les théâtres de Paris _ mémoire de recherche

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L E S THÉÂTRE S DE PARIS

la nouvelle façade du spectacle vivant baptiste karoubi


Illustrations de couverture: Elevations de théâtres parisiens au fil du temps. de gauche à droite : théâtre de l’europe, 1781, 75006 théâtre du chatelet, 1847, 75001 théâtre des Bouffes du Nord, 1876, 75010 théâtre des champs Elysées, 1913, 75008 théâtre du Vieux Colombiers, 1913, 75006 théâtre de l’Est Parisien, 1964, 75020 CND de Pantin, 2004, 93500 le centquatre, 2008, 75019 IdA

LES THEATRES DE PARIS la nouvelle façade du spectacle vivant

mémoire de recherche décembre 2016 baptiste karoubi département AAP ensapm


SO MMA I R E -

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INTRODUCTION PREMIÈRE PARTIE CONTEXTE ACTUEL DU THÉÂTRE PARISIEN

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1. Fonctionnement politique du théâtre en France a. Point historique b. Différence entre les catégories de théâtres c. Modèle économique, conventionnements et modes de subventions 2. Codes architecturaux des théâtres conventionnels a. Façades et ornementations b. Dispositifs spatiaux intérieures c. Intégration urbaines des théâtres au fil du temps. 3. La “crise” du théâtre parisien a. Une programmation sur le déclin b. L’échec du théâtre pour tous c. Une nouvelle concurrence qui s’installe, les espaces théâtrales informels

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DEUXIÈME PARTIE LE XX° SIÈCLE, UN RENOUVEAU TANT ARTISTIQUE QU’ARCHITECTURAL

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1. Déplacement du cadre a. Du centre de Paris vers sa périphérie b. Une seconde vie pour les bâtiments inutilisés 2. Un renouveau tant artistique qu’architectural a. Un renouveau artistique, le théâtre pauvre b. Des dispositifs spatiaux réinventés, un espace modulable c. Le théâtre ou le monde de l’illusion, une expérience devenue totale : d. Une illusion totale : La cartoucherie de Vincennes 3. Se réinventer comme nécessité : Les Bouffes du Nord a. Historique : un théâtre à l’histoire multiple b. Des dispositifs spatiaux au service de la mise en scène. c. Une idéologie : Peter Brook et l’espace vide d. Le vieux colombier, ou le renouveau perpétuel.

TROISIÈME PARTIE PRÉSENT ET FUTUR DU THÉÂTRE PARISIEN

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1. Espace et potentiel : Les ateliers Berthier a. Historique : de l’urgence au pérenne, l’approbation du public parisien b. Une esthétique marqué : de l’usine au théâtre c. Un lieu d’opportunité : la future cité du théâtre de Paris 2. Lieux ponctuels, hors les murs et expériences inédites. a. Théâtres temporaires, la contrainte comme outil de la modernité b. Hors les murs, le partage comme outil du renouveau c. Le participatif ou l’apparition d’un nouveau modèle 3. Un renouveau en cours, L’émergence d’un nouveau modèle a. Vitez remis en question, le théâtre, abris et édifice ? b. L’hybridation des programmes, sortir du sanctuaire

CONCLUSION -


INTRODUCTION “ Il semble que là où règnent la simplicité et l’ordre, il ne puisse y avoir de théâtre ni de drame, et le vrai théâtre naît […] d’une anarchie qui s’organise, après des luttes philosophiques qui sont le côté passionnant de ces unifications ”. [1] Si Antonin Artaud parle ici de la pratique théâtrale, il nous semble que cette affirmation puisse aussi s’appliquer à l’architecture qui renferme cet art et qu’on puisse aussi, dans ce cas, la généraliser aux territoires où s’implantent ces structures. Paris, pôle emblématique et culturel par excellence, est aujourd’hui dotée d’un nombre impressionnant de théâtres et se place ainsi parmi les villes ayant la plus forte concentration de ces lieux. La politique urbaine de construction de théâtres dans la Ville- Lumière est fort ancienne et ces structures ont toujours joué un rôle important dans la cité. C’est sur la base de ces postulats qu’il nous semble intéressant de mener cette recherche qui s’intéressera donc à l’architecture théâtrale dans le territoire parisien intramuros, et ses alentours, jusqu’aux limites de la première couronne. Cette étude a pour but de condenser plusieurs notions afin d’arriver à un point de vue global sur l’architecture théâtrale depuis son installation dans la métropole parisienne jusqu’à nos jours, en esquissant ensuite le futur de ces lieux scéniques. Il a été cependant nécessaire de centrer le travail autour d’un axe et de l’orienter vers un but précis. Dans ce cadre, une question s’est progressivement dessinée, celle des liens et de l’adéquation entre l’évolution de l’architecture théâtrale parisienne et celle des usages théâtraux et scénographiques. Il nous semble indispensable pour aborder ce domaine de commencer par une analyse chronologique afin d’appréhender l’évolution de ces architectures au fil du temps. Cela passera par des études cartographiques et une histoire condensée du théâtre dans la ville. Cette étude historique s’accompagnera aussi de la compréhension du système politico-économique qui le soustend– les différents conventionnements et la classification des structures théâtrales - afin d’en avoir une vision d’ensemble. Dans cette première phase, il sera aussi question d’étudier les morphologies d’insertion urbaine des lieux scéniques au cours des siècles. Le tout permettra de dégager des grands principes et de poser le décor d’un système qu’on a tendance à décrire aujourd’hui comme en “crise”. Cette étude globale nous amènera ensuite à nous intéresser à une période particulière pour le théâtre et les lieux scéniques, au cours de laquelle on a pu observer une multitude de changements, le XXème siècle dont nous étudierons plus particulièrement les avant-gardes théâtrales, surtout à Paris avec Antoine Vitez, Ariane Mnouchkine ou encore Peter Brook

1. Antonin Artaud dans le théâtre et son double, Gallimard, 1938

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mais en essayant également de retourner à la source de ces différents mouvements, en faisant un point sur le travail de Jerzi Grotowky, metteur en scène polonais du début du XXème siècle qui a influencé l’intégralité du paysage théâtral européen. Cette approche nous mènera à réaliser des études de cas afin d’analyser ce que ces avant-gardes ont pu apporter en termes de dispositifs spatiaux et d’esthétique. Ainsi nous évoquerons plus en détail le Théâtre des Bouffes du Nord, ainsi que la Cartoucherie de Vincennes ou encore le Théâtre du Vieux Colombier. Cette étude des avantgardes théâtrales nous permettra de comprendre les volontés des metteurs en scènes de cette époque mais nous donnera aussi l’occasion d’aborder certaines de leurs limites. C’est donc avec cette connaissance de l’histoire du théâtre parisien et de ce que l’avant- garde a pu apporter à l’architecture des lieux scéniques et du spectacle vivant en général, que nous introduirons une réflexion un peu différente pour la dernière partie de ce travail. En effet nous essaierons de développer une réflexion prospective qui était jusque- là absente de cette recherche. Nous nous servirons de projets très récents, qu’ils soient déjà construits on encore au stade d’étude, afin d’imaginer ce que pourrait être le lieu scénique parisien de demain. Nous nous baserons principalement sur l’étude de cas des Ateliers Berthier, qui sont aujourd’hui au coeur d’un grand projet public, la Cité du Théâtre. Nous essaierons aussi de définir des principes innovants d’autres structures comme le Théâtre de Sénart, réalisé par l’agence d’architecture Chaix&Morel ou encore le 104 à Paris, choisi pour ses dispositifs novateurs et son caractère inédit. Après ce court résumé de la démarche empruntée par ce travail de recherche, il semble important d’identifier les trois axes sur lesquels nous nous appuierons tout au long de ce mémoire, à savoir : d’une part une démarche historique afin de prendre conscience de la réalité du milieu théâtral parisien au fil du temps et de mieux comprendre son état actuel ; d’autre part, une démarche d’analyse tant dans le cadre de la théorie théâtrale que dans des cas concrets de mise en scène ou d’architecture afin d’étudier les réponses apportées aux problématiques du monde du spectacle; et pour terminer, une démarche prospective afin de dégager des principes pouvant servir de base pour penser les lieux scéniques parisiens de demain. Ce travail a, bien sûr, rencontré au cours de son élaboration, des limites et des embûches qui seront explicitées en même temps que ses résultats en conclusion de ce mémoire.

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PREMIÈRE PARTIE CONTEXTE ACTUEL DU THÉÂTRE PARISIEN. -

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Paris, sa première couronne et ses théâtres classement par jauges

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Fonctionnement politique du théâtre en France Point historique Nous dresserons ici une vue d’ensemble de l’histoire du théâtre parisien sans aucune ambition d’exhaustivité, nous ne citerons que les crises les plus marquantes dans le but d’établir une vision claire et concise de l’évolution de ces structures au fil du temps afin de pouvoir débuter nos réflexions en n’excluant pas d’étudier les rapports entre les théâtres dans la ville de Paris et l’histoire de la capitale et de la France en général. On peut dater l’arrivée des premiers lieux de représentations théâtrales parisiens à la fin du moyen-Age. A la fin du XIVème siècle, plus précisément , on en trouve trace ; en effet l’Hôpital de la Trinité, lieu créé au départ pour accueillir les voyageurs arrivés trop tard pour franchir les portes de Paris, vit naître dans son enceinte des spectacles religieux qui avaient lieu tous les ans à l’occasion des fêtes de Pâques et qui devinrent de plus en plus populaires. Cet établissement fut ensuite officialisé par décret du Roi qui permit à la structure de prendre de plus en plus d’importance, le premier théâtre parisien était né. Cette anecdote est bien représentative du fonctionnement des lieux scéniques dans ces siècles, organisation dans laquelle la royauté sera seule habilitée à créer de tels espaces ou en tout cas la seule à les légitimer et à autoriser leur présence dans l’espace parisien. Ainsi , au fil des siècles , plusieurs théâtres seront construits et prospéreront tels que le Théâtre des Tuileries qui date de 1660, l’Opéra comique ou encore le Théâtre du Marais. Toutes ces institutions seront ballotées de lieux en lieux, s’emparant le plus souvent de salles de jeu de paume pour des raisons spatiales puisque ces lieux étaient déjà conçus pour recevoir du public et possédaient des volumes généreux. Quatorze structures théâtrales voient le jour avant 1791, toutes créées sur décision royale SI tu as la liste des 14 , ce serait bien de la mettre en note de bas de page . Mais après la révolution française et l’instauration de la monarchie constitutionnelle, un décret va redistribuer les cartes en terme de théâtres en proclamant leur liberté, chacun est donc libre à partir de cette date d’établir sa compagnie et d’investir un lieu. Cette décision va provoquer un fort engouement puisque, rien qu’au cours de l’année 1791, Paris verra son nombre de théâtres passer de 14 à 32. Le théâtre devient alors un art populaire à Paris jusqu’à la période de l’Empire qui viendra réduire le nombre de théâtres. Ainsi en 1807 un décret limite à huit le nombre des théâtres parisiens, conservant les quatre théâtres nationaux et les quatre théâtres privés les plus prisés des Parisiens. Sous la période de la Restauration, on va revenir à une politique de liberté en ce domaine, ce qui va ramener le nombre de théâtres parisiens à trente. Ce nouvel essor gagnera en puissance après 1830 et l’abolition théorique de la censure. 14

De la moitié du XIXème siècle à 1914, malgré tous les changements de régime ou encore la censure, va naître un engouement français pour le théâtre, qui va jouer le rôle d’échappatoire pour les parisiens . Ainsi s’ouvriront plus d’une trentaine de théâtres dans la capitale, autant privés que publics, apportant une nouvelle dynamique à la création théâtrale . Mais ces nombreuses ouvertures de théâtres sont aussi le fruit des grands travaux du Baron Haussmann qui, entre 1852 et 1870, va totalement bouleverser l’organisation d’une partie de Paris, démolissant certaines institutions théâtrales mais aussi et surtout créant de nombreux nouveaux théâtres dont beaucoup sont aujourd’hui devenus les plus importants de la capitale comme, par exemple, le Théâtre de la Ville ou le Théâtre Marigny. La première guerre mondiale va changer la donne puisqu’en ces temps de guerre, l’intégralité des théâtres parisiens va être fermée et le restera jusqu’en 1918 ; cependant la fin de la guerre et la reconstruction vont amener un renouveau flamboyant dans l’espace théâtral parisien et dans l’entre -deux - guerres, on verra vingt théâtres sortir de terre rien qu’à Paris, pour la grande majorité privés, puisque l’Etat a d’autres priorités à cette époque. Cette période joliment baptisée d’ « Années folles « est un contexte particulièrement propice. Le peuple a soif de légèreté et de divertissement et découvre une toute nouvelle culture ramenée par les soldats américains jusqu’en Europe. Outre les théâtres se développeront énormément de musichalls, de cafés-concerts et autres spectacles musicaux dans l’entièreté de la capitale. A cette période, la vie culturelle se spatialise et se concentre essentiellement dans deux quartiers de Paris qui sont encore aujourd’hui deux lieux importants dans le paysage théâtral parisien : Montmartre et Montparnasse. Même si beaucoup des établissements de l’époque ne peuvent pas être ici de réels objets d’études puisqu’il s’agit pour la plupart de lieux scéniques sans être de réels théâtres ( cabarets, caves de jazz…), il est important de noter que c’est à partir de cette époque que certains quartiers firent du spectacle leur marque de fabrique qui va perdurer dans le temps. En 1929, la grande dépression va ralentir le processus d’expansion des institutions théâtrales même si quelques théâtres continuent de se créer, les chiffres de fréquentation de la plupart des lieux culturels vont largement baisser. La deuxième guerre mondiale ne va rien arranger à la situation , qui va stagner jusqu’en 1945. Cependant dans la deuxième partie du XXème siècle, les choses vont beaucoup évoluer et notamment à Paris. En 1945, on compte déjà près de 80 théâtres à Paris mais à partir de cette date, le paysage culturel va s’enrichir de lieux emblématiques : le Festival d’Avignon voit le jour en 1947 sous l’impulsion de Jean Vilar qui relancera en 1951 le TNP au palais de Chaillot. La politique culturelle se développe et s’amplifie, les pouvoirs publics vont être de plus en plus actifs en ce qui concerne la scène théâtrale. Et en 1959 sera créé , pour la première fois en tant que tel, le Ministère des Affaires 15


Culturelles, confié à André Malraux qui va impulser nombre de nouveautés. On augmente le nombre de conventionnements, un soutien de l’Etat est apporté à certains théâtres privés. Il faut dire que le cadre économique est très favorable à ce développement. En effet les « trente glorieuses » vont permettre, grâce aux nouveaux moyens de communication, aux nouveaux outils et aux dispositions économiques favorables de donner naissance à un nouvel essor de la culture et du divertissement de manière générale. De nombreux théâtres vont voir le jour et le nouveau gouvernement ne va avoir de cesse de nourrir cet essor en investissant toujours plus d’argent public dans ce domaine. Toutefois , et même si la situation politique semble favorable à l’expansion du théâtre parisien, le pouvoir s’est fixé , à ce moment- là , une autre priorité : la décentralisation. Cette notion apparait à la fin de la deuxième guerre mondiale. Elle vient du constat que la culture et en particulier la culture théâtrale française est excessivement mal répartie sur son territoire. En effet , si Paris est très active, la province a du mal à accéder aux mêmes services à part lors des tournées de compagnies parisiennes. L’état décidera donc de créer des structures publiques ( la première sera le CDN de Strasbourg en 1946 ). Cet investissement de l’Etat a comme objectif d’homogénéiser l’offre culturelle en France et on peut constater aujourd’hui que cette politique a bien porté ses fruits. Si cette expansion sur la province concerne très peu cette recherche, la décentralisation s’applique aussi à la proche banlieue parisienne, domaine géographique dont il est aussi question ici. En effet les pouvoirs publics ont décidé, depuis les années 1950, d’investir la banlieue et ont créé un nombre énorme de structures culturelles diverses ( MJC, CDN … ) qui ont pour but la diffusion du spectacle vivant mais aussi sa création. Pour cela , de grands metteurs en scène ont été installés à la tête de ces nouvelles institutions et des contrats de conventionnement stricts les obligent à un nombre précis de créations par an dans leurs théâtres, ce qui a pour conséquence de dynamiser et d’élargir le cercle fermé du théâtre parisien et d’amener les parisiens à sortir de leur microcosme. De nombreux théâtres privés vont aussi suivre cette nouvelle tendance. Ainsi depuis 1960, on peut compter pas moins de 75 nouveaux théâtres dans la première couronne de Paris . On peut donc voir que la création de théâtres est fortement liée aux contextes politiques et historiques et qu’il est impossible d’étudier le phénomène sans prendre en compte les grandes décisions économiques et gouvernementales. Le théâtre est une nécessité pour l’ensemble de la population , surtout en temps de crise. Si depuis 2008, la France connait une crise économique importante, il sera intéressant ici d’étudier ses conséquences sur le paysage du spectacle vivant. Aujourd’hui Paris et sa première couronne ne comptent pas moins de 218 théâtres ; il nous faudra définir une typologie afin d’étudier leur évolution et leur devenir et de comprendre les tenants et aboutissants du futur du théâtre dans notre capitale. 16

Différences entres les catégories de théâtres Nous essayerons ici de faire un point sur la typologie des théâtres présents aujourd’hui dans la capitale. Bien que chaque théâtre soit confronté à une situation bien différente, certains groupes peuvent être définis, aidant en cela à la compréhension du système d’organisation retenu par la profession elle- même et par les pouvoirs publics. Tout d’abord il faut bien distinguer deux grands secteurs dans les institutions théâtrales : a ) Le secteur public qui correspond à des théâtres placés sous la responsabilité de l’Etat et qui sont donc amplement ou totalement subventionnés par celuici. Dans ce cadre, elles sont beaucoup plus contrôlées par le Ministère de la Culture et doivent répondre aux cahiers des charges de celui- ci. On peut décrire dans ce secteur, deux grandes catégories de théâtres : - Les théâtres nationaux qui ont un statut d’établissement public ,et sont totalement subventionnés par le Ministère de la Culture , ils sont dirigés par un directeur choisi par décret avec une délégation de pouvoir public. Ainsi c’est la gouvernance qui y est décisionnaire en matière de répertoire et dans toutes les décisions importantes prises par ces théâtres. Ils jouissent cependant de financements importants leur permettant de faire fonctionner leur scène assez facilement. Le seul théâtre national échappant à ce contrôle permanent est la Comédie Française qui, de par son histoire, reste présidée par un Conseil d’Administration qui lui est propre. Ces structures possèdent néanmoins un personnel permanent assez conséquent et supportent donc des frais fixes très importants. D’autre part leur infrastructure ne peut être évolutive. Chaque jauge est fixe et ces théâtres ne peuvent pas, sans l’autorisation du Ministère, intégrer de nouveaux lieux. C’est l’Etat qui doit leur céder des espaces si les théâtres veulent s’agrandir , comme il en a été question avec les ateliers Berthier , cédés à l’Odéon en 2003 par l’Etat , à la suite d’une période d’urgence pendant laquelle des représentations avaient lieu dans les ateliers lors d’une saison “hors les murs” due aux travaux de rénovation du Théâtre de l’Europe du VIème arrondissement. Cependant , malgré cette omniprésence de l’Etat, chaque théâtre national garde son identité et sa voie selon des critères qui lui sont propres. Le théâtre de l’Odéon en est un exemple : de par son emplacement (puisqu’il est situé au coeur du quartier latin, un quartier très renommée pour l’art et la production culturelle en général) et son histoire, il a toujours gardé une programmation d’avant- garde en faisant confiance à des metteurs en scène audacieux qui n’hésitent pas à bousculer les codes à l’image de Thomas Jolly avec ses mises en scène d’ Henry VI ou de Richard III qui réinventent des tragédies shakespeariennes dans un format inédit [2] . Ainsi si l’Etat a la mainmise sur ces théâtres, ils n’en restent pas moins

2. Spectacles à l’affiche du théâtre de l’Odéon en salle principale en 2015 pour l’une et en 2016 pour l’autre. Pièces longues puisqu’on était sur un format de 16h pour Henry IV et de 4h30 pour Richard III, le tout dans une esthétique très moderne, loin de celle du Shakespeare classique puisque amenées dans un monde aux allures Steampunk ( scénographie industrielle et costumes aux allures gothiques ).

