple frappant : plus de

femmes, plus d’autochtones, plus de diversité. Même chose pour la manière de communiquer — là où les conservateurs fuyaient les micros, Justin Trudeau et ses ministres multiplient les interventions publiques (sans toutefois donner beaucoup de détails au final, remarquent plusieurs observateurs). Le ton est différent, la forme aussi. Mais au-delà de ça ? Difficile de juger sur le fond, car les libéraux ont eu le pied léger sur les « vraies » décisions.

Il y a bien eu la baisse d’impôt pour la classe moyenne ; le programme d’accueil des réfugiés syriens ; les premiers pas d’un changement de direction en politique étrangère ; plusieurs gestes d’intention posés envers les autochtones ; une reprise de collaboration avec les provinces ; beaucoup de discussions sur la marijuana ; le rétablissement du formulaire long du recensement… Mais peu importe le dossier, le même scénario se répète,

Dit autrement : il y a longtemps que les Canadiens n’avaient autant aimé leur gouvernement. Mais tant les observateurs que les stratèges libéraux sont bien conscients du caractère symbolique de ces chiffres. D’une

M Justin Trudeau, premier ministre du Canada remarque le politologue Nelson Wiseman, directeur du Programme d’études canadiennes à l’Université de Toronto. Une «signature» J. Trudeau « C’est un gouvernement qui nous parle toujours des processus, mais à peu près jamais de politiques, dit-il en entretien. On pellette vers l’avant. Les changements climatiques ? On dit qu’on va consulter les provinces. Les autochtones ? On rencontre les intervenants pour savoir quelle enquête tenir. Le Sénat ? On a un comité qui va choisir des sénateurs, et on verra ensuite comment la Chambre haute peut fonctionner. Les infrastructures ? Il y a eu une réunion pour voir comment procéder. C’est toujours la même chose. Des processus, pas de politiques. » Or, il n’est pas vrai que 100 jours sont trop courts pour imposer une marque, dit M. Wiseman en rappelant les «

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60 jours de décisions » de Lester B. Pearson, ou même Stephen Harper — qui avait été très actif dans les premiers mois de son premier mandat, il y a dix ans (dépôt d’un budget, entre autres). « Le calendrier parlementaire a joué contre nous, soutient le proche conseiller de M. Trudeau à qui Le Devoir a parlé jeudi. Mais il y a que ce sera notre manière de faire : prendre un peu plus de temps pour tenter de bâtir des consensus, s’assurer que tout le monde est entendu. » Le dossier des oléoducs (qui risque d’être une pierre d’achoppement importante pour les libéraux) est un bon exemple, dit-il. « C’est évident qu’on ne pourra pas faire plaisir à tout le monde. Mais on sera plus proche d’un consensus si on a parlé à tout le monde avant. » Les réalités qui restent à affronter

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Politique fédérale

Gouvernement Trudeau

Le temps des décisions approche … Suite à la page 14

Sur le dossier des pipelines comme ailleurs, concilier des principes et des promesses avec la réalité des choses pourrait s’avérer difficile pour les libéraux. L’état de l’économie forcera des déficits plus élevés que les 10 milliards évoqués en campagne, a déjà reconnu Justin Trudeau ; la vente de jeeps blindés à l’Arabie saoudite ou la transformation de la mission contre le groupe armé État islamique ont valu au gouvernement son lot de critiques ; etc. Pour Frédéric Boily, politologue et professeur au campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, ce sont là les premiers éléments d’une sorte d’« épreuve des faits » qui est incontournable en politique. « On voit avec les sondages que la lune de miel se poursuit, mais on voit aussi des nuages poindre à l’horizon, disait-il mercredi. La situation économique n’est pas bonne, surtout dans l’Ouest. Le projet Énergie Est est déjà un beau casse-tête et va insatisfaire des gens. Il y a du retard dans l’accueil des réfugiés syriens, on se rend compte que c’est

plus compliqué que prévu. » «Ce sont de premiers nuages, qui pourraient mener à de l’impatience dans la population, ajoute-t-il. Mais c’est vraiment avec le premier budget qu’on pourra voir où les libéraux s’en vont, comment ils composent avec la situation. Pour l’instant, le bilan est forcément incomplet.» Mais M. Boily juge tout de même que les premiers 100 jours ont été fructueux pour les libéraux. « La population est clairement derrière M. Trudeau, il vogue sur un nuage. Il s’est bien débrouillé sur la scène internationale, malgré des problèmes de ton quand il a réagi sur les dossiers des attentats de Paris et de Ouagadougou [où six Québécois sont décédés]. Le changement général de ton plaît à une majorité de la population. »

Trouver le ton juste Invité à identifier quelques faux pas commis par le gouvernement depuis son assermentation, le conseiller de Justin Trudeau reconnaît que la réaction du premier ministre aux deux attentats terroristes n’était pas nécessairement la

Conseil des ministres du gouvernement du Canada bonne. « Il est encore en train de trouver le ton, dit-il. Mais quand il s’agit de tragédies humaines comme celles-là, il y aura toujours des gens pour trouver qu’on n’en fait pas assez, et d’autres qui pensent qu’on en fait trop. » Autre dossier mal géré : celui de l’aide médicale à mourir, alors qu’Ottawa a donné l’impression de vouloir contester la loi de Québec, ce qui

n’était pas l’intention du gouvernement, soutient le stratège libéral. « Ça a été un départ difficile, mais on a rattrapé la balle », dit-il. Malgré les critiques qu’il soulève par rapport au manque d’action concrète de ce gouvernement, Nelson Wiseman estime qu’il n’y a pas eu de faux pas majeur commis durant ces 100 jours. Selon lui, il est tout à fait « normal »

que les libéraux soient si hauts dans les sondages. « Le contraire m’étonnerait, dit-il. Sauf qu’à partir de maintenant, ils ne peuvent que perdre des points, peu importe ce qu’ils feront », pense le professeur. Le ministre Marc Garneau, exastronaute, pourra en ce sens prévenir ses collègues : il y a nécessairement un retour sur terre après un séjour en apesanteur.

Le legs Stephen Harper et comment s’en débarrasser Les premiers pas des libéraux au pouvoir illustrent toutefois à quel point une partie de cet héritage conservateur demeure fragile. C'est un vaste rééquilibrage du rôle du gouvernement et de la façon de faire de la politique qu'a lancé le nouveau premier ministre. Après 100 jours à la tête du pays, Justin Trudeau et son gouvernement ont déjà ébranlé l'héritage de Stephen Harper. Parlez à n'importe quel ministre dans les couloirs du parlement, vous serez frappé par son enthousiasme, son ambition, son idéalisme. Cent jours après avoir pris le pouvoir, les libéraux semblent toujours sur un nuage. L'optimisme est rapidement devenu le credo de ce nouveau gouvernement. La fin de l'omerta imposée aux scientifiques et aux ambassadeurs n'était que le premier pas.

Trop ambitieux, 25 000 réfugiés en quelques mois? On y arrivera. Impossible, une cohésion avec les provinces au sujet des changements climatiques? Ça viendra. Dramatique, le ralentissement économique? Un plan sera dévoilé. Impensable, réussir enfin à régler les problèmes de la pauvreté, de l'isolement, de l'injustice qui affligent trop d'Autochtones au pays? On finira par y arriver, un petit pas à la fois. Les échecs, les crises, les doutes viendront assez vite. Mais, pour l'instant, ce jeune gouvernement poursuit sa guerre contre le cynisme. Ce sera probablement un des tests les plus importants auxquels il sera confronté : combien de temps, face aux vents de front qui viennent avec le pouvoir, les libéraux réussiront-ils à tenir le coup de l'optimisme? Elle semble bien lointaine, l'époque où Stephen Harper

annonçait une réforme des pensions de vieillesse sans préavis, dans un sommet à l'autre bout du monde.

Les Autochtones, les provinces, les villes, les intervenants du milieu, l'industrie pétrolière et gazière, tout le monde y passe. En quelques semaines, presque chaque ministre du gouvernement Trudeau a tenu une rencontre avec ses homologues provinciaux. L'heure est au dialogue. Le prix d'une telle consultation est évident : de grands engagements qui semblaient si simples à promettre prendront beaucoup plus de temps à réaliser. Il faut surtout voir dans cette approche un rejet de tout le mode de gouvernance de Stephen Harper. Les intervenants et acteurs de la société civile sont vus comme des partenaires. La fonction publique aussi. Finie l'époque où on s'attendait à ce qu'elle exécute, on lui demande de

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mettre la main à la pâte.

