Présenté par Aude-Lise Garcia
Etudiante Master 2, Métropoles du Sud, ENSAM Montpellier
Mémoire Semestre 9
La Fonction oblique, le nouvel ordre urbain
Suivi par Annabelle Iszatt Jury: Annabelle Iszatt, Elodie Nourrigat, Pascal Perris et Florence Clausel-Borel
La Fonction oblique, le nouvel ordre urbain
La Fonction oblique, le nouvel ordre urbain Mémoire Semestre 9, 19 Janvier 2016 Suivi par Annabelle Iszatt Architecte DPLG, Docteure en architecture, maître-assistante associée TPCAU
Présenté par Aude-Lise Garcia Etudiante Master 2, Métropoles du Sud, ENSAM Montpellier
Master Métropoles du Sud - ENSAM - École Nationale Supérieure D’Architecture de Montpellier
Remerciements Ce mémoire est le résultat d’un travail de recherche de près de d’un an et demi. Je tenais à adresser tous mes remerciements aux personnes avec lesquelles j’ai pu échanger et qui m’ont aidé pour la réalisation de ce mémoire. En commençant par remercier tout d’abord, Mme Annabelle Iszatt, ma directrice de recherche de ce mémoire, pour son aide précieuse et pour le temps qu’elle m’a consacré. Merci à Mr Miguel Usandizaga, enseignant à l’école technique supérieure d’Architecture de Barcelone qui a su me guider vers les bonnes références. Merci à Mlle Julie Albert, Mlle Erika Gineys et Mr Gérald Adler qui m’ont accordé de leur temps pour m’aider dans la rédaction de ce travail. Enfin, j’adresse mes plus sincères remerciements à ma famille : Mes parents, ma petite sœur et tous mes proches et amis, qui m’ont accompagné, aidé, soutenu et encouragé tout au long de ce mémoire.
«On ne pourra pas dans 50ans vivre avec le même capital architectural que nous possédons, que ce soit la tour, le pavillon individuel, tout ça c’est mort. C’est déjà mort. Il va avoir une mobilité extraordinaire de la population, d’une population neuve qui aura des besoins nouveaux et à qui il faudra bien répondre car si on ne répond pas à une population, elle casse, elle tue.» Claude Parent
La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
Sommaire
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Sommaire
Introduction
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Première partie - Présentation de l’oblique 1.1 Parcours du sens
16
1.2 Histoire de l’oblique : un usage pragmatique
21
1.3 Histoire de l’oblique : un outils de conception
27
1.4 L’oblique entre ascension et conquête
39
Deuxième partie - La fonction oblique 2.1 La rencontre de deux marginaux
45
2.2 Théorie de la fonction oblique
49
2.3 Une alternative aux préoccupations urbaines
55
2.4 Un retour au corps
57
2.5 La concrétisation du plancher
61
2.6 Une théorie publiée et expérimentée
63
2.7 Une théorie rejetée pour être mieux acceptée
69
Troisième partie - L’héritage de Claude Parent 3.1 Le XXIeme siècle, la révélation de l’oblique
75
3.2 La nouvelle génération: Les héritiers de la fonction oblique
79
3.3 L’héritage oblique, une réinterprétation propre à chacun
93
Conclusion L’ordre oblique: une théorie aboutie, un concept en pratique
Annexes
99
103
Bibliographie
115
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
1 - Opéra d’oslo, Snohetta, 2008 - http://www.vastkustkretsen.se/Eskader/Eskadrar - consulté le15/11/15
2 - La maison des fondateurs , BIG, 2014 - http://www.architual.cz/maison-des-fondateurs/ - consulté le 15/11/15
3 - Le Heydar Center, Zaha Hadid, 2012 - http://imgkid.com/best-modern-architecture-buildings-in-the-world.shtml, consulté le 15/11/15
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Introduction
L’Architecture contemporaine nous offre depuis quelques décennies des projets spectaculaires,
de véritables chefs d’œuvres, explorant les prouesses techniques et visuelles les plus poussées. La force de cette architecture réside dans sa liberté d’expression. Elle n’est pas régie par un courant strict et dogmatique comme cela a pu être le cas dans le passé. Ce qui nous permet aujourd’hui d’apprécier un paysage architectural hétérogène et indépendant. Néanmoins, une similitude entre toutes ces architectures se révèle petit à petit. Quand nous contemplons l’opéra d’Oslo en Norvège de l’agence Snohetta (ill.1), la maison des fondateurs en Suisse de l’agence Big (ill.2), le Heydar Center à Bakou de Zaha Hadid (ill.3) ou encore la Philharmonie à Paris de Jean Nouvel (ill.4) et bien d’autres... Nous nous apercevons qu’ils utilisent tous le langage architectural de l’oblique. Ce nouveau concept devenu omniprésent dans notre architecture se décline sous plusieurs formes. Nous le retrouvons sous forme de plan incliné chez Snohetta, de rampe hélicoïdale dans le projet de big , de volume incliné pour Zaha Hadid ou encore sous forme de pli chez Jean Nouvel. Ce constat nous interroge sur l’origine de ce concept et de sa place au sein même de l’architecture. L’oblique dans l’architecture est un fait novateur depuis le XXeme siècle. Nous la côtoyons quotidiennement sous forme de rampes, pour accéder à un parking ou de pentes pour répondre aux normes d’accessibilité. Toutefois, sa pratique à plus grande échelle n’a jamais été accomplie. Nous sommes accoutumés à vivre dans la verticale et l’horizontale. Les tours de plus en plus hautes et les maisons pavillonnaires s’étendant à perte de vue sont des éléments qui structurent et dessinent nos villes et cela depuis l’aube des premiers abris. Ce sont les deux seuls modèles urbains que nous exploitons en général. Historiquement, le premier ordre urbain fut l’horizontal, il est symbolisé par nos vieux bourgs et centrevilles souvent datant du moyen-âge. A partir de l’ère industrielle, un deuxième ordre urbain fit son apparition, la verticale, représentée par la tour. Par ailleurs, nous savons également que nous pouvons pas éternellement vivre dans cette configuration. Devant une expansion démographique de plus en plus importante qui nous incite à construire à une échelle supérieure, nous devons trouver une alternative. Sans une nouvelle solution, nous allons être réduit à recouvrir l’ensemble de la planète de pavillons ou de se lancer dans une course sans fin de la tour la plus haute. De plus, d’un côté les pavillons encouragent le repli sur soi en s’isolant
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
progressivement et les tours génère de la frustration en s’élevant vers un ciel inatteignable. Claude Parent, architecte du 20eme siècle, avait prédit cette préoccupation urbaine. Selon lui, la statique verticale-horizontale ne correspond plus à la dynamique propre de l’homme. Nous vivons dans « une ancienne définition spatiale désormais privées de sens et de substance ».1 Il revendique la fin du modèle urbain actuel. Ce qui nous amène à nous interroger sur l’application de l’oblique comme une alternative à cette constatation. Cette réponse à l’étalement urbain a été envisagé par Claude Parent et son groupe Architecture principe en 1963. En effet, sous le nom de fonction oblique, ils élaborèrent une théorie axée sur le concept de vivre à l’oblique à l’échelle urbaine. Pour ce faire, ils pensent remplacer littéralement l’horizontalité et la verticalité par l’oblique pour répondre de manière naturelle à l’urbanisation planétaire. Une théorie futuriste et utopique pour l’époque mais que nous retrouvons dans de nombreux projets de la nouvelle génération. En effet, nous discernons dans l’architecture du 21eme siècle les prémices de l’application de l’oblique. Les architectes l’utilisent sous différentes formes et de manière de plus en plus complexe. Ce qui nous questionne sur les liens établis entre ces nouveaux architectes et ce concept de fonction oblique. Est-ce que cette nouvelle génération d’architectes peut être perçue comme les héritiers de la théorie de Claude Parent ? Sont-ils le signe d’une nouvelle ère, d’une révolution urbaine que Claude Parent estime, inévitable ? Toutes ces interrogations nous amène à la problématique suivante : En quoi la fonction oblique est-elle le nouvel ordre urbain ? Pour répondre à cette interrogation, le présent mémoire sera composé de trois parties. Nous entamerons dans une première partie un survol rapide du parcours du sens et de l’histoire de la notion d’oblique afin de mieux cerner les différentes formes que peut prendre l’oblique. Ensuite, dans une deuxième partie, nous expliquerons plus en détail la théorie de Claude Parent et de Paul Virilio, La fonction oblique. Nous verrons les lignes directrices qui régit cette théorie, ainsi que ces premières expérimentations et réactions qui s’en s’ont suivies. Pour aboutir à une troisième partie sur l’analyse des projets de la nouvelle génération en corrélation avec la théorie de la fonction oblique.
1 Architecture Principe - Paul VIRILIO et Claude PARENT – Les éditions de l’imprimerie – 1996 – p.5
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Introduction
4 - La Philharmonie, Jean Nouvel, maquette - http://modulo.net/it-it/post/posata-la-prima-pietra-della-philharmonie-de-paris-di-jeannouvel consultĂŠ le 15/11/15
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Première partie Présentation de l’oblique
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
1.1 Parcours du sens
Dans un premier temps essayons de comprendre plus en détails qu’elle est la signification exacte
du terme « Oblique » ? Pourquoi Claude Parent prit le choix d’utiliser ce mot bien spécifique ? Il ne parle pas de « La fonction en pente » ou encore de « La fonction inclinée » mais utilise la notion d’oblique. Pourquoi a t-il mis plus d’importance dans ce mot que dans d’autres termes synonymes? Pour comprendre cet emploi du mot « Oblique », penchons-nous tout d’abord sur l’étude lexicographique et étymologique de ce mot.
Chaque mot a une histoire au cours de laquelle il s’est enrichi de sens divers.
Parmi tous ces sens, on dit que le sens propre est le sens premier du mot, celui qui est, généralement, son sens le plus courant. Dans son sens commun, dans sa signification la plus fréquente, l’oblique signifie « Qui n’est ni perpendiculaire ni parallèle à l’horizon. »2, elle qualifie une direction qui n’est pas droite mais « en biais » - Prendre une rue oblique. La porte est basse, et ne laisse entrer le soleil que lorsqu’il devient tout à fait oblique, le matin ou le soir (Fromentin, Été Sahara, 1857, p.166) – Ce sens que l’on utilise couramment aujourd’hui, est-il également son sens premier. En effet, si nous prenons son origine latine. « Obliquus, a, um, adj, (m. s.) » qui signifie « Faire obliquer, faire aller de biais, faire dévier. Qui est ou va de côté, oblique, de biais, de travers. De profil. »3. Cette première définition est le sens principal du mot. Cette base de sens est identique à celle utilisée dans son sens commun actuel. Nous retrouvons dans les deux cas de figure une définition en rapport avec l’état d’une direction, d’un mouvement qui s’effectue non perpendiculaire, ni parallèle à l’horizon. Par ailleurs, il existait déjà à l’époque des sous-familles issues de ce sens premier qui va faire évoluer la définition initiale du terme oblique, provoquant ainsi une ambivalence de sens qui perdure encore aujourd’hui. Nous retrouvons cette diversité dans son sens figuré, « Obliquus » qui signifie également, « Non direct ; Non légitime (en parlant de la descendance) » qui est « Détourné, dissimulé, sans sincérité. Équivoque, énigmatique, obscur, envieux, de malveillant, hostile. ». Ce sens figuré renvoie à une définition plus négative de l’oblique dans sa généralité. Le premier sens a été transféré en partie dans le domaine 2 http://www.cnrtl.fr/definition/oblique - consulté le 25/12/15 3 Dictionnaire de latin, GOELZER Henri, édition Garnier/Bordas, 2001, p.733
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Première partie : Présentation de l’oblique
sociologique ainsi que dans un champ lexical de la négativité et de la méchanceté. Ce sens figuré est une métaphore du sens premier, le concept de base attribué à une direction a été transposé au plan social. En continuant cette analyse étymologique du mot, on s’aperçoit que cette ambiguïté entre ce sens premier lié à une direction et ce sens figuré, plus négatif et transposé au plan social, ne va pas s’estomper. Bien au contraire, les sous familles de ce sens premier vont se multiplier à travers divers domaines. Dans un premier temps les sens de l’oblique, figuré et premier, vont petit à petit évoluer et se préciser à travers différentes époques. Toutefois, sans modifier de manière radicale la définition de base de chacun. Ainsi à partir du 13eme siècle, le sens premier va entreprendre une première évolution, l’oblique se définit comme une direction « qui s’écarte de la perpendiculaire ». Au 14eme siècle, Tite live parlera même dans son livre Histoire romaine de « voie oblique ». L’oblique est ici plus qu’une direction, elle est associée à un élément physique, la voie. En ce qui concerne le sens figuré, l’oblique va réduire son champs à un trait de caractère, une ligne de conduite négative. On parlera d’une personne oblique quand celle-ci manquera de franchise ou qu’elle est hypocrite. Puis dans le 19eme siècle, on emploiera l’oblique pour décrire une personne qui agit de façon détournée, indirecte, « qu’elle ne va pas droit au but »4 - « Je suis direct, et quant à mes sentiments et quant à l’expression de ma pensée. Je n’aime pas ce qui est oblique et dissimulé » (L. Daudet, Médée, 1935, p.98). Ce sens figuré désigne une conduite, une accusation dite « oblique ». Cette définition du mot va perdurer à travers les époques, on le retrouve encore aujourd’hui pour, par exemple, critiquer un mariage entre personnes de deux générations différentes - un mariage oblique - ou encore pour définir une personne qui n’ose pas regarder franchement son interlocuteur l’indication d’un manque de franchise, on parlera alors d’un « regard oblique ». Ce qui l’inclut dorénavant dans le domaine ethnologique. Actuellement, il reste étroitement lié au sens premier du terme oblique. Ce qui donne à l’oblique une part de négativité. Puis dans un deuxième temps, nous observons qu’à différentes époques des disciplines vont commencer à employer la notion d’oblique en la définissant par rapport à leur spécialité. L’oblique va élargir son champ d’usage et par conséquence ses sens et définitions. En effet, dès le 17eme siècle, le terme va ainsi évoluer et se décliner dans des branches comme la médecine, nous parlerons de muscles obliques dont les fibres ont une direction qui s’éloigne du plan supposé qui divise le corps en deux parties égales et symétriques, l’astronomie en l’employant pour désigner l’équateur qui tombe obliquement sur l’horizon – une sphère oblique - ou encore au 18eme siècle au sein même de l’art militaire, l’oblique est utilisée comme une manœuvre exécutée à droite ou à gauche d’une ligne de bataille, pour enfin être appliquée en géométrie au milieu du 19eme siècle, 4 Dictionnaire encyclopédique quillet, ARISTIDE Quillet, , librairie aristide quillet, 1955, p.3141
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
l’oblique se définit comme toute droite non perpendiculaire à un plan ou à une droite est une oblique par rapport à ce plan ou à cette droite. Ces évolutions ont toutes une particularité commune, elles déclinent toutes le sens premier du terme. En effet, quelles que soient les disciplines, il est toujours question d’une direction ou d’un mouvement. De nos jours, nous retrouvons l’oblique dans les règles de grammaires car elle désigne un mode qui, dans certains cas, sert à énoncer une proposition subordonnée. On parle de proposition oblique pour désigner une proposition indirecte. Par ailleurs, nous pouvons aussi le rencontrer dans le domaine juridique, on utilise la notion « d’action oblique » qui définit la procédure d’un créancier à faire valoir ses droits et actions contre le débiteur à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne. En d’autres termes, un créancier peut faire valoir ses droits à un tiers de manière indirecte, c’est à dire sans passer par son débiteur direct. Ces deux dernières réutilisations du sens nous montrent une nouvelle évolution du mot oblique, il entre dans des disciplines de plus en plus éloignées de sa définition d’origine. De plus, nous nous apercevons qu’à la différence des premières évolutions, celles-ci, réutilisent non plus le sens premier mais le sens figuré. Que ce soit dans le domaine grammatical ou juridique, on parle d’une attitude oblique, indirecte.
Ce terme qui était peu employé dans le passé, va s’émanciper et se décliner dans multiples
domaines. Il va petit à petit prendre de l’importance et devenir un mot familier qui va faire naître, par la suite, plusieurs déclinaisons de l’adjectif oblique. Le nom, le verbe et l’adverbe, tous partant de la base « oblique » vont apparaître dans le langage courant et ainsi conforter le terme d’oblique dans le langage courant. La première déclinaison découverte est le nom commun « Obliquité ». Son origine latine, « Obliquitas, -atis » signifie dans son sens premier « caractère de ce qui est oblique »5 et « Manière d’agir suivant des voies détournées »6 dans son sens figuré. A la deuxième moitié du 13eme siècle, une obliquité est une inclinaison d’une ligne, d’une surface sur une autre. Au 14eme siècle, on parle d’ « un angle que fait l’écliptique avec l’équateur » (Oresme dans Meunier, p190). Un peu plus tard, le sens évoluera, l’obliquité va signifier, un défaut de franchise, dans son sens figuré, « C’est presque toujours notre propre obliquité qui nous instruit à la défiance » (Massillon, Petit Carême, Ecueils, de la Piété des Grands, 1718). Cette déclinaison de l’oblique en nom commun a permis à ce mot d’être plus qu’un qualificatif, il fait plus que compléter un nom, il est le nom, c’est lui qui fait l’action. L’obliquité met en action l’oblique. De ce fait, il met également en action les définitions premières et figurés de l’adjectif oblique. A la même époque, une autre déclinaison va faire son apparition, le verbe « Obliquer ». De son origine latine, « Obliquo, as, avi, atum, are » qui signifie placer de biais, diriger de côté, ou dans son sens figuré 5 Dictionnaire de latin, GOELZER Henri, édition Garnier/Bordas, 2001, p.733 6 Ibidem p.733
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Première partie : Présentation de l’oblique
présenter d’une manière détournée, faire dévier. Notamment en parlant d’un regard – avoir un regard oblique - Ce verbe date de la deuxième moitié du 13eme siècle, il était utilisé dans un premier temps dans le domaine de l’astronomie. Obliquer signifiait à cette époque « aller en ligne oblique »7. Actuellement, son sens commun se définit par l’action de prendre une direction qui n’est ni perpendiculaire, ni parallèle à l’horizon ; aller en biais par rapport à sa direction initiale ou se détourner. Enfin, plus récemment, une dernière déclinaison a fait son apparition l’adverbe « obliquement » qui signifie « dans une direction en biais »8. Analogiquement aux autres déclinaisons, il possède également un sens figuré. Obliquement se définit aussi «d’ une manière qui manque de franchise ; Agir obliquement »9. Toutes ces déclinaisons sont une évolution de l’adjectif « oblique », chacune a gardé le sens premier, lié à une direction, et figuré, lié à un comportement négatif, du terme de base. Néanmoins, elles le définissent de manière différente en fonction du rôle grammatical auquel il correspond, nom commun, verbe, adverbe ou adjectif. Malgré cette évolution morphologique, il n’y a pas eu de changement au niveau lexicographie.
Cette étude nous dévoile que le terme oblique est un terme ancien qui a su s’enrichir des divers
domaines dans lequel il a été réemployé. Par ailleurs, c’est un mot qui dès son origine possède un sens figuré à valeur négative qui va perdurer à travers le temps et les évolutions de la langue. Une ambiguïté que nous retrouvons dans l’analyse de ses synonymes, d’un côté nous avons des synonymes du sens premier, « détourné, en biais, transversale, en pente, en diagonale, incliné, pencher, infléchi, courbe »10 et de l’autre des synonymes de son sens figuré « louche, tortueux, gauche, déloyal, ambigu, malfamé, bigleux ». Le paradoxe est que ces deux sens se retrouvent dans la recherche des antonymes, « droit, vertical, direct, franc ». Il n’y a plus de divergence. Ils possèdent les même mots contraires. De plus, nous nous apercevons que ce terme a décrit une direction, un mouvement, un comportement, un muscle, l’équateur, une marche militaire, une droite, un mode grammatical, une procédure, un regard etc... mais en aucun cas il ne décrit une architecture oblique. Cette notion a été introduite dans le domaine de l’architecture par Claude Parent en 1966 dans le magazine du groupe anonyme « Architecture principe ». Ces deux notions -architecture et oblique - n’avait jamais été réunies auparavant. A cette époque, est-ce que Claude Parent a voulu mettre en avant ce sens figuré négatif ? A-t-il voulu heurter, chambouler les codes en choisissant ce mot bien précis, chargé d’ambiguïté ? Était-il à la 7 http://www.cnrtl.fr/definition/obliquer, consulté le 25/12/15 8 Ibidem obliquement 9 Ibidem 10 Ibidem oblique
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
recherche de vive réaction face à sa théorie novatrice et inédite ? Parent ne l’explique dans aucun de ses écrits et interviews .Quoi qu’il en soit, nous l’expliquerons plus en détails en deuxième partie mais l’annonce de sa théorie eu l’effet d’une bombe au sein de la société de l’époque. En effet, d’une part car l’architecture oblique qui se réduisait à la rampe ou la pente n’était pas destinée à l’homme mais à l’automobile et aux animaux. Il était inconcevable de pouvoir penser que l’homme allait vivre dans les mêmes installations. Et d’autre part, ce choix de lexique pour nommer sa théorie, « l’oblique » était une autre provocation qui a enrichi la polémique. Nous verrons plus tard si ce choix était assumé ou non dans une deuxième partie. Par ailleurs, en prônant l’idée de vivre à l’oblique, en juxtaposant ces deux termes, il est probable selon nous, qu’une fois encore Parent va chercher la provocation et les vives réactions. Ce terme vivre qui évoque « la vie, habiter, exister, évoluer, être dans l’usage vivant »11 est concilié avec l’oblique, c’est à dire sur des plans inclinés. L’union de ces deux termes nous interroge sur la légitimité de cette théorie. Comment peut on vivre à l’oblique ? Qu’elles en sont les avantages et les conditions ? Toutes les réponses à ces interrogations seront expliquées dans une deuxième partie.
11 http://www.cnrtl.fr/definition/vivre - consulté le 25/12/15
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Première partie : Présentation de l’oblique
1.2 L’histoire de l’oblique : un usage pragmatique
A la suite de cette analyse lexicale, interrogeons-nous, à présent, sur la définition formelle de
cette « Oblique ». Nous savons désormais sur quelles définitions a pu se positionner Claude Parent mais nous pouvons nous demander sur quelle base historique sa théorie fait-elle référence ? Nous conviendrons que Claude Parent n’a pas inventé le concept d’oblique mais l’a mis au rang d’ordre urbain, ce qui n’avait jamais été fait auparavant. Toutefois cet élément n’a pas toujours été au rang d’objet architectural. Nous allons voir dans cette partie qu’effectivement l’oblique prend son origine sous forme de rampe, de pente puis de plan incliné dont l’usage restera un certain temps exclusivement pragmatique. Néanmoins, nous allons voir que le parcours historique de l’oblique va enrichir et faire évoluer l’usage de cet élément, longtemps mis de côté et non utilisé dans sa totalité. En effet, l’oblique est un concept ancien comme nous avons pu le voir dans l’étude précédente. Ce terme existe depuis l’époque romaine, ce qui nous amène à penser que ses caractéristiques formelles sont arrivées dans le même temps. Si nous devions nommer la première interprétation formelle de l’oblique, nous pouvons dire sans hésitation qu’il s’agit du soulèvement de la terre. En d’autres termes, des collines, des montagnes, l’oblique prend racine dans la nature. Ce n’est pas un concept créé par l’homme mais bel et bien un élément premier qui existait bien avant notre existence. C’est un élément qui fait partie intégrante de notre paysage quotidien ainsi que de notre perception visuelle. En effet, l’oblique c’est aussi ce qui nous permet de voir en volume. Elle permet de se décrocher de cette accord entre la verticalité et l’horizontalité que l’on nomme la 2D. C’est donc un élément que l’on a pu prendre en référence en regardant et en observant notre environnement. Nous verrons dans une deuxième partie que Claude Parent interrogera cette oblique prenant naissance au sein même de la nature pour conceptualiser sa théorie. Néanmoins, nous verrons que les premières réalisations entreprises par l’homme ne sont pas en analogie avec les obliques se trouvant dans la nature. L’oblique, sous forme de rampe ou de pente, va être limitée à sa fonction première, l’ascension, sans aucune référence aux collines et autres influences naturelles.