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3. Ce sont généralement des théâtres qui mettent en avant une forme de théâtre actuel et audacieux avec des créations originales ou des réinterprétations contemporaines de grands classiques du théâtre. 4. Classification selon A.Busson dans son livre “le théâtre en France” dans le chapitre sur l’offre qu’offre Paris en terme de structures théâtrales (p.17) 5. Ce qui n’est pas étonnant quand on sait que ce théâtre est dirigé par JeanMichel Ribes, personnage médiatique.

libres de faire leurs choix artistiques propres tant que ceux- ci sont en accord avec le cahier des charges du Ministère. Cette catégorie ne comprend que très peu d’établissements : ils sont au nombre de quatre à Paris : la Comédie Française, le Théâtre national de Chaillot, le Théâtre national de la Colline et le Théâtre national de l’Odéon ; la province en compte un seul : le Théâtre national de Strasbourg. - Les CDN (centres dramatiques nationaux) dont aucun ne se situe à Paris intramuros. En effet, ils ont été créés dans le but de redynamiser le théâtre en dehors des murs de la capitale. Ainsi on en retrouve un certain nombre en Île de France (le Théâtre des Amandiers à Nanterre par exemple ) [3] . Ils sont le fruit d’une politique de décentralisation du spectacle vivant qui a débuté dans la seconde moitié du XXème siècle. Ces institutions théâtrales signent un contrat avec l’Etat qui va les subventionner partiellement. Ces contrats durent 3 ans et sont renouvelables. L’Etat impose à ces structures un nombre minimal de créations et de représentations en mettant l’accent sur des oeuvres innovantes d’auteurs français. b) Le secteur privé qui se caractérise par des institutions commerciales ne disposant pas directement de subventions de la part de l’Etat même si celui -ci peut rester actif dans leur fonctionnement, régulant leur activité grâce à l’obligation pour toute institution théâtrale de posséder une licence d’exploitation, délivrée directement par le Ministère de la Culture depuis la loi du 27 Décembre 1943 et complétée par un décret du 13 Octobre 1945. Dans ce secteur, on observe encore des sous- catégories selon la taille des salles de spectacles, paramètre qui a une importance primordiale dans l’organisation et l’administration des théâtres [4]. En effet plus les salles sont grandes , plus elles sont coûteuses à faire tourner et à remplir. Ainsi les “grandes“ salles (à savoir les salles aux jauges supérieures à 700 places) se voient dans l’obligation de jouer un théâtre de boulevard, assez classique qui parle au plus grand nombre et elles font très souvent appel à des « têtes d’affiche » (acteurs reconnus, présents dans les médias ou au cinéma) pour remplir leur salles. On peut ainsi citer en exemple le Théâtre du Rond-Point [5] qui programme souvent des pièces contemporaines avec des acteurs bien connus du grand public (exemple notable avec “Démons” de Lars Noren en 2015, spectacle au succès énorme malgré des critiques très mitigées. On peut expliquer ce succès par les quatre acteurs qui se partagent la scène : Gaspard Ulliel, Romain Duris, Marina Fois et Anaïs Demoustier ). Les salles de dimensions plus modestes qu’on pourra qualifier de salles “moyennes” (d’une jauge tournant autour de 400 places ) peuvent se permettre des choix artistiques plus audacieux. En effet beaucoup de directeurs de ce type de théâtre comptent plus sur la critique et le bouche-àoreille même si la distribution reste importante pour le style de pièces qu’ils proposent.

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On en trouve désormais peu mais il existe encore quelques petits théâtres privés à l’image du Théâtre de poche de Montparnasse. De jauges très limitées et avec des moyens techniques insuffisants pour programmer de grandes pièces aux grandes têtes d’affiches, ces théâtres misent généralement sur la création contemporaine, sur la découverte de nouveaux talents d’auteurs ou d’acteurs et remplissent leurs salles uniquement par le bouche- à- oreille et la critique , essayant d’attirer un public d’intellectuels qu’on ne rencontre généralement pas dans les grandes salles privées. Certaines de ces petites structures jouent aussi la carte de la spécialisation, sur un registre ou un type de programmation très particulière à l’image du Théâtre Aleph d’Ivry-surSeine qui propose un répertoire exclusivement cubain. Une dernière catégorie de théâtres privés existe : les entreprises de tournées, qui, comme leur nom l’indique , partent sur les routes présenter la saison parisienne en province ;cependant cette catégorie ne possédant pas de lieux attitrés , nous n’en ferons plus état dans ce travail. Dans cette étude, nous ne traiterons que des catégories exposées plus haut , ainsi nous ne nous risquerons pas à étudier le système encore un peu plus particulier des Opéras qui ont un fonctionnement tout à fait à part des autres lieux de spectacles même si nous pourrons les étudier de manière purement architectural puisque l’histoire de leur construction reste très représentative. Nous nous intéresserons cependant à d’autres lieux qui ne correspondent pas à la définition pure et dure du “théâtre” dans la troisième partie pour étudier le rôle qu’ ils jouent dans le paysage du spectacle vivant à Paris. Mais en se penchant uniquement sur les catégories classiques, on peut déjà remarquer la diversité et la multiplicité des systèmes d’organisation du théâtre dans la capitale et les spécificités de chaque lieu, ce qui va nous amener à en étudier certains en particulier. Ces lieux seront choisis de manière à être représentatifs d’un maximum de structures et à nous aider à comprendre les tenants et aboutissants de l’organisation de ces structures parisiennes qui restent, si on les compare au reste des infrastructures française, encore une organisation quelque peu particulière aux rouages complexes. Si les différentes catégories sont déjà nombreuses et complexes , il est un domaine qui l’est plus encore : celui des subventions et des conventionnements, nerfs de la guerre de la pratique théâtrale puisqu’il s’agit de la quasi- entièreté du financement des salles. Nous essayerons donc dans la partie suivante de nous familiariser avec le financement des infrastructures théâtrales afin de mieux les comprendre et de pouvoir analyser la transition qu’on peut observer en ce moment parmi celles-ci.

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6. «On the Performing Arts: The Anatomy of Their Economic Problems», American Economic Review, 55, pp495-502 , 1965

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Conventionnements et modes de subvention Déjà au dix-neuvième siècle, la question du subventionnement du théâtre parisien était source de débat. Victor Hugo a dit à propos du monde du spectacle vivant : “ La subvention c’est la sujétion, tout chien à l’attache a le cou pelé ”. Cette accusation, assez dure envers la gouvernance attribuant ces subventions, est à replacer dans un contexte politique assez tendu et compliqué où la censure était très présente et où beaucoup de productions théâtrales étaient interdites car subversives ou ne correspondant pas aux bonnes moeurs du moment. A cette époque, il existe seulement quatre théâtres parisiens qui sont réellement subventionnés par le pouvoir en place : ce sont les quatre théâtres nationaux, très contrôlés par le gouvernement et contraints dans une programmation sans réelle recherche puisque menée dans un esprit de conciliation. Ces théâtres ont énormément de mal à se remplir ; s’il est de bon ton pour l’élite parisienne d’y avoir sa loge, beaucoup n’y vont jamais voir de spectacles, la programmation étant jugée fort conformiste et trop peu audacieuse. De nos jours, la situation a bien changé et l’Etat réclame aux institutions qu’il subventionne une création contemporaine , sans intervenir sur le contenu ou même sur les modalités de production des spectacles. On observe cependant d’autres freins, plus économiques, la faiblesse des moyens financiers mis à disposition par le gouvernement pour soutenir et subventionner les infrastructures théâtrales. En effet, le modèle économique du spectacle vivant fait qu’il est de moins en moins rentable structurellement parlant puisqu’il nécessite beaucoup d’investissements dans la création d’un objet fini plus ou moins immatériel et parfois difficile à exporter. Dans les années 60, un économiste américain a étudié ces difficultés et mis en place un modèle: il s’agit de William Baumol qui livre son étude dans l’American Economic review [6]. Nous expliquerons très succinctement cette théorie pour tenter de comprendre dans quelle mesure il peut encore s’appliquer à notre époque et s’il est toujours efficace lorsqu’il s’agit du monde de la création théâtrale d’ aujourd’hui. Son postulat de départ est que l’on peut séparer les activités économiques en deux secteurs : le secteur progressif dont la force de travail et le résultat sont indépendants et où , du coup, des économies de moyens de production n’ont pas ou très peu de conséquences sur le résultat ( c’est le cas des activités industrielles notamment) et le secteur non progressif dont font partie les activités artistiques -et donc forcément la création théâtrale . Ce deuxième domaine économique entretient une forte dépendance entre mode de production et produit fini, aussi tout changement ou économie dans le processus de création changeront la nature de l’objet présenté in fine. Il serait donc beaucoup plus compliqué de réaliser des gains de productivité dans le secteur non progressif que dans le secteur progressif - ce qui va amener l’économiste à une étude assez simple de l’évolution économique

de nos sociétés développées. Il estime que ces gains de productivité dans le secteur progressif amènent tous les travailleurs à demander et à obtenir relativement facilement des augmentations de salaires créant une croissance économique du modèle. Or les salariés du modèle non progressif vont, face à cette croissance, eux aussi demander les mêmes hausses de salaires. Mais, dans ce secteur, ces hausses de salaires vont avoir un impact direct sur le budget de production sur lequel il est très complexe de réaliser des économies qui réduisent automatiquement la qualité de la production. Ce constat débouche, dans nos sociétés post-industrielles, sur une seule solution viable : l’augmentation des subventions émanant de la collectivité au profit des secteurs non progressifs afin de rétablir l’équilibre et de permettre à ceux- ci de ne pas baisser la qualité de leur production. C’est une analyse alarmante qui est présentée là , puisqu’elle présumerait que, sans aide financière de l’Etat, les structures théâtrales sont amenées à réduire de manière constante la qualité des produits proposés au public et que, dès lors, tous les théâtres privés de Paris suivraient cette dynamique descendante. En effet , le professeur Baumol prévoit, sans aide de la part des institutions , une augmentation énorme des déficits des structures menant, à terme, à leur fermeture pure et simple. Mais avant de rentrer dans ces considérations d’aides publiques, il semble important de comprendre en quoi le spectacle vivant est un secteur non progressif et quelles en sont les contraintes économiques principales. Dans la création théâtrale, les coûts de production exposés par William Baumol sont constitués majoritairement par le travail de création des acteurs qui représente plus de 60% de ces coûts de production, ce qui fait que les augmentations exigées par la croissance économique de la société se ressentent beaucoup plus que sur d’autres secteurs économiques. De plus, si les moyens techniques ont explosé depuis 150 ans maintenant, ils ont surtout constitué des améliorations au niveau de la représentation des spectacles ( électricité, mécanisation et automatisation des décors… ) mais n’ont que très peu permis de réduire la quantité de travail nécessaire à la mise en place d’une oeuvre. Qui plus est, ce domaine d’activité connait, depuis le début des années 80, une baisse de la demande, c’est- à -dire pour résumer une baisse de fréquentation des théâtres. Le coût du travail augmente donc proportionnellement aux salaires des travailleurs du secteur « progressif » mais les recettes elles ont tendance à baisser et les salles ont du mal à se remplir. Tous ces problèmes sembleraient pouvoir être compensés par une augmentation des tarifs du théâtre mais ceux-ci sont plafonnés dans le domaine public et régissent par ricochet l’ensemble du marché du spectacle. On observe donc une crise structurelle et des déficits en croissance continue pour la plupart des théâtres parisiens. Toutes ces analyses économiques démontrent bien que la seule échappatoire 21


possible réside dans le subventionnement public des structures théâtrales et cela se vérifie par la hausse exponentielle - depuis maintenant plus de 40 ans - du nombre de demandes de subventions. Aujourd’hui en effet, la quasi- totalité des théâtres, publics ou privés, ont recours aux subventions, directes ou indirectes, qu’elles viennent de l’Etat ou d’autres fonds. Cette redistribution des moyens est aujourd’hui la base qui fait tenir debout le paysage du spectacle vivant. Que ce soit par l’aide à la création de pièces, par une subvention ponctuelle ou permanente des entités publiques ou sous contrat, ces apports constituent la première ressource financière des théâtres, souvent bien plus importants que les recettes propres amenées par les billetteries des salles. Malheureusement, si à la fin du XXème et dans cette première décennie, la croissance du pays permettait plus ou moins ce fonctionnement préservant la stabilité du système, (et ce bien que le budget alloué à la culture ne représentait en 2009 qu’1% du budget global de l’Etat - ce qu’on est autorisé à juger tout à fait insuffisant !), on a pu voir depuis la crise financière de 2008, un changement radical dans les politiques liées au financement de la culture qui ne cesse de baisser. Ainsi, si les subventions de l’Etat restent plus ou moins stables pour les théâtres nationaux, les autres collectivités territoriales peinent à maintenir le niveau de leur soutien financier aux structures culturelles et beaucoup d’entre elles – les plus petites souvent - ont vu leurs budgets drastiquement diminués ( on peut prendre en exemple le théâtre de la MJC-TC à Colombes qui propose aux habitants un ensemble d’activités - des représentations théâtrales, un cinéma, et tout un programme éducatif qui a fait ses preuves- et se voit, depuis 2014, perdre un tiers du budget versé par la ville ; avec pour conséquences immédiates : des obligations de licenciement et une baisse de l’activité proposée par le lieu avec, par exemple , de moins en moins de résidences). La situation économique du spectacle semble ainsi particulièrement difficile en ce moment présent, ce qui pourrait bien expliquer ce qu’on dénomme “crise du théâtre”, ce terme que nous cherchons à définir, lancé par les institutions théâtrales et qui semble être totalement justifié par le constat présenté .