Et qu'est-ce que ça change? Et est-ce que ça ne laisse pas l'impression que les libéraux n'étaient pas si prêts que ça à gouverner comme le soulèvent leurs critiques? La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, voit les choses autrement. La majorité des grandes réformes promises par les libéraux en campagne électorale sont encore sur la table à dessin. Déjà, elles laissent présager le retour d'un gouvernement beaucoup plus activiste. Certes, le gouvernement s'apprête à lancer un vaste programme de subvention pour les familles, une réforme des pensions, de l'assurance-emploi, signes traditionnels d'un gouvernement plus interventionniste. Mais les premiers gestes faits par le gouvernement Trudeau vont plus loin. De la question autochtone, aux

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changements climatiques en passant par la réforme démocratique et les relations avec les provinces, le gouvernement libéral tente de redéfinir l'ensemble du débat auprès des Canadiens, de les convaincre qu'ils font partie de la solution. Là où Stephen Harper offrait une vision assez étroite du chacun dans sa cour, Justin Trudeau se pose en architecte de consensus et de coalition. Justin Trudeau profite de sa lune de miel. Petit à petit, de symbole en symbole, de décision en décision, c'est le rôle du gouvernement au sein de la fédération qu'il redéfinit. Cent jours. Si c'est assez pour évaluer le ton, les ambitions, la discipline du gouvernement Trudeau, le vrai premier bilan de ce gouvernement, c'est lors du budget qu'il sera vraiment révélé. Source : Radio Canada


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Politique québécoise

Entre la bataille de Rona et la guerre d’Anticosti

Une rentrée tumultueuse pour un Premier ministre verdissant

Le gouvernement Couillard a connu une rentrée parlementaire tumultueuse alors que l’opposition a eu plusieurs os à ronger : la vente de Rona à des intérêts américains, le reniement de l’engagement de l’État pour l’exploration pétrolière à Anticosti, l’arrivée potentiellement explosive d’Uber. Mais c’est un sujet du « champ gauche », comme le veut l’expression, celui des jeunes fugueuses des centres jeunesse qui tombent dans la prostitution, qui a vraiment embêté les libéraux.

« Chaque jour, des dizaines de jeunes filles se font passer sur le corps par des hommes que je ne qualifierai pas dans des hôtels miteux », a lancé mercredi, à l’Assemblée nationale, la porte-parole péquiste en matière de condition féminine, Carole Poirier. Le ton était donné. Beaucoup de chats à fouetter! Il y a ce rapport, daté de février 2014, d’un comité interministériel sur l’exploitation sexuelle qui concluait que les centres jeunesse étaient des lieux de recrutement de mineures pour les gangs de rue. « Quelqu’un au gouvernement a dit que ce n’était pas une priorité, l’exploitation sexuelle des jeunes femmes. Quelqu’un a dit aux fonctionnaires d’arrêter de travailler. Quelqu’un a dit que ce n’était pas la peine », a accusé le critique péquiste en matière de protection de la jeunesse, JeanFrançois Lisée. L’explication est plus simple. Fraîchement élu au printemps, le gouvernement libéral n’y a pas porté attention. Il avait d’autres chats à fouetter, comme de procéder rapidement à des compressions, dont 20 millions à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). On ne peut attribuer le laxisme gouvernemental à cette coupe comme le clame l’opposition. C’est plutôt l’exercice de compressions dans son ensemble

qui a fait que ce rapport, commandé par le précédent gouvernement, a été ignoré. Quand la machine est occupée à sabrer, elle ne pense pas à faire du développement, car donner suite aux observations d’un comité interministériel, c’est engager des ressources de l’État. Le poids de l’opinion publique L’exploitation sexuelle de mineures qui sont sous la garde de la DPJ, ça ne manque pas d’émouvoir l’opinion publique. Quand les nouvelles sont conditionnées par l’émotion, le gouvernement sent le besoin de réagir rapidement et de façon catégorique, souligne-t-on. La semaine dernière, la première réaction de la ministre déléguée à la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois, aux fugues en série au centre jeunesse de Laval fut d’alarmer la population en parlant de l’infiltration du centre par un réseau de proxénètes. Le nouveau ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a dû corriger le tir le lendemain. « Deux pas de recul auraient été très salutaires. On aurait dû retenir Lucie une journée », convient-on au gouvernement. D’autant plus qu’il s’agit d’un enjeu interministériel. Le remaniement récent n’a pas aidé les choses : les cabinets ne sont pas encore rodés. Même Martin Coiteux, qui montre d’habitude une maîtrise poussée de ses dossiers, semblait à côté de ses pompes. L’épisode n’est pas sans rappeler la tempête des fouilles à nu « respectueuses » qui a coûté la tête d’Yves Bolduc : un sujet émotif qui avait soulevé l’indignation de la population. Bonne semaine pour l’opposition Le chef de l’opposition officielle, Pierre Karl Péladeau, a fini par connaître une bonne semaine, se réjouit-on dans son entourage. Changement de méthode : plutôt que des

M Philippe Couillard, premier ministre du Québec mêlées de presse où il était à cran le plus souvent, il tient des points de presse, derrière un lutrin, avant les périodes de questions. Discipliné, il est étonnamment bien préparé. Son ton est mieux ajusté ; il s’efforce même d’apparaître sympathique. La transformation l’a bien servi, d’autant plus qu’il a pu défendre à l’Assemblée nationale des dossiers économiques qu’il connaît sur le bout des doigts. Les péquistes ont apprécié la première sortie de la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade, qui a accueilli la vente de Rona à l’américaine Lowe’s comme une bonne nouvelle. Pierre Karl Péladeau et François Legault se sont ligués pour taper sur le clou de la protection des sièges sociaux. À leurs yeux, la défense du libre marché fournie par Philippe Couillard renforce la perception qu’il est foncièrement antinationaliste. Au gouvernement, on soutient que cette vente aura peu d’impact sur l’opinion publique : la décision était inévitable, et ce sont les Couche-Tard, les CGI et les autres entreprises québécoises qui font des acquisitions à l’étranger qui auraient rappliqué si d’aventure Québec avait tenté de bloquer la transaction. La guerre d’Anticosti

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Les chefs péquiste et caquiste se rejoignent aussi dans leur opposition à la décision de Philippe Couillard de renier la signature de l’État en dénonçant le contrat qui lie Québec à Pétrolia, Corridor Ressources et Maurel Prom pour l’exploration pétrolière et gazière sur l’île d’Anticosti. « Il ne s’agit pas d’être diplômé en physique nucléaire pour savoir que la fracturation hydraulique sur une île, et une île de relative petite taille, ça pose un problème technique fondamental », a déclaré le premier ministre à l’Assemblée nationale. Mais au-delà des considérations techniques et économiques qu’il a avancées, Philippe Couillard a livré un plaidoyer écologiste pour la préservation de l’île. « Jamais l’agression sauvage d’un milieu naturel comme Anticosti ne portera ma signature », a-t-il affirmé. Au PQ, on rappelle qu’Anticosti n’est pas une île vierge et que, en dehors de ses parcs nationaux, elle a subi une exploitation forestière à grande échelle. Et les bucoliques cerfs de Virginie, que l’on y a introduits, ont perturbé son équilibre naturel. L’opposition relève que la décision de Philippe Couillard, qu’elle juge intempestive, a fait sursauter les milieux d’affaires, qui ne se reconnaissent plus

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dans ce chef libéral qui a pris un virage vert. Même certains députés libéraux sont sceptiques. François Legault a témoigné de la perplexité des gens d’affaires. « Quand c’est rendu que le seul allié du premier ministre, c’est Québec solidaire, là, c’est tout dire », a laissé tomber le chef caquiste. « On a un Québec qui consomme du pétrole, qui va continuer de consommer du pétrole et du gaz, puis il y a deux choix : ou on importe ce pétrole, puis on laisse les profits à l’étranger, ou on explore et exploite nousmêmes, puis on garde les profits pour le Québec. Pourquoi est-il contre la création de la richesse ? » Tel un Stéphane Dion qui, en chef du Parti libéral du Canada, promettait il y a huit ans de créer une bourse du carbone, qui est devenu une réalité aujourd’hui, Philippe Couillard, qui poursuit des ambitions à long terme, est en avance sur son temps, fait-on valoir dans son entourage. Comme Robert Bourassa, qui a choisi l’hydroélectricité plutôt que le nucléaire. Seulement, on espère qu’il ne soit pas trop en avance sur son temps. Comme Stéphane Dion.


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Solidarité & santé

«Restructuration» dans l'aide à domicile

Le privé et les OSBL entrent en lice…

Alors que la population du Québec vieillit et que le réseau public de la santé n'arrive plus à répondre à toutes les demandes de soutien à domicile, le secteur privé et les entreprises d'économie sociale prennent de plus en plus de place dans ce marché en pleine expansion. Au cours des dernières années, au moins une centaine de nouvelles compagnies privées œuvrant dans le secteur des soins à domicile ont vu le jour au Québec.

