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Un secteur public québécois monochrome Le déficit atteint 25 000 employés issus des minorités visibles

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Donnez-vous (vraiment) la moitié de votre revenu à l'impôt? Page 11


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Emploi Editeur : Abdelghani Dades. Directeur Général Rachid Najahi. Rédaction : Abdelghani Dades, Wahid Megherbi, Narjisse El-Bakkali, Zahira Ellahgui, Mona Doutabaa, Said Chayane, Reda Benkoula Publicité : Pub Smart Conception et Réalisation Graphique : Atlas Média Atlas.Mtl est un produit du. GROUPE ATLAS MEDIA Inc Editeur de. * La Voix des Marocains à Montréal et du site web: www.atlasmedias.com

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Depuis 2002 Groupe Atlas Media Quinze ans, c’est… • 321 numéros du bimensuel Atlas.Mtl, soit plusieurs milliers d'articles exprimant la sensibilité maghrébine et valorisant la dimension maghrébine de la société dans laquelle nous vivons; • Une soixantaine d'événements identitaires, artistiques, culturels et politiques; • De nombreux débats, colloques, séminaires et conférences, • 132 reportages sur la communauté pour les chaînes de télévision 2M, AlMaghribia, Ai Aoula, Arrayadia; • 365 émissions radio (de 2002 a 2009); • Un site web ayant accueilli plus de 16 millions de visiteurs depuis 2003

Un secteur public québécois monochrome

Le déficit atteint 25 000 employés issus des minorités visibles Les minorités visibles québécoises représentent désormais un peu plus de un million de personnes. Et il est évident que ces minorités ne sont pas suffisamment représentées dans les ministères et les organismes publics de la province. De fait, la grande majorité des employeurs du secteur public n'arrivent pas à atteindre les cibles de recrutement fixées par l'État. « Il manque plus de 25 000 employés issus des minorités visibles dans les organismes publics du Québec » constatait une analyse des chiffres disponibles réalisée il y a deux ans par nos confrères de Radio Canada et qui se trouve aujourd’hui confirmée à nouveau, avec une même conclusion: la sous-représentation perdure. Ainsi Hydro-Québec ne compte que 4 % de représentants des minorités visibles parmi ses employés, les ministères provinciaux 7 % alors que 13 % des Québécois n’ont pas la peau blanche. Au moment où les appels au « vivre-ensemble » se multiplient, faudra-t-il aussi appeler à travailler ensemble ? Dans le cadre de cette analyse actualisée, Radio Canada a compilé les données sur les effectifs de plus de 400 organismes publics et ministères employant près de 700 000 Québécois. La plupart de ces données ont été obtenues auprès de la Commission des droits de la personne, mais aussi du Conseil du Trésor ou directement auprès des organismes. Pour les besoins du travail, on a retenu la définition suivante de «minorités visibles» : toutes les

personnes qui n'ont pas la peau blanche. Les Autochtones ne sont pas comptabilisés comme des minorités visibles. Au Québec, les principaux groupes représentés sont dès lors : les Noirs, suivis des Arabes, des Latino-Américains et des Sud-Asiatiques. L'effectif des ministères et des organismes doit refléter cette composition démographique de la société québécoise. En respect de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, la Commission des droits de la personne fixe des cibles de recrutement de minorités visibles pour chaque organisme public en fonction de différents critères, comme la région ou la disponibilité de la main-d'œuvre

municipalités comptant plus de 500 employés. Chacune devrait recruter une cinquantaine de minorités visibles supplémentaires. À l’inverse, la Ville de Sherbrooke a beaucoup progressé au cours des deux dernières années en embauchant une cinquantaine d’employés de couleur. La municipalité est passée du groupe des moins bons élèves à la deuxième position. La Ville de Laval a fait aussi beaucoup de progrès depuis notre dernière analyse : elle a multiplié par cinq le nombre de minorités visibles parmi ses fonctionnaires. « On a opéré un changement de culture », explique la conseillère en acquisition de talents à la

La place des minorités visibles dans la population québécoise 2001 : 7 % 2006 : 9 % 2011 : 11 % 2016 : 13 % Source: Recensement/Statistique Canada dans le domaine. Ainsi, par exemple, on n'imposera pas la même cible à Montréal qu'à Saguenay. Au vu de ces précisions comment se présente la situation? En voici un apercu. Dans les municipalités Avec des minorités visibles qui se comptent sur les doigts d’une main, les villes de Repentigny et de Saint-Jérôme sont celles qui sont le plus en retard parmi les

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Ville de Laval, Andrée Assaf. Les gestionnaires et les syndicats ont, par exemple, été sensibilisés à la nécessité de recruter des membres de la diversité. «Nos élus municipaux sont plus diversifiés (qu'avant). Ça a pu permettre de mousser notre recrutement, d'attirer des candidats» déclare-t-elle. La très vaste majorité des Québécois membres des minorités visibles (9 sur 10) vit dans la région métropolitaine de

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Montréal. Parmi tous les résidents de la ville de Montréal, 1 sur 3 n'a pas la peau blanche. La Société de transport de Montréal (STM) est l'un des très rares organismes a être parvenu à atteindre 100 % de l’objectif fixé par Québec, avec près de 1700 membres de minorités visibles parmi ses employés. Dans le milieu de la santé Les organismes de santé qui sont les plus représentatifs de la diversité de leur population sont les cinq Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) de l’île de Montréal, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) et le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de l’Outaouais. Ce sont les seuls à avoir dépassé 50 % de leur objectif fixé par la loi. L’Institut de cardiologie de Montréal fait figure d’exception dans la métropole : il n’a pas fait de progrès depuis notre dernière analyse. L’établissement manque cruellement de minorités visibles pour atteindre ses cibles. D’une cinquantaine d’employés de couleur, il devrait passer à près de 300. Les six organismes qui ont le plus de retard quant à leurs cibles de recrutement sont tous les CISSS de la banlieue de Montréal. Au bas du classement, on retrouve le CISSS des Laurentides, qui doit encore recruter près de 1000 membres des minorités visibles pour espérer atteindre les objectifs. « Nous déployons beaucoup d’efforts pour publiciser tout le potentiel d’une carrière dans le

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Emploi

Un secteur public québécois monochrome

Le déficit atteint 25 000 employés issus des minorités visibles Suite de la page 3 réseau de la santé de notre belle région, assure la porte-parole du CISSS des Laurentides, Thaïs Dubé. Nos équipes de recrutement s’affairent également à couvrir les territoires de Montréal et de Laval, où on retrouve beaucoup plus d’étudiants issus d’un groupe de minorités visibles. » Dans Les commissions scolaires La palme de la représentativité revient à la Commission scolaire de Montréal, avec 2400 minorités visibles dans ses rangs. Elle a presque atteint l’objectif fixé par l’État. Juste derrière, avec 84 % d'avancement, on trouve la Commission scolaire RenéLévesque, en Gaspésie. Elle emploie une soixantaine de membres de minorités visibles. Une bonne preuve qu’il est possible de satisfaire les cibles, même en région. Les cinq commissions scolaires qui affichent le pire bilan sont toutes situées en banlieue de Montréal. Elles sont sous les 10 % de l’objectif et ont fait peu ou pas de progrès dans leur recrutement depuis notre dernière analyse. « On est engagés à atteindre nos cibles, assure la directrice des ressources humaines (DRH) de la Commission scolaires des Patriotes, Nathalie Avon. Mais on a peu de candidatures. » « Tout le défi est de parvenir à les attirer », ajoute la DRH. Elle rappelle que les cibles de son organisme sont calculées sur les bases de la population de toute la région de Montréal, mais que tous les Montréalais n'ont pas envie de travailler en banlieue.

Dans les cégeps Les collèges anglophones sont en tête de liste de ceux qui représentent le mieux la diversité. Du côté francophone, seuls le Collège de Maisonneuve et le Collège Rosemont ont dépassé la moitié de leur objectif de recrutement. Plusieurs établissements en région font vraiment pâle figure. Les cégeps de Jonquière, de Victoriaville et de Sept-Îles n’ont aucune minorité visible parmi leurs employés, alors qu’ils devraient en avoir respectivement 62, 21 et 14. Un organisme qui ne démontre aucun effort dans son recrutement de groupes cibles pourrait faire l’objet d’une plainte devant le Tribunal des droits de la personne.

Taux de réalisation de l’objectif de recrutement de minorités visibles

1- Montréal : 82 % 2- Sherbrooke : 75 % 3- Gatineau : 50 % - Québec : 50 % - Lévis : 50 % 4- Laval : 40 % 5- Pointe-Claire : 31 % 6- Longueuil : 22 % 7- Terrebonne : 10 % - Saguenay : 0 % - Trois-Rivières : 0 % - Repentigny : 0 % - Saint-Jérôme : 0 % Source: CDPDJ (données 2013-2016) Dans la police

99,5 %. Moins d’une trentaine de minorités visibles y sont employées. Il en faudrait cinq fois plus, mais l’organisation stagne – voire recule – depuis des années dans ce domaine de recrutement. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) compte 14,5 % de minorités visibles parmi son effectif policier et administratif. On est encore bien loin des 34 % que compte la population de la ville de Montréal, mais des efforts ont été faits ces dernières années. « Toutes les femmes et les minorités visibles, ethniques ou autochtones qui réussissent notre processus de sélection sont embauchées », indique la porte-parole du SPVM, Isabelle Matte. Dans l’administration publique

Le quartier général de la Sûreté du Québec a la peau blanche à

Les ministères québécois n'ont pas de cibles spécifiques comme

les organismes publics. Le Conseil du Trésor s'est fixé l'objectif d'avoir 9 % d'employés réguliers membres des communautés culturelles. L'appellation « communautés culturelles » regroupe les minorités visibles, mais également les minorités ethniques (personnes blanches dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais). En 2017, la fonction publique a atteint pour la première fois la barre des 9 %. Selon les informations recueillies auprès du Conseil du Trésor, trois quarts des minorités culturelles sont des minorités visibles. La représentation est donc de 7 %, soit très loin des 13 % que compte la population québécoise. Le gouvernement n'a pas revu sa cible à la hausse depuis 2001. Pourtant, la population québécoise a bien changé.

Le chômage progresse de 0,1 point et s’établit à 5,9 % Le taux de chômage a augmenté de 0,1 point de pourcentage pour s'établir à 5,9 % en janvier, vient d’annoncer Statistique Canada.

L'emploi a diminué de 88 000 en janvier, a ajouté l'agence fédérale. Le travail à temps partiel a connu un recul (-137 000), tandis que le travail à temps plein a progressé (+49 000).

Par rapport à 12 mois plus tôt, l'emploi a augmenté de 289 000 ou de 1,6 pour cent. Cette croissance est attribuée à une hausse du travail à temps plein (+414 000 ou +2,8 pour cent), alors que le travail à temps partiel a diminué (-125 000 ou -3,5 pour cent). Au cours de la même période, le nombre d'heures travaillées s'est accru de 2,8 pour

cent.

Les baisses d'emploi les plus prononcées ont été enregistrées en Ontario et au Québec. Des reculs ont aussi été observés au Nouveau-Brunswick et au Manitoba. Après trois mois de hausses, l'emploi a diminué de 17 000 au Québec, en raison d'une baisse

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du travail à temps partiel. Le taux de chômage a augmenté de 0,4 point de pourcentage pour atteindre 5,4 pour cent par suite d'une hausse du nombre de personnes à la recherche de travail. Par rapport à 12 mois plus tôt, l'emploi a progressé de 71 000 (+1,7 pour cent) au Québec, et le taux de chômage a diminué de 0,9 point de pourcentage.

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Au Nouveau-Brunswick, l'emploi a diminué de 5800, et le taux de chômage a augmenté de 1,3 point de pourcentage pour s'établir à 9,1 pour cent. Comparativement à 12 mois plus tôt, l'emploi a peu varié dans la province.


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Emploi

Paradoxe : Le SPVM peine à recruter dans les minorités visibles

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) s'efforce d'accroître le nombre d'agents issus de minorités visibles dans ses effectifs, mais des critiques soutiennent que le corps policier doit intensifier ses efforts et changer sa culture interne.

ron 8 %.

culturelles.

Des critiques croient que les efforts déployés dans le recrutement ne sont pas suffisants et que cibler des minorités dans le but de les embaucher n’est pas le seul geste à poser.

Seulement 8,5 % de l’effectif

Souvent, les gens pensent que ce problème est la solution magique qui réglera tout ce qui a rapport avec le pro lage racial, déclare Émilie Nicholas, la présidente de l'organisme Québec inclusif. Ce n’est pas la réalité que l’on voit.

Chaque poste de police possède au moins un agent qui s'occupe des relations avec la communauté. Mme Cataldo affirme qu’il peut être difficile de convaincre certaines communautés culturelles à propos de la profession de policier.

Selon le rapport annuel du SPVM pour l’année 2016, seulement 8,5 % de ses policiers proviennent de communautés autochtones ou sont issus de minorités visibles. À titre comparatif, 32,8 % de la population montréalaise est composée de minorités visibles et d’Autochtones. Ingrid Cataldo, agente de recrutement au sein du SPVM, assure que le corps policier travaille à attirer davantage de minorités visibles dans ses rangs. Nous pensons que plus le service de police reflète la population qu’il dessert, mieux il se portera dans sa compréhension des différentes valeurs, différentes cultures, différentes langues , affirme-t-elle. Cependant, le nombre de policiers des minorités visibles n’a pas augmenté au cours de la dernière décennie, et reste toujours à envi-

Cibler les minorités visibles Au cours des 20 dernières années, le SPVM a offert aux Autochtones, aux communautés culturelles et aux minorités visibles une autre voie que la formation traditionnelle pour devenir policier. Au lieu d’avoir trois ans de formation en technique policière, les candidats qui possèdent certaines exigences académiques peuvent suivre leur formation en sept mois. Les recrues doivent alors aller étudier à l’École nationale de police du Québec, à Nicolet. Mme Cataldo dit que le SPVM travaille aussi à démystifier le travail des policiers dans les communautés

" Pour changer les stéréotypes, je pense que nous devons travailler très fort. Les mentalités ne changent pas du jour au lendemain. C’est un travail de longue haleine. Je pense que nous devons travailler avec les familles, pas seulement avec les communautés culturelles, mais nous devons également travailler avec notre équipe» dit-elle. Un changement de culture Le problème des relations raciales qui touche le SPVM est « plus profond que de simples différences dans les perceptions culturelles. Le dialogue interculturel et les politiques d’inclusion ne sont pas la panacée pour éviter ou sortir de ce schéma de violence et de brutalité policière que l’on observe, particulièrement à l’égard des communautés culturelles» estime pour sa part Émilie Nicholas, présidente de Québec inclusif Mme Nicholas fait remarqu-

er la façon avec laquelle les policiers agissent avec les personnes sou rant de troubles mentaux ou encore avec les minorités visibles. «Ces agissements ne disparaîtront pas, indépendamment de la couleur du policier», soutient-elle. Efforts insuffisants dans le recrutement D’autres personnes critiquent les efforts déployés dans le recrutement de policiers au Québec. Paul Chablo, un policier qui a travaillé pour le SPVM pendant 30 ans, dirige maintenant le programme de formation en technique policière au Collège John Abbott, à Sainte-Anne-deBellevue.