[ fig 1 ]

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[ fig 1 ] tableau de l’évolution de l’aide aux compagnies dramatiques ( de 1971 à 1985 ) source : ministère de la culture tirée du livre d’Alain Buson “le théâtre en france, contexte socio-économique et choix esthétiques”, Notes et études documentaires, 1986

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[ fig 2 ] evolution des subventions de fonctionnement versées par l’etat aux grands secteurs institutionnels qui concourent à l’offre theâtrale française tirée du livre d’Alain Buson “le théâtre en france, contexte socio-économique et choix esthétiques”, Notes et études documentaires, 1986

[ fig 2 ]

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Codes architecturaux des théâtres conventionnels Façades et Ornementations Nous débuterons cette analyse par un exemple qui peut sembler extrême et qui ne fait pas partie du répertoire des théâtres défini dans ce travail, l’Opéra de Charles Garnier, infrastructure la plus emblématique en ce qui concerne le spectacle vivant à Paris et qui illustre bien les codes utilisés au XIXème siècle en ce qui concerne ce type d’ouvrage architectural. Pour ce bâtiment, l’architecte a utilisé pas moins de 33 pierres et marbres différents, important les matériaux de l’Europe entière. On est donc ici dans une recherche constante de faste et la façade va bien entendu aussi dans ce sens [7]. A sa base, au premier regard, on peut observer de grandes marches monumentales permettant d’accéder à une vaste galerie couverte. Ces marches sont un code bien connus en architecture puisqu’on les retrouve déjà dans les temples grecs afin de mettre à distance le bâtiment, elles sont le moyen de décoller le bâtiment de la rue, le plaçant ainsi au-dessus des piétons et du public. On retrouve ce dispositif dans certains théâtres parisiens comme le Théâtre de l’Europe ou encore le Palais de Chaillot. En haut de ces escaliers, on peut observer huit immenses arches marquant l’entrée de la galerie. Sur ce premier niveau, on retrouve des macarons à l’ornementation foisonnante avec, au centre de chacun, le portrait d’un grand compositeur, créant déjà une relation entre l’intérieur et l’extérieur ; on retrouve aussi à ce niveau huit grandes sculptures sur chacun des piliers soutenant les arches. Ces statues qui seront installées après l’inauguration, rajoutent encore à l’ornementation à la façade ; elles traitent toutes de thèmes tels que la dramaturgie, la musique ou la danse, renforçant ainsi l’esprit du bâtiment. Cet étage déjà très chargé vient soutenir des balustrades et une grande loggia, lieu de représentation sociale seulement accessible par l’intérieur du bâtiment, où l’on vient pour être vu de la rue. Chaque terrasse est encadrée par deux paires de colonnes, deux immenses piliers montant jusqu’au sommet de cet étage et deux plus petits sur lesquels viennent se positionner des bustes de compositeurs. Tous ces éléments, bien que prolifiques, restent monochromes, en pierre et en marbre. C’est bien au-dessus d’eux que se développe la partie la plus ornée de la façade avec une série de frontons décorés sur lesquels vient se poser une immense frise ornementale occupant toute la longueur du bâtiment et recouverte de feuilles d’or , chapeautée par deux statues en cuivre recouvertes elles aussi de feuilles d’or et de deux autres sculptures représentant des chevaux ailés . Comme pour ajouter encore à la monumentalité de l’édifice, au centre de ces statues, on vient découvrir l’immense dôme, lui -même couronné par une grande statue en cuivre d’Apollon tenant une lyre. On pourrait encore s’étendre longuement sur le foisonnement de cette façade qui reste la plus ornementée de tous les lieux scéniques parisiens mais elle donne déjà un bon point de départ

7. voir fig1

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8. Par exemple, une salle de 300 places devra prévoir 300m2 de foyer pour être confortable dans les usages

pour la compréhension de l’architecture des grands théâtres parisiens de son époque qui construiront dans un style très néoclassique utilisant dorures, colonnes et chapiteaux. Un peu plus tard, c’est le style Art-Déco qui émergera et on pourra observer le même phénomène avec des théâtres qui pousseront à l’extrême ce style dans une volonté de créer des théâtres toujours plus monumentaux (on peut ainsi citer le Théâtre des Champs Elysées ou encore les Folies Bergère ). Les codes sont particuliers à chaque époque et à chaque style en vigueur mais on peut souligner une caractéristique commune qui est, pour les lieux scéniques, de toujours pousser au maximum chaque style, dans le but de créer une monumentalité, de positionner le théâtre comme un bâtiment qui est lui-même lieu de représentation , de faste et de spectacle. Si cela est vrai pour l’extérieur des bâtiments, on retrouve aussi ces codesde manière encore plus systématique- à l’intérieur. Dispositifs spatiaux intérieurs et technicité. Une fois passées les portes d’un théâtre, on rentre dans un monde particulier , en tout cas le but est d’échapper au quotidien pour quelques heures et même si tous les théâtres ont leurs spécificités et que les codes évoluent avec le temps, il y a certains dispositifs que nous pouvons mettre en exergue afin de nous rapprocher un peu de la compréhension globale de ce qu’est architecturalement parlant un lieu scénique. Une des problématiques principales du théâtre est de recevoir un nombre important de spectateurs sur une durée courte. En effet, c’est un édifice rempli de temporalités différentes. Si, en journée, il n’est occupé que par les services administratifs, techniques, et les artistes en répétition ou en résidence quand le théâtre le permet, il ouvre ses portes pour les représentations à une population beaucoup plus nombreuse ce qui l’oblige, dans sa configuration spatiale, à mettre en place des systèmes de circulation efficaces et assez démesurés en terme de proportions, ce qui participe à créer de grands volumes monumentaux - ainsi la contrainte de la norme devient aussi un atout esthétique. La règle de base est que le foyer principal ( espace d’attente pour les spectateurs avant les représentations) doit prévoir 1m2 par spectateur [8]. Cela donne déjà une idée des volumes nécessaires et c’est autour de cet espace que va venir s’organiser le théâtre. Il existe une autre contrainte en ce qui concerne les lieux scéniques, c’est l’arrivée des spectateurs par le haut de la salle. En effet si l’entrée dans le bâtiment se fait généralement au niveau de la rue, la scène est elle aussi , dans la plupart des cas , à ce niveau , permettant de ce fait un accès plus facile pour la mise en place des décors et des éléments techniques. La plupart des anciens théâtres -quand cela leur est possible- créent de grands escaliers au niveau du foyer afin de faciliter la circulation dans la salle elle- même, plus les escaliers menant aux balcons et aux loges. Ces espaces de distribution sont devenus au fil du temps un vrai code pour l’architecture théâtrale classique . Le grand

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escalier de l’Opéra de Paris reste l’exemple le plus frappant, on peut aussi citer le Théâtre du Chatelet qui met en scène ses escaliers monumentaux depuis la rue elle-même puisque les deux grands escaliers qui mènent au parterre de la salle se situent chacun face à une grande arche vitrée de la façade. D’autres théâtres jouent avec ce dispositif et le détournent : le Théâtre de Chaillot par exemple inverse le processus et crée un parcours descendant avec un escalier monumental (dans lequel se logent les vestiaires et la billetterie ) pour nous amener jusqu’au foyer qui se trouve en contrebas et nous offre en apothéose sa vue magnifique sur les jardins du Trocadéro et la Tour Eiffel) [9] . Dans les théâtres aux jauges importantes, on retrouve un autre principe lié lui aussi aux problématiques de circulation. Pour accéder aux différents balcons souvent nombreux ( quatre dans la plupart des théâtres historiques), les concepteurs sont obligés de multiplier les couloirs d’accès autant pour la fluidité de l’entrée des spectateurs que pour les normes de sécurité pour l’évacuation des lieux. Pour gérer ces espaces résiduels, on vient les transformer en vrais espaces de convivialité, les habiller aussi luxueusement que les foyers et ils deviennent donc aussi la marque de théâtres haut de gamme. L’intérieur d’un théâtre se doit en effet d’être une oeuvre totale reflétant parfaitement l’état d’esprit du lieu pour que le spectateur rentre dans l’univers du spectacle et soit dans de bonnes conditions avant de s’installer dans la salle. Selon la programmation d’un théâtre, selon le type de public qu’il veut attirer, les codes diffèrent autant dans l’organisation de l’espace que dans les choix des matériaux. Ces questions de traitement des espaces résiduels sont primordiales et déterminent la qualité finale d’un édifice. On peut ainsi sur ce point prendre l’exemple du nouveau lieu scénique de Jean Nouvel qu’est la Philharmonie de Paris. Si tout le monde s’extasie devant une salle parfaitement réussie, englobante et acoustiquement à la pointe de la technologie, il me semble intéressant de regarder les grands couloirs de plus de 8m de large qui la bordent, permettant la circulation des 2400 spectateurs de la salle. Ces circulations, organisées en cercle autour du coeur du bâtiment, possèdent généralement un pan de mur totalement vitré sur l’extérieur mais les concepteurs ont fait le choix d’une hauteur sous plafond peu importante (2m40) ce qui donne un sentiment de mal-être et d’écrasement. Cet effet de contraction de l’espace est rendu encore plus désagréable par la générosité des volumes du foyer et de la salle. Cette rupture est un bon exemple de ce que peut donner une mauvaise gestion des espaces de circulation. Cependant un point important à étudier également est la localisation d’un théâtre dans la ville, elle aussi très représentative.

9. voir fig 2 et 3

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10. le théâtre du Marais au 36 rue Volta dans le 3ème arrondissement ( Fig4 schéma1 ) 11. voir fig4 schema2 12. voir fig4 schéma 3

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Intégration urbaine des théâtres au fil du temps Depuis 1649 et l’arrivée du premier théâtre à Paris [10] , la ville et ses pratiques ont beaucoup évolué et avec elles, les théâtres ont dû s’adapter. En effet si les théâtres du XVIIème siècle s’insèrent généralement dans un bâti dense de type faubourien au coeur du Paris historique, on a pu observer depuis des changements radicaux. On remarque ainsi des implantations très diverses mais on peut cependant les regrouper par typologies qui sont chacune très caractéristiques de leur époque. Ainsi, à partir du XVIIIème siècle mais surtout au fil du XIXème siècle, bon nombre de théâtres choisissent de s’implanter de manière à créer des regroupements, on peut ainsi citer les théâtres de la Gaité Montparnasse dans le 14ème arrondissement [11] ou encore ceux des Grands boulevards dans le 10ème. Ce choix est à l’époque un choix stratégique : il y a une volonté de créer des pôles d’attraction autour d’un quartier, généralement central, afin de générer une réputation. En effet, ces théâtres groupés s’inscrivent généralement dans un même genre attirant ainsi un public assez semblable, leur permettant de découvrir des lieux théâtraux qui les intéresseront très probablement. Généralement ces groupements de théâtre se font dans un tissu urbain dense et mitoyen, sur des axes importants comme l’illustre bien celui de la Porte Saint Martin, situé sur un axe haussmannien très attractif. Ils s’accompagnent pour la plupart de nombreux établissements culturels (musées, … ) et de lieux de fête ( bars et autres débits de boissons ) . Toujours au XIXème siècle, d’autres institutions font un pari différent, celui de s’installer seules sur les nouveaux axes d’Haussmann souvent un peu plus éloignés du centre historique parisien. Elles s’adaptent ainsi aux politiques d’urbanisme de leur époque et tentent d’attirer un public plus large à l’image du Théâtre des Bouffes du Nord, par exemple, qui se situe dans un quartier assez éloigné du centre mais sur un noeud urbain, et qui agit comme un signal dans un cadre et une population peu habituée à ce genre d’équipement culturel. Ainsi on peut dire que ce théâtre fait une première tentative de démocratisation du théâtre en choisissant cet emplacement [12]. Cependant c’est vraiment au XXème siècle que l’on verra apparaître une petite révolution. Tout d’abord, la politique de Paris d’investir sa banlieue a été particulièrement suivie dans le domaine théâtral, puisque les municipalités des villes limitrophes à Paris ont dans leur quasi -totalité ouvert des théâtres municipaux (politique des MJC, des CDN ou encore des scènes nationales ), politique poursuivie également par le secteur privé dans certaines agglomérations. Ainsi on peut voir maintenant des théâtres qui sont plus isolés, dans des tissus urbains au maillage beaucoup plus large, au centre de parcs ou sur de grandes places se positionnant comme des signaux culturels forts. On peut ainsi citer La MC 93 ou encore le théâtre du rond point qui se dresse au centre d’un espace vert au niveau du rond point Franklin Roose-

velt. Ainsi on voit bien qu’avec le temps les établissements s’adaptent aux nouvelles manières de vivre des parisiens et sont obligés de changer d’approche quant à leur localisation et à leur implantation dans la ville . On peut se dire que si ces nouveaux théâtres se placent dans un maillage plus large, c’est aussi parce que le tissu parisien est tellement saturé qu’il est nécessaire de construire en dehors ou de réhabiliter du bâti existant pour y recréer des endroits attractifs. -

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[ fig 1 ]

[ fig 1 ] Elevation de la façade principale de l’Opera Garnier. dessin de Charles Garnier autour de 1863 source : User scan of Steinhauser, Monika (1969). Die Architektur der Pariser Oper, plate 9. Munich: Prestel. [ fig 2-3 ] Photographies du grand escalier du théâtre de chaillot. En plongée et contre-plongée. source : blog sur la flannerie Parisienne : unpetitpoissurdix.fr [ fig 4 ] Dépliant regroupant différentes morphologies d’integration urbaines de théâtres parisiens au fil du temps source : IdA

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[ fig 2 ]

[ fig 3 ]

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1. Le théâtre du marais 36 rue Volta - 75003 1634 incrustation dans un tissu faubourgien dense

4. Les Ateliers Berthier 32 Boulevard Berthier - 75017 1889 Rehabilitation d’un ancien lieu de stockage au porte de Paris - tissu peu présent - encadré par deux grands axes routiers.

2. Les théâtre de Montparnasse quartier de gaité / montparnasse- 75014 1813 jusqu’à 1990 implantation par regroupement dans un tissu dense

5. La Cartoucherie Bois de Vincennes - 75012 1965 jusqu’à 1973 Groupement de théâtre dans une réhabilitation globale d’une friche industrielle

3. Les Bouffes du nord 37 Boulevard de la Chapelle - 75010 1876 implantation sur un grand boulevard Haussmanien mitoyenneté et proximité d’un noeud urbain.

6. Théâtre du Rond point ( et Marginy ) 2 bis avenue Franklin Delano Roosevelt - 75008 1981 Insertion sur un grand axe dans un petit parc éloignement du bati existant - volonté de faire signal

[ fig 4 ]

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La « crise » du théâtre parisien Une programmation sur le déclin Précédemment nous avons étudié la situation théâtrale du point de vue des conjonctures économiques actuelles et c’est par cette entrée que nous aborderons le problème de la programmation car il existe un lien évident et primordial entres les deux. Pour réduire le champ d’étude de la programmation, nous nous cantonnerons au théâtre à proprement parler et n’étudierons pas la programmation des théâtres spécialisés en danse ou en spectacles musicaux. Le manque de moyens des compagnies joue un rôle assez important dans les propositions des théâtres. Certaines pièces demandent plus de moyens que d’autres pour être réinterprétées ou simplement remontées. Des paramètres très matériels tels que le nombre d’acteurs présents sur scène, l’importance des décors ou encore le nombre et la richesse des costumes nécessaires peuvent rapidement devenir un gros frein financier. Il est donc courant de rencontrer des metteurs en scène qui cherchent à remonter une pièce de Shakespeare par exemple mais ne trouvent pas les financements suffisants pour y arriver sans totalement dénaturer le projet. Ce phénomène est facile à comprendre lorsque l’on envisage le petit nombre de compagnies qui parviennent à remonter ce genre de spectacle. Avec son Richard III, Thomas Jolly, jeune metteur en scène audacieux, très présent dans le paysage théâtrale contemporain depuis quelques années et révélés à Avignon par sa pièce Henry VI, met en place une équipe de plus de 33 personnes qui vont travailler pendant plus d’un an sur le spectacle, des décors imposants, un travail très important sur les costumes … tout cela fait de son spectacle une réussite mais représente aussi un coût très élevé qu’il peut se permettre de par l’engouement qu’a provoqué sa mise en scène précédente , succès qui lui a donné accès à certains financements mais rares sont les metteurs en scène qui peuvent encore aujourd’hui se permettre de prendre de tels risques. En conséquence, on retrouve aujourd’hui dans les théâtres un répertoire composé de super productions comme celles- ci, menées par des metteurs en scène stars du spectacle vivant ( on peut en citer quelques- uns parmi lesquels Thomas Ostermeier, Romeo Castelluci, Angelica Liddell ou encore Ariane Mnouchkine ) qui remplissent les salles juste sur leur nom et qui ont du coup accès à des moyens conséquents, mais ils ne représentent qu’une petite partie de l’offre proposée aux spectateurs parisiens et axent leurs tournées surtout dans des théâtres publics de grande renommée, qui ne sont pas forcément dans une situation précaire aujourd’hui. Beaucoup d’autres théâtres se lancent dans la création de pièces contemporaines, d’actualité avec des moyens beaucoup moins conséquents, généralement portées par un acteur plus ou moins connu dans le but 35


13. comme le dira lui-même Vilar en définissant le style de ces réécritures “les lois pures et spartiates de la scène”

d’attirer le grand public. Ces pièces existent pour permettre aux théâtres de remplir les salles à moindre coût et sont régulièrement utilisées par le secteur privé. Mais la répétition et la redondance de ces pièces nourrissent une programmation considérée par beaucoup comme « pauvre » Certains théâtres font le choix d’une programmation plus expérimentale, basée sur des auteurs contemporains au texte souvent plus engagé dans des mises en scène sobres. On pourrait la qualifier de théâtre d’auteur en faisant un parallèle avec le cinéma. Ce sont surtout de petits théâtres à la clientèle fidèle qui se permettent ce genre de choix qui cible quand même un public d’initiés. Ces pièces sont cependant généralement peu coûteuses et permettent à de petits théâtres de subsister sans l’aide de subventions. Il est regrettable aujourd’hui de voir bon nombre de compagnies indépendantes qui montent des pièces innovantes et intéressantes sur le plan de l’écriture mais ne trouvent pas de lieux de diffusion de par la frilosité des salles ou de par le fait que ces compagnies n’ont pas obtenu les subventions qui leur auraient permis de louer des lieux de représentation . On voit donc bien qu’aujourd’hui, même si l’on garde à Paris une programmation de qualité grâce à de petits théâtres ambitieux, à un public averti et habitué à la nouveauté et grâce à des metteurs en scène stars qui déplacent les foules, il s’installe de plus en plus une programmation qu’on peut qualifier de confortable, avec des spectacles où l’on pense plus à l’équilibre budgétaire , voire à la rentabilité qu’à l’innovation et à l’avancement des pratiques théâtrales. Cette tendance de plus en plus nette produit chez le public un désintérêt progressif même si les spectateurs initiés savent encore quels théâtres, quels spectacles choisir. L’échec du théâtre pour tous Ce désintérêt croissant du public résulte aussi d’une politique, initiée depuis plus de 60 ans maintenant par André Malraux , quand il a été nommé en 1959 à la tête du tout nouveau ministère de la culture. Ses intentions étaient louables, il était désireux d’affranchir le monde du spectacle vivant de son image élitiste pour l’ouvrir au plus grand nombre et aux couches de populations qui, jusque - là, n’y avaient pas accès. Ainsi il travaillera à une politique de décentralisation et de démocratisation, créant beaucoup de nouvelles structures en dehors de Paris, qui regroupait alors la quasitotalité des infrastructures théâtrales et lancera la création des espaces censés être plus accessibles. Ces lieux vont se solder par un échec, on essaiera d’y présenter de grandes oeuvres théâtrales écrites par des noms jugés incontournables dans des mises en scène dépouillées et un style “spartiate” [13]. Ces espaces eux -aussi seront repensés en supprimant tous les codes propres à l’architecture théâtrale connus jusque- là, on supprimera tous les ornements et autres détails superflus. Cela s’inscrit bien sûr dans une période où apparait le Brutalisme en architecture, mouvement vite