C'est le cas de l'entreprise fondée par Olivier Champagne et son père Denis Champagne sur la Rive-Sud de Montréal. « Le vieillissement de la population m'a donné l'idée de me lancer en affaires dans ce domaine. » affirme ainsi Olivier Champagne. Depuis qu'ils ont fondé leur entreprise, il y a un peu plus d'un an, leur chiffre d'affaires ne cesse de grimper. Pour Olivier Champagne, les changements démographiques et le contexte actuel dans le réseau de la santé avantagent les compagnies comme la sienne. « Les coupures budgétaires favorisent une entreprise comme nous, la demande est très forte », constate-t-il également. « La population vieillit, ce sont des services qui sont de plus en plus en demande, appuie son père. Moins les CLSC offrent des services à la clientèle, c'est sûr que par ricochet, ça favorise notre entreprise à nous ». Il estime lui aussi que le réseau public de la santé n'arrive plus à répondre adéquatement aux besoins des ainés, ce qui les amène à se tourner vers le secteur privé plutôt que d'attendre pour avoir accès à des services gratuits de leur CLSC. « Ils veulent rester à domicile le plus longtemps possible. Ce qui fait qu'ils se tournent vers l'entreprise privée parce qu'avec le CLSC, ils font des demandes mais il peut y avoir un délai assez long. » déclare pour sa part Denis Champagne. Le responsable du développe-

ment des affaires à Soins à Domicile Montréal, Timothy Thomas, constate lui aussi que la situation dans les CLSC joue aussi en faveur de son entreprise.

« Dans les derniers quelques mois, le CLSC a coupé beaucoup de services et la demande a augmenté beaucoup, remarque-t-il. Les CLSC ont eu une restructuration. Avec ces changements-là, ils ont dû couper beaucoup d'heures qu'ils offrent aux personnes, mais aussi pour les nouveaux clients ou les ainés qui ont besoin de services ». Forte demande et chiffre d'affaires en hausse À l'Agence Continuum, qui compte 750 employés et qui est parmi les plus importantes au Québec, sa présidente Hélène Gravel remarque aussi que les besoins sont grands et que son chiffre d'affaires est en hausse. « On a vu une progression qui est assez fulgurante. On remarque une augmentation énorme du nombre de demandes. Je peux vous dire que d'année en année, c'est une augmentation nette de 50 % », se réjouit-elle. « On sait qu'il y a beaucoup de compressions budgétaires et que le réseau fait tout son possible, mais par exemple, si les gens ont le droit à un bain par semaine et qu'ils sont habitués à se laver tous les jours, et bien, c'est là qu'on va entrer en ligne de compte. « 85 % des demandes qu'on a, c'est pour du maintien à domicile, soins d'hygiène, des soins de base qui sont offerts aux gens qui sont en perte d'autonomie. » dit Hélène Gravel Le grand boom des OSBL Dans les entreprises d'économie sociale, des entreprises sans but lucratif (OSBL) bien présentes dans le réseau de la santé depuis une vingtaine d'années, on constate également un boom. À la coop Aide Rive-Sud, la directrice de l'organisme, Céline D'amours, affirme que les demandes augmentent d'année en année.

« La demande est croissance. Nous, depuis les dernières années, on connaît des croissances annuelles de 10 % et même 40 % par année, remarque-t-elle. En 2009, on vendait à peu près 30 000 heures de services, puis l'an passé, ça a été presque 100 000 heures qu'on a vendues, principalement aux gens âgés ». L'an dernier, les 102 entreprises d'économie sociale du Québec ont répondu aux besoins de 90 000 personnes, dont 10 000 avaient besoin de soins d'hygiène comme de l'aide aux bains. Au total, ce sont 7 millions d'heures de services qui ont été rendus. Marie-Claude Gasse, du Réseau des entreprises d'économie sociale en aide à domicile La concurrence de plus en plus vive La multiplication des acteurs dans le domaine des soins à domicile, afin de répondre à la demande croissante de services, s'est traduite par une concurrence plus vive que jamais. « La concurrence, il y en a beaucoup parce que les gens voient bien que c'est un marché émergent. » constate Céline D'amours. Selon Marie-Claude Gasse, du Réseau des entreprises d'économie sociale en aide à domicile, la rivalité se fait surtout sentir dans les grandes villes, où la concurrence est beaucoup plus grande, des entreprises privées n'hésitant

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d'ailleurs pas à baisser leurs prix en conséquence. « Souvent, le problème, c'est qu'ils vont diminuer les tarifs pour aller chercher le marché. On parle de millions d'heures de services, y a des millions de dollars aussi au bout, alors j'imagine que les entreprises ne cracheraient pas là-dessus », remarque Mme Gasse. Olivier Champagne et son père Denis admettent d'ailleurs qu'ils ont dû baisser leurs prix tant la compétition est forte : « Un petit peu plus bas pour entrer dans le marché de façon à avoir un prix concurrentiel. On ne veut pas ambitionner. On n'est pas là juste pour faire de l'argent » déclarent-ils. Québec prévoit injecter 20 millions Québec a d'ailleurs pris acte de la nouvelle situation et, de source médiatique, s'apprête à annoncer l'injection de près de 20 millions de dollars, d'ici 5 ans, afin de former 4500 nouveaux préposés dans les entreprises d'économie sociale, notamment pour l'aide aux bains, ce qui était presque exclusivement effectué par les CLSC jusqu'à présent. Ces entreprises seraient par ailleurs aussi appelées à contribuer quelques millions de leurs poches pour ces formations, soit environ 20 % du total des sommes qui seront engagées.

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Un premier groupe de formateurs doit offrir une formation de 125 heures prochainement. Pour Marie-Claude Gasse, c'est un signal clair que ces OSBL sont appelées à jouer un plus grand rôle au cours des prochaines années auprès des personnes âgées. « Le réseau ne pourra plus tout faire seul, donc, on nous demande de nous préparer à offrir de l'aide à la vie quotidienne. Des bains, de l'aide au lever, de l'aide à l'habillement, éventuellement de l'aide à manger » affirme à ce sujet MarieClaude Gasse, du Réseau des entreprises d'économie sociale en aide à domicile Les inquiétudes des bénéficiaires Mais en laissant une plus grande place aux entreprises d'économie sociale tout comme au secteur privé dans les services de maintien à domicile, c'est non seulement les services offerts par le réseau de la santé qui sont en train de changer, mais également la qualité des emplois offerts, loin de ce que l'on retrouve dans le secteur public. Et ce qui inquiète le plus les personnes âgées, c'est de savoir si elles auront encore les moyens de se payer certains services de soutien à domicile, dans quelques années, pour rester chez elles.


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Éducation

Lutte au décrochage scolaire

Québec relâche-t-il ses efforts?

Entre 2009-2010 et 2011-2012, le Québec (10,6%) est passé au-delà de la moyenne nationale de 8,1 %. Bien que l’atteinte d’un taux de diplomation de 80 % d’ici 2020 demeure une « priorité » pour le gouvernement Couillard, les ressources accordées à cette lutte ne cessent de s’amoindrir depuis le retour au pouvoir des libéraux. Au point où la région montréalaise devrait voir les initiatives liées à la persévérance scolaire réduites de moitié ou plus cette année, apprend-on de source médiatique. Bandes annonce… Cette année, pour convaincre les jeunes de ne pas décrocher, les Journées de la persévérance scolaire se sont payé une publicité aux allures de bandeannonce de film. Deux têtes d’affiche manquent toutefois au générique : celles de Philippe Couillard et de son ministre de l’Éducation. Autrefois partenaire majeur des Journées de la persévérance scolaire (JPS), Québec s’est complètement désengagé de l’événement, cette année. Une première, et le plus récent exemple de l’impact qu’a eu le retrait du gouvernement Couillard du programme Réunir Réussir (R2), qu’il cofinançait avec la Fondation Lucie et André Chagnon. En septembre, l’ex-ministre de l’Éducation, François Blais, signait l’arrêt de mort de l’initiative R2, dans laquelle Québec et la Fondation Chagnon investissaient chacun 25 millions de dollars, sur cinq ans. À cela s’ajoute la disparition de centaines de milliers de dollars injectés depuis des années pour cette cause, dans chaque région du Québec, par les Conférences régionales des élus (CRE) et les Forums jeunesse, deux types d’organismes

auxquels le gouvernement Couillard a coupé les vivres, en 2014 et en 2015. Dans la métropole, le Réseau réussite Montréal espère être en mesure d’offrir une programmation réduite « à un peu moins de la moitié » de celle de l’an dernier, si l’organisme parvient à obtenir tous les fonds espérés, selon la directrice générale Andrée MayerPériard. « L’an passé, j’ai soutenu pour 2,4 millions de projets locaux dans les quartiers de Montréal. Cette année, j’espère arriver à 1 million, 1,05 million, mais on est encore en discussions. On essaie de rattacher des fils pour préserver une partie des actions qui ont eu lieu par le passé. » Les Régions en difficulté Dans bien des régions, les organismes voués à la réussite scolaire n’ont pu compenser la disparition de ces nombreuses sources de financement. « Ça a été des coupes drastiques, souligne Johanne McMillan, de la Table Éducation Outaouais. Trente-deux projets qui comptaient sur un financement stable sont aujourd’hui forcés de courir dans toutes les directions pour trouver des fonds. Bon nombre d’entre eux ont dû être abandonnés. C’est clair qu’on en souffre, c’est clair que l’objectif 2020 en souffre. Force est de constater que les priorités politiques ont changé. » Quant à la bande-annonce de la campagne nationale des JPS, ne la cherchez pas à la télévision. Elle ne sera pas diffusée. Citant des raisons « stratégiques », les Journées ont choisi de donner priorité « au bouche-à-oreille et aux médias sociaux » cette année, contrairement aux précédentes. «