Alors que John Abbott est un cégep anglophone, Paul Chablo mentionne que plusieurs de ses étudiants ont diverses origines ethniques et qu’ils parlent deux ou trois langues, y compris le français. Il se montre très sévère à l'égard du SPVM et de la Sûreté du Québec. «Ils ne font pas de vrais efforts, à mon avis, pour cibler n’importe quel type de minorité ou minorités visibles qui parlent anglais» déplore-t-il. «Ils nous envoient encore des recruteurs blancs qui parlent le français. Pourquoi le faire si vous cherchez à atteindre votre public cible?» demande-t-il.

Gérard Bouchard plaide pour des quotas d'embauche Pour conforter le sentiment d'appartenance des immigrants, il faut d'abord leur offrir du travail, soutient le sociologue Gérard Bouchard. Et, puisque les emplois ne sont pas au rendezvous, Québec doit avoir le courage politique d'imposer des quotas. Entrevue avec le professeur émérite de l'Université du Québec à Chicoutimi.

Que faut-il faire pour voir grandir le sentiment d'appartenance des immigrants à l'égard du Québec? «Il faut réussir leur intégration économique et sociale. Quelqu'un d'exclu et victime de discrimination ne développera jamais de sentiment d'appartenance. Pour sensibiliser quelqu'un et pour le faire vibrer à nos valeurs, il faut d'abord lui donner un travail. Et là-dessus, on a vraiment mal joué nos cartes. Le sous-emploi chez les immigrants bouge peu parce qu'on ne fait pas ce qu'il faut. Le gouvernement pourrait mettre en oeuvre des programmes. Une espèce d'affirmative action, comme ils ont fait aux États-Unis

pour créer une classe moyenne afro-américaine. Ça prendrait quelque chose de massif, de déterminé. Qui serait soutenu par la population. Qui serait enveloppé dans un discours. Mais nous, on ne le fait pas» soutient M. Bouchard.

À la question «Pourquoi on ne le fait pas?», il répond : «Il n'y a pas de volonté politique pour ça. Quand il y a eu la tuerie dans la mosquée de Québec en janvier dernier, le premier ministre Couillard a dit : «Il y a eu un avant et il y aura un après.» Ça laissait entendre que cet événement avait été d'une horreur telle que plus rien n'allait se passer de la même manière. Qu'on allait changer les choses en profondeur. Mais il n'y a rien eu. Ce n'est pas la loi 62 (respect de la neutralité religieuse de l'État) qui va régler les problèmes. Et la Consultation sur la discrimination systémique et le racisme n'a pas levé. Ça s'est transformé en Forum sur la valorisation de la diversité et la lutte

contre la discrimination qui a luimême commencé à branler».

pour voir comment ça se passe.

Quand on lui demande quel type de politique d'intégration faut-il mettre en oeuvre pour offrir des emplois aux immigrants, il pense qu’ «Il faut créer des conditions favorables pour réparer le retard social qu'ils ont accusé. Alors, ça va prendre un discours politique qui a beaucoup d'autorité pour faire accepter ça à la population.

Pour les travailleurs immigrants, on pourrait soumettre les entreprises à certaines règles pour l'embauche. Bref, il y a plein de mesures qui pourraient être appliquées. Mais il faudrait que ce soit enveloppé dans un discours politique qui rend la chose acceptable à l'ensemble de la population. Autrement, ça va passer pour une injustice, pour des privilèges aux immigrants. Et ce discours-là est déjà présent».

Parce que plusieurs pourraient dire : «Non, non, l'égalité, ce sont les mêmes conditions pour tout le monde.» Mais il va falloir faire plus que ça, parce que là, c'est quelque chose de structurel» et il propose qu’«Il faut instituer des quotas. Un peu comme on l'a fait pour l'égalité hommes-femmes. Ça, ce sont des choses très concrètes. On fixe la barre. Par exemple, il faut qu'il y ait la moitié des femmes dans les conseils d'administration. Et il y a des organismes de surveillance

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Avant l’action, il faut cependant comprendre pourquoi les travailleurs immigrants sont moins recherchés. Pour M. Bouchard, il y a là «D'abord, il y a une forme de corporatisme quand vient le temps de reconnaître les diplômes obtenus à l'étranger. De plus, il y a, étrangement, certaines résistances syndicales à l'embauche d'immigrants dans la fonction publique. Ensuite, du côté des PME, on se tourne souvent vers

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des connaissances, des parents (appelons ça «le facteur cousin»), quand vient le temps d'engager. Ce facteur est beaucoup moins présent dans les multinationales». Et de conclure «Je me suis souvent fait dire par des immigrants, ou par des membres des minorités, qui étaient sans emploi : ``M. Bouchard, votre modèle d'interculturalisme, ça a du bon sens, mais pourquoi ce serait très important pour nous... on n'a pas d'emplois. Nos enfants nous regardent et nous demandent pourquoi on ne travaille pas``. Si quelqu'un n'a pas d'emploi, il ne peut pas rêver. Le sensibiliser à nos symboles, à nos valeurs, à nos combats, ça ne marche pas. Il faut d'abord qu'il retrouve un sens de la dignité. Un grand nombre d'immigrants sont humiliés de ne pas avoir d'emploi et de vivre aux crochets de la société dans laquelle ils vivent».


Emploi

Au niveau fédéral, c’est la diversité Genre qui est défaillante… Justin Trudeau mis à l’épreuve sur l’égalité hommesfemmes dans les CA des grandes entreprises Une bataille se dessine au Sénat autour de l'adoption de mesures pour forcer les entreprises à avoir des conseils d'administration plus diversifiés. L'issue du vote pourrait bien placer le gouvernement Trudeau dans une position inconfortable, coincé entre son discours féministe et le lobby des grandes entreprises. Ilsuffit d’arpenter les couloirs de l’entreprise Ubisoft pour constater à quel point l’industrie du jeu vidéo par exemple est un monde d’hommes. Depuis plusieurs années, l’entreprise a lancé une offensive pour diversifier sa main-d’œuvre et recruter davantage de femmes. Mais Cédric Orvoine, vice-président aux ressources humaines et communication, sait qu’il faudra du temps. Collectivement, ce qu’on a à faire, c’est d’intéresser les jeunes femmes à tous les programmes de formation qui touchent les sciences et la technologie. Le chemin, c’est par là qu’il passe. Il faut dire qu'à Ubisoft, l’exemple vient de haut. Le conseil d’administration de l’entreprise française est presque paritaire, composé de cinq femmes et six hommes. Une transition qui s’est faite certes pour des raisons stratégiques, mais aussi parce que la France a légiféré en 2011 et forcé toutes les entreprises cotées en bourse à compter au moins 40 % de femmes aux conseils d’administration avant 2017. Le message est clair : la diversité est payante. Le Canada loin derrière Les efforts du monde des affaires pour recruter des femmes en position de leadership au pays ont cependant donné des résultats mitigés au cours des dernières

années. Certes, en septembre 2016, le gouvernement Trudeau a déposé le projet de loi C-25 forçant les entreprises cotées en Bourse de régime fédéral à publier leur politique de diversité et à fournir des explications à leurs actionnaires dans le cas où elles manqueraient de le faire. C’est ce qu’on appelle dans le milieu, « se conformer ou s’expliquer ». Or, le problème c’est que les autorités des marchés financiers sont déjà dotées de telles politiques au pays et que le bilan demeure peu reluisant. De 11 % aux conseils d’administration en 2015, le nombre de femmes est passé à 14 % en 2017. Mais 49 % des entreprises ont toujours des C. A. strictement masculins. « C'est non seulement pas beaucoup, c’est déprimant! », s’exclame Jocelyne Bourgon, présidente du C. A. de l’Industrielle Alliance, une des rares entreprises au pays à pouvoir se vanter d’avoir un conseil paritaire. Selon elle, les entreprises peuvent et doivent faire mieux. Encore faut-il s’entendre sur les moyens d'y arriver, concède la gestionnaire de longue date. Caroline Codsi, présidente de La Gouvernance au féminin qui milite pour l’avancement des femmes en entreprises, en rajoute. Selon elle, il est grand temps que le gouvernement aille plus loin. «Quand on légifère, on trouve les femmes. Et quand on ne légifère pas, on trouve les excuses» dit-elle. Elle cite l’exemple des sociétés d’État québécoises, qui depuis la mise en vigueur d’une loi à cet effet sous le gouvernement Charest en 2011, ont déployé les efforts nécessaires pour se doter de conseils paritaires.

Une loi fédérale sans dents? Confronté aux limites du projet de loi C-25 du gouvernement Trudeau, un groupe de sénateurs indépendants a entendu cet appel. « Pourquoi maintenir une approche qui a donné si peu de résultats au cours des dernières années? Le gouvernement demande aux Canadiens d’être patients. Mais ne devrions-nous pas opter pour une meilleure approche? Nous sommes convaincus que oui », plaidait le sénateur André Pratte dans une lettre ouverte en décembre. Aux côtés du sénateur Paul Massicotte, il mène la charge pour renforcer la future législation fédérale. Leur solution? Obliger les entreprises cotées en Bourse de régime fédéral à se fixer des objectifs et des échéanciers précis en matière de diversité afin d’accroître non seulement le nombre de femmes, mais également d’Autochtones, de minorités visibles et de personnes souffrant de handicaps aux conseils d’administration. Selon Caroline Codsi, une telle mesure est « vitale ». En effet, les entreprises can-

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adiennes qui se sont dotées d’objectifs ont atteint un ratio de 26 % de femmes en moyenne au sein de leur conseil d’administration, alors que les autres s’en tiennent à 12 %. Donc, c’est évident que les entreprises qui s’engagent à suivre un échéancier vont mettre en place des mesures pour les atteindre, alors que celles qui espèrent que ça arrive dans l’air du temps, il ne se passe rien.Caroline Codsi, présidente de La Gouvernance au féminin Or, seulement 10 % des entreprises canadiennes se sont dotées de tels objectifs. D’ailleurs, même certaines entreprises modèles, comme l’Industrielle Alliance, n’y croient pas. Jocelyne Bourgon croit que des cibles artificielles ne suffisent pas, et qu’il est bien plus utile de changer la culture d’entreprise afin d’intégrer l’idée que la diversité est un critère de succès et de performance. « En se donnant des objectifs multiples, on s’assure de faire des progrès continus, explique-t-elle. C’est plus compliqué qu’une formule mathématique, mais ça nous mène plus loin. » Un test de leadership pour

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le gouvernement La date exacte du vote des sénateurs sur la question n’a pas encore été fixée, mais inutile de dire que le gouvernement surveille de près la joute qui se joue en coulisse. Car le risque politique est important pour le gouvernement Trudeau. Pas plus tard que le 18 janvier, le ministre de l’Industrie Navdeep Bains avait qualifié de « frime » les excuses invoquées par les entreprises canadiennes pour justifier leur retard en matière de diversité. Une semaine plus tard, à Davos, le premier ministre Trudeau a offert tout un plaidoyer féministe pour une mobilisation du monde des affaires en faveur d’une plus grande diversité. Si les changements proposés par les sénateurs Pratte et Massicotte sont adoptés, il en reviendra au gouvernement de trancher pour ou contre les objectifs précis. Le premier ministre se retrouverait alors coincé entre le lobby du monde des affaires réfractaire à l’intervention du gouvernement et la crédibilité de son plaidoyer en faveur de l’avancement des femmes et des minorités.


Emploi

Francisation des personnes immigrantes

Un facteur d’intégration professionnelle… …mais pas le plus influent La possibilité, pour des personnes immigrantes adultes au Québec, de poursuivre des parcours de francisation personnalisés, tout en recourant à divers services gouvernementaux ou institutionnels, peut contribuer à maximiser le rehaussement de leurs compétences en français. Voilà l'un des constats dressés par l'étude rendue publique aujourd'hui par le Conseil supérieur de la langue française (CSLF) et intitulée La francisation et l'intégration professionnelle des personnes immigrantes, signée par Charles Gagnon et Jennifer Dion. Recenser les acteurs de la francisation Cette recherche a pour objectif de recenser les principaux acteurs de la francisation des immigrants adultes au Québec, de documenter les différentes formes que prend l'offre de francisation ainsi que de relever les constats actuels sur l'adéquation de ces services au regard de l'intégration professionnelle des personnes immigrantes. Elle s'appuie sur une recherche documentaire ainsi que sur des entretiens menés auprès de personnes issues de différents milieux concernés, qu'il s'agisse entre autres de ministères et d'établissements d'enseignement, ou encore d'organismes communautaires et d'organisations syndicales. Au cours des dernières décennies, le Québec a diversifié ses bassins d'immigration en plus d'accroître le nombre de

nouveaux arrivants admis annuellement sur son territoire. L'immigration devient dès lors un enjeu majeur discuté sous divers angles dans l'espace public, dont ceux de la francisation et de l'intégration professionnelle. Rappelons que le CSLF avait déjà ciblé la francisation des immigrants et leur insertion socioéconomique et civile parmi les domaines visés par ses activités de recherche. Cette étude permet entre autres de documenter la multiplicité des parcours que peuvent emprunter les personnes immigrantes pour maîtriser le français, que ce

connaissances nécessaires pour poursuivre des études ou intégrer le marché du travail. La plupart des études empiriques sur la francisation des personnes immigrantes sont menées alors qu'elles sont en cours de participation. La période de « l'après-francisation » et l'influence des programmes offerts sur l'intégration professionnelle des immigrants constituent des questions moins souvent explorées. Parmi les constats recensés, il apparaît, en tenant compte d'un ensemble de facteurs, que le fait d'avoir terminé un cours de français contribue à

À propos du CSLF Le CSLF a pour mission de conseiller la ministre responsable de la Protection et de la Promotion de la langue française sur toute question relative à la langue française au Québec. De plus, il peut informer le public sur toute question qui concerne le français au Québec. soit notamment au regard de l'autonomie langagière ou de la francisation qualifiante, et elle permet aussi de constater que l'offre de cours en francisation contribue à l'intégration professionnelle des immigrants au Québec. Autres constats Précisons d'abord que l'offre gouvernementale en francisation pour les immigrants adultes vise l'atteinte d'une autonomie langagière permettant d'être fonctionnel en société et l'acquisition de

faciliter l'accès à un premier emploi ainsi qu'à un emploi qualifié, mais qu'il s'agirait d'un facteur parmi d'autres et qu'il ne serait pas non plus le plus influent. De cette manière, plusieurs facteurs autres que les connaissances linguistiques contribuent à expliquer les défis liés à l'intégration professionnelle des personnes immigrantes. Mentionnons à ce titre l'âge à l'immigration, la catégorie de sélection de la personne immigrante, les

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difficultés associées à la reconnaissance de l'expérience de travail et des diplômes acquis à l'étranger, certains modes de recrutement informel défavorisant les personnes non insérées dans des réseaux sociaux ou encore des attitudes et pratiques de certains employeurs jugées discriminatoires. Aussi, outre les caractéristiques individuelles des apprenants, des facteurs relatifs à la structure et à l'organisation des cours ont aussi des effets sur l'acquisition et le rehaussement des compétences en français, s'agissant notamment de la durée de la formation, de la distance entre le lieu de résidence et celui de la formation, sinon de la compatibilité des horaires de cours avec les responsabilités familiales ou le travail. L'étude du CSLF souligne par ailleurs que les cours de francisation en milieu de travail constituent pour leur part une formule qui privilégie la flexibilité sur le plan de l'emplacement de la formation, du nombre de par-

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ticipants, de l'horaire, des objectifs et de la contextualisation des apprentissages. De plus, la possibilité de suivre un cours durant les heures régulières de travail et celle d'être rémunéré durant cette période favorisent l'assiduité des personnes qui y participent. Bientôt un guichet unique L'implantation d'un guichet unique d'accès aux services gouvernementaux de francisation devrait, à terme, simplifier, voire accélérer l'amorce d'une démarche de francisation. La bonification du soutien financier apporté par le MIDI depuis le 1er août 2017 aux personnes immigrantes devrait en outre permettre d'accroître le nombre d'entre elles qui suivent des cours de francisation dans les commissions scolaires et qui bénéficient d'une allocation de participation. L'étude est accessible dans la section Études de la Bibliothèque virtuelle du site Web du CSLF. Source : Conseil supérieur de la langue française


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Votre argent

Donnez-vous (vraiment) la moitié de votre revenu à l'impôt?