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récupéré par les services publics avec la construction de grands ensembles ou d’autres équipements publics dans le but de réaliser des économies au niveau des budgets de travaux. Dans ces nouvelles structures, il leur fallut imaginer de nouvelles stratégies pour attirer le public et la plus courante fut la pratique de tarifs avantageux, condition sine qua non à l’afflux du public visé. Cette politique eut le mérite de redonner vie au paysage théâtral de banlieue et de province, mais cependant pas dans les perspectives mises en avant. En effet cela attira vers le spectacle vivant une nouvelle population, la petite bourgeoisie qui n’y avait pas, avant cela, accès ou alors dans des conditions particulières. On vit donc affluer dans les théâtres cette classe sociale qui était déjà désireuse de se plonger dans cet univers mais ne le pouvait pas jusqu’alors, faute de moyens ou faute de structures théâtrales autour d’elle. Mais ces nouvelles structures n’attireront pas les couches populaires visées qui ne se déplaceront pas. En mai 1968 cette politique sera dénoncée comme un “idéalisme mystificateur d’une conception de la culture comme lieu de rencontre pacifique et de réconciliation des classes”. Par la suite donc on réinterrogera cette pratique pour essayer de faire de toutes ces structures créées par la décentralisation un atout dans le paysage théâtral français et non des enclaves parisiennes déconnectées de la réalité dans laquelle elles s’inscrivent. Mais ce processus est complexe et porteur de controverses. Aujourd’hui encore, malgré leurs efforts, nombre des CDN de région parisienne attirent plus de parisiens intramuros que de spectateurs issus des villes où ils se situent. On peut citer en exemple le Théâtre des Amandiers à Nanterre qui multiplie les actions en vue d’ accueillir les habitants de la ville ( liens étroits avec l’université, tarifs préférentiels pour les résidents, ouverture du théâtre pour de nombreux événements totalement gratuits… ) mais qui reste cependant un lieu surtout fréquenté par les parisiens qui se déplacent pour y voir une programmation très contemporaine et pointue qui a du mal à toucher un public de non-initiés. La réalité est telle que beaucoup se questionnent sur ces postulats d’ordre politique et proposent d’autres formes pour attirer des populations néophytes et pas forcément intéressées par la culture. Des politiques d’interventions par l’animation se sont mises en place depuis les vingt derniers années et tentent d’inclure réellement les classes les moins privilégiées dans un processus de création culturelle , en réalisant un travail directement avec elles, dans leur cadre afin de leur faire prendre conscience qu’ elles aussi peuvent faire partie de la création artistique, que celle- ci n’est pas si éloignée de leur vie et qu’elles sont capables de s’y intéresser et d’y apporter un nouveau souffle. Ce nouvel élan, porté et soutenu par une volonté institutionnelle, a su redonner de la vigueur à la vie du théâtre populaire, faisant éclore, en banlieue parisienne notamment, de nombreux projets d’un théâtre qu’on appellera par la suite théâtre sociologique. Celui- ci viendra redynamiser la 37


14. cf la première partie 1.a sur l’historique des théâtres parisiens

création théâtrale certes mais engendrera une multitude de petites structures de création qui auront pour seul but une action sociale et pas de volonté à la diffusion ni à l’association avec des scènes publiques ; elles apportent donc un bénéfice à la création théâtrale, réinterrogent ses codes et la manière de faire du théâtre au XXIème siècle mais n’apportent rien aux théâtres en eux -mêmes puisqu’elles cherchent au contraire à fuir ces structures qu’elles jugent castratrices. Toutes ces politiques sont aujourd’hui remises en question par les institutions théâtrales, publiques comme privées, qui - sans rejeter le théâtre populaireconsidèrent que les expérimentations réalisées par le Ministère de la Culture depuis 1960 ont été bien souvent des investissements très coûteux et qui n’ont finalement amené que peu de résultats. Aujourd’hui encore, la population touchée par le théâtre reste majoritairement la classe moyenne supérieure et au-delà et on a encore beaucoup de mal à y intéresser les autres groupes sociaux, malgré tous les efforts déployés au fil des décennies. Une nouvelle concurrence qui s’installe, les espaces théâtraux informels Depuis toujours le théâtre est mobile et disparate, il en a toujours été ainsi. Déjà à l’époque de la Renaissance, les troupes quittaient leurs espaces attitrés pour sillonner la France afin de toucher un plus grand nombre de spectateurs. Il n’est pas rare de voir ces groupes d’acteurs, à l’époque, voyager avec des théâtres démontables qu’ils installaient sur les places des villes ou dans des salles municipales destinées à ce genre d’usage, des lieux totalement différents de ceux dans lesquelles les pièces avaient été originellement jouées et qui souvent ne possédaient pas les mêmes qualités acoustiques et d’immersion que de vrais théâtres en dur, pensés comme une échappatoire au réel dans le but de faire voyager les spectateurs dans une illusion propre à chaque travail dramaturgique. Ce système s’est peu à peu estompé avec l’apparition de réelles structures théâtrales en province et l’installation de metteurs en scène hors de la capitale, qui se sont chargés de diffuser la culture de manière indépendante dans des lieux conçus pour cela. Cependant, ce n’est pas pour autant que se sont arrêtées les représentations dans les espaces qu’on appellera ici informels, c’est -à -dire des lieux qui ne sont pas a priori destinés à recevoir de telles manifestations. N’oublions pas tout d’abord que le théâtre à Paris est né dans un lieu qui ne lui était pas du tout destiné au départ , en l’occurrence l’Hôpital de la Trinité [14] et qu’il s’est ensuite développé surtout dans les salles de jeu de paume qui offraient de grands espaces permettant de jouer les spectacles, qui étaient surtout à l’époque des spectacles religieux. Ainsi il existe une culture à Paris de répandre la culture partout dans la ville et le théâtre ne fait pas exception. Mais si on a de tout temps vu

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l’art du spectacle vivant s’exporter sur l’espace public ou dans des lieux non dédiés (églises, lieux de fêtes, habitations, … ) ce phénomène ne fait que s’accentuer aujourd’hui pour une raison simple qui rejoint le propos développé précédemment. En effet, financièrement parlant ,il est de plus en plus difficile pour les jeunes metteurs en scène ou les jeunes compagnies et collectifs de spectacle vivant d’accéder aux structures de diffusion théâtrale. Les résidences proposées sont de plus en plus restreintes et les demandes se multiplient [15]. La programmation dans des structures théâtrales est elle aussi très compliquée de par les restrictions budgétaires de toutes les structures publiques et même privées qui préfèrent depuis quelques années réduire le nombre de spectacles programmés par saison en mettant l’accent sur la renommée et la qualité de ce qu’elles proposent. Elles sont ainsi beaucoup moins enclines à prendre des risques tels que la programmation de jeunes collectifs peu reconnus qui risquent de représenter pour ces structures plus de dépenses que de recettes. Ainsi, les jeunes metteurs en scène, compagnies de théâtre ou collectifs d’artistes, doivent trouver d’autres solutions pour diffuser leur travail et faire entendre leur voix dans le brouhaha de la culture parisienne actuelle. Pour cela, tous les moyens sont bons mais l’événementiel semble être un des domaines les plus porteurs. En effet, à Paris, comme en banlieue ou dans les grandes métropoles, sont constamment organisées des manifestations. Qu’elles soient culturelles ou pas, celles -ci cherchent toujours à se renouveler pour toucher un public le plus large possible. Les organisateurs, généralement des organismes privés (marques de grande consommation, établissements de nuit, maisons de luxe ou même institutions culturelles comme des musées par exemple) cherchent sans cesse à se renouveler et à créer la surprise. Dans ce cadre, nombreuses sont celles qui s’ouvrent à la création théâtrale et offrent à de jeunes compagnies la possibilité de s’exprimer dans le cadre des événements qu’elles organisent. C’est une belle opportunité pour celles- ci de gagner en visibilité et de roder leurs créations. De plus, ces organismes disposent souvent de moyens financiers plus conséquents que le réseau conventionnel et permettent à ces compagnies naissantes de se faire payer, et de rentrer dans un cycle porteur d’avenir. Cette ouverture, en plus des avantages économiques certains et des potentiels de diffusion, offre une expérience à chaque fois réinventée dans des lieux souvent différents, obligeant les acteurs et les metteurs en scène à réécrire chaque spectacle selon les conditions particulières de représentation (temporalité, esthétique et histoire du lieu, public présent… ). Elles imposent de nouvelles contraintes qui sont l’occasion, pour chaque artiste, de réinterroger sa relation à la pièce, au public ou encore à son environnement, favorisant ainsi les processus de renouvellement de la mise en scène et de la relation spectateur / public.

15. On peut d’ailleurs voir cela comme un point positif puisqu’il est le signe de l’essor d’une nouvelle génération d’artistes qui décide de se lancer dans l’aventure de la vie de compagnies indépendantes malgré la situation critique. Les crises sont souvent le début d’un nouveau système et cette émergence de nouveaux acteurs de la vie théâtrale parisienne, souvent autofinancée, est peut- être le prélude d’un nouveau système en construction.

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Pour revenir au cadre conventionnel du théâtre, il existe depuis longtemps des metteurs en scène qui se servent de ce processus d’intégration de lieux “non théâtraux” dans une volonté de mettre en danger leurs créations et de les réinterroger. On peut citer ainsi Armand Gatti, metteur en scène des années 70 qui a fondé son théâtre sur ce principe en cherchant, pour chacune de ses créations, un lieu différent qui viendrait nourrir son écriture et le jeu de ses acteurs et permettre une immersion parfaite des spectateurs dans l’univers voulu. Dans ce mouvement, sillonnant les routes d’Europe à la recherche du lieu parfait, il investira des usines à Bruxelles ou dans la Ruhr en Allemagne. On voit donc bien ainsi que les lieux théâtraux ne sont plus les seules options disponibles aujourd’hui pour la diffusion du spectacle vivant et que les tensions économiques et politiques qui pèsent sur le monde de la création théâtrale amènent les compagnies à envisager de nouvelles formes de spectacle pour conquérir un public toujours plus large, qui ne serait pas forcément allé dans un théâtre instinctivement et qui va se laisser attirer dans ce monde de manière involontaire. N’est-ce pas là finalement le théâtre pour tous et l’idée développée après la seconde guerre mondiale ? Au lieu de penser des lieux pour attirer le public, peut -être faut-il à l’inverse amener le théâtre là où il est déjà présent ? Aujourd’hui , ces nouvelles formes de représentation théâtrale, qui nécessitent au final moins de moyens et sont beaucoup plus simples à mettre en œuvre , grignotent chaque jour davantage les fréquentations des publics traditionnels et accentuent encore le désarroi du théâtre dit conventionnel. -

[ fig 1 ]

[ fig 1 ] discussion autour de la culture sur le campus de Nanterre pendant le mouvement de mai 1968 photographe : Serge Hambourg source : site internet du photographe [ fig 2 ] Innauguration en 1969 du nouveau théâtre des Amandiers, symbole de la politique de décentralisation théâtrale Source : site du théâtre des Amandiers [ fig 3 ] Théâtre de rue sur la place d’alligre photographe : Gérard Lavalette

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[ fig 4 ] Image de synthèse, projet d’occupation de stations de métro abandonné. Architectes : OXO dans le cadre de la campagne de N. Kosciusko-Morizet pour la mairie de Paris Source : Urbanews.fr

[ fig 2 ]

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[ fig 3 ]

[ fig 4 ]

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DEUXIÈME PARTIE LE XX° SIÈCLE, UN RENOUVEAU TANT ARTISTIQUE QU’ARCHITECTURAL -

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Déplacement du cadre

15. date de l’inauguration de la première structure servant exclusivement à la representation théatrâle, le théâtre du marais

Du centre de Paris vers sa périphérie Jusqu’au XXème siècle, une dynamique commune de création de nouveaux lieux théâtraux existait puisque les théâtres s’inséraient, en quasi- totalité, dans Paris intramuros et dans des quartiers précis, déjà culturellement attractifs. Cependant, depuis les années 1900, un nouvel élan d’éloignement du centre de Paris s’amorce, les théâtres s’installent de plus en plus en périphérie de Paris et certains vont même jusqu’à créer des extensions, de nouvelles salles en dehors de Paris. On peut donner plusieurs explications à ce phénomène : Tout d’abord sur la période étudiée ici qui s’étend de 1634 [15] à aujourd’hui, la ville de Paris s’est énormément étendue passant d’enceintes très réduites à une nouvelle périphérie avec Haussmann, allant même jusqu’à englober en son sein une série de communes limitrophes qu’on peut considérer aujourd’hui comme faisant partie intégrante de l’urbanité parisienne. Ainsi la ville s’agrandissant petit à petit, les théâtres eux aussi étendent leur emprise. D’autre part, il y a eu au XXème siècle une grande politique française de revalorisation de la première couronne de Paris qui a eu pour effet l’apparition de beaucoup d’équipements culturels dans ces communes proches ; ainsi, chaque ville, à partir de 1960 s’est vu offrir l’opportunité de créer un programme théâtral, que celui - ci se localise soit dans une MJC ( programme mixte mêlant sport, art, culture… ) soit dans un CDN ( théâtre visant à délocaliser la création théâtrale contemporaine en banlieue afin de la rapprocher des populations ) ou encore dans des scènes nationales. Beaucoup de nouvelles subventions de l’Etat et de nouveaux systèmes de conventionnement ont eu pour effet de faire exploser le nombre de ces nouveaux espaces qui sont aujourd’hui, pour certains, devenus de réelles institutions telles que le Théâtre des Amandiers à Nanterre. Une seconde vie pour les bâtiments inutilisés Un autre point qui joue aussi beaucoup sur ce changement de cadre, c’est le tissu parisien qui est de plus en plus dense et saturé au point de ne souvent plus laisser la place à des constructions neuves .En conséquence, les concepteurs de théâtres ont été obligés de trouver des manières détournées d’ouvrir de nouveaux lieux. Une des alternatives efficaces et la plus utilisée est la réorientation de bâtiments délaissés ou désaffectés. Paris ayant été une grande capitale industrielle, sa périphérie, surtout à l’est, regorge d’anciens lieux de production laissés à l’abandon, parfaits terrains de jeu pour les architectes et, comme ces bâtiments possèdent de grands espaces, ils sont tout à fait appropriés à recevoir des programmes ambitieux tels que des lieux scéniques ou des espaces culturels.

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Ainsi de nombreux anciens sites industriels ont été réhabilités en théâtres au cours du XXème siècle et ce processus n’est pas près de s’arrêter puisque c’est une ressource quasi-illimitée de lieux vacants qui possèdent des qualités non négligeables. L’exemple le plus représentatif reste celui de la Cartoucherie, reconversion menée par la metteuse en scène Ariane Mnouchkine. En effet elle a, dans les années 70, récupéré un ensemble de bâtisses dans le Bois de Vincennes qu’elle a entièrement rénové et progressivement transformé en un ensemble de théâtres. Ces bâtiments industriels, ancien centre de fabrication d’armements et de poudre ont été totalement réhabilités tout en conservant une identité industrielle et populaire. Quatre théâtres sont aujourd’hui installés dans les lieux. On peut aussi observer que même les institutions publiques sont friandes de ce procédé et récupèrent des espaces de stockage comme l’Odéon l’a fait avec les ateliers Berthier Ces structures présentent une infinité de nouvelles possibilités. En effet, une fois vidées de leur ancienne fonction, il ne reste qu’une carcasse, aux espaces généreux et aux immenses portées structurelles. Ainsi se dégagent des vides monumentaux qui laissent aux architectes une liberté quasi totale dans la partition de l’espace. Ils peuvent ainsi expérimenter de nouvelles manières de générer des espaces scéniques, de nouveaux moyens de circulation, réinterrogeant ainsi les codes de l’architecture théâtrale qui, s’ils se révèlent probants, peuvent faire office de nouveaux modèles. La partition de l’espace est ainsi questionnée même si elle reste très contrainte par les normes de sécurité qui pèsent énormément sur les concepteurs puisque les espaces scéniques ont toujours été des lieux dits “à risque” de par leur fonction, qui est de réunir du public dans un espace , tout en essayant d’optimiser la proximité de celui-ci avec la scène afin de le plonger dans l’illusion développée par le metteur en scène à travers sa création. Cependant la récupération de bâtiments non destinés à la création théâtrale n’est pas qu’une histoire d’espace et de possibilités, elle découle aussi d’une volonté de certaines institutions de s’éloigner du modèle classique qui leur est proposé pour inventer un théâtre nouveau. En effet, pour beaucoup, les aventures nouvelles ne peuvent prendre place que dans des lieux nouveaux et ces constructions abandonnées, qui possèdent chacune leur histoire, leurs conventions et leur esthétique deviennent des sources d’inspiration supplémentaire pour les professionnels du spectacle qui viennent s’en nourrir en s’appropriant les lieux. Cela crée des spectacles totalement indissociables de leur lieu de création. On n’imaginerait pas aller voir une pièce d’Ariane Mnouchkine ailleurs qu’à la Cartoucherie. Se développent ainsi des compagnies qui créent des pièces pour certains lieux comme la compagnie d’Armand Gatti, poète, cinéaste et metteur en scène, qui cherche à chaque création un lieu pour servir l’histoire qu’il veut raconter. Il dira ainsi en parlant de la pièce qu’il a créée en 1972 : “C’était la colonne Durruti. Durruti, ce chef libertaire, avait passé sa vie en prison, dans la 47


16. Armand Gatti dans un article de 1976 pour Technique et Architecture n°310 dans son article “Hors des lieux utopiques” 17. Peter Brook mènera des expériences semblables ultérieurement en installant ses créations dans des lieux non prévus pour un usage théâtral, comme une carrière en Avignon en 1985 , qui deviendra avec le temps un des symboles du festival et sert encore aujourd’hui à la diffusion de spectacles.

clandestinité et en usine, à la forge; il était évident qu’il n’était jamais entré dans un théâtre. Essayer de créer un personnage Durruti dans l’illusion que peut donner un théâtre, un espace théâtral utopique, c’était assassiner le personnage […] Il nous fallait trouver une prison ou une autre architecture qui correspondit au personnage. On a trouvé cette usine, on s’est alors aperçu que le texte, tel qu’il avait été écrit, n’avait plus aucun sens dans cette usine […] C’est finalement le lieu qui a écrit la pièce, ce n’est pas moi. ” [16] Cette démarche, bien qu’encore décrite comme “exceptionnelle” [17] est l’expression d’un théâtre d’avant -garde qui cherche une vérité dans l’expression de ses créations et s’efforce au maximum d’offrir une expérience totale au spectateur. Ainsi ces lieux deviennent des potentialités qui nourriront le renouveau du spectacle vivant de par leur histoire. C’est ce qu’on a pu observer aux ateliers Berthier, investis par le théâtre de l’Odéon et que nous étudierons par la suite.