Dans ses premières réalisations humaines, l’oblique est tout d’abord utilisée pour répondre à un
usage pragmatique. C’est à l’origine une invention motivée d’une contrainte. En effet, quand l’escalier n’a pas pu être une solution, l’oblique a dû être envisagée. Face à des terrains accidentés, des sites imprenables où l’architecture a voulu s’imposer, l’ascension et l’accessibilité de ces
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
5 - Rampe Cavalière du château d’Amboise - http://www.lepoint. fr/culture/visite-interdite-duchateau-d-amboise - consulté le 15/11/15
lieux sont devenues une problématique. La pente est ainsi pensée comme une situation exceptionnelle, donnant prétexte à concevoir l’architecture autrement.12 De cette façon, à chaque fois qu’un dispositif formé de marches se révélait inapproprié, le plan incliné prenait le relais. Nous pouvons voir ce cas de figure dans le domaine des structures d’animaux, automobiles, industrielles, aquatiques ou encore plus récemment avec l’accessibilité des personnes en situation de handicap. Tous ces exemples ont dû envisager l’usage de l’oblique par pragmatisme et non par volonté. L’oblique est donc restreinte à un usage fonctionnel qui se veut répondre à une simple nécessité d’ascension. Elle est à cette époque juste une alternative à l’escalier.13
L’une des premières réalisations à usage fonctionnel de l’oblique a été observée dans les
structures pour animaux et plus précisément à l’intérieur de châteaux. En effet, l’une des plus anciennes matérialisations de l’oblique se trouve au sein même de l’architecture du moyen-âge. Sous forme de rampe hélicoïdale ou droite, cette oblique permettait aux chevaux (et accessoirement d’autres animaux) d’accéder aux différents niveaux du château. Ces rampes pour cavaliers étaient fréquemment utilisées à cette époque.14 Ce fut le cas pour le château d’Amboise qui surplombe la Loire dans le département d’Indre-et-Loire. Il fait partie des châteaux de la Loire. Pour accéder à la cour du château depuis la ville basse, chevaux et carrosses empruntaient la rampe hélicoïdale de la tour (ill.5). Le château est situé au Nord et au Sud de deux magistrales tours cylindriques, la tour Heurtault et la tour Minimes. Elles présentent chacune deux rampes hélicoïdales en pente douce. Leur fonction est la même que celle des rampes de nos parking à plusieurs étages, 12 http://www.aroots.org/notebook/article140.html - consulté le 25/11/15 13 Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Karim Hassayoune, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p5 14 Ibidem p5
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Première partie : Présentation de l’oblique
permettre l’ascension.15 Historiquement, « à la fin du XVe siècle, Charles VIII entreprit la reconstruction de la vieille forteresse d’Amboise où il était né en 1470. [...] Il confia la rénovation de son palais d’Amboise à des artistes italiens acquis à une architecture en rupture avec le gothique. »16 Ces rampes, novatrices pour l’époque, sont uniques en Europe. Elles permettaient le passage ainsi que la transition entre la ville et le niveau royal. La tour Heurtault se décompose en cinq boucles successives de trois mètres de larges et une hauteur sous voûtes de trois mètres également permettant à un cavalier de monter la rampe à cheval, symbole de noblesse. Ces tours cavalières ont été pensées pour que les chevaux puissent accéder facilement aux étages. A l’origine le sol était en terre battue. Cet exemple nous montre bien cette usage pragmatique de l’oblique, elle se limite essentiellement aux chevaux et aux carrosses. Mise à part les domestiques et les gardes, il était inconcevable de pratiquer cette rampe à pied. Ce qui montre une fois de plus cet aspect technique mais également péjoratif que l’on accordait à l’oblique. De la même façon que le souligne Karim Hassayoune, dans Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées « les deux dispositifs d’ascension en un volume unique, explicitent clairement le principe d’adaptabilité de chaque moyen à son usage : la rampe pour les chevaux, l’escalier pour les hommes »17. L’oblique, comme on a pu le voir précédemment, va aussi être utilisée pour l’ascension de tous les engins qui soient susceptibles de tirer: charrettes, carrosses, ou encore voitures et tout autres engins montés sur roue. Cette déclinaison de l’oblique pragmatique connaîtra un envol fulgurant avec l’apparition de l’automobile.18 En effet, quelle que soit l’évolution des moyens de locomotion, du cheval à l’automobile, l’usage de l’oblique a persisté, nous montrant ainsi l’importance et la polyvalence de cet élément. L’oblique comme moyen de franchissement va apparaître elle aussi vers le moyen âge avec l’arrivée des charrettes et carrosses. Puis elle va suivre l’évolution des moyens de transport pour devenir omniprésente dans le domaine de l’automobile. En effet, que ce soit en sortant d’un garage ou aux entrées et sorties des parkings le plan incliné est utilisé de manière systématique pour franchir ou s’élever aux étages supérieurs. Nous pouvons même voir aujourd’hui l’intégralité du parking en pente. C’est le cas pour le parking Circé à Montpellier (ill.6). Ce parking, dessiné par l’Atelier d’architecture Patrice Genet, présente 1200 places et « [...] emprunte au quartier Odysseum son caractère ludique que l’on retrouve dans l’image de cet ouvrage 15 http://www.lepoint.fr/culture/visite-interdite-du-chateau-d-amboise-2-la-tour-cavaliere-heurtault-unique-en europe-30-05-2015-1932264_3. php - Consulté le 25/11/15 16 Ibidem Consulté le 25/11/15 17 Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Karim Hassayoune, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p5 18 Ibidem p5
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
6 - Parking Circé, Odysseum, Montpellier, Patrine Genet - http://www.genetarchitecte.com/parking-circedodysseum-montpellier-34/ - consulté le 15/11/15
singulier. Le parc conçu tel un ruban qui se déroule sur lui-même offre ainsi un linéaire de 1300 m où les places de stationnements se disposent en épis avec une voie de circulation centrale à sens unique. La signalétique visuelle participe à ce jeu où l’emplacement de chaque place est repéré à partir de ce ruban de “couturière”. Force d’image, fonctionnalité simple et efficace, doté d’une rentabilité maximale entre la surface construite et le nombre de places, ce parc de stationnement entièrement réalisé en superstructure avec des profilés en acier apparent, constitue bien une performance réussie entre l’architecture et l’ingénierie. »19 L’oblique de franchissement est arrivée ici à son apogée dans ce projet. Elle devient le projet même. L’usage pragmatique a été dépassé. Ce qui nous laisse penser que son usage a évolué et laisse entrevoir d’autres possibilités d’utilisation de la rampe. Cette nouvelle forme de l’oblique enchantera les architectes car ils verront dans chaque parking la possibilité de s’exercer à l’art de la rampe. Une aubaine qui ne fera que de s’intensifier avec l’afflux automobile du XXe siècle et la nécessité incontestable de la rampe pour faire franchir plusieurs niveaux à une automobile. « les parkings fourniront des terrains de jeux bien plus intéressants »20 Néanmoins, après l’usage animalier, l’oblique est consacrée à l’automobile. L’homme n’a pas sa place sur cet élément que l’on considère de surcroît comme un dispositif.
Autre domaine où l’oblique a été envisagée pour son statut pragmatique et fonctionnel, le
domaine des bâtiments à caractère industriel. L’oblique est très présente, voir familière dans ce genre de milieu. Dans la même optique que pour l’usage automobile, elle permet l’acheminement de lourdes charges en hauteur. Un des plus anciens exemples de ce cas figure est l’utilisation de rampes le long des quais pour le déchargement de marchandises dans les péniches. Ces rampes permettent plus facilement l’acheminement de matériaux de construction. Cette technique est même l’une des hypothèses sur 19 - http://www.darchitectures.com/parking-circe-odysseum-montpellier-par-atelier-d-architecture-patrice-genet,r4062.html consulté le 25/11/15 20 Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Karim Hassayoune, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p6
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Première partie : Présentation de l’oblique
la construction des pyramides. Celle-ci évoque la possible solution d’un plan incliné qui permettrait l’acheminement de lourdes charges en hauteur via un glissement se faisant le long de ce plan, par le moyen de matières grasses, de rondins de bois, de roues ou tout autre système. Nous pouvons également observer cette l’oblique dans les rampes de mise à l’eau qui permettent de mettre à l’eau tous types d’embarcations en les faisant glisser sur ce plan incliné.21 Une nouvelle fois l’oblique pragmatique n’inclut pas l’homme. Elle permet d’affranchir, d’acheminer des animaux, des automobiles et des charges lourdes mais en aucun cas des personnes. Elle ne permet pas autre chose que ce à quoi elle est destinée fonctionnellement, permettre l’ascension. Ne laissant à l’homme que l’exclusivité de la pratique de l’escalier. Par ailleurs, cet objet architectural a été pensé pour l’homme. « Tout autre usage ne peut se faire normalement sur cet enchaînement de marches et contremarches, d’ailleurs dimensionnées par rapport à la foulée d’un piéton ordinaire »22 comme nous le précise Karim Hassayoune dans son mémoire. Cependant, cette position va évoluer avec la mise en place de la notion d’accessibilité.
Cette notion concerne, en 1975, seulement les personnes à mobilité réduite, mais la loi du 11
février 2005 va aller plus loin en prenant en compte les autres handicaps (auditifs, visuels et cognitifs) mais également l’idée de situation de handicap. En effet, à l’origine seules les personnes en fauteuil roulant étaient considérées comme des personnes dite handicapées et seules ces personnes nécessitaient des dispositif pour leur permettre d’accéder à leur habitation ou aux divers bâtiments publics. Nous pouvons constater que de la même manière que les cas de figure précédent, l’escalier ne pouvant pas répondre à l’accessibilité de ces personnes et étant devenu un obstacle, nous avons dû faire appel à l’oblique. C’est à partir de cette loi que les pentes d’accessibilité vont apparaître. Ces pentes vont être normées et réglementées. Malgré son usage par les hommes, grande évolution pour l’oblique, elle reste tout de même une oblique pragmatique à caractère négatif car les seules personnes à pratiquer cette oblique sont les personnes en fauteuil roulant. Elle est donc vite assimilée à la maladie et à l’invalidité. A partir de 2005, nous allons voir des changements de terminologies assez révélateurs sur l’évolution de l’échelle de l’accessibilité.23 En effet, les rampes étaient dans un premier temps destinées aux usagers de fauteuil roulant, puis s’étendra aux personnes à mobilité réduites pour enfin aujourd’hui englober toutes les personnes en situation d’handicap, mettant en lumière que la question du handicap concerne l’ensemble des individus et non pas une partie de la population car tout un chacun peut se retrouver en situation d’handicap une fois dans sa vie. Une difficulté motrice ou sensorielle liée à l’âge ou à une opération, le 21 Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Karim Hassayoune, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p6 22 Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Karim Hassayoune, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p6 23 Ibidem p6
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
sur-poids ou tout simplement une grossesse, pousser une poussette ou encore porter ses sacs de courses sont autant de situations qui prouvent que nous sommes tous concernés. C’est pourquoi l’accessibilité va élargir son champ d’action, elle va commencer à parler de parcours accessible, d’itinéraire d’accessibilité et non plus de bâtiment. L’élément formel qui va permettre cet accès continuel et pour tous sera l’oblique. Elle permet de ne pas différencier les personnes. Il n’y a plus d’accès pour personne ordinaire d’un côté et un accès pour personne à mobilité réduite de l’autre mais bel et bien un accès universel qui va pouvoir être envisagé grâce à l’oblique. Cette caractéristique fondamentale, Parent la discernera dès 1966 lors de l’élaboration de sa théorie et nous verrons que cette préoccupation d’une praticabilité par tous deviendra un des ses axes majeurs. Ainsi, l’oblique n’a pas été pensée, ni mise en œuvre dans un soucis architectural. Elle n’a pas été conçue comme un élément architectural mais plus comme un dispositif pragmatique d’ascension. De ce fait, l’usage a été d’éviter la pente. Elle n’était utilisée que lorsqu’il n’y avait pas d’autres solution. Ce qui la renvoyait à une simple image technique. Limiter la pratique de l’oblique à un usage fonctionnel, c’est ne pas voir l’oblique dans sa complexité, comme le souligne Evelyne Péré-Christin, architecte et diplômée en sciences sociales, dans son ouvrage L’escalier, Métamorphoses architecturales. Il semblerait que “L’usage outrepasse bien souvent la fonction d’origine. Réduire un bâtiment ou un espace à sa seule dimension fonctionnelle équivaut à ne voir que la plus grosse des poupées gigognes.”24. La plus grosse des poupées gigognes serait ici l’aspect fonctionnel de la rampe.25
24 Péré-Christon Evelyne, L’escalier Métamorphoses architecturales, Maisons-Alfort, Editions Alternatives, 2001 25 Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p10
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Première partie : Présentation de l’oblique
1.3 L’histoire de l’oblique : un outils de conception
En parallèle à cette pratique de la pente au sein de l’accessibilité, l’oblique va évoluer et
va commencer à être exploitée comme un élément architectural à part entière. Nous allons voir que les architectes vont découvrir que l’oblique, sous forme de pente ou de rampe, pouvait offrir des caractéristiques sensorielles inattendues. En effet, la rampe va permettre l’ascension sous forme de conquête, à l’instar de l’ascension d’une montagne, l’oblique procure ce même objectif d’atteindre un but dans les hauteurs. « Lorsqu’un couloir évoque l’horizontalité, la rampe évoque une conquête. »26 De plus, en utilisant cette ascension, cela va procurer un « déploiement de qualités d’ordre social, moral, intellectuel ou affectif. »27. Les architectes conscients de ces attraits vont commencer à utiliser l’oblique dans leur projet de leur plein grès et non par contrainte. L’un de ces bouleversements d’usage et de perception de l’oblique se manifestera durant l’époque constructiviste. En effet, la rampe, ainsi que ces formes apparentées, étaient des éléments récurrents dans nombre d’œuvres de ce courant.28 Ce courant artistique né en Russie au XXe siècle met en avant l’art de la construction. Un architecte soviétique constructiviste s’y distinguera : Vladimir Tatline. Son œuvre la plus célèbre est le Monument à la troisième Internationale datant de 1919-1920 mais qui ne sera jamais construit à cause de la guerre civile dans le pays. Ce projet qui devait être une véritable tour habitée constitue l’œuvre la plus emblématique du courant. Symbole de modernité, elle aurait accueilli les quartiers généraux de l’internationale communiste et aurait représenté l’image de la naissance de la troisième internationale communiste. L’innovation de cette tour de 400 mètres est son impressionnante rampe hélicoïdale construite à partir de matériaux industriels. Cette double hélice auraient pu être parcourue par les visiteurs.29 A notre sens, cet artiste qui recherchait la mort de l’œuvre d’art n’était pas ignorant de l’image de la rampe de cette période et il s’en est sans doute servi en mettant en avant cet élément technique de construction pour se défaire des codes et des ordres italiens qui régissaient aux XXe siècles. L’oblique sous forme de rampe va commencer ainsi à se révéler en tant qu’élément architectural, ses caractéristiques autres que techniques vont petit à petit être exploitées et être mises en avant. 26 Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p31 27 http://www.cnrtl.fr/definition/conquerir - consulté le 17/11/15 28 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.9 29 http://art-zoo.com/blog/la-tour-tatline/ consulté le 28/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
7 - le Monument à la troisième Internationale, 1919-1920, Vladimir Tatline http://tofstofs.deviantart.com/art/IIIeInternationale-166080469 - consulté le 15/11/15
Dans ce projet, nous pouvons nous rendre compte des avantages autres que techniques que peut procurer l’oblique. Elle permet de dégager des symboliques dynamiques, fortes et percutantes. Des attraits recherchés pour exprimer au mieux le pouvoir du bâtiment en question.
Néanmoins ce n’est que durant le style moderne et international que la rampe rentrera dans le
vocabulaire des architectes de manière radicale. En 1927, un an avant de recevoir la commande de la villa Savoye, Le Corbusier théorise les grands principes du Mouvement moderne résumé en cinq points : les pilotis, le toit terrasse, le plan libre, la façade libre et la fenêtre en longueur. Ce mouvement, né en Europe au lendemain de la seconde Guerre mondiale, date de 1920. Il s’est vite structuré à l’échelle internationale et a émergé grâce à l’apparition de nouvelles possibilités techniques offertes par des matériaux comme le verre, l’acier et surtout le béton armé. Le Corbusier voulait rompre avec la tradition et répondre au mieux aux besoins de l’homme moderne en revendiquant les dispositifs techniques utilisés dans le domaines des machines30. C’est dans cette optique qu’il s’intéressera ardemment à la rampe. Celle-ci se prêtait bien pour « véhiculer l’image de modernité »31 car elle représentait une nouvelle façon de franchir les espaces en marchant en se basant sur des usages mécaniques. Par ailleurs, Le Corbusier prônait la mobilité dans l’habitat en remettant en cause la question de l’immobilité latente de son époque. « La rampe ou le plan incliné apparaît comme 30 http://lnt.ma/le-mouvement-moderne-en-architecture/ consulté le 28/11/15 31 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.28
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Première partie : Présentation de l’oblique
un remède à cette immobilité dans la mesure où ils sollicitent le corps en établissant une tension pour qu’il reste en équilibre, le corps est tenu en éveil, car sollicite un effort. »32 Cette fascination pour cette déclinaison de l’oblique débute dans deux projets antérieurs où la rampe, comme élément de communication, aura toute sa raison d’être. En d’autres termes, c’est à partir de l’usage animal de la rampe que le Corbusier va s’appuyer pour créer sa promenade architecturale au sein de ses projets. En effet, dans l’Abattoir frigorifique de Chailuny, 1917 et dans l’Abattoir frigorifique de Garchivy, 1918, « le passage du bétail sur les rampes qui doit le conduire de l’étable à l’abattoir rappelle que la construction de ces surfaces était courante et d’usage généralisé, jadis indispensables pour faciliter l’accès des bêtes de somme jusqu’à leur destination ultime »33. Ce premier emploi de la rampe lui a permis d’être « libre des limitations qu’imposait l’iconographie domestique, il put se concentrer sur l’assemblage purement fonctionnel d’éléments disposés en accord avec un processus de production»34 et ainsi s’exercer et se familiariser avec la construction et les caractéristiques de la rampe. Ces deux projets vont devenir de véritables œuvres charnières dans l’évolution de la l’oblique. Geoffrey H. Howard expliquera même qu’«avec les projets des abattoirs arrive le nouveau langage architectonique de le Corbusier »35. Par ailleurs, nous estimons qu’il ne s’est pas seulement positionné et référencé grâce à cette expérience mais plutôt par l’intermédiaire d’une expérience variée acquise à travers ses divers voyages, rencontres et projets. Il est indiscutable que son attirance pour le monde des machines et tout particulièrement l’automobile l’ai influencé. Il voyait dans la voiture « l’une des plus grandes inventions du XXe siècle devant occuper une place centrale dans la vie des hommes. A ses yeux, la voiture représentait le modernisme, l’élégance et la sophistication car elle était utile, productible en série et précise. Fasciné par les techniques de production des usines automobiles, par les nouveaux matériaux de construction et par l’esthétique moderne de ces nouveaux véhicules, Le Corbusier voyait dans l’industrie automobile le modèle à imiter pour toute forme de production et notamment pour la construction de bâtiments. »36 Ainsi, il est évident que Le Corbusier aie appréhendé cette déclinaison de l’oblique lors de ces expériences avec le monde de l’automobile où la rampe est un élément omniprésent et indispensable comme nous l’avons vu précédemment. Une expérience enrichie également par ses liens avec l’architecture arabe qui l’a orientée vers la notion de parcours notamment en lui enseignant toutes les caractéristiques que pouvait procurer ce concept. 32 33 34 35 36
Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p.99 Baltanas José, Le corbusier parcours, Marseille, Editions parenthèses, 2012, p7 Geoffrey H. Howard, Le Corbusier : An analysis of form, p. 79 Ibidem p. 83 Exposition « L’automobile, la villa Savoye et le Corbusier » à Poissy, 2016
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
« L’architecture arabe nous donne un enseignement précieux. Elle s’apprécie « à la marche », avec le pied ; c’est en marchant, en se déplaçant que l’on voit se développer les ordonnances de l’architecture. C’est un principe contraire à l’architecture baroque qui est conçue sur le papier, autour d’un point fixe théorique. Je préfère l’enseignement de l’architecture arabe »37 Autrement dit, Le Corbusier tire sa connaissance de l’univers de la rampe de ses expériences dans divers domaines. Nous détecterons dans ses projets autant de références de rampes pragmatiques à usages animalières et automobiles que de références d’architecture arabe comme l’intégration de la notion de parcours. Il voyait dans la rampe à la fois l’image de la modernité par son mécanique et de la promenade en mettant en scène l’idée du parcours. C’est dans cette continuité que le Corbusier utilisera la rampe dans ses projets. Tout d’abord, nous pourrons l’apprécier comme support de parcours dans l’œuvre de la villa La Roche de 1925. Cette première application de l’oblique pour des usagers humains se décline en un déplacement progressif s’élevant en une rampe qui permet d’une part d’accéder à la bibliothèque du propriétaire située en surplomb du salon mais également de parcourir la magnifique collection de peintures cubistes accrochées aux murs de la pièce principale. Cet emploi de l’oblique décliné en rampe est d’autant plus une révolution car en plus d’être destinée aux humains, elle est utilisée en tant que parcours et non plus pour ses simples qualités d’ascension. Quoi qu’il en soit, Le Corbusier utilisera ce système de communication dans plusieurs de ses projets mais dans des cas de figure différents. Dans l’optique, probablement, d’appréhender la rampe sous toutes ses formes et tester ses qualités autant architecturales que techniques. Elle apparaîtra ainsi dans son projet du couvent de la Tourette, en 1959, configurée en pont d’accès ou encore sur la terrasse sous forme de passerelle qui fait « communiquer le corps conventuel proprement dit avec l’église, ainsi que, dans ce même couvent, au tracé des rampes intérieures »38. Ce système de communication sera repris dans plusieurs de ces projets les plus récents, y compris dans l’œuvre terminée après sa mort, le pavillon Heidi Weber en 1960. « Dans ce dernier, non seulement la rampe mettra verticalement en communication les divers espaces, mais elle servira aussi de véhicule pour concilier l’implantation de l’importante métallique du pavillon avec le milieu naturel dans lequel il est enclavé. »39 Toutefois, l’illustration la plus complète et la plus emblématique de l’application de la rampe de Le Corbusier reste, sans équivoque, celle de la villa Savoye. Ce bâtiment-manifeste du mouvement moderne et plus particulièrement des cinq points de l’architecture du Corbusier date de 1931 et est construite à Poissy. Le Corbusier y verra l’occasion de faire évoluer son principe de parcours. En effet, pour la première fois, la rampe ne sera plus seulement parcourue mais on y viendra également 37 W. Boesiger, Le Corbusier Œuvre complète : 1938-1946, volume 2, Editions d’architecture,1964, p.24 38 Baltanas José, Le Corbusier parcours, Marseille, Editions parenthèses, 2012, p7 39 Ibidem
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Première partie : Présentation de l’oblique
8 - Illustration gauche - Rampe de la villa La Roche, Le Corbusier - http://modernistarchitecture.blogspot.fr/2013/07/observing-le-corbusier.html - consulté le 15/11/15 9 - Illustration droite - Rampe de la Villa Savoye, Le Corbusier - http://parisoasis.blog65.fc2.com/blog-entry-172.html - consulté le 15/11/15
se promener. Ainsi l’oblique va se matérialiser de manière totalement innovante en promenade architecturale grâce à la rampe Corbuséenne. Cette villa, influencée par l’automobile, intégrera entre autres une courbure au sol qui suit le rayon de braquage d’une voiture et une rampe intérieure et extérieure. C’est une réelle célébration de la machine40. Dans cette œuvre, la rampe transforme « le déplacement en rite, offrant une dignité à l’espace, tout en évoquant de façon métonymique la vocation mécanique de l’époque en introduisant, dans un intérieur domestique, la rampe-piste pour le déplacement automobile »41. Par ailleurs, la rampe se positionne comme la colonne vertébrale du projet. Le Corbusier la place même au centre de la composition pour desservir tous les étages de l’habitation, du jamais vu à cette époque. Non seulement elle est pratiquée par les hommes mais elle remplace même l’escalier. Il est ici mis au second plan alors qu’il était à l’époque le dispositif le plus couramment utilisé pour pratiquer l’ascension. Ce projet permet à la rampe de quitter son champ pragmatique imposé par son usage. « Elle n’est plus un élément servant, un instrument permettant d’accomplir une tâche stricte et bien définie mais acquiert son autonomie. Elle impose le déroulement du parcours, structure les espaces et leur 40 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.13 41 Baltanas José, Le Corbusier parcours, Marseille, Editions parenthèses, 2012, p7
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
succession et devient le point focal du bâtiment. »42 Le parcours et la promenade architecturale ne sont pas des éléments nouveaux dans l’architecture de Le Corbusier, ces concepts sont déjà présents dans ses œuvres. Néanmoins, leurs emplois dans la villa Savoye restent les plus réussis notamment en les combinant à l’oblique. Il introduisit une nouvelle notion, la conquête. En se détachant des préoccupations fonctionnelles et en laissant place aux parcours, la rampe incite l’usager à grimper, l’ascension devient une quête. De plus, nous pouvons retrouver dans cette interprétation de la rampe architecturale la notion de temps. En pratiquant cette oblique, nous cheminons lentement vers le sommet. La promenade architecturale induit une certaine errance qui nous fait prendre le temps d’apprécier l’environnement, le paysage, les ouvertures... etc. L’oblique est ici plus qu’une ascension : elle est un support de parcours séquencé que nous éprouvons en la pratiquant.43 Le Corbusier affirmera que « dans cette maison-ci, il s’agit d’une véritable promenade architecturale, offrant des aspects constamment variés, inattendus, parfois étonnants »44. Ces nouvelles formes et fonctions de l’oblique vont promouvoir ces qualités délaissées au profit de l’oblique pragmatique. Sous forme de rampe, elle va porter au plus haut les concepts de promenade architecturale, de parcours et de continuité spatiale. Ainsi la promenade oblique va permettre de relier plusieurs espaces de caractéristiques différentes et permettre au promeneur d’être le témoin de l’évolution des ambiances du lieu par des jeux de lumières et de hauteurs. De ce fait, la promenade et la marche à pied vont devenir le meilleur moyen de découvrir l’architecture. « il est logique d’éviter toute entrave au parcours du promeneur. La rampe est à cet égard une excellente alternative à l’escalier lorsqu’il s’agit de franchir des niveaux tout en gardant le rythme et la continuité de la promenade. Probablement qu’un escalier aurait été incompatible avec l’idée de promenade car trop mécanique, saccadé, bref ; c’est une question de rythme. La rampe rend le franchissement de hauteur plus continu, elle supprime les à-coups en dilatant l’ascension dans l’espace et dans le temps. Cela permet de replacer ce franchissement dans le rythme de la promenade »45. Fondue dans le bâtiment, la rampe « [...] sait aussi se faire oublier au point d’en devenir presque invisible ou neutre »46, nous pouvons la pratiquer sans s’en rendre compte, le mouvement étant fluide, l’effort n’est plus contraignant. Ce qui laisse place aux sensations car nous avons plus à penser à l’ascension, elle se fait de façon naturelle et instinctive. De ce fait, la rampe « invite le déroulement à une suite d’expériences visuelles, à une promenade architecturale à travers le continuum spatio-temporel”47 Devant l’importance que prenait cette déclinaison de l’oblique dans la villa Savoye, un architecte 42 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.10 43 Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p11 et p12 44 W. Boesiger, Le Corbusier et Pierre Jeanneret: Oeuvre complète de 1929-1934, édition Zürich: Artemis 1974, S. 24 45 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.11 46 Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p.125 47 Baltanas José, Le Corbusier parcours, Marseille, Editions parenthèses, 2012, p.56
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Première partie : Présentation de l’oblique
historien américain, Charles Jencks définira la rampe comme un des quatre autres points de l’architecture nouvelle. Ces quatre nouveaux éléments, l’escalier en colimaçon, la double hauteur, le solarium incurvé et la rampe, viennent compléter les cinq points de l’architecture élaborés par Le Corbusier. Par conséquent, l’oblique va être appliquée pour la première fois comme un élément architectural, voire même dans la rampe de Le Corbusier en tant qu’objet architectural à part entière et non un décollement du sol, un mouvement de terrain ou un jeu de topographie. « La rampe constitue bel et bien une entité, posée avec assurance sur le sol. Celle-ci est différenciée du sol non seulement par sa disposition mais aussi dans son traitement […] plutôt que de chercher une uniformité de traitement avec le sol (intérieur ou extérieur) la rampe s’en distingue par un revêtement différent»48. Il y a une réelle mise en scène de la rampe de la villa Savoye. Une évidence particulièrement identifiable au niveau de la terrasse de la villa où le calepinage ne se poursuit pas dans la même orientation sur la rampe. L’objectif a été ici de distinguer cette forme d’oblique du reste du bâtiment. Cela s’ajoute à cette idée d’un nouveau mode de liaison entre deux niveaux qui accentuerait la continuité spatiale. L’oblique a la qualité de souligner la continuité spatiale de l’intérieur vers l’extérieur. Ce concept « Le Corbusier y s’est souvent intéressé [...] S’il dispose d’assez d’espace, il élimine l’escalier et aménage un passage presque insensible d’un étage à un autre.”49 L’emploi de l’oblique comme liaison entre différents plans horizontaux à l’extérieur comme à l’intérieur de la maison, sera réutilisé ensuite jusque dans ses constructions les plus récentes : le Capitole, la cour Suprême et les immeubles ministériels de Chandigarh en Inde ou le Visual Art Center de Harvard en amérique. 50
Nous pouvons réellement affirmer que Le Corbusier a initié une réflexion sur la promenade
architecturale et la parcourt à travers l’oblique. Par ailleurs, elle est l’utilisée plus pour ses qualités architecturales que pour sa fonction d’ascension, un bouleversement sans précédent dans l’histoire de l’oblique. « Ainsi donc, la rampe est un élément primordial dans la perception de l’espace moderne, la quatrième dimension inhérente à la promenade architecturale [...] »51 Nous pouvons ainsi apprécier l’emploi du parcours dans l’oblique de la villa Roche et la promenade architecturale dans l’oblique de la villa Savoye. Nous verrons dans une deuxième partie que ce basculement novateur va beaucoup influencer Claude Parent dans l’élaboration de sa théorie. D’autant plus que nous verrons que Claude Parent travaillera pour Le Corbusier un certain temps, ce qui le rendra familier à ces questions. Toutefois, malgré la découverte de ses qualités de parcours et de promenade architecturale, la rampe ne deviendra pas un usage courant à cette époque. Elle continuera à fasciner les architectes mais par son usage mécanique et non dédié à l’homme exclusivement, elle ne rentrera pas dans les mœurs. Nous 48 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.12 49 http://www.aroots.org/notebook/article140.html consulté le 25/11/15 50 Ibidem, consulté le 25/11/15 51 Baltanas José, Le Corbusier parcours, Marseille, Editions parenthèses, 2012, p7
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
verrons dans une troisième partie qu’il faudra attendre le XXIeme siècle pour être témoin de sa diffusion dans les projets.