Vous l’avez sûrement déjà entendu, vous l’avez peutêtre même dit vous-même : « la moitié de la paye s’en va à l’impôt ». Une autre variation populaire est de dire que si on augmente son revenu de 5 000 $, la totalité de cette augmentation va s’en aller à l’impôt. Tout d’abord, mettons tout de suite quelque chose au clair : chaque situation fiscale est différente.

Il est vrai que les Québécois sont parmi les plus taxés dans le monde. Un récent rapport dévoilé par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke le démontre à nouveau. Le taux de pression fiscale est de 38,5 % au Québec, alors que la moyenne au Canada, en excluant le Québec, n’est que de 30,4 %. Mais nous pouvons aussi dire (et surtout être d’accord ou pas) que le Québec a fait le choix d’être une société plus égalitaire et d’offrir plus de services à ses citoyens. C’est la raison pour laquelle le contribuable québécois est parmi les plus taxés dans le monde. Avant de conclure quoi que ce soit, il importe de bien comprendre ou s’en va notre argent, exactement. Pour ce

faire, prenons l’exemple d’une personne, Marc, qui a un revenu annuel de 50 000 $.

Impôt sur le revenu L’impôt sur le revenu fédéral et provincial combiné pour Marc en 2017 sera de 10 900 $ ou encore 21,8 % (taux effectif) de son salaire brut. Cependant, parce que le système fiscal fonctionne par tranches d’impôt, le montant d’impôt payé sur une augmentation de salaire de 5 000 $ sera imposé à un pourcentage plus élevé que le taux effectif. On parle ici du taux marginal d’imposition, c’est-à-dire le taux d’imposition de tout revenu supplémentaire. Ainsi, le montant de 5 000 $ supplémentaire sera imposé de 1 856 $, soit un taux de 37,12 %. Cela fera augmenter le taux global (effectif) sur le nouveau salaire de 55 000 $, le faisant passer de 21,8 % à 23,2 %. Autrement dit, plus votre revenu augmente, plus vous payez de l’impôt sur le nouveau dollar gagné. Mais ce n’est pas tout, et c’est ce qui porte parfois à confusion. En plus de l’impôt sur le revenu, il y a d’autres cotisations obligatoires et supplémentaires qui sont déduites de votre paye nette avant qu’elle ne soit déposée dans votre compte.

Cotisations obligatoires - Régime de rentes du Québec (RRQ) Marc va devoir cotiser au RRQ un montant équivalent à 5,4 % de son salaire, après une exemption sur le premier 3 500 $ de revenu. Cela représente un montant de 2 511 $. Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) En du RRQ, Marc devra cotiser l’équivalent de 0,548 % de son salaire au RQAP, soit un montant de 274 $.

- Assurance-emploi (AE) Marc cotise aussi à l’AE pour un montant équivalent à 1,63 % de son salaire, soit 815 $. Pour Marc, le total des cotisations obligatoires s’élève donc à 3 600 $, soit près de 7,6 % de son salaire. Sur une augmentation de salaire de 5 000 $, on parle de 380 $ de plus. Bien entendu, ces cotisations supplémentaires permettront à Marc d’avoir accès à des prestations à la retraite (RRQ), à de l’assuranceemploi (AE) ou encore à un congé parental (RQAP). - Cotisations supplémentaires D’autres prélèvements sur la paye peuvent être effectués par l’employeur si ces programmes sont offerts.

- Assurance collective Un programme d’assurance maladie peut être offert par l’employeur pour payer une partie des soins de santé dont Marc aura besoin durant l’année. Pour les fins de l’exemple, disons que cette assurance coûte 700 $ à Marc ou 1,4 % de son salaire. - Régime de retraite collectif Marc contribue l’équivalent de 3 % de son salaire, ou encore 1 500 $, à un régime de retraite collectif offert par son employeur. Ainsi, aux cotisations obligatoires s’ajoutent 4,4 % de cotisations supplémentaires pour Marc. En combinant les impôts, les cotisations obligatoires et les cotisations supplémentaires, Marc arrive à 33,8 % de déductions effectuées sur son salaire avant que sa paye ne soit déposée dans son compte. Alors, est-ce que la moitié de votre revenu s’en va à l’impôt ? Non! Il est clair que Marc ne paye pas la moitié de son salaire

en impôts. En réalité, il ne paye que 21,8 % d’impôt sur son revenu de 50 000 $. On est loin du 50 %! Par contre, chaque dollar supplémentaire d’augmentation de salaire sera imposé à 37,12 %. Cette impression de donner la moitié de son salaire à l’impôt est plutôt causée par les cotisations supplémentaires payées sur le revenu. Cela dit, à 33,8 % du salaire de Marc, on est encore loin du 50 %! Évidemment, il s’agissait d’un cas fictif et les montants indiqués sont à titre indicatif seulement. Vous pouvez consulter un planificateur financier ou un comptable pour de plus amples détails. Amine Chbani, MBA, Pl. Fin.

Impôt sur le revenu

Des changements dont il faut tenir compte La saison des impôts est à nos portes ! Avant de produire votre déclaration, veuillez noter que des changements ont été apportés à la loi de l’impôt sur le

revenu, et que certains d’entre eux pourraient vous toucher. En voici quelques exemples :

Crédit d’impôt pour le transport en commun Obligations fiscales pour les petites entreprises

Crédits d’impôt pour la condition physique et les activités artistiques des enfants Déductions pour le personnel militaire

Crédit d’impôt pour les frais de scolarité

Couvertures sociales

Seul un Canadien sur trois cotisera à un REER d'ici au 1er mars La date limite pour cotiser à un REER approche rapidement. Pourtant, un récent sondage H&R Block révèle un taux de cotisation préoccupant. En effet, seul le tiers (33 %) des Canadiens envisagent de cotiser à un REER cette année, se privant par le fait même d’importants

crédits d’impôt.

Plusieurs raisons expliquent cette décision, par exemple des imprévus ou des obligations financières prioritaires. Cependant, il est important de savoir que chaque dollar investi dans un REER est déductible d’impôt.

Les Canadiens ont jusqu’au 1er mars pour évaluer leur situation financière et décider du montant qu’ils cotisent à leur REER afin d’optimiser leur remboursement ou de diminuer leur montant dû.

révélé ce qui suit : Seuls 37 % des Canadiens cotiseront à un CELI cette année Moins de femmes (49 %) que d’hommes (58 %) cotisent à un REER ou à un CELI

La nouvelle étude a aussi

Les Canadiens de 18 à 34

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ans (44 %) sont les plus susceptibles de cotiser à un CELI cette année Les Canadiens de 34 à 43 ans (43 %) sont les plus susceptibles de cotiser à un REER avant la date limite cette année


Votre argent

Changement au «crédit d’impôt en raison de l’âge»

300 millions de moins pour les 65 ans Une mauvaise surprise attend les personnes qui atteignent leurs 65 ans à partir de 2016 et les années suivantes, c’est-à-dire toutes celles nées à partir de 1951.

De quoi s’agit-il? Le gouvernement Couillard, dans le cadre de son austère budget de 2015-16, a haussé l’âge d’admissibilité au «crédit d’impôt en raison de l’âge» que le gouvernement du Québec accordait depuis 1972 aux personnes âgées de 65 ans ou plus. Pour l’année 2016, ce crédit d’impôt peut atteindre les 497 $. Qui plus est, la nouvelle «coupe» fiscale du gouvernement Couillard prévoit une hausse graduelle de l’âge d’admissibilité audit crédit d’impôt jusqu’en 2020. Pour avoir accès en 2016 au «crédit d’impôt en raison de l’âge», il faut maintenant avoir au moins 66 ans. L’an prochain l’âge d’admissibilité passera à 67 ans. En 2018, ce sera 68 ans. Puis 69 ans en 2019 et 70 ans en 2020. DE 65 À 70 ANS C’est donc dire que toute personne qui a eu 65 ans en 2016 (donc née en 1951) devra attendre jusqu’en 2021 pour avoir accès à ce crédit d’impôt en raison de l’âge. Et ainsi de suite pour les gens nés au cours des années suivantes.

L’âge d’admissibilité au «crédit d’impôt en raison de l’âge» passera ainsi de 65 à 70 ans. Conséquence financière de la hausse graduelle de l’âge d’admissibilité à ce crédit d’impôt? Les gens nés à partir de 1951 perdront d’ici 2021 près de 300 millions de dollars de crédit d’impôt. Ce sont les gens à faible et modeste revenu qui sont les plus touchés par cette mesure d’austérité budgétaire. POURQUOI LA COUPE Pourquoi le gouvernement Couillard a-t-il restreint l’admissibilité à ce crédit d’impôt destiné aux personnes âgées? Explication du ministre Carlos Leitao dans son budget de 2015-16: «Depuis l’entrée en vigueur du crédit d’impôt en 1972, plusieurs améliorations sont survenues dans la société québécoise, notamment en ce qui concerne la situation socioéconomique et l’état de santé des aînés.» Et que fera le gouvernement Couillard avec l’argent économisé sur le dos des personnes qui ont 65 ans à partir de 1951? Il sera entièrement utilisé, nous dit-on, pour financer la bonification de l’incitation au travail à l’égard des travailleurs

d’expérience âgés de 63 ans ou plus.

Ainsi, le gouvernement Couillard a décidé d’appauvrir Jean pour enrichir Paul. À 65 ans, quand on ne travaille plus et qu’on est serré dans ses finances, se retrouver Gros-Jean comme devant c’est ce qu’on est appelle se faire avoir par le gouvernement. La colère gronde Le report de l’âge d’admissibilité au «crédit d’impôt en raison de l’âge», soit de 65 à 70 ans, a bien évidemment soulevé la colère envers le gouvernement de Philippe Couillard. Partagée sur Facebook plus de 35 500 fois, l’information a généré une tonne de critiques acerbes envers la controversée décision du gouvernement libéral de décaler de cinq ans l’admissibilité à ce crédit d’impôt pouvant atteindre les 497 $ par année. Cette décision libérale vient d’entrer en vigueur, avec l’année fiscale 2016. Les personnes visées par la nouvelle hausse de l’âge d’admissibilité audit crédit offert depuis 1972 sont toutes celles qui sont nées à partir de 1951. Il leur faudra maintenant attendre d’avoir 70 ans (au lieu de 65) pour bénéficier de ce crédit d’impôt en raison de

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l’âge. Ce sont les personnes âgées à faible et modeste revenu qui vont être les plus pénalisées par la nouvelle mesure libérale. Pour encaisser le plein montant du crédit d’impôt en raison de l’âge, le revenu familial ne doit pas dépasser 33 505 $. Tout dépassement de ce seuil réduit par la suite le montant du crédit d’impôt. La somme cumulative de 300 millions qu’économisera le gouvernement au cours des cinq prochaines années (d’ici 2021) est basée sur l’impact financier de la hausse de l’âge d’admissibilité audit crédit d’impôt que le ministre Leitao a projeté dans son budget de 2015-16. Chaque année un peu plus de 100 000 personnes

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atteignent le cap des 65 ans. C’est donc dire que d’ici cinq ans, ce sera environ 500 000 personnes nées à partir de 1951 qui auront de 65 ans à 69 ans, et donc privées dudit crédit d’impôt. Décision impopulaire C’est en s’inspirant des recommandations de la Commission d’examen sur la fiscalité mise sur pied lors de son arrivée au pouvoir en avril 2014 que le gouvernement Couillard a décidé de porter de 65 à 70 ans l’âge d’admissibilité au crédit d’impôt en raison de l’âge. Si le premier ministre Couillard et son ministre Leitao prenaient la peine de lire une partie des 720 commentaires des lecteurs... peut-être qu’ils reviendraient sur leur très impopulaire décision.


Votre argent

En moyenne 162 400$ par ménage…

Êtes-vous trop endetté? Les ménages canadiens ont une dette moyenne de 162 400 $ selon Statistique Canada. Plusieurs agences, dont la Banque du Canada et le Bureau de la responsabilité financière de l'Ontario ont manifesté leur inquiétude quant à l'endettement des ménages à la lumière de l'augmentation des taux d'intérêt. Mais les dettes ne comportent pas toutes le même risque. Statistique Canada publie des données sur la famille économique, qui inclut les situations de colocation. La valeur moyenne de la dette des « familles économiques » en 2016 était de 180 500 $ en Ontario selon Statistique Canada. L'Ontario se classe troisième dans la liste des provinces où les ménages sont les plus endettés au pays. Le facteur principal pour évaluer le risque lié à l’endettement pour une population en général est le taux d’endettement par rapport au revenu. Le Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario publiait la semaine dernière un commentaire sur l’endettement des ménages. L’économiste en chef David West qualifiait la situation

de l’Ontario de vulnérable et évaluait la dette moyenne des ménages à 154 000 $. La plus grande part étant consacrée à l’hypothèque.

Les dettes hypothécaires élevées, particulièrement dans les grandes villes, comme à Toronto et Vancouver, représentent un certain risque dans le marché actuel. Selon David West, une correction importante sur le marché immobilier pourrait causer de gros ennuis aux ménages qui détiennent des hypothèques élevées. Mais ce sont les autres dettes, celles liées à la consommation, qui préoccupent davantage les économistes. D’abord, les taux d’intérêt des dettes de consommation, et en particulier des cartes de crédit, sont généralement beaucoup plus élevés que pour les taux hypothécaires. Le conseiller financier Rajiv Bissessur affirme que les dettes de consommation, notamment celles des cartes de crédit, peuvent devenir des dettes « toxiques » lorsque l’emprunteur n’arrive pas à rembourser son solde mensuel et se retrouve à payer de l’intérêt sur les intérêts.

Le conseiller financier Fabien Major de Major Gestion privée affirme que des emprunts obtenus pour acheter des biens qui représentent des investissements ou encore qui seront utilisés pour générer un revenu, comme des outils ou de la machinerie, pourraient être qualifiés de dettes intelligentes.

Selon lui, les achats de services ou d’objets qui perdent de la valeur, comme des équipements de loisirs, des véhicules de luxe ou des soins esthétiques, ne devraient pas être faits à crédit. Le risque réside dans la précarité de la situation financière des emprunteurs. Le Bureau de la responsabilité financière de l’Ontario prévoit un ralentissement de la croissance économique au cours des deux prochaines années, particulièrement dans les domaines de la consommation et de l’immobilier, les principaux facteurs de croissance au cours de la dernière décennie. En ce moment, les Ontariens consacrent en moyenne 12 500 $ par année au remboursement de leurs dettes.