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[ fig 1 ] carte de la repartition des théâtres parisiens sur le territoire à travers le temps et selon les enceintes historiques de la capitale Source : IdA

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DEPLACEMENT DU CADRE du XVII° jusqu’à aujourd’hui [ fig 1 ]

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Un renouveau tant artistique qu’architectural Un renouveau artistique, le théâtre pauvre Depuis les années 60, beaucoup de metteurs en scène re-questionnent les outils et la manière de faire du théâtre à notre époque. Ils s’essayent à changer les codes jugés archaïques et aujourd’hui totalement hors d’usage. Pour beaucoup, il y a une réelle nécessité de réinventer le travail de création afin de l’adapter aux attentes d’un public qui a changé, d’une économie qui ne laisse plus les mêmes libertés qu’auparavant. Il semble aussi qu’il faille se renouveler en termes de dispositifs scéniques afin de re-questionner le rapport entre spectateurs et acteurs du spectacle vivant. Un des précurseurs et grand théoricien de la question est Jerzy Grotowsky qui, dans son théâtre laboratoire, entouré d’une troupe d’acteurs prêts à se lancer dans le questionnement du théâtre contemporain a joué le rôle d’un réformateur, et a mené dans la deuxième moitié du XXème siècle un travail de déconstruction-reconstruction des pratiques théâtrales. Idéologiquement, son constat est assez simple: il rejette le théâtre de l’artifice que l’on connait depuis maintenant des millénaires. L’exubérance des costumes, la prolifération de décors toujours plus chargés et le jeu des acteurs qui se griment autant physiquement que dans leur élocution est pour lui un non- sens et une vision archaïque de ce que doit être aujourd’hui l’art du spectacle. Il prône deux fondamentaux qui doivent selon lui être les deux clés pour un théâtre de qualité : un jeu de l’acteur juste et ressenti et une relation acteur / spectateur la plus complète et immersive possible. A partir de ce constat, il va élaborer une paupérisation de son théâtre, le débarrassant de tous les artifices inutiles, jugés inintéressants pour le spectateur et l’éloignant de l’essentiel. Cela passe par la justesse d’un texte déclamé par un acteur dans des dispositions scéniques expérimentales qu’il décrit en détail dans ses ouvrages [18]. Ces propositions novatrices sont, selon lui, infinies et se doivent d’être singulières à chaque fois, selon la pièce proposée. Si cette pensée nous semble aujourd’hui assez commune, elle est à l’époque de sa présentation (Le Laboratory Theatre verra le jour en Pologne à la fin des années 1950) totalement novatrice et va bouleverser la vision de tous les metteurs en scène, programmateurs et autres acteurs du paysage du spectacle qui entreront en contact avec ce travail. Ce qui est très intéressant dans la vision de Grotowski , c’ est qu’il remet en cause le théâtre dans sa spatialité et même s’il ne le mentionne pas dans ses écrits, sa vision du théâtre implique une re-interrogation complète sur l’architecture et l’organisation spatiale du lieu recevant de telles pièces. Il est en effet évident que la paupérisation de son théâtre en tant qu’art devra forcément s’accompagner d’une paupérisation architecturale des bâtiments accueillant son art. En effet il semblerait totalement ridicule et inadéquat de

18. voir le chapitre vers un théâtre pauvre du livre éponyme publié par Jerzy Grotowky ( traduit par Claude B Levenson) aux éditions de l’âge d’homme en 1986

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19. Robert Morris, in l’art minimal, Daniel Marzona, Editions Taschen 20. PH. Chaix dans l’espace transformable en question, texte publié dans Technique et Architecture n°310 datant de septembre 1976

recevoir une oeuvre telle que la sienne au milieu des dorures et des grands escaliers en marbre du Théâtre du Chatelet, à part peut- être pour mettre l’accent sur le décalage entre l’avancement idéologique de son travail et l’archaïsme de tels dispositifs architecturaux. Le fait est que l’expérience théâtrale qu’il proposait alors est aujourd’hui très présente sur la scène de l’écriture dramaturgique contemporaine. Par manque de moyens – diront certains- mais n’est- ce pas la contrainte qui amène souvent les plus belles innovations? L’épure est aujourd’hui de plus en plus recherchée et quand on ne prône pas un espace scénique vide, on recherche de nouveaux dispositifs (comme en témoignent les travaux scénographiques menés par Castelluci ou Ostermeier ) plus économes alliant nouvelles technologies de projection (peu coûteuses finalement puisque réutilisables ) à des décors assez modestes. Rechercher l’effet maximum sur le spectateur par les moyens scéniques les plus limités, est une tendance qu’on retrouve beaucoup et qu’on peut rapprocher du minimalisme en tant que courant d’art contemporain , courant qui se pose comme une démarche du rejet de l’historicisme et de la recherche d’une esthétique nouvelle. On peut facilement résumer cette pensée par cette phrase : “ Se désengager par rapport à des formes et à des ordres de choses durables et préconçues est un acte positif. Cela fait partie du refus de continuer à esthétiser la forme et à la traiter comme une fin prescrite.” [19] Cette théorie rejoint aussi la théorie de l’espace vide de Peter Brook mise en place au Théâtre des Bouffes du Nord, théorie que l’on peut penser inspirée par les travaux de Grotowsky même si le metteur en scène britannique ne revendique pas cette filiation. Ces nouvelles pratiques théâtrales sont à l’origine de nouveaux dispositifs spatiaux qui se mettent en place progressivement mais prendront de l’ampleur à partir des années 1970. Des dispositifs spatiaux réinventés, un espace modulable En 1961, des idées semblables à celles de Grotowsky apparaissent en France et se matérialisent réellement pour la première fois lors du colloque de Royaumont en 1961 qui fera l’objet d’un ouvrage publié par le CNRS en 1988. Lors de cette rencontre, il ressort de manière unanime que la France doit se doter de nouveaux équipements différents du théâtre à l’italienne. Ce colloque va ainsi marquer une rupture dans l’histoire de l’architecture des structures théâtrales en énonçant cinq axes de réflexion et de travail : “ la recherche de nouveaux rapports entre acteurs et spectateurs, la volonté de conquérir de nouveaux publics, le refus de considérer le théâtre comme la simple visualisation d’un texte, le désir de lui redonner une dimension de spectacle et l’introduction de techniques jusque ici étrangères comme la projection et l’audiovisuel ” [20]. Ces principes vont conduire à renier le conventionnel théâtre à l’italienne , non plus pour les raisons habituelles

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d’élitisme et d’inégalité de placement des spectateurs , mais parce que sa configuration même installe et impose une rupture trop franche entre la scène et la salle, rupture accentuée encore par des obstacles techniques tels que le rideau de fer ou encore la fosse d’orchestre, vestige de sa fonction première , l’Opéra. Cette réflexion n’est pas nouvelle [21] et prend comme premier point d’appui la relation spectateurs /acteurs qui est finalement la base de toutes les évolutions qu’on peut retrouver à cette période. En effet, au fil du XXème siècle, commence à émerger l’idée que rendre cette relation la plus intense possible est le seul but des bâtiments construits pour accueillir le spectacle vivant et que si cette exigence n’est pas respectée, c’est que leur conception est entachée des défauts. Ce principe n’empêchera pas que l’on continue à construire des édifices monumentaux comprenant une séparation très nette entre salle et scène, bâtiments aux budgets généralement colossaux construits dans une recherche de perfection par rapport aux anciens codes du théâtre, rendant ces nouveaux espaces particulièrement rigides face aux idées nouvelles. Cependant il sera aussi l’amorce de nouvelles constructions pour le théâtre d’avant-garde , créant des théâtres souvent plus modestes en terme de jauge et abandonnant les codes du faste et du luxe encore utilisés aujourd’hui dans des projets de théâtre ( on pense par exemple au projet de Devaux&Devaux pour le Centre culturel de Bastia inauguré en 2016 qui propose un théâtre à l’italienne à proscenium sans aucune modularité et enfermé dans un écrin à la couleur dorée très ostentatoire ). Les pistes lancées par cette réunion de Royaumont se concrétiseront huit ans plus tard, en 1969, quand naitra à Nanterre la première salle dite transformable sous l’impulsion de Pierre Debauche et Pierre Laville dans un bâtiment provisoire qui sera à l’origine de la Maison de la Culture de Nanterre puis du CDN de Nanterre-Amandiers. Le point de départ de cette construction provient d’une idée partagée également par quelques metteurs en scènes français de l’époque, comme Jean-Marie Serreau par exemple, idée selon laquelle le théâtre nouveau ne peut naître que dans une architecture nouvelle. Le système de la salle transformable, aussi appelée “black box”, consiste à fusionner les espaces dédiés aux acteurs et aux spectateurs, le tout s’installant dans un grand cube technique que l’on vient ensuite équiper de toutes les fonctions nécessaires. On ne conservera que ce qui est indispensable à la représentation théâtrale, soit un plafond technique permettant la gestion de décors qui s’étendront sur l’entièreté de la salle et non plus dans la cage de scène comme c’est le cas dans le modèle du théâtre à l’italienne, des passerelles d’éclairage, souvent mobiles, permettant ainsi d’éclairer la salle de manière singulière pour chaque représentation, et de panneaux acoustiques afin d’isoler la salle. A ce système, on ajoutera ensuite, selon les besoins de chaque création, des éléments mobiles, empruntés au départ

21. En 1922 déjà , E.Gordon Craig écrivait sur le théâtre : “une nécessité m’apparut, le théâtre doit être un espace vide avec seulement un toit, un sol, des murs; à l’intérieur de cet espace, il faut dresser pour chaque nouveau type de pièce, une nouvelle sorte de scène et d’auditorium temporaire. Nous découvrirons ainsi de nouveaux théâtres car chaque type de drame réclame un type spécial de lieux scéniques ”, réflexion tout à fait parallèle aux réflexions du colloque et aux écrits de Grotowsky.

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22. voir fig 1

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aux architectures temporaires tels que des praticables démontables ou encore des gradins mobiles que l’on viendra disposer dans la configuration propre à cette création. A partir de ce moment, beaucoup prendront le parti de continuer dans ce sens et de plus en plus de salles se créeront sur ce modèle. En effet on jugera qu’il existe à Paris assez de salles à l’italienne permettant la diffusion du modèle existant de théâtre qualifié de « conventionnel « et on créera des structures plus aptes à accueillir les mises en scène plus avant-gardistes dans des salles plus modulables qui vont s’enrichir au fur et à mesure de moyens techniques et technologiques de plus en plus élaborés, comme des systèmes de scènes tournantes, des gradins rétractables ou encore des salles organisées par modules permettant toujours plus de nouveaux systèmes de mise en scène. Ainsi on utilise ici un langage architectural composé de juxtapositions d’éléments contemporains réalisant ainsi des formes d’espaces fragmentés et hétérogènes qui conviennent davantage à nos modes de pensée actuelle, en nous permettant de nous éloigner de l’ordre établi et immuable des périodes précédentes. Ce modèle, présentant bien des avantages, comprend toutefois des limites qui ont été vite identifiées ; ce schéma d’organisation de l’espace fonctionne très bien sur des jauges moyennes (jusqu’à 500 places) mais perd de son efficacité au -delà. En effet , si les conditions de spectacle dans une telle salle sont tellement adéquates, c’est aussi qu’elles jouent d’ une proximité exacerbée avec les artistes présents sur scène, qu’elles accentuent l’implication du spectateur ; mais ce lien est très compliqué à conserver lorsque l’on dépasse une certaine jauge, de par l’augmentation de la distance entre acteurs/spectateurs , autant horizontalement que verticalement, puisque plus les gradins sont profonds plus il est nécessaire de les surélever afin de conserver un angle de vision confortable pour tout l’auditoire. De plus, une question budgétaire se pose puisque de tels dispositifs mobiles et adaptables représentent des frais en termes de machineries et de techniques qui sont souvent bien plus importants que dans les salles conventionnelles. Le calcul de rentabilité d’une salle transformable dont la jauge excède 600 places obligerait les structures à augmenter considérablement le prix des billets, idée inacceptable pour ce théâtre d’avant - garde désireux justement de permettre à toutes les couches sociales d’accéder à la culture théâtrale. Une autre des limites liées à ce système réside dans l’esthétique qu’il véhicule. En effet, l’organisation de l’espace comme une boîte noire apte à recevoir tous types de représentations provoque une identité très technique et industrielle à l’espace ; on voit le grid courir sur tout le plafond auquel se rajoutent les passerelles techniques qui traversent la salle de part en part. Si on y rajoute les mécanismes souvent laissés apparents de par leur nécessité d’être mobiles, on se sent vite , en entrant dans une telle salle, à l’intérieur d’une grande machine à créer [22]. Si cette atmosphère est particulièrement

propice à la création, elle l’est moins du point de vue de l’imprégnation du spectateur. En effet n’oublions pas que le théâtre se doit avant tout de représenter le monde de l’illusion, et une échappatoire à notre vie réelle. Si les rouages de cette machine à créer l’illusion se montrent à nous, comment pourrions- nous nous laisser embarquer dans cette projection ? Et c’est encore aujourd’hui très vrai : 30 ans d’innovations n’ont pas su ou n’ont pas jugé primordial de rendre invisible cette technique, malgré le constat de son côté trop ostentatoire déjà formulé en 1976 [22]. Comment faire alors pour allier dispositifs modulables et adaptables à tous types de représentation, possibilité d’évolution de la salle avec le théâtre qui y est présenté, tout en conservant le monde de l’illusion ? C’est ce que nous verrons ensuite en nous intéressant particulièrement à un groupement de théâtres qui a fait de l’illusion son maître mot, la Cartoucherie de Vincennes.

22. formulé dans l’article de PH.Chaix, l’espace transformable en question, texte publié dans Technique et Architecture n° 310 de 1976

Le théâtre ou l’illusion totale : La Cartoucherie de Vincennes En 1970, Ariane Mnouchkine, à la tête de la compagnie du Théâtre du Soleil est à la recherche d’un nouveau lieu, qui sorte du cadre du théâtre existant, jugé trop contraignant par la metteuse en scène de par le souci de rentabilité culturelle et financière qu’ impose un cadre figé. La compagnie se met alors en quête d’une structure qui lui permettra une indépendance totale autant dans la création que dans le fonctionnement et l’administration, ce qui correspond bien au désir d’Ariane Mnouchkine de découvrir le théâtre seulement par l’expérience et le test. C’est dans ces circonstances que Christian Dupavillon fait découvrir le site de la Cartoucherie à Ariane Mnouchkine qui choisit d’y répéter et d’y présenter sa première pièce à succès, “1789” ; le public parisien se replonge dans son histoire, redécouvre et réinvestit ce lieu au passé industriel. Ce lieu est avant tout un héritage militaire et industriel puisqu’il fut très longtemps occupé par l’armée qui y monta une usine d’armements et y fabriqua des cartouches et de la poudre à canon. En 1871, pendant la période de la Commune de Paris, ce lieu sera endommagé par une rébellion des ouvriers qui préférèrent – dit-on - se faire exploser à l’intérieur plutôt que de céder au régime. Reconstruit en 1874, le site continuera à fonctionner et atteindra son apogée lors de la première guerre mondiale; des baraques en bois sont ajoutées, 4000 personnes y travaillent à la production d’armement. L’activité industrielle et militaire s’arrêtera peu avant le début de la deuxième guerre mondiale et le site sera désaffecté. Durant la guerre d’Algérie, il sera temporairement transformé en un camp dans lequel seront rassemblés des immigrants d’Afrique du Nord arrivant à Paris avant d’être définitivement abandonné en 1962 à la fin du conflit franco-algérien. Lorsqu’ Ariane Mnouchkine et sa troupe en prennent possession dans les années 1970, il est dans un état déplorable mais ses corps de bâtiments industriels sont toujours debout. Ils se constituent de grandes nefs, certaines 55


23. Guy Claude François dans “un lieu à chaque fois réinventé” dans Technique et Architecture n°310 publié en septembre 1976, p.53

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assemblées en grands hangars, disséminés sur une vaste parcelle. Pour une question d’indépendance et d’économie, c’est la troupe du Soleil elle- même qui se lancera dans la rénovation, effectuera tous les travaux, passant par tous les corps de métiers durant plusieurs mois avant de pouvoir utiliser l’endroit. . . De cette transformation, résulteront des espaces tout à fait singuliers et intemporels, alternatives réellement novatrices à la représentation théâtrale. En effet, ces nefs vides à l’armature métallique ont permis une organisation propice à une scénographie se réinventant sans cesse. Au Théâtre du Soleil, le plus emblématique des cinq théâtres compris dans le complexe, on peut voir des gradins mobiles pour permettre des dispositions plurielles. L’accent est mis sur l’absence totale de contraintes, de cadres de scène et de dispositifs fixes si ce n’est l’éclairage qui est partagé entre public et scène puisque celle- ci peut se situer à n’importe quel endroit de la salle. C’est là la force de ce théâtre, sa liberté et sa simplicité qui lui permettent une grande adaptabilité. Le plan du théâtre est peut -être un des plans les moins intéressants que l’on puisse voir, il est constitué uniquement de deux rectangles vides séparés par une rangée de colonnes au niveau desquelles on a monté une cloison acoustique ; la première partie- par laquelle entre le public- représente un tiers de l’espace et la seconde -où se déroulent les représentations mais aussi où se situent les loges, mobiles elles aussi - représente les deux autres tiers. Si aujourd’hui, le Théâtre du Soleil est la plupart du temps figé dans une organisation classique frontale, avant chaque spectacle, existait l’occasion de modifier entièrement l’aspect intérieur du théâtre : on redécouvrait le théâtre et on s’émerveillait devant les capacités que possède cet espace à nous plonger directement dans un univers qui, s’il est factice, semble s’imposer naturellement à nos imaginaires. A ce propos, on peut citer Guy-Claude François, scénographe du Théâtre du Soleil décédé en 2014 : “ il est certain que pour réaliser un tel programme il nous faut suivre quelques règles qui échappent aux normes actuelles: d’abord, prendre le temps nécessaire pour concevoir et réaliser l’espace scénographique d’un spectacle; ensuite, neutraliser complètement le lieu dans lequel s’est déroulé le spectacle précédent ( au point qu’il n’en doit rester même plus une prise de courant! ); effectuer la même démarche d’un point de vue intellectuel en oubliant, non pas les connaissances acquises mais les habitudes prises dans l’application des méthodes de travail propres au spectacle passé; utiliser sans distinction des procédés de haute technicité comme ceux d’inspiration artisanale; enfin faire en sorte que les spectateurs soient physiquement là où se passe l’action ( les zones où ils se placent sont conçues et réalisées avec les mêmes éléments et matériaux que ceux utilisés par les acteurs) ” [23]. On voit bien ici que, si la modularité du lieu est cruciale, il existe un autre élément au coeur du processus d’illusion, c’est le rapport entre la

scène et le spectateur. Et on perçoit très vite en étudiant la Cartoucherie que c’est bien cette envie de rapprocher acteurs et publics qui a construit le Théâtre du Soleil. Sans cadre de scène et sans localisation figée de l’action dramatique, le non-acteur est forcé de prendre son rôle de spectateur au sérieux et de le jouer jusqu’au bout. Il est donc directement impliqué dans la représentation, ce qui le pousse à y prendre part et à s’engouffrer dans la mascarade qu’on lui propose, renforçant ainsi le principe d’illusion. Mais le Théâtre du Soleil va plus loin dans l’immersion du spectateur puisqu’ il propose régulièrement que la première salle d’accueil et de restauration (équivalent du foyer) soit déjà investie par les acteurs avant le début de la pièce. Ainsi selon le spectacle, on peut recenser plusieurs dispositifs comme l’installation de loges totalement ouvertes dans le foyer, obligeant les spectateurs à passer devant les acteurs en train de se préparer ou encore le service du restaurant avant la représentation assuré par les acteurs euxmêmes. Ainsi Ariane Mnouchkine, par ce genre de procédé, vient briser le 4ème mur avant même que le public ne soit installé dans la salle, provoquant de ce fait une immersion totale et anticipée dans l’univers de la pièce. On pourra retrouver ce procédé chez d’autres metteurs en scène contemporains qui viendront envahir les halls durant les entractes ou avant les spectacles. Ce processus est finalement assez indépendant de l’ organisation spatiale des théâtres puisqu’il consiste à déplacer volontairement la salle dans un autre espace ; il reste cependant que certains théâtres sont plus adaptés à ce fonctionnement que d’autres.

