nC Nickel 9

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05 20 14

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Edito

LES « PETITS » SE REBIFFENT

Stratégie unique ou stratégies multiples ? La ressource calédonienne en nickel doit-elle se concentrer sur ses propres usines et les contrats de partenariat de la SMSP avec Posco, ou peut-elle davantage s’exporter et se diversifier ? À en croire les « petits » mineurs, un « diktat » des autorités politiques et administratives leur est imposé. Chacun est mis en demeure de fournir du minerai au grand collègue du Nord afin qu’il puisse honorer son contrat avec l’associé coréen. En outre, leurs ambitions à l’export sont freinées, essentiellement vers la Chine. Ballande aimerait tisser des liens avec l’Empire du Milieu à travers un « toll treatment » qui lui assurerait des revenus à la fois sur le minerai et le métal produit. Maï rêve toujours d’une usine à Santo en partenariat avec Jin Pei et ne lâche rien. Via le Syndicat des exportateurs de minerai, Montagnat a renégo-

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cié avantageusement les contrats avec les fondeurs japonais. Ainsi, les fournisseurs calédoniens vendront la tonne plus cher et toucheront des dividendes sur les ventes de métal. Côté gouvernement, ça coince pourtant encore. Certaines demandes d’autorisation à l’export sont revues à la baisse ou restent lettre morte. La Chine, connaît pas ! Les « petits » haussent donc le ton et argumentent sur les avantages de leur modèle. Meilleure rentabilité, centaines d’emplois locaux préservés, recettes sociales et fiscales par centaines de millions, vision à long terme. Pour eux, l’axe d’une politique Pays doit aussi, et surtout, intégrer la réalité économique. Les caisses calédoniennes ont bien besoin de la ressource nickel, et donc des exportateurs. Frédéric Huillet


Sommai r e N 06

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RÉTRO

- La SLN respire mieux - Prony-Pernod recalé - Année acide pour Vale NC - Une deuxième ligne à Gwangyang - Hommage à Pierre Alla - Les fours de KNS en surchauffe - François Hollande à Vavouto - 2014 en demi-teinte

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INFO MINES - Sécurité renforcée à Goro - CICS réactivé dans le Grand Sud - Opération remobilisation au Nord - Isabelle Goa, en sous-traitance pour KNS - L’enquête publique sur la Centrale C en ligne - Les vertus de l’export selon Xavier Gravelat, SMGM

ENTRETIEN - Louis Ballande : « On fait des misères à ceux qui réussissent pour protéger ceux qui ne réussissent pas » - Wilfried Maï : « Tout a été fait dans la transparence »

FORMATION - Le programme Cégep Mobilité Québec - Un BTS maintenance des systèmes à Païta - Section mine au RSMA

PORTRAIT - Jérôme Fabre, le nouveau boss de la SLN

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MINE DE RIEN

- Le scandium, un nouveau filon à exploiter ?

PROFESSION...

- Opérateur logistique et portuaire

NICKELSACO ? - Les missions du Fonds Nickel

MINES VERTES - Georges Mandaoué en emploi durable chez Vale - Pardalis, le nouvel outil de l’OEIL

UNE MINE D’INFORMATIONS - Thio : un musée relooké

MINE RÉJOUIE - Araxa, la vidéosurveillance du lagon

ISSN Dépôt légal en cours Coordination Jean-Marc Estournès Rédaction Frédéric Huillet, Annabelle Noir, Coralie Cochin, Virginie Grizon, Claudine Quéré Photographies Patrick Chalas, Niko Vincent, Marc le Chélard Photo de couverture Patrick Chalas Maquette et mise en page Christelle L‘Haridon (ACP) Régie publicitaire ACP 16, rue d’Austerlitz - BP 4763 - 98847 Nouméa Cedex - Tél. 24 35 20 E-mail : acp@lagoon.nc - acp.pao@lagoon.nc Site web : www.acp.nc Impression Artypo

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RÉTRO

par Frédéric Huillet

La SLN respire mieux s’est engagée sur un plan de compétitivité visant à gagner un dollar par livre de nickel produite sur 2014-2018. Dès 2014, elle a affiché un gain de 0,6 $, « grâce à l’implication de l’ensemble de ses salariés ». S’agissant des effectifs, 2 200 salariés, dont

97 % Calédoniens, répartis du Nord au Sud et de la côte Est à la côte Ouest, ont travaillé pour la vieille dame. Son activité représente également près de 8 000 emplois indirects et induits, et « pèse » environ 10 % du Produit intérieur brut calédonien.

© SLN

La SLN a respecté ses objectifs en 2014. Doniambo a produit plus de 55 000 tonnes de nickel, dont 8 000 sous forme de matte destinée à la raffinerie d’Eramet Sandouville. Le chiffre d’affaires s’est établi à 85,5 milliards de francs. Dans le même temps, la société

Prony-Pernod recalé

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spéciale Prony-Pernod était créée afin de cerner l’implication des différents acteurs du dossier. À l’occasion de débats publics dans l’hémicycle provincial, elle a écouté

© Province Sud

L’attribution des gisements de Prony-Pernod par la Province Sud à la SLN et à Vale NC a tourné court. Voté en avril 2014 sous la présidence de Cynthia Ligeard, le protocole général d’accord (PGA) a été annulé en août suivant par le nouveau patron de la Maison Bleue, Philippe Michel. Les arguments avancés pour justifier cette décision étaient « un manque total de concertation, une absence de mise en concurrence, une sous-valorisation évidente du patrimoine minier de la Province et une participation dérisoire de la collectivité au capital de la future société d’exploitation ». Dans la foulée, une commission d’enquête

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l’ensemble des intervenants lors de six réunions. Avant que le tribunal administratif n’annule le PGA en avril, au motif de trois irrégularités.




RÉTRO

Année acide pour Vale NC pilotage censé maintenir le dialogue entre les autorités et les coutumiers de la tribu pour un développement harmonieux. Injonction pour Vale NC, par le renforcement des impératifs de sécurité. En sommeil depuis des années,

© F. Wenger/Province Sud

L’usine du Sud a encore connu une année noire. Une fuite de 100 000 litres d’effluents acides s’est déversée dans le creek de la baie Nord, provoquant la mort de centaines de poissons. L’incident survenu début mai 2014 a provoqué la colère des habitants de Yaté qui ont bloqué l’usine de Goro et réclamé sa fermeture. Certains jeunes désœuvrés de Saint-Louis ont profité de l’occasion pour commettre des exactions à l’encontre d’automobilistes le long de la route du Mont-Dore. En réponse, la Province Sud a manié la carotte et le bâton. Apaisement pour SaintLouis, avec la convocation du comité de

le Comité d’information, de concertation et de surveillance (CICS) a été réactivé, préconisant des mesures plus strictes supervisées par la Dimenc pour assurer des procédures de sécurité fiables. VNC, qui avait admis des défaillances lors de l’incident, s’y est plié afin de pouvoir relancer sa production un mois après. Entre-temps, les esprits se sont apaisés, tant à Yaté qu’à Saint-Louis. VNC a nommé un Monsieur environnement en la personne de Georges Mandaoué. Et fin 2014, l’industriel annonçait une production annuelle de 20 000 tonnes de nickel.

Une deuxième ligne à Gwangyang gation calédonienne. Elle permettra de doubler la production de Posco, partenaire de la SMSP. Pour autant, il faudra bien l’approvisionner. La NMC (Nickel Mining Company),

© SMSP

La deuxième ligne de production de l’usine pyrométallurgique de Gwangyang, en Corée du Sud, a été inaugurée dans l’euphorie le 6 mars 2015, en présence d’une forte délé-

société d’extraction de la SMSP, peinait déjà à fournir les 1,8 million de tonnes de minerai annuelles pour la première ligne. Il lui faut à présent exporter 3,8 millions de tonnes en direction de la Corée, à une teneur moyenne de 2,3 %. Deux millions de tonnes supplémentaires : le défi est immense, et surtout contractuel sous peine de lourdes sanctions. En attendant le feu vert pour l’exploitation du massif de Boakaine, à Canala, André Dang a obtenu la promesse de 350 000 tonnes de la SLN. Les petits mineurs abonderont aussi 150 000 tonnes pour un complément total de 500 000 tonnes. Ainsi, se dessinent les contours d’un partenariat et d’un schéma minier calédonien. La pression coréenne rassemble les mineurs malgré eux. Comme quoi, contrairement au dicton, les promesses n’engagent pas uniquement ceux qui les reçoivent.

Pierre Alla est décédé en octobre 2014, dans un accident de la route en Métropole, près de Saint-Lô, dans la Manche. Âgé de 66 ans, l’ancien directeur général de la SLN, de mars 2006 à décembre 2012, avait été nommé président du conseil d’administration de la société au début de l’année 2013. Un hommage appuyé lui a été rendu en la cathédrale de Nouméa en présence de nombreuses personnalités.

© SLN

Pierre Alla s’en va Métiers, formations et emplois de l’industrie minière et métallurgique

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RÉTRO

Les fours de KNS en surchauffe nait donc au ralenti depuis le début de l’année 2015 en attendant la réparation de son four initial. Jusqu’à ce que, fin mars, la direction de KNS admette que le four n° 1 souffrait en fait d’un défaut de conception qui allait nécessiter de très longs mois de réfection. Le four n° 2, impacté pour les mêmes raisons, et lui aussi en proie à une usure anormale, va rester en chauffe pour une durée indéterminée et devrait produire 15 000 tonnes cette année,

© Koniambo Nickel

Un peu plus d’un mois après la visite du président de la République française dans le Nord, le four numéro 1 de l’usine du Nord a été victime d’un incident majeur. Une fuite de 500 tonnes de métal en fusion s’est déclarée le 26 décembre, heureusement sans faire de victimes. Le four numéro 2 mis en veille, Vavouto n’a plus produit de nickel durant de longues semaines, jusqu’au redémarrage de la seconde unité un mois plus tard. KNS tour-

HOLLANDE À VAVOUTO

© Koniambo Nickel

Lors d’une visite express en NouvelleCalédonie à la mi-novembre 2014, le président de la République François Hollande a officiellement inauguré l’usine du Nord. Un geste symbolique et un « événement fédérateur » pour KNS qui a trouvé dans cette cérémonie l’occasion « de montrer sa réalisation, sa performance, son innovation, son respect, sa présence, sa durabilité » et « de se positionner comme un partenaire essentiel de la vie industrielle et économique de la Nouvelle-Calédonie ». C’était avant les déboires enregistrés par ses deux fours.

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soit moins de la moitié du rendement escompté. Avec une usine devenue surdimensionnée par rapport à ses objectifs de production, KNS a dû se séparer de plusieurs sous-traitants et n’excluait pas d’avoir recours à des licenciements. Les investissements matériels ont aussi été revus à la baisse. Le coût est très amer pour les actionnaires, de l’ordre de plusieurs dizaines de millions de dollars US. Chaud bouillant pour une usine toute fraîche.



RÉTRO

2014 en demi-teinte Les espoirs suscités en 2013 par l’embargo sur les exportations de minerai indonésien ont fait long feu. L’embellie sur le cours du nickel au LME n’aura duré que quelques mois face à la montée des stocks mondiaux. Après un pic à 21 000 dollars au premier trimestre 2014, la tonne est retombée à 13 600 dollars en mars 2015. Pour autant, les industriels anticipent une hausse des cours durant cette année. Dans le même temps, la Nouvelle-Calédonie a accru ses extractions et ses exportations de saprolites et de latérites, notamment au dernier trimestre 2014. Cette tendance devrait se confirmer dans les mois à venir avec les besoins nouveaux de l’usine de Gwangyang, en Corée du Sud. Face à cette demande et aux impératifs des trois usines calédoniennes, l’ensemble des opérateurs prévoient l’ouverture de nouveaux sites d’extraction sur la Grande Terre. Le paysage minier devrait largement évoluer.

SITES D’ACTIVITÉ EN NOUVELLE-CALÉDONIE

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RÉTRO (données officielles issues du rapport Duthilleul sur le schéma industriel et minier)

CHUTE DES COURS DU NICKEL

STOCKS EN HAUSSE

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INFO MINES © Vale NC

Près de 500 paramètres mesurés par des capteurs sont suivis dans des salles de contrôle et de sûreté. Ici un opérateur de surveillance du système d’alarmes.

Sécurité renforcée à Vale NC Comment regagner la confiance des populations après les incidents survenus à l’usine de Goro en 2014 ? C’est le défi auquel tente de répondre la direction de Vale NC par des ajustements techniques et opérationnels en matière de sécurité, mis en place depuis plusieurs mois. par Virginie Grizon

Pour Vale NC, l’année 2014 n’a pas été de tout repos. Le 7 mai, une fuite d’acide contamine le creek de la baie Nord et crée une importante pollution environnementale. Quelques mois plus tard, une grue de 220 tonnes se couche par terre sans faire de blessé. Plus de peur que de mal, mais un nouveau mauvais point pour Vale NC qui a du mal à gagner la confiance des Calédoniens. « Jusqu’à présent, les accidents auxquels nous avons dû faire face concernaient la technologie ou la conception même de l’usine (un joint défectueux en 2009, l’effondrement d’une colonne d’extraction en 2010, la fracture de l’émissaire marin en 2013, NDLR). Cette fois nous étions face à un problème lié au comportement de l’hu-

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main. Dans ces deux derniers cas, il y a eu des lacunes dans le suivi du protocole », explique Jonathan Faucher, directeur hygiène-sécurité-sûreté-protection-qualité et risques.