C’est sûr que dans les faits, cette année, on n’arrive pas à soutenir les actions sur le terrain comme on le souhaiterait. Mais on essaie de travailler pour la suite », assure la directrice de la campagne nationale JPS 2016, Audrey McKinnon. Celle-ci a refusé de préciser l’ampleur de la réduction de son budget d’exploitation, depuis l’an dernier. La philanthropie prend le relais Devant le vide laissé par la disparition des 10 millions versés annuellement par R2, la Fondation Chagnon a accepté de créer un fonds transitoire de 3 millions, cette année. « Clairement, les changements sont multiples sur le plan de la persévérance, observe JeanMarc Chouinard, vice-président de la Fondation. On veut continuer notre rôle, mais ce n’est pas qu’une contribution philanthropique qui va nous permettre d’arriver à atteindre nos objectifs. Personne ne souhaite que la Fondation se substitue au financement récurrent de

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l’État. » Celui-ci presse le gouvernement d’agir, rapidement, pour poursuivre l’atteinte de l’objectif d’un taux de diplomation ou de qualification de 80 % en 2020. Sans surprise, le cabinet du ministre de l’Éducation Pierre Moreau voit les choses d’un autre oeil. Le gouvernement a décidé d’investir 28 millions spécifiquement dans la lutte contre le décrochage cette année, a soutenu sa porteparole, Catherine Poulin. Où ira cette somme ? Il faudra attendre à plus tard pour la savoir. Elles s’ajouteraient à d’autres investissements, notamment pour pallier les difficultés d’apprentissage, selon Mme Poulin. Mme Mayer-Périard garde bon espoir. Des pourparlers sont en cours avec Québec pour faire la « transition », dit-elle. « C’est sûr que cette année, dans les faits, on n’arrive pas à soutenir les actions comme on le souhaitait. […] C’est sûr qu’on travaille pour trouver

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une façon de continuer [le travail] avec le gouvernement pour la persévérance scolaire. Je sens une grande ouverture. » Les Journées de la Persévérance Scolaire Chaque année, le Québec en entier se mobilise pour la réussite éducative dans le cadre des JPS, célébrées durant la 3e semaine du mois de février. En 2016, elles ont eu lieu du 15 au 19 février. Elles surviennent alors que le Québec est toujours bon dernier à l’échelle canadienne en ce qui a trait à la persévérance scolaire. Entre 2009-2010 et 2011-2012, cinq provinces avaient des taux de décrochage supérieurs à la moyenne nationale de 8,1 % : le Québec était en tête de peloton avec 10,6 % de décrocheurs, suivi du Manitoba (10,4 %), de l’Alberta (10,0 %), de la Saskatchewan (9,2 %) et de Terre-Neuve-et-Labrador (8,7 %). L’Ontario affiche un taux de décrochage de 6,6 %.


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Conjoncture

Nouvelle crise financière en 2016 ?

Une dangereuse impression de déjà-vu …

L'horizon s'est dégagé, ces derniers jours, pour les places boursières en Europe et aux États-Unis, après plusieurs semaines calamiteuses. Pourtant, la menace d'une crise majeure n'est nullement écartée.

Une dangereuse impression de déjà-vu … Après la crise des subprimes en 2008 et la crise de la zone euro en 2011, l'année 2016 nous promet-elle un nouveau séisme économique mondial ? Mercredi 10 février, le porteparole du gouvernement français, Stéphane Le Foll, a reconnu que les soubresauts sur les marchés financiers étaient "une source de préoccupation". Depuis le 1er janvier, le CAC40 a cédé plus de 12 % de sa valeur (et 22% de sa valeur en 6 mois.) Avant de se ressaisir mercredi, il a touché le fond, mardi, passant sous la barre des 4 000 points pour la première fois depuis midécembre 2014. Dans toute l'Europe, ainsi qu'en Asie, les marchés ont connu de fortes baisses ces dernières semaines, avant de retrouver des couleurs, sans rassurer pour autant les investisseurs. Si vous n'avez pas tout suivi, francetv info vous résume la situation. Pourquoi les Bourses sont en panique… Un climat d'angoisse généralisée flotte sur les marchés depuis plusieurs semaines. Depuis l'été, et le krach boursier chinois, les investisseurs sont extrêmement nerveux. Le ralentissement de cette économie jusqu'alors dotée d'une croissance exceptionnelle provoque une crise de confiance mondiale, car l’activité chinoise joue un rôle considérable dans l’économie globale, expliquait l'économiste Philippe Waechter en janvier. "Si l’économie chinoise va moins bien, les exportations, notamment de la France vers l’Asie, vont être moins importantes". Car le poids de la Chine dans le commerce de l'Union européenne n'a cessé d'augmenter ces dernières années, au point de devenir le deuxième partenaire commercial de l'Union européenne. En 2014, le pays représentait 13,8% du total des

exportations et des importations de biens de l'UE, rappelle l'institut Robert Schuman.

Très concrètement, certains analystes estiment que si le taux de croissance de la demande intérieure chinoise chute de 2% sur les deux prochaines années, le PIB de la zone euro perdrait 0,6% de croissance. Sans oublier que les pays émergents asiatiques sont très touchés par la crise chinoise et qu'ils sont, eux-aussi, des partenaires commerciaux de l'UE. Du coup, sur le plan financier, les actions de sociétés européennes qui investissent en Chine, ainsi que celles ayant un débouché commercial important sur le marché chinois ont également souffert sur les marchés, poursuit l'institut. Enfin, la croissance chinoise en berne est venue contribuer à la baisse de la demande pétrolière, et donc, à la baisse du cours du prix du pétrole : l'autre bouleversement de ces derniers mois. Surproduction, retour de l'Iran sur le marché pétrolier, flambée du dollar, politique de désinvestissement dans les combustibles fossiles et ralentissement de l’économie en Chine ont conjointement fait plonger les entreprises pétrolières sur les marchés. Or, ces dernières recourent largement à l'endettement pour développer par exemple - leurs activités de forages. Si les investisseurs les boudent, c'est tout le secteur de l'énergie qui tremble, explique ici Le Figaro. Les banques au cœur de toutes les inquiétudes Les investisseurs raisonnent ainsi : si le secteur pétrolier va mal, les entreprises du secteur risquent de ne pas pouvoir rembourser les banques qui leur ont prêté de l'argent, donc il vaut mieux laisser tomber les valeurs bancaires. Cet effet ricochet concerne surtout des établissements américains, mais pas seulement. Selon les analystes de JP Morgan cité par le journal Les Échos, les Français Crédit Agricole SA et Natixis sont également exposés, car 5 à 7 % de leurs prêts sont liés à ce secteur. Face à la crainte d'un ralen-

tissement de l'économie mondiale, les valeurs bancaires ont perdu plus de 27% depuis le début de l'année 2016 (soit deux fois plus que le marché !) Ainsi, dans le top 10 des plus fortes baisses de l'Euro Stoxx 50, on trouve pas moins de 5 banques : "il faut remonter à août 2011 [et la crise de la zone euro] pour trouver trace d'une telle déroute," rappellent Les Échos. Le problème, c'est que le secteur bancaire est particulièrement vulnérable à l'effet de contagion. Certes depuis la crise de 2008, les établissements sont beaucoup moins vulnérables - ils ont notamment été contraints de solidifier leurs fonds propres - . Mais les banques continuent de se prêter de l'argent les unes aux autres pour financer l'ensemble de leurs opérations. "Qu'un maillon s'affaiblisse dans cette chaîne et c'est tout le système qui est exposé aux risques", explique ainsi le journaliste François Lenglet. D'ailleurs, certaines banques restent truffées de créances douteuses, dont le remboursement est loin d'être assuré. Dans les banques italiennes, le montant de ces créances douteuses s'élèverait à 200 milliards. Ainsi "beaucoup

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d'investisseurs ne veulent plus investir dans des établissements qui seraient sauvés non plus d'abord par le contribuable en cas de faillite mais par leurs actionnaires et créanciers", résume Le Point.

gations connaissent de succès, plus les taux d'intérêt baissent. D'ailleurs, dans la zone euro, près d’un tiers des obligations souveraines à court et long terme présentent des rendements négatifs.