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La portion du revenu des ménages utilisée pour payer leur dette est plus importante chez les ménages à faible revenu ( 31 % ) et chez les jeunes familles( 17 % ) que dans la population en général ( 13,7 % ). MM. Bissessur et Major croient tous deux que les Canadiens pourraient être mieux protégés contre l’endettement si des règles plus strictes entouraient le crédit. « Les prêteurs ont un portrait plus ou moins clair de la situation des emprunteurs », affirme Fabien Major. Rajiv Bissessur renchérit : selon lui, les institutions devraient avoir accès à des données plus précises sur tous les emprunts des consommateurs. Les experts ne s’entendent

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pas non plus sur ce que pourrait être un taux d’endettement raisonnable. Le calcul des dettes ne serait pas non plus très complet selon les deux conseillers financiers. Pour bien évaluer leur capacité de payer, les consommateurs devraient tenir compte de toutes les dépenses dont ils ne peuvent pas facilement se défaire, comme les téléphones cellulaires acquis dans le cadre d’un contrat de téléphonie ou la location d’équipement de câblodistribution, par exemple. La proportion de Canadiens qui n’ont aucune dette est également en baisse constante depuis 1990.


Conjoncture

En passant de l’austérité à l’expansion

Le gouvernement du Québec dope le PIB Le PIB du Québec a poursuivi sa hausse tout au long de l’année 2017. La progression annuelle dépassait les 3 % encore au mois d’octobre.

Pour un deuxième mois de suite, il s’inscrivait ainsi en hausse de 0,2 % alors que le PIB canadien est demeuré stable. Au cumul, après dix mois, la croissance se chiffrait à 3,1 % par rapport aux mêmes mois de 2016. Au Canada, ce taux était de 3,3 %. « La croissance en octobre est surtout attribuable aux secteurs de la fabrication, du commerce de gros et du commerce de détail, ainsi qu’au secteur des services professionnels, scientifiques et techniques », indique l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). Au cours des dix premiers mois de 2017, les industries productrices de services de même que les industries productrices de biens connaissent une croissance respective de 3,1 % par rapport à la même période de 2016. L’ISQ ajoute que la production du secteur de la fabrication a renoué avec la croissance en octobre en affichant une hausse de 0,8 % après deux mois de ralentissement consécutifs (–2,1 % en août et –0,2 % en septembre). La production de l’industrie de la construction affiche une hausse de 0,2 %, consécutive à celle de 3,1 % observée en septembre. « La forte croissance du PIB réel depuis un an repose sur de nombreux secteurs. Cela est non seulement attribuable à la vigueur de la demande intérieure, qui s’appuie principalement sur les consommateurs, mais aussi à l’amélioration de l’économie mondiale qui se répercute sur le secteur de la fabrication au Québec », retient Hélène Bégin. L’économiste principale au Mouvement Desjardins ajoute que « l’économie du Québec traverse

une excellente période qui permettra de clore l’année 2017 avec brio. Une hausse du PIB réel d’environ 3 % n’a pas été enregistrée depuis une quinzaine d’années ». Jusqu’à quand? Quand le taux de chômage sera stabilisé, la croissance pourrait redescendre autour de 1 % par année.

En dollars constants, en 2017, le PIB annuel du Québec a probablement augmenté d’environ 3 % par rapport à celui de 2016. Cette progression notable est en lien avec la baisse du fardeau fiscal et l’augmentation considérable des dépenses de missions et d’immobilisations incorporées au budget québécois de 2017-2018 par le ministre des Finances Carlos Leitao. Elle résulte, pas seulement, mais en bonne partie, d’une inversion spectaculaire du solde budgétaire gouvernemental, qui contraste singulièrement avec les mesures d’austérité qu’il avait luimême imposées antérieurement. Il n’y a rien de surprenant dans cette évolution : ou bien le budget retient la croissance et elle ralentit, comme en 2014 et 2015, ou bien il pousse sur la croissance et elle s’accélère, comme en 2016 et 2017. On comprend en même temps que le ministre a voulu faire de son mieux pour soutenir la croissance et la création d’emploi à l’orée du rendez-vous électoral de 2018. Pour bien saisir ce qui s’est passé en 2017, il faut se rappeler qu’il y a un lien étroit entre le taux de croissance du PIB et le taux de chômage. Ce lien s’appelle la « loi d’Okun », d’après l’économiste américain Arthur Okun (19281980), ancien conseiller principal des présidents Kennedy et Johnson, qui l’a découverte en 1962. La loi dit ceci : à court terme, plus la croissance

économique est importante dans une année donnée, plus le taux de chômage diminue. Si on applique la loi d’Okun aux données de l’économie et de l’emploi du Québec depuis 10 ans, on trouve immédiatement qu’un taux de croissance de 3 % du PIB doit normalement être associé à une baisse de 1,1 point de pourcentage du taux de chômage d’une année à l’autre. Or, c’est exactement ce qu’on a observé en 2017 : le taux de chômage annuel, qui était de 7,2 % en 2016, a baissé à 6,1 % en 2017. L’économie du Québec s’est conformée à la loi d’Okun.

Mais il y a aussi une conséquence pour l’avenir : le PIB du Québec ne pourra pas continuer à augmenter de 3 % par année dans les temps qui viennent parce que le taux de chômage devra tôt ou tard se stabiliser à un niveau minimum (qui sera le plus bas possible, espérons-le), et cessera alors de diminuer. On pourra, entre autres influences, compter sur l’œil vigilant de la Banque du Canada, qui va faire remonter les taux d’intérêt et refroidir la croissance dès que le taux de chômage au Canada sera tellement bas qu’il sera en danger de mettre le feu aux poudres de l’inflation. Or, la même loi d’Okun appliquée aux données du Québec de la dernière décennie indique que c’est un taux de croissance annuel d’environ 1 % du PIB, et non pas de 3 %, qui est compatible avec un taux de chômage québécois qui reste stable plutôt que de continuer à baisser chaque année. Conclusion : le taux de croissance économique d’environ 3 % observé au Québec en 2017 est le fruit d’une accélération passagère qui découle en bonne partie de l’inversion de la politique budgétaire du ministre Leitão, passée de l’austérité à l’expansion. Le lien entre cette accélération, la baisse du chômage et l’espoir du gouvernement Couillard d’être réélu en octobre prochain n’est évidemment pas une coïncidence. Mais la

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croissance annuelle du PIB ne pourra pas se poursuivre longtemps à un rythme aussi rapide que 3 %, parce que le chômage devra tôt ou tard se stabiliser. Or, selon la loi d’Okun à laquelle le Québec semble se conformer, un taux de chômage stable est compatible avec une croissance annuelle du PIB d’environ 1 % par année seulement. C’est donc une croissance annuelle du PIB de cet ordre, c’est-à-dire nettement inférieure à 3 %, qui nous attend dans les années à venir. Il n’est pas du tout impossible que le taux de chômage annuel du Québec soit encore plus bas en 2018 qu’en 2017. On l’espère de tout cœur. Mais ce qui est certain, c’est que le taux de chômage va trouver son fond quelque part et qu’à ce moment-là la croissance du PIB sera plus près de 1 % que de 3 %. On peut néanmoins se demander si le scénario de croissance du PIB du Québec à moyen terme pourrait être meilleur que 1 % par année une fois que le taux de chômage se sera stabilisé. C’est possible. Mais pour cela, il faudra que la participation des 55 ans ou plus à la population active s’accélère ou que la productivité (le PIB par personne en emploi) sorte de sa torpeur.

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Parmi les 55 ans ou plus, il y a encore un énorme réservoir d’activité au Québec. Au Japon, par exemple, ce sont 62 % des 55 à 69 ans qui sont actifs sur le marché du travail ; au Québec, encore seulement 51 %. Rattraper ici le Japon ajouterait 185 000 personnes à la population active québécoise. Il est possible de faire plus chez nous de façon à permettre à toutes celles qui le désirent de rester actives. La productivité, elle, tend à progresser de 0,6 % par année au Québec à moyen terme. La lenteur de la productivité n’est pas un phénomène québécois, mais mondial. C’est aussi lent aux ÉtatsUnis, en Europe et au Japon que chez nous. Pour me faire l’écho d’un autre économiste américain, je ferais remarquer que, même si on entend parler de numérisation, de véhicules qui se déplacent tous seuls et d’intelligence artificielle partout, on n’en voit pas encore la trace dans les statistiques de la productivité… La productivité, c’est un mystère. Heureusement, c’est connu que les mystères engendrent parfois des miracles. On peut toujours l’espérer.


Économie & entreprises

Enfin une décision qui a du sens

Québec crée un groupe de travail sur l'économie dite «collaborative» Québec crée un groupe de travail pour réfléchir sur l'économie collaborative, dont font notamment partie Uber et Airbnb, afin de « déterminer les actions les plus efficaces que peut entreprendre l'État pour intégrer harmonieusement toutes les transformations qu'elle amène. » En conférence de presse à Montréal ce matin pour en faire l’annonce, la vice-première ministre et ministre de l'Économie, Dominique Anglade, a présenté les trois personnes qui en feront partie : l’ancien conseiller municipal de Projet Montréal et expert en politiques publiques Guillaume Lavoie, qui en sera le président, la PDG de la Chambre

de commerce de l’Est de Montréal, Christine Fréchette, et la professeure spécialisée en responsabilité sociale des entreprises à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval, Nolywé Delannon.

Le groupe de travail entreprendra une démarche de consultation cet hiver, à laquelle devraient participer des experts et des acteurs provenant de différents milieux socio-économiques, comme le milieu académique, celui du social, des affaires, du transport, de l’environnement, et celui des start-ups. La population en général pourra également participer

à la consultation « à travers certains outils technologiques », et « tout groupe qui désirera être rencontré sera rencontré ».

web, afin

Un rapport devrait être rendu public en mai 2018. Éluder «un risque de complaisance» «Quand on parle des risques que court le Québec dans les années à venir, c’est un risque de complaisance. Nous avons besoin de sortir des sentiers battus» affirme la ministre de l'Économie, Dominique Anglade Le groupe va notamment se pencher sur la façon d’adapter la législation et la fiscalité à la nouvelle réalité économique induite par le

notamment de stimuler l’innovation, de créer un milieu équitable pour toutes les entreprises, traditionnelles ou collaboratives, et de permettre à tous de profiter de nouvelles opportunités.

Le Québec veut ainsi rattraper la France et la GrandeBretagne, qui sont pour le moment à l’avant-plan de la réflexion dans le domaine.

Taxation du commerce en ligne

Justin Trudeau promet de «défendre les intérêts des Canadiens» Le Canada cédera-t-il à la pression et augmentera-t-il son seuil d'exemption de taxe et de frais de douanes pour le commerce en ligne? De passage à San Francisco, Justin Trudeau est resté prudent, mais a promis de défendre les intérêts des Canadiens et des entreprises canadiennes. Au Canada, l'enjeu soulève la crainte de bien des détaillants qui ont peur de devenir moins compétitifs face aux géants américains. Dans le cadre de la renégociation de l'Accord de libreéchange nord-américain (ALENA), l'administration Trump et certaines entreprises américaines demandent à Ottawa de revoir à la hausse son seuil d'exemption de taxe et de tarifs douaniers pour des commandes en ligne faites à

l'étranger.

Aux États-Unis, un consommateur ne débourse pas ses frais pour toute transaction de moins de 800 dollars américains. Au Canada, ce seuil est de 20 dollars canadiens. À San Francisco, Justin Trudeau a rencontré le présidentdirecteur général d'eBay, une entreprise qui réclame une hausse du plafond. Questionné sur le sujet, Justin Trudeau n'a pas dit précisément si son gouvernement autoriserait un changement, mais il a voulu rassurer les commerçants. «Je vais toujours défendre les intérêts des Canadiens, des entreprises, des petites et moyennes entreprises canadiennes. On ne va pas négocier sur la place publique évidemment,

mais vous pouvez savoir qu'on va toujours défendre les intérêts des Canadiens» a affirmé le premier ministre. Rencontre discrète avec le PDG d'Amazon Le premier ministre a par ailleurs rencontré le dirigeant d'Amazon, Jeff Bezos. Si les caméras avaient accès aux autres rencontres du premier ministre, cela n'a pas été le cas pour celle-ci. Un porte-parole de l'entreprise a affirmé qu'il s'agissait « d'une rencontre privée ». Amazon est à la recherche d'une ville où établir son deuxième siège social en Amérique du Nord. Toronto est la seule ville canadienne toujours en lice. Ottawa est-il prêt à offrir des incitatifs?

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En point de presse, le premier ministre a répondu que bien des entreprises technologiques s'installaient non pas à cause d'incitatifs, mais parce ce qu'ils sont entre autres attirés par « la main-d'oeuvre, l'avantage canadien et les Canadiens euxmêmes ». Par ailleurs, le gouvernement Trudeau est critiqué depuis plusieurs mois pour ne pas avoir exigé au géant américain Netflix de percevoir la taxe de vente. Des entreprises américaines investissent au Canada Deux entreprises technologiques ont profité de la visite de Justin Trudeau pour annoncer des investissements au nord de la frontière. C'est le cas de Salesforce, une entreprise

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spécialisée dans l'info nuagique, dont les dirigeants voulaient envoyer un bon signal, lors du passage du premier ministre. Non seulement ont-ils affiché le drapeau canadien sur un grand écran du lobby de leur siège social, ils ont aussi annoncé un investissement de deux milliards de dollars sur cinq ans dans ses installations canadiennes. Le nombre d'emplois créés en lien avec cette annonce n'est pas précisé, mais Justin Trudeau a évoqué « des milliers ». Une autre entreprise, Appdirect, a de son côté annoncé la création de 300 emplois au Canada au cours des cinq prochaines années. L'entreprise mettra sur pied un centre de vente à Toronto et fera croître le personnel dans ses bureaux de Montréal et Calgary.