Nombreux réaménagements

Plusieurs enquêtes réalisées en interne et de façon indépendante le confirment : à chaque fois, c’est une faille dans la procédure qui est à l’origine des incidents. « Ces épisodes nous ont donc amenés à revoir certains points, c’est évident. Cependant la sécurité est quelque chose d’évolutif sur lequel nous travaillons constamment », insiste Jonathan Faucher. Un plan d’action a tout de même été mis en place pour ren-

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forcer la sécurité sur le site et regagner la confiance des populations. Les inspections des activités critiques, c’est-à-dire celles comportant un risque majeur pour le personnel (travail en hauteur, confinement, levage, danger chimique...) ont été renforcées. Les responsables des services ont été formés afin d’assurer un contrôle plus rigoureux de leurs équipes. Cette mesure a également permis de resserrer les liens entre les “managers” et leurs employés. Enfin, une direction d’inspection a été créée afin d’uniformiser les procédures. De nouveaux aménagements techniques ont été réalisés avec la pose de capteurs supplémentaires pour la mesure du pH


© Patrick Chalas

Dans la nuit du 6 au 7 mai 2014, 96 m3 d’une solution contenant un mélange d’eau de pluie, de nickel, de cobalt et d’acide chlorhydrique en concentration importante se déversent dans le creek de la baie Nord. D’après l’OEIL, 1 359 poissons, 227 crustacés et de nombreux autres organismes sont retrouvés morts. Aujourd’hui, selon l’observatoire de l’environnement, « la plupart des espèces habituellement rencontrées au sein du creek ont été observées. Seules certaines, habituellement rares, manquent encore à l’inventaire, notamment deux espèces endémiques de poissons qui avaient pourtant été observées onze jours après l’accident ». Après avoir chuté très rapidement suite à l’accident, le nombre de poissons présents dans le creek augmente progressivement, mais le niveau initial n’a pas été retrouvé.

En 2014, l’accident du creek de la baie Nord et la chute d’une grue ont pointé des lacunes dans le suivi du protocole.

Alertes par SMS

© Patrick Chalas

Actuellement, près de 500 paramètres mesurés par des capteurs sont suivis dans une salle de contrôle et une salle de sûreté. Malgré cela, le nombre des rondes de surveillance a été multiplié pour confirmer visuellement le bon déroulement du procédé. Désormais, chaque personne effectuant ces rondes doit “badger” à plusieurs étapes du circuit pour respecter les procédures.

Enfin, des exercices d’évacuation ont lieu deux fois par semaine avec les pompiers présents sur le site et les employés. Ces exercices ne concernent pas l’ensemble de l’usine en même temps, ils se font à l’échelle des services. En plus de ces mesures, Vale NC a renforcé ses liens avec les populations locales, comme l’avait demandé le Comité consultatif coutumier environnemental (CCCE). Les populations sont régulièrement informées et formées sur les risques industriels grâce à des réunions en tribu. Des alertes par SMS ont été instaurées pour les prévenir dès qu’un incident survenait. Des détecteurs ont également été posés chez les riverains pour mesurer la qualité de l’air. Autant de mesures mises en place progressivement au cours d’un vaste chantier qui devrait se terminer fin 2015 avec la pose d’une station de suivi de la qualité de l’air à l’île Ouen et à Goro.

Jonathan Faucher, directeur hygiène, sécurité et sûreté.

Les missions du CCCE Association de loi 1901, le Comité consultatif coutumier environnemental a été créé en 2009 à l’issue de la signature du pacte pour un développement durable dans le Grand Sud. Ses principales missions consistent à favoriser l’information des populations, instaurer une discussion permanente entre Vale NC et les populations, garantir la participation des instances coutumières au suivi environnemental du projet minier et de ses impacts, prendre en considération le savoir traditionnel kanak. Il est constitué de quinze membres représentatifs de l’aire coutumière Drubéa-Kapumë.

© Vale NC

(acidité ou basicité) et de la conductivité des versants Nord, Sud et au niveau des points de fuite dans le creek. Les bassins secondaires, à l’origine de la fuite du mois de mai, ont été redimensionnés et parfois rehaussés. Des pompes supplémentaires ont été ajoutées pour améliorer le transfert des liquides qu’ils contiennent vers le tuyau de retraitement des effluents. Pour finir, les zones de décantation ont été curées.

INFO MINES

Moins de poissons un an après

Une chargée de consignation d’un circuit électrique.

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INFO MINES © Fabrice Wenger / Province Sud

Deux des cinq premières réunions du CICS se sont tenues à Yaté (photo) et Prony, pour être au plus proche des populations concernées.

Courant rétabli sur l’usine de Goro Mis en sommeil par la précédente mandature, le Comité d’information, de concertation et de surveillance de l’usine du Sud (CICS) a été réactivé par la Province, suite aux incidents de mai 2014. Ce dispositif tente de rétablir le dialogue avec les associations et les populations du Grand Sud. par Coralie Cochin C’est sans conteste l’une des mesures phares prises par Philippe Michel dès son arrivée à la Maison bleue. Trois semaines, à peine, après la fuite d’acide chlorhydrique du 6 mai 2014 à l’usine du Sud et les violences qui en ont découlé, le président de la Province Sud relançait le Comité d’information, de concertation et de surveillance (CICS) en réunissant tous ses partenaires : Comité consultatif coutumier environnemental (CCCE), communes de Yaté et du Mont-Dore, OEIL et État. Inscrit dans le Code de l’environnement provincial, le CICS se doit de rassembler régulièrement des invités représentatifs de la société civile pour les informer et les écouter sur les problématiques que pose l’usine de Goro, en termes de sécurité et d’environnement. « Nous avons déjà réuni cinq fois le CICS de Vale NC en huit mois. C’est beaucoup plus que la mandature précédente », tacle Philippe Michel. Sur les cinq rendez-vous du CICS, deux ont été décentralisés. L’un s’est tenu à la mairie de Yaté le 19 septembre, l’autre au complexe industriel de Prony le 24 octobre,

pour « être au plus proche des populations concernées », explique le patron de la Maison bleue.

Un ton désormais apaisé

Au cours de ces réunions, les participants se sont assurés que l’industriel respectait point par point les obligations imposées par les autorités de tutelle, la Dimenc et la Direction de l’environnement de la Province Sud. Ces contraintes ont par ailleurs été renforcées, à la suite des deux accidents majeurs de novembre 2013 (rupture de l’émissaire marin) et mai 2014 (fuite d’acide). Alors que le dialogue semblait rompu entre les populations du Grand Sud et l’industriel l’an dernier, la dernière convocation du CICS, à laquelle était présent Antonin Beurrier, le nouveau président de Vale NC, s’est déroulée sur un ton apaisé, le 20 février dans l’hémicycle de la Province. « Quand on démontre que l’institution fait son travail, c’est-à-dire qu’elle suit l’industriel de manière resserrée et qu’elle est, par ailleurs, à l’initiative d’une concertation

approfondie et régulière avec les populations et les associations, tout de suite ça va mieux, observe Philippe Michel. Tout n’est pas réglé pour autant, mais au moins il y a discussion. L’absence de dialogue est pire que tout ».

Deux comités en un seul CLIC L’usine du Sud n’est pas la seule à faire l’objet d’une surveillance particulière. La mine de Thio, dont l’exploitation provoque l’érosion des sols, et le site de Doniambo, source de pollution atmosphérique, sont également suivis de près par un comité local d’information (CLI). Ces deux CLI ont les mêmes missions que le CICS. D’où l’intention de la Province Sud de regrouper ces deux dispositifs sous une appellation générique déjà utilisée en Métropole : le CLIC, dont le « c » final signifie concertation.

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INFO MINES

Remobilisation dans le Nord Plus de 350 salariés étaient directement concernés par les activités terrassement et VRD lors de la période de construction de l’usine du Nord. Comment les travailleurs du BTP ont-ils rebondi à la clôture du chantier ? Rencontre avec Luc Bataillé, chef de la cellule Koniambo. par Claudine Quéré

commerce et d’industrie, les entreprises et leurs groupements, ou encore les services de la collectivité. « De nombreuses actions de formation ont progressivement été mises en œuvre afin de préparer les entreprises démobilisées à capter les marchés hors Vavouto, explique Luc Bataillé, chef de la cellule Koniambo. Plus de 200 participants en ont bénéficié ». « Autodiagnostics », « Réponse aux appels d’offres », « Lecture de plan et calcul d’avant-métré », « Grue auxiliaire » et « Caces » : différents modules ont été ouverts, financés à 75 % par la Province.

Des réunions d’information ont été organisées, sur le thème du groupement, des procédures de sauvegarde de l’entreprise, des aides financières liées à la santé, de la sécurité des travailleurs, des travaux du Fonds Nickel...

Réussir l’après-construction

Quarante entreprises, essentiellement des artisans, ont ainsi été accompagnées pour traiter des aspects fiscaux, financiers, sociaux, juridiques, commerciaux ou de structuration ; 240 évaluations de compétences et des acquis professionnels (Ecap)

© KNS

Anticiper les phases de démobilisation des activités de terrassement, éclairer les entreprises sur les marchés hors de l’usine, faciliter leur redéploiement et celui de leurs salariés, aborder les solutions emploi et formation, prendre des initiatives en matière d’accompagnement individualisé : tels étaient les objectifs du groupe de travail initié dès le mois de mai 2010 par la cellule Koniambo, émanation de la Province Nord. Jusqu’à fin 2013, ce groupe a notamment réuni les industriels, des partenaires comme la Chambre de métiers et de l’artisanat et la Chambre de

Actions de formation ou de proximité, évaluations de compétences et des acquis professionnels, plan réaction… L’accompagnement des entreprises démobilisées les a aidées à capter les marchés hors Vavouto.

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INFO MINES DR © Patrick Chalas

De nombreuses personnes originaires du Nord continuent de travailler aujourd’hui sur le site de l’usine, dans le BTP, le génie civil, le VRD, le terrassement, mais aussi le second œuvre.

ont été commandées et entièrement financées par la Province Nord pour faciliter le reclassement ou le maintien des salariés appelés à être démobilisés, dont la moitié ont directement concerné le secteur du BTP et de la mine. Fin août 2011, la collectivité a voté une autorisation de programme de 500 millions de francs pour procéder à des travaux de désenclavement routier sur son territoire et contribuer, par ce biais, à l’atténuation des effets de la démobilisation de l’usine du Nord. « Toutes les communes (hors VKP) ont été sollicitées dans ce cadre pour exposer leurs besoins », précise Luc Bataillé. Pendant qu’une mission d’assistance au maître d’ouvrage était confiée à la Secal. Pour les autres secteurs que le BTP, un « Plan Réaction » (Réussir l’après-

construction) coordonné par la même cellule Koniambo et soutenu par KNS a été lancé le 5 décembre 2011 et s’est achevé trois ans plus tard. Voulu par les institutions, le programme s’appuyait sur deux piliers : celui des salariés, avec l’aide de Cap Emploi, de la Mission locale insertion jeunesse (MLIJ) et de CIS (Catering International & Services) ; celui des entreprises, confié à la Maison de l’entreprise, la CMA et la CCI. S’adressant aux 300 entreprises et 2 500 salariés locaux concernés par la fin du chantier de construction, ce dispositif s’est installé sur le site de Vavouto afin d’y conduire une action de proximité.

Répercussions limitées

« La fin du chantier de l’usine aura probablement eu des répercussions, reconnaît Luc Bataillé. On peut cependant considé-

Selon Luc Bataillé, chef de la cellule Koniambo, si la fin du chantier de l’usine a forcément eu des répercussions, l’ensemble des mesures prises dans le cadre de la remobilisation a permis aux entreprises de rebondir sur de nouveaux projets.

rer que les efforts conjugués de la collectivité publique et de ses partenaires, l’expérience et les compétences acquises par les entreprises sur un site de dimension internationale, leur implication dans la recherche de nouvelles perspectives, et la gestion concertée de cette phase sensible de démobilisation par KNS et les groupements en place, auront largement permis aux entreprises de rebondir ». Les salariés locaux représentaient 82 % des effectifs de l’usine fin 2014, sur un total d’environ 2 740 personnes. Plus de 200 d’entre eux continuent aujourd’hui de travailler sur le site dans le BTP, le génie civil, le VRD, le terrassement, mais également dans le second œuvre. Les activités d’échafaudage, de levage, de tuyauterie et de maintenance industrielle sont parallèlement en forte croissance.

La phase de construction de l’usine du Nord aura mobilisé plus de 6 350 personnes jusqu’à fin avril 2012. Environ 40 % d’entre elles étaient des travailleurs locaux, soit 2 510 tous secteurs d’activités confondus. 1 400 personnes étaient issues de la province nord, soit 22 % du total. À la même période, 220 entreprises étaient titulaires de contrats directs avec l’usine, dont 49,5 % basées en province Nord. Terrassement et VRD ont représenté un tiers des retombées économiques locales de l’usine du Nord à la mi-2012, soit environ 43,5 milliards de francs sur un total de 130,6 milliards. À la mi-2014, l’ensemble des retombées avait grimpé jusqu’à 283 milliards (construction + démarrage des opérations).

© Patrick Chalas

En chiffres

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INFO MINES

KNS courtise les femmes

L’activité du site de Vavouto génère des centaines d’emplois indirects chez les partenaires de Koniambo Nickel. L’industriel a donné de nouvelles perspectives aux gens du pays et sous-traitants. Offrant une place réelle aux femmes. Rencontre avec Isabelle Goa, agent d’entretien chez Maabula.