Enfin, les banques sont moins rentables pour les investisseurs. Depuis 2008, le régulateur est passé par là : les activités à hauts rendements, risquées pour le contribuable, ont été limitées.

Une bonne nouvelle ? Pas forcément. Selon une note du Fonds monétaire international (FMI), datée du mois d'avril, la persistance de faible taux d’intérêt sur le marché obligataire met en danger de nombreux établissements financiers, "et notamment 24 % des assureurs-vie européens de taille moyenne", détaillait Le Monde. Et pour cause, leurs assurances-vie fonds euros des épargnants sont en grande partie composées d'obligations d'Etat. Soit, un secteur doté d'un portefeuille de 4 400 milliards d’euros d’actifs dans l’Union européenne et par ailleurs "connecté avec l’ensemble du système financier. D’où un risque évident de contagion."

La situation va-t-elle s'arranger ? Autre signe qui ne trompe pas : le recours des investisseurs à des CDS (Credit Default Swap), (sorte de primes d'assurance en cas de défaut de paiement). Convaincu que le secteur bancaire peut, à tout moment, se casser la figure, les investisseurs payent pour assurer leurs arrières, soit rien de très encourageant. Toutes ces incertitudes dans le secteur bancaire encouragent les investisseurs à se reporter sur des actifs réputés moins risqués : les titres obligataires des pays. Enfin, de ceux qui vont bien. Du coup, les taux d'emprunts des pays du sud remontent en flèche, pendant que les investisseurs se réfugient, par exemple dans les obligations allemandes ou française. Seulement, plus ces obli-

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Certains analystes craignent enfin l'explosion d'une "bulle obligataire" qui, provoquant l'effondrement de ce système, pourrait faire davantage de dégâts que les crises financières et économiques de 2008 et 2011.


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Perspectives

Lutte contre l’«évitement fiscal»

La fin des paradis fiscaux? Peter Simons, PDG de la chaîne de magasins du même nom, n’est pas du genre à faire des sorties fracassantes. Mais depuis quelque temps, cet entrepreneur d’ordinaire discret ne se gêne pas pour critiquer les entreprises qui ont recours à des stratégies pour se soustraire, en toute légalité, au fisc. «Prenez les entreprises numériques, dit-il. Comme elles n’ont souvent pas de présence physique là où elles vendent leurs produits, elles ne paient ni taxes ni impôt. On ne peut pas faire des affaires partout et n’être responsable nulle part!» Peter Simons est l’un des rares chefs d’entreprise à critiquer aussi ouvertement l’évitement fiscal, au nom de la saine gouvernance, mais aussi de la concurrence déloyale que crée ce jeu de cache-cache avec l’impôt.

3000 milliards de dollars de manque à gagner Plus de 3 000 milliards de dollars échappent chaque année aux pays occidentaux grâce aux stratégies déployées par des entreprises et leurs banquiers, selon le Tax Justice Network, un organisme international qui lutte contre les paradis fiscaux. Cela équivaut à plus de 75 % du budget 2015 des États-Unis! La pratique met à mal le pacte social, croit Peter Simons. «Qui va payer demain pour nos services, nos villes, nos routes? Quand une entreprise comme eBay est fière d’annoncer qu’elle paie seulement 2 % d’impôt sur ses profits, nous avons un problème.» À l’heure où de nombreux gouvernements se mettent en mode austérité et sabrent les services aux citoyens, il est temps de renverser la vapeur, affirme le PDG. La bibliothèque d’Alain Deneault, professeur de théorie critique à l’Université du Québec à Montréal, déborde d’essais, de romans et même de BD ayant pour toile de fond les Bermudes, les îles Caïmans, la Barbade et autres paradis sur lesquels l’impôt ne se couche jamais… ou si peu. «Quand on parle de paradis fiscaux, on parle de fuite, d’évitement, d’évasion… Comme si les fonds envoyés dans ces îles exotiques allaient s’échouer sur une plage comme les trésors des pirates.

C’est plus que ça: les paradis fiscaux sont les points d’ancrage du capitalisme contemporain», dit ce docteur en philosophie. Le rôle «déterminant» du Canada À lire les essais d’Alain Deneault, on se demande si la réalité ne dépasse pas la fiction. Son plus récent sur le sujet, Paradis fiscaux: La filière canadienne (Écosociété, 2014), soutient pendant près de 400 pages la thèse selon laquelle le Canada a joué un rôle déterminant dans la création des paradis fiscaux. «On entend souvent dire que le Canada n’en fait pas assez concernant l’évasion fiscale. Au contraire, il est très actif: il en fait beaucoup pour la favoriser!» ironise le chercheur, qui est aussi membre fondateur du Réseau pour la justice fiscale Québec, un organisme indépendant associé au Tax Justice Network.

Ainsi, des sociétés canadiennes font ce qu’on appelle des investissements directs, pour maintenir une filiale, par exemple. À la Barbade, où le taux d’imposition est de 0,25 %, ces investissements d’entreprises canadiennes ont augmenté de 220 % de 2000 à 2013! Aux îles Caïmans, où aucun impôt n’est prélevé sur le revenu, ils ont crû de 704 % durant cette période. Au Luxembourg, reconnu pour la souplesse de ses règles fiscales, ils ont grimpé de… 1 809 %. «Sur le papier, le principal partenaire commercial de la Chine, ce sont les îles Vierges britanniques. Et le plus grand exportateur de bananes au monde est l’île de Jersey, où personne n’a jamais vu une banane pousser», dit Alain Deneault. 11 fois plus d’investissement à la Barbade qu’en France! En 2013, le Canada a investi à la Barbade 11 fois plus d’argent qu’en France, pays avec lequel il échange pourtant pour plus de huit milliards de dollars de marchandises par année! Aux îles Caïmans, aucun impôt sur le revenu n’est prélevé. Faut-il s’étonner, demande Alain Denault, d’y compter deux fois plus de sociétés que d’habitants? Des filiales qui prennent souvent la forme d’une simple boîte

postale. (Photo: Pixabay) «Tout ça est parfaitement légal, mais on peut se demander si c’est moral», souligne André Lareau, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval et expert en politique fiscale. Dans sa pratique, l’avocat est appelé à défendre des entreprises dans des litiges les opposant à l’État. Il reste tout de même critique par rapport aux pratiques audacieuses de certaines d’entre elles. L’évasion, qui consiste à ne pas déclarer ses revenus à l’impôt - comme le travail au noir – est illégale. C’est de la fraude, souligne le professeur. Alors que l’évitement entre dans une zone grise… De la «planification fiscale agressive»… L’évitement, désigné parfois comme de la planification fiscale «agressive», ne fait pas appel à des transactions secrètes, explique Lyne Latulippe, professeure de fiscalité à l’Université de Sherbrooke. «Mais les transactions sont faites uniquement pour payer le moins d’impôt possible. Elles respectent la loi, mais contreviennent à l’esprit de celle-ci.» Jusqu’où aller, même en toute légalité? Là est la question. «Ce n’est pas illégal d’avoir une filiale aux Bahamas ou au Luxembourg, mais quand vous y avez seulement cinq employés, et qu’ils jouent aux fléchettes à longueur de journée, c’est difficilement justifiable. Ça devient de l’évitement fiscal», dit Luc Lacombe, fiscaliste et associé

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de Raymond Chabot Grant Thornton.

ouvert toute grande celle de l’évitement.

21 000 milliards de dollars au «noir» À l’échelle planétaire, plus de 21 000 milliards de dollars sont détenus dans des paradis fiscaux, selon le Tax Justice Network, qui estime également que la moitié des flux financiers mondiaux transitent par des législations de complaisance. Certaines pratiques, si elles sont peu connues du grand public, le sont très bien de certaines grandes banques et sociétés-conseils. «S’il y a une demande concernant ce genre de planification, c’est qu’il y a une offre», dit Lyne Latulippe. La banque HSBC, qui fait l’objet d’une enquête en Suisse, est soupçonnée d’avoir aidé de riches clients, dont des centaines de Canadiens et de Québécois, à placer leurs avoirs à l’abri de l’impôt. Même chose pour KPMG, dans la mire du fisc depuis plusieurs années, qui aurait proposé des stratagèmes abusifs à certains de ses clients. Et ce ne sont pas les seules: un rapport d’enquête du Sénat américain déposé en 2005 décrivait déjà à l’époque l’évitement fiscal comme une véritable «industrie» dans laquelle collaborent étroitement de grands bureaux comptables, des cabinets d’avocats, des banques et des sociétés d’investissement. L’ironie, c’est qu’en voulant fermer la porte à l’évasion fiscale de nombreux pays ont

Des pays développés, dont le Canada, ont signé une centaine de conventions avec différents États, y compris des États reconnus comme des paradis fiscaux, pour contrer la double imposition: des entreprises canadiennes peuvent y transférer leurs actifs et y acquitter les impôts, pour ensuite les rapatrier au Canada sans qu’ils soient imposés de nouveau. «Ça va quand le taux d’imposition est similaire au nôtre, mais quand il est insignifiant ou même nul, cela fait que des entreprises ne paient plus d’impôt du tout», explique André Lareau.