Automobile

Les 10 marques les moins fiables Quand il est question de fiabilité, les inégalités sont grandes dans le monde automobile. Et si l’on se fie au dernier rapport de fiabilité de JD Power, les marques américaines ont encore du fil à retordre en la matière. Selon l’étude basée sur 36 896 réponses de propriétaires américains de véhicules âgés de trois ans, cinq des 10 marques automobiles ayant connu le plus de problèmes sont d’origine américaine. Voici, de la dixième à la plus problématique, les 10 marques qui croulent au bas-fond du palmarès 2018 de JD Power. 10. Volvo La marque de luxe suédoise Volvo a longtemps eu la réputation d’être increvable, mais le rapport de JD Power démontre que ses véhicules ne sont pas exempts de problèmes pour autant. On a dénoté 162 problèmes par 100 véhicules alors que la moyenne pour l’ensemble de l’industrie est établie à 142 problèmes. 9. Dodge Grande habituée du sous-sol du palmarès de JD Power, Dodge remonte la pente, lentement mais sûrement. Après avoir été la pire marque selon les résultats du palmarès de 2016, elle est passée au quatrième rang l’an dernier et est désormais neuvième avec 166 problèmes par 100 véhicules. 8. Ram Toujours dans la famille de Fiat Chrysler Automobiles (FCA), Ram n’a guère fait mieux que Dodge avec une récolte de 167 problèmes par 100 véhicules. C'est quand même mieux que les 183 problèmes qui avaient été recensés dans l’étude de l’année dernière. 7. Subaru Les voitures japonaises ont habituellement une réputation de fiabilité assez solide, mais certaines d’entre elles continuent d’avoir des problèmes. C’est le cas de Subaru, qui arrive à égalité avec Ram avec 167 problèmes par 100 véhicules. 6. Mitsubishi Comme l’an dernier, Mitsubishi demeure dans les bas-fonds du palmarès avec 173 problèmes par 100 véhicules. Avec Subaru, ce sont les deux seules marques japonaises à figurer à ce tableau du déshonneur. 5. Cadillac Chez General Motors, la marque de luxe Cadillac fait piètre figure avec 186 problèmes par 100 véhicules. Plutôt ironique, quand on sait que Chevrolet et Buick font partie de la liste des 10 marques les plus fiables selon la même étude. 4. Jeep Comme les autres marques du groupe FCA, Jeep est une habituée du tableau des cancres de JD Power. Cette année ne fait pas exception à la règle, alors que 188 problèmes par 100 véhicules

ont été répertoriés. 3. Fiat Pire marque de l’industrie selon l’étude de 2017, Fiat remonte légèrement la pente cette année avec ses 192 problèmes par 100 véhicules. C’est encore plutôt gênant, on s’entend. 2. Land Rover Êtes-vous vraiment surpris? Land Rover a fait de gigantesques progrès depuis son passage aux mains de Tata Motors, il y a maintenant 10 ans.

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Sauf que visiblement, les problèmes de fiabilité ne sont pas encore tous réglés. 1. Chrysler Eh oui, c’est encore une marque du groupe FCA qui enregistre la pire note au classement de JD Power. Après Fiat l’an dernier, c’est au tour de Chrysler de prendre place à la toute dernière position du palmarès, avec une récolte de 211 problèmes par 100 véhicules. Ouch.

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Société

Initiative MTElles

500 000 $ pour renforcer l’engagement démocratique des Montréalaises

L'initiative MTElles a officiellement été lancée le jeudi 8 février 2018. Condition féminine Canada accorde dans ce cadre un demimillion de dollars à trois organismes dans le cadre de l'initiative MTElles, qui vise à accroître la participation démocratique des femmes à Montréal.

Le projet, qui a vu le jour l'été dernier, a été officiellement lancé en présence de la mairesse de Montréal, Valérie Plante. Il vise à faire en sorte que les femmes participent davantage dans les instances démocratiques municipales comme le conseil municipal, les conseils d'arrondissements, les consultations de l'OCPM et les tables de quartiers.

Même s'il n'existe aucune statistique sur la participation des femmes à ces instances, « dans la littérature [scientifique], on évoque déjà des obstacles de participation », fait valoir Rosa Pires, agente de développement pour Concertation Montréal, un des trois organismes subventionnés par Ottawa aux côtés de RelaisFemmes et de la Coalition des tables de quartier. La difficile conciliation travailfamille demeure probablement « le premier obstacle » à surmonter, selon Mme Pires. « Une fois que les femmes ont été à leur travail rémunéré, qu'elles sont encore majoritairement en charge des soins des aînés et des enfants...

Après ça, est-ce qu'il reste du temps pour l'engagement? C'est la grande question. » «Les tâches des femmes sont encore très lourdes dans la sphère privée et donc elles ont peu de temps pour la sphère publique» ajoute Rosa Pires.

Mme Pires invoque aussi « les conditions dans lesquelles se tiennent les consultations publiques », comme l'absence de haltes-garderies, les horaires tardifs et le manque d'accessibilité pour les femmes handicapées, pour justifier la tenue d'un exercice comme celui de MTElles. Des ajustement sont possibles, estime-t-elle, soulignant qu'une cinquantaine de

La représentation des femmes en politique par les chiffres En 2015, 88 femmes ont été élues au Parlement du Canada, ce qui porte leur représentation à la Chambre des communes à 26 %

– un record;

Lors des élections provinciales de 2014, le Québec a élu 34 femmes

à l'Assemblée nationale, c'est-àdire que 27,2 % des sièges y sont occupés par des députées;

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séances publiques ont déjà été étudiées depuis le début du projet. Un rapport d'étape faisant un état

En 2017, Montréal a élu pour la première fois une femme à la mairie : Valérie Plante. Sept des 18 arrondissements de la ville

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des lieux devrait être publié au printemps. Des pistes de solutions seront identifiées et mises en place par la suite.

sont dirigés par une mairesse. Source : Condition féminine Canada


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Société

Discrimination raciale

12 000 $ à un couple à qui on a refusé un logement Le Tribunal des droits de la personne vient de condamner les propriétaires d'un duplex à verser 12 000 $ à un couple d'origine haïtienne à qui il avait refusé de louer un logement dans l'arrondissement de LaSalle, à Montréal, en 2012.

Les propriétaires, Ugo Fornella et Anna Bresciani-Fornella, devront verser 5000 $ à Stéphanie Marcel et 5000 $ à Jean-Claude Pheneus à titre de dommages moraux, en plus de 1000 $ à chacun des deux à titre de dommages punitifs. Le couple de locataires, Stéphanie Marcel et Jean-Claude Pheneus, avait mandaté une courtière immobilière, Kénande Marcel, aussi la soeur de Stéphanie, pour trouver un grand logement de six pièces et demie pour la famille. De leur côté, les propriétaires, Ugo Fornella et Anna BrescianiFornella, avaient mandaté un courtier immobilier, Marco Lopez,

pour trouver des locataires.

Après une première visite du logement par Mme Marcel et sa soeur courtière, puis une seconde par Mme Marcel et son conjoint, le couple a exprimé son intérêt à louer le logement. Il a alors été informé qu'il devait s'adresser au courtier des propriétaires, M. Lopez. Or, Marco Lopez a témoigné devant le tribunal qu'après la deuxième visite du logement, Mme Bresciani-Fornella lui avait téléphoné pour lui dire qu'elle ne voulait pas avoir de locataires de cette origine ethnique. M. Lopez a témoigné du fait qu'étant lui-même immigrant d'origine hispanique, les propos d'Anna Bresciani-Fornella l'avaient choqué. Il avait cessé de remplir la fonction de courtier pour le couple à la suite de cela.

Devant le tribunal, le couple de propriétaires a nié avoir refusé de louer son logement aux plaignants en raison de leur origine ethnique, de leur race ou de leur couleur. Il a plutôt soutenu que le courtier immobilier n'avait pas transmis l'offre de location, de même que l'enquête de crédit des plaignants. Mais le Tribunal des droits de la personne a retenu la version des plaignants et de leur courtière, de même que celle du courtier Lopez qui était engagé par les propriétaires. Il est impensable que M. Lopez, qui avait un intérêt financier évident à ce que le logement soit loué, ait inventé de toutes pièces les propos discriminatoires de Mme Bresciani et les ait rapportés à Mme Kénande Marcel, sachant fort bien qu'ils étaient illégaux» a relevé le Tribunal des droits de la personne, dans son jugement

« Le Tribunal retient la version de M. Lopez à savoir que Mme Bresciani lui a déclaré refuser de louer le logement aux plaignants en raison de leur origine ethnique et de leur couleur, écrit le

Tribunal. Dès lors, M. Pheneus et Mme Stéphanie Marcel ont été victimes de discrimination fondée sur leur race, leur couleur ou leur origine ethnique. »

Les cas de discrimination en hausse constante Le nombre de plaintes a augmenté de 35% entre la période de 2006 à 2011 et celle de 2011 à 2016. Le nombre de plaintes pour discrimination lors de la recherche d'un logement est en augmentation, révèlent les données récoltées par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Selon le rapport annuel de la CDPDJ, le nombre de plaintes a augmenté de 35 % entre la période de 2006 à 2011 et celle de

2011 à 2016. En 10 ans, 767 dossiers de plaintes ont été ouverts. Le tiers d’entre eux concernent de la discrimination liée à l'origine ethnique et à la couleur de la peau. Le Bureau d'animation et information logement (BAIL) déplore que des propriétaires refusent des locataires pour des motifs ethniques. « C'est certain que c'est la pointe de l'iceberg, estime Jonathan Carmichael, organisateur communautaire au BAIL.

Dans les faits, le nombre de locataires qui vivent la discrimination, c'est beaucoup plus élevé que ça. Il y a très peu de locataires qui vont porter plainte.Jonathan Carmichael, organisateur communautaire au BAIL Une situation bien réelle Originaire du Tchad, Guelmbaye Ngarsandje est arrivé à Québec en 2011 pour étudier en relations industrielles à l'Université Laval. À la recherche d'un logement, il dit

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avoir été victime de discrimination lors d’une visite. « On se retourne on dit : "on va le prendre". On signe le bail. [La propriétaire] est là, elle se gratte la tête et dit : "c'est parce que mon mari m'a dit de ne pas louer ça aux personnes de couleurs" », se rappelle-t-il. Présentement à la recherche d’un logement, M. Ngarsandje estime que la discrimination est toujours présente. « Si vous vous appelez

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Tremblay, Gagnon ou Gagné, c'est sûr que ça ira plus vite que moi qui ai un nom difficilement prononçable », dénonce-t-il. Le BAIL exige qu'un encadrement juridique soit mis en place dans le processus qui mène à la location d'un logement. « Tant qu'il n'y a pas un bail de signé avec le propriétaire, on n'est pas encore son locataire, rappelle Jonathan Carmichael du BAIL. On ne peut donc pas se tourner vers la Régie du logement pour intenter un recours. »


Société

Québec entend faciliter la vie aux jeunes familles Québec permettra aux nouveaux parents d'étaler les congés parentaux auxquels ils ont droit sur une période de deux ans. Il s'agit d'une des mesures à venir, confirmées jeudi après-midi, venant modifier le Régime québécois d'assurance parentale (RQAP). D'ailleurs, le gouvernement compte multiplier d'ici la fin de son mandat les gestes devant faciliter la vie des familles. L’Objectif Qualité de vie La qualité de vie devient l'objectif numéro un du gouvernement, huit mois avant les prochaines élections. Dans le cas des changements au RQAP, le but de l’exercice est de fournir davantage de flexibilité aux parents, mais aussi aux employeurs, dans la gestion des congés de maternité et de paternité. Ces changements, qui s’inscrivent dans le cadre d’un effort du gouvernement pour améliorer la conciliation travailfamille, ne devraient par ailleurs entraîner aucun coût supplémentaire pour l’État, puisqu’il ne s’agit ni d’une augmentation des prestations ni de leur durée, mais bien d’un réaménagement. L'annonce a été faite par le premier ministre Philippe Couillard et son ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, au terme du caucus présessionnel des parlementaires libéraux, à Québec. « Moi, je suis de la génération pour qui le travail, c’était tout », a relaté M. Couillard. « J’ai passé des jours, des soirs à mon travail. Et je dois le dire, ça m’a fait négliger ma famille, comme beaucoup de mes collègues de l’époque. Et je le regrette aujourd’hui. » Les jeunes familles qui vivent ça maintenant disent : "Moi, je ne veux pas de ce modèle de vie là.

Moi, je veux du temps de qualité avec mes enfants. Et si mes parents sont malades, je suis inquiet, et je veux avoir du temps pour m’occuper d’eux également." C’est un changement de paradigme social, c’est un changement de société. C’est une bonne chose et il faut qu’on s’adapte à ça.Philippe Couillard, premier ministre « Ce que l'on propose, c'est majeur, parce que c'est la possibilité de scinder votre congé et de l'étirer sur deux années », a expliqué M. Blais, qui déposera un projet de loi en ce sens cet hiver. Présentement, un tel aménagement n'est possible que dans une période d'un an. Par exemple, une nouvelle mère qui le désire pourra revenir au travail après huit semaines de congé et prendre les semaines restantes six mois ou un an plus tard, ou encore les aménager de façon à bénéficier de semaines

de travail de quatre jours. Travailleurs et employeurs devront s'entendre Ces aménagements devront cependant faire l’objet d’un accord préalable entre l’employeur et l’employé. En cas de refus de l’une des parties, ce sont les scénarios de base prévus par le RQAP qui s’appliqueront. Actuellement, le RQAP prévoit 18 semaines pour la mère, à 70 % de son salaire, et cinq semaines pour le père, aussi à 70 % de son salaire. Les deux conjoints disposent ensuite de sept semaines à 70 % du salaire et de 25 semaines à 55 %, qu'ils peuvent se partager comme ils l'entendent. Entré en vigueur le 1er janvier 2006, le Régime québécois d’assurance parentale est financé à partir de cotisations des

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employeurs et de montants perçus sur le salaire des travailleurs. Près de 100 000 parents québécois se prévalent chaque année de congés parentaux financés par le RQAP. Autres chantiers familiaux De son côté, la ministre du Travail, Dominique Vien, déposera un projet de loi destiné à réviser les normes du travail qui devra inclure un plus grand nombre de jours de congé offerts aux parents de jeunes enfants et à ceux qui doivent s'occuper de proches âgés. Et en mars, le ministre des Finances, Carlos Leitao, prévoit quant à lui annoncer quelques surprises aux parents en vue d'alléger leur fardeau fiscal, puisque l'économie continue de bien aller au Québec. «Nous sommes entrés depuis

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2015 dans un cercle vertueux, où il y a plus de consommation, plus d'investissement, plus de revenus de l'État. Donc, on peut se permettre de faire des allègements fiscaux» a affirmé à cet effet Carlos Leitao, ministre des Finances « En même temps, nous sommes réalistes, a nuancé M. Leitao. Nous sommes prudents. Nous voyons que, pour l'avenir, pour 2018, 19, 20, il y a plusieurs nuages un peu plus sombres à l'horizon. Donc, il faut demeurer prudent, il faut avoir un cadre financier qui soit toujours robuste et qui puisse passer à travers différentes zones qui pourraient être un peu plus turbulentes. Il ne faut pas promettre n'importe quoi aux Québécois. » Ce sera la dernière session avant le scrutin du 1er octobre, et donc la dernière chance du gouvernement de faire sa marque sur le plan législatif.


Société

10ème anniversaire de l’assurance parentale

Les papas québécois y prennent goût…

Une décennie après l'arrivée du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP), les pères sont presque trois fois plus nombreux à prendre congé de leur travail après la naissance de leur enfant

Avant l’instauration du RQAP par le gouvernement libéral de Jean Charest, en 2006, 28 % des pères québécois avaient recours au régime fédéral d’assurance-emploi pour leurs prestations de paternité. Depuis, sous le nouveau régime, ce nombre a bondi à 83 %, selon le Conseil de gestion de l’assurance parentale. L'instance qui administre le RQAP a récemment réalisé avec des chercheurs universitaires un bilan des 10 ans du

« On ne s’attendait pas à ce que ça ait cette ampleur. L’effet a été rapide et croissant », affirme Sophie Beauchemin, responsable des communications au Conseil de gestion de l’assurance parentale. Des stéréotypes toujours bien présents Si de nombreux pères se sont prévalus du congé de paternité, ils sont toutefois bien moins nombreux à prendre un congé parental. Ils sont seulement passés de 31 % à 35 % depuis 2006. Selon le directeur du Regroupement pour la valorisation de la paternité, Raymond Villeneuve, le Québec devrait ainsi faire un pas de plus. « On induit encore une forme de déséquilibre. C’est sûr que si on pouvait augmenter le nombre de

semaines du congé de paternité, ça pourrait aider. »

Ça permet un meilleur équilibre de l’enfant »

L’idée d’un père restant à la maison pendant des mois, ajoute-t-il, n'est toujours pas acquise dans notre société.