Quelques années plus tard, un autre architecte emblématique influencera l’évolution et
l’appréhension de l’oblique. Il s’agira de Franck Loyd Wright, architecte américain. L’oblique en tant qu’élément architectural sera fréquemment présent dans ses projets au XXeme siècle. En effet, tout en restant dans la continuité de Le Corbusier, il traitera l’oblique sous forme de rampe mais non plus de manière droite mais hélicoïdale. Il va exploiter les qualités de la spirale à son maximum. Autre singularité, il va aller au delà de l’utilisation de la rampe dans l’habitat, il va l’exploiter également dans des programmes publics, ouvrant ainsi la pratique de l’oblique au plus grand nombre. 52 Son engouement pour cet élément architectural est dû à un foisonnement d’expériences, d’expérimentations et de références diverses dont nous retrouvons une nouvelle fois les dispositifs automobiles à l’instar de Le Corbusier. Ainsi, nous pouvons déceler dans les œuvres de Wright des références à la fois du domaine automobile mais également des références organiques et artistiques. Néanmoins, Wright va développer une seule et même typologie de rampe hélicoïdale, nuançant au « gré des projets l’interaction de la rampe avec le bâtiment et le programme»53. De ce fait, il gardera une cohérence de la matérialisation et de la représentation de la rampe à travers ses divers projets. Prenons le cas d’une de ses œuvres, L’Automobile Objective and Planetarium project à Sugarloaf Mountain dans l’état du Maryland, datant de 1924 « était un projet d’observatoire accessible en automobile. Cela a imposé une contrainte invariable qu’était l’emploi d’une rampe d’accès. Wright a développé de nombreuses variantes de ce projet, optimisant l’interaction de la rampe hélicoïdale avec le reste du bâtiment »54. Cette première expérimentation de l’oblique lui a servis dans la reproduction du même système plus de trois décennies plus tard à l’intérieur du musée Guggenheim qui est littéralement le projet héritier de l’observatoire de 1924. Cette connaissance lui a ainsi permis de gagner en temps car les principaux problèmes étaient déjà résolus dans le projet initial. Notamment, dans la disposition des circulations verticales où les escaliers et les ascenseurs sont aménagés dans une tour séparée permettant de libérer le volume enserré par la rampe hélicoïdale.55 Toutefois, ce musée se différenciera de son projet d’origine. Les deux rampes n’auront pas le même dimensionnement car elles ne sont pas destinés aux même usagers. L’une est dédiée à la automobile et l’autre à la marche pédestre. Ce qui induit des inclinaisons différentes car les pratiques le sont 52 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.14 53 Ibidem, p.14 54 Ibidem, p.14 55 Robert Mc Carter, F.L. Wright Architect, Edition Phaïdon, Londres, 1997, p.306
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Première partie : Présentation de l’oblique
10 - Rampe hélicoïdale du Musée Guggenheim FLW - http://www.ten-arquitectos.com/projects/33 - consulté le 15/11/15
également: « le dimensionnement de l’Automobile Objective and Planetarium pour s’adapter au mouvement automobile, opposé au mouvement pédestre typique dans un musée ou une galerie se révélera être un véritable défi pour Wright en employant ce concept pour le musée Guggenheim.»56 Ainsi, ces deux projets que tout rassemble se distinguent par le simple changement d’inclinaison de la pente. Ce qui induira la remise en cause complète de la forme et des dimensions du projet. La rampe du musée deviendra plus tassée et moins aérienne que celle du Automobile Objective.57 Pour remettre le musée de New York dans son contexte, en plus d’être la dernière œuvre de F. L. Wright, il décédera cinq mois avant son inauguration, elle est sans aucun doute son « oeuvre-manifeste posthume : l’architecte, adepte d’une parfaite symbiose entre ses constructions et leur environnement, avait dessiné, pour la sévère et classique Cinquième Avenue, un coquillage de marbre dont la couleur, la taille et le volume juraient avec tous les immeubles voisins »58 Comme nous l’avons exposés dans le paragraphe précédent, l’une des influences de ce bâtiment est le monde de l’automobile. Cette influence va tenir une place importante dans l’architecture de Wright. Le musée Guggenheim est l’aboutissement de l’ensemble de ces concepts architecturaux les plus novateurs en lien avec l’automobile. « Le Guggenheim est toujours debout comme un testament enseignant comment l’automobile a contribué à transformer l’espace architectural. »59 En effet, F.L.W. était étrangement « prophétique à comprendre comment la voiture allait transformer 56 Robert Mc Carter, F.L. Wright Architect, Edition Phaïdon, Londres, 1997, p.306 57 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.15 58 http://www.lemoniteur.fr/article/le-musee-guggenheim-de-new-york-fete-ses-50-ans-746501- consulté le 01/12/15 59 http://www.nytimes.com/2009/08/09/automobiles/09wright.html - consulté le 01/12/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
le paysage américain et ses créations reflètent cette compréhension. »60. Son amour de la voiture allait bien au delà de l’architecture. Wright était un véritable passionné d’automobile, il aimait cette beauté, cette puissance et cette vitesse véhiculée par la machine. Durant sa vie, il collectionna d’innombrables voitures dont le plus souvent des voitures de courses. L’idée n’est pas ici d’énumérer simplement les œuvres de Wright mais de prendre conscience que cette passion va influencer considérablement son architecture et sa vision de celle-ci. Avant même que l’automobile ne devienne un accessoire omniprésent dans les foyers américains, il s’initia, en 1908, à la construction de garage pour trois voitures, Le Robie House à Chigago. Il inventa également le terme de carport. Il sera l’un des premiers à l’intégrer dans ses projets et réalisera de nombreux projets de garages. La conception du Guggenheim, aussi improbable que cela puisse paraître, a été pensée à l’image d’un banal parking. Le mouvement de la rampe fluide et lisse s’apparente fortement au mouvement que nous pouvons retrouver dans les dispositifs automobiles. D’ailleurs, Wright parlera de sa rampe hélicoïdale comme « d’une autoroute pour l’art. » Cette fascination de l’automobile prendra ainsi une grande ampleur à tel point d’influencer également le vocabulaire de Wright pour parler de ses projets. En d’autres termes, en s’appuyant sur l’oblique à usage automobile, F.L.W. a su tirer les qualités oubliées de la rampe pour l’adapter à la circulation piétonne du musée. Il ne s’est pas focalisé sur la simple fonction d’ascension mais à utiliser l’oblique comme un événement, un parcours mettant en scène les œuvres. Par ailleurs, la conception du musée va être influencée par des formes organiques. Pour la première fois depuis la genèse de l’oblique, un architecte va se référer à la nature. Robert Smithson décrira même le côté organique du bâtiment de manière viscérale en y voyant un « appareil digestif à l’envers. Les déambulatoires sont métaphoriquement des intestins. C’est un estomac de béton»61. Ainsi comme le souligne Karim Hassayoune dans son mémoire « chez Wright, la rampe, initialement fortement liée à l’automobile, s’en détache finalement au profit de l’homme, et devient organique. Un peu comme le Corbusier, qui fait évoluer ses premières rampes destinées aux animaux et les extrait de cet usage purement fonctionnel pour les intégrer dans une théorie et un langage architectural. »62 De cette façon, Wright réinterprète l’oblique de manière plus naturelle en se détachant de son image technique. Comme nous l’avons dit précédemment, Wright a fait évoluer l’image et la pratique de l’oblique. Tout d’abord en introduisant le concept de rampe hélicoïdale. Ce n’était pas un élément novateur pour l’époque. Elle était déjà utilisée au Vatican par l’architecte italien Giuseppe Momo en 1932. En analysant ce projet, nous ne pouvons pas manquer de constater la parenté qu’il peut exister entre 60 http://www.nytimes.com/2009/08/09/automobiles/09wright.html - consulté le 01/12/15 61 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.15 62 Ibidem, p.15
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Première partie : Présentation de l’oblique
ces deux bâtiments (ill.11). Cependant, notons que chronologiquement l’antériorité du projet de l’Automobile Observatory de Wright lui donne l’entière paternité du système de rampe introduite dans le musée Guggenheim de New-York. Ces deux projets se distinguent par des singularités propres à elles mêmes. Citons par exemple la fonction des deux obliques, celle de Momo permet seulement l’ascension alors que la rampe de Wright permet de créer un parcours le long des œuvres. De plus, « la rampe du musée du vatican est dédoublée : il y a en fait une rampe pour les entrants et une pour les sortants, mais celles-ci sont disposées de telle sorte que vues d’en haut, on croit ne voir qu’une rampe. »63 Il convient de mentionner que la rampe de Momo est elle même une réinterprétation d’une rampe en spirale plus ancienne mais qui se situe également au vatican, la rampe dessinée par Bramante en 1504. Elle était destinée à permettre au pape d’accéder aux étages supérieurs à cheval. Cet exemple s’inscrit dans la famille des rampes cavalières expliquées en début de partie. Néanmoins, celle-ci vient se différencier par un élément novateur pour l’époque, son noyau structurel central plein. Cet élément structurel soutenu par une série de colonnes génère une transparence qui met en lumière la vision de la rampe et de son parcours dans leur totalité. La particularité de ces trois projets de rampe en spirale, se remarque lors de leur parcours, nous pouvons apprécier le déroulement de la spirale au fil des différents niveaux, tandis que sur les rampes traditionnelles, dites segmentées, l’œil ne perçoit ni l’ascension ni la suite du mouvement qui en devient implicite et prévisible.64 Enfin, Wright va chambouler également l’essence même de l’oblique : la montée et la descente. Pauline Bohn expliquera dans son mémoire que l’usage veut « que l’on monte pour quelque chose mais que l’on
11 - Comparaison Projet Guggenheim FLW à gauche et Rampe du musée du Vatican de Momo Giuseppe à droite - http://www. internationalwebpost.org/contents/Frank_Lloyd_Wright: - https://www.flickr.com/photos/gt-maverick/14085422422 consulté le 15/11/15 63 Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p.17 64 Ibidem, p.17
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
descende simplement parce que l’on est monté. »
65
Dans l’exemple du musée Guggenheim de New
York, F.L.W. a voulu changer les codes en donnant plus d’intérêt à la descente. Pour ce faire, il débutera l’accès du parcours en haut de la rampe auquel nous accédons grâce des ascenseurs situés aux entrées du bâtiment. Nous restant plus qu’à découvrir les œuvres tout en descendant ce cheminement oblique de façon « tranquille, et aisée ».66 L’idée de Wright était de créer des espaces pour les utilisateurs « où ils pouvaient respirer »67 Ainsi, cette architecture organique va combiner « une construction librement organisée avec la nature environnante »68 en créant des seuils entre intérieur et extérieur, des ouvertures sur l’extérieur, des jeux de transparence et de reflets. Dans ce projet, les ascenseurs vont matérialiser l’axe qui « mène au ciel »69, une image d’autant plus accentuée par la mise en scène de l’entrée dont le dôme vitré en toiture irradie de lumière l’intérieur du bâtiment. Comme le souhaitait Hilary Rebay, maître d’ouvrage du musée, « le bâtiment combine deux pôles en une entité de façon à embrasser terre et ciel dans un mouvement continu. » 70
65 66 67 68 69 70
Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p.139 Brooks Pfeifffer Bruce, Franck Lloyd Wright, les chefs-d’oeuvre, Paris, Editions du seuil, 1993, p.20 Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p.139 Ibidem, p.139 Ibidem, p.41 Ibidem, p.41
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Première partie : Présentation de l’oblique
1.4 L’oblique entre ascension et conquête
Ainsi, nous pouvons dire que l’oblique est un concept ancien qui a su se développer au fil des
époques. Par son utilisation dans divers domaines et disciplines, il s’est enrichi et a pu ainsi se dévoiler petit à petit. Néanmoins son ambiguïté de sens que nous retrouvons dans sa fonction a freiné quelques peu son utilisation dans sa totalité. En effet, le terme oblique a une connotation péjorative car il renvoie à un trait, un comportement indirect. Cette évocation existe depuis ses origines latines. Par ailleurs, nous pouvons retrouver également cette ambiguïté dans sa pratique. Dès ses premières réalisations l’oblique était une invention motivée par une contrainte et elle n’était pas utilisé par l’homme. L’oblique était vue comme un dispositif de qualité inférieure qui ne servait que pour les animaux, l’automobile ou encore dans le monde de l’industrie. Le paradoxe est que l’oblique vient des montagnes, du soulèvement de la terre, du sol, un sol accessible par tous. Que ce soit pour les animaux, les humains où les machines la terre nous est accessible et praticable. Toutefois, l’oblique va commencer à être développée de manière restreinte en étant pratiquée seulement par les animaux dans un premier temps puis par l’automobile dans un deuxième temps. L’usage par l’homme viendra bien plus tard. Son usage va totalement se détacher de la nature et ses qualités naturelles. Cette usage pragmatique durera jusqu’à l’époque moderne. L’oblique ne sera jusque-là qu’un dispositif dit méprisable qui n’est pas digne d’être pratiqué par l’homme. Durant cette époque, l’oblique sera vue sous la simple forme de rampe ou de pente ne permettant que l’ascension. A partir, de l’ère moderne et notamment du constructivisme en 1920, la pratique de l’oblique va enfin s’ouvrir à l’homme. Cette évolution a fait évoluer l’usage mais également la forme de la rampe. Prenons en exemple projet de Berthold Lubetkin, architecte anglais, qui conçut une des plus emblématiques rampes hélicoïdales mais qui a été installé dans le bassin des pingouins du zoo de Londres en 1934. (ill.12 et 13). Cette œuvre suscitera de l’intérêt à travers toute l’Europe. Lubetkin aménagera deux rampes hélicoïdales en béton armé s’enlaçant dans le vide. Libérées de tout point porteur, et d’une épaisseur extrêmement réduite, elles semblent se déployer comme deux minces bandes de papier et flotter dans le vide. Un projet admirable par ses qualités plastiques et son audace structurelle mais qui interroge sur l’emploi de ces rampes pour l’usage des pingouins. « En réalité, c’est moins la rampe qui s’adapte aux spécificités des pingouins que l’inverse. Aujourd’hui le bassin n’est plus occupé par les pingouins. Ils ont du quitter, il y a quelques années, cet emblématique œuvre d’architecture, figurant
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
parmi les monuments classés. En effet, le fait de marcher continuellement sur les rampes en béton provoquait chez eux des douleurs aux articulations. »71 Ensuite, l’oblique va croiser le chemin de Le Corbusier. Il est le premier à voir autre chose qu’un simple dispositif mais bel et bien un outils de conception. En la combinant à ses références de projets d’abattoirs, à sa fascination des machines et à l’architecture arabe, il donna naissance à la promenade architecturale mettant en scène non plus l’ascension mais la conquête. Nous parlerons de parcours, de promenade et de continuité spatiale. FLW par la suite ne fera que renforçait cette idée. En résumé, la pratique de l’oblique va évoluer en s’ouvrant à d’autres usages tout en gardant des références de ses usages premiers, animalier, automobile et industriel. En parallèle de son évolution fonctionnelle, sa nomination, le vocabulaire autour de l’oblique va lui aussi se développer. Nous avons débuté en parlant de rampes cavalières, de pente automobile pour finir avec des notions de promenades et de parcours. L’oblique s’émancipe, notamment en jouant avec des échelles de plus en plus larges en passant d’un dispositif à un objet architectural et à une continuité spatiale. Ces bouleversements sont
12 - Construction de la rampe du bassin des pingouins au zoo de Londres, Berthold Lubetkin, 1934 - https:// www.architecture.com/image-library/ RIBApix - consulté le 15/11/15
13 - La rampe du bassin des pingouins au zoo de Londres, Berthold Lubetkin, 1934 - http://fr.slideshare.net/assocpm/ rob-leslie-carter-embracing-chaos consulté le 15/11/15 71 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.9
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Première partie : Présentation de l’oblique
en lien avec la découverte, au fur et à mesure, des qualités éprouvées dans la pratique de l’oblique. Nous avons vu qu’elle permettait à la fois l’ascension, le sentiment de conquête ainsi que l’accessibilité de tous. Nous verrons dans une deuxième partie qu’elle propose bien d’autres qualités que Claude Parent mettra en lumière. Enfin, nous nous apercevons que chaque fois qu’un projet fait usage de l’oblique, il se place dans la modernité voir même comme bâtiment avant-gardiste. Nous l’avons vu dans le projet de Berthold Lubetkin avec sa rampe hélicoïdale dédiée aux pingouins ou encore la villa Savoye avec l’introduction de la promenade architecturale de Le Corbusier et avec le parcours hélicoïdal du Guggenheim de NewYork par FLW. Nous pouvons nous demander si ce n’est pas le signe que l’oblique est prédestiné à avoir une place de plus en plus importante dans l’architecture ? Ne voyons nous pas ici la preuve d’une articulation qui va révolutionner notre vision de l’Architecture et la pratique de celle-ci ?
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Deuxième partie La Fonction oblique
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
Nous allons avoir dans cette deuxième partie qu’un architecte avait prédis l’ampleur
qu’allait prendre l’oblique. Cet architecte n’est autre que Claude Parent. Il va bouleverser cette chronologie multidirectionnelle établie historiquement par l’oblique, d’un côté une oblique pragmatique et de l’autre l’oblique comme outils de conception. En se basant sur l’essence même de l’oblique, la nature, il va rassembler toutes ces formes en une seule, la fonction oblique.