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La mondialisation a par ailleurs stimulé la concurrence entre les pays, qui tentent d’attirer des entreprises en diminuant leur taux d’imposition ou en offrant d’alléchants crédits fiscaux dans certains secteurs. Tout cela s’est retourné peu à peu contre les États, constate Jean-Pierre Vidal, professeur au Département de sciences comptables à HEC Montréal, expert en fiscalité internationale et en éthique fiscale. «Les entreprises se sont mises à séparer leurs activités par pays en fonction de ce qui les avantageait. Pour elles, l’impôt est un coût comme un autre, qu’elles tentent de réduire le plus possible.»


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Entreprise

Sociofinancement et développement local

La plateforme Mobilisons local voit le jour Que ce soit pour lever des fonds pour un organisme communautaire, chercher une mise de fonds pour un projet d’entreprise d’économie sociale ou tout simplement lancer une idée pour améliorer son quartier, une nouvelle plateforme virtuelle montréalaise a été créée pour faciliter le financement du développement local rendu plus difficile par les compressions. Mobilisons local fonctionne à la manière d’un site de sociofinancement, à la différence que cette plateforme-ci souhaite créer des liens dans la communauté. « Nous voulons mobiliser nos ressources sur nos territoires pour nos projets », indique Rachad Lawani, idéateur de la plateforme et conseiller aux entreprises collectives auprès de la Corporation de développement de l’Est (CDEST), elle-même partenaire du projet. Donner son argent… ou son temps L’interface vise surtout les petits projets de quelques milliers de dollars, disqualifiés par

les critères de subventions. Ainsi, pour cette raison, Mobilisons local a fait le choix de demander un certain nombre d’appuis aux entrepreneurs intéressés par l’outil, avant de pouvoir lancer une campagne de sociofinancement. Cinquante personnes prêtes à aider sont donc nécessaires à l’inscription d’un projet. Pour les organismes communautaires et entrepreneurs, l’intérêt se trouve dans la possibilité de récolter les fonds promis lors de la campagne de financement, et cela, même si leur objectif n’est pas atteint. « Sur beaucoup de plateformes, c’est tout ou rien, alors qu’un organisme qui reçoit 3000 $ sur un objectif de 5000 $ en aura tout autant besoin », explique Rachad Lawani. Il y a aussi la possibilité pour les personnes intéressées de proposer des services en temps, plutôt qu’en argent, afin d’inclure celles qui n’ont pas forcément les moyens de soutenir un projet, mais qui souhaitent offrir une expertise. « Ça valorise l’engagement et le

bénévolat, soutient Francine Labelle, directrice de la CDEST. C’est l’une des raisons principales pour lesquelles on a jugé bon de soutenir ce projet. » Drôle de moment pour dévoiler son projet, selon son géniteur. Le lancement du site s’est fait quelque temps après la restructuration dans l’aide au développement local à Montréal. En 2014, les mesures d’austérité du gouvernement libéral avaient fait péricliter ces fonds. À Montréal, l’enveloppe est ainsi passée de 17,5 à 6,8 millions de dollars. « Les entreprises d’économie sociale ont toujours eu une source de financement très petite, même avant cette réduction de financement. […] C’est sûr que l’outil devient, avec la situation actuelle, hyperpertinent. » Rebrassage En plus de la diminution de l’enveloppe, le Pacte fiscal remettait entre les mains du maire Denis Coderre la gestion des 18 Corporations de développement économique commu-

nautaire (CDEC) et les Centres locaux de développement (CLD). En octobre 2015, le maire a lancé PME MTL, qui remplace l’ancien maillage des CLD par une structure centralisée autour de six pôles territoriaux, comme la CDEST pour l’est de l’île. Un coup dur pour Mobilisons local, qui a dû réduire ses ambitions par manque de partenariat durant la restructuration. « Si les CDEC étaient comme elles étaient avant le pacte fiscal, j’aurais eu plus de financements, déplore Rachad Lawani. J’ai dû moimême financer le projet, parce que les autres sources de financement privées n’étaient pas au rendez-vous. »

Sa démarche a été pourtant reconnue par l’opération « Je vois Mtl » tenue par la Chambre de commerce de Montréal et la Ville en 2014, qui l’avait sélectionnée avec 180 autres projets pour « accroître la prospérité de la métropole ». Mais il déplore encore le manque de soutien. « Dans beaucoup de régions à l’extérieur du Canada, ce sont les collectivités locales qui financent les plateformes collaboratives pour des projets locaux. À Montréal, on est encore loin de cette vision, de faire du développement de manière innovante, même si on se targue d’être une ville intelligente. »

Comment devenir entrepreneur culturel Un nouveau programme à la CSMB Jusqu’à maintenant, le programme CASE a accueilli des artistes ou gestionnaires d’entreprises culturelles âgés de 20 à 45 ans déjà diplômés ou autodidactes.

Un nouveau programme professionnel d’entrepreneuriat destiné aux créateurs, artistes, producteurs et techniciens du milieu des arts vient d’être lancé par la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) pour pallier le manque de formation entrepreneuriale chez la clientèle adulte qui se destine au domaine des arts. Le nouveau Carrefour des arts

de la scène et de l’entrepreneuriat (CASE), qui a déjà accouché de deux cohortes de finissants depuis son lancement lors d’une première phase d’implantation l’an dernier, vise à doter les artistes ou les gestionnaires d’entreprises artistiques de compétences spécifiques en affaires, en représentation et en développement de projet pour percer dans le milieu culturel.

« Nous étions vraiment le chaînon manquant dans l’industrie, car nous sommes pour l’instant le seul programme professionnel public et gratuit qui permet à une per-

sonne de recevoir une formation de base entrepreneuriale dans le domaine des arts », affirme Hélène Pilote, directrice du Collège d’informatique et d’administration VerdunLaSalle (CIAVL), qui dispense déjà de nombreux programmes professionnels à la clientèle adulte.

Jusqu’à maintenant, le programme CASE a accueilli des artistes ou gestionnaires d’entreprises culturelles âgés de 20 à 45 ans déjà diplômés ou autodidactes, et il a facilité le placement ou le développement de plusieurs projets d’affaires, affirme Mme Pilote.

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« Ce fut très concluant », ditelle. Avec plus de 330 heures de formation consacrées à l’entrepreneuriat, et 450 heures à la représentation, le programme prévoit 45 heures destinées à la mise sur pied d’un projet d’affaires en bonne et due forme. « Beaucoup d’écoles forment des artistes, mais dès que les jeunes sont “lâchés dans la société”, ils ne savent pas toujours comment en vivre. Notre but, c’est de donner aux artistes les clés pour vivre de leur métier et faire carrière de façon autonome », explique Hubert Mansion, un des deux profes-

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seurs du nouveau programme. Pour l’heure, le programme a attiré divers profils d’étudiants, dont des artistes indépendants, des musiciens, des universitaires issus de l’École des médias (UQAM), des conservatoires de théâtre ou de HEC Montréal, souhaitant lancer leur propre entreprise culturelle. Développé par le directeur du théâtre Paradoxe, Pierre Pagé, ex-agent d’artiste, et Hubert Mansion, qui a été avocat spécialisé dans le milieu culturel, le programme devrait accueillir chaque année deux cohortes d’une vingtaine de personnes, affirme la directrice du CIAVL.


www.atlasmedias.com

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Actes

Éclairages

Protection des minorités religieuses Le constat du forum de Marrakech

Des dignitaires religieux de toutes les confessions étaient réunis à Marrakech du 25 au 27 janvier 2016 à l’occasion de la tenue du Forum sur la protection et la sauvegarde des droits des minorités religieuses.

la promotion de la paix dans les sociétés musulmanes.