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[ fig 1 ] Schéma de mise en scène de Jersy Grotowsky Partage de l’espace public-acteur Source : Technique et Architecture N°310

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[ fig 2 ] Mise en scène d’Ostermeier pour la pièce “Woyzeck” de Georges Buchner, pièce qui a ouvert le festival d’Avignon en 2014 Representation sur scène de la périphérie des grandes villes européennes. Source : franceinfo.fr [ fig 3 ] schémas de dispositions d’une salle transformable générique Source : “l’espace transformable en question”PH. Chaix dans Techniques et Architecture n°310, 1976 [ fig 4 ] Photo de la salle transformable du théâtre de Nanterre-Amandier Source : CdA [ fig 5 ] Mise en scène innovante au théâtre du soleil en 1970 pour “ 1789 ” mis en sscène par A.Mouchkine. Source : regietheatrale.com (article de Jean Chollet sur la scénographie )

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[ fig 6 ] Mise en scène frontale au théâtre du soleil pour la création collective “Le dernier Caravansérail en 2003 Source : théatre-du-soleil.fr

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Se réinventer comme nécessité, Les Bouffes du Nord et autre exemple connexe Historique : un théâtre à l’histoire multiple Il semble judicieux de commencer cette étude de cas par un bref historique de cette structure théâtrale. Histoire très tumultueuse donc puisque, depuis sa création en 1876, le Théâtre des Bouffes du Nord a vu se succéder en son sein plus d’une vingtaine de directeurs différents, et un grand nombre de restructurations. Il est un bon marqueur de l’évolution d’un théâtre conventionnel de par ses différentes mutations. Nous verrons ainsi comment un tel théâtre peut traverser le temps et se fondre dans le paysage parisien tout en restant au coeur de la vie théâtrale parisienne. En 1876, le théâtre est créé par l’architecte Louis-Marie Emile Lémenil sur le site d’un projet de caserne qui ne verra jamais le jour. Il imagine une structure qui n’a finalement pas beaucoup changé depuis l’époque avec une salle comportant 530 places. De son ouverture à 1885, le théâtre verra se succéder 15 directeurs, qui ne sauront pas faire émerger ce théâtre, trop éloigné du centre de Paris pour attirer un public d’habitués qui n’oseront pas s’aventurer jusqu’à ce quartier réputé malfamé. En 1885, un jeune metteur en scène, Abel Ballet, reprend le théâtre, inactif depuis peu et vient y proposer de longues pièces historiques ou dramatiques qui dureront plus de 5 heures en général. Il y restera 11 ans, redynamisant l’image des Bouffes du Nord avant de laisser sa place à deux comédiens, E.Clot et G.Dublay . En 1904, ces deux nouveaux directeurs lancent un projet de réhabilitation du théâtre, non pas en termes de structure ou d’organisation de l’espace mais surtout en termes de technique puisqu’ils y feront installer l’électricité ; ils redoreront également la salle qui sera rebaptisée “Théâtre Molière” et y proposeront une programmation classique. Durant la première guerre mondiale, comme l’ensemble des théâtres parisiens, le Théâtre Molière fermera ses portes , de 1914 à 1917. Après la guerre, ce sont les deux propriétaires du théâtre, Dufresne et Varna, qui vont métamorphoser le lieu. Pendant cinq ans, celui- ci deviendra un Music- Hall et fonctionnera bien. En 1923, le théâtre retrouvera une programmation plus classique sous la direction d’Henry Darcet qui l’inscrira dans le consortium des théâtres de quartiers , dans lesquels on joue surtout des pièces de boulevard à succès. Quatre ans plus tard, le directeur part diriger la Scala de Milan, il est remplacé mais le décès des deux remplaçants en 1935 va précipiter la chute libre du théâtre qui fermera ses portes la même année après une période où l’on n’y jouait plus que très épisodiquement. Le Théâtre Molière ne rouvrira qu’en 1945, lorsqu’ un jeune metteur en scène le reprend en main et lui donne le nom de “Théâtre des Carrefours”. Jean Serge n’y tiendra pas plus de 15 mois après lesquels il tombera en banqueroute. Il sera racheté par René Marjolle, ex- vedette du chant lyrique 65


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qui essayera de pousser cette discipline dans les lieux sans succès puisqu’il abandonnera lui aussi après un an. C’est en 1950 que le théâtre connaitra sa réouverture. Cette fois, c’est Charles Béai qui prendra sa direction et réussira à y ramener le public grâce à une pièce humoristique qui restera plus de trois mois à l’affiche, signe de son succès. Le metteur en scène gardera la direction du théâtre jusqu’en 1952 où il sera obligé d’en fermer les portes pour cause de non- respect des normes de sécurité prescrites par la préfecture de police. Pendant 17 ans, le théâtre restera totalement à l’abandon jusqu’à ce que la Ville de Paris décide de sa démolition en 1969 ; à ce moment-là , un entrepreneur italien le rachète mais ne le réhabilite pas, il sauve le bâtiment mais n’en fait rien. Ce n’est qu’en 1974 que le Théâtre des Bouffes du Nord va renaître de ses cendres ( au sens propre du terme puisqu’entre- temps, pendant sa fermeture , il a été victime d’un incendie). Cette année- là, Micheline Rozan fait découvrir le bâtiment à Peter Brook, célèbre metteur en scène britannique à la recherche d’un nouveau lieu pour y installer sa compagnie. Il tombe instantanément amoureux de ce lieu en perdition et décide d’en faire la maison- mère de sa compagnie qui défend un théâtre d’avant- garde déjà très renommé à travers le monde. Il réalisera les travaux et récoltera les fonds en moins d’un an, permettant la réouverture le 15 octobre 1974 avec une de ses mises en scène, « Timon d’Athènes ». Depuis cette date, c’est toujours Peter Brook qui gère la structure qui a depuis été classée aux Monuments Historiques en 1993. Cette longue énumération des différents directeurs successifs des lieux est totalement indispensable à la compréhension de ce théâtre , qui a accueilli des styles très différents et qui n’a eu de cesse de se réinventer au fil des rencontres des différents directeurs avec le bâtiment. Passer du champ lyrique, au théâtre de boulevard en passant par le music -hall pour finir emblème du théâtre d’avant-garde, voilà ce dont est capable cette infrastructure théâtrale qui n’a finalement que très peu changé en terme de dispositif spatial depuis sa création. Il faut toujours garder à l’esprit, lorsque l’on étudie ce théâtre, qu’il n’est que le palimpseste de 150 ans d’histoire parisienne, avec ses périodes creuses et celles plus fastes. Il est aussi intéressant de remarquer qu’il est l’un des théâtres qui a connu le plus de périodes de fermeture et d’abandon puisque sur ses 140 années d’existence il n’a en fait été ouvert que 100 ans et encore peut-on compter dans ce centenaire des périodes compliquées où le théâtre n’ était que très peu actif. Il a cependant aujourd’hui trouvé avec la compagnie de Peter Brook une organisation pérenne et perpétue son statut de théâtre d’avantgarde depuis plus de 40 ans. Son histoire se reflète-t-elle dans son architecture ? Celle - ci est- elle liée à ce passé mouvementé ? C’est ce que nous essayerons d’identifier par la suite.

Des dispositifs spatiaux au service de la mise en scène. Déjà à la base, quand le théâtre fut construit par Emile Lémenil, son architecture ne ressemblait à aucune autre. Construit dans un tissu haussmannien en bordure de Paris, le bâtiment prend place à l’arrière d’un immeuble de logement, s’incrustant dans le bâti existant et n’apparaissant du coup de la rue que comme un porche encadré de deux cafés sur la Place de la Chapelle. Cette situation provoque dans l’accueil du public un cadre non conventionnel puisque l’on entre par un couloir exigu qui mène directement aux circulations desservant la salle. Cependant l’absence de foyer était à l’époque compensée par les deux cafés de la place qui sont aujourd’hui intégrés au théâtre et font office pour l’un de restaurant et pour l’autre de billetterie et de point d’accueil. Il reste cependant peu commun dans sa disposition puisqu’il ne possède pas de grands espaces d’accueil, ce qui à l’époque ne correspondait pas du tout au modèle attendu par la bourgeoisie parisienne qui, rappelons- le , venait au théâtre davantage pour être vue que pour véritablement assister à une représentation théâtrale. Le Théâtre des Bouffes du Nord ne connut que deux réelles réhabilitations qui furent toutes les deux très légères. En 1904, les deux directeurs décideront de redorer l’image du lieu et entameront dans ce but des travaux pour moderniser le théâtre en l’équipant de l’électricité et d’outils scéniques modernes , rafraîchiront également les lieux en refaisant toutes les peintures et en restaurant l’ensemble de l’édifice. Cette restauration n’aura cependant aucun impact sur l’organisation spatiale du bâtiment. La deuxième restauration aura lieu 70 ans plus tard lors de la reprise du théâtre par Peter Brook. Il trouve le théâtre dans un état de ruine et va devoir faire un gros travail pour pouvoir ré-ouvrir le bâtiment au public. Ces travaux seront réalisés en un temps record puisqu’il s’écoulera moins de 10 mois entre leur début et le premier spectacle qui se jouera aux nouvelles Bouffes du Nord en octobre 1974. Cette rénovation ne changera pas non plus la disposition du théâtre. On viendra récupérer les deux cafés se trouvant de part et d’autre de l’entrée pour les transformer en restaurant et en billetterie mais ce seront les deux seules vraies transformations. Dans la salle, le metteur en scène choisit de condamner le 3ème balcon dans une volonté de vision optimale de la scène, qu’il fera enlever afin que l’espace de jeu soit plus modulable et se situe au même niveau que les spectateurs. Dans cette même optique de privilégier le rapport spectateur-acteur et de briser le 4ème mur, le cadre de scène sera lui aussi désossé et la cage de scène sera vidée de ses cintres, permettant ainsi réellement d’adapter le cadre de jeu à chaque pièce, rendant à cette salle sans possibilités de transformations un certain degré de liberté. Dans le même esprit, au parterre, les sièges existants seront tous remplacés par des gradins amovibles permettant d’étendre ou de diminuer la scène et de gérer la distance du public vis- à -vis du spectacle. Pour le reste, les travaux de rafraîchissement se sont faits a minima. Peter 67


Brook a décidé de laisser le théâtre dans son jus pour des raisons liées à sa philosophie du théâtre, à laquelle nous nous intéresserons ultérieurement. On peut donc déjà voir que, malgré tous les changements de direction qu’a connus le théâtre, tous les styles différents qu’il aura accueillis et son histoire tumultueuse, sa structure et son organisation spatiale sont quasiment restées inchangées depuis sa construction en 1876. Mais revenons- en à notre visite des lieux. Une fois le couloir d’accueil traversé, on découvre une volée d’escaliers (on sent la volonté de l’architecte de conserver ce code si cher à l’architecture théâtrale même si, dans ce casci, sa taille ne lui permet pas de donner un effet monumental à l’espace). On arrive ensuite au centre d’un couloir circulaire desservant le parterre et les escaliers menant au balcon. Le tout est décoré en bois, sans grand faste malgré l’attention portée aux détails et au travail d’ébénisterie de l’ensemble. On sent dans ce travail qu’on a appliqué les codes architecturaux des lieux scéniques conventionnels en les contenant dans un esprit de simplicité surement lié à la distance qui sépare le théâtre du centre de Paris. En effet , si aujourd’hui celle- ci nous semble ridicule, en 1876, ce théâtre se situait à la lisière des champs, dans un quartier mal éclairé et excentré, difficile d’accès. Cependant la salle en elle- même, majestueuse de par ses proportions et surtout de par sa hauteur, ( surtout rapportée aux autres espaces du bâtiment) amène toute suite une respiration. On est ici sur une salle en ellipse écrasée sur ses deux côtés qui mesure 24m de large, 24m de haut et dont la profondeur va de 7 à 16m selon les endroits et la disposition scénique. Dans sa hauteur se nichent trois balcons dont deux seulement sont encore utilisés aujourd’hui. Si le troisième a été fermé, c’est qu’il se situait trop haut pour permettre une bonne visibilité, ce qui est malheureusement aussi le cas de beaucoup de sièges sur les côtés de la salle, surtout au parterre , sous les balcons. Le tout est placé sous une immense verrière accentuant encore la théâtralité de l’espace. Le décor est ici beaucoup plus travaillé que dans les espaces d’accueil. Les balcons sont sculptés, les boiseries finement travaillées et l’espace en entier est traité dans un faste apparent. L’architecte a donc centré tous ses efforts sur la salle et sur l’illusion que celle-ci doit amener aux spectateurs. Si l’espace alloué à ce théâtre n’était pas idéal, il a certes fallu faire des concessions, mais pas sur la salle ellemême, coeur du projet qui aujourd’hui encore a gardé toute sa majesté. C’est cette particularité qui donne à cette structure son identité, un théâtre pour le théâtre et non pas pour tout le cérémoniel bourgeois qui s’y déroule habituellement à l’époque. Et cette structure correspond parfaitement au travail de Peter Brook, son directeur actuel, qui prône un théâtre mis à nu, précepte que nous essayerons maintenant de détailler.

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Une théorie: Peter Brook et l’espace vide Tous ces dispositifs décrits précédemment ne sont que les applications des idées que Peter Brook développe depuis l’après-guerre. Il en a fait un ouvrage en 1968 qui est un peu le résumé de sa carrière et des principes qu’il a mis en place au cours de ses mises en scène. Il les a condensés en un concept : la théorie de l’espace vide. Le fondement en est assez simple, le théâtre se doit d’être selon lui un plateau vide, neutre qui doit s’incarner seulement par le jeu des acteurs et les choix du metteur en scène. Celui- ci doit cependant prendre en compte le lieu dans lequel il installe le spectacle et s’en servir. En clair il refuse tout décor qu’il juge source de mise à distance avec le public. En effet, pour lui, c’est cela aussi le 4ème mur ; et donc , dans son idée , c’est le lieu de représentation lui-même qui doit servir de décor et ainsi défendre au mieux le propos et l’écriture. C’est dans cet esprit qu’il fut très intéressé par le bâtiment et l’esthétique des Bouffes du Nord. Même si le théâtre élisabéthain n’est pas forcément l’organisation qui s’adapte le mieux au spectacle contemporain, la salle, véritable palimpseste de toutes les expériences diverses qui l’ont traversée et de toutes les phases d’inactivité de ce théâtre, diffuse une ambiance très particulière dès que le spectateur y pénètre et constitue ainsi un décor idéal pour les expériences de Peter Brook . On peut en effet qualifier son théâtre d’expérimental dans le sens où ce metteur en scène ne s’est jamais contenté de créer des pièces en s’appuyant sur les bases de ce qui existait déjà, il innove à chacune de ses créations , par le lieu de diffusion qu’il choisit toujours avec beaucoup de minutie - que celui soit un lieu scénique à la base ou non - mais aussi par les dispositifs scéniques eux -mêmes. On pourrait donc le placer dans la lignée de Jerzy Grotowsky cité précédemment et on peut même dire que, encore aujourd’hui, Peter Brook tente de poursuivre les travaux et les réflexions de ce dernier, avec à sa disposition, des possibilités techniques inexistantes à l’époque. On peut par exemple mentionner une de ses oeuvres très particulières, Orghast, qui fut créée en 1971 pour un festival iranien implanté sur les terres de l’antique Persepolis [24]. Il organise ici la représentation devant des ruines de grandes fresques perses dans un espace de plus de 100m de longueur et va mettre en scène un texte sur les mythes grecs les plus anciens. En plus de se situer dans un décor parfait pour le thème de sa création, il va utiliser un processus scénique plutôt inédit : celui de faire se déplacer le public au cours de la représentation. Les acteurs vont jouer en naviguant le long de ces frises antiques et les spectateurs devront les suivre s’ils veulent profiter de l’entièreté du texte. On comprend bien avec ce choix que , pour ce metteur en scène, il est important de délivrer le message du théâtre sans aucun artifice ; ce qui éclaire et explique très bien sa vision de la réhabilitation des Bouffes du Nord, avec cette scène totalement mise à nu et cette salle qui conserve toutes les marques et blessures laissées par les années.