© Claudine Quéré

par Claudine Quéré

Isabelle a fait venir chez Maabula sept femmes de la tribu d’Oundjo.

Un accident de famille, la maladie d’un proche. En 2013, Isabelle Goa a opéré un véritable retour aux sources. Elle a choisi de revenir s’installer sur les terres de son enfance, à la tribu d’Oundjo de Voh. Perspective : l’usine du Nord. « Je voyais de loin se faire la construction et ma tribu quelque peu déstabilisée. J’ai eu envie d’être sur place, d’avoir un œil sur ma nature, mon lieu de pêche depuis toujours, avoue cet agent d’entretien de 48 ans. Je suis entrée dans la société Maabula lors de la démobilisation. J’ai profité du Plan Réaction organisé par la cellule Koniambo en faveur des sous-traitants ». Maabula existe depuis plus de dix ans et emploie une trentaine de salariés, exclusivement des femmes aujourd’hui. L’une d’entre elles rend particulièrement fort le sentiment d’appartenance d’Isabelle Goa à son entreprise. « La fondatrice du groupe n’est autre que Léo Varnier (originaire des tribus d’Oundjo et Gatope), très impliquée pour la cause des femmes kanak, notamment en région Nord. » Celle-ci, soutenue 20

par un cousin mandataire du GDPL Taa ma Pwanefuk (ayant droit coutumier sur la presqu’île), a créé Maabula (littéralement « persévérant », en langue haveeke), organisme en charge du nettoyage des locaux sur Vavouto. La société recrute avec un objectif : élaborer une économie solidaire en faveur de foyers que Léo Varnier connaît bien.

Respect de l’environnement

Travailler sur place et dans son milieu de vie naturel, telle est la politique de Koniambo Nickel, notamment en faveur des femmes. Isabelle Goa est aujourd’hui un leader qui fédère l’adhésion des jeunes de la tribu. « Je me suis dit qu’en travaillant au plus près de Koniambo Nickel, nous pourrions contribuer aux différents aménagements et à la propreté du site de Vavouto, expliquet-elle. J’ai fait venir depuis beaucoup de femmes et jeunes filles (sept d’entre elles de la tribu d’Oundjo) ». Isabelle est heureuse et fière de travailler chez Maabula. « J’ai vu une évolution très positive dans la prise en compte de l’envi-

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Engagée pour le pays Isabelle Goa se sent utile et souhaite continuer à évoluer à Vavouto. « J’ai fait différentes formations, je voudrais maintenant passer mon permis de conduire pour devenir chef de chantier. » L’avenir du pays, à travers l’usine du Nord et l’activité de ses sous-traitants, lui tient particulièrement à cœur. « On ne peut parler que de ce qu’on connaît. En travaillant sur site, on peut continuer sa vie de famille, la pêche aussi et être rassuré sur son environnement. C’est un travail d’équipe, des perspectives mises en commun pour le bien-fondé de notre destin. » ronnement. Les mentalités ont changé, le travail que nous mettons en place est dorénavant bien respecté et permet d’assurer la santé des personnes sur site. D’ailleurs, je n’hésite pas à rappeler les notions d’hygiène et de sécurité à la maison. Il faut y penser tout le temps, et pas qu’au travail ! »




INFO MINES © SLN

Si la quantité de particules en suspension et la pollution au dioxyde de soufre sont vouées à baisser avec la centrale à charbon, les rejets de dioxyde de carbone seront, eux, plus importants.

L’enquête publique en ligne Décrié pour son impact environnemental, le remplacement de la centrale à fuel de la SLN par une centrale à charbon fera l’objet d’une enquête publique particulière. Non seulement le dossier pourra être consulté et commenté en ligne, mais la procédure sera prolongée. par Coralie Cochin

Bien que la voie du charbon semble plus que jamais engagée à Doniambo, la société civile, et plus particulièrement les associations environnementales, veulent encore croire à un possible retournement de situation. La période est stratégique puisque l’enquête publique sur la future centrale électrique de la SLN a officiellement débuté le 4 mai et doit durer un mois. À la Province Sud, compétente en matière d’environnement, on estime qu’« il ne s’agit pas d’un projet comme les autres ». « Non seulement il concerne tous les

Calédoniens, et en particulier ceux qui vivent dans l’agglomération de Nouméa, mais il s’agit d’un équipement très important qui sera réalisé pour les quarante ou cinquante prochaines années », justifie Philippe Michel, son président. Face à ce sujet hautement sensible, la collectivité fera preuve d’« exigences particulières » tant « sur la durée » que « sur les modalités » de l’enquête publique.

Pas « à la sauvette »

Traditionnellement, les dossiers relatifs aux enquêtes publiques sont consultables uniquement en mairie. Mais plusieurs obstacles, comme les horaires d’ouverture et le volume de ces documents, compliquent sensiblement la démarche. Afin d’en faciliter l’accès, la Province a décidé de les mettre en ligne. L’enquête publique relative à la Centrale C de Doniambo sera donc consultable à la mairie de Nouméa, à la Dimenc, mais aussi sur Internet. Chacun pourra faire part de ses observations par voie numérique. Et toutes seront prises en compte par le commissaire enquêteur dans la rédaction de son rapport. Autre point important, la durée de cette enquête publique sera prolongée. « Il ne s’agit pas de faire ça à la sauvette », estime Philippe Michel.

Mesures compensatoires Une fois l’enquête close, la Province Sud dispose de plusieurs semaines avant de rendre sa décision. Plusieurs scénarios sont alors possibles. Elle peut décider d’autoriser l’exploitant à entreprendre la réalisation de cette unité. Lui opposer un refus. Ou encore lui donner le feu vert en émettant des réserves ou des conditions. Durant ce délai, la collectivité entamera des discussions avec la SLN, en fonction des remarques et des préconisations du commissaire enquêteur. Au-delà des aspects strictement techniques, deux points essentiels seront abordés : les mesures compensatoires que la SLN est susceptible de prendre dans le cadre de son projet, et l’impact sur la facture d’électricité des entreprises et des ménages que cette nouvelle centrale pourrait avoir, suite au retour à la distribution publique de l’électricité produite par le barrage de Yaté, au coût actuellement très avantageux pour l’industriel.

DERNIERE MINUTEPro!vince Sud

Le 14 mai, le président de la te publique, a décidé d'interrompre l'enquê construcde jugeant l'impact de la phase décrit. nt me sam tion de la centrale insuffi

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« La maîtrise de sa ressource et celle de ses marchés sont les deux paramètres essentiels dans le métier de mineur. »

Directeur général des mines Montagnat, Xavier Gravelat préside aussi le Syndicat des exportateurs de minerai (SEM). S’il prend soin d’éviter toute polémique, il regrette que la politique prenne de plus en plus le pas sur l’économique dans la gestion du nickel et qu’elle freine les exportations. par Frédéric Huillet

La métaphore résume le sentiment des mineurs. « Nous sommes comme une mouche qui tape sur une vitre. » Xavier Gravelat et ses confrères exportateurs voient bien des horizons de développement derrière cette vitre. Mais ils ne peuvent y accéder faute d’ouverture à travers les persiennes closes des autorisations administratives. Plusieurs mineurs attendent en effet le feu vert du gouvernement pour livrer des bateaux de minerai à la Chine. Montagnat, Maï et Ballande ont déposé les mêmes demandes à quelques jours d’intervalle, en octobre 2014. « Nous n’avons eu aucune réponse, c’est le silence, déplore le président du SEM. Pourtant, côté SMGM*, il ne s’agit que de 300 000 tonnes sur 18 mois avec une teneur à 1,5 %, le genre de minerai que l’on jette. C’est juste pour

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essayer. Nous ne voulons pas bouleverser les équilibres ni pénaliser les trois usines calédoniennes en exportant du minerai riche vers des pays à faible coût de production. Nous avons une conscience Pays. »

deux paramètres essentiels dans le métier de mineur. Sans ces deux libertés, on ne peut apporter un maximum de valeur en Calédonie. » Le président du SEM s’insurge contre la théorie du « tout traité localement » et se méfie d’une stratégie nickel à sens unique. « Il n’existe pas une politique minière, mais des politiques minières. Il faut construire le raisonnement sur des bases vraies. On voudrait être écoutés et avoir de la visibilité pour honorer nos contrats. Les exportateurs sont capables de convaincre que les modèles sont complémentaires. Arrêtons de vouloir privilégier telle stratégie plutôt qu’une autre. Pensons économie et pas seulement politique. »

Garder la maîtrise

Aujourd’hui, l’axe majeur se résume à exporter vers la Corée du Sud pour alimenter l’usine de Gwangyang. « Oui, nous allons livrer un bateau parce qu’on nous l’a demandé », consent Xavier Gravelat. Avant de nuancer : « Il n’est pas question de fournir uniquement du minerai riche et de garder le minerai pauvre. Sinon il va nous rester sur les bras, et moi je vais tuer mes mines et fermer. La maîtrise de sa ressource et celle de ses marchés sont les

• SMGM : Société minière Georges Montagnat

Le Japon tout bénef Au terme d’un accord passé en avril avec leurs trois gros clients japonais, les exportateurs sont parvenus à une hausse de leurs bénéfices grâce à deux éléments essentiels. D’une part les importateurs acceptent des livraisons de minerai de nickel dont la teneur baisse de 2 à 1,8 % et qu’ils paieront aussi plus cher. D’autre part, les fournisseurs calédoniens seront directement intéressés aux bénéfices engendrés par le minerai fondu au Japon. « C’est une rente métallurgique, se félicite Xavier Gravelat. Nous partageons les profits avec nos clients. En sécurisant les livraisons en volumes et en qualité, les Japonais nous accordent leur confiance. Ils acceptent d’acheter le minerai plus cher et de nous intéresser aux bénéfices. Ainsi, nous gagnons en valeur tout en préservant nos titres miniers. Et les impôts seront payés en Nouvelle-Calédonie. Cela rapporte plus d’exporter au Japon que de vendre du minerai à une usine offshore ». La mine Vulcain, sur les hauteurs de Tontouta.

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© SMGM

INFO MINES © Marc Le Chélard

L’export fait vivre



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« Tant que je serai mandataire social, je ne m’impliquerai pas dans un mandat public. »

« On fait des misères à ceux qui réussissent pour protéger ceux qui ne réussissent pas » Quand Louis Ballande accepte de s’exprimer publiquement, chose rare, ce n’est pas pour rien. Le deuxième plus gros propriétaire de titres miniers calédonien hausse le ton. Il ne mâche pas ses mots à l’égard du gouvernement et de la SMSP. Avant de dévoiler son projet de valorisation de la ressource, le « toll treatment ». par Frédéric Huillet

NC Nickel : Vous vous faites rare dans les médias. Est-ce volontaire ? Louis Ballande : Il y a l’entreprise et le contexte de communication publique. Je

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suis dans l’obligation de résultats pour le groupe. Je pense qu’on ne doit communiquer que si c’est vraiment nécessaire pour le bien de l’entreprise.

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Pourtant la famille Ballande est un acteur historique de l’économie calédonienne. Vous disposez de 18 % des titres miniers. N’avez-vous pas la tentation de vous impliquer davantage dans le devenir de ce pays ? L. B. : Ballande a toujours eu une forte légitimité dans le nickel calédonien. Mon père a acheté les titres après la Seconde Guerre mondiale et a toujours souhaité nouer des liens avec les principaux opérateurs miniers internationaux. Même si nous sommes ceux qui parlons le moins, nous restons très actifs avec deux sites sur la côte Est (Canala et Houaïlou) et un


« 2014 a été très facile pour nous »

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sur la côte Ouest (Koumac). Cela représente beaucoup d’emplois directs ou en sous-traitance. Nous avons aussi inventé un système de partenariat et d’intégration des cadres avec différentes alternatives. Soit des sociétés privées mélanésiennes travaillent avec nous. Soit des communautés locales participent au capital de notre entreprise si elles sont suffisamment représentatives des intérêts locaux.

« Aujourd’hui, dès qu’il s’agit de parler nickel, cela donne des boutons à certaines personnes. »

2014 a-t-elle été une année difficile, comme le disent la grande majorité des mineurs ? L. B. : Au contraire, 2014 a été très facile pour nous. C’est cela que je ne comprends pas. On fait des misères à ceux qui réussissent pour protéger ceux qui ne réussissent pas. C’est ce qui me choque le plus. 2014 a été pour Ballande une année extrê-

mement favorable. Nous sommes très largement bénéficiaires. Nous avons exporté de beaux volumes. Comment avez-vous digéré les dégradations de Nakéty de janvier 2014 ? L. B. : Grâce à la motivation de notre personnel, les conséquences sociales ont été limitées. Le travail a repris rapidement.

© Groupe Ballande

Vous n’avez pas répondu à la question… L. B. : Non, je ne veux pas m’impliquer davantage dans le devenir du pays, aussi longtemps que je serai à la tête de cette entreprise. Je suis chargé de défendre des intérêts privés. Je ne peux pas m’engager sur des intérêts collectifs. Tant que je serai mandataire social, je ne m’impliquerai pas dans un mandat public.

Dans le cadre de l’accord entre SMSP et Posco, Ballande et les autres « petits mineurs » doivent s’engager à livrer des bateaux de minerai à la Corée sans aucune garantie de prix.