Cette rencontre tenue à l'initiative du Maroc, ambitionnait, en se basant sur la Charte du prophète rédigée 1400 ans plutôt, d’élaborer une déclaration finale à destination des pays musulmans pour affirmer la tradition musulmane en matière de protection des minorités religieuses. La rencontre offrait également une précieuse occasion, par l'affirmation de la véritable tradition musulmane de tolérance, de contrer l'idéologie erronée et violente, prônée par Daesh. Marrakech, pendant deux jours, aura ainsi été la capitale de la tolérance religieuse, créant un moment assurément historique pour le monde arabo-musulman. La paix au cœur Organisé à l'initiative du ministère des Habbous et des Affaires islamiques, le sommet sur la protection et la sauvegarde des minorités religieuses dans les pays musulmans s’est notamment axé autour du Forum pour

Plus de 300 dignitaires religieux, des savants musulmans, des juristes et de représentants politiques de pays musulmans ou à majorité musulmane dont l'Égypte, la Turquie, l'Irak, le Pakistan ou encore l'Iran étaient de la partie. Le forum a également accueilli des représentants de minorités religieuses vivant en terre d’Islam. L'archevêque émérite de Washington, le Rabbin Burt Visotzky du Séminaire théologique de NewYork mais aussi des représentants du Vatican, des Hindous, des Sikhs et d'autres groupes religieux minoritaires dans le monde, ont pris part au forum. La Charte de Médine Au cours de cette rencontre au sommet, les participants devaient formuler une nouvelle déclaration tirant son essence de la Charte de Médine édictée par le Prophète en 622 et considérée comme la première constitution du monde musulman. Cette charte énumérait déjà les droits des non-musulmans dans les sociétés musulmanes et la protection de ces minorités. L'objectif des participants est donc de reprendre les principes

de la Charte de Médine afin d'affirmer dans leur déclaration finale, avec des mots plus contemporains et suivant la loi islamique, les droits des minorités religieuses vivant dans des pays musulmans. Renouer avec les enseignements authentiques Attendu au forum, le Cheikh Hamza Yusuf, co-fondateur de la Zitouna College of Arts aux États-Unis, premier collège d'art libéral musulman, renvoie à la tradition musulmane pour rendre effectif les droits des minorités religieuses. Il explique que les musulmans doivent se remémorer, « en ces temps où ils doivent affirmer leurs traditions de tolérance» de s’inspirer « des enseignements authentiques de leur religion» et se souvenir que « le prophète a été religieusement persécuté et qu’il savait donc ce qu'était de vivre la persécution religieuse ». Sur la liste des participants on trouvait également des universitaires défendant la tolérance religieuse. Mohamed Magid, directeur exécutif de la mosquée All Dulles Area Muslim Society en Virginie aux États-Unis, salue le fait que la déclaration soit basée sur un texte important de la tradition islamique. « Le point

le plus important de la déclaration est le fait que les érudits musulmans se penchent sur cette question [de la protection des minorités religieuse, NDLR] au sein de la tradition islamique », souligne Mohamed Magid qui espère que les conclusions du forum seront reprises par les pays musulmans dans la rédaction des documents politiques et la conception des programmes scolaires. Contrer la philosophie radicale Un objectif sous-jacent guidait

Rencontres et débats

L’Institut Musulman de Montréal organise les 5 et 6 mars 2016 à l’Université du Québec A Montréal une rencontre sur le thème

Entre quête spirituelle et géopolitique Penser l’Islam des jeunes aujourd’hui Quelle place pour la spiritualité dans un Québec décrit comme une «société post-religieuse» Informations et inscriptions : info@immtl.ca 33

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aussi ce forum. Il s'agissait pour les participants d'affirmer la véritable tradition musulmane et ainsi contrer l'idéologie du pseudo État islamique, régulièrement accusé de mener une persécution ciblée sur les minorités religieuses dans les zones où s’est étendue l'organisation terroriste. C'est peut être sur le terrain de l'opposition idéologique que Daesh sera vaincue. Ce forum en posera peut-être les premiers jalons.


Actes

Tendons nos mains aux orphelins

Appel reçu: 201 orphelins dont 59 familles (189 au Maroc et 12 en Tunisie)

C’est sous le thème " Tendons nos mains aux orphelins " que SDO a organisé le samedi du 20 février 2015 un souper bénéfice grandiose en faveur des orphelins des du Maghreb (Maroc et Tunisie).

Soleil des orphelins (SDO) est un organisme charitable enregistré, en opération depuis 2005 et ayant pour mission de prendre en charge les orphelins dans le besoin en Afrique. Cet évènement a permis de réunir sous le même toit 429 personnes à lasalle d’Embassy Plaza à Laval autour d’un souper copieux dans une ambiance fraternelle, chaleureuse, familiale et festive. Plusieurs personnalités du domaine politique, associatif et communautaire ont pris part à cet évènement dont notamment l’honorable ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Réforme des institutions démocratiques, Mme Rita Lc DE SANTIS, la députée provinciale Mme Marie MONTPETIT, ainsi que La Consule Générale du Royaume du Maroc à Montréal Mme HABIBA ZEMMOURI. La soirée a été animée par Dr NAJIB AMINE un grand bénévole et acteur au sein de la communauté. Le programme a débuté par le mot du président qui a annoncé deux bonnes nouvelles, soit l’extension des activités de SDO à la Tunisie, un partenariat dans ce sens a été signé avec une association locale et le lancement du programme de parrainage de famille. Par la suite, l’assistance a écouté des témoignages très touchants des veuves et orphelins vivant dans le besoin pris en charge par SDO démontrant les types d’aides reçues (approvisionnement mensuel en nourriture, mouton Eid-Adha, cartable scolaire, camp de jour,...) et leur impact sur le développement de l’orphelin et sur son intégration dans le tissu social. Le témoignage a été suivi d’une levée de fonds qui a permis le parrainage de 201 orphelins dont 59 familles (189 au Maroc et 12 en Tunisie) Bravo et mille mercis pour la générosité des donateurs qui ont laissé parler leur cœur pour contribuer à alléger les orphe-

Les membres du conseil de l'association SDO. De gauche a droite : Rachid zahidi (trésorier ), abdelhaq sari (président), Mohammed moutahir (vice président ), najib amine (secrétaire général ), najib Benchekroun (administrateur), mustapha essalih (administrateur). lins vivant dans la privation, la détresse et le dénuement! Une soirée bien remplie ! Et pour joindre l’agréable à l’utile, la présence a eu droit à des moments de détente et de divertissement en compagnie du sublime chant du groupe Chorale Arije et le magnifique

leur appui, des cadeaux de valeur ont été tirés tout au long de la soirée.

té d’organisation dont l’ équipe SDO fait preuve », raconte une marraine.

Les commentaires sont unanimes : « Ce souper bénéfice est maintenant devenu un événement incontournable dans la communauté ! » explique fièrement un

«C'est avec grand plaisir que j'ai participé au Souper bénéfice au profit des orphelins nécessiteux de l'organisme le "Soleil des orphelins", en compagnie de ma collègue, Marie

« Il m'a fait plaisir de participer à la soirée de levée de fonds pour les orphelins de Soleil des orphelins en compagnie de ma collegue Rita de Santis et de Mme Habiba Zemmouri, Consule générale du Royaume du Maroc à Montréal. Mes sincères félicitations aux organisateurs, à Mr Abdelhaq Sari ainsi qu'à toute son équipe. Merci à tous ceux et celles avec qui j'ai eu le plaisir de discuter ce soir. » a commenté Mme Marie Montpetit Députée de Crémazie dans sa page Facebook le jour de l'événement. SDO vous donne rendez-vous durant le mois sacré du ramadan pour un souper IFTAR 2016, suivez nous sur nos pages des medias sociaux pour ne pas le manquer.

chant folklorique du groupe Basmat Montréal. De plus, des activités parallèles passionnantes ont été au rendez-vous, rendant la soirée plus colorée: photoboot ,Henné, et le traditionnel Coin du thé. Et finalement pour remercier la présence pour leur générosité et

parrain. « Cette soirée caritative est réellement appréciée des invités; elle est bien orchestrée, les gens ont eu le temps d’échanger dans une ambiance très conviviale pour une bonne cause !. ceci démontre la quali-

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Montpetit, députée de Crémazie! Mes félicitations à M. Abdelhaq Sari et à son équipe pour cette belle soirée! Un grand merci! Chokran! » Commente Mme la ministre Rita de Santis sur sa page facebook.

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La réussite de la soirée est le résultat de l’effort collectif du conseil d’administration, du comité de gestion, des bénévoles, des commanditaires, des partenaires medias, des parrains , des donateurs et des sympathisants à la cause , SDO les remercie chaleureusement de tout cœur. www.soleildesorphelins.org


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Actes

Soleil Des Orphelins

L’association fête sa onzième année

L’association Marocaine, Soleil Des Orphelins (SDO) a réuni plus de quatre cents convives dans une ambiance familiale le 20 février dernier dans le but d’amasser des fonds pour soulager la pauvreté des orphelins en Afrique et au Canada.

L’organisme qui encourage le parrainage visant à subvenir aux besoins élémentaires ainsi qu’à défrayer les coûts liés à leurs soins de santé et à leur éducation afin d’améliorer leurs conditions de vie et faciliter leur intégration sociale et professionnelle. Monsieur Abdelhaq Sari, Président de l’Association SDO rappelait à cette occasion le caractère exceptionnel de cet événement qui fête sa onzième année et qui organise de manière ponctuelle plusieurs événements dont le souper au mois de Ramadan avec la communauté.