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Deuxième partie : La Fonction Oblique
2.1 La rencontre de deux marginaux
« Imaginer un gratte-ciel de New-York couché à terre est le premier acte fantastique vers
la réinvention de toutes les fonctions de ses divers organes, des ascenseurs aux planchers – un acte nécessaire pour pouvoir dépasser les limites d’une architecture entravée par l’ossature Dom-Ino. C’est justement la métropole des gratte-ciel, New-York, que Paul Virilio et Claude Parent qualifient d’aboutissement de la direction spatiale marquée par la verticale, à la fois apothéose et fin de la verticalité. »72 C’est à partir de cette théorie révolutionnaire que Claude Parent et son acolyte Paul Virilio vont hisser l’oblique au statut de nouvel ordre urbain. Une évolution sans précédent dans l’histoire de celleci. L’échelle de l’oblique n’a fait que s’accroître au fur et à mesure qu’elle a été pratiquée. Néanmoins, Claude Parent est le premier à penser l’oblique à l’échelle urbaine. C’est lors de son association avec Paul Virilio et de la fondation d’Architecture principe en 1963 qu’il concevra les prémices de la théorie de la fonction oblique, théorie qu’il défendra toute sa vie. Entre utopie et mise en crise politique de l’architecture, il s’impose comme un prescripteur d’une époque à venir. 73 La rencontre de ces deux marginaux, due au hasard comme ils aiment le souligner, engendrera une nouvelle structure fondée sur le plan incliné. Les pages d’Architecture principe, la revue de Virilio et Parent deviendra leur terrain de jeu et de diffusion de cette théorie. Ils y publieront leur dessins que certains qualifieront de futuristes et d’autres utopistes. Ils ne cacheront pas leur influence Corbuséenne et des projets de FLW. Ces projets sont dans la même perspective, suivant les mêmes modèles fondamentaux de plans continus à inclinaison diverse et « d’extrême extension de la promenade architecturale. » 74 Pour mieux comprendre le concept de fonction oblique, nous devons, dans un premier temps, présenter ces deux créateurs : Paul Virilio et Claude Parent. Claude Parent est un architecte né en 1923. Il créera son agence en 1953 après avoir fait des études de mathématiques et d’architecture aux beaux-arts. Membre actif du groupe Espace, cofondé avec André Bloc dans les années 50, il militera ardemment pour l’intégration de l’art dans la société et dans l’architecture. C’est dans cette optique qu’il deviendra membre du comité de rédaction à la revue « Architecture d’aujourd’hui », puis d’« Architecture principe » où il véhiculera ses théories. 72 Robert Gargiani, L’architrave le plancher, la plate-forme, Nouvelle histoire de la construction, Edition PPUR, 2012 p.866 73 Claude PARENT oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 74 Robert Gargiani, L’architrave le plancher, la plate-forme, Nouvelle histoire de la construction, Edition PPUR, 2012 p.866
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
Par ailleurs, nous oublions souvent de le mentionner mais il passera brièvement par l’atelier Le Corbusier, rue des Sèvres où il travaillera notamment sur l’Unité d’habitation de Rézé. Cette expérience auprès du concepteur de l’architecture moderne fut rapide mais significative dans la suite du travail de Claude Parent. En vue de leurs pensées architecturales aux antipodes l’une de l’autre. Il est probable que ce court passage corbuséen soit l’élément déclencheur du virement oblique de Parent. Il suffit de le citer pour en prendre conscience : « Moi, mon dieu c’était Le Corbusier dès que j’étais en âge de comprendre, je m’en suis débarrassé. En écrivant un article dans une revue connue aujourd’hui d’une violence inouïe contre l’urbanisme de Le Corbusier. C’était une question de survie, Le Corbusier c’était un génie, j’ai travaillé chez lui, je l’ai vu au travail, j’ai vu que c’était un énorme génie, danger ! Au bout d’un moment dangereux personnage ! Parce que ce sont des envoûteurs ! [...] A l’instar de Picasso qui a tué deux générations de peintre, il y a des gens qui aimaient tellement Picasso qu’ils n’ont jamais pu faire une peinture authentique de leur vie. Et un tueur c’est le Corbusier. Qui, sans Le Corbusier s’en est sorti ?... Vous devez rien à vos ancêtres, il faut se libérer de tout ça. »75 Tout au long de sa vie, il restera un acteur culturel, un personnage « agissant », pour qui l’architecture « est le principe effectif d’une transformation et d’une évolution sociale. ». Cet homme aux multiples casquettes, architecte, remarquable dessinateur, utopiste, polémiste, défendra et partagera ses idées corps et âmes à travers d’innombrables textes et conférences, irritant le spectateur et bousculant avec joie les codes établis. Il n’est pas seulement connu comme l’un des auteurs de la fonction oblique, il est également célèbre pour son architecture avant-gardiste qui dérange et bouscule les idées préconçues. En effet, à partir de 1974, Claude Parent va être amené à travailler pour EDF dans la conception de centrale nucléaire. Engagé pour une meilleure appropriation collective du programme nucléaire qu’il défendra pour son intégration paysagère et urbaine, il deviendra en quelque sorte le directeur artistique du programme «Architecture du nucléaire», animera le collège des architectes impliqués dans ce plan et dessinera personnellement deux « Maisons de l’atome » sur les sites de Cattenom et de Chooz. Il s’engagera d’abord comme conseiller du programme nucléaire d’EDF. Il est en rupture avec ses collègues, non seulement il l’assume mais il le revendique, multipliant les publications et les recherches sur l’intégration des constructions dans le paysage, sur leur mise en couleur, afin de donner à l’architecture industrielle une qualité plastique jusqu’alors inenvisagée. S’il ne réalise finalement que des éléments des centrales de Chooz et de Cattenom (ill.14 et 15), cet engagement inattendu ne manquera pas de susciter d’importantes polémiques. Il imagine pour EDF le plan-masse de toutes les futures centrales. Un plan simple en trois parties pour symboliser, au pied des gigantesques tours de refroidissement, les trois éléments de la production électronucléaire : le réacteur dans un gros cylindre, la turbine et l’alternateur chacun dans un cube. Trois volumes de béton, nets, sans 75 Extraits des 24 heures d’entretien avec claude parent intégrés dans l’exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2010
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Deuxième partie : La Fonction Oblique
14 - Photos aérienne, Centrale nucléaire, Cattenom, 19751990, http://pulse. edf.com/en/claude-parentfather-oblique-architecture consulté le 15/11/15
15 Dessin Claude Parent, Centrale nucléaire, Cattenom, 1976 - http:// w w w. f r a c - c e n t r e . f r / index-des-auteurs/rub/ rubprojets-64.html - consulté le 15/11/15
fioritures. « A l’époque, j’ai perdu des amis, à me compromettre ainsi avec le diable, raconte-t-il. Mais, professionnellement, c’était fantastique : j’avais du pouvoir, des moyens illimités, la possibilité de déplacer des montagnes... Enfin j’ai pu montrer qu’un architecte, ce n’est pas qu’un décorateur qui se contente de mettre des jolies couleurs. »76 Ces constructions surprenantes ne font que conforter le combat que mène Claude Parent contre les faux-semblants, les bonnes consciences, les idée reçues. « N’évitant pas le scandale lié à l’acceptation d’un programme industriel devenu alors nécessaire avec la crise pétrolière, il s’ancre au contraire au cœur des contradictions animant la société, afin de toujours mettre l’architecture en péril, y cherchant la voix d’un renouvellement et d’une acceptation. »77. D’autres de ses œuvres ont été décriées avant même d’être construites. Citons la maison de l’Iran à la cité universitaire de Paris (1969). Cette petite tour métallique suspendue, signal d’une entrée de Paris, est constituée de deux blocs de quatre étages suspendus à trois puissants portiques d’acier plantés au 76 http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - consulté le 15/11/15 77 Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010
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bord du périphérique. Elle apostrophe encore chaque jour des millions d’automobilistes avec sa façade opaque barrée d’un escalier en double hélice.78 Ce bâtiment a été détesté et les autorités n’ont accepté de délivrer le permis de construire qu’à la suite d’une visite du Shah d’Iran alors qu’aujourd’hui le bâtiment est classé Monument historique. De surcroît, personne n’arrivera à limiter ou à enfermer cet architecte qui refuse l’académisme dans un style car son inspiration évolue au gré des rencontres, des mouvements et des disciplines.79 En effet, dans cette volonté d’intégrer l’art dans l’architecture et dans la société, il partagera son activité avec des acteurs de disciplines diverses, « mesurant en permanence ses idées à celles des autres : Ionel Schein, André Bloc, Nicolas Schöffer, Yves Klein, Jacob Agam, Jacques Polieri, Jean Tinguely, Gérard Mannoni, Michel Carrade, Roger Tallon, Lionel Mirabaud, Jean Nouvel, François Seigneur, Wolf Prix… La litanie des noms évoque à elle seule les atmosphères, les périodes, les univers plastiques, politiques et sociaux qui ont marqué notre histoire culturelle. »80 nous laissant entendre que cet architecte , à l’instar des grands créateurs, a toujours appartenu à son époque. Aujourd’hui encore, il collabore avec les grands noms du XXIeme siècle, notamment avec l’agence autrichienne Coop Himmelb(l)au pour un projet de centre d’art contemporain, pour ne pas tous les citer. 81 Reconnu en fin de carrière, il a été Grand prix national de l’architecture en 1979, président de l’Académie d’architecture, puis membre de l’Académie des beaux-arts en 2005. Toutefois, sa collaboration la plus illustre reste celle avec son partenaire Paul Virilio. Cet architecte urbaniste français et philosophe est né en 1932 à Paris. Enfant, il sera témoin des bombardements de Nantes. Ce qui lui fera prendre conscience de la fragilité du monde urbain. Après avoir été verrier, élève de Raymond Aaron, il collaborera avec Matisse, Braque et en 1963 Claude Parent. Dans le même temps, qu’il fondera avec son acolyte le premier manifeste de l’architecture oblique, il sera enseignant à l’ESA – l’École Spéciale d’Architecture – où il revendiquera ses pensées urbanistiques et architecturales. L’association de ces deux expériences jusqu’en 1968 (date de la fin de leur collaboration) donnera naissance à la théorie de la fonction oblique aussi nommée vivre à l’oblique. Nous allons voir en quoi ce manifeste qui préconise le recours à l’oblique en tous lieux, va permettre de remédier à tous les maux liés à l’urbanisme, à la société, à l’économie, à notre bien être.
78 http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - consulté le 15/11/15 79 http://sympathiesinfinies.over-blog.com/pages/Architecture_Claude_Parent_traversee_oblique_dun_demisiecle-2614186.html consulté le 15/11/15 80 Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 81 http://sympathiesinfinies.over-blog.com/pages/Architecture_Claude_Parent_traversee_oblique_dun_demisiecle-2614186.html consulté le 15/11/15
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Deuxième partie : La Fonction Oblique
2.2 Théorie de la Fonction Oblique
« Vous prenez un mur, vous le couchez, qu’est ce qui vous arrive, en bas vous êtes au niveau
0 et en haut au niveau +1 pour rentrer chez vous, vous grimpez sur votre façade et vous rentrez par votre fenêtre. La fenêtre devient une porte et la clôture verticale qui ne vous appartenait pas devient votre territoire commun pour accéder à votre habitation. »82. Cette explication de la fonction oblique de Claude Parent, nous permet d’imager le concept de vivre à l’oblique (ill.16). Nous conviendrons de la révolution qu’elle suscite en lisant ces quelques lignes. En effet, il s’agit de reconsidérer tout ce que nous connaissons, de modifier tous nos repères ainsi que nos modes de construction, d’habiter, d’aménager... etc. Il faut voir la perpendiculaire comme un axe caduc, car il crée l’obstacle et génère des enfermements. Parent parlera de l’angle droit comme d’un mur duquel nous y observons une arête si on tourne autour. « l’arête est un élément essentiel parce que quand vous êtes du côté de l’angle droit avant de tourner autour, derrière c’est un mystère, vous ne savez pas ce qu’il y a. Le premier acte courageux de notre vie est de tourner autour de cet angle droit. C’est une limite virtuelle, car l’arête n’est que de la rencontre. Au fond on pourrait dire que l’architecture cubique c’est plein de virtualité donnée par ces arêtes. »83 Ainsi, les deux auteurs de la fonction oblique pensent qu’il faut rétablir la continuité et respecter la
16 - Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction oblique - 17 - Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction oblique - Claude Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, 2004 2004 82 Extraits des 24 heures d’entretien avec claude parent intégrés dans l’exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 83 Ibidem
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
fluidité. « Il ne faut plus contourner les bâtiments, mais passer par-dessus, se réapproprier les toitures. Faire des collines plutôt que des murs. »84 (ill.17). Pour ce faire, ils parlent de remplacer littéralement l’horizontalité et la verticalité par l’oblique (ill.18). Parent ne se proclame pas l’inventeur de l’oblique, « Je ne prétends pas avoir inventé la pente (la nature s’en est chargée), ni même la rampe, Le Corbusier en a fait »85. Toutefois, il est le premier à préconiser de vivre à l’oblique. Il voit dans ces plans inclinés la possibilité de multiplier les points de vue et de redonner la notion de mouvement aux habitants en montant et redescendant en permanence. Selon lui, cette réappropriation du mouvement est synonyme de joie et donc de vie. Il comparera sa pensée avec celle des marins qui bravent chaque jour mers et océans. « Les marins [...] sont heureux quand le bateau gîte. Je compare souvent l’architecture telle qu’elle devrait être à la mer. Les vagues, les flots urbains… j’ai une obsession maritime, alors que j’ai peur en bateau. La mer est toujours en mouvement. Et elle résiste encore à l’homme. Elle représente l’idée de liberté. Tout le contraire du cube. » 86 Par ailleurs, quand nous demandons à Claude Parent son opinion sur le mur, il conçoit qu’il est « la première architecture du monde »87 mais également l’origine de tous les maux de l’homme. En effet, il nous explique qu’il n’y a « rien de plus beau qu’un mur dans la nature à condition qu’il ne soit pas percée par ces horreurs que l’on appelle les fenêtres. Un mur dans la nature c’est la première introduction architecturale de l’homme, c’est sa première trace mais il a permis par son existence de frontière que les hommes ne puissent plus s’entendre. Le mur qui était la gloire de l’homme est devenu le responsable misérable de toutes les fatalités. »88 C’est pour cette raison qu’il se bat pour la fonction oblique car le premier rapport de celle-ci est le franchissement. D’après lui, il est inconcevable de construire un mur qui n’est pas franchissable. Si nous devons construire un abri, nous devons le faire en oblique. « Comme ça les personnes pourront monter sur votre sacré propriété, tout en gardant la propriété du dessous. La personne aura la praticabilité, la jouissance du dessus de votre maison. »89
18 - Ordre Oblique - Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction oblique Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions JeanMichel Place, 2004 84 85 86 87 88 89
Extraits des 24 heures d’entretien avec claude parent intégrés dans l’exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - consulté le 15/11/15 Ibidem Extraits des 24 heures d’entretien avec claude parent intégrés dans l’exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 Ibidem Ibidem
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Deuxième partie : La Fonction Oblique
19 - Sol à vivre - Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction 20 - Sol à vivre - Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction oblique - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel oblique - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, 2004 Place, 2004
Parent et Virilio nommeront ce concept la circulation habitable, c’est l’une des grandes lignes de leur théorie. En d’autres termes, le déplacement des hommes deviendra le facteur qui dynamisera la ville de demain. Le sol artificiel de la demeure de l’homme deviendra un sol à vivre. Selon eux, il n’est plus possible de vivre comme nous le faisons. Une révolution des mentalités est plus que nécessaire voire même inévitable. Nous devons nous détacher des formes de nos premiers abris. La vocation de l’architecture a évolué, mais nos constructions sont restées les mêmes. Ces abris nous permettaient à l’époque de nous protéger des intempéries, des ennemis en prônant l’enfermement dont le mur en était le symbole. Aujourd’hui encore, il fait partie de notre quotidien, il est même devenu une réponse à certains maux contemporains. Plus récemment, c’est le cas de la Hongrie qui a décidé de construire un mur pour endiguer l’afflux inédit de migrants à ses frontières. Claude Parent critique ardemment cette idée « Dès qu’il y a une crise, on construit un mur : à Berlin, en Israël… C’est invraisemblable! Quand je dis qu’il faut rétablir la continuité, je l’entends aussi au sens large : cela va jusqu’à la suppression totale des frontières sur la planète »90. Autre notion féconde du manifeste, le retour aux formes de la nature dans la ville qu’ils nommeront la morphologie naturelle. En effet, Paul Virilio et Claude Parent visualisent une ville où la nature reprend le dessus aux dépens de la verticalité et de l’horizontalité. Des mouvements naturels qui se déploient sur des gigantesques plans inclinés où les obstacles à la marche et à la vue seront effacés.91 Ce qui permettrait à tous et dans 90 http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - consulté Ibidem 91 http://sympathiesinfinies.over-blog.com/pages/Architecture_Claude_Parent_traversee_oblique_dun_demisiecle-2614186.html consulté le 15/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
21 - Critique verticale - Dessins de Claude Parent, théorie de la 22 - Critique verticale - Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction oblique - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions fonction oblique - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions JeanJean-Michel Place, 2004 Michel Place, 2004
n’importe quelle situation de la pratiquer. La définition même d’une oblique réussie selon Claude Parent : « ce qui m’intéresse davantage, c’est la pratique la plus courante et la plus évidente. Que ce soit un réflexe. Qu’on trouve le réflexe de l’oblique, l’ascension et la descente. Pour le moment on ne trouve que la planéité. Le record c’est d’arriver à être horizontal. Et moi, je dis non ! Votre vie, elle sera dans l’obliquité, en dehors de la bataille architecturale que je grignote et que je gagne petit à petit… »92 D’après Parent si une oblique est pratiquée avec ses pieds, ses jambes ou même que nous nous asseyons sur celle-ci, c’est une oblique qui marche et qui perdurera. Néanmoins, toujours selon Claude Parent, une oblique qui fait peur car trop accidentée demande que nous soyons un acrobate pour pouvoir la pratiquer, est une oblique ratée.93 De ce fait, l’escalier est banni de la théorie de la fonction oblique. Parent pense qu’en plus de ne pas être un joli geste, il impose aux jambes le mouvement mécanique, décomposé de la bielle. Il préfère le plan incliné qui offre une meilleure relation entre l’espace et le corps. De plus, que ce soit l’escalier ou l’ascenseur, ces canalisations d’élévation qui nous privent de toute liberté de parcours sont des éléments issus d ‘une dangereuse décomposition du lieu de vie. Ils sont tellement si détachés de l’espace vécu qu’ils sont de plus en plus rejetés à l’extérieur des bâtiments. Preuve qu’ils ne sont pas si intégrés et adaptés à l’homme (ill.21 et 22). Ce qui nous amène à annoncer l’élément clé de la fonction oblique, sa résultante, la fluidité. Pour Parent, la fluidité, est le principe essentiel. « Pour lui donner un sens, il faut foutre en l’air cette 92 http://multiples-un.com/interview-de-claude-parent-le-110914-2eme-partie/ - consulté le 15/11/15 93 http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - consulté le 15/11/15
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architecture qui contribue à l’enfermement et au repli sur soi»94. Ainsi, les deux inventeurs du concept
23 - Élément naturel - Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction oblique - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, 2004
de vivre à l’oblique préconisent le parcours où l’architecture devient support de déplacement et où le mouvement est libéré de la contrainte de la précision du cheminement. Le choix de l’itinéraire est ainsi libre. Les anciens axes sous formes de canalisations seront pensés comme des traversées et les habitants ne parleront plus de contrainte mais de conquête. Une révolution dans la pratique de l’espace qui se lit comme une seule et même continuité spatiale. Son développement permet de garder une certaine intimité sans s’opposer au déplacement. Cette fluidité par l’oblique permet ainsi à l’usager de prendre conscience de sa présence sur le sol et de mettre en relation différents espaces au sein d’un même bâtiment. « Ce n’est pas le bâtiment qui est en soi continu, mais la manière dont il est conçu engendre une impression de fluidité lors de sa traversée. »95 En plus de permettre le mouvement naturel de l’homme, vivre à l’oblique permet également d’assurer la gestion des éléments naturels comme par exemple l’eau. « Le site incliné offre le maximum de surface de réception éliminant la surface verticale inutilisable et développant une surface de contact supérieure à celle de la projection horizontale du lieu. »96 Cette nouvelle gestion de l’eau sera une prise de conscience sur sa large potentialité : captage, réserve, canalisation, permettant ainsi à l’homme de mettre en scène cet élément liquide grâce à des interventions mécaniques (ill.23). En ce qui concerne l’élément air, l’oblique lui permet de s’intégrer à l’architecture. En effet, la verticalité de grande hauteur établit une continuité de la dynamique ascendante du 94 Paul VIRILIO et Claude PARENT – Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996 – chapitre VI 95 http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - consulté le 15/11/15 96 Architecture Principe - Paul VIRILIO et Claude PARENT – Les éditions de l’imprimerie – 1996 - chapitre VI
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
vent, « une résistance au frottement permanent qui use le mouvement par la multiplicité des angles proposés »97 alors que l’oblique rentre également dans le domaine de l’acoustique. Ainsi, il détermine un nouveau stato-dynamique où « le fluide se meut avec l’architecture qui sans déplacement réinvente la mobilité »98 . En d’autres termes, l’oblique est le geste de liaison avec les éléments, l’espace, l’architecture et les hommes. Pour Paul Virilio et Claude Parent, cette théorie n’était en aucun cas un concept utopique. Ils se sont appuyés sur des études scientifiques pour vérifier la légitimité de leur concept. Notamment des études sur la décomposition des forces selon divers vecteurs afin de déterminer l’inclinaison admissible pour marcher sur un plan incliné le long d’une trajectoire selon ce qu’ils définissent comme la fonction oblique. Ils mettront même au point en 1968 une machine expérimentale nommée “l’instabilisateur pendulaire n’ 1” (ill.24). Elle était destinée à vérifier les effets psychologiques de la vie sur des surfaces inclinées. Cette machine, constituée de deux planchers inclinés placés en sens inverse l’un de l’autre, à 10m de hauteur, aurait dû être construite à l’université de Nanterre et les deux architectes auraient dû y passer un mois sous l’observation de psychologues, de sociologues et de médecins. 99 Malheureusement, à cause des événements de 1968, l’expérience a été annulé. Toutefois, nous verrons en fin de partie que leurs divers efforts pour intégrer leur théorie dans les mœurs de l’époque fut un échec car dès sa publication dans Architecture principe en 1963, elle était au cœur du rejet.