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ENTRETIEN © Marc Le Chélard

« Toll treatment » avec les Chinois Après MKM et son usine à Santo, Louis Ballande révèle sa propre option de valorisation de la ressource calédonienne. « Nous avons un projet avant-gardiste qui correspond à ce qu’il faut appliquer. Il s’appelle le toll treatment. Les Chinois ont développé plusieurs usines qui n’ont plus de minerai à croquer depuis le “ban“ de l’Indonésie (ndlr : interdiction d’exporter). Nous allons créer une joint-venture (ndlr : partenariat financier) avec ces usines. Nous allons investir pour augmenter notre capacité de production sur les mines calédoniennes en partageant le risque. Nous ne vendrons pas le minerai, mais le mettrons à disposition d’une usine chinoise qui nous facturera son coût de prestation et nous rendra le métal produit que nous commercialiserons au travers de cette joint-venture locale. » Pour Louis Ballande, les avantages de ce montage sont nombreux. Se protéger contre l’aliénation de ses titres miniers. Éliminer tout risque de pollution supplémentaire. Et optimiser la valorisation du minerai. Sur ce dossier, Ballande travaille aujourd’hui avec « de gros conglomérats chinois ».

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« Le contexte calédonien est devenu beaucoup trop aléatoire pour nos partenaires étrangers qui ne veulent plus prendre de gros risques. »

Il y a toujours des conséquences aujourd’hui car le matériel a beaucoup souffert. Mais nous n’avons pas eu besoin de renouveler le parc d’engins immédiatement. On a fait marcher ce qui pouvait encore fonctionner. Maintenant, il est vrai que nous avons l’obligation de remplacer beaucoup de ces matériels que l’on a retrouvés au fond des ravins, pour un montant d’1,2 milliard de francs. Dans cette affaire, je tiens à rendre hommage à nos collaborateurs qui se sont beaucoup investis.

« L’export est plus rentable » N’avez-vous pas trop souffert des cours très faibles au LME ? L. B. : La moyenne sur l’année a été plutôt bonne avec une tonne à environ 16 000 $. C’est bien meilleur qu’en 2013. En parallèle, nous avons eu de bonnes discussions avec nos partenaires japonais qui nous ont permis de mieux valoriser nos exportations

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de minerai. Enfin, nous avons pu réduire nos teneurs à l’exportation à un peu plus de 1,90 %. Cet ensemble de facteurs a facilité notre exercice. Pourtant on entend les opérateurs miniers se plaindre. L. B. : Dire aujourd’hui que l’exportation de minerai n’est pas une bonne façon d’optimiser la valeur de la ressource est une hérésie. Par l’export, on peut obtenir jusqu’à 30 % du prix LME lorsque le cours est suffisamment haut. Le mécanisme des prix nous est de plus en plus avantageux. Aujourd’hui, l’exportation de minerai est mille fois supérieure en termes de rendement que la transformation locale. La preuve : les transformateurs locaux, lorsqu’ils travaillent, perdent de l’argent, alors que les exportateurs en gagnent. Et nous payons de l’impôt, environ 500 millions de francs par an sur les dix dernières années. Sans oublier notre contribution sociale (salaires, charges et prestations) de 2,5 milliards par an pour la seule côte Est. Le rôle des petits mineurs est loin d’être marginal. Nos sociétés ont une fonction vitale dans le maintien de l’emploi. Interview réalisée fin mars 2015


© Groupe Ballande

Chaque exportateur doit recevoir l’autorisation du gouvernement pour livrer son minerai à l’étranger. Depuis plusieurs années, Ballande vend 100 % de ses saprolites à son client japonais Sumitomo. Leur contrat de cinq ans ayant pris fin au 31 mars dernier, les deux sociétés ont souhaité prolonger leur partenariat à travers un engagement sur dix ans et sur des volumes accrus afin de compenser une baisse en teneur de 2,15 à 1,9 %. « Le comité consultatif des mines a dit oui. Mais le gouvernement s’y est opposé. Il a réduit notre contrat avec le Japon à cinq ans et nous a contraints à baisser l’export de 600 000 à 500 000 tonnes. Et en plus maintenant, dans le cadre de l’ouverture de la deuxième ligne de Gwangyang, il nous a obligés à prendre l’engagement formel de livrer deux bateaux à la Corée cette année et trois dans les prochaines années sans aucune garantie de prix. Pourquoi vendre à la SMSP alors que l’on peut vendre directement aux Coréens ? Cela prouve qu’il y a un vrai problème dans le contrat entre la SMSP et les Coréens. »

ENTRETIEN

Vendre directement aux Coréens

Suite aux dégradations de janvier 2014, le matériel de Nakéty a beaucoup souffert. Le remplacement des engins, pour certains retrouvés au fond des ravins, est estimé à 1,2 milliard de francs.

Propositions sans réponse Louis Ballande l’affirme, « les sociétés qui exportent sur le Japon gagnent de l’argent, celles qui exportent sur la Corée en perdent ». Selon lui le minerai n’est pas payé à sa juste valeur dans l’accord passé entre SMSP et son partenaire coréen. « Depuis le début, il y a six ans, on est d’accord pour aider la SMSP. On a bien compris que c’était une raison d’État. On est d’accord pour ouvrir des partenariats d’exploitation sur Canala, Poya, ou d’autres zones qui arrangeront tout le monde grâce à des accroissements de capacité. Mais à chaque fois que nous avons essayé de discuter, personne ne nous a répondu. »

À en croire Louis Ballande, le contexte calédonien est devenu beaucoup trop aléatoire pour les partenaires étrangers qui ne veulent plus prendre de gros risques. « J’entends exactement le même discours chez les gens de Glencore et Vale. Nous sommes aujourd’hui dénotés en raison d’un environnement politique instable et des règles qui changent tout le temps. En plus, nous avons sur le terrain des pressions qui renchérissent nos coûts et entravent notre sérénité. » Trop d’incertitudes donc pour justifier de lourds investissements.

© Groupe Ballande

« Nous sommes dénotés »

Le projet de « toll treatment » avec des conglomérats chinois permettrait d’optimiser la valorisation du minerai.

Au fil de la discussion - « Nous étions candidats pour le projet de Monsieur Maï sur le projet d’usine au Vanuatu. Si c’est une bonne idée, pourquoi ne pas l’étudier ? Mais Monsieur Maï ne nous a pas invités. » - « Aujourd’hui, dès qu’il s’agit de parler nickel, cela donne des boutons à certaines personnes. » - « En raison du veto du gouvernement sur les autorisations d’exportation vers le Japon, nous allons devoir réduire notre activité. C’est l’emploi sur la côte Est qui va en souffrir. » - « Je ne vois pas l’intérêt pour la Nouvelle-Calédonie d’être majoritaire à la SLN avec de telles charges et une usine qui tourne à perte. On sait que la SLN devra quitter Doniambo. Par contre, je comprends mieux lorsqu’il s’agit de revendiquer la majorité de la ressource appartenant à la SLN. Ça peut rassurer les Coréens, mais cela ne profitera qu’à des conglomérats extérieurs. » - « L’erreur est de penser qu’il peut y avoir une stratégie nickel unique pour le pays. La meilleure façon de valoriser la ressource est d’avoir plusieurs modèles. L’exportation a un sens, comme la transformation. Il ne faut pas les opposer. »

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ENTRETIEN © Photos Patrick Chalas

« On ne peut pas dire que les autorités du Vanuatu et de Nouvelle-Calédonie n’étaient pas au courant. »

« Tout a été fait dans la transparence » Usine au Vanuatu, exportation vers la Chine, ouverture de la mine Graziella au Mont-Dore : Wilfried Maï maintient l’ensemble de ses gros projets malgré la conjoncture difficile. Mais le P-dg du groupe MKM (Maï Kouaoua Mines) est bloqué par l’absence de feux verts du gouvernement. Et il déplore l’attentisme sur une politique nickel du pays. par Frédéric Huillet

NC Nickel : Quel bilan tirez-vous de 2014 ? Wilfried Maï : Un peu comme tous les mineurs. Cela a été une année difficile en raison des cours du nickel au LME. C’est une année négative en termes de rentabilité. Mais nos projets sont toujours bien présents. Cela nous a permis d’embaucher du personnel dans la perspective de

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notre développement. MKM compte 150 emplois directs et 230 avec les emplois indirects. Ce développement commence par quel projet ? W. M. : La demande d’exploitation de la mine Graziella au Mont-Dore est déposée. Nous attendons la réponse des autorités

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compétentes. Nous espérons pouvoir l’ouvrir en juillet-août si tout se passe bien. Ce sera, au départ, une cinquantaine de créations d’emploi et un investissement de 2,5 milliards de francs en matériel. Il reste le gros morceau : le partenariat avec la Chine. W. M. : Nous sommes toujours en discussion avec les Chinois de Jin Pei. Mais nous sommes freinés par les demandes d’autorisation d’exportation vers la Chine. Nous sommes trois mineurs avec Ballande et Montagnat à attendre, depuis dix mois, le feu vert des trois provinces et du gouvernement. Au-delà de ce frein à l’exportation, le projet d’usine à Santo, au Vanuatu, estil toujours d’actualité ? W. M. : Plus que jamais ! Nous avons


ENTRETIEN

retenu un site au Nord de Santo et de Port-Olry, à cap Queros. Il y a une baie de 25 mètres de profondeur pour accueillir les minéraliers et un site idéal sur terre. Tous les coutumiers de la zone ont été consultés et ont dit oui. Nous avons signé un accord le 28 août avec le président de la Province de Sanma, le 4 septembre avec le vice-Premier ministre du gouvernement du Vanuatu et le 18 septembre avec notre partenaire Jin Pei. On ne peut pas dire que les autorités n’étaient pas au courant. Tout a été fait dans la transparence. Votre initiative semble pourtant avoir surpris beaucoup de monde en NouvelleCalédonie ? W. M. : Avant même de nous rendre au Vanuatu, nous avons rencontré toutes les autorités politiques, administratives, minières et syndicales calédoniennes. Tout le monde a été informé de notre projet, du haut-commissaire au gouvernement et aux responsables de partis politiques. Seul Monsieur Néaoutyine n’a pas souhaité nous recevoir. Quel serait le procédé de l’usine de Santo ? W. M. : C’est une usine pyrométallurgique de dernière génération, méthode Krupp-Renn. Elle sera alimentée par une centrale à charbon, moins consommatrice d’énergie. Elle pourra traiter du minerai à partir de 1,3 % de teneur de nickel avec peu de contrainte de fer. La ressource

« Il est important de partager avec les autres mineurs » de MKM est estimée à 127 millions de tonnes à une teneur moyenne de 1,35 %. Nous devrons fournir 1 million de tonnes par an pour alimenter le four de cette usine. Mais il ne faut pas tout faire tout seul. Il est important de partager avec les autres mineurs. Si on s’entend, on pourrait arriver à 3 millions de tonnes chaque année avec Ballande, Montagnat, la SLN et la SMSP. Avez-vous déjà établi un calendrier ? W. M. : C’est impossible d’établir un calendrier face aux blocages du gouvernement. Nous n’avons toujours pas l’autorisation d’exporter vers la Chine et

La demande d’exploitation de la mine Graziella au Mont-Dore est déposée. Le boss de MKM espère pouvoir l’ouvrir en juillet ou en août.

Une stratégie régionale ?

cela refroidit Jin Pei. On a déjà beaucoup investi pour monter le projet et nous attendons. Si nous obtenons le feu vert, si nous avons une assise politique, Jin Pei viendra discuter avec les décideurs calédoniens. En cas d’autorisation, les entreprises calédoniennes seront-elles impliquées dans la construction de l’usine ? W. M. : Il y aura beaucoup de questions à régler au préalable en matière d’études de faisabilité, de plan d’investissement et de mise en place des financements. Dès que tout sera réglé, les entreprises calédoniennes seront naturellement sollicitées. Interview réalisée fin mars 2015

Pas facile de gagner de l’argent avec un cours au LME en-dessous de 14 000 $ la tonne. « On souffre de l’absence de stratégie minière qui nous empêche de peser sur les prix et de mieux valoriser la ressource, explique le P-dg de MKM. Le combat n’est pas Nord contre Sud, mais Nouvelle-Calédonie sur les marchés du nickel, c’està-dire essentiellement vers la Chine. Il faudrait que les acteurs de la région (Philippines, Indonésie, Salomon...) se mettent d’accord sur un prix plancher à 17 500 $ la tonne qui est notre seuil de rentabilité. Je suis favorable à une organisation du style Open (Organisation des pays exportateurs de nickel) pour peser sur les cours ».

Devant le fait accompli Concernant l’alimentation de la deuxième tranche de Gwangyang, MKM est prêt à fournir à la SMSP entre 100 000 et 200 000 tonnes par an. « Avec un minerai à 1,90 %, à condition que nous soyons rémunérés sur la base des prix japonais du Gogokai et que nous disposions de garanties de paiement, précise Wilfried Maï. Ce serait mieux si les Coréens nous achetaient directement le minerai. Pour autant, il faut rappeler que MKM a été le premier en 2012 à soutenir la SMSP et son projet Pays, en appelant à l’aider à fournir son partenaire coréen Posco. Nous sommes un client historique. Mais il ne faut pas que les choses se passent n’importe comment. Les partenariats doivent être clairs ». Le boss de MKM préside par ailleurs le syndicat des industries de la mine. « Pour l’instant, on discute dans l’opacité. La preuve avec les livraisons pour l’usine coréenne. On est passé d’un besoin de 1,8 à 3,8 millions de tonnes sans être consultés. On nous demande un coup de main en nous mettant devant le fait accompli. Ce serait bien que l’on instaure une vraie politique nickel concertée à l’échelle du Pays. »

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FORMATION © Cégep AT

En 2015, une trentaine d’étudiants calédoniens devraient revenir diplômés du Québec. Mais certains en profitent pour avoir d’abord une première expérience professionnelle à l’étranger.