Lors de cet événement on notait également la présence de Madame Habiba Zemmouri, Consule Générale du Royaume du Maroc à Montréal qui apportait son soutien à cette noble cause. Interview avec Monsieur Abdelhaq Sari Président de l’association Soleil Des Orphelins L’association Soleil Des Orphelins organisait le 20 février dernier son traditionnel souper bénéfice annuel pour venir en aides aux orphelins au Canada et en Afrique, l’occasion de rencontrer son Président Monsieur Abdelhaq Sari qui a bien voulu répondre à quelques questions : Atlas Mtl : Pouvez-vous nous parler des circonstances de création de l’association et de l’organisation de ce souper

bénéfice?

Abdelhaq Sari : On fête cette année la onzième année de la création de l’Association qui a été fondée en 2005 par un groupe de marocains professionnels qui avaient vraiment au cœur la noble cause des orphelins…c’est une association qui a été créé par ce groupe de professionnels avec leur pays d’origine. M Abdelhaq Sari, Cette année la mission de président de l'assocation Soleil Des Orphelins l’organisme a été consolidée par un partenariat avec des chons à atteindre le chiffre de associations sur le sol tunisien. Quel est le bilan de l’année 1000 orphelins, ce qui 2015 et quel sont les objectifs représente un challenge. Le Comment arrivez-vous à pour 2016 et 2017? prochain évènement qui est mobiliser la communauté? programmé sera pour le mois L’année 2015 a été une réussite de Ramadan 2016 et qui rasPour moi c’est facile car la puisque nous avons doublé le semblera la communauté. mission est humanitaire avant nombre de parrains avec 164 et d’être communautaire…que ce on a doublé le nombre Propos recueillis par Réda soit en Afrique ou que ce soit d’orphelins à qui nous sommes Benkoula ici au Canada, il est facile venus en aide avec 300 orphed’être rassembleur avec cette lins et pour 2017 nous chercause.

Interview avec Madame Habiba Zemmouri Consule Générale du Royaume du Maroc à Montréal On notait lors du souper bénéfice de l’Association Soleil Des Orphelins, la présence de Madame Habiba Zemmouri, Consule Générale du Royaume du Maroc à Montréal qui répondu à quelques questions : Atlas Mtl : Quel est votre sentiment en assistant à cet évènement annuel du Soleil Des Orphelins? Madame Habiba Zemmouri : Je suis ravie d’être présente lors de cette soirée initiée par l'association " Soleil des orphelins"qui concerne une noble cause qui est celle des orphelins. Il est évident qu'aucun geste ne peut remplacer l’amour des parents, mais en parrainant un orphelin, on lui apporte un soutien moral et on réduit en partie ses larmes et sa souffrance quotidienne. Il est de notre devoir tous d'accompagner ces mineurs de les assister et de prendre en charge une partie de leurs besoins les plus élémentaires.

En effet, outre la dimension affective de cet acte de solidarité et de bienfaisance, assurer l'encadrement d'un orphelin contribue à prévenir plusieurs phénomènes sociaux (délinquance, criminalité et autres).Cette soirée est donc une grande action des plus louables qui mérite d'être apprécié. Vous venez d’être nommée en tant que Consule Générale du Royaume du Maroc à Montréal. Comment se sont passées les rencontres que vous avez faites auprès de la communauté? Tout d'abord, je me réjouis de mon affectation en qualité de Consule Générale du Maroc à Montréal parce que je suis au service d'une communauté de qualité, intellectuelle et très distinguée par ses fortes potentialités, dans un pays qui correspond au système des valeurs de notre Royaume dans la coexistence, la tolérance et l’ouverture à

l’autre. Effectivement, j’ai eu des entretiens avec plusieurs acteurs associatifs et médiatiques au Consulat, une rencontre de communication en faveur de toute la communauté marocaine en partenariat avec le Directeur de Dar Al Maghrib. J’ai également eu l'occasion d'établir le contact avec des membres de notre communauté installée à Alberta lors de mon déplacement à Edmonton. Mme Habiba Zemmouri Lors de ces rencontres, c'était Consule Générale du Royaume du Maroc à Montréal toujours un plaisir d'établir le contact avec notre commud'être au service de la comfévrier est dédiée à tous les nauté, de l'écouter et de munauté marocaine et de membres de la communauté recueillir toutes ses recoml’assister dans ses difficultés. marocaine, qui pour des consimandations et suggestions et Je voudrais rappeler, à cet dérations particulières, notampourquoi pas leurs critiques égard, que ma nomination ment professionnelles, ne peuconstructives. En résumé, intervient dans le cadre d’un vent se présenter au Consulat toutes les rencontres étaient discours royal , considéré pendant les jours ouvrables. fructueuses et empreintes de comme une feuille de route C'est une journée ou toutes les sagesse, de l'excellence du pour réformer l’action conprestations consulaires habitudialogue et du respect mutuel. sulaire . L'initiative de elles seront servies et lors de l’opération « consulat portes laquelle je serai à l'accueil, Vos prévoyez d’organiser ouvertes » est donc une des ravie de répondre à toutes les des portes ouvertes au actions que je prévoie pour questions et les recommandaConsulat le 27 février protraduire cette volonté de tions. chain. Quel en est l’objectif? réforme de réconciliation et de considération à l'adresse de Propos recueillis par Réda Mon objectif principal étant nos citoyens. L'action du 27 Benkoula

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Sports

Ski alpin

Les frères Lamhamedi; encore plus vite, encore plus fort… Une semaine après avoir raflé les deux premières positions du slalom au Mont-St-Sauveur, Adam et Sami Lamhamedi ont récidivé le 20 février 2016 dans une compétition qui s’est déroulé sur les pistes de Relais. Comme la semaine dernière, le grand frère Adam a pris l’avantage sur son petit frère Sami en remportant les deux manches avec un chrono final de 1:40.31 et une avance de 73 centièmes. Il s’agit de la troisième victoire de rang en courses FIS universitaire pour le marocain représentant le Rouge et Or de l’université Laval. Raphael Quenneville de l’Équipe du Québec prend la 3e position avec un temps cumulé sur les deux manches de 1:41.21. Le skieur du MontSte-Marie avait déjà pris la 3e place du slalom de la Super

Série un peu plus tôt cette semaine.

Chez les dames, Hannah Schmidt monte pour la 3e fois cette saison sur la plus haute marche du podium en courses FIS. La skieuse du club de Mont-Tremblant, deuxième à l’issue de la 1ère manche avec 95 centièmes de retard sur Élyse Boulanger de l’équipe du Québec, a réussi à inverser les débats en après-midi pour l’emporter de 32 centièmes en 1:50.91. Boulanger se classe en 2e position pour sa première participation cette saison à un slalom depuis son retour de blessure au début du mois. La skieuse du club voisin de Stoneham avait coché cette course au calendrier « Je voulais reprendre ici car c’est une piste que je connais par cœur et qui n’est pas trop compliqué, je n’avais

pas assez d’entraînement en slalom dans tous les cas pour reprendre avant » ditelle à l’arrivée. Stéphanie Gould, ex-membre de l’Équipe du Québec qui représentante à présent le Rouge et Or de l’université Laval prend la 3e place en 1:51.85.

Ski Québec Alpin Ski Québec alpin (SQA) qui diffuse cette information, est un organisme de sport provincial qui supervise l’organisation du ski alpin compétitif dans le territoire québécois et encourage et développe la participation. Son mandat consiste à promouvoir la pratique du ski alpin, à recruter et à développer des athlètes, à organiser des compétitions, de même qu’à recruter, former et maintenir en poste des entraîneurs, des officiels et des administra-

teurs. SQA doit également amener des athlètes à participer à des compétitions provinciales et nationales. Il soutient l’accueil et l’organisation d’événements et la participation d’équipes provinciales et

Association Canado-Marocaine de Développement des Sports Ontario (CMSDA)

M. Redouane Kanouni à la présidence

l'Association Canado-Marocaine Les membres de de développement l'exécutif de des sports l'Association Canado-Marocaine (CMSDA) pour l’année 2016-2017 de développement sont: des sports (CMSDA) ont déci- Mr. Redouane Kanouni: Président dé à l'unanimité et conformément aux Mr. Hicham Rifai : Secretaire Général lois et règlements Mr. Driss Hajoui: de l'association de Trésorier désigner Dr M.Redouane Dr. Ahmed Kanouni va assum- Abdellah Allali Hassani en tant que Mamai: Directeur er le rôle et les Mr. Hicham Directeur. responsabilités du Bourekbi: Président jusqu'à la Directeurr Le nouveau tenue de la proDr. Abdellah bureau chaine générale Allali Hassani : Les membres de annuelle réunion Directer l'exécutif de prévue en 2017. Suite à la démission du Président M. Hassan Rifai pour des raisons personnelles et conformément aux lois et règlements de la CMSDA, l'actuel Vice-Président M. Redouane Kanouni devient Président.

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nº 272 du 25 février au 09 mars 2016

d’athlète du Québec, dont les frères Lamhamedi, à ces événements. Informations : www.skiquebec.qc.ca


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