La psychologue Nadia Gagnier explique pourtant que la présence d’un père peut avoir une très grande importance dans le développement d’un enfant, tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un domaine de recherche à approfondir.

Durée moyenne des semaines de congé

Maternité 17,2 Paternité 4,4 Parental (mère) 28,9 Parental (père) 13,3 Source: Conseil de gestion de l'assurance parentale régime. La création du RQAP avait fait l’objet d’intenses négociations entre Québec et Ottawa. Avec comme seuil minimal un revenu annuel de 2000 $, ce régime offre une meilleure accessibilité que dans les autres provinces et le taux des prestations est généralement plus avantageux. Désormais, le modèle québécois est souvent cité comme étant l’un des plus généreux de la planète. Ailleurs au Canada, seulement 12 % des pères prennent leur congé parental.

«Souvent, des employeurs vont dire que la conciliation travailfamille, c’est une affaire de femme» relève Raymond Villeneuve, directeur du Regroupement pour la valorisation de la paternité «

Fonctionnement du RQAP Types de congé Maternité : 15 à 18 semaines Paternité : 3 à 5 semaines Parental : 25 à 32 semaines partagées entre la mère et le père Taux de cotisation* Salariés : 0,548 % Employeurs : 0,767 % Travailleurs autonomes : 0,973 % Portion du revenu remboursé : 55 % à 75 % *Les taux de cotisation ont diminué de 0,02 % de 2015 à 2016 pour les employeurs et travailleurs autonomes et de 0,01 % pour les salariés. En tant que principal employeur du Québec, l’État se trouve ainsi à débourser moins pour le régime. Source : Conseil de gestion de l’assurance parentale

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«Je pense que c’est très favorable pour les enfants parce qu’il y a une façon masculine et une façon féminine de donner des soins et d’éduquer. Les deux sont complémentaires» affirme la Dre Nadia Gagnier. L’impact se trouve également dans la redéfinition du rôle parental. « Plus le père est présent, plus il a l’impression d’être compétent. Le sentiment de compétence encourage le père à poursuivre », affirme Dre Gagnier.

Pas plus de bébés L’effet global du RQAP a par ailleurs été très marginal sur le taux de natalité. En moyenne, il y a eu 370 naissances de plus par année au cours de la dernière décennie, soit une augmentation annuelle d'environ 0,3 %. Le Conseil de gestion de l’assurance parentale rappelle qu’il ne s’agit pas d’un régime nataliste. Pas plus de bébés L’effet global du RQAP a par ailleurs été très marginal sur le taux de natalité. En moyenne, il y a eu 370 naissances de plus par année au cours de la dernière décennie, soit une augmentation annuelle d'environ 0,3 %. Le Conseil de gestion de l’assurance parentale rappelle qu’il ne s’agit pas d’un régime nataliste.

Durée moyenne des semaines de congé

Maternité 17,2 Paternité 4,4 Parental (mère) 28,9 Parental (père) 13,3 Source: Conseil de gestion de l'assurance parentale

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Santé

L’aspirine sauve-t-elle vraiment des vies humaines? Tout le monde a sa petite idée sur l’aspirine. Mais que montrent les études et quelles sont les recommandations actuelles en matière de prévention? L’aspirine prévientelle l’infarctus ? Peut-être certains cancers ? Si oui, elle nous prémunirait contre les deux causes majeures de mortalité qui, ensemble, représentent 37 % (respectivement 24 % et 13 %) des décès dans le monde. Alors, est-ce que le petit comprimé d’acide salicylique, l’un des plus vieux médicaments, sauve des vies ? C’est ce que nous allons voir dans le texte suivant. Pour ce qui est des maladies cardiovasculaires comme l’infarctus et l’AVC, l’effet principal de l’aspirine est d’empêcher la formation de caillots dans les artères. Elle y arrive en agissant directement sur les plaquettes sanguines pour diminuer leur agrégation. Et qui dit agrégation des plaquettes dit caillots, donc infarctus ou AVC. Il est possible que d’autres mécanismes soient en cause, comme l’effet anti-inflammatoire de l’aspirine, premier anti-inflammatoire découvert. On sait que l’inflammation explique plusieurs des grandes maladies chroniques. Toutefois, les démonstrations sont moins claires à cet égard. Le cancer est un nouveau venu dans la liste des maladies que l’aspirine pourrait prévenir. Les études ayant montré son efficacité sont beaucoup plus récentes et souvent issues de celles qui visaient à montrer ses effets cardiovasculaires. Les explications sont toutefois moins claires. On soupçonne qu’en inhibant les prostaglandines — hormones associées notamment à la formation de ces vaisseaux dans les tumeurs qui favorisent leur croissance, à la prolifération cellulaire, à la réponse immunitaire et à la mort cellulaire —, on prévient les cancers. Prévention primaire et secondaire Clarifions le concept de prévention, dont le but est d’agir avant l’apparition d’un problème de

santé. En contrepartie, on ne doit pas aggraver la santé du patient. Ce risque de causer plus de tort que de bien est d’autant plus important que la personne est (apparemment) en bonne santé.

Il faut ensuite distinguer la prévention dite primaire de la prévention secondaire. La prévention primaire, c’est quand vous n’êtes (apparemment) pas malade et que vous agissez pour prévenir l’apparition d’une maladie. La prévention secondaire, c’est quand vous avez eu un problème de santé (comme un infarctus), et que vous souhaitez prévenir sa récurrence. Réglons tout de suite la question de la prévention secondaire des maladies cardiovasculaires, l’effet le plus évident de l’aspirine. Après un infarctus ou un accident vasculaire cérébral (AVC) causé par une thrombose d’une artère, les bienfaits de l’aspirine sont sans équivoque : elle diminue grandement le risque de réinfarctus et de récidive d’AVC. Bref, on serait fou de s’en passer. En l’absence de contre-indication (allergie ou risque de saignement très élevé, par exemple), tout patient qui a souffert d’un infarctus ou d’un tel AVC devrait prendre une dose d’aspirine journalière. En prévention primaire, les recommandations ont varié avec les années. On sait que l’utilisation régulière de l’aspirine prévient l’infarctus du myocarde. De plus en plus, on constate aussi qu’une utilisation prolongée pourrait réduire le risque de cancer, surtout de cancer du côlon. Enfin, la mortalité globale se voit aussi diminuée. Pour l’infarctus, la réduction relative de l’incidence est de l’ordre de 20 %, alors que la réduction de la mortalité globale tourne autour de 6 %. Je reviendrai aussi plus loin sur la signification de ces chiffres en absolu. Enfin, alors que l’aspirine prévient la récidive d’AVC, elle ne semble pas prévenir de façon significative l’AVC en prévention primaire.

Curieux, mais c’est ce que les études montrent. Même le cancer ! Pour ce qui est de la prévention primaire du cancer, les données sont plus complexes. D’abord, l’effet semble apparaître seulement à long terme, soit après 10 ans de suivi. L’effet le mieux documenté concerne le cancer colorectal, avec une diminution substantielle du risque, jusqu’à 40 % après 10 à 20 ans d’utilisation. D’autres études ont montré des résultats variables. Son efficacité est généralement supérieure à 20 % à long terme dans la plupart des études. C’est surtout le risque de cancer proximal du côlon (au début du colon, le plus difficile à diagnostiquer), qui est diminué, soit d’environ 55 %.

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Intéressant de diminuer l’incidence du cancer, mais est-ce que la mortalité liée au cancer est également abaissée ? Il semble que oui. On observe ainsi une baisse relative de 20 à 40 % du risque de la mortalité liée au cancer. Cette réduction de mortalité est au moins équivalente à celle offerte par le dépistage de ce cancer. L’aspirine préviendrait d’autres cancers, malgré des résultats moins convaincants. On a même constaté une diminution du risque relatif de 12 % de l’ensemble des cancers, ce qui est assez intéressant. Elle réduirait en particulier les risques des cancers de l’appareil reproducteur féminin, de lymphomes et de sarcomes. Il faut prendre l’aspirine tous les jours pour bénéficier de ces gains, et

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non une journée sur deux. Enfin, pour ce qui est de la mortalité globale, soit toutes causes confondues, on constate une réduction de 6 %, qui s’explique davantage grâce à son effet favorable sur les maladies cardiovasculaires. Une plus faible amplitude que pour les maladies ellesmêmes, mais tout de même un effet significatif. Bref, l’aspirine sauve des vies, même en prévention primaire. Bien peu de médicaments peuvent en dire autant. On se rappelle qu’il s’agit de personnes à priori en bonne santé, donc à faible risque de décès. Quant aux effets secondaires… Mais attention, il faut bien peser

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Santé

L’aspirine sauve-t-elle vraiment des vies humaines?

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les avantages et les risques réels avant de se précipiter chez le pharmacien. Tout cela peut sembler trop beau pour être vrai. Parmi les risques, on trouve surtout les saignements majeurs, ceux qui requièrent une hospitalisation. L’aspirine entraîne des saignements gastro-intestinaux, un risque qui double en cas de prise prolongée. De plus, 4 patients sous aspirine sur 10 000 souffriront de saignements intracrâniens. Leur risque de mortalité frôle alors les 50 %. On ne parle donc pas de petits effets secondaires ici. Ces risques de saignement augmentent surtout avec l’âge, de même que chez les hommes et les diabétiques. Pour atténuer les risques de saignements majeurs, il faut éviter de prescrire l’aspirine chez les patients à haut risque de saignement et éviter la combinaison avec des anticoagulants ou les antiinflammatoires, qui multiplient ce risque.

Par ailleurs, il existe des cas d’intolérance et d’allergie, tout de même assez rares, de l’ordre de 7 par 10 000.

Quelle dose prescrire ? L’aspirine fonctionne donc, mais à quelle dose ? La plupart des études montrent qu’une dose journalière supérieure à 75 mg produit les effets escomptés. Au-delà de 100 mg par jour, les effets secondaires augmentent. La dose optimale est donc située entre 75 et 100 mg. Notre bonne vieille « aspirine de bébé », prescrite à dose de 80 ou 81 mg pour la plupart des patients, fait parfaitement l’affaire. Au-delà, les risques l’emportent sur les bénéfices en prévention primaire. Cette dose est valable pour la prévention des maladies cardiovasculaires autant que pour celle du cancer. Certains experts prescrivent des doses supérieures à 80 mg pour le cancer, mais les données supportant cette pratique sont de faible qualité. En prendre ou pas ? En fait, la prescription ou non

d’aspirine en prévention est une décision complexe, qui doit prendre en compte un ensemble de facteurs, notamment le risque cardiovasculaire et le risque de cancer.

ans éviterait 6 décès, 17 infarctus et 13 cas de cancer (sur 20 ans). Elle causerait aussi 16 saignements majeurs. Pour les experts, les avantages l’emportent sur les risques.

Pour les personnes à bas risque (une personne de 40 ans n’ayant pas de facteur de risque particulier pour l’infarctus ou le cancer, par exemple), on considère que si 1 000 personnes sont traitées sur une période de 10 ans, on sauvera 5 infarctus, de même que 7 cancers colorectaux, mais en causant 4 saignements majeurs.

Reste à discuter avec le patient ses « préférences » quant à ces événements. En général, si le risque est modéré, la plupart des patients acceptent de prendre l’aspirine en prévention. Enfin, pour les patients à haut risque cardiovasculaire, touchées par de multiples facteurs de risque cardiovasculaire, les gains dépassent nettement les risques et les recommandations favorables ne font pas de doute.

La plupart des experts jugent que pour ces personnes à bas risque, le jeu n’en vaut pas la chandelle, le nombre d’infarctus et de cancer évités demeurant assez limité, du même ordre que l’incidence de saignements majeurs. Pour les personnes à risque intermédiaire de la maladie cardiovasculaire ou de cancer (par exemple, une personne de 60 ans avec certains facteurs de risque, ou encore une personne avec un risque modéré de cancer), l’aspirine administrée sur une période de 10

Recommandations officielles Dans les plus récentes recommandations officielles, celles de l’USPSTF de 2016, on suggère la prise d’aspirine chez les personnes de 50 à 59 ans affectés par un risque cardiovasculaire modéré ou élevé depuis 10 ans, qui ne sont pas à risque de saignement et qui ont une espérance de vie d’au moins 10 ans. Et elles doivent être prêtes à prendre de l’aspirine

durant 10 ans pour en bénéficier. Comme on le voit, 10 est le chiffre magique ! Pour les personnes de 60 à 69 ans, les données sont moins robustes et la décision doit être individualisée. Enfin, pour les moins de 50 ans ou de plus de 70 ans, les données sont insuffisantes pour appuyer ou non la prise d’aspirine en prévention primaire. Comme ce n’est pas simple, alors mieux vaut consulter son médecin ou un professionnel de la santé pour discuter de tous ces aspects plutôt que de prendre soi-même la décision d’aller chercher une petite bouteille d’aspirine sur le comptoir de la pharmacie. C’est du moins ce que je vous recommande. Source des informations : www. uptodate.com : L’aspirine dans la prévention primaire des maladies cardiovasculaires et du cancer. Auteurs: Frederick A. Spencer et coll. Revue de la littérature en cours jusqu’à: Dec. 2017.

Framboises de Chine

Des centaines de malades au Québec Les autorités de la santé publique du Québec soutiennent que des centaines de Québécois ont été malades parce qu’ils ont consommé des aliments contenant des framboises provenant de Chine. Selon les estimations du ministère de la Santé et des Services sociaux, il y a eu au moins 724 malades qui ont fait l’objet d’une enquête relativement aux éclosions de norovirus, un groupe de virus associés aux gastroentérites et qui, en plus de se transmettre rapidement, sont très contagieux. «Les personnes malades (usagers, clients et employés) avaient consommé des produits – des-

serts, coulis, yogourts, veloutés – préparés à partir de framboises congelées crues provenant de Chine», indique-t-on.

Les gens contaminés présentent des symptômes comme des nausées, des vomissements, de la diarrhée, des crampes abdominales, des douleurs musculaires, de la fatigue, de la fièvre, des frissons et des maux de tête, et ce, dans les 24 à 48 heures suivant la consommation. Dans son bulletin d’information «Flash Vigie» de janvier dernier, le ministère précise que «le nombre de 724 est sous-estimé, car il ne tient pas compte de tous les cas associés à la source suspectée».

«L’ampleur de la sousestimation est inconnue», assure-t-on. L’été dernier, plusieurs cas de norovirus associés à la consommation de gâteaux mousse aux framboises avaient été signalés, selon l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Le rappel avait été ensuite élargi en août à plusieurs produits similaires. Au total, 11 rappels de 17 lots de produits visaient trois importateurs d’ici qui s’approvisionnaient auprès du

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même fournisseur chinois, ont précisé les autorités québécoises, mentionnant d’ailleurs que ce fournisseur faisait l’objet

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d’un «avis de surveillance» du gouvernement fédéral. Source : Agence QMI


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Éducation

Jeunes Québécois d’origine arabe

Des étudiants comme tous les autres… Dans un article paru le 17 février, le quotidien Le Devoir nous informe du fait que des professeurs du cégep Maisonneuve se censurent, de peur de froisser les sensibilités de leurs étudiants d’origine immigrante. Bien que ce ne soit pas dit comme tel, ces professeurs semblent surtout préoccupés par les sensibilités religieuses et culturelles des étudiants d’origine arabe et de confession musulmane. Fait révélateur, ils ne se censurent pas, généralement, en réaction à des heurts survenus dans leurs classes, mais de manière préventive, de crainte d’en susciter. J’ai là-dessus un éclairage à apporter.