Mon diplôme au Canada par Annabelle Noir

Depuis 2007, 320 étudiants calédoniens ont bénéficié du programme Cégep Mobilité Québec. Objectif ? Obtenir un diplôme de technicien supérieur dans des domaines intéressant particulièrement l’industrie et la mine. Le programme Cégep Mobilité Québec, porté par la Direction de la formation professionnelle continue de la Nouvelle-Calédonie (DFPC), est une mécanique bien huilée. Actuellement, 110 étudiants calédoniens sont en formation, une trentaine devrait revenir diplômés en 2015 sur le Caillou, tandis que 29 sont en partance, sélectionnés et préparés avec soin avant le grand voyage. « Chaque année, ce volume de places est réparti dans les différentes formations en fonction des besoins économiques du pays », précise Audrey Charbonnel, responsable de la section accompagnement des parcours individualisés à la DFPC. Sans surprise, le secteur industriel et le secteur minier arrivent en tête des demandeurs. Les profils recherchés à la sortie des collèges d’enseignement général et professionnel (Cégep) québécois sont multiples. « Technicien en minéralurgie, en maintenance et mécanique, et, de plus en plus,

en environnement, hygiène industrielle et sécurité au travail, mais aussi en génie civil », cite ainsi Renaud Chalmin, chef de département du développement des ressources humaines à Koniambo Nickel SAS.

Autonomes et responsabilisés

Les entreprises minières calédoniennes ont développé un intérêt certain pour ces diplômés du grand froid. « Les jeunes passent trois ans loin de leur famille, avec des étudiants québécois. Quand ils reviennent, ils sont différents. On retrouve des personnes responsabilisées, autonomes et à l’esprit ouvert. Ils ont vécu un vrai travail de projet et d’équipe », témoigne Renaud Chalmin qui met également en avant « la grande proximité de ces formations avec les industries ». Mais quel est le secret des Québécois ? Pierre-Étienne Beausoleil, du Cégep de Sept-Îles, lève le voile : « Les formations proposées dans les Cégep collent avec la réalité économique de la région où ils sont implantés. Les étudiants reçoivent un enseignement très technique, sur des équipements de pointe, proches de ceux de l’industrie. Ils alternent cours et stages en entreprise afin d’acquérir des compétences pratiques ».

Enseignants très investis

Henri Mala, 29 ans, diplômé en génie civil en 2011, se rappelle quant à lui de « professeurs très investis : le soir, après les

cours, et même le week-end, ils étaient là pour nous aider ». Dès son retour au pays, le jeune homme a été recruté par Koniambo Nickel SAS comme technicien de gestion des eaux de surface. Il est aujourd’hui employé à la mairie de Nouméa. Le DEC (diplôme d’études collégiales) québécois n’est pas reconnu par le système français, mais un arrêté a permis de l’intégrer pour l’accès à la fonction publique en NouvelleCalédonie. Si les grandes sociétés sont d’ores et déjà convaincues de la valeur de ces diplômes, la DFPC continue leur promotion auprès des petites et moyennes entreprises locales.

Cégep Mobilité Québec DFPC – Section accompagnement des parcours individualisés Tél. : 26 65 00 – api.dfpc@gouv.nc www.dfpc.nc

Un annuaire des anciens La DFPC met en place un annuaire des anciens bénéficiaires de ses programmes de Bourse territoriale de formation (BTF), Mobilité Québec et Métropole. Près de 400 personnes ont déjà répondu pour figurer dans cette base de données qui sera très utile aux futurs étudiants et aux entreprises.

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FORMATION © Niko Photos

Bancs hydrauliques, automates communicants, pont roulant… À Champagnat, les étudiants bénéficient d’outils pédagogiques proches des équipements des industries calédoniennes.

La maintenance, c’est maintenant ! par Annabelle Noir

Du fait de la très forte demande des entreprises en maintenance, le lycée professionnel Marcellin-Champagnat, à Païta, a ouvert un BTS maintenance industrielle (MI) en 2014. Un cycle court pour des diplômés aptes à intégrer de suite le monde du travail. « Toutes les entreprises qui ont des systèmes de production ont besoin de services de maintenance. Pour certaines, c’est une fonction vitale. L’intérêt du BTS maintenance industrielle réside dans sa polyvalence. Cette formation donne accès à l’ensemble du secteur industriel, que ce soit la bureautique, l’agroalimentaire, les transports, et bien sûr la mine », annonce Béniéla Lorée, chef de travaux au lycée Marcellin-Champagnat. Vingt-et-un étudiants poursuivent actuellement leur seconde année dans l’établissement de Païta. Dont Brandon, 20 ans. « Je suis originaire de Pouembout. Les besoins en maintenance y sont très importants avec l’usine (de Koniambo Nickel SAS). C’est un métier d’avenir », lance le jeune homme

qui compte bien travailler ensuite en province Nord, où il a effectué son premier stage. Pour l’instant, peu de ses camarades se sont laissés tenter par le secteur minier. « Ce n’est que notre première promotion. Nous manquons encore de recul par rapport à leur orientation », indique M. Lorée.

Équipement “local”

Au programme de cette filière post-bac, beaucoup de technique, « plus de 50 % des enseignements », précise le chef de travaux. De nombreuses heures de formation ont lieu sur un plateau technique inauguré l’année dernière. Le lycée Champagnat s’est doté d’outils pédagogiques proches des équipements des industries calédoniennes. « Nos étudiants travaillent sur des bancs hydrauliques à commande proportionnelle et sur des automates communicants très répandus localement. Ils sont aussi familiarisés avec le fonctionnement d’un pont roulant. »

Des étudiants sur le terrain

Du terrain également avec dix semaines de stages répartis sur les deux années. « La première période est un stage “ouvrier” de quatre semaines où les étudiants sont intégrés dans une équipe de maintenance, tandis que le second stage, de six semaines, leur permet de mener un projet au sein de l’entreprise. Par exemple, la

mise en place d’une procédure de maintenance ou l’amélioration d’un système de production. » Le titulaire d’un BTS maintenance industrielle est destiné à devenir chef d’équipe, c’est-à-dire à être autant à l’aise dans la pratique que dans le management. Ainsi, Samantha, 20 ans, sait qu’avec ce diplôme, elle pourra « travailler dans le service maintenance d’une industrie, pour une société sous-traitante ou avoir accès aux bureaux d’études ». Ce personnel qualifié est d’ores et déjà très attendu par les entreprises calédoniennes.

Du BTS MI au BTS MS Il s’agit de la première et dernière promotion d’étudiants sous l’appellation BTS maintenance industrielle puisque, avec la rénovation de la voie professionnelle, ce diplôme est devenu le BTS maintenance des systèmes (MS) qui comprend trois options. Le lycée Marcellin-Champagnat a choisi l’option systèmes de production, la plus proche de la formation actuelle (les autres, systèmes énergétiques et fluidiques et systèmes éoliens, sont davantage tournées vers les énergies renouvelables). Les étudiants en première année de BTS MS ont effectué leur rentrée en 2015. Contact : lycée Marcellin-Champagnat Tél. : 35 31 24

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FORMATION © Photos Claudine Quéré

La moitié des soixante stagiaires formés chaque année en section mine sont de jeunes femmes.

Pour sauter sur la mine

Le Service militaire adapté représente une opportunité pour les 18-25 ans d’acquérir savoirêtre et savoir-faire. En synergie avec les acteurs socio-professionnels, il accompagne sur dix plates-formes techniques jeunes hommes et femmes vers une vie citoyenne et responsable. Chaque année, la section mine propose à 60 stagiaires une formation de huit mois. par Claudine Quéré

« Objectif 600 », le Régiment du service militaire adapté (RSMA) de NouvelleCalédonie ne cesse de monter en puissance. De 250 volontaires formés en 2010, il devrait passer les 575 à l’horizon 2017. Les évolutions des besoins lui imposent une adaptation permanente, tout comme la mise en œuvre d’une véritable synergie avec le monde de l’entreprise. Vale, Ballande, SLN, NMC et KNS sont les partenaires privilégiés de la filière mine créée en 2002 à Koumac. Basculée en 2006 sur la 2e compagnie de Koné, la section reçoit une soixantaine de jeunes par an. « Les recrues viennent de tout le territoire mais peu des Iles », souligne le sergentchef Mouridi Bacar. Les stagiaires suivent une formation militaire d’un mois et une préparation professionnelle de sept mois. Remise à niveau scolaire, sensibilisation à la citoyenneté, permis VL et PL sont autant de chances offertes à ces jeunes souvent en situation de rupture.

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Par tranche de vingt à chaque session (trois par an), les volontaires sont formés tant à la conduite d’engins qu’à l’ensemble des règles propres aux sites miniers. Sur les 550 heures délivrées en cours pratiques et théoriques, l’accent est systématiquement mis sur les normes d’hygiène, de sécurité, l’environnement et le comportement. Sur la plate-forme technique de Koné, ils peuvent s’initier à la manipulation de mini-pelles (CACES 1)* ou chargeuses (CACES 4), des machines qui pèsent jusqu’à six tonnes.

Suivis pendant six mois

À l’issue de cette formation aux métiers de la mine, les stagiaires ont différentes possibilités d’avenir. Certains poursuivent leur cursus au Centre de formation aux techniques de la mine et des carrières (CFTMC) de Poro, pour obtenir des diplômes de niveau 5, indispensables au métier d’opérateur polyvalent mine.

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Les jeunes du Nord peuvent intégrer les cursus de Koniambo Nickel SAS ou de Nickel Mining Company. « Les conventions avec ces partenaires garantissent des places réservées aux stagiaires du Nord, cela participe au rééquilibrage », explique le sergent-chef Bacar. Ceux du Sud sont encadrés au centre de formation du groupe Vale NC**. « Certains jeunes partent enfin sur un emploi direct après la session du RSMA, souvent sur des entreprises familiales ou communales. Ils sont néanmoins tous suivis encore six mois après la fin de leur formation. Personne n’est jamais laissé seul dans la nature. »

* Certificat d’aptitude à la conduite en sécurité ** 7 stagiaires ont intégré en février les équipes d’exploitation minière en CDI, en alternance entre formation et opérations. 44 autres devraient rejoindre Vale NC en CDI d’ici à 2016 (mine, opérations logistiques et sécurité).


« Une chance de se dépasser » Josica Guisgant est engagée volontaire au RSMA de Koné. Formatrice de la filière mine, elle accompagne les stagiaires depuis six ans. Elle a commencé comme secrétaire VT à Koumac, a su saisir les opportunités et collectionner les diplômes. « Il faut faire savoir combien le RSMA est une véritable chance de se dépasser. J’ai vraiment aimé la polyvalence. Je m’y suis responsabilisée et je me lance aujourd’hui dans le civil avec confiance. » Josica quitte en effet son poste pour retourner dans l’administration.

Sur la plate-forme de la section mine de Koné, des engagés volontaires, comme ici Josica Guisgant, encadrent les jeunes stagiaires. Métiers, formations et emplois de l’industrie minière et métallurgique

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PORTRAIT © Photos Patrick Chalas

« Avec 34 %, la STCPI détient déjà une minorité de blocage dans le capital de la SLN. Pourquoi changer quelque chose qui marche ? »

Un DG très diplomate

par Frédéric Huillet

Jérôme Fabre, le nouveau directeur général de la SLN, maintient le cap sur Doniambo avec la construction de la Centrale C. Il réaffirme son objectif de réduction des coûts et vante les mérites de l’export pour les minerais à faible teneur. Dans un discours tout en rondeur. Il a longtemps travaillé au service de l’État, et cela s’entend. Les propos de Jérôme Fabre sont ronds et dénués de toute polémique dans un climat nickel pourtant tendu. Les ambitions avouées de certains leaders d’une prise de majorité au capital de la SLN via la STCPI* sont balayées d’une pirouette diplomatique : « Avec 34 %, la STCPI détient déjà une minorité de blocage. Le dialogue existe dans un bon système. Pourquoi changer quelque chose qui marche ? ». Il n’en dira pas plus. Autre sujet qui fâche : la Centrale C de Doniambo. Si le recours au charbon ne l’inquiète pas tant il en vante les mérites, il lâche un seul et infime mouvement d’humeur en fronçant les sourcils lorsque l’on évoque la double défiscalisation. « Ce serait incompréhensible qu’elle ne soit pas accordée. L’enjeu économique est bien trop important. » Car dans cet investis-

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sement d’environ 100 milliards de francs, le financement de 22 milliards serait assuré par la défiscalisation métropolitaine et 9 milliards par le dispositif local. Mais quoi qu’il arrive, Jérôme Fabre reste conforme à sa feuille de route : « La Centrale C se fera. C’est l’avenir de 10 000 familles et de 10 % du PIB calédonien qui en dépend ».