25. Persepolis : capitale de l’empire Perse achéménide située dans la province de Far en Iran (-521 à -331 )

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Pour conclure sur ce point, il faut bien signifier que depuis sa création, le Théâtre des Bouffes du Nord se situe à l’avant -garde. Au moment de sa construction, il a été placé de manière très excentrée, faiblesse dans un premier temps dont il saura ensuite tirer parti pour se créer une réelle identité ; tous les directeurs qui s’y succéderont vont essayer de le réinventer pour lui donner un nouvel essor. Du cabaret pendant les années folles ou du chant lyrique un peu plus tard, le théâtre a maintes et maintes fois rebattu les cartes pour offrir toujours aux spectateurs une nouvelle proposition. Depuis 1974, Peter Brook a su relever le défi une énième fois, de la manière la plus pérenne jusqu‘à ce jour , puisqu’il est à la tête du théâtre depuis plus de 42 ans maintenant . Il y mène un théâtre d’avant- garde qui tente de réinterroger le spectacle vivant comme il semble plus que jamais nécessaire de le faire à notre époque. Cependant ce théâtre est loin d’être la seule institution culturelle à se placer dans un renouvellement de style et nous en étudierons un autre dont les dispositifs spatiaux ont été beaucoup plus interrogés afin de comparer ensuite les deux modèles. Le Théâtre du Vieux Colombier, un renouveau perpétuel. En 1898, dans le VIème arrondissement, est construit un immeuble de logement. Pour rentabiliser sa construction et apporter des revenus à son constructeur, celui-ci choisit d’y intégrer un théâtre de rapport, une petite structure en rez-de -chaussée qui vient s’y glisser de manière assez discrète. A l’origine, ce théâtre s’appelait l’Athénée Saint-Germain mais ne il gardera pas ce nom très longtemps. Il n’acquerra sa popularité qu’à partir de 1913 quand le metteur en scène Jean Copeau, un des représentants de l’avantgarde théâtrale à cette époque, récupèrera le théâtre et le rebaptisera Théâtre du Vieux Colombier. Jean Copeau défend le principe du tréteau nu qu’il a inventé ; il réalise donc une restructuration assez modeste de l’espace scénique afin de faire du lieu son laboratoire. Il explose le cadre de scène existant et crée une image très épurée, sans fioritures de ce lieu. Un an plus tard, la première guerre mondiale force tous les théâtres de Paris à fermer et Copeau s’exile en Amérique. Il rentrera en France en 1920 et rouvrira le Vieux Colombier à cette date. Il fixe le dispositif de la salle et continue d’y créer ses pièces pendant 4 ans. En 1924, il abandonne cependant le Vieux Colombier pour partir avec sa troupe et diffuser, avec son théâtre itinérant, son principe de tréteau nu dans toute la France .De 1925 à 1930, le théâtre servira de cinéma ; la structure spatiale ne sera pas du tout transformée. C’est au début des années 1930 que ce lieu connait une petite révolution avec l’arrivée d’une nouvelle compagnie, la Compagnie des Quinze dirigée par Michel Saint Denis ( neveu de Jean Copeau ) qui fera réhabiliter le théâtre par son décorateur André Barsacq. Il viendra y créer ce qu’il 70

appellera une scène architecturée. Il met en place, sur la scène, une coupole en bois soutenue par 6 piliers de bois qui structurent l’espace scénique. Avec ce procédé, le scénographe condamne tous les dispositifs contenus dans la cage de scène (cintres, …) limitant les possibilités techniques pour les pièces présentées dans le théâtre. Cette restriction est bien sûr encore accentuée par la scène séparée en 6 espaces différents ne permettant pas d’y placer tous les décors. Si cette esthétique correspond tout à fait à la Compagnie des Quinze qui en tirent parti et écrivent leurs créations en fonction de ce système, il est vraiment castrateur pour tout autre type de théâtre. Aussi, lorsqu’ un autre directeur, René Rocher , prendra la direction en 1934, il sera obligé de relancer une réhabilitation . Il fera appel à André Boll pour repenser l’espace théâtral ; celui- ci va y réaliser un retour au théâtre classique. Il commencera par supprimer la rotonde en bois créée précédemment, libérant ainsi la cage de scène et les cintres permettant plus de possibilités en termes de décor et d’éclairage. Il créera un cadre de scène bien délimité et supprimera le proscenium existant, ce qui va avoir pour effet la distanciation du public vis- à -vis des acteurs mettant en place un solide 4ème mur. Il va aussi moderniser le théâtre avec un tout nouveau système d’éclairage, par la cage de scène mais aussi par une passerelle de lumière dissimulée dans la salle permettant des effets de contre-jour et accentuant les ombres projetées. Tous ces éléments, rajoutés à la peinture uniforme rose poudré et aux nouveaux sièges rouges bordeaux, font de cet espace un théâtre à l’italienne très classique qui va pouvoir recevoir la plupart des pièces dont est friand le public de l’époque. En effet dès lors, même si plusieurs directions se succéderont, le théâtre va garder une ligne de conduite qui est celle de la mode, sa programmation sera toujours en concordance avec la tendance de l’époque. Ainsi après la seconde guerre mondiale et l’arrivée de la culture afro-américaine, on transformera la cave en une salle de jazz et le théâtre en music- hall … Le théâtre va alors surfer sur un succès assez facile et peu audacieux jusqu’en 1961 où il sera repris par un metteur en scène très attaché à la réinterprétation des grands textes classiques, Bernard Jerry. Pour remonter les textes de Corneille, de Racine ou encore de Tchekhov, Bernard Jerry décide de changer l’aspect du théâtre et fait pour cela appel à un architecte ( B.Guillaumot ) et à un scénographe ( R.Allio ) afin qu’ils recréent une atmosphère de partage et qu’ils mettent fin à la distance que ce théâtre instaure directement avec son public. Dans ce but, ils vont remplacer la scène par un plan incliné en béton qu’ils vont prolonger par un fin proscenium afin de donner l’impression, lorsque l’on est côté spectateurs, que les acteurs se dirigent constamment droit sur nous. De plus, le cadre de scène sera détruit et les moyens techniques seront remis à jour en termes de technologie. Il en naitra ce que Jerry appellera lui- même le Living Theater, un théâtre toujours actif dont la priorité est de plonger le spectateur dans l’action. En 1973, le théâtre ferme 71


ses portes pour raisons économiques mais se voit sauvé de la démolition. Il restera inactif pendant plus de 15 ans avant d’être récupéré par l’institution de la Comédie Française, en recherche de plus d’espace. En 1993, seront mandatés B.Kohn et C.Perset respectivement architecte et scénographe, pour donner une nouvelle jeunesse à ce lieu. Le cahier des charges est de se replonger dans le passé afin de se servir de l’héritage culturel des murs du Vieux Colombier. Dans cet esprit, on vient réactualiser la pensée de Copeau et de ses tréteaux nus. La simplicité et l’épure seront donc à l’honneur. Par exemple, les coulisses seront totalement supprimées, agrandissant considérablement la scène, mais n’y laissant plus qu’une échappatoire, un petit dégagement côté jardin ; on conservera le proscenium pour favoriser les échanges avec le public et on agrandira la cage de scène afin de pouvoir l’équiper de plus de machineries et d’accueillir des décors plus imposants. Le plus gros bouleversement concernera les aménagements en- dessous de la scène puisqu’on y placera des vérins dissimulant des trappes amovibles permettant de moduler l’espace scénique de cette salle mythique et on y agencera aussi en sous- sol une salle de répétition et de création de la même taille que la scène. On crée ainsi un théâtre esthétiquement et conceptuellement très proche de celui de 1913 mais avec des moyens technologiques bien plus importants et modernes et donc forcément des améliorations techniques. La salle quant à elle se refait une jeunesse et arbore un style beaucoup plus épuré. Depuis ce moment, la salle est entre les mains de la Comédie Française qui ne lui a plus fait subir que de légères améliorations comme en 2005 avec la rénovation de la technique de la cage de scène par exemple. On est ici aussi dans un théâtre qui a subi depuis sa création beaucoup de bouleversements dans sa programmation et son identité. Mais la grande différence que l’on peut noter avec le Théâtre des Bouffes du Nord, c’est que les Bouffes du Nord n’ont presque jamais changé leur organisation spatiale, tandis que, pour le Vieux Colombier, la corrélation entre réhabilitation et changement dans le type de théâtre proposé est clairement identifiable . La seule chose immobile dans ce théâtre sont les espaces d’accueil et d’attente qui sont coincés dans le couloir traversant l’immeuble pour rejoindre la salle et ne sont donc que très difficilement exploitables. Toutes ces réflexions nous démontrent que le tissu théâtral parisien sait se réinventer tout en gardant son identité et sa qualité propres, qu’on lui envie dans le monde entier. Face à la situation actuelle, il semblerait nécessaire d’effectuer un virage à 90 degrés mais quel sera-t-il ? Peut-être est-il déjà présent sans que nous n’en ayons pris conscience ? C’est ce que nous essaierons de voir dans la troisième et dernière partie de ce mémoire de recherche.

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[ fig 1 ] Plan de Rez de Chaussée du théâtre des Bouffes du Nord en 1900 avant les rénovations par P.Brook Source : archives des bouffes du Nord [ fig 2 ] Coupe longitudinale du théâtre des Bouffes du Nord en 1900 avant les rénovations par P.Brook Source : archives des bouffes du Nord [ fig 3 ] Plafond de la salle du théâtre des bouffes du nord en 1974 à sa découverte par P.Brook Source : Illustration du livre de M.Seban “théâtres de Paris, Abris ou édifices” [ fig 4 ] Balcon et parterre de la salle du théâtre des bouffes du nord en 1974 à sa découverte par P.Brook Source : Illustration du livre de M.Seban “théâtres de Paris, Abris ou édifices”

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[ fig 7 ] Plan d’organisation général du théâtre du Vieux colombier Source : illustration d’un article du numéro 63 d’ architecture scénographie (1993) “Le renouveau, théâtre du vieux colombier” par Jean Chollet [ fig 8 ] coupe longitudinale du théâtre du Vieux colombier Source : illustration d’un article du numéro 63 d’ architecture scénographie (1993) “Le renouveau, théâtre du vieux colombier” par Jean Chollet [ fig 9 ] Vue intérieure de la salle du théâtre du théâtre du vieux colombier en 1914 juste après la fermeture. Source : CHRISTOUT M.F, “Théâtre du VieuxColombier, 1913-1993.”, Norma IFA, 1993, Paris [ fig 10 ] Vue intérieure de la salle du théâtre du théâtre du vieux colombier en 1930 : la scène architecturée Source : CHRISTOUT M.F, “Théâtre du VieuxColombier, 1913-1993.”, Norma IFA, 1993, Paris

[ fig 5 ] Cadre de scène de la salle du théâtre des bouffes du nord en 1974 à sa découverte par P.Brook Source : Illustration du livre de M.Seban “théâtres de Paris, Abris ou édifices”

[ fig 11 ] Vue intérieure de la salle du théâtre du théâtre du vieux colombier en 1934 : retour à une scène très classique Source : CHRISTOUT M.F, “Théâtre du VieuxColombier, 1913-1993.”, Norma IFA, 1993, Paris

[ fig 6 ] vue du poulailler de la salle du théâtre des bouffes du nord en 1974 à sa découverte par P.Brook Source : Illustration du livre de M.Seban “théâtres de Paris, Abris ou édifices”

[ fig 12 ] Vue intérieure de la salle du théâtre du théâtre du vieux colombier en 1993 : changement d’esthétique, modernisation, le renouveau. Source : CHRISTOUT M.F, “Théâtre du VieuxColombier, 1913-1993.”, Norma IFA, 1993, Paris

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DEUXIÈME PARTIE LE XX° SIÈCLE, UN RENOUVEAU TANT ARTISTIQUE QU’ARCHITECTURAL -

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Espace et potentiel : les Ateliers Berthier. Historique : de l’urgence au pérenne, l’approbation du public parisien. L’histoire de cette parcelle, située Boulevard Berthier dans le XVIIème arrondissement, a toujours été liée au spectacle vivant même si elle ne fut pas toujours lieu de représentation théâtrale. Débutés en 1895, achevés en 1898, les Ateliers Berthier sont à la base des ateliers de décors conçus pour l’Opéra de Paris par Charles Garnier suite à l’incendie de 1894 qui a détruit les ateliers existants et situés rue Richer dans le Xème arrondissement de Paris. Pour pallier ce manque et pour limiter les risques d’incendie futur, décision est prise d’installer les ateliers de décor dans un quartier moins densément urbanisé et de confier leur réalisation à l’architecte de l’Opéra lui-même. Charles Garnier met donc en place un grand complexe composé de 3 corps de bâtiments industriels, qui resteront les seuls bâtiments de ce type qu’il construira, ce qui en fait une réalisation unique qui sera d’ailleurs inscrite aux Monuments Historiques en 1990. Les bâtiments sont constitués d’une charpente métallique et les façades réalisées en briques et pierres meulières. Trois bâtiments sont édifiés , un atelier au centre et les magasins de décors à l’est et à l’ouest, symétriquement autour d’une cour. Au milieu du XXème siècle, une opération d’extension a été réalisée et une série de bâtiments en ciment ont été rajoutés pour agrandir les espaces déjà présents. L’atelier central restera toujours attitré à l’Opéra de Paris et est encore en activité aujourd’hui, même si, nous le verrons ensuite, des changements sont prévus. L’Opéra-Comique va de son côté investir le bâtiment nord-est avec ses propres ateliers de décors et le Théâtre de l’Odéon va prendre possession du bâtiment Sud-Ouest en 1999 afin d’y installer lui aussi un lieu de production pour ses décors et une salle de répétition. La situation restera stable jusqu’en 2001, date à laquelle le Théâtre de l’Europe décide de commencer une restructuration complète de ses infrastructures en modernisant sa salle du VIème arrondissement et tous les espaces accueillant le public. Pendant les travaux qui dureront de 2002 à 2006, il est totalement inconcevable que ce théâtre national cesse toute activité. La direction du théâtre commence donc un travail prospectif afin de trouver un lieu susceptible d’ accueillir les programmations durant les travaux (qui ne devaient, à la base, ne durer que deux ans). Plusieurs axes de recherche se dégagent : tout d’abord des théâtres classiques à l’italienne qui correspondent le plus à la salle de l’Odéon existante et s’adapteraient donc bien à la programmation de ce théâtre national. Cependant cette idée mène vers des théâtres privés qui sont très onéreux à la location. De plus l’idée n’enthousiasme pas la direction qui se penche alors sur des lieux plus atypiques dans la lignée des établissements comme la Cartoucherie ou 84

encore la Manufacture des Oeillets à Ivry-Sur-Seine [26] qui a déjà accueilli des spectacles de l’Odéon. Mais finalement ce fut au cours d’une visite dans leurs ateliers que la direction eut l’idée de récupérer les espaces de stockage de l’Opéra Comique qui accepta de les leur céder pour une durée temporaire . On entama donc une transformation très importante du bâtiment Nord-Est et du bâtiment en ciment qui lui avait été accolé lors de la phase d’extension des ateliers. Les travaux dureront 4 ans et coûteront 2,5 millions d’euros, ce qui semble assez dérisoire face aux grands projets de théâtre récents. Le nouveau théâtre des Ateliers Berthier ouvrira ses portes en janvier 2003 avec une mise en scène de Patrice Chéreau – Phèdre de Jean Racine - dans un dispositif bi-frontal qui enchantera le public. Pendant les deux ans qui suivirent cette ouverture, le succès de ce théâtre fut incontesté, l’espace offrait des possibilités que la salle classique du Théâtre de l’Europe ne permettait pas et l’esthétique industrielle semble avoir touché le public qui n’hésitait pas à se rendre aux portes de Paris, dans un quartier qui n’était pas encore le nouveau quartier des Batignolles tel qu’on connait aujourd’hui. Le succès fut tel et les moyens engagés dans ces lieux si importants, qu’en 2005, le Ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres , annonce que les Ateliers Berthier resteront alloués au Théâtre de l’Odéon et qu’ils constitueront la seconde salle de ce théâtre national qui réintégrera en parallèle sa structure historique en 2006. Depuis, les Ateliers Berthier sont devenus un symbole du nouveau théâtre parisien de par leur programmation pointue et qualitative mais aussi de par l’esthétique industrielle et les dispositifs spatiaux qui ont modernisé le bâtiment tout en gardant les traces du passé. C’est cela que nous allons étudier dans un second temps.

26. Grand lieu industriel réhabilité contenant aujourd’hui le théâtre des Quartiers - dénommé Théâtre Antoine Vitezmais aussi une école d’Arts Graphiques.