J’enseigne au Collège Montmorency, où la population étudiante est très diversifiée, où la deuxième langue maternelle la plus courante, après le français, est l’arabe. Il y a dans mes classes beaucoup de jeunes Québécois nés de parents maghrébins ou euxmêmes originaires du Maghreb. Presque toutes les filles, en passant, sont non voilées et tout à fait comme les autres. Modernes, affirmées, curieuses. Même conception de la pudeur, même sensibilité aux courants, progrès et pro-

blèmes de notre société.

J’enseigne la philosophie à ces jeunes. Je leur fais lire Nietzsche sur « la mort de Dieu ». Je leur fais lire Onfray sur le libertinage. Je leur enseigne Butler et la théorie du genre. Je discute de l’invention de la pudeur et je leur présente, images à l’appui, divers modèles, des autochtones nues d’Amazonie à la femme en burqa en passant par nos stars en décolleté sur les tapis rouges. Bref, je ne galvaude en rien mon enseignement et ne me censure pas pour éviter de froisser des susceptibilités. Mais pour chacune des théories enseignées, j’essaie de faire voir le contrepoint. Nous discutons de Dieu comme hypothèse philosophique et, même s’ils savent que je suis athée, je ne crois pas qu’ils se sentent jugés. Nous lisons des éloges de la monogamie, des auteurs convaincus de l’existence de différences naturelles entre les sexes. Ils me suivent dans tout cela, la plupart du temps vaillamment, avec intérêt. Une réelle démarche de réflexion Leurs travaux écrits sont à

l’avenant. Ces jeunes Québécois d’origine arabe y dissertent avec intelligence et nuance sur le féminisme, le romantisme, le libertinage, l’érotisme masculin, la place des femmes et de leur sexualité dans la culture érotique occidentale, le patriarcat et les rôles de genre. Y compris les rares filles voilées qui aboutissent dans mes classes. Ou alors ils se prononcent sur l’origine des souffrances dans l’univers, sur les perspectives résolument athées de Nietzsche ou de Schopenhauer, sur la sagesse ancienne d’Aristote.

Quand je lis leurs copies, j’y vois des jeunes ouverts, tolérants, curieux de l’héritage de la civilisation occidentale de laquelle ils se sentent partie prenante, capables de se recomposer une identité complexe où ils intègrent ce qui leur vient de la culture de leurs parents et ce qu’ils ont découvert ici au Québec, notamment dans mon cours. Je pense que l’on oublie parfois l’ampleur du défi que cela représente. La liberté de croire ou de ne pas croire en Dieu, qu’ils découvrent et apprécient ici, est parfois source d’inquiétudes et de tensions dans leur milieu familial. Leur désir — très « roman-

tique », ils le découvrent grâce à Rousseau et Austen — de choisir leur copain ou leur copine sur la base du seul amour, sans tenir compte de l’origine culturelle ou de la religion pratiquée, les met parfois en porte à faux avec les espérances secrètes de leurs parents — qui par ailleurs les aiment et sont capables de compromis.

Bref, se recomposer une identité harmonieuse à partir des diverses influences qu’ils subissent n’est pas une sinécure. Cela commande de notre part, il me semble, plus d’empathie et de tolérance face aux attitudes qui en découlent parfois : ambivalence quant à leur identité (suis-je Québécois ou Marocain ?), retour zélé à la religion pour certains, adhésion à une culture de la rue (rap, etc.) qui leur offre un univers musical et philosophique sensible à leurs colères et à leur désarroi. J’aimerais aussi dire qu’ils ne forment pas un bloc monolithique. Plusieurs sont agnostiques ou athées, certains sont croyants, quelques filles le montrent par leur habillement. J’en connais qui parlent québécois sans le moindre accent, qui écoutent du métal, qui

Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île

Mme Arij-Abrar El Korbi, nouvelle commissaire scolaire Le président de la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSPÎ) M. Miville Boudreault est heureux d’annoncer la nomination de Mme Arij-Abrar El Korbi à titre de commissaire de la circonscription 4 située dans l’arrondissement de SaintLéonard. « Nous avons affiché un appel de candidatures dans le journal local et nous avons reçu 18 candidatures valides. Un comité de sélection formé de trois membres du conseil a évalué cellesci et des entrevues ont été menées. Le processus de sélec-

tion a été très stimulant devant autant de candidatures intéressantes. L’engagement de Mme El Korbi dans la communauté léonardoise et son intérêt envers le monde de l’éducation ont été des éléments en sa faveur », a indiqué M. Boudreault « J’ai posé ma candidature au poste de commissaire pour agrandir mes horizons et pour approfondir mes connaissances, mais surtout, j’aimerais redonner à mon quartier et à mon arrondissement. Quoi de mieux que d’investir dans le présent et dans le futur et de travailler

pour les enfants du préscolaireprimaire, du secondaire et les élèves de la formation professionnelle et de la formation aux adultes », a mentionné Mme El Korbi. Après consultation du Comité de parents, sa nomination a été entérinée à l’unanimité lors de la séance du conseil du 7 février 2018. La nouvelle commissaire siègera au Conseil des commissaires jusqu’aux prochaines élections scolaires générales, prévues le 4 novembre 2018.

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textent discrètement dans le fond de la mosquée quand on les oblige à y aller. À les voir, on peut difficilement parler d’une « communauté arabe » homogène, encore moins d’une « communauté musulmane », certaines et certains affichant ouvertement leur incroyance dans mes cours. Toutes ces observations m’ont convaincu d’une chose. Pour les professeurs de cégep comme pour tous les citoyens québécois, le meilleur antidote à la peur consiste à fréquenter ces jeunes, qui sont une composante du Québec de demain, qui ne demandent qu’à en faire partie, si on veut bien leur en laisser la chance. Il faut pour cela ouvrir avec eux certains sujets plus délicats, avec le respect qui s’impose, avec ouverture et curiosité à l’égard de leur parcours, mais sans se censurer, sans renoncer à son esprit critique. S’ils sentent en vous toutes ces dispositions d’esprit, ces jeunes, je puis l’assurer, en feront preuve à votre égard. Et se sentiront sans doute encouragés à se dire, eux aussi, partie prenante du Québec qui se construit sous nos yeux.


Éducation

Enseignants

La violence à l’école en hausse Le nombre de professeurs victimes de violence à l’école a augmenté de près de 50 % depuis 10 ans. Des menaces de mort du grand gaillard de 5e secondaire aux gifles, coups de pieds et coups de poing des enfants de maternelle, les enseignants en voient de toutes les couleurs et dénoncent une banalisation de la violence à l’école. En 2005, le nombre de lésions attribuables à la violence en milieu de travail comptabilisé par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) était de 284 chez les enseignants, la profession la plus représentée après le personnel de la santé. Dix ans plus tard, en 2015, ce chiffre avait grimpé à 420. C’est une augmentation de 48 %. Et ça se fait sentir sur le terrain, comme a pu le constater Le Devoir. « Il y a une dizaine d’années, on a vu une augmentation de la violence verbale. Maintenant, ce qu’on observe, c’est une augmentation importante de la violence physique », soutient Marie-Claude Palardy, conseillère en santé et sécurité du travail au Syndicat de Champlain (CSQ). En 2005, on dénombrait 284 lésions attribuables au milieu de travail chez les enseignants, nombre qui est passé à 420 dix ans plus tard. Selon elle, les cas déclarés ne sont que la pointe de l’iceberg. Car plusieurs professeurs, surtout ceux en début de carrière, n’osent pas porter plainte par peur de déplaire à la direction. Ils craignent qu’on ne fasse plus appel à leurs services ou que l’on remette en cause leur pédagogie. « Même lorsqu’ils tentent de le faire, certaines directions vont leur dire que ce n’est pas nécessaire, que ce qu’ils ont vécu est normal, déplore Mme Palardy. On dit au professeur : relaxe, prends un bon verre de vin. Ça, on l’entend souvent. Cette banalisation crée beaucoup de détresse chez les professeurs. » Sous le couvert de l’anonymat,

plusieurs professeurs en congé de maladie à la suite d’événements violents confirment s’être sentis « abandonnés » par leur direction.

« L’an passé, j’ai sorti un élève de ma classe. Il s’est mis dans l’embrasure de la porte, à moins d’un mètre de moi, il m’a regardé dans les yeux et a passé son pouce en dessous de sa gorge en me disant clairement : “T’es dead.” » Le professeur, qui travaille dans une école secondaire de la région de Montréal, a rempli un rapport d’acte de violence. « La direction m’a répondu que le jeune avait fait une blague et il n’y a eu aucune conséquence. » Dès la maternelle Professeure d’expérience, Nancy (nom fictif) enseigne à la maternelle. L’automne dernier, elle a rempli plus de 40 rapports d’incidents concernant le même enfant. Il l’a giflée, mordue, lui a lancé des objets par la tête, donné des coups de pied, des coups de poing dans le ventre. Souvent, elle prend les coups pour protéger d’autres élèves. Après maintes demandes, l’école a ajouté une technicienne en éducation spécialisée, la soulageant un peu, mais le problème de comportement de l’enfant n’a pas disparu pour autant. Nancy a essayé « plein de stratégies ». En vain. « Je suis partie en congé de maladie parce que je n’en pouvais plus. Mais mes élèves, eux, ne peuvent pas aller chez le pédiatre pour demander un congé d’école. C’est vraiment triste. » Une professeure de maternelle a raconté au Devoir que, ces dernières années, un enfant lui a lancé un café, un autre lui a lancé des blocs par la tête, un autre encore l’a mordue à un sein. « Il y a une agressivité chez les toutpetits qui est tolérée, acceptée comme inhérente à la tâche par certaines directions et certains parents.» Au service de garde d’une école de la banlieue, Julie (nom fictif) a

elle aussi été confrontée à un enfant difficile qui l’a violentée à maintes reprises. Dès le premier jour, elle a demandé de l’aide. On lui a répondu d’attendre un peu, qu’il était trop tôt pour sauter aux conclusions. Au fil des semaines et des mois, elle a réitéré sa demande. « C’était perçu comme si c’était moi qui n’étais pas capable de faire mon job, on pensait que je mettais de l’huile sur le feu. On m’a répondu que j’exagérais. » Elle a rempli des dizaines de pages de notes avant de partir en congé de maladie. « Ça affectait ma sécurité physique, mais aussi ma santé affective et mentale. J’étais tout à l’envers, j’étais tout le temps en train de me remettre en question. Je pensais toujours à ça, le jour, la nuit. Je vivais dans une appréhension constante. » Comme plusieurs, Julie redoute de retourner au travail et de se retrouver « dans la même classe, avec une direction qui nie tout ». Protocole Pratiquement tous les professeurs et les syndicats interrogés par Le

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Devoir associent l’augmentation de la violence aux compressions et au manque de personnel, qui obligent les professeurs à être toujours en réaction plutôt qu’en prévention. On évoque également l’intégration des élèves en difficulté. On explique la banalisation de la violence dans certaines écoles par le fait que l’élève est devenu « un client payeur » qui apporte des subventions. Pour certains, c’est également une question d’image. On ne veut pas passer pour une école violente, car encore là, dans un milieu de plus en plus compétitif, cela pourrait influencer les parents qui hésiteraient à choisir cette école. Pourtant, il existe un protocole pour dénoncer les actes de violence et chaque école est obligée, par la loi, de s’y soumettre. Comment expliquer alors qu’il ne soit pas toujours utilisé ? Selon Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, c’est une question de méconnaissance des outils. « Tant que ça ne leur arrive pas, les professeurs ne vont pas nécessairement s’informer sur les procédures

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à suivre. Il faut faire davantage de prévention et s’assurer que tous les professeurs savent comment agir quand ils sont victimes de violence, parce qu’il y en a de plus en plus. » À la Fédération québécoise des directions d’école, la vice-présidente, Lise Madore, répond qu’elle-même est très proactive pour faire connaître le protocole auprès des enseignants et des remplaçants dans les deux écoles qu’elle dirige. Mais elle reconnaît qu’il n’en est peut-être pas ainsi dans toutes les écoles. « Est-ce que c’est une méconnaissance des procédures, des enseignants qui font des remplacements et qui n’ont pas été avisés ou une nouvelle direction qui n’a pas encore toutes les formations nécessaires ? Je ne saurais dire, il y a tellement de contextes, mais toutes les écoles ont un protocole et ont l’obligation de le publiciser et de faire une reddition de comptes annuelle. » Hommes Selon le dernier rapport de la

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Éducation

Enseignants

La violence à l’école en hausse Suite de la page 31

CNESST, « les femmes comptent pour 70,2 % des travailleurs affectés par une lésion physique attribuable à la violence en milieu de travail en 2015 ». Cette statistique n’est pas étonnante, dans la mesure où la majorité des emplois en santé et en éducation sont occupés par des femmes. Mais dans les classes, des hommes aussi sont victimes de leurs élèves. « Il y a tous les classiques, les insultes, les menaces du style : “On sait où tu habites” et les bousculades. Je me suis fait pousser et cracher dessus. J’ai répertorié plus de vingt incidents en un mois », raconte Sylvain (nom fictif), un professeur de secondaire dans une école spécialisée pour cas lourds. Il est lui aussi en congé de maladie et réclame un changement dans le

milieu de l’éducation pour venir à bout de ce problème. « On nous dit : t’es professeur, la violence, ça fait partie de ton job, il faut que tu t’y attendes. Ça me fâche quand j’entends ça. Parce que le gars qui travaille dans la construction, quand il perd un bras, on ne lui dit pas : “C’est normal, tu savais que tu étais dans un milieu à risque.” On s’organise pour rendre le milieu plus sécuritaire. Mais dans les écoles, c’est banalisé. On ne perd peut-être pas un bras, mais c’est notre sommeil, notre qualité de vie, notre estime, notre santé mentale qui y passent. » Choc post-traumatique Et les séquelles peuvent demeurer longtemps, constate Michel Laforge. Il y a près de 20 ans, l’un

de ses élèves, aspirant chef de gang, avait élaboré un plan pour le tuer à la sortie de l’école. L’un des jeunes impliqués dans le complot a eu la frousse et s’est confié à son père, qui a aussitôt appelé les policiers. Ces derniers ont sécurisé l’école au moment où l’attaque devait avoir lieu, faisant avorter le projet. Quelques jours plus tard, la direction a convoqué Michel pour lui annoncer qu’il avait échappé de justesse à un assassinat. Puis on l’a renvoyé dans sa classe, sans plus de cérémonie. « Quand j’ai appris ça, mon monde a basculé, comme si j’étais tombé dans le vide. La direction ne m’a jamais proposé d’aide. J’ai donné mon cours en mode automatique. Je le voyais là, assis au fond de ma

Comment lutter contre les «fake news» en classe? Contre la propagation de fausses nouvelles s’élèvent de plus en plus ceux qui en produisent des vraies, avec comme cible la jeunesse fébrile et très active en ligne. Alors que différents médias à l’international ont lancé des programmes de formation à l’information, comme Le Monde avec son Décodex, un programme québécois similaire vient de voir le jour.