Réduction des coûts

C’est l’argument massue de la SLN. Son poids économique et ses dividendes fiscaux comme d’actionnariat, ses efforts de formation en interne, ses participations dans la vie sociale, ses aides aux associations, ses initiatives environnementales... Le nouveau directeur général s’épanche longuement sur les bienfaits de la vieille dame. Et il affirme avoir pour mission de maintenir Doniambo en vie pour encore quarante-cinq ans avant de glisser vers

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l’hydrométallurgie et le Sud. La centrale au charbon lui fournira un gain de productivité en réduisant sensiblement sa facture énergétique. Mais avant même la mise en service espérée courant 2019, la direction de la SLN va poursuivre ses efforts de réduction des coûts. « Nous voulons abaisser le cash cost (coût de productivité) d’un dollar par livre de nickel produit à l’horizon 2018. Il est impératif de nous situer parmi les usines mondiales les plus compétitives », insiste Jérôme Fabre qui déplore « les 40 milliards de cash brûlés depuis 2012 ».

La pépite japonaise

En renfort de ces efforts, la baisse mondiale des teneurs à l’export brille comme une pépite. De 2 % et plus, les Japonais ont accepté d’être livrés en minerai de nickel à 1,8 % dès ce mois de juillet. « Nous avons


PORTRAIT Le nouveau directeur général a pour mission de maintenir Doniambo en vie pour encore quarante-cinq ans avant de glisser vers l’hydrométallurgie.

gagné 40 % de bénéfices sur le prix de vente en un an grâce aux négociations sur les prix, à la baisse des teneurs et au partage de marge de 50 % dans les profits des usines japonaises », applaudit-il. L’export est complémentaire de la production locale car d’autres fondeurs sont aussi intéressés par des minerais abaissés jusqu’à 1,5 %. De fait, les stériles et les déchets d’anciennes mines se trouvent à présent valorisables. À l’Étoile du Nord, à Poro Bonini ou à la future « Union Révolution » de Houaïlou, la SLN prévoit de les exploiter. Mais il n’est pas question d’exporter du lourd. Les 2 % et plus prennent la mer vers Doniambo ou sont conservés en réserve comme sur les hauteurs de la Tontouta où la SLN a déposé un brevet sur un gisement à 2,27 %. À moins qu’ils ne soient vendus aux « amis » du Nord. « Nous accordons la priorité aux usines calédoniennes. Nous ne devons pas nous faire concurrence », clame le directeur général en signe d’apaisement. Les fameuses 350 000 tonnes à environ 2 % seront donc cédées cette année à NMC-SMSP qui les vendra à son tour aux Coréens de Posco. L’usine de Gwangyang tournera en partie grâce à la SLN, mais devra s’aligner sur les nouveaux tarifs du marché initié par le récent accord conclu avec les Japonais. C’est le prix de la solidarité. Et la loi du LME. * STCPI : la Société territoriale calédonienne de participation industrielle détient 4,17 % du groupe Eramet et 34 % de la SLN

Neuf ans au service de l’État Depuis le 1er avril, Jérôme Fabre est le nouveau et jeune (41 ans) directeur général de la SLN, en remplacement de Pierre Gugliermina qui en est devenu le président. Il avait rejoint l’entreprise en janvier 2014 comme directeur de l’amélioration opérationnelle, puis adjoint au directeur général. Son rôle visait à animer la réflexion sur les objectifs d’amélioration concurrentielle de l’entreprise, ainsi que sur les moyens et méthodes à mettre en œuvre pour y parvenir. Jérôme Fabre avait rejoint le Groupe Eramet en tant que directeur du développement de la branche nickel début 2009. Ses responsabilités englobaient la stratégie et le développement. Il était également impliqué dans le développement du projet Weda Bay Nickel en Indonésie. Auparavant, cet ancien élève de Polytechnique, diplômé de l’École nationale des Ponts et Chaussées (ingénieur en chef) et du Collège des Ingénieurs (MBA), a travaillé pendant neuf ans pour l’État. Il a occupé diverses fonctions au ministère de l’Économie et des Finances (2000-2005). Avant de servir comme conseiller économique et industriel à l’ambassade de France à Washington de 2005 à 2007. Et d’exercer jusqu’en 2009 des fonctions de conseiller technique du ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du Territoire.

Un homme jeune pour une vieille dame.

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MINE DE RIEN © Patrick Chalas

Chaque année, l’ensemble des mineurs calédoniens extraient des centaines de milliers de tonnes de minerai de nickel dont la teneur en scandium reste à évaluer.

Le scandium, un nouveau filon ? Les montagnes de minerai de nickel arrachées chaque année à la Grande Terre peuvent contenir des métaux stratégiques (“terres rares”), à l’image du scandium. Si la présence abondante de ce métal se confirmait, son exploitation optimisée avec celle de la ressource nickel représenterait un filon de développement à haute valeur ajoutée. Une étude pilotée par le CNRT* va permettre d’en savoir davantage. par Frédéric Huillet

Tous les mineurs le savent déjà : les latérites, saprolites et garniérites contiennent des métaux rares dont les concentrations, bien plus faibles que celle du nickel, varient de quelques dizaines à centaines de grammes par tonne le long du profil d’altération. Sur les sites d’extraction de la SLN,

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de KNS ou de Vale, la présence de scandium a été identifiée. Mais en quelle quantité ? Et surtout, peut-on l’exploiter ? L’enjeu économique est significatif. En 2011, un simple kilo d’oxyde de scandium se vendait 6 000 $. Transformé en matte, ce même kilo atteignait 134 000 $. Dès lors, on imagine les profits qu’engendrerait sa commercialisation si les coûts de production étaient maîtrisés.

Une étude de 18 mois

La SLN a décelé la présence de scandium non seulement en Calédonie lors de la prospection sur les massifs de Prony-Pernod, mais aussi en Indonésie, lors de ses tests à Weda Bay. Les géologues de KNS en ont trouvé sur le massif du Koniambo. Des traces sont aussi apparues chez Vale NC, à Goro. Sans oublier les autres petits mineurs qui chaque année extraient des centaines de milliers de tonnes dont la teneur en scandium reste à évaluer. « Nous devons déterminer scientifiquement la teneur en scandium contenue dans le minerai sur les exploitations du territoire », résume Claude Delor, directeur régional du BRGM* en Calédonie. Il a participé depuis 2013 au groupe de travail du CNRT qui a conduit ce dernier à lancer dès cette année une étude de grande ampleur. Une quinzaine de scientifiques venus de Métro-

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pole vont prélever durant dix-huit mois des échantillons sur la Grande Terre et les analyser méticuleusement. Leurs conclusions seront livrées fin 2016.

Process hydrométallurgique

« Le CNRT a sélectionné le projet d’une équipe pluridisciplinaire, coordonnée par le CNRS-Université de Lorraine, et qui projette de cibler plus précisément et de manière exhaustive les différentes teneurs de scandium », explique le scientifique. Est-il plus présent dans les latérites ou les garniérites ? À moins qu’il accompagne le fer ou le cobalt ? Pour l’heure, il est impossible de livrer un diagnostic précis. « C’est un sujet d’étude novateur car il n’a jamais été abordé en profondeur. Nous menons une recherche appliquée au terrain », confirme Brice Sevin, géologue, en charge des ressources minérales à la Dimenc*. Les données recueillies par l’équipe scientifique permettront de savoir s’il est économiquement viable d’exploiter cette ressource de métal stratégique, en parallèle du nickel. L’objectif se situe entre 80 et 100 g de scandium par tonne de minerai extraite, si l’on se réfère aux exemples industriels en mesure de valoriser le traitement. Mais déjà, des premiers relevés ont indiqué des teneurs supérieures.


© Frédéric Huillet

D’aspect blanc argenté, le scandium est un métal mou de transition. Mélangé à faible dose (moins de 0,5 %) à l’aluminium, il permet de fabriquer des alliages pour des applications aéronautiques et aérospatiales. Métal stratégique car rare, il est de plus en plus recherché par les industries de pointe. L’oxyde de scandium sert aussi à protéger des surfaces optiques car il est très dur, transparent en UV et assez résistant à la corrosion. On le retrouve dans les lampes halogènes de haute intensité ainsi que dans les lasers. D’autres applications sont envisagées pour la composition de réservoirs à hydrogène des véhicules à pile combustible, ou dans la mise au point de vaccins contre les streptocoques du groupe B.

MINE DE RIEN

De multiples applications

Claude Delor, directeur régional du BRGM en Calédonie (à gauche), et Brice Sevin, géologue, en charge des ressources minérales à la Dimenc.

poserait la question de l’opportunité d’une exploitation sur le territoire, en collaboration avec petits et grands mineurs. * CNRT : Centre national de recherche technologique « Nickel et son environnement » ; BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières ; Dimenc : Direction de l’industrie, des mines et de l’énergie de Nouvelle-Calédonie

© Patrick Chalas

Pour l’heure, le process privilégié pour exploiter rentablement le scandium réside dans l’hydrométallurgie car il est possible, à partir de faibles teneurs initiales, de l’isoler au même titre que le cobalt ou le nickel. L’usine du Sud se trouve donc aux avant-postes. Si la ressource est confirmée, l’étude du CNRT conduirait à revaloriser la production exportée en même temps que se

De 80 à 100 g de scandium par tonne de minerai extraite : une teneur qui suffirait à rendre son exploitation rentable en hydrométallurgie.

La Chine loin devant La Chine fournit à elle seule près de 90 % du marché mondial des terres rares. À ce titre, elle contrôle les métaux stratégiques et applique une communication très restreinte sur ses ressources. La production de scandium à l’échelle internationale n’excède pas 2 tonnes par an dont 400 kg en production primaire et moins de 10 kg en production métal. L’ensemble est issu d’une extraction d’oxyde de scandium, celui présent en Calédonie. En 2011, une équipe scientifique japonaise a affirmé avoir trouvé des réserves de terres rares dans les profondeurs du Pacifique. Mais leur extraction poserait des problèmes environnementaux importants. Début 2015, seuls deux gisements étaient exploités en dehors de la Chine, l’un à l’ouest de l’Australie, l’autre en Californie. Une cinquantaine de projets sont en cours de développement, en particulier au Canada, en Australie, aux États-Unis et au Groenland. Sources : Dimenc et Wikipédia

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PUBLIREPORTAGE

Vibatech, notre expertise à votre service Implantée depuis 2005 sur le territoire, l’entreprise Vibatech jouit d’une réputation sans faille. Spécialisée dans la distribution de pièces mécaniques relatives à la transmission de puissance industrielle, elle propose à ses clients des produits de qualité haut de gamme. Professionnalisme, sérieux, confiance et réactivité sont les maîtres mots de l’entreprise.

Quand on entre chez Vibatech, on est d’emblée séduit par les locaux. En effet, depuis le 6 janvier dernier, l’entreprise a déménagé au 11 rue Champion à Ducos dans des bureaux plus spacieux, plus fonctionnels et plus modernes, à l’image des deux cogérants, Emmanuelle Basty et Georges Vieira. « Nous souhaitions pouvoir accueillir confortablement notre clientèle. Aujourd’hui, nous disposons d’une surface globale de 750 m2 qui comprend des bureaux climatisés, un accueil avec un show-room, deux espaces de stockage spécifiques » explique la cogérante.

Des produits haut de gamme en quantité

Vibatech dispose d’un stock de près de 10 000 références ce qui lui permet de répondre aux besoins des industries locales sur l’ensemble du territoire. Roulements et accessoires, accouplements, courroies, poulies, chaînes, pignons, produits loctite, joints, graisse, outillage, moteurs électriques, produits d’étanchéité classique et hydraulique… tout ce qui est lié à la transmission de puissance industrielle est dis-

tribué par l’entreprise. « Nous travaillons avec un large réseau de fournisseurs, tels que SKF, Colmant, Cuvelier, Rotor, Optibelt, Timken, reconnus pour leur sérieux et la qualité de leurs produits. Nous avons tissé avec nos fournisseurs (pièces, services et logistiques) des liens de partenariats privilégiés ce qui nous permet de dépanner nos clients en un temps record, si nécessaire » souligne Emmanuelle Basty. Autre force de l’entreprise, elle dispose d’un stock « sous douane » prévu pour servir les clients exonérés de taxes, comme les opérateurs miniers ou certains investissements.. Si aujourd’hui, Vibatech emploie un seul salarié, en charge de l’accueil, de la gestion du stock, de la préparation des commandes et de la livraison, « nous avons pour objectif d’étoffer notre personnel pour pouvoir répondre aux demandes de plus en plus importantes » poursuit la cogérante.

Conseils et expertise

« Plus qu’un simple fournisseur, nous souhaitons être un partenaire aux yeux de nos clients » précise Emmanuelle Basty. Forts de 15 années d’expérience en qualité d’in-

génieurs chez SKF, groupe multinational suédois, leader mondial dans le domaine du roulement, les deux cogérants mettent également leur compétence technique au service de leurs clients que ce soit au niveau des produits ou de leur application mais aussi lorsque ces derniers sont confrontés à des problèmes. « Lorsqu’une machine connaît des pannes récurrentes, que les éléments de transmission sont détériorés, nous pouvons étudier les problèmes au cas par cas et proposer à l’entreprise des actions de maintenance prédictive ou corrective, ou un process mieux adapté au fonctionnement et à l’environnement de l’application » indique-t-elle. Par ailleurs, toujours à l’affût de nouveautés techniques, les cogérants sont également en mesure de proposer sur le marché local des technologies performantes et innovantes. « A titre d’exemple, SKF a développé une gamme de roulements qui permet aux entreprises de consommer moins d’énergie. Notre rôle est d’avoir une démarche proactive auprès de nos clients pour les encourager à utiliser ce type de produit » conclut Emmanuelle Basty.