24 - Instabilisateur pendulaire n’1 - Maquette du dispositif - http://www.frac-centre.fr/index-des-auteurs/ rub/rubprojets - consulté le 15/11/15 97 Architecture Principe - Paul VIRILIO et Claude PARENT – Les éditions de l’imprimerie – 1996 - chapitre VI 98 Ibidem, chapitre VI 99 Robert GARGIANI, L’architrave le plancher, la plate-forme, Nouvelle histoire de la construction, Robert GARGIANI, Edition PPUR, 2012 p.866
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Deuxième partie : La Fonction Oblique
2.3 Une alternative aux préoccupations urbaines
Est ce que cette théorie était trop utopique ou trop avant-gardiste pour l’époque ? Quoiqu’il en
soit elle est pourtant au cœur des préoccupations urbaines et sociales de la ville. En effet, l’axe oblique n’a pas été élue par souci esthétique mais bien parce qu’il contient un potentiel de vie pour les sociétés futures. L’oblique est envisagée à l’échelle urbaine. Leurs auteurs parlent même de la notion de nouvel ordre urbain où les hommes et les femmes vivront sur des plans inclinés à l’échelle planétaire. Face à une statique verticale-horizontale qui ne correspond plus à la dynamique propre de l’homme, l’oblique est vue par Parent comme la seule alternative à cette constatation. Comme nous l’avons expliqué précédemment la vocation de l’architecture a évolué et dans le même temps, la conscience humaine. Nos aspirations ne sont plus les mêmes entre à l’aube des premiers abris et aujourd’hui. Devant ces bouleversements, seule la forme de l’architecture n’a pas eu de véritable révolution. Nous vivons selon Parent dans « une ancienne définition spatiale désormais privée de sens et de substance ».100 Le modèle urbain actuel est arrivé à son terme. La circulation dans nos villes est tellement importante quelle bloque son processus. D’après lui, il est temps que nous comprenions que l’architecture civile n’est plus l’enveloppe mais le support.101 C’est dans cette logique que Claude Parent et Paul Virilio admettent l’oblique comme la réponse à l’étalement urbain de plus en plus préoccupant. Elle est la solution véritable à l’expansion démographique car elle permet à la fois de construire à une échelle supérieure pour une importante quantité de population et permet également d’éviter à tout prix le recouvrement du tissu lithosphérique de la planète. La fonction oblique est donc une alternative aux deux anciens ordres urbains permettant une nouvelle sorte de dispersion urbaine qui ne serait plus sur le plan de la centralisation que nous vivons actuellement.102 Les deux auteurs diront même dans la revue Architecture principe : « L’ordre oblique s’impose donc sans restriction comme la réponse naturelle au problème de plus en plus angoissant de l’ urbanisation planétaire. Ceux qui l’a considèrent comme utopique se placent au niveau du refus de
100 Paul VIRILIO et Claude PARENT – Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996 101 Ibidem 102 Paul VIRILIO et Claude PARENT – Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996
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l’expansion démographique et spatiale. Une telle position s’avérera bientôt intenable »103. Cette alternative va ainsi nous amène à un nouveau mode de vie, une nouvelle façon d’habiter que nous serons inévitablement obligé d’accepter et de s’approprier si nous voulons pas devenir une civilisation vouée à sa perte. Parent et Virilio illustrent cette idée en prenant comme exemple la ville de New-York. Elle est, selon eux, l’apothéose de la fin de la verticalité car elle est inscrite dans une dimension à son point de chute. En d’autres termes, elle est née d’un mode d’aboutissement. « Les U.S.A. n’ont su qu’exaspérer techniquement la dominante verticale du vieil art gothique. »104 Le groupe voit dans cette ville la dernière cité verticale, l’achèvement du deuxième ordre urbain. Il pense que sa déchéance est prononcée. « Après l’horizontal de nos vieux bourgs, l’ordre vertical s’éteint à Manhattan. ». 105 En effet, cette ville ne débouche pas, elle s’obstrue toujours plus haut et ne parvient à communiquer. C’est pourquoi, pour ne pas reproduire les erreurs passées, Parent et Virilio ont pensé le troisième ordre non plus comme une élévation sans but mais comme une alternative qui nous ouvrira les portes à une nouvelle existence, une évolution dans notre façon de vivre et d’habiter. Notamment en réinventant le vocabulaire architectural. Les architectes parleront de colline, de toits et façades parcourables, de continuité, de fluidité ou encore d’oblique. « Nous sommes devant l’impérieuse nécessité d’accepter comme un fait historique la fin de la verticale comme axe d’élévation, la fin de l’horizontalité comme plan permanent, ceci au bénéfice de l’axe oblique et du plan incliné qui réalisent toutes les conditions nécessaires à la création d’un nouvel ordre urbain »106.
103 104 105 106
Paul VIRILIO et Claude PARENT – Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996 Ibidem Ibidem Ibidem
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Deuxième partie : La Fonction Oblique
2.4 Un retour au corps
Ces urbanistes du futur et concepteurs d’une nouvelle politique de l’espace ont toujours
eu comme objectif de réconcilier l’humanité et son environnement mais également l’homme et la conscience de son corps. Des aspirations bien réelles mais souvent oubliées car non exploitées par les anciens ordres. En effet, ce nouveau mode de vie se répercute aussi dans la conscience de soi. Claude Parent et Paul Virilio refusant la posture orthogonale, inclinent le sol pour déséquilibrer le corps et le mettre en mouvement. Ainsi, l’individu en équilibre instable tend à se posséder plus intensément. Ceci s’explique car la fonction oblique introduit des nouvelles sensations, de nouveaux efforts. Monter une oblique correspond à une retenue et nous procure de la fatigue tandis que descendre crée de l’euphorie107 (ill.25 et 26) .Karim Hassayoune, nous explique plus en détail que ce sont nos sens extéroceptifs mais aussi proprioceptifs qui sont mis en jeu lors de l’ascension d’un plan incliné. Ces sens extéroceptifs au nombre de six (vue, odorat, toucher, ouïe, goût et équilibre), nous renseignent sur le monde extérieur alors que les sens proprioceptifs (ou kinesthésiques) concernent l’intérieur de notre corps. C’est pourquoi quand nous pratiquons une oblique, il y a une « osmose entre stimuli intérieurs et extérieurs, entre des sensations issues de phénomènes extra-corporels et d’autres émanant de notre être.»108
25 - Déséquilibre du corps, Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction oblique - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions JeanMichel Place, 2004
26 - Déséquilibre du corps, Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction oblique - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, 2004
107 Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, 2004 108 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p25
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
27 - Pourcentage des pentes, Dessins de Claude Parent, théorie de la fonction oblique - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions JeanMichel Place, 2004
Ces effets primaires combattent la neutralité, la monotonie. Ils donnent une direction à l’occupation d’un lieu et dynamisent les parcours. Cette nouvelle sensation de la découverte du support est d’autant plus sensible lorsque l’oblique est à peine perceptible. En utilisant par exemple, des pentes faibles non visibles de 5% à 6%. De plus, la fonction oblique force l’homme à être consciemment participationnel car face à un plan incliné, il doit s’impliquer, se concentrer. Il ne peut plus demeurer neutre et indifférent à son environnement. Que ce soit lors d’une montée ou d’une descente l’homme va stimuler son corps et son esprit. « Le groupe veut transformer l’attitude posturale de l’habitant en utilisant sa masse pondérale de manière dynamique, selon la réalité même du vivant; faire renaître le corps locomoteur. Un retour au corps. »109 En effet, le poids de l’homme est ressenti sur une pente même en étant immobile car il faut mécaniquement réaliser un effort musculaire pour conserver dans ce cas son équilibre. Cette prise de conscience du corps même dans l’immobilité prend une acuité bien plus grande dans le déplacement sur les rampes. Le poids devient moteur interne. Claude Parent dans une interview expliquera de manière plus directe qu’il souhaite bousculer les gens. « Si on les met tous en pente, ils vont être déstabilisés, se toucher, penser autrement leur corps et leurs
109 Paul VIRILIO et Claude PARENT –Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996
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Deuxième partie : La Fonction Oblique
rapports... »110 L’oblique peut être assimilée à un voyage du corps vers l’esprit, du concret vers l’immatériel, le non palpable. Bien que présent sur une rampe, les deux pieds ancrés sur ce sol oblique, l’esprit peut vagabonder ailleurs. Ainsi l’architecte déstabilise le promeneur et le rend acteur en lui donnant la possibilité de se questionner.111 C’est par cette présence de l’intention de l’homme de pratiquer une oblique qui va être concerné par l’architecture. Kévin Lynch architecte et urbaniste américain du 20eme siècle revendiquait lui aussi l’utilisation de l’oblique et y voyait les mêmes avantages. Selon lui, la pente apporte les qualités qui font prendre conscience à l’observateur de son propre mouvement, réel ou potentiel, grâce à la fois aux sensations visuelles et kinesthésiques. Avec les pentes, les courbes, nous éprouvons du mouvement ce qui nous permet de mieux s’approprier la ville d’après ses dires : « c’est en mouvement qu’on ressent une ville ».112 Deux grands artistes du 19eme siècle, Etienne-Jules Marey (1830-1904)
et Eadweard
Muybridge (1830-1904) ont travaillé sur le thème du mouvement. Fascinés par la décomposition du mouvement, ils se sont servis de photographies instantanées pour le décomposer. En dissociant, en figeant et en analysant les poses successives de leurs modèles, les deux hommes ont capturé le détail des activités sportives ou des gestes de la vie courante. Par le biais de ces séquences rapprochées, ils obtiennent avec précision les images de ce qu’on ne peut percevoir à l’œil nu. En arrêtant le temps et le mouvement, ils réussissent à voir l’invisible.
113
Nous pouvons nous apercevoir que déjà à l’époque
le mouvement intrigue. Ils se sont aperçus qu’il était omniprésent dans chacune de nos activités. Muybridge fera même une série de clichés d’une personne marchant sur un plan incliné et montant un
28 - Animal Locomotion, Eadweard Muybridge, 1887, décomposition du mouvement https://gsalibrarytreasures. wordpress.com/2013/10/22/ muybridges-animal-locomotion/ consulté le 15/11/15 110 111 112 113
http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - consulté le 15/11/15 Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p.79 Kevin Lynch – L’image de la cité – Edition Dunod – 1998 - p123 http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=454 - consulté le 15/12/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
escalier, nous montrant d’un côté un mouvement fluide et de l’autre un mouvement décomposé par les marches. Nous ne savons pas si Claude Parent et Paul Virilio se sont inspirés ou ont étudié ces clichés néanmoins nous pouvons dire que l’étude du mouvement n’est pas une idée naissante mais belle et bien une notion qui captive car elle est synonyme de vie. Ainsi cette oblique qui procure du mouvement va libérer l’homme de toutes ses préoccupations liées au corps pour se concentrer sur un ressenti et atteindre l’esprit par l’acte de penser. Le Corbusier l’avait compris, « Tandis que les marches de l’escalier en colimaçon ne permettent qu’une ascension spasmodique (monter-s’arrêter-monter-s’arrêter) pour nous mener toujours au même point (vu la forme de l’escalier, tenacement replié sur lui-même), la rampe propose une ascension décontractée qui donnera lieu à une suite ininterrompue d’expériences perspectives, un continuum espace-temps ».114 Cette prise de connaissance du corps et du parcours dégagera un nouvel univers esthétique qui par sa pratique en oblique donnera lieu à des modifications constantes de l’espace et donc une lecture changeante du lieu. Ainsi l’homme va commencer à appréhender l’espace d’une nouvelle manière. Ce qui l’amènera à l’utiliser dans sa totalité et de manière plus adaptée. 115
114 Baltanas José, Le corbusier parcours, Marseille, Editions parenthèses, 2012, p.6 115 Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, 2004
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Deuxième partie : La Fonction Oblique
2.5 La concrétisation du plancher
Une des conséquences de la fonction oblique sur l’architecture est la concrétisation du plancher.
Le groupe Architecture principe voyait dans cette théorie une concrétisation méritée du sol. Il faut savoir qu’il est le dernier élément architectonique à recevoir ce statut. Chaque élément constitutif de l’espace bâti a trouvé son accomplissement historique à l’exception de ce sol artificiel, de ce plancher, de ce niveau d’étage qui est pourtant le premier moyen de spatialiser à l’intérieur des édifices. Historiquement, nous nous rendons compte que de façon successive plusieurs des éléments constitutifs de l’espace bâti ont été mis en valeur. « Après le mur cyclopéen des origines, la colonnade du temple égyptien, magnifiée dans l’architecture gréco-latine, la voûte, le dôme ou la toiture s’émancipe, sans parler de la flèche gothique ou la verticalité prend son essor, en attendant l’art des façades et des escaliers de l’âge classique, chaque élément constitutif de l’espace bâti aura trouvé son accomplissement historique. »116 Grâce à l’émancipation de l’oblique, le sol va enfin être mis en évidence à la fois comme moyen de contact et moyen de survol. Ce tapis volant de l’architecture va révéler toute son actualité et va révolutionner à la fois notre mode de vie et l’apparence de nos constructions. Notamment en amplifiant son utilisation et ses fonctions. En effet, en prenant toute sa signification le sol tendra à absorber les autres éléments architecturaux : « À la fois cloisonnement, couverture, façade, le niveau renouvellera de fond en comble nos anciens principes de construction. Cette transformation, rendue possible par l’usage de l’oblique, est imminente car le sol est le moins abstrait de tous les éléments, le plus utile et l’économie ne pourra le négliger plus longtemps. Il est aussi le moyen propre à l’architecture de spatialiser son contenu et le caractère de notre époque y aura de ce fait rapidement recours ».117 Ainsi, la définition du sol va évoluer, nous le considérons davantage comme un « seuil de partage » entre deux espaces spécifiques, entre deux états naturels particuliers ou encore comme le simple « socle de la verticalité ». Il va devenir la « ligne d’axe » de l’exercice architectonique. 118
116 Paul VIRILIO et Claude PARENT – Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996 117 Ibidem 118 Ibidem
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
29 - Eglise Sainte Bernadette, Nevers, 1966 - http://www.darchitectures.com/claude-parent-entre-dans-sa-legende-a207.html- consulté le 15/11/15
30- Eglise Sainte Bernadette, Nevers, 1966 - - http://www.darchitectures.com/claude-parent-entre-dans-sa-legende-a207.html - consulté le 15/11/15
31 - Eglise Sainte Bernadette, dessin Claude Parent, - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, 2004
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Deuxième partie : La Fonction Oblique
2.6 Une théorie publiée et expérimentée
Après une longue série de recherche sur les plans inclinés, Parent et Virilio ont dès le début
eu l’intention de communiquer et de faire connaître leur théorie. Dés 1963, ils multiplièrent les publications, les recherches et les interviews dans le but de populariser leur théorie futuriste. Ils commencèrent par la revue Architecture principe où ils exposèrent pour la première fois la fonction oblique puis en 1970 Claude Parent publiera Vivre à l’oblique, un petit livre de 70 pages où il illustre plus simplement la théorie notamment en l’illustrant par des exemples en croquis de possibilités de prises de possession de l’espace. Dans chacune de ces publications nous pouvons nous apercevoir de l’importance du dessin. Il est le moyen de communication privilégié de Claude Parent. Enfin, en 1981, Parent publiera un troisième livre sur la fonction oblique, Entrelacs de l’oblique. A la différence des deux autres celui-ci établit une synthèse des travaux sur l’architecture oblique commencée dans les années soixante. Le groupe Architecture Principe va en effet expérimenter leur théorie sur de nombreux projets dans une volonté de démontrer la théorie de la fonction oblique et d’en faire un manifeste construit. Leur première œuvre et la plus célèbre est l’église Sainte-Bernadette à Nevers en France (ill.29, 30 et 31). Ce complexe paroissiale construit en 1966 est l’expression même de la modernité. A première vue, ce projet est un bunker de béton, sans fenêtre, replié sur lui même. Cependant, une fois à l’intérieur, nous retrouvons les principes directeurs de la théorie de la fonction oblique : « La nef est à double pente inverse et les rampes de circulation centrale et périphériques suivent des inclinaisons très accusées (obstacles surmontables) ». Nous apercevons une continuité qui se déroule de la circulation habitable interne avec la manifestation architecturale externe. « Pour mieux se libérer du contexte et afin de bien marquer le caractère sacré de l’enceinte, le sol est légèrement sculpté par pente, contre-pente, talus, articulation des deux niveaux d’entrée. » 119. Ainsi, le schéma architectural de l’église est structuré par des obliques à sens opposé et dans l’espace de leur rencontre se situe l’accès à la nef auquel nous accédons par un escalier central d’une seule volée. Ces obliques matérialisées par deux demi-coques de béton s’imbriquent l’une dans l’autre en se décalant par rapport à l’axe longitudinal. Cette convergence intense est perceptible au sommet de l’autel. En haut de la nef, dans le dièdre créé par les poutres de couverture s’ouvre le lanterneau d’éclairage 119 Architecture Principe - Paul VIRILIO et Claude PARENT – Les éditions de l’imprimerie – 1996
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transversal. Des éclairements complémentaires sont obtenus par l’ouverture de fentes continues situées tout au long de la nef. 120 Ce prototype est une première façon de pratiquer cette nouvelle forme d’espace, de tester sur un bâtiment de vivre à l’oblique. Bien évidemment, cette œuvre détruisant tous les principes de l’architecture de l’époque fut un vrai scandale. Il y avait tous les éléments pour faire réagir autant les architectes que le reste de la population : L’utilisation de l’oblique, du béton armé et l’inspiration de l’architecture militaire pour un programme qui ne pouvait pas être plus sacré, une église. Néanmoins comme nous l’avons dit précédemment Claude Parent aime la polémique, le scandale. Il est probable une nouvelle fois que c’était exactement l’effet recherché, bousculer les idées arrêtées. Quand nous lui demandons s’il comprenait le scandale provoqué par la construction de l’Eglise Saint-Bernadette, il répond : « C’est la première fois qu’on appliquait l’idée du plan incliné. Les journaux parlaient de «honte», on nous a traité de fascistes, parce qu’on s’est inspiré de l’architecture militaire. Virilio était passionné par les bunkers. A l’époque, le bunker avait une mauvaise image, c’était le symbole de l’oppression allemande. Il a fallu faire preuve de pédagogie, expliquer que le bunker n’est pas agressif, mais défensif, protecteur, comme les châteaux forts. Il suffit de franchir le seuil de l’église pour s’en persuader. L’intérieur est en pente : on voit prier les fidèles, on n’est pas enfermé par le dos des autres, par le mur de la foule. Le vieux curé l’a bien compris. Maintenant, cette église est adoptée par de nombreux habitants. Elle est même classée Monument historique (2000). Il faut de la patience. Personne n’en veut aux châteaux forts, personne ne dit qu’ils symbolisent l’oppression féodale. Les angoisses se diluent avec le temps ».121 Mais c’est avec la construction des premières grandes maisons de Claude Parent que la fonction oblique signe son avènement. Le groupe Architecture Principe se dissociant en 1968. L’une de ses maisons les plus connues est la maison Drusch construite à Versailles en 1963. Cette maison fut commandée par un directeur de société et sa famille. Il souhaitait une maison conçue avant tout en fonction de la vie familiale.122 Cette maison comporte deux types d’organisation spatiale l’une oblique et l’autre horizontale. Dans le bâtiment horizontal se trouvent les chambres, la cuisine et les sanitaires, tandis que le salon se répartit sur trois niveaux dans la partie oblique (la partie intermédiaire étant en rez-de-jardin). 123 Elle marque une étape décisive dans l’expérimentation de la fonction oblique car en plus d’exploiter l’oblique, elle manifeste le mouvement et le déséquilibre. Autre bâtiment phare de Parent, la maison Bordeaux le Pecq construite en Normandie en 1965. Elle est dans la continuité de la maison Drusch (ill.32 et 33), Claude Parent effectue de nouvelles variations 120 121 122 123
Architecture Principe - Paul VIRILIO et Claude PARENT – Les éditions de l’imprimerie – 1996 http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - consulté le 15/11/15 http://astudejaoublie.blogspot.fr/2014/06/versailles-maison-drusch-claude-parent.html - consulté le 15/11/15 http://archiwebture.citechaillot.fr/fonds/FRAPN02_PARCL/inventaire/objet-7515 - consulté le 15/11/15
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sur le thème de la fracture. « Située ici à l’intersection de deux courbes du toit, cette fracture laisse passer un rayon de lumière qui scinde le séjour dans une mise en scène magique ».124 Comme pour la maison Drusch, il va concevoir un volume sur trois niveaux : un de plain-pied, un autre encaissé et une mezzanine. Cette œuvre s’apparente à ses croquis publiés. Petit à petit, la fonction oblique prend de plus en plus d’importance dans les projets. Selon Robert Gargiani125, c’est la maison Mariotti à Saint Germain en Laye qui laisse entrevoir le potentiel de la fonction oblique de la façon la plus significatif. Cette maison expérimentale date de 1967. Prévue dans un terrain pentu, situé dans les Yvelines, elle illustre la recherche d’un « volume pont » incliné, dont le sol se déploie à l’oblique selon différents niveaux, détermine et isole les espaces habitables. L’absence d’escaliers et de cloisons favorise un parcours continu en déroulement permanent, non seulement à l’intérieur, d’une pièce à l’autre sur les surfaces orientées, mais également à l’extérieur, de la rue vers le jardin où une rampe d’accès mène à la toiture terrasse. Après l’abandon du commanditaire, un deuxième projet fut étudié sur un terrain dans la vallée de Chevreuse, mais aucune de ces études ne vit le jour. 126 Au milieu des années 70, Claude Parent va expérimenter son vocabulaire et sa vision dans les centres commerciaux. Son désir de travailler sur des projets en série et à grandes échelles l’a amené à construire des grands centres dont un à Sens (Yonne) construit en 1967 (ill.34 et 35), représentatif de la théorie de la fonction oblique avec ses rampes en béton, il sera classé aux Monuments historiques en 2011.127 L’édifice, réalisé à l’époque pour la société GEM, appartient désormais à l’entreprise Carrefour malgré quelques modifications faites par les nouveaux propriétaires les rampes d’accès d’origines sont toujours présentes.
32 - Coupe Maison Drusch, Claude Parent, 1965- http://www.fraccentre.fr/parent/maison-drusch-versailles-64.html - consulté le 15/11/15
33 - Maison Drusch, Claude Parent, 1965 - http://www.frac-centre. fr/parent/maison-drusch-versailles-64.html - consulté le 15/11/15
124 http://maisonsprivees.fr/visites/maison-bordeaux-le-pecq-chef-doeuvre-des-annees-60/ - consulté le 15/11/15 125 Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 126 http://www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/architecture-principe/maison-mariotti-saint-germain-laye-64. html?authID=10&ensembleID=32 - consulté le 15/11/15 127 http://www.lemoniteur.fr/article/un-centre-commercial-de-claude-parent-devient-monument-historique-14822565 - consulté le 15/11/15
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Claude Parent réalisera d’autres centres commerciaux pour la société GEM qui n’hésitera pas à faire confiance à l’architecte malgré la radicalité de sa vision comme ceux de Reims-Tinqueux (Marne), d’Epernay-Pierry (Marne), ou encore de Ris-Orangis (Essonne). Portés par l’oblique, les grands centres commerciaux qu’il réalisera à cette époque, d’invraisemblables blocs de béton basculés ou émergents, élaborent un univers plastique et un paysage du domaine marchand encore aujourd’hui inégalé.128 Également en 1970, Parent se verra confier le pavillon français de la biennale de Venise (ill.36 et 37) mais dans la section art et non architecture. Luc Le Chatelier, journaliste de Telerama, voit là le témoignage d’une transversalité reconnue. Le décrivant comme un défricheur, poseur de bombes qui transformera le pavillon français néoclassique en une plate-forme d’expérimentation, tout en oblique, comme le « symbole de rupture pour une époque de rupture »129.
34 - Dessin Claude Parent, Centre commerciale GEM, Sens, 1967 - http://www.frac-centre. fr/parent/centre-commercialsens-64 - consulté le 15/11/15
35 - Centre commerciale GEM, Sens, 1967 - http:// www.lemoniteur.fr/article/uncentre-commercial-de-claudeparent-devient-monumenthistorique-14822565 - consulté le 15/11/15
128 Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 129 http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - consulté le 15/11/15
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36 - Biennale de Venise, photo de l’exposition, 1970 - http://www. citechaillot.fr/data/expositions_bc521/fiche/22866/iticpweb_ bb94a.pdf - consulté le 15/11/15
37 - Biennale de Venise, dessin Claude Parent, 1970 - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, 2004
Cette installation en kit de 300 mètres carrés va si bien prêcher les bienfaits de l’oblique que « le public accroche et les enfants s’amusent »130. Nous en conviendrons, le projet le plus personnel de Claude Parent reste sa propre maison. A l’origine, la bâtisse datant de 1952 ne comportait qu’un seul niveau. En 1973, l’architecte pris en charge son réaménagement suivant les principes de la fonction oblique en y ajoutant deux autres étages, créant ainsi de nouvelles pièces, deux patios, et y a intégré plusieurs obliques intérieures (ill.38). Malheureusement pour des raisons de santé, il a du déménager et vendre cette maison qui fut détruite par son nouveau propriétaire. Néanmoins, il planifie déjà de nouveaux plans pour modifier son appartement actuel car il reste très attaché à pratiquer l’oblique.
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Nous avons pu revoir certaines
photographies de cette ancienne maison lors de la biennale de Venise en 1996, dirigée par Rem Koolhaas, où pour rendre hommage au travail de Claude Parent, va reconstituer cette maison. En fin de carrière, grâce à la reconnaissance de son travail, Claude Parent put entreprendre de grands projets comme le centre d’animation ADP à Roissy Pôle en 1995, il répondra également au concours lancé pour le musée du Prado à Madrid. Claude Parent réalisera même en 1998 l’Hôtel de ville de Lillebonne (ill.39 et 40). C’est le projet le plus emblématique de la fin de carrière de Claude Parent. Cette mairie a été imaginée comme un signal dans la ville pour conforter son rôle et sa fonction. S’élançant comme une proue de bateau, Claude Parent y a exploité la pente du terrain et dans un même temps y a installé des contre-pentes de multiples directions. Notamment en façade où la rencontre des 130 Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 131 http://multiples-un.com/interview-de-claude-parent-le-110914-2eme-partie/ - consulté le 15/11/15
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deux grand volumes est travaillée par une modénature en oblique qui la dynamise. En ce qui concerne le sol, la rue intérieure qui permet de desservir les différentes salles est un plan incliné permettant d’augmenter les effets de déséquilibre, très recherché par Parent.132 Toutefois, il est certain qu’aucun des édifices construits par Parent et Virilio n’est en mesure de traduire l’intensité visionnaire des énoncés écrits et dessinés dans Architecture principe.