Le projet, chapeauté par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, s’appelle « 30 secondes avant d’y croire » et sert d’intermédiaire entre les professeurs du secondaire et des journalistes volontaires, issus de partout dans la profession. Ceux-ci iront livrer gratuitement une formation d’une heure afin de donner aux étudiants des outils et les faire réfléchir à leur régime médiatique. Le programme, soutenu par une petite subvention du ministère de l’Éducation, est mené par Line Pagé, chargée de cours en journalisme à l’Université de Montréal et exdirectrice de l’information d’ICI Première. « 30 secondes » est aussi porté par Eve Beaudin et Jeff Yates, deux journalistes versés en vérification des faits. « On veut inculquer à la nou-

velle génération des habitudes qui sont plus responsables visà-vis de l’information sur les réseaux sociaux », lance Jeff Yates, dit « l’Inspecteur viral », qui a oeuvré au Métroavant d’aller travailler à RadioCanada.

Une fausse image sur Instagram, un influenceur qui propage des mensonges, une actualité erronée qui se promène sur Facebook… « On en voit passer de toutes les couleurs tous les jours ! » rigole M. Yates. D’où l’importance, dit-il, d’armer les plus jeunes générations d’outils pour mieux discerner le vrai du faux. La clé de « 30 secondes avant d’y croire » est dans le nom du projet : « C’est de casser le réflexe d’instantanéité », résume Jeff Yates. Il explique aux élèves du secondaire qu’avant de partager quelque chose, il vaut mieux faire quelques recherches rapides. C’est que l’émotion est souvent mauvaise conseillère en la matière, dit-il. « Quand quelque chose confirme notre opinion, c’est là qu’on met notre sens critique à off. On a tous ce biais cognitif là, on a tendance à y croire et à ne pas faire attention. » Le Décodex du Monde

Au journal français Le Monde, il existe depuis environ un an le programme Décodex, qui ressemble au « 30 secondes » québécois. Déjà, depuis 2014, le quotidien déboulonnait des mythes avec son site Les Décodeurs, mais cette démarche s’est révélée insuffisante aux yeux des patrons de la publication. « Il nous fallait absolument une partie pédagogique », explique au Devoir Alexandre Pouchard, responsable adjoint des Décodeurs. Rapidement, la soif pour des formations aux médias et à l’information s’est révélée abondante, affirme M. Pouchard. « On a eu des centaines et des centaines de demandes d’enseignants, dit-il. Il y a eu des réactions très enthousiastes, et le fait est qu’on a maintenant plus de demandes que de possibilités d’intervenir. Forcément, on prend les demandes arrivées en premier, mais on essaie de couvrir tout le territoire et de ne pas être que dans les grandes villes, mais aussi dans des petites communes. » Là aussi, tout est gratuit pour les différents partis. Le Monde s’est joint à l’association Entre les lignes avec des journalistes de l’Agence France-Presse. Ce genre d’initiative se retrouve dans plusieurs pays, dit Jeff

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classe. Je me suis senti largué, abandonné. J’ai réussi à faire deux ou trois jours comme ça, mais je n’étais plus bon à rien. » Aujourd’hui, Michel est toujours en choc post-traumatique. Et il a décidé de partir en croisade pour

Yates, mentionnant le travail de la BBC et de PBS. Au Canada, il existe aussi le programme Actufuté de l’organisme Civix, récemment aidé financièrement par Google. « Il y a beaucoup de journalistes qui font du fact checking dans le monde, mais on réalise que ce n’est pas assez, dit Jeff Yates. Il faut un travail en amont plutôt qu’en réaction. L’article qui vérifie les faits ne sera jamais aussi populaire que celui qui est viral. Quand c’est devenu viral, c’est trop tard, c’est déjà partagé, c’est déjà ancré dans la tête des gens. » Et il faut partir de la base, a réalisé Alexandre Pouchard. Avec des questions comme « qu’est-ce qu’une information », « qu’est-ce qu’une source », « quelle est la différence entre une information et une opinion ». Jeff Yates et Eve Beaudin ont offert la semaine dernière la toute première formation de « 30 secondes » dans une école secondaire de Montréal-Nord. Les ados se sont bien amusés, témoigne l’Inspecteur viral. « Il y a quelque chose dans les fausses nouvelles qui est drôle, qui est abracadabrant, et c’est l’fun de rire avec eux et de leur faire comprendre que quand tu tombes dans le panneau, t’as l’air un peu fou ! »

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amener les professeurs à dénoncer les actes de violence dont ils sont victimes. « Il y a une omertà, une honte. On a encore de la difficulté à trouver des enseignants qui ont subi des actes de violence et qui sont prêts à en parler. »

Et l’exercice amène aussi les journalistes à se questionner, dit Alexandre Pouchard. « L’opinion, par exemple, autant dans le journal c’est un espace identifié, c’est clairement mentionné, autant sur le site Internet c’est pas forcément clair. C’est pas mentionné très explicitement, “ceci est une tribune extérieure à la rédaction”. » Jeff Yates et Alexandre Pouchard estiment tous deux que leur projet d’éducation aux médias et à l’information vient combler certaines lacunes du système d’éducation, qui, lui, commence à ouvrir les yeux devant la problématique. Et les plus vieux, là-dedans ? Qui n’a pas un parent ou un ami qui publie allègrement sur Facebook des informations, disons… douteuses ? « J’ai commencé ce travail parce que des proches partageaient n’importe quoi, dit Jeff Yates. Et honnêtement, j’ai des amis journalistes qui en partagent, qui se font avoir. Tout le monde est en proie à ça. Là, on donne cette formation pour les jeunes, et ça serait bien qu’ils retournent à la maison et qu’ils en parlent à leurs parents, à leurs grands-parents, qu’ils aient une discussion làdessus. »


Culture

L’histoire de «Livres dans la rue» prend fin Le programme « Livres dans la rue », qui depuis 35 ans porte les livres et les animateurs hors des murs des bibliothèques de Montréal pour les mener à la rencontre des jeunes de milieux défavorisés, cessera ces activités en mai prochain. Son budget n’a pas été renouvelé par l’administration Plante, qui a choisi de suspendre le programme temporairement pour la prochaine année, selon la réponse officielle de la Ville. « En clair, indique dans un courriel la Direction des Bibliothèques, les activités du programme Livres dans la rue se termineront le 4 mai 2018. » Christiane Charette, organisatrice de 1982 à 2015 du programme, est choquée par cette fin abrupte. « C’est une formule peu coûteuse et toute simple », écrit-elle dans une lettre ouverte adressée à la mairesse Valérie Plante. « Un homme ou une femme, passionné, engagé, animateur avec un sac à dos rempli de livres d’ici et d’ailleurs qui va à la rencontre des enfants défavorisés. » Dans les HLM. Dans les services de garde des écoles. Dans les parcs montréalais, laissant à disposition les livres sur une large couverture posée à même l’herbe pour les curieux qui veulent y fouiner d’eux-mêmes, ou lisant aux intéressés, comme le raconte Anna-Maria Lacriola, qui y a lu, parlé et conté comme animatrice dix ans durant. « Au moment même où Montréal se dote d’une « politique de l’enfant » qui vise à donner accès à la culture à tous les enfants montréalais, poursuit Mme Charette, qu’au gouvernement du Québec le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a

octroyé de l’argent pour encourager la lecture ainsi qu’un plan pour les 0-8 ans, votre administration a décidé de couper un programme qui a fait ses preuves depuis 35 ans. Pourtant, son but est, avec le plaisir partagé, d’éveiller le désir de lire et de donner le goût de la lecture, un des prérequis à la réussite scolaire. C’est à n’y rien comprendre », s’indigne la bibliothécaire retraitée. Depuis 1982, Livres dans la rue a attiré 325 000 présences d’enfants, recensées en 200 lieux différents, dont 70 écoles. Un million de lectures ont été faites dans tous les arrondissements, et 27 000 heures d’animation. Selon le service des communications de la Ville, qui estime qu’une révision du programme s’imposait, le nombre de participants était de 19 800 en 2012 et de 16 746 en 2017. Le budget de l’an dernier se chiffrait à 112 100 $. «Ce qui me révolte, et me rend très en colère, indique Hélène Charbonneau, qui a instigué le programme en 1982 alors qu’elle était chef des bibliothèques pour les jeunes à la Ville de Montréal, c’est qu’on ne comprenne pas en quoi le plaisir est si important, à quel point c’est un outil pour former un lecteur. Sinon, on ne forme que des imbéciles consommés, capables seulement de déchiffrer », poursuit la dame de 88 ans. « On sait que le programme fonctionne : les enfants reviennent. » À l’époque, Mme Charbonneau cherchait a rejoindre les jeunes qui n’ont pas un environnement familial propice au développement de la lecture. « Je m’étais

rendu compte que dans les quartiers défavorisés, les bibliothèques étaient moins fréquentées. J’ai toujours insisté pour que les animateurs aient un livre dans les mains, même s’ils content, afin que les enfants fassent le lien entre l’histoire, le plaisir et le livre », explique celle qui a pris sa retraite en 1992, pour fonder Les Amis de la bibliothèque de Montréal. Lire, sur le terrain « J’ai développé de belles relations avec des enfants qui revenaient nous voir de fois en fois », se rappelle de son côté Mme Lacriola, maintenant correctrice pour le gouvernement du Canada. « Pour certains, au-delà du livre, l’attachement à la personne qui lit est aussi important. Le lien spécial se fait avec le livre, et la lecture devient un prétexte de relation. C’est important. Des parents m’ont dit souvent que leur enfant avait amé-

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lioré ses capacités de lecture, parce qu’ils continuaient avec nous de lire l’été », et poursuivaient également, pour certains enfants d’immigrants nouvellement arrivés, à exercer leur français. Mme Lacriola croit le programme efficace, malgré la difficulté d’en calculer l’impact réel. C’est peut-être cette complexité à évaluer les retombées qui mine le programme, croit Christiane Charette. « Il faut une foi qui m’est une évidence, mais qui ne semble pas l’être pour d’autres », a-t-elle expliqué de vive voix. « Si on veut donner la curiosité du livre, de la lecture, et qu’elle soit solide, il faut commencer par la base. Ça veut dire présenter les livres aux enfants autrement que dans un cadre scolaire, leur donner un accès aux livres qu’ils n’ont pas, et qu’ils découvrent que le livre donne du plaisir. Mais non, on ne connaît pas les effets concrets. Pour moi,

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c’est comme le personnage dans L’homme qui plantait des arbres [le célèbre film d’animation de Frédéric Back, sur un récit de Jean Giono]. On plante une graine sans savoir si elle va pousser, brûler, faire un arbre, ne rien donner. Mais il faut continuer, jour après jour, à planter les graines de la lecture. » « Les activités hors les murs, aspect innovant et populaire du programme, continueront de se déployer dans les différentes bibliothèques des arrondissements », a précisé la relationniste de la Ville Linda Boutin. « Nous tenons à continuer de promouvoir la lecture auprès de la jeune population montréalaise et lui donner le goût de fréquenter sa bibliothèque de quartier et de découvrir l’ensemble des activités qui y sont proposées. » Un nouveau volet de francisation serait ainsi en cours de création.


Transport

Réseau électrique métropolitain

Nouvel échéancier, nouveau tracé et nouveau nom

Il faudra attendre plus longtemps avant d'embarquer à bord du train électrique de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). La mise en service du projet est maintenant prévue pour l'été 2021, au lieu de l'automne 2020. Et il s'agira d'une première partie seulement. Par ailleurs, SNC-Lavalin sort grande gagnante des appels d'offres.

avec Pomerleau, Dragados Canada, Aecon et EBC;

Le Réseau électrique métropolitain (REM) s’appelle dorénavant Réseau express métropolitain, mais sa mise en place sera moins express que prévu.

Bombardier Transport, qui faisait partie des trois groupes qui convoitaient la construction du matériel roulant, n'a finalement pas remporté le contrat.

Le projet de 6 milliards de dollars est réévalué à 6,3 milliards – un dépassement de budget entièrement assumé par la CDPQ qui n'inquiète pas outre mesure la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. « Il est remarquable de constater qu’au terme de ce processus, la variation du coût global du projet se situera à moins de 5 % des estimations préliminaires et que la mise en service se fera dès l’été 2021 », a déclaré son président, Michel Leblanc.

La construction débutera en avril prochain. Le segment entre la Rive-Sud et le centre-ville devrait entrer en fonction à l'été 2021 et le reste du réseau entrera progresseivement en service d'ici le milieu de 2023, a précisé en aprèsmidi Macky Tall, de CDPQ Infra.

« Nous comprenons et nous partageons la déception de nos employés face à cette annonce », a déclaré l'entreprise par communiqué, ajoutant que son offre était pourtant « très concurrentielle » et qu'elle répondait « aux besoins de mobilité durable de la grande région de Montréal ».

Changements au tracé Pour réduire les coûts, le projet comptera moins de tunnels. Ainsi, le train roulera plutôt en surface et en aérien entre la gare Centrale et le pont Champlain, dans Griffintown et Pointe-SaintCharles, et il circulera le long du corridor ferroviaire du CN.

« Il y aura d'autres occasions pour Bombardier et La Pocatière, a tenu à préciser le premier ministre Philippe Couillard. Il y aura éventuellement d'autres lignes [de métro] avec différentes couleurs, alors il y a de l'ouvrage en masse

Par ailleurs, la station prévue sous le bassin Peel sera également en surface, et non plus en souterrain, à un endroit encore à déterminer. « Nous voulons nous assurer qu'il [le train] se fondra dans le décor », a dit la mairesse de Montréal,

La fréquence de passage des trains prévue initialement ne change pas, avec un service 7 jours sur 7, de 5 h du matin à 1 h du matin. Les consortiums retenus : Pour l'ingénierie et la construction des infrastructures : SNC-Lavalin

Pour les trains : Alstom Transport Canada et SNC-Lavalin. Quelques 34 000 emplois seront créés pendant la période de construction et 1000 à long terme; 65 % du contrat fera appel à des entreprises canadiennes.

qui attend Bombardier. »

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Valérie Plante. Autre changement : une station disparaît du projet, celle de l’Autoroute 13. Dans ce secteur, le train roulera aussi le long du corridor ferroviaire du CN, ce qui évitera la construction d’une structure aérienne. Le projet de REM consiste en un circuit de train électrique de 67 kilomètres reliant le quartier DIX30, sur la Rive-Sud, à la ville de Deux-Montagnes, sur la RiveNord, en passant par Laval, l’aéroport international PierreElliott-Trudeau et Sainte-Anne-deBellevue, dans l’ouest de l’île de

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Montréal, sur un total de 26 stations. «J'ai hâte que les Québécois passent moins de temps dans le trafic et plus de temps de qualité avec leur famille» dit Marc Garneau, ministre des Transports du Canada En janvier 2017, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) s'était montré très critique à l'endroit du REM, concluant que peu d'automobilistes délaisseront leurs voitures pour l'adopter. Le gouvernement avait décidé de ne pas tenir compte de ce rapport et d'aller de l'avant quand même.


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