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PROFESSION...

... OPÉRATEUR LOGISTIQUE ET PORTUAIRE

Gardiens du port de Prony Sur les 85 employés du port de Prony, 72 sont opérateurs logistiques et portuaires. Sans eux, l’usine de Goro ne pourrait être approvisionnée en matières premières nécessaires à la transformation du minerai. Découverte d’un métier à l’interface entre terre rouge et mer turquoise. par Virginie Grizon

À Vale NC, les opérateurs logistiques et portuaires sont polyvalents.

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Les opérateurs logistiques et portuaires sont les premiers et les derniers à intervenir sur la chaîne de production de Vale NC à Goro. En fait, leur activité témoigne à elle seule de l’état de santé de l’usine du Sud. « Notre travail augmente avec la montée en puissance de l’usine, précise Guillaume Masson, chargé du port de Prony. Aujourd’hui, nous déchargeons deux vraquiers par mois. L’an dernier, on en comptait en moyenne 1,2 ». Les vraquiers, ce sont d’immenses bateaux contenant 50 000 tonnes de matières premières entassées au fond des cales. On y trouve du charbon venu d’Australie, du soufre extrait au Canada, aux États-Unis ou au Moyen-Orient, et du calcaire en provenance des Philippines. Il faut entre cinq et dix jours pour décharger un tel navire, à l’aide de grues et d’énormes pelleteuses conduites par les opérateurs logistiques et portuaires. Le charbon sert à alimenter la centrale de Prony Énergies, le soufre et le calcaire sont acheminés au cœur de l’usine pour produire du nickel et du cobalt. Lorsque ces produits sortent des entrailles de l’usine, les opérateurs interviennent à nouveau, pour les charger dans des cargos à destination de la Chine. Dans tous les grands ports du monde, les opérateurs sont employés pour effectuer une tâche spécifique, mais chez Vale NC, ils

sont polyvalents et peuvent aussi bien conduire les poids lourds que les chariots élévateurs.

Une femme chez les hommes

C’est justement cette polyvalence qui plaît à Marie-Sébastienne Koroma, 27 ans, l’une des seules femmes opératrices logistiques et portuaires. Avant d’obtenir ce poste en 2012, elle était secrétaire, un emploi qu’elle a décroché après un bac Action et communication administrative obtenu en 2008. « Au début j’aimais bien, mais après quelques mois j’ai trouvé ça un peu répétitif », se souvient la jeune maman originaire de Yaté. Elle envisage donc de changer de carrière pour un métier un peu plus dynamique. « Mon oncle est opérateur logistique et portuaire et depuis quelques années je l’entendais parler de son métier. C’est lui qui m’a donné envie de faire ça. » Marie-Sébastienne aime les multiples facettes de son métier et le fait d’être une fille dans ce milieu très masculin ne lui pose aucun problème. « Ça ne change rien, il faut juste s’imposer et ne pas se laisser faire », explique-t-elle. Mariée à un salarié de l’usine et conseillère municipale de sa commune, elle semble avoir trouvé son équilibre entre vie personnelle et professionnelle.


PROFESSION...

Comment devenir OLP ?

© Photos Patrick Chalas

ateur Il n’y a pas d’école pour devenir opér mis donc a NC Vale . uaire logistique et port on inati dest à ation form une 2005 en place en er. méti ce des jeunes qui souhaitaient exercer mini au aires titul Les postulants doivent être et trée d’en en exam Un . mum d’un CAP/BEP avant une remise à niveau sont nécessaires 2012, et d’entamer la formation. Entre 2005 i se part est port du l’ensemble du personnel ont Ils . mois trois ant pend e former à Marseill eà titud d’ap t tifica (Cer s Cace le nu tous obte pour able la conduite en sécurité) indispens imanipuler l’ensemble des engins liés à l’act e form ise repr l’ent ui, urd’h vité portuaire. Aujo sur et e tuell ponc très n faço de les jeunes place.

Marie-Sébastienne Koroma, OLP à Prony comme son oncle. Métiers, formations et emplois de l’industrie minière et métallurgique

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NICKELSACO ? © Photos Géo Impact

AVANT

« Soixante sites réhabilités d’ici 2019 » Avec l’adoption du nouveau code minier, le Fonds Nickel a été créé en 2009. Cet établissement public de la Nouvelle-Calédonie s’est substitué à des dispositifs similaires concernant le secteur minier. Olivier Monge, chargé d’études techniques, nous éclaire sur le Fonds. par Annabelle Noir

NC Nickel : Quelles sont les missions du Fonds Nickel ? Olivier Monge : Ses missions concernent la réhabilitation des zones dégradées par l’activité minière avant 1975 et le soutien financier au secteur minier en cas de crise économique. À sa création, il est d’abord intervenu dans ce cadre-là. Après la reprise en 2010, il s’est consacré à l’inventaire et à l’étude des sites miniers à réhabiliter, puis aux chantiers de réhabilitation avec l’approbation de son programme pluriannuel d’intervention en août 2011. Comment est-il financé ? O. M. : La principale source de financement provient d’une redevance versée par les sociétés minières en fonction des surfaces de concessions qu’elles possèdent. Cette taxe représente environ 250 millions de francs de recettes stables chaque année. À sa création, le Fonds Nickel a aussi bénéficié d’un transfert d’1,7 milliard de francs provenant de l’ancien Fonds de concours pour le soutien conjoncturel du secteur minier (FCSCM) qu’il a remplacé. Enfin,

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il était prévu qu’il puisse recevoir une partie de l’impôt sur les sociétés minières et métallurgiques, mais pour l’instant cette recette est toujours affectée à des fonds communaux pour l’environnement. Tant que ce dispositif n’est pas abrogé, nous participons aux comités de réhabilitation des sites miniers pour coordonner nos actions avec celles des communes.

possible, une exploitation résiduelle puis la fermeture des sites dégradés à la charge du mineur, d’autant que le code minier est maintenant assez exigeant. À ce jour, les travaux menés sur dix sites, au titre du Fonds Nickel, sont achevés. Cette année, six chantiers doivent débuter, tandis que des études vont être lancées sur autant de sites.

Combien de sites miniers à réhabiliter sont-ils éligibles à l’intervention du Fonds Nickel ? O. M. : Parmi les 530 sites recensés lors des inventaires, 61 sont inscrits dans le programme d’intervention 2015-2019 du Fonds Nickel. En l’absence de titre minier, le fonds finance à 100 % les travaux. Dans le cas contraire, nous demandons au titulaire du titre de cofinancer la réhabilitation, puis d’assurer l’entretien des ouvrages mis en place. Notre programme a fait l’objet de concertations, notamment avec les sociétés minières, du fait des reliquats de minerais susceptibles de les intéresser. Le souhait de la Dimenc est de privilégier, quand c’est

Quelles sont les étapes pour réhabiliter une zone dégradée par l’activité minière ? O. M. : La première phase de travaux consiste à maîtriser les eaux avec la mise en place d’un réseau d’écoulements pertinent, d’exutoires dimensionnés et de bassins collecteurs. La revégétalisation vient ensuite. Il faut attendre le bon moment pour semer et planter, en fonction du climat, de la disponibilité des graines et des durées de culture en pépinière. Sur les sites de Koé et des Barbouilleurs, au sein du Parc de la Dumbéa, nous avons testé un large remodelage des anciennes zones minières afin d’augmenter les conditions de succès pour la revégétalisation. Cette intervention am-

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NICKELSACO ? APRÈS L’ancien site minier de Koé, situé dans le parc de la Dumbéa, a connu d’importants travaux de remodelage avant la phase de revégétalisation.

bitieuse (42 millions de francs de travaux) a été rendue possible par le fait que nous sommes sûrs qu’il n’y aura plus d’exploitation à cet endroit.

Les creeks peuvent-ils entrer dans le cadre d’intervention du Fonds Nickel ? O. M. : Actuellement, nous étudions les cours d’eau impactés par l’activité minière afin qu’ils fassent l’objet d’un plan pluriannuel d’intervention. Pour les creeks de Nakalé et de Némburu, à Thio, notre action est d’ores et déjà approuvée et financée. Ces travaux de curage vont être menés en collaboration avec la SLN qui doit les superviser. * Pendant la crise de 2009-2010, 19 entreprises ont pu bénéficier de cette aide pour un montant de 144,5 millions de francs sur neuf mois. ** D’avril 2009 à mars 2010, des travaux répartis sur cinq sites (Nakéty, Ouasséoua, M’Béri, Tontouta et Népoui) ont été menés pour un montant total de 172,5 millions de francs.

© Niko Photos

Qui décide d’un état de « crise économique » et quels sont alors vos moyens d’intervention ? O. M. : La situation de crise économique et la sortie de crise sont décrétées par un arrêté du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Le Fonds dispose de deux moyens principaux de soutien au secteur minier. D’abord, la prise en charge d’une partie des cotisations sociales patronales pour les entreprises de moins de 500 salariés*. Ensuite, nous pouvons déclencher des chantiers compensatoires permettant d’apporter de l’activité aux sous-traitants de sites miniers**. Les travaux de curage de bassins ou de creeks, nécessitant l’évacuation de matériaux, conviennent bien, par exemple, à l’emploi de moyens de roulage.

Le Fonds Nickel concourt à la réhabilitation des zones dégradées avant 1975 et apporte son soutien financier au secteur minier en cas de crise économique. Ici, Olivier Monge, l’un de ses deux chargés d’études techniques.

Un fonds pour le futur En septembre 2013, le gouvernement a approuvé un avant-projet de loi du pays qui institue une contribution sur les produits métallurgiques et miniers, destinée à approvisionner un fonds pour les générations futures. Objectif ? Préparer l’après-nickel, cette ressource n’étant pas inépuisable. Cette redevance d’extraction, indexée sur les cours du LME, sera liée au volume et à la teneur des minerais extraits, qu’ils soient transformés localement ou exportés. La taxe minière a été inscrite dans la réforme de la fiscalité pour une mise en place en 2016.

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MINES VERTES

Une nouvelle direction pour le Grand Sud Une direction dédiée au développement durable a récemment été créée à Vale NouvelleCalédonie. L’objectif est de regrouper, coordonner et mettre en valeur les programmes environnementaux, sociaux et éducatifs initiés par l’industriel. Rencontre avec son directeur Georges Mandaoué. par Virginie Grizon

Le développement durable est un concept un peu flou pour le grand public. « Pour Vale NC, c’est très clair, précise du tac au tac Georges Mandaoué, responsable de la nouvelle direction développement durable créée au sein de l’entreprise minière. On se réfère à des standards internationaux. Chaque année, les initiatives que nous prenons sont analysées et validées par Vale au Brésil puis certifiées par des instituts indépendants ». Parmi ces initiatives, citons le programme de préservation des langues kanak avec l’édition de manuels, le financement, par la fondation Vale NC (créée suite à la signature, le 27 septembre 2008, du Pacte pour un développement durable du Grand Sud) et à hauteur de 160 millions par an, de projets portés par les populations, les conventions signées avec les communes de Yaté et du Mont-Dore pour financer notamment la formation et l’émancipation des jeunes. D’autres initiatives en faveur du développement durable sont davantage tournées vers la préservation de l’environnement, tels que les projets de revégétalisation ou de gestion des impacts sur sites.

Limiter les conflits d’intérêts

Si ces actions existent depuis longtemps, elles étaient auparavant gérées par différents services au sein de Vale NC. « Nous avons voulu apporter un peu de cohérence et de dynamisme », justifie le directeur. En confiant ces actions à une nouvelle direction, l’industriel espère également atté-

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nuer les « tensions qui pouvaient freiner le développement de ces projets » et limiter les « conflits d’intérêts ». Vale NC souhaite en outre regagner la confiance des

les communes, d’autres sont chargées d’effectuer les prélèvements (eau, air...) autour de l’usine et d’en informer les populations. Plusieurs agents interviennent directement

« Nous avons voulu apporter un peu de cohérence et de dynamisme » Calédoniens. Une confiance mise à mal par les multiples incidents sur le complexe industriel. La direction développement durable est composée d’une quarantaine de personnes. Certaines négocient les conventions avec

auprès des tribus pour assurer la diffusion de l’information. « On s’est aperçu qu’une majorité de gens n’étaient pas au courant de ce que nous faisions pour eux ou n’en percevaient pas l’intérêt », explique Georges Mandaoué qui prône « la transparence ».