38 - Coupe Maison des peupliers, Neuilly - https://fr.pinterest.com/pin/482870391275156306/ - consulté le 15/11/15
40 - Hôtel de ville Lillebonne, dessin Claude Parent, 1998 - http:// 39 - Hôtel de ville Lillebonne, 1998 - http://www.archi-guide.com/ www.frac-centre.fr/parent/centre-commercial-sens-64 - consulté le AR/parent.htm - consulté le 15/11/15 15/11/15
132 Revue Construction moderne, n°95 – 2e trimestre - Cimbéton -1998
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2.7 Une théorie rejetée pour être mieux acceptée
« A l’écart de toute école, de tout mouvement, de tout formalisme, le parcours de Claude Parent
exprime une forme de marginalité dans laquelle il semble avoir toujours vu la condition nécessaire, bien que non suffisante, de la création architecturale. Création architecturale dont il a pu écrire qu’elle était la plus belle illusion que l’on puisse proposer aux hommes »133. En effet, dés le début, ils ont été considérés comme des hérétiques qui refusaient le dogme récurrent de l’orthogonalité. L’oblique à cette époque, n’était utilisée que sous forme de rampe et elle était dédiée uniquement pour le véhicule automobile dans les garages ou aux échangeurs routiers. « Oser proposer la vie sur les plans inclinés était foncièrement intolérable (fin des années soixante) et cela malgré la conquête de l’apesanteur et le débarquement de l’homme sur le sol lunaire. »134 Cette perspective de vivre à l’oblique était d’autant plus provocatrice à l’époque par le choix des notions conciliées dans le titre lui-même : Oblique et Vivre Si on remet dans son contexte la définition du terme oblique de l’époque expliquée en partie 1, elle évoquait à la fois une direction mais également une attitude négative si nous nous penchons sur son sens figuré. Ainsi, rapprocher ce terme oblique et l’action de vivre allait encourager de vives réactions. Une conséquence probablement calculée et recherchée, à notre sens, au vue du caractère provocateur de Claude Parent. Lui même confiera « La fonction oblique a beaucoup choqué l’élite intellectuelle de l’époque. L’idée d’habiter les plans inclinés est assez provocatrice, je l’admets. J’ai aussi souvent été excessif dans mes propos. »135 Par ailleurs, l’oblique renvoyait également à une idée de construction bancale “tout ce qui penche va tomber, une menace pour l’ordre public! »136 A l’image de la Tour de Pise, penchée en raison d’un défaut de construction au niveau des fondations. Pour conclure, nous pouvons réellement dire que c’est contre vents et marées que le groupe Architecture principe ont tenté de communiquer et d’introduire cet autre rapport au sol naturel dans les mœurs. Le paradoxe c’est que cette théorie, longtemps oubliée et décriée en tant qu’utopie, fascine et est reprise aujourd’hui hors de nos frontières par la nouvelle génération que ce soit en Amérique, en Angleterre et même en Asie. Claude Parent et Paul Virilio qui ont été mis au banc des architectes et qui ont dû 133 134 135 136
http://www.academie-des-beaux-arts.fr/membres/actuel/architecture/parent/fiche.htm - consulté le 15/12/15 Paul VIRILIO et Claude PARENT –Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996 http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - consulté le 15/11/15 Paul VIRILIO et Claude PARENT –Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996
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se battre toute leur vie pour faire valoir leur théorie voient aujourd’hui leurs œuvres exposées dans les plus grands musée d’Europe et même citées comme référence dans les écoles d’architecture du monde entier. Comme le souligne Claude Parent dans un de ses interviews : « Même les architectes auquel j’appartenais à ce moment-là étaient contre, ils m’en ont voulu, ils ont pensé que c’était une blague, un abandon, une chose pour se faire valoir et puis 45 ans après exactement tout le monde avale cette fonction oblique, elle sert de point de départ dans les universités américaines, c’est une référence pour le développement de la pensée en architecture. »137 Grâce à sa persévérance tout au long de sa carrière à faire valoir la fonction oblique, il a réussi aujourd’hui à la faire accepter et à acquérir également un regard renouvelé du milieu internationale. Sa participation au pavillon français de la Biennale de Venise de 1996 en est la preuve. Aujourd’hui, ses dessins sont même devenus des références et des inspirations dans le domaine de la bande dessinées. Comme nous avons pu l’observer lors de l’exposition Dreamlands au centre Pompidou à Paris, en mai 2010 où l’on a tenté de montrer les divers relations existantes entre le 1er Art, l’architecture et le 9eme Art, la « BD ».138
137 Extraits des 24 heures d’entretien avec claude parent intégrés dans l’exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 138 http://strabic.fr/Regards-croises-sur-la-ville-dessinee - consulté le 15/11/15
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41 - F. Gehry à gauche, C. Parent au centre et J. Nouvel à droite lors de l’exposition Claude Parent : l’œuvre construite, l’œuvre graphique, à la cité de l’architecture et du patrimoine à Paris en mai 2010 - http://www.domusweb.it/en/architecture/2010/05/28/claude-parentportrayed-by-jean-nouvel.html - consulté 15/11/15
42 - Exposition Claude Parent : l’œuvre construite, l’œuvre graphique, à la cité de l’architecture et du patrimoine à Paris en mai 2010 - http:// www.citechaillot.fr/fr/expositions/expositions_temporaires/24100-claude_parent_loeuvre_construite_loeuvre_graphique.html - consulté 15/11/15
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3.1 Le XXIeme siècle, la révélation de l’oblique
Nous nous rendons compte de plus en plus que les architectes du XXIeme siècle utilisent l’axe
oblique dans leurs projets. Il suffit d’observer l’architecture onirique de Frank Gehry, architecte américain, les courbes et les lignes tendues de l’architecture de Zaha Hadid, architecte irakienne, ou encore la rampe intérieure du Mucem à Marseille de Rudy Ricciotti, l’opéra d’Oslo de l’agence norvégienne Snøhetta, ou encore la Philharmonie à Paris de Jean Nouvel pour ne citer qu’eux, pour prendre conscience de l’omniprésence de l’oblique dans l’architecture du XXIeme siècle. En effet, la place de l’oblique en architecture ne va pas cesser de prendre de l’importance depuis ses premières apparitions dans les projets de Le Corbusier et FLW. Elle va s’étendre à travers divers pays et agences d’architecture au fil des années. Cinquante ans après sa publication, de nombreuses figures emblématiques de l’architecture ne cache pas leur référence à la théorie de la fonction oblique dans leur travail. Et plus particulièrement, Jean Nouvel, ancien élève de Claude Parent, qui lui dédiera sa Philharmonie de Paris. Les architectes trouvant dans l’oblique des correspondances avec des problématiques contemporaines, vont commencer à l’adopter eux aussi. C’est un fait constaté à la fois par Claude Parent lui même : « En 1963, j’ai eu ma vision sur la fonction oblique. En 1965-1970, avec mon copain de combat Paul Virilio, on a affirmé haut et fort que quelque chose n’allait pas dans l’aménagement du territoire. Je m’y suis toujours tenu. Les bonnes idées ne s’usent pas, et sont reprises par la deuxième ou la troisième génération. C’est pourquoi des jeunes viennent me voir, de plus en plus nombreux depuis cinq ou six ans ». De nombreux architectes, journalistes mais aussi artistes rejoindront d’ailleurs son point de vue. En témoigne notamment la visite guidée de l’exposition Claude Parent : l’œuvre construite, l’œuvre graphique, à la cité de l’architecture et du patrimoine à Paris en mai 2010 (ill.41 et 42), qui explique que le travail du groupe Architecture principe a tracé des « influences obliques chez d’autres artistes comme Rem Koolhaas, Frank Gehry, Zaha Hadid, Rudy Riccioti ou Daniel Libeskind »139. Par ailleurs, l’architecte Paul Andreu, architecte français, définit Claude Parent d’un « agitateur de pensée, un déstabilisateur qui fait de la place. Parent n’a pas de disciple mais il a formé des créateurs ». Le journaliste Luc Chatelier, journaliste chez Télérama, dira également : « L’idée fait son chemin. [...] pour repenser l’aspect des bâtiments ou 139 http://sympathiesinfinies.over-blog.com/pages/Architecture_Claude_Parent_traversee_oblique_dun_demisiecle-2614186.html consulté le 15/12/15
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la gestion de l’espace public. Il suffit d’observer les façades penchées de Frank Gehry (l’ex-American Center devenu Cinémathèque française, à Paris-Bercy, 1994) ou l’Opéra d’Oslo (Snøhetta, 2008) dont la toiture en dévers est accessible aux promeneurs »140. Nous conviendrons que cette tendance pour l’oblique et cette reconnaissance de la théorie de la fonction oblique est aujourd’hui possible grâce au combat mené par Claude Parent. Il passera sa vie à la défendre au travers de conférences, écrits et interventions parfois spectaculaires, attirant ainsi l’attention de la jeune génération, notamment en donnant des conférences dans les écoles londoniennes où les anglo-saxons s’intéressent de près à la réflexion de la fonction oblique.141 Il interviendra également à la Columbia University de New York et à la SCIARC à Los Angeles. En France, il occupera le poste de professeur à l’école spéciale d’architecture à Paris, ce qui lui permettra de transmettre sa vision à de nombreux étudiants. Néanmoins, son intervention la plus significative restera sa collaboration avec Wolf Prix (Dirigant de l’agence Coop Himmelb(l)au) pour le concours du CCC de Tours qui l’imposera comme un référent pour nombre d’architectes internationaux qui voient dans les innovations de Claude Parent les éléments d’un alphabet renouvelé par le numérique.142 Aujourd’hui, le nom de Claude Parent est indissociable de la notion d’oblique. Quand Rem Koohaas explique son choix d’exposer la fonction oblique à la biennale de Venise en 1996 (ill.43), il avouera à Parent : « je fais les fondamentaux de la Biennale de Venise et dans tous les fondamentaux de l’architecture, il y a la porte, la fenêtre, le sol, la toiture… et j’arrive à la rampe. Et la rampe, c’est qui ? C’est vous ! La pente, c’est vous. Le plan incliné dans l’architecture, c’est vous ! ». 143
43 - Installation de la fonction oblique à la biennale de Venise, 1996 - http://multiples-un.com/ interview-de-claude-parent-le110914-2eme-partie/ - consulté le 15/11/15 140 141 142 143
http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - consulté le 15/11/15 http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - consulté le 15/12/15 Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 http://multiples-un.com/interview-de-claude-parent-le-110914-2eme-partie/ - consulté le 15/12/15
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Par ailleurs, l’architecture est actuellement dans une phase d’évolution. Le XXIeme siècle marque une rupture avec l’architecture passée. Selon nous, les projets de ce nouveau siècle ne fait plus partie du courant dit Architecture contemporaine, l’architecture y est plus fluide, plus accessible, plus oblique. Nous entrons dans une nouvelle ère où l’architecture se tourne vers le futur et l’avenir. Cette tendance s’exprime notamment en prônant le concept de smart city, où la ville est pensée intelligemment. L’idée est de concevoir l’architecture de manière durable via des systèmes écologiques, adaptée à notre société en y intégrant de nouvelles technologies, accessible en réorganisant et en faisant évoluer la mobilité des villes tout en respectant l’identité et la mémoire du territoire. Point par point, il nous semble que l’oblique permet de répondre à chacune de ces idées. Comme nous l’avons vu dans la précédente partie, l’architecture oblique permet une bonne gestion des éléments naturels. Seulement grâce à sa forme, elle donne déjà de nombreuses possibilités pour une architecture durable. C’est également une architecture adaptée car elle permet à l’homme de prendre conscience de son corps plus intensément. De plus, c’est une architecture accessible car elle permet l’accessibilité de tous. Pour n’importe quelle situation d’handicap, (physique, mentale, motrice, permanente, temporaire... etc), l’architecture oblique est accessible par ses plans inclinés, fluides et continues mais également par n’importe quel moyen de transport (voitures, vélo, tramway...etc). Il est probable que c’est devant cette multitude de possibilités que peut offrir la fonction oblique (elle permet de répondre aux préoccupations urbaines et d’envisager l’avenir des villes par exemple) que la nouvelle génération d’architecte se tourne naturellement vers elle. Toutefois, ces nombreuses références à la théorie de Claude Parent nous interrogent sur la manière dont les architectes héritiers réinterprètent cette théorie. Est ce que la fonction oblique est-elle appliquée dans sa totalité ? Comment les architectes se sont-ils réappropriés le vocabulaire oblique de Claude Parent ?
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44 - UFA Cinema center, vue extérieure, Coophimmelb(l)au,1968 http://www.coophimmelblau.at/ - consulté le 15/11/15
45 - La vague, dessin de Claude Parent - Paul VIRILIO et Claude PARENT –Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996
46 - Coupe UFA Cinema Center - http://www.coophimmelblau.at/ - consulté le 15/11/15
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Troisième partie : L’héritage de Claude Parent
3.2 La nouvelle génération: Les héritiers de la fonction oblique
En étudiant les projets de différents architectes se situant dans la continuité de la pensée de
Claude Parent, nous apercevons plus précisément l’ampleur et l’influence qu’exerce la fonction oblique sur l’architecture d’aujourd’hui. L’analyse effectuée ici a été restreinte à un panel de six architectes. Leurs projets ont été sélectionné en fonction de leurs fortes références aux travaux de Claude Parent et Paul Virilio. Ainsi l’étude se porte sur les projets suivants : L’UFA Cinema center de l’agence Coop Himmelb(l)au, la bibliothèque de Jussieu de l’agence OMA - Office for Metropolitan Architecture -, le Heydar Aliyev de Zaha Hadid, la maison des fondateurs de l’agence BIG - BIG | Bjarke Ingels Group -, la philharmonie de Jean Nouvel et enfin deux des projets de l’agence Snohetta, l’opéra d’Oslo et le New National Gallery and Museum de Budapest. Pour révéler leurs niveaux d’inspiration et la façon dont ils réinterprètent la théorie oblique, nous allons les confronter, point par point, au vocabulaire oblique de Claude Parent : l’oblique, toits et façades parcourables, accès en pente, formes naturelles à l’échelle urbaine. Un calcul personnel (cf. Annexe), représentant le pourcentage d’inspiration et de réinterprétation de ce vocabulaire oblique, va être évalué pour chacun des projets héritiers. Dans un premier temps, intéressons nous au projet, l’UFA cinema center (ill.44) de Coop Himmelb(l) au. Cette agence autrichienne a été créée en 1968 par les architectes Helmut Swiczinsky, Michael Holzer, et Wolf Prix. Ce dernier collabora avec Claude Parent pour le projet CCC Tour en 2007. Il est donc probable qu’à l’époque de ce projet, l’agence connaissait et défendait déjà la théorie de la fonction oblique. Le projet de l’UFA cinema center a été construit en 1998 dans la ville de Dresde en Allemagne. L’idée de base était de redonner de la valeur et donc de l’intérêt à un espace public délaissé, en voie de disparition. Pour redynamiser l’espace urbain, les places publiques, les espaces publics et les passages sont imbriqués les uns aux autres. C’est à l’intérieur de l’une de ces jonctions que s’élève l’UFA cinema. Le bâtiment d’environ 6 000 m² se caractérise par deux unités étroitement interconnectées : Le bloc cinéma, constitué de huit salles de cinéma et le cristal, une coquille de verre oblique qui abrite le hall d’accueil pour les cinémas et agit également comme passage urbain. Ce christal entretient un dialogue particulier avec la ville. D’une part, par son rôle de signal qui lui permet d’être visible de loin et, d’autre part, par sa transparence qui lui permet de créer des points de vues sur la ville. De cette manière, le bâtiment est visible de la ville et la ville est visible du bâtiment.
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Cette architecture cristal est, selon nous, l’une des premières réinterprétations de la fonction oblique. Son volume incliné paraît être l’interprétation construite du dessin visionnaire de Claude Parent, La vague (ill.45). Selon un calcul personnel décrit en annexe, ce projet héritier se rapproche à environ 45% de la théorie de la fonction oblique. En effet, cette architecture montre des similitudes envers la théorie mais ne retranscrit pas pour autant la totalité de son vocabulaire (l’oblique, les façades et les toitures parcourables, les accès en pente, la notion d’échelle urbaine). Premier élément notable, l’oblique est fortement présente à l’extérieur, au niveau de la façade, mais quand nous étudions la coupe (ill.46), nous observons qu’elle est moins évidente dans l’organisation et la structure intérieure. Des modules verticaux viennent séquencer l’agencement intérieur ce qui casse et atténue les sensations d’obliques. Ensuite, aucune des façades ni la toiture ne sont parcourables et accessibles, l’un des principes de la fonction oblique permettant de réinvestir des espaces perdus par la statique horizontale-verticale. Le dernier élément du vocabulaire oblique n’étant pas appliqué : les accès en pente. Ils laissent place à l’inévitable escalier ainsi qu’à l’ascenseur. Enfin, l’oblique n’est étendue qu’à un bâtiment alors que Claude Parent l’évoquait à l’échelle urbaine. Ce premier projet, nous montre une des réinterprétations possibles de la fonction oblique. Toutefois, nous conviendrons que cette interprétation n’est pas complète. La bibliothèque Jussieu de l’architecte Rem Koolhaas (ill.48) est une interprétation qui se rapproche davantage de la fonction oblique. D’ailleurs, il ne cache pas s’être inspiré de la théorie de Claude Parent pour répondre à ce concours. De plus, l’oblique est un élément récurrent dans ses projets, se basant sur les principes fondamentaux de la rampe corbuséenne, il l’affirme grâce à la fonction oblique. Ce projet, dessiné en 1992 par l’agence OMA pour la ville de Paris, est le résultat de l’imbrication de deux bibliothèques, celle des sciences et celle des humanités, en un seul espace flexible. Pour se faire, l’architecte fait dialoguer deux principes: une structure spatiale statique (le plan libre) et un mouvement dynamique (la rampe). Ainsi, le projet se présente comme un cube qui se décompose de deux hélices hélicoïdales soutenues verticalement par une série de poteaux traversants tout le bâtiment. Le principe du plan libre permet de rendre l’espace flexible, laissant libre court aux rampes de se déployer, se déformer et se transformer pour accueillir les différents éléments du programme. Ce concept de soulèvement de sol permet de garder une continuité de la ville jusqu’au dernier étage du bâtiment. Un itinéraire continu traverse ainsi la totalité de la structure. Ce qui permet de créer une connexion à travers tout le bâtiment. L’architecte lui même définit le projet comme d’un « simple empilement de planchers, les sections de chaque niveau sont manipulées pour toucher celles au dessus et au dessous ; tous les plans sont connectés par une trajectoire unique.» 144 Cette astucieuse transposition est d’autant plus surprenante quand nous apprenons que le projet a pris naissance à partir d’un pliage de 144 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.15
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Troisième partie : L’héritage de Claude Parent
47 - La transversale, dessin de Claude Parent - Paul VIRILIO et Claude PARENT –Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996 48 - Maquette Bibliothèque de Jussieu, OMA, 1992 - http:// www.lemoniteur.fr/article/koolhaas-expose-a-paris-trois-projetsde-bibliotheques-pour-la-france-14805638 - consulté le 15/11/15
feuille. Koolhaas qui a l’habitude de scénariser ses projets, n’a pas enfreint à sa règle lors de l’élaboration de ce projet. Le bâtiment possède une qualité spatio-temporelle qui reflète des intentions propre au cinéma. En effet, l’itinéraire du visiteur a été pensé pour que celui-ci devienne un « flâneur Baudelairien »145 en se promenant dans la bibliothèque. L’organisation de l’espace “engendre une variété quasi infinie d’expériences spatiales, une sorte de tapis social magique que nous plions pour constituer un empilage de plate-formes”146. Le parcours est ainsi irrégulier et laisse place au hasard plutôt qu’à la nécessité (promenade corbuséenne) permettant aux visiteurs d’être à la fois sujets et spectateurs.147 Ce projet qui est resté au stade de concours, a réussi à exprimer des idées fortes de la théorie de Claude Parent. Il s’inspire de la théorie à environ 60%. Dans un premier temps, il s’apparente fortement à l’un de ses dessins, la transversale, où nous pouvons observer le même principe de soulèvement de sol quand nous le comparons à la maquette du projet (ill.47). Par ailleurs, si nous analysons la présence de l’axe oblique dans ce projet, il n’est présent qu’à l’intérieur. L’enveloppe du bâtiment et sa structure reste dans une dynamique orthogonale. Autres absences, les façades et la toiture ne sont pas parcourables et le projet n’est pas à l’échelle urbaine. Néanmoins les accès sont en pente et Koolhaas prône une continuité et une fluidité du sol propre à la fonction oblique décrite par Claude Parent. De plus, le programme se situe dans le plan incliné lui-même. Les visiteurs utilisent la bibliothèque en étant en pente, la pratiquant et la vivant ainsi à l’oblique. Ce projet est donc héritier de la fonction oblique car il applique plus de la moitié des principes de la théorie de Parent, notamment l’idée de continuité et de vivre à l’oblique. Deux axes forts de la théorie. 145 http://galobe.blogspot.fr/2008/07/le-projet-de-la-bibliothque-de-jussieu.html - consulté le 15/11/15 146 Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.15 147 http://galobe.blogspot.fr/2008/07/le-projet-de-la-bibliothque-de-jussieu.html - consulté le 15/12/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
49 - Heydar Aliyev, Zaha Hadid, 2012 - http://www.linternaute.com/actualite/grand-projet/zaha-hadid/ - consulté le 15/ 11/15
50 - Sans Titre, Dessin de Claude Parent - Paul VIRILIO et Claude PARENT – Architecture Principe Les éditions de l’imprimerie – 1996
La troisième étude de cas qui s’associe de plus en plus à une totale réinterprétation de la fonction oblique est le projet Heydar Aliyev Centre de Zaha Hadid (ill.49). Cette architecte qui a travaillé dix ans pour OMA, agence dirigée par Rem Koohaas, a créé sa propre agence à Londres en 1987. Revendiquant sa filiation à Claude Parent, son style repose sur l’utilisation de lignes tendues et de courbes, de formes pointues et de plans superposés qui donnent à ses créations complexité et légèreté. 148 Ce projet réalisé à Baku, capitale de la République d’Azerbaïdjan, en 2012, rentre dans une dynamique urbaine à l’échelle du pays. Afin d’affirmer son indépendance vis-à-vis de l’Union Soviétique, l’objectif entrepris depuis 1991 est d’imposer une rupture avec l’architecture soviétique rigide et de lui redonner une identité propre. C’est dans cet esprit que l’architecte Zaha Hadid a élaboré cette architecture comme un symbole urbain, exprimant la culture azérie et l’optimisme d’une nation tournée vers l’avenir. 148 http://pulse.edf.com/fr/claude-parent-architecte-utopiste - consulté le 15/12/15
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Troisième partie : L’héritage de Claude Parent
51 - Coupe, Heydar Aliyev, Zaha Hadid, 2012 - https://www.competitionline.com/fr/projets/46147 - consulté le 15/11/15
Ce projet qui accueillera un centre des congrès avec trois auditoriums et une bibliothèque, a été imaginé en forme de coquillage. Cette véritable colline urbaine fonctionnelle de plus de 100 000m² met au même niveau objet architectural et paysage urbain. Le bâtiment élimine ainsi toute distinction entre couverture de l’ouvrage et dallage extérieur. C’est l’une des idées premières qui a régit le projet. La pente y est naturelle. Elle s’adapte à la topographie du site, créant un paysage en terrasses. Cette particularité permet de concevoir un parcours au sein de la végétation et une promenade guidant les usagers du lieu de l’accès du parking souterrain vers l’entrée du centre. Le développement de la peau du bâtiment, en surface lisse homogène, a été un des éléments les plus difficiles du projet. L’architecte a combiné une structure en béton avec un cadre en trois dimensions pour soutenir une surface réalisée à l’aide de matériaux permettant de donner à l’architecture une forme plastique.(ill.51) Par ailleurs, le projet est dépourvu de façade principale, ce qui change continuellement sa perception en fonction de l’angle depuis lequel nous le regardons, presque comme s’il se transformait. 149 Une nouvelle fois ce projet s’inscrit dans la continuité des pensées de Claude Parent. Son analogie avec l’un des dessins de Parent en est la preuve. (ill.50) En effet, selon un calcul personnel, cette architecture est héritière de la fonction oblique à 70 %. L’oblique y est très présente à l’extérieur sous forme de colline urbaine. Sa référence à la nature (colline, coquillage blanc) et ses courbes affirmées, ne peut que la classer dans les interprétations visionnaires de la théorie de Parent. Par ailleurs, la totalité de l’espace public est également en pente. Perçu comme un sommet à atteindre, l’accès au bâtiment se pratique de manière plus dynamique, attractive et ludique. L’oblique est ainsi pensée à la fois à l’échelle du bâtiment et de l’espace urbain en prônant la continuité et la fluidité du 149 http://www.floornature.eu/projets-culture/projet-zaha-hadid-realise-le-centre-heydar-aliyev-de-bakou-9182/ - consulté le 15/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
52 - Maison des fondateurs, 2014, BIG - http://www.big.dk/ - 53 - Les spirales, Dessin de Claude Parent - Paul VIRILIO et Claude consulté le 15/11/15 PARENT –Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996
sol. Ce qui renforce l’idée d’une application réussie de la pensée de Claude Parent. Toutefois, elle n’est
pas encore complète, car ni les façades et la toiture ne sont parcourables et ni l’intérieur du bâtiment n’est accessible via des plans inclinés. De plus, hormis l’intérieur de l’auditorium, l’oblique s’efface aux dépens de l’orthogonalité.(ill.51) Les architectes de BIG vont aller plus loin dans l’interprétation construite de la théorie de Claude Parent avec leur projet Maison des Fondateurs en Suisse (ill.52). Cette agence d’architecture basée à Copenhague depuis 2005 revisite continuellement les codes de l’architecture contemporaine. Nous ignorons s’ils s’inspirent explicitement ou implicitement des travaux de Claude Parent mais leur réinterprétation à 90% des grands principes de la théorie, nous interroge sur leur filiation. Ces architectes vont élaborer ce projet en 2014 pour le concours d’un musée dédié à l’histoire d’Audemars Piguet, manufacture de haute horlogerie en Suisse. Le bâtiment qui restera couplé à l’édifice d’origine, n’ouvrira ses portes qu’en 2018. Cet édifice que nous regardons davantage comme une œuvre d’art et que nous contemplons, est une architecture d’exception. Tout d’abord, par sa forme en spirale hélicoïdale semi-enterrée. Elle offre une vue imprenable sur les forêts et la campagne alentour. De plus, elle s’intègre parfaitement dans son environnement (composé de champs, et de bâtiments abritant des ateliers horlogers) par ses courbes inspirées des formes de la nature. Certains voient dans la forme de ce futur musée un clin d’œil à la structure intérieure d’une montre, complexe et délicate, qui nous rappelle le temps qui passe. En ce qui concerne le programme, il combinera des espaces d’exposition (près de 400 montres exposées) avec plusieurs ateliers, des espaces d’accueil et de réunions ainsi qu’une structure dédiée à la conservation professionnelle des archives. « C’est un espace mêlant passé et présent, qui nous permettra aussi de conserver dans les meilleures conditions possibles nos archives»150 nous explique Sébastian Vivas, directeur du Musée et Patrimoine 150 http://www.24heures.ch/vaud-regions/nord-vaudois-broye/L-elegante-Maison-des-Fondateurs-devrait-sortir-de-terre-en-2016/ story/21329688 - consulté le 15/11/15
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Troisième partie : L’héritage de Claude Parent
54 - Schémas structure, Maison des fondateurs - http://www.big.dk/ - consulté le 15/11/15
de la marque. Cette galerie semi-souterraine est structurellement décomposée en trois parties : un socle en béton, une toiture en acier et entre les deux un bandeau de verre se déroulant le long de la rampe.(ill.54) L’architecture du bâtiment en forme de spirale est un concept familier pour BIG. En effet, il avait déjà réalisé le pavillon du Danemark lors de l’exposition universelle de Shanghai en 2010 dans l’esprit de cette forme ainsi que la future Cité du corps humain de Montpellier. 151 Son directeur, Vincent Jaton, se réjouit que ce nouveau projet « montre l’horlogerie de la vallée de Joux inscrite dans le XXIeme siècle ».152 Il faut dire qu’elle semble s’inspirer comme nous l’avons dit précédemment d’une théorie futuriste, la fonction oblique. Ce projet réinterprète avec respect et subtilité les principes de Claude Parent et comme chacun des projets recensés dans cette analyse, nous avons trouvé une forte ressemblance avec l’un des dessins de Parent, les spirales.(ill.53) L’oblique est ici le projet entier, c’est à la fois le sol et la toiture. L’unité même de cette rampe hélicoïdale est l’architecture, elle abrite en elle tous les programmes. Ainsi, l’oblique est présente à la fois intérieurement et extérieurement. Tous les accès sont en pente et la toiture y est accessible et parcourable. Sa forme naturelle nous laisse imaginer que c’est par le travail des plaques terrestres que le projet a éclos, comme s’il n’y avait pas eu d’intervention humaine. Néanmoins, le projet n’est pas à l’échelle urbaine. L’oblique s’applique uniquement sur l’objet 151 http://projets-architecte-urbanisme.fr/big-musee-horlogers-suisse-audemars-piguet/ - consulté le 15/11/15 152 http://www.24heures.ch/vaud-regions/nord-vaudois-broye/L-elegante-Maison-des-Fondateurs-devrait-sortir-de-terre-en-2016/ story/21329688 - consulté le 15/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
55 - La Philharmonie, Jean Nouvel, 2015 - http://www.jeannouvel.com/ - consulté le 15/11/15
56 - Incision urbaine, dessin de Claude Parent - Paul VIRILIO et Claude PARENT –Architecture Principe Les éditions de l’imprimerie – 1996
architectural. Un manque nous empêchant de le décrire comme l’illustration totale de la pensée de Claude Parent. Sa théorie a pour objectif de devenir le nouvel ordre urbain, ce que ne transmet que partiellement ce projet. En 2015, Jean Nouvel va littéralement dédier un bâtiment à son mentor Claude Parent, la Philharmonie de Paris (ill.55). Ayant fait ses premières armes chez Parent, il assumera pleinement sa filiation avec sa vision et sa théorie.153 L’architecte avouera même dans une interview : « Ce que je suis, je ne le serais pas, si Parent n’était pas là.»