Un parcours atypique Originaire de la tribu de Nekoué à Houaïlou, Georges Mandaoué a été représentant de l’aire Ajië-Aro au Sénat coutumier tout juste créé en 1999. Il y exerce la présidence tournante en 2001-2002 et reste sénateur coutumier jusqu’en 2009. Militant au sein du STKE (devenu USTKE) depuis 1984, il est l’un des fondateurs du Parti travailliste en 2007 et en devient le vice-président. Il en est toujours membre à ce jour. En mars 2011, il intègre le gouvernement et prend en charge le secteur du travail et de l’emploi, de l’insertion professionnelle, de l’identité kanak et des affaires coutumières. Jusqu’en juin 2014, il est aussi responsable des relations avec le Sénat coutumier et les conseils coutumiers. Georges Mandaoué a longtemps été opposé au projet d’usine du Sud. Son arrivée à Vale NC le place-t-elle dans une position inconfortable ? « Je pense qu’il faut être responsable et je l’ai toujours été. Lorsque je me battais, c’était pour une meilleure prise en compte des populations. Aujourd’hui encore, ce poste me permet de défendre mon pays. »

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MINES VERTES © Virginie Grizon

« Aujourd’hui encore, ce poste me permet de défendre mon pays. »

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MINES VERTES

Pas de lézard avec Pardalis ! L’Observatoire de l’environnement en Nouvelle-Calédonie a enrichi son Géoportail d’une nouvelle application cartographique. Dédiée au suivi des milieux terrestres du Grand Sud, Pardalis est accessible sur le site Internet de l’OEIL. par Annabelle Noir

Informer sur l’état de l’environnement dans la zone d’observation qui lui a été dévolue fait partie des missions de l’OEIL. Pour l’assurer, l’observatoire mise sur l’efficacité d’Internet et des outils cartographiques. « Leur avantage est de pouvoir diffuser largement l’information et d’être de puissants outils d’analyse », souligne Fabien Albouy, responsable du système d’information de l’OEIL. Pardalis, le petit nouveau, relatif aux milieux terrestres, a rejoint en mars dernier ses homologues sur le site www.oeil.nc, regroupés dans la rubrique Géoportail : Dawa et Marin’eau pour le suivi biologique et physico-chimique du milieu marin, Galaxia pour la qualité de l’eau douce, et Paysage pour tout ce qui concerne l’évolution des différents milieux naturels en province Sud. Ces applications s’adressent en premier lieu à un public averti (associations environnementales, bureaux d’études, collectivités, industriels…) qui se pose des questions précises ou souhaite exploiter ces données pour créer ses propres cartes.

Un outil visuel

Pardalis tire son nom d’un scinque vivant dans le Sud calédonien, mais il propose plus généralement des données sur les lézards, les fourmis, les oiseaux et la flore, issues de suivis réglementaires et volontaires effectués par Vale NC depuis 2007. L’outil offre un grand nombre de paramètres pour un résultat visuel. « Les interfaces cartographiques permettent de mieux comprendre les résultats à la lumière de leur contexte géographique (sources potentielles de pollution, types de végétation…). Des graphiques rendent compte de l’évolution temporelle des différents paramètres et des statistiques fournissent un premier niveau d’analyse », précise Fabien Albouy. Ainsi, on peut par exemple visualiser l’évolution du nombre d’espèces d’oiseaux endémiques observées dans différentes stations autour de l’usine sur plusieurs années. Au fur et à mesure, Pardalis devrait s’enrichir des contributions d’autres membres de l’OEIL. « Les suivis contiennent des données brutes, alors nous prévoyons aussi de faire des liens directs depuis ce portail avec des rapports d’analyse disponibles sur notre site. » 52

Au-delà de son utilité pour les professionnels, ce type d’application « contribue à la transparence environnementale et à pérenniser l’information sur le long terme »,

rappelle Fabien Albouy. Tout un chacun peut accéder à ces données et se tenir informé de l’état des milieux naturels du Grand Sud.

En 2014, entre 8 et 24 espèces d’oiseaux ont été comptées lors des suivis effectués dans la zone d’influence de l’usine du Sud. Sans surprise, les plus fortes diversités se trouvent sur les aires protégées (pic du Pin, Forêt Nord, pic du Grand Kaori).

Bilan pour tous L’OEIL a publié en novembre 2014 son deuxième bilan pour l’environnement dans le Grand Sud (communes de Yaté, du Mont-Dore et de l’Île des Pins). Son objectif est de rendre accessible et compréhensible le résultat des observations menées dans ces zones. Milieu par milieu, des pictos colorés sur une carte montrent l’état – de très bon (en bleu) à mauvais (en rouge) – de plusieurs indicateurs tels que l’air, la flore, l’état chimique des rivières ou des eaux du lagon. Pour une plus large diffusion, ce bilan est désormais disponible en ligne de manière interactive et sera mis à jour chaque année, avec la possibilité de consulter l’historique pour suivre l’évolution des milieux dans le temps. www.oeil.nc/fr/page/quel-bilan-pour-lenvironnement

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UNE MINE D’INFORMATIONS © Terence Barnes

Lieu emblématique, cette maison coloniale était autrefois habitée par le directeur du centre minier.

Du nickel et des hommes

par Coralie Cochin

Dans cette ancienne cité minière de la côte Est, le temps semble figé depuis bien longtemps. Seuls quelques rares vestiges rappellent combien la commune de Thio fut dynamique il y a un siècle, véritable poumon économique de la NouvelleCalédonie, quand Nouméa était cantonnée

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à un rôle administratif. La rénovation complète du Musée de la mine, dont l’inauguration a eu lieu en avril, pourrait contribuer à sortir le village de sa torpeur. « Thio est le berceau de l’exploitation minière de la Nouvelle-Calédonie, rappelle Henri Gama, conseiller artistique et culturel, qui a planché durant deux ans sur la nouvelle mouture du musée. Le nickel y est extrait depuis 1875. L’histoire de ce village, c’est aussi un condensé de l’histoire du pays. On y retrouve la plupart des ethnies de la société calédonienne ».

aux contraintes spatiales des lieux, une maison coloniale bâtie à la fin du XIXe siècle. La muséographie, principalement axée sur l’aspect humain de la mine, a été découpée en trois parties. Dans la première salle, le visiteur découvre la naissance du village de Thio, dont le nom « Tchô » – qui était

L’humain, axe principal

Né de bonnes volontés, il y a près d’un quart de siècle, le petit musée de Thio a acquis au fil des ans la réputation d’un lieu convivial. Une image qu’il doit en grande partie à l’hospitalité et à la mémoire d’un de ses habitants, Maurice Fels, passionné par l’histoire de sa commune, et que le village souhaite conserver. Au sein de la collection, « un certain nombre d’outils en métal fragilisés, qu’il fallait protéger d’urgence » ont été identifiés. L’inventaire a été ciblé pour répondre

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© Patrick Chalas

Berceau de l’or vert depuis 1875, la commune de Thio a retrouvé son Musée de la mine après deux ans de rénovation. Outre l’histoire du village et de son minerai, l’exposition permanente rend hommage aux différentes communautés qui ont fait vivre l’exploitation du nickel, le plus souvent à la sueur de leur front.

Henri Gama a travaillé deux ans sur la nouvelle muséographie.


UNE MINE D’INFORMATIONS

celui d’un clan de la région – est donné en 1868 par le père Morris, créateur de la première mission catholique. Sept ans plus tard, l’exploitation du minerai débute et la Société Le Nickel ne tarde pas à s’implanter dans ce village qui deviendra son fief.

Des dizaines de milliers d’hommes se tuent à la tâche sur la mine de nickel où l’air poussiéreux et moite est irrespirable. Dans les eaux calédoniennes, certains minéraliers font naufrage. Construite à la force du poignet, Thio devient dans les années 1920 une ville prospère, dotée d’un hôpital, d’un hôtel et même d’un hippodrome. « Le dimanche, on se rendait à la messe dans le même train qui transportait le minerai la semaine. Il y avait des courses hippiques et des régates étaient organisées sur la Thio. »

Une diversité de métiers

Pour retranscrire l’effervescence qui régnait ici, un atelier du mineur, avec son établi et ses vieux outils, a été reconstitué dans une petite salle du musée. Magie du son, le visiteur replonge cent ans en arrière, “bercé” par le bruit des locomotives, les roues des charrettes écrasant la terre battue et les langues étrangères qui se mêlent les unes aux autres. Forgeron, boulanger, agriculteur… « On trouvait à Thio une grande diversité de métiers, dont certains ont disparu aujourd’hui. » Dans la troisième partie, l’exposition permanente s’intéresse à la géologie, et à l’apport de la présence américaine durant

« le musée doit permettre à Thio de se ressaisir de son histoire, espère Henri Gama. C’est un lieu revivifiant, qui peut créer une dynamique touristique et économique pour la commune ».

la guerre du Pacifique qui marque les débuts de la mécanisation. C’est aussi la fin d’une époque pour la commune, dont la population déclinera en même temps que les besoins en main-d’œuvre. Refait à neuf,

Multiplier les approches sensorielles « Un musée, ce n’est pas un livre », rappelle Henri Gama qui a cherché à « multiplier les approches sensorielles ». L’exposition permanente déroule l’histoire de la commune et de son nickel à travers des textes, des illustrations, mais aussi des jeux pédagogiques, des objets à manipuler et des ambiances sonores. Pour offrir cette diversité de supports, le conseiller culturel s’est appuyé sur les compétences de Laurent Sichère, architecte d’intérieur, du graphiste Nicolas Melcion et de Terence Barnes pour les installations scénographiques et les dispositifs ludiques.

© Terence Barnes

« Le musée doit permettre à Thio de se ressaisir de son histoire »

Le petit musée est né il y a vingt-cinq ans bientôt. Un lieu convivial et une image que le village entend conserver.

Une convention tripartite Depuis 2008, la SLN initie avec les communes où elle travaille, et la Province dont elles dépendent, des conventions tripartites destinées à financer des programmes structurants. La rénovation du musée de Thio en fait partie. L’industriel a offert à la commune la maison du directeur qui abrite le musée et a attribué « une vingtaine de millions de francs » pour sa restauration. La partie « exposition » du musée a été financée par la mairie de Thio à hauteur de 21 millions, avec une subvention provinciale de 7 millions. La Province Sud avait également pris en charge l’étude préalable pour un montant de 900 000 francs. Pour le fonctionnement de la structure, elle devrait aider Thio tourisme à hauteur de 1,375 million par an. © Terence Barnes

La deuxième partie du musée, intitulée « Des métiers, des joies et des larmes », met l’accent sur les multiples communautés qui ont contribué à l’essor du village. Dans cette région peuplée de clans mélanésiens, arrivent dès la fin du XIXe siècle des armées de travailleurs chinois, indiens, néo-hébridais, japonais, tonkinois et javanais, mais également des forçats ou des déportés politiques.

© Patrick Chalas

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MINE RÉJOUIE © DR

De gauche à droite : Emmanuel Blanchard, directeur de l’ADIE NC, et les deux lauréats Matthieu Machevin et Laurent Lhermitte.

Vidé-eau-surveillance Les Nickels de l’initiative de la SLN ont récompensé, en septembre dernier, les créateurs d’Araxa, un projet de vidéosurveillance en mer, unique au monde. Des caméras qui pourraient permettre de lutter contre le braconnage dans le lagon. par Virginie Grizon

C’est un projet un peu fou porté par deux passionnés de nature. Le premier se nomme Matthieu Machevin, il est juriste spécialisé en droit de l’environnement. Le second, Laurent Lhermite, est ingénieur diplômé de l’école des Mines et a fait le tour du monde sur un voilier qu’il a conçu et fabriqué lui-même. Deux têtes bien remplies, deux domaines de prédilection différents, mais un objectif commun : améliorer la surveillance du lagon. « En Calédonie, malgré la présence de réserves marines, la densité et la taille des poissons n’augmentent pas, elles restent les mêmes, explique Matthieu Machevin. Les biologistes et les associations soupçonnent des cas de braconnage, mais il est difficile d’en être certain. Nous avons donc pensé à installer un système de vidéo-

surveillance en mer ». Malheureusement, un tel dispositif n’existe pas. Matthieu et Laurent décident donc de l’inventer. Leur “bébé” se nomme Araxa, « lieu haut depuis lequel on voit en premier le soleil » dans la langue d’un peuple d’Amazonie, région dans laquelle Matthieu a travaillé il y a plusieurs années.

Aider les garde-côtes

Laurent met au point une caméra rotative composée d’une simple lentille et d’une carte mère, alimentée par un panneau solaire. Le dispositif est isolé dans un cube ou un cylindre en aluminium et PVC. « Nous avons trouvé plein d’astuces pour assurer l’étanchéité, précise Matthieu, nous voulons que ce système soit fiable et nécessite un minimum de maintenance ». L’ensemble sera installé sur des bouées ou des perches déjà en place sur le lagon. Les premiers tests ont eu lieu en avril autour de l’île aux Canards. Les créateurs espèrent développer le concept sur l’ensemble du lagon, notamment pour venir en aide aux garde-côtes. « Actuellement, ils montent en haut du phare Amédée pour détecter les bateaux en infraction. Lorsqu’ils descendent et arrivent sur les lieux, c’est parfois trop tard, il n’y a plus personne. » Un système de vidéosurveillance pourrait permettre de cibler les lieux d’intervention tout en diminuant la consommation

de carburant. « C’est également une réponse innovante et clairvoyante dans l’intervention rapide de moyens de secours », assure Olivier Béligon, responsable du service communication de la SLN et membre du jury des Nickels de l’initiative. Les deux papas d’Araxa ont obtenu une aide de 300 000 francs pour mener à bien leur projet.

Araxa, un projet international ? Le dispositif de caméras de surveillance développé par Laurent Lhermite et Matthieu Machevin est une première mondiale. Ce système a bien été préconisé par le département de conservation de la Nouvelle-Zélande mais il n’a jamais été mis en place. S’il fonctionne sur le lagon calédonien, il pourrait donc être développé à l’international. Mais avant d’en arriver là, la caméra et le caisson doivent être testés en Calédonie. Outre la surveillance du lagon, les caméras pourraient renseigner les usagers sur les conditions météorologiques locales et, pourquoi pas, aider les scientifiques à localiser les baleines qui fréquentent la région pendant la saison fraîche. Sur terre, elles permettraient de détecter les départs de feux de forêts.

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