Il évoquera également que l’esprit de Parent s’est toujours
154
inscrit, ou glissé dans chacune de ses créations architecturales. Ce projet, construit à Paris à proximité du parc de la Villette et de la Cité de la Musique, entretient une relation harmonieuse entre ces deux institutions. Une harmonie que nous retrouvons également avec le boulevard périphérique et la banlieue par son échelle qui élève le bâtiment au statut de signal dans la 153 Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 154 http://www.canalacademie.com/ida5462-Claude-Parent-par-Jean-Nouvel-parentes-architecturales.html - consulté le 15/11/15
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Troisième partie : L’héritage de Claude Parent
ville. Ce qui permet de créer des vues intérieures dynamiques et de voir l’édifice de loin. En ce qui concerne le programme, le projet accueille une salle philharmonique de 2400 places, des salles de répétitions, un pôle administratif, un pôle éducatif, des espaces d’exposition, restaurant, brasserie, des commerces et un parc public. Le parc extérieur est composé de pentes. C’est un prolongement du bâtiment qui signale le départ de son parcours au pied de la salle de concert. Ainsi, l’accès à la salle se fait directement de l’extérieur en parcourant les plans inclinés. Le rez-de-chaussée abrite le hall et les foyers qui offrent diverses activités permettant aux visiteurs de flâner de boutiques en café, tout en profitant des vues sur le jardin. La salle de concert évoque des nappes immatérielles de musique et de lumière qui suspend les auditeursspectateurs dans l’espace. L’ambiance créée dans cette salle par le travail de la matière et des ouvertures, 57 - Coupe, Philharmonie, Jean Nouvel - http://www.jeannouvel.com/ - consulté le 15/11/15
donne l’impression d’être entouré, voire immergé, dans la musique et la lumière. Même l’éclairage artificiel est travaillé, variant en fonction de la musique jouée. De plus, cette salle a été pensée pour que le public et la scène soit le plus proche possible (32 m séparent le nez de la scène du dernier gradin) et qu’elle soit la plus flexible et modulable. C’est pourquoi le sol du niveau bas de la salle est totalement transformable. Structurellement le projet est un volume en béton soutenu et modulé grâce à une charpente métallique. Claude Parent lui même expliquera dans une interview que cette architecture applique les principes de la fonction oblique : « Jean Nouvel m’a toujours montré beaucoup de gratitude, pourtant il y en a qui me doivent beaucoup plus que lui... C’est un grand architecte. Il a eu la gentillesse de me dédier ce bâtiment. Je ne sais pas si c’est l’illustration de ma pensée. Mais on y retrouve tout mon vocabulaire: la colline, les obliques, les accès en pente, la toiture parcourable… » 155 Selon nous, ce bâtiment est l’illustration de la pensée de Claude Parent comme nous le prouve cette analogie avec le dessin, Incision urbaine (ill.56), publié dans la revue architecture principe. De surcroît, nous y retrouvons une oblique omniprésente à la fois dans l’espace public extérieur et à l’intérieur notamment dans la salle harmonique (ill.57). Une partie des façades et de la toiture (que nous ne pouvons plus dissocier) est parcourable et accessible. Les entrées et accès et plus particulièrement celui de la salle de concert se fait par l’utilisation de plans inclinés. Cette interprétation est d’autant plus réussie qu’elle est à l’échelle urbaine car l’oblique intérieure se prolonge jusqu’à l’espace public. Toutefois, l’enveloppe du bâtiment n’est pas entièrement parcourable, une partie seulement est accessible. De plus quand nous regardons la coupe, nous constatons que l’orthogonalité y est tout de même présente.
155 http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - consulté le 15/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
57 - Opéra d’Oslo, Snohetta, 2008 - http://snohetta.com/ - consulté le 15/11/15
58 - Les Inclisites, Dessin de Claude Parent - Paul VIRILIO et Claude PARENT –Architecture Principe Les éditions de l’imprimerie – 1996
Nous pourrions croire que Jean Nouvel, ancien élève de Claude Parent, aurait le projet qui illustre le mieux sa théorie mais il existe également une agence héritière de la fonction oblique qui réinterprète quasi parfaitement ses grands principes. Il s’agit de l’agence norvégienne, Snohetta. Cette agence d’architecture internationale a été créée en 1989 par un trio d’architectes complémentaires, Kjetil Traedel Thorsen, Tarald Lundevall et Craig Dykers. Elle conçoit les projets comme un fragment de territoire, à partir de sa géographie, son climat, sa société plutôt qu’un simple objet. L’ensemble de leur œuvre s’inscrit dans la continuité de la théorie de la fonction oblique notamment deux de leurs projets se démarquant par une réinterprétation plus avancée . Le premier projet est l’opéra d’Oslo (ill.57), construit en 2008. Claude Parent décrira cette architecture comme l’une des plus belles obliques de notre temps.156 Par ailleurs, ce projet s’apparente fortement au dessin de Parent intitulé, Les inclisites ( ill.58). L’agence ne revendique pas sa filiation avec la fonction oblique mais devant une réinterprétation totale de la théorie (à 100% selon un calcul personnel), nous aurions tendance à penser qu’ils s’en inspirent ou y fassent écho. Récompensé par le prix Mies Van Der Rohe, ce bâtiment a été construit comme un grand espace 156 http://multiples-un.com/interview-de-claude-parent-le-110914-2eme-partie/ - consulté le 15/11/15
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Troisième partie : L’héritage de Claude Parent
59 - Coupe, Opéra d’Oslo, Snohetta, - http://snohetta.com/ - consulté le 15/11/15
public dominant la ville et le fjord (vallée érodée par un glacier). Ce repère culturel fort pour le pays est souvent comparé à un iceberg arraché aux glaces qui viennent parfois bloquer les navires. Il faut savoir que les 38 000 m² investis ont été le point clef d’une rénovation urbaine à grande échelle. Les matériaux de cette architecture ont été minutieusement choisi (le budget alloué le permettant) : « du marbre non poli et lumineux même mouillé venant de Carrare pour les terrasses en pente permettant de faire le tour du bâtiment, avec des systèmes ingénieux d’écoulement des eaux pluviales. Du verre légèrement bleuté pour la structure centrale de 16 mètres de hauteur donnant l’impression d’un iceberg émergeant de la mer, absolument magnifique lorsqu’il est éclairé de nuit. De l’acier avec des jeux de ronds bombés ou creux évoquant une écriture en braille mais aussi pour le soubassement du hall perforé de trous par l’artiste contemporain Olafur Eliasson, rappelant des cristaux de glace. »157 Par ailleurs, les grandes vitres au niveau de la rue permettent au public d’avoir un aperçu des répétitions et des activités en atelier. De plus, le bâtiment accueille trois salles dédiées à la musique, de 1 350, 400 et 200 places, toutes revêtues d’un habillage en bois donnant une ambiance nordique et chaleureuse. Nous pouvons y trouver également des magasins d’accessoires et de fabrication de costumes, des salles de danse et de répétition composées de vastes hangars pour les décors. Le toit et le foyer de l’opéra sont également utilisés pour des concerts. Une grande partie du projet se situe sous le niveau de la mer ce qui a nécessité la pose de 12 000 m2 de palplanches (un système classique de planches métalliques destiné à assurer l’étanchéité). Il repose sur 28 kilomètres de piliers dont certains s’enfoncent à moins 60 mètres. L’autre partie du projet située au dessus du niveau de l’eau se décline en plusieurs plans inclinés.158 Comme nous l’avons dit précédemment, ce projet illustre précisément la théorie de Claude Parent. 157 http://www.lefigaro.fr/culture/2009/05/11/03004-20090511ARTFIG00331-l-opera-de-snohetta-nouvelle-fierte-d-oslo-.php consulté le 15/11/15 158 http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/05/11/a-oslo-l-opera-iceberg-des-architectes-de-snohetta_1191517_3246.html consulté le 15/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
L’oblique est omniprésente dans le projet, nous pouvons l’apprécier de l’espace public jusqu’à l’intérieur du bâtiment. Les obliques extérieures sont fortes et assumées, ce qui n’empêche pas les visiteurs de les pratiquer, bien au contraire. Elles les invitent à monter sur le toit et à profiter d’une vue panoramique sur la ville d’Oslo. Ainsi, autant la toiture que les façades sont parcourables et accessibles par les visiteurs. De plus, tous les accès sont pratiqués en pente. Notamment l’accès à l’auditorium principal, se trouvant à l’intérieur du bâtiment. Pour cela, nous devons parcourir une rampe hélicoïdale. En d’autres termes, ce projet s’inscrit incontestablement dans les projets héritiers de la théorie de Claude Parent. Nous ne nions pas la présence de l’orthogonalité dans ce projet mais elle est atténuée par l’importance de l’oblique appliquée.(ill.59) Pour autant cet agence ne va pas se contenter de ce projet. En 2015, le premier prix du concours restreint pour construire une “Nouvelle Galerie Nationale - Musée Ludwig” à Budapest (ill.60) vont leur être attribué (prix conjointement attribué à l’agence SANAA également). Snohetta va pour cette occasion élaborer un projet de plus de 50 000 m² qui s’apparente fortement à un dessin visionnaire de Parent, Les Turbosites. (ill.61) L’idée de ce projet est de rendre le musée plus ouvert et interactif avec le public, car aujourd’hui de nombreux musées perçoivent les visiteurs comme la plus grande menace pour les collections et les expositions. Cette attitude rend les musées passifs. Pour ce faire, le projet unifie deux musées dans un seul bâtiment tout en gardant une forte identité individuelle pour chacun. Ainsi les deux bâtiments créés possèdent une toiture publique commune. Cette juxtaposition des deux musées sous le même toit accessible, permet à cette toiture de devenir le prolongement du parc de la ville. Sa pratique offre des vues panoramiques sur Budapest. Architecturalement, le cœur du bâtiment a été envisagé comme un grand espace public ouvert qui dessert les deux musées. Par ailleurs, les patios qui ponctuent la toiture permettent d’illuminer les espaces d’exposition avec une lumière diffuse. 159 Malheureusement, ce projet ne sera pas construit car suite à un deuxième cycle de négociations techniques et financières SANAA a finalement obtenu le contrat. Néanmoins, il est une véritable réussite en tant que réinterprétation de la théorie de la fonction oblique. Tout particulièrement par le travail de cette toiture parcourable qui prolonge le parc existant qui, en plus d’offrir des vues imprenables sur la ville, crée des point de vues et des accès vers l’intérieur des deux musées. Comme le décrivait Claude Parent, il y a plus de 50 ans, pour rentrer dans le bâtiment, nous grimpons sur la façade et nous entrons par la fenêtre. La fenêtre devient ici une porte et la clôture verticale qui ne nous appartenait pas, devient notre territoire commun. En plan (ill.62), nous observons 159 http://snohetta.com/project/228-the-new-national-gallery-and-ludwig-museum-above-the-horizon - consulté le 15/11/15
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Troisième partie : L’héritage de Claude Parent
60 - Nouvelle Galerie Nationale, Musée Ludwig, Snohetta, 2015 - - http://snohetta.com/ - consulté le 15/11/15
61 - Les Turbosites, Dessin de Claude Parent - Paul VIRILIO et Claude PARENT –Architecture Principe - Les éditions de l’imprimerie – 1996
62 - Plan RDC, Nouvelle Galerie Nationale, Musée Ludwig, Snohetta - - http://snohetta.com/ - consulté le 15/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
un aménagement fluide où l’oblique est également présente dans les axes de circulations, aux plafonds et les accès en pente. Cette architecture est à plus forte raison l’illustration la plus réussie de la théorie de Claude Parent car elle est pensée à l’échelle urbaine. En effet, cette toiture n’est que le prolongement du parc pré-existant, ce qui donne l’impression que le projet est le résultat d’un soulèvement du sol naturel.
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Troisième partie : L’héritage de Claude Parent
3.3 L’héritage oblique, une réinterprétation propre à chacun
L’analyse de ces projets héritiers nous prouve qu’il n’existe pas qu’une seule réinterprétation de
la fonction oblique. Chacun de ces architectes s’en inspirent et l’appliquent de manières différentes. Certains utiliseront partiellement le vocabulaire de l’oblique et d’autres dans sa totalité. En effet, d’après notre analyse précédente, une partie des architectes vont exprimer l’oblique seulement dans le dessin extérieur de leur projet pour dynamiser un territoire ou créer une architecture signal. Si nous prenons l’exemple du projet UFA cinema center de l’agence d’architecture Coop Himmelb(au), elle a utilisé l’oblique uniquement pour la forme extérieure du bâtiment, ce qui l’apparente à une falaise dominant la ville, effet recherché par les architectes pour redynamiser l’espace urbain. Zaha Hadid exprime l’oblique de la même manière à la différence qu’elle le fait à l’échelle de colline urbaine dans son projet Heydar Aliyev. Une autre manière d’exprimer l’oblique que nous avons relevé est de l’illustrer par une continuité de sol, modulée par des plis ou des plans inclinés. Concept que nous retrouvons dans le projet de la bibliothèque Jussieu de OMA où le projet se résume en un seul et même plancher que l’on incline ou soulève pour accéder aux différents étages. Ce principe a également été repris par Jean Nouvel dans son projet de la philharmonie. Le projet est le prolongement du parc public se pliant dans plusieurs sens. Cette montagne de pli est lié à son espace public par cette continuité de sol qui permet le cheminement jusqu’à la salle de concert. Ce projet se démarque tout de même du projet de OMA car il illustre bien d’autres principes de la fonction oblique et seulement la continuité des sols. Enfin, nous avons constaté que certains architectes ont appliqué la totalité des grands principes de la théorie. Paradoxalement, mis à part Jean Nouvel, ce sont les deux agences d’architectures qui ne revendiquent pas explicitement leur filiation à Claude Parent qui illustrent le mieux la fonction oblique. Ainsi nous retrouvons le projet de la maison des fondateurs de l’agence BIG qui personnifie le vocabulaire oblique de la théorie en une majestueuse rampe hélicoïdale parcourable, investie en musée. La seule lacune de ce projet est qu’il ne s’étend pas à l’échelle urbaine. Lacune, en revanche, que nous ne retrouvons pas dans les projets de Snohetta, deuxième agence d’architecture qui illustre le mieux la fonction oblique. Elle avait commencé en 2008 avec l’opéra d’Oslo en déclinant son architecture en plusieurs plans inclinés et poursuit aujourd’hui avec le concours du nouveau National Gallery et Museum Ludwig à Budapest. Dans chacun des ces projets, l’oblique permet au visiteur de prendre entièrement possession de l’architecture, il n’est plus que simple spectateur, il est devenu acteur de l’architecture.
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
En d’autres termes, les héritiers de la fonction oblique, revendiquant ou non leur affiliation à la pensée de Claude Parent n’ont pas une seule et même réponse à la réinterprétation de la théorie. Toutefois, ils se rejoignent dans le même intérêt qu’ils ont eu de l’utiliser dans leur projet. Chacun y voit des avantages que l’orthogonalité ne peut plus leur fournir. Que ce soit dans le travail des volumes, d’un sol accessible ou d’une architecture interactive avec ses usagers, l’oblique en est l’unique réponse. Néanmoins, l’analyse de ces études de cas, nous révèle que la programmatique de l’ensemble des projets étudiés est exclusivement culturelle. Le projet de Coop Himmelb(au) est un cinéma, le projet de OMA est une bibliothèque, le Heydar Aliyev de Zaha Hadid accueille des auditoriums et une bibliothèque, la rampe hélicoïdale de BIG est un musée, la Philharmonie de Jean Nouvel est une salle de concert et les projets de l’agence Snohetta sont un opéra et des musées. Ce qui nous amène à penser que l’illustration de la fonction oblique du XXIeme siècle s’exprime pour l’instant, uniquement à travers des projets publics et culturels. Il est probable que ce programme se prête mieux à l’intégration de l’oblique. Il implique de grandes échelles de projet et des espaces intérieurs spacieux qui permettent l’aménagement de plans inclinés. Cette révélation restreint la fonction oblique décrite par Claude Parent. En effet, il envisage l’oblique comme un nouvel ordre urbain où l’intégralité des programmes se plieraient à l’oblique. Dans la revue Architecture principe, il parle de vivre à l’oblique, c’est à dire exister à l’oblique, et donc habiter à l’oblique. Comme nous l’avons expliqué en deuxième partie, Claude Parent créera le concept de circulation habitable où le plancher deviendra un sol à vivre. Ce concept ne s’illustre pas pour le moment dans l’architecture actuelle. Encore trop avant-gardiste pour l’époque ou freinée par les innombrables normes qui englobent le logement collectif aujourd’hui, cette question reste en suspens.
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Troisième partie : L’héritage de Claude Parent
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Conclusion
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
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Conclusion
L’ordre oblique: une théorie aboutie, un concept en pratique
L’expansion démographique est l’une des préoccupations urbaines majeures de notre époque.
Elle remet en cause notre échelle de construction et l’étalement urbain qu’il occasionne. Cette configuration régit par deux ordres urbains, horizontal et vertical, n’est plus capable de répondre aux besoins de la société actuelle. Nous sommes arrivés aux limites spatiales et sensorielles de ces deux anciens ordres. Ainsi face à la fin de la statique verticale-horizontale, il nous faut reconsidérer notre façon de vivre. L’architecte Claude Parent et son partenaire Paul Virilio ont pensé et élaboré une alternative qui se positionne comme la solution à l’urbanisation planétaire : La fonction oblique. Cette théorie a mis du temps à être acceptée dans les mœurs et à être appliquée dans l’architecture. Tout d’abord, comme nous l’avons vu en première partie, dû au choix lexical de son nom. En effet l’oblique, par sa définition ambivalente, évoque à la fois le mouvement et une attitude négative. Ce qui dans un premier temps donne à la théorie un caractère péjoratif. Par ailleurs, Claude Parent combine ce terme avec vivre, ce qui pour l’époque est inconcevable car d’une part elle n’était pas destinée pour l’homme et d’autre part, l’oblique renvoie à une idée de construction bancale. Comme nous l’avons dit en deuxième partie, il est fort probable que Parent ait choisi de nommer sa théorie fonction oblique et vivre à l’oblique par souci de provocation. De plus, nous avons vu qu’elle a été également décrié car à l’époque elle était peu démocratisé. Alors qu’elle prend ses origines dans la nature, son usage sera dans un premier temps uniquement motivé par la contrainte. Nous la retrouverons sous la forme de dispositif de qualité inférieure qui ne servait que pour les animaux, l’automobile ou encore dans le domaine de l’industrie. Durant cette époque, l’oblique sera vue sous la simple forme de rampe ou de pente ne permettant que l’ascension. Néanmoins, à partir du style moderne, l’oblique va enfin commencer à évoluer dans le domaine de l’architecture. Elle sera intégrée dans les projets du Corbusier et de FLW. Ils seront les premiers à voir au-delà du simple dispositif et commencer à la considérer comme un outil de conception. Cette évolution de l’oblique révélera ses qualités de promenade architecturale, de parcours, de continuité spatiale et de sentiment de conquête. C’est à partir de cette première application de l’oblique que le groupe Architecture Principe va fonder leur théorie. Ils vont émanciper et étendre sa pratique à l’échelle planétaire en la considérant comme le nouvel ordre urbain. Parent revendiquera toute sa vie qu’il est temps pour nous de vivre à l’oblique. Le concept de la théorie est simple : remplacer littéralement l’horizontalité et la verticalité par
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
l’oblique. Ceci, dans l’objectif de répondre aux préoccupations urbaines, mais également de multiplier les points de vue, de redonner du mouvement aux habitants et de permettre un retour au corps, ainsi que de réintroduire la notion de liberté, de fluidité et de permettre aux hommes de devenir acteurs de l’architecture et non plus spectateurs. Tout en s’inspirant des formes de la nature. L’application de cette théorie entraînera la réinvention totale du vocabulaire architectural. Nous parlerons désormais de colline, de toits et façades parcourables, de fluidité, d’accès en pente et bien évidemment d’oblique. Vocabulaire que nous retrouvons aujourd’hui dans l’architecture de la nouvelle génération. Paradoxalement, cette théorie qui à tant été rejetée au XXeme siècle a finalement été acceptée et même suivie au XXIeme siècle. La théorie utopique de 1963 est aujourd’hui réelle et reprise par des architectes de renom. Une des explications de son application contemporaine est le fait qu’elle s’inscrit parfaitement dans la dynamique architecturale actuelle. En effet, cette théorie se tourne vers l’avenir, elle questionne le futur de nos villes en proposant une architecture durable, adaptée, intégrée, accessible, et qui respecte la mémoire du territoire. Autrement dit tous les grands principes de la smart-city. Ainsi la nouvelle génération va se tourner petit à petit vers la fonction oblique. En analysant, un panel de projets héritiers de cette théorie, nous nous sommes rendus compte de la place de l’oblique dans l’architecture actuelle. Nous avons pu constater que les architectes réinterprètent la théorie à leur manière dans leur projet. Ils vont l’utiliser pour les formes extérieures des projets dans le but de dynamiser un site, ou encore comme une continuité des sols, mettant en avant le mouvement et la fluidité d’un projet, et enfin certains vont l’appliquer dans sa totalité, nous prouvant que cette théorie s’inscrit dans son temps et qu’elle n’est plus une utopie. La corrélation entre les dessins de Claude Parent et ces architectures emblématiques de notre époque, nous prouve qu’une relève est en train de se former. L’héritage de la théorie de Claude Parent est désormais dans les mains des architectes du XXIeme siècle. Néanmoins, nous ne contestons pas que ce sont uniquement les prémisses de la théorie qui sont aujourd’hui appliqués. Celle-ci n’est pas étendue à l’ensemble des programmes de la ville. Elle est, pour le moment, restreinte aux bâtiments publics et culturels. Claude Parent pensait l’oblique à l’échelle planétaire, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Nous terminerons en disant que la fonction oblique est donc construite au stade des fondations, ce qui tout d’abord l’a fait évolué de théorie à concept. Étant représentée physiquement elle n’est plus une théorie, « une étude intellectuelle, hypothétique et synthétique »160 mais désormais une représentation concrète des pensées visionnaires de Claude Parent. Par ailleurs, devant une présence de plus en plus significative dans les projets actuels, à des échelles de plus en plus grandes et en étant admis dans les mœurs, la fonction oblique tend à devenir le nouvel ordre urbain. 160 http://www.cnrtl.fr/definition/th%C3%A9orie - consulté le 15/11/15
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Conclusion
63 - Vivre à l’oblique, couverture du Livre de Claude Parent - Claude PARENT, Vivre à l’oblique, Editions Jean-Michel Place, 2004
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Annexes Fiches Techniques Fiche Calcul
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
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Annexes
Fiche technique UFA Cinema Center Architectes: Coophimmelb(l)au Localisation: Dresden, Allemagne Statut: Réalisé Surface: 6 174 m² Année du projet: 1998 Programme: Cinéma
Vocabulaire Oblique Inspiration dessins Claude Parent OUI
Oblique Oblique extérieure et faible à l’intérieure
Schémas principe - http://www.coop-himmelblau.at/ consulté le 15/11/15
Façades et toits parcourables
Accès en pente
Echelle du projet
Absence de façades et toits parcourables
Pas d’accès en pente
Petite échelle. Oblique seulement au niveau du bâtiment
Coupe - http://www.coop-himmelblau.at/ consulté le 15/11/15
Plan de situation- http://www.coop-himmelblau.at/ consulté le 15/11/15
Axonométrie - http://www.coop-himmelblau.at/ consulté le 15/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
Fiche technique Bibliothèque Jussieu Architectes: OMA – Rem Koolhaas Localisation: Paris, France Statut: Concours Surface: Année du projet: 1992 Programme: Bibliothèque
Pliage papier, http://oma.eu/projects/jussieu-two-libraries consulté le 15/11/15
Vocabulaire Oblique Inspiration dessins Claude Parent OUI
Oblique Oblique intérieure seulement
Façades et toits parcourables Absence de façades et toits parcourables
Maquette, http://oma.eu/projects/jussieu-two-libraries consulté le 15/11/15
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Accès en pente
Echelle du projet
Accès en pente intérieur et extérieur
Petite échelle de projet. Seulement le bâtiment
Annexes
Fiche technique Heydar Aliyev Centre Architectes: Zaha Hadid Localisation: Baku, Azerbaijan Statut: Réalisé Surface: 101 801 m² Année du projet: 2012 Programme: Salle de spectacle Plan RDC, http://www.zaha-hadid.com/, consulté le 15/11/15
Vocabulaire Oblique: Inspiration dessins Claude Parent OUI
Oblique Oblique extérieure et intérieure
Façades et toits parcourables Absence de façades et toits parcourables
Accès en pente
Echelle du projet
Accès en pente seulement à l’intérieur
Grande échelle de projet. Espace public et bâtiment
Intérieur Auditorium, http://www.zaha-hadid.com/, consulté le 15/11/15
Vue Extérieure, http://www.zaha-hadid.com/, consulté le 15/11/15
Vue Extérieure, http://www.zaha-hadid.com/, consulté le 15/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
Fiche technique La philharmonie Architectes: Jean Nouvel Localisation: Paris, France Statut: Réalisé Surface: 79 000 m² Année du projet: 2015 Programme: Salle de spectacle
Coupe, http://www.jeannouvel.com/ consulté le 15/11/15
Vocabulaire Oblique: Inspiration dessins Claude Parent OUI
Oblique Oblique extérieure et intérieure
Façades et toits parcourables Façades et toitures parcourables mais pas dans sa totalité
Vue intérieure autorium, http://www.jeannouvel.com/ consulté le 15/11/15
Vue extérieure, http://www.jeannouvel.com/ consulté le 15/11/15
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Accès en pente
Echelle du projet
Accès en pente intérieur et extérieur
Grande échelle de projet. Espace public et bâtiment
Annexes
Fiche technique Maison des Fondateurs Architectes: BIG – Bjarke Ingels Group Localisation: Le Brassus, Suisse Statut: Concours Surface: 2 373 m² Année du projet: 2014 Programme: Musée
Vue intérieure, http://www.big.dk/ , consulté le 15/11/15
Vocabulaire Oblique: Inspiration dessins Claude Parent OUI
Façades et toits parcourables
Oblique Oblique extérieure et intérieure
Façades et toitures parcourables
Accès en pente
Echelle du projet
Accès en pente intérieur et extérieur
Petite échelle de projet.
Vue intérieure, http://www.big.dk/ , consulté le 15/11/15
Schémas principe, http://www.big.dk/ , consulté le 15/11/15
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
Fiche technique L’Opéra d’Oslo Architectes: Snohetta Localisation: Oslo, Norvège Statut: Réalisé Surface: 38 500 m² Année du projet: 2008 Programme: Opéra
Vocabulaire Oblique: Inspiration dessins Claude Parent OUI
Plan masse, http://snohetta.com/, consulté le 15/11/15
Oblique
Façades et toits parcourables
Oblique Façades et toitures extérieure et un parcourables peu à l’intérieure
Coupe, http://snohetta.com/, consulté le 15/11/15
Vue Intérieure, http://snohetta.com/, consulté le 15/11/15
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Accès en pente
Echelle du projet
Accès en pente intérieur et extérieur
Grande échelle de projet. Espace public et bâtiment
Annexes
Fiche technique National Gallery and Ludwig Museum – Above the horizon Architectes: Snohetta Localisation: Budapest, Hongrie Statut: Concours Surface: 51 000 m² Année du projet: 2015 Programme: Musée et galerie
Vocabulaire Oblique: Inspiration dessins Claude Parent OUI
Vue extérieure, http://snohetta.com/, consulté le 15/11/15
Façades et toits parcourables
Oblique Oblique extérieure et intérieure
Façades et toitures parcourables
Coupe, http://snohetta.com/, consulté le 15/11/15
Vue intérieure, http://snohetta.com/, consulté le 15/11/15
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Accès en pente
Echelle du projet
Accès en pente intérieur et extérieur
Grande échelle de projet. Espace public et bâtiment
La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
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Annexes
Fiche calcul - Pourcentage Référence «Fonction Oblique»
HERITIERS UFA Cinema Center – Coop Himmelb(l)au Bibliothèque de Jussieu - OMA Heydar Aliyev Zaha Hadid La Maison des Fondateurs BIG La Phirlharmonie – Jean Nouvel L’Opéra d’Oslo - Snohetta New Gallery and Ludwig Museum Snohetta
INSPIRATION FAÇADES ACCES DESSIN OBLIQUE ET TOITS EN CLAUDE INT/EXT PARCOURABLES PENTE PARENT 100,00% 100,00% 100,00%
EXT 75 % INT 0% EXT 0 % INT 50 % EXT 75 % INT 25 %
ECHELLE DU PROJET
POURCENTAGE REFERENCE FONCTION OBLIQUE
0,00%
0,00%
50,00%
45,00%
0,00%
100,00%
50,00%
60,00%
0,00%
50,00%
100,00%
70,00%
100,00%
100,00%
100,00%
100,00%
50,00%
90,00%
100,00%
100,00%
50,00%
100,00%
100,00%
90,00%
100,00%
EXT 50 % INT 25%
100,00%
100,00%
100,00%
95,00%
100,00%
100,00%
100,00%
100,00%
100,00%
100,00%
Ce calcul est totalement subjectif. Néanmoins,il permet à partir de l’analyse des différents projets du panel de mettre en évidence les similarités et le degrés de références à la théorie de Claude Parent pour chacun d’eux Cette démonstration n’est faite qu’à partir de l’analyse des plans, des photos et des maquettes. Les supports sont tous référencés dans les fiches techniques.
113
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Bibliographie SĂŠlective
115
La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
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Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE Introduction SITES INTERNET - <?> Architecture Principe - Paul VIRILIO et Claude PARENT – Les éditions de l’imprimerie – 1996 – p.5
Première partie - Présentation de l’oblique 1.1 Parcours du sens SITES INTERNET - http://www.cnrtl.fr/definition/oblique - http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/oblique - http://www.notrefamille.com/dictionnaire/definition/oblique - http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/oblique - http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=oblique - http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/oblique/55386 - http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/action-procedure.php LIVRES - ARISTIDE Quillet, Dictionnaire encyclopédique quillet , librairie aristide quillet, 1955, p.3141 - LAROUSSE, Grand Larousse universel, édition Larousse, 1984, Tome 11, Nez à phototype, p.11038 - LITTRE Paul-Emilie, Dictionnaire de la langue française, Editions du Cap – Monte-Carlo, 1962, tome 3 j.k.l.m.n.o., oblique, p.6809 - ROBERT Paul, Le Grand Robert de la langue Française, Deuxième édition Le Robert, tome 6 Lim – Oz, p.1342 - GOELZER Henri, Dictionnaire de latin, édition Garnier/Bordas, 2001, p.733
1.2 Histoire de l’oblique : un usage pragmatique SITE INTERNET - http://www.lemoniteur.fr/article/faut-il-introduire-des-derogations-a-l-accessibilite-des-batiments-neufs-13319218 - http://www.aroots.org/notebook/article140.html - http://www.lepoint.fr/culture/visite-interdite-du-chateau-d-amboise-2-la-tour-cavaliere-heurtault-unique-en europe-30-05-2015-1932264_3.php LIVRES - Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Karim Hassayoune, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005 - Péré-Christon Evelyne, L’escalier Métamorphoses architecturales, Maisons-Alfort, Editions Alternatives, 2001 - Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
1.3 Histoire de l’oblique : un outils de conception SITE INTERNET - http://www.aroots.org/notebook/article140.html - http://histoireart.unblog.fr/2008/06/04/musee-guggenheim/ - http://www.id-geo.ch/downloads/un-espace-de-rencontre-au-musee.pdf - http://www.cnrtl.fr/definition/conquerir - http://art-zoo.com/blog/la-tour-tatline/ - http://www.lemoniteur.fr/article/le-musee-guggenheim-de-new-york-fete-ses-50-ans-746501 - http://www.nytimes.com/2009/08/09/automobiles/09wright.html LIVRES - Roberto Gargiani - L’architrave, le plancher, la plate forme: Nouvelle histoire de la construction - Edition PPUR - 2012 - p.910 - Collectif, «AMC, le moniteur architecture, n°158», édition Moniteur - 2006 - p.150 - Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, - Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, - Baltanas José, Le corbusier parcours, Marseille, Editions parenthèses, 2012, - Geoffrey H. Howard, Le Corbusier : An analysis of form, p. 79 - Exposition « L’automobile, la villa Savoye et le Corbusier » à Poissy, 2016 - W. Boesiger, Le Corbusier Œuvre complète : 1938-1946, volume 2, Editions d’architecture,1964, p.24 - W. Boesiger, Le Corbusier et Pierre Jeanneret: Oeuvre complète de 1929-1934, édition Zürich: Artemis 1974, S. 24 - Robert Mc Carter, F.L. Wright Architect, Edition Phaïdon, Londres, 1997, p.306 - Brooks Pfeifffer Bruce, Franck Lloyd Wright, les chefs-d’oeuvre, Paris, Editions du seuil, 1993, p.20 1.4 L’oblique entre ascension et conquête LIVRES - Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.9
Deuxième partie - La fonction oblique 2.1 La rencontre de deux marginaux SITES INTERNET -http://multiples-un.com/interview-de-claude-parent-le-110914-2eme-partie/ - http://sympathiesinfinies.over-blog.com/pages/Architecture_Claude_Parent_traversee_oblique_dun_demisiecle-2614186.html - http://www.canalacademie.com/ida5462-Claude-Parent-par-Jean-Nouvel-parentes-architecturales.html -http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - http://moovemag.com/2012/09/claude-parent-y-la-arquitectura-oblicua/ - http://www.citechaillot.fr/data/expositions_bc521/fiche/22866/iticpweb_bb94a.pdf LIVRES - Collectif, «AMC, le moniteur architecture, n°158», édition Moniteur - 2006 - p.150
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Bibliographie
- Robert Gargiani, L’architrave le plancher, la plate-forme, Nouvelle histoire de la construction, Edition PPUR, 2012 p.866 - Claude PARENT oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 VIDEO - Extraits des 24 heures d’entretien avec claude parent intégrés dans l’exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 2.2 Théorie de la fonction oblique SITES INTERNET -http://multiples-un.com/interview-de-claude-parent-le-110914-2eme-partie/ - http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - http://sympathiesinfinies.over-blog.com/pages/Architecture_Claude_Parent_traversee_oblique_dun_demisiecle-2614186.html - http://www.canalacademie.com/ida5462-Claude-Parent-par-Jean-Nouvel-parentes-architecturales.html - http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - http://moovemag.com/2012/09/claude-parent-y-la-arquitectura-oblicua/ - http://www.citechaillot.fr/data/expositions_bc521/fiche/22866/iticpweb_bb94a.pdf - http://www.bookstorming.com/fr/presse_archibooks/certain_regard_claude_labbe/CLAUDE_LABBE_UN_ CERTAIN_REGARD_INT_76.pdf - http://www.maisonapart.com/edito/autour-de-l-habitat/architecture-patrimoine/claude-parent-un-regardoblique-sur-l-architecture-3824.php - http://www.paris-valdeseine.archi.fr/extranet/file/M1/lescouarch/lemoine.pdf VIDEO - https://www.youtube.com/watch?v=vyr7dUrsssI - https://www.youtube.com/watch?v=WpsTqwcV6zk - https://www.youtube.com/watch?v=Y_kq-q-sLfg - https://www.youtube.com/watch?v=ZiGDJLSZJ1o - Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 LIVRES - VIVRE À L’OBLIQUE – Claude Parent - Edition Jean michel place - 2012 - 77 pages - Paul VIRILIO et Claude PARENT - « Architecture principe » -– Les éditions de l’imprimerie – 1996 – 192 p. - Roberto Gargiani - L’architrave, le plancher, la plate forme: Nouvelle histoire de la construction - Edition PPUR - 2012 - p.910 - Collectif, «AMC, le moniteur architecture, n°158», édition Moniteur - 2006 - p.150 2.3 Une alternative aux préoccupations urbaines LIVRES - VIVRE À L’OBLIQUE – Claude Parent - Edition Jean michel place - 2012 - 77 pages - Paul VIRILIO et Claude PARENT - « Architecture principe » -– Les éditions de l’imprimerie – 1996 – 192 p. - Robert GARGIANI, L’architrave le plancher, la plate-forme, Nouvelle histoire de la construction, Robert GARGIANI, Edition PPUR, 2012 p.866 - Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p25
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
2.4 Un retour au corps SITES INTERNET - http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=454 LIVRES - VIVRE À L’OBLIQUE – Claude Parent - Edition Jean michel place - 2012 - 77 pages - Paul VIRILIO et Claude PARENT - « Architecture principe » -– Les éditions de l’imprimerie – 1996 – 192 p. - Pauline Bohn, La rampe dans le projet architectural, Mémoire Master 2 d’Architecture, 2014, p.79 - Baltanas José, Le corbusier parcours, Marseille, Editions parenthèses, 2012, p.6 - Kevin Lynch – L’image de la cité – Edition Dunod – 1998 - p123
2.5 La concrétisation du plancher SITES INTERNET - http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 LIVRES - VIVRE À L’OBLIQUE – Claude Parent - Edition Jean michel place - 2012 - 77 pages - Paul VIRILIO et Claude PARENT - « Architecture principe » -– Les éditions de l’imprimerie – 1996 – 192 p.
2.6 Une théorie publiée et expérimentée SITES INTERNET - http://astudejaoublie.blogspot.fr/2014/06/versailles-maison-drusch-claude-parent.html - http://archiwebture.citechaillot.fr/fonds/FRAPN02_PARCL/inventaire/objet-7515 - http://maisonsprivees.fr/visites/maison-bordeaux-le-pecq-chef-doeuvre-des-annees-60/ - http://www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/architecture-principe/maison-mariotti-saint-germain-laye-64.html?authID=10&ensembleID=32 - http://www.lemoniteur.fr/article/un-centre-commercial-de-claude-parent-devient-monument-historique-14822565 - http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - http://multiples-un.com/interview-de-claude-parent-le-110914-2eme-partie/ LIVRES - VIVRE À L’OBLIQUE – Claude Parent - Edition Jean michel place - 2012 - 77 pages - Paul VIRILIO et Claude PARENT - « Architecture principe » -– Les éditions de l’imprimerie – 1996 – 192 p. - Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 - Revue Construction moderne, n°95 – 2e trimestre - Cimbéton -1998
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Bibliographie
2.7 Une théorie rejetée pour être mieux acceptée SITES INTERNET - http://www.academie-des-beaux-arts.fr/membres/actuel/architecture/parent/fiche.htm - http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - http://strabic.fr/Regards-croises-sur-la-ville-dessinee LIVRES - VIVRE À L’OBLIQUE – Claude Parent - Edition Jean michel place - 2012 - 77 pages - Paul VIRILIO et Claude PARENT - « Architecture principe » -– Les éditions de l’imprimerie – 1996 – 192 p. VIDEO - Extraits des 24 heures d’entretien avec claude parent intégrés dans l’exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2010
Troisième partie - L’héritage de Claude Parent 3.1 Le XXIeme siècle, la révélation de l’oblique SITES INTERNET - http://sympathiesinfinies.over-blog.com/pages/Architecture_Claude_Parent_traversee_oblique_dun_demisiecle-2614186.html - http://www.telerama.fr/scenes/l-as-de-l-oblique,52037.php - http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - http://multiples-un.com/interview-de-claude-parent-le-110914-2eme-partie/ LIVRES - Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010
3.2 La nouvelle génération: Les héritiers de la fonction oblique SITES INTERNET - http://galobe.blogspot.fr/2008/07/le-projet-de-la-bibliothque-de-jussieu.html - http://galobe.blogspot.fr/2008/07/le-projet-de-la-bibliothque-de-jussieu.html - http://pulse.edf.com/fr/claude-parent-architecte-utopiste - http://www.floornature.eu/projets-culture/projet-zaha-hadid-realise-le-centre-heydar-aliyev-de-bakou-9182/ - http://www.24heures.ch/vaud-regions/ nord-vaudois-broye/L-elegante-Maison-des-Fondateurs-devrait-sortir-de-terre-en-2016/story/21329688 - http://projets-architecte-urbanisme.fr/big-musee-horlogers-suisse-audemars-piguet/ - http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Claude-Parent-Il-faut-revolutionner-l-architecture-165106 - http://www.canalacademie.com/ida5462-Claude-Parent-par-Jean-Nouvel-parentes-architecturales.html - http://www.lefigaro.fr/culture/2009/05/11/03004-20090511ARTFIG00331-l-opera-de-snohetta-nouvellefierte-d-oslo-.php
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La fonction oblique, un nouvel ordre urbain
- http://www.lemonde.fr/culture/ article/2009/05/11/a-oslo-l-opera-iceberg-des-architectes-de-snohetta_1191517_3246.html - http://multiples-un.com/interview-de-claude-parent-le-110914-2eme-partie/ - http://snohetta.com/project/228-the-new-national-gallery-and-ludwig-museum-above-the-horizon LIVRES - Karim Hassayoune, Usages de la rampe en architecture, entre automobiles, hommes et idées, Mémoire Séminaire de 3eme cycle DPLG, 2005, p.15 - Claude Parent oeuvre construite, oeuvre graphique, Exposition cité de l’architecture et du patrimoine, 2010 3.3 L’héritage oblique, une réinterprétation propre à chacun Conclusion SITES INTERNET - http://www.cnrtl.fr/definition/th%C3%A9orie
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Bibliographie
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Nous sommes accoutumés à vivre dans la verticale et l’horizontale. Les tours de plus en plus hautes et les maisons pavillonnaires s’étendant à perte de vue sont des éléments qui structurent et dessinent nos villes et cela depuis l’aube des premiers abris. Néanmoins, nous savons également que nous pouvons pas éternellement vivre dans cette configuration à cause d’une expansion démographique de plus en plus importante. Cette réponse à l’étalement urbain a été envisagé par Claude Parent et son groupe Architecture principe en 1963. En effet, sous le nom de fonction oblique, ils élaborèrent une théorie axée sur le concept de vivre à l’oblique à l’échelle urbaine. Pour ce faire, ils pensent remplacer littéralement l’horizontalité et la verticalité par l’oblique pour répondre de manière naturelle à l’urbanisation planétaire. Devant une révélation de l’oblique constatée dans les projets contemporains, la question d’un nouvel ordre urbain oblique se pose à nous. Ce mémoire exposera en quoi la fonction oblique est-elle le nouvel ordre urbain?