Une esthétique marquée : de l’usine au théâtre. La réhabilitation d’un lieu industriel en structure théâtrale peut paraître évidente, en effet les grandes portées du bâtiment et les volumes généreux semblent correspondre tout à fait aux usages qu’on souhaite y intégrer. Il est cependant plus difficile qu’on le croit de réussir un tel projet. Les Ateliers Berthier sont un bon exemple de restructuration réussie puisqu’ils offrent un cadre fluide et agréable tout en garantissant de bonnes conditions acoustiques et visuelles dans la salle de spectacle. L’organisation est finalement assez simple, l’atelier décor, plus haut de plafond , sert de salle de spectacle. Quant au bâtiment annexe en ciment, on est venu y placer les espaces d’accueil et de convivialité. Pour ces derniers, l’architecte du projet, Jean-Loup Roubert a su tirer parti de l’histoire du bâtiment. En effet il a conservé les cloisons des boxes de rangement des décors pour créer des espaces délimités et intimistes. Ainsi le grand hall estil un espace ouvert dans lequel viennent s’installer une multitude de petites 85


structures accueillant les différents programmes ( bars, billetterie, librairie, sanitaires, vestiaires …) . Pour encore accentuer son dispositif, il a rabaissé la hauteur sous plafond de tous ces micros-structures , dilatant ainsi l’espace dans celles-ci pour mieux mettre en valeur la grande hauteur sous plafond de l’existant lorsque l’on se trouve dans les circulations. Cet espace est ainsi constitué de deux grandes travées regroupant tous les espaces utiles du lieu. Deux grandes portes, anciens accès aux ateliers, au centre de ces deux travées, ont été percées à leur base pour accueillir les deux sas menant à la salle qui occupe la totalité de l’espace du bâtiment d’origine. Cette salle est une salle transformable assez classique qui permet d’imaginer la quasi -totalité des types de mises en scène que l’on connait aujourd’hui. Sa conception a été confiée à Alain Wendling, directeur technique du Théâtre de l’Odéon. Dans son organisation la salle est très simple. La scène se situe sur le même niveau que le parterre pour pouvoir être placée à n’importe quel endroit, l’entièreté du plafond est recouverte d’un gril technique qui permet une grande liberté dans l’éclairage et la sonorisation de l’espace. Des gradins rétractables et mobiles sont repartis au gré des envies et des besoins des metteurs en scène. Aucun escalier fixe n’est présent dans la salle ce qui fait qu’on monte souvent par les gradins directement, évitant ainsi toute perte d’espace. La salle est composée d’un grand rectangle qui n’est amputé que par un petit couloir dans un angle au R+1 et au R+2 dont l’escalier d’accès se situe au niveau de la salle contenant les loges des artistes. On trouve dans cette salle deux systèmes de passerelles techniques qui se superposent. Un premier niveau périphérique à 8,3 mètres du sol et un deuxième niveau à 11,2 mètres longitudinal ce qui permet l’accès à tout l’espace de gril. Si l’esthétique de la salle est laissée très brute puisque toute la technique est visible, que les reprises de murs et de sols restent apparentes et qu’on a conservé brutes les deux rangées d’IPN qui courent tout le long de la salle, un énorme travail sur l’isolation et la structure du bâtiment a été mené pour pouvoir accueillir sa nouvelle fonction dans les meilleures conditions possibles. Si tout le matériel technique est en majeure partie récupéré du théâtre historique de l’Odéon, l’architecte a jugé nécessaire d’étayer la structure métallique de la toiture pour pouvoir accueillir le gril et toute la technique en toute sécurité ; il a également revu toute l’isolation phonique de la salle, ce qui constitua le plus gros du travail dans cette réhabilitation. Un gros travail sur les réseaux a aussi été nécessaire puisque l’entièreté de la salle a une accessibilité directe à l’électricité ce qui permet l’installation de régies mobiles dans des positions très différentes toujours dans un objectif de liberté de la mise en scène et de la scénographie. Tous ces travaux ont permis aux Ateliers Berthier de devenir un théâtre moderne, mobile et bien adapté à la programmation pointue de l’Odéon et l’ on sent bien que l’attention , le sens du détail avec lesquels a été 86

menée cette transformation traduit une évidente volonté de pérennisation de l’édifice. Il semble bien que l’Odéon ait, dès le départ, entrepris de faire de cette salle supposée temporaire, sa deuxième scène, permettant ainsi à ce théâtre national de se mettre au niveau de ses concurrents directs qui possèdent tous au moins deux scènes. Coup de poker réussi puisque depuis 2005, la direction a réussi à asseoir une programmation contemporaine très appréciée d’un public fidélisé. Le théâtre profite aussi maintenant d’un environnement particulièrement dynamique avec le projet urbain des Batignolles qui est venu considérablement augmenter l’attractivité de cette porte de Paris. Il est clair que dans l’évolution actuelle de ce quartier, maintenir les deux tiers de ce complexe en locaux techniques représente un manque à gagner évident. En effet, l’atelier décor de l’Opéra et celui de l’Odéon représentent deux espaces qui pourraient devenir deux nouvelles richesses dans le paysage théâtral parisien s’ils suivaient l’exemple tracé, il y a maintenant plus de 10 ans , par cette réhabilitation réussie qui constitue aujourd’hui un espace innovant qui a su trouver sa place à la frontière entre théâtre institutionnel et nouveau lieu non conventionnel, marqueur d’une nouvelle génération de lieux. Un lieu d’opportunité : la future Cité du Théâtre de Paris. L’histoire des Ateliers Berthier n’est pas close et un autre chapitre important est en préparation ; nous l’exposerons ici dans un contexte prospectif puisqu’il s’agira de l’étude d’un projet qui n’est encore aujourd’hui qu’au stade embryonnaire : la Cité du Théâtre de Paris. Les données citées et l’étude qui en sera faite sont donc basées sur des éléments et des écrits très récents qui sont susceptibles d’être encore largement modifiés d’ici la sortie de terre de cette nouvelle structure. De plus, les seuls textes sur le sujet émanant directement des institutions gouvernementales, ils ne doivent pas être sortis de leur contexte politique et sont à mettre en perspective dans le contexte pré-électoral actuel. Le programme a cependant été élaboré par une entreprise de maitrise d’ouvrage privée, Kanju, spécialiste de la programmation de lieux scéniques puisque cette société a déjà réalisé de telles études pour des structures comme la Philharmonie de Paris, équivalent musical de ce projet ou encore la Maison de la Danse à Lyon. L’annonce officielle du projet ne date que du 24 octobre 2016, elle est donc très récente. Ce projet lancé à l’initiative de l’Etat est inédit dans le sens où il tend à réunir quatre grandes institutions publiques de la scène théâtrale parisienne : l’Opéra de Paris, qui a la main sur la plus grande partie du bâti des ateliers, le Théâtre de l’Odéon, qui occupe déjà les lieux, la Comédie Française et le Conservatoire national supérieur d’Art dramatique (CNSDA), tous deux nouveaux arrivants dans les lieux. Ayant suivi de près l’ouverture et le développement de la deuxième salle 87


27. L’institution concède à se retirer à la condition très légitime que soit achevé, plus de 25 ans après son inauguration, le bâtiment de l’Opéra Bastille. En effet, au départ, celui- ci devait contenir des espaces d’ateliers, de répétitions et de stocks des décors mais le projet devant être livré pour le bicentenaire de la prise de la Bastille et ayant déjà complètement dépassé le budget qui lui était attribué, il avait été , à l’époque, décidé de laisser en suspens plusieurs tranches du programme. Aujourd’hui l’Etat s’engage, en contre- partie de la libération des locaux de la porte de Clichy, à combler ces manques par une nouvelle salle transformable à Bastille, de nouveaux studios de répétitions et des ateliers de fabrication et de stocks des décors de l’Opéra de Paris.

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de l’Odéon, toutes ces institutions et les pouvoirs publics sont aujourd’hui convaincus de l’attractivité du lieu qui n’est cependant aujourd’hui utilisé qu’à un tiers de ses capacités en terme d’accueil du public, puisque les autres deux tiers sont encore à usage de répétitions, d’ateliers décor ou de simples espaces de stockage alors que tous ces locaux se situent idéalement dans un quartier dynamique en plein expansion. C’est de ce constat qu’est né le projet, et dans un deuxième temps, il s’est agi de recenser les acteurs publics ayant les besoins les plus urgents. Une des premières nécessités à envisager était l’évacuation du bâtiment central encore aujourd’hui occupé par l’Opéra de Paris [27]. Une fois cette question résolue, il s’agissait de contenter les grandes institutions publiques qui sont toutes dans l’attente de renouveau. L’Etat a donc dû prendre des décisions quant aux structures qui pourront bénéficier de cette nouvelle implantation. Tout d’abord il a été décidé qu’il était primordial d’asseoir la place du Théâtre de l’Odéon dans les lieux. S’il est déjà bien installé, beaucoup des travaux réalisés entre 2003 et 2006 restent précaires et il manque quelques équipements fondamentaux pour que ce théâtre puisse se déployer pleinement. Ainsi le programme prévoit d’allouer à la structure de vraies loges ( et non plus les couloirs contenus dans l’espace de la salle) , une seconde salle plus petite, réel laboratoire théâtral ainsi qu’ une salle de répétition permettant la diversification de la programmation. Des bureaux administratifs sont aussi prévus. Spatialement on comprend donc bien que le Théâtre de l’Odéon va être obligé de sortir du cadre des deux bâtiments qui lui étaient alloués jusqu’à présent, même si aucune proposition spatiale n’a encore été avancée. Ensuite il a été décidé d’enfin offrir sa salle transformable à la Comédie Française. C’est un fait historique puisque tous les directeurs de l’institution qui se sont succédé depuis les années 70 l’ont, au fil du temps, toujours réclamée. Stéphane Lissner, le directeur actuel, a bien défendu son dossier puisque la Comédie va enfin pouvoir bénéficier - non pas d’une salle moderne en complément des salles historiques de la structure - mais bien de deux salles qui auront des jauges respectives de 600 et 250 places. Elles seront toutes les deux construites de type transformable, ce qui est totalement nécessaire afin de combler les manques de la salle Richelieu, à l’italienne et très limitative en matière de mise en scène et très froide en ce qui concerne le rapport acteur / public. Dans ces nouveaux espaces, la Comédie Française va ainsi pouvoir développer un nouveau type de répertoire qui était hors de sa portée jusque- là. Ces deux salles de plein pied permettront des mises en scène et des organisations spatiales beaucoup plus immersives et contribueront ainsi au rapprochement de l’institution avec son public. Outre ces deux espaces, la Comédie Française se verra attribuer dans le projet une grande salle de répétition qui aura la surface de la plus grande des deux nouvelles scènes, un vrai foyer public , des loges,

des ateliers et des lieux de stockage permettant une certaine indépendance de cette nouvelle structure. Toutes ces nouveautés seront très certainement installées dans le bâtiment Sud-Ouest, à l’opposé donc de la salle du Théâtre de l’Odéon. Pour finir, comme clé de voûte du projet, le projet installe le CNSAD ( Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique ) dans le bâtiment central. En effet les locaux de celui -ci, situé dans le 9ème arrondissement, ne sont aujourd’hui plus aux normes et trop exigus pour les ambitions de développement de cette école qui forme l’élite de la profession. Le théâtre sera conservé dans le 9ème, mais la quasi- totalité des autres locaux seront transférés Boulevard Berthier où ils pourront jouir d’espaces beaucoup plus généreux et d’une situation exceptionnelle puisqu’ils devraient être placés au centre de ce qui pourrait bien devenir le plus grand projet théâtral de Paris. Pour cela, leur seront offerts quatre grandes salles de travail capables chacune de recevoir entre 100 et 200 spectateurs dans un cadre de diffusion, sept salles de cours à proprement parler, des locaux pédagogiques et même un atelier de fabrication de décors. Ce sont des équipements assez exceptionnels qui permettront à coup sûr à cette structure de s’étendre et de réaliser l’ambition que Claire Lasne-Darcueil, sa directrice actuelle, met en avant, à savoir celle de faire du Conservatoire le premier campus de théâtre à portée internationale. En plus de tous ces nouveaux espaces qui seront propres à chaque institution, le bâtiment central deviendra aussi un lieu de partage entre les trois structures, permettant des passages et des mélanges entre les différents acteurs du projet et générant une nouvelle synergie, source de nouvelles opportunités pour chacun. Il sera ainsi mis en place un grand centre bibliothécaire, un foyer commun permettant au public de profiter aussi de cette mutualisation des institutions et d’un pôle restauration. C’est bien dans ces espaces partagés que résident la grande nouveauté et l’intérêt de ce projet. On connaît depuis bien longtemps la volonté des théâtres de se rapprocher géographiquement, il n’y a là rien de nouveau ; le quartier Gaité dans le 14ème arrondissement ou encore les Grands Boulevards en sont de bons exemples. En effet cette proximité a toujours permis une certaine émulation autour des structures concernées en créant un pôle d’attraction du public vers des institutions auxquelles il ne se serait peut-être pas intéressé. Cependant, la proposition présentée par la Cité en gestation tend à hybrider ces trois structures, à les mélanger et à en tirer un ensemble qui - il faut l’espérer - sera homogène et permettra vraiment des échanges riches entres tous les acteurs du projet. Si cette idée aboutit et réussit, elle aura aussi le mérite de ne plus être ce que sont la plupart des théâtres, un établissement à la temporalité limitée. En effet cette nouvelle structure devrait être en fonctionnement tout au long de la journée, créant de ce fait une vraie dynamique. 89


On peut encore citer de nombreux potentiels de ce projet, comme sa situation géographique, totalement ouverte sur le grand Paris et à la lisière entre un public déjà initié et un public à conquérir ou encore l’arrivée de cette grande institution culturelle dans un quartier qui n’en possédait que très peu. Si le potentiel de l’espace ainsi réhabilité ne peut être nié, c’est plutôt ses volets politiques et économiques qui peuvent sembler problématiques. En effet, le projet prévoit un budget de 150 millions d’euros et des travaux qui n’arriveront à leur finalité qu’en 2023. Ces modalités semblent assez utopiques vu l’austérité des budgets alloués à la Culture et tout particulièrement au spectacle vivant. Il semblerait que la réalisation de cet ambitieux projet passera par la diminution d’autres lignes budgétaires de la Culture et le sacrifice de certains autres postes de subventions au profit de cette méga-structure à l’échelle de la ville. Enormément de petites structures voient déjà diminuer de manière considérable leurs budgets ( les Maisons de la Culture en sont un exemple frappant ) et se trouvent contraintes à réduire leurs activités et leurs programmations. Dans ce cadre il semble donc très complexe de mettre réellement en oeuvre un projet de cette envergure. De plus, il faut rappeler que ce projet apparait à moins de 6 mois de l’élection présidentielle et est en grande partie porté par le Chef de l’état. Ne serait-ce pas plus un coup médiatique qu’un réel projet d’avenir? Ne représente –t-il pas une tentative de se réconcilier avec une corporation maltraitée au cours du mandat du Président de la République qui fut marqué par de grands changements dans les statuts des intermittents du spectacle ? Ces quatre institutions, qui se portent finalement plutôt bien aujourd’hui, Sont- elles vraiment celles à aider en priorité plutôt que de promouvoir des initiatives d’ envergure plus modeste qui pourraient potentiellement développer des actions plus largement réparties sur l’ensemble du territoire parisien ? Cette structure a-t-elle les moyens de concrétiser ses ambitions d’expansion et d’ouverture ou deviendra- t-elle une énième forteresse élitiste réservée au petit monde des initiés et des professionnels ? Seuls l’avenir et l’évolution du projet pourront répondre à ces questions mais il semblerait que d’autres structures aient, depuis quelque temps, apporté des réponses différentes qui commencent à esquisser des changements. Nous les examinerons en détail dans la suite de ce travail afin de mieux appréhender la situation et son devenir dans un futur proche.

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[ fig 1 ] Plan de Rez de Chaussée des ateliers Berthier après réhabilitation en 2003 Source : article “Salle provisoire pour l’Odéon” de JL Roubert pour Techniques & Architecture N°464 de janvier 2003 [ fig 2 ] Coupe longitudinale des ateliers Berthier après réhabilitation en 2003 Source : article “Salle provisoire pour l’Odéon” de JL Roubert pour Techniques & Architecture N°464 de janvier 2003

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[ fig 3 ] Nouvelle façade après réhabilitation. Source : article “Salle provisoire pour l’Odéon” de JL Roubert pour Techniques & Architecture N°464 de janvier 2003 [ fig 4 ] Espace intérieure avant réhabilitation Source : article “Salle provisoire pour l’Odéon” de JL Roubert pour Techniques & Architecture N°464 de janvier 2003 [ fig 5 ] Exemple d’utilisation de la nouvelle salle sur un dispositif Bi-Frontal Source : article “Salle provisoire pour l’Odéon” de JL Roubert pour Techniques & Architecture N°464 de janvier 2003

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[ fig 6 ] Exemple d’utilisation de la nouvelle salle sur un dispositif Frontal Source : article “Salle provisoire pour l’Odéon” de JL Roubert pour Techniques & Architecture N°464 de janvier 2003

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Lieux ponctuels, hors les murs et expériences inédites. Lieux temporaires, la contrainte comme outil de la modernité. Un théâtre est un bâtiment qui doit se mettre à jour plus souvent que tout autre édifice. La technologie avance rapidement dans le domaine des moyens déployés dans les arts scéniques et l’évolution de la mise en scène contemporaine implique une nécessité de se remettre en question de manière récurrente. Dans le cas de restructurations importantes, les travaux immobilisent souvent les bâtiments, empêchant les structures de diffuser leur programmation, ce qui leur est économiquement impossible. En effet les revenus apportés par la billetterie est souvent primordiale à la survie des théâtres et même dans le cas de théâtres subventionnés, il leur est demandé, dans le cadre de ces financements, de garder une dynamique de création et de diffusion. Aussi doivent-ils, durant le temps imposé des chantiers, trouver des solutions pour poursuivre leurs activités. Pour cela plusieurs solutions sont utilisées par les structures ; l’une d’entre elles, souvent utilisée par de grosses institutions, de par les budgets importants qu’elle suppose, réside en la création de théâtres temporaires. Le principe est simple : il consiste à bâtir, réhabiliter ou s’emparer d’un lieu, de l’adapter à la diffusion du spectacle vivant et d’en faire une extension du théâtre en question le temps que le bâtiment principal redevienne un outil compatible avec les ambitions de l’institution. Nous en avons vu un exemple remarquable précédemment avec le théâtre de l’Odéon et la réhabilitation des Ateliers Berthier ; cependant ce cas reste totalement exceptionnel dans le sens où les circonstances et les moyens déployés dans ce cadre ont transformé les Ateliers en une structure qui, depuis son ouverture, n’avait plus grand chose de temporaire, l’enveloppe existante présentait un tel potentiel qu’il était prévisible qu’elle devienne pérenne. D’autres théâtres n’ont pas cette chance. C’est par exemple le cas de la Comédie Française qui, en 2012, s’est vu obligée de réhabiliter complètement sa salle historique, la salle Richelieu nichée dans le Palais Royal, véritable institution du théâtre parisien. Il était évident que la vie de la compagnie ne pouvait s’arrêter pour toute une saison et une solution a dû être trouvée. Celle -ci fut assez inédite puisqu’elle a résidé en la construction d’un théâtre éphémère en bois, entièrement démontable qui sera implanté dans un lieu d’exception au plus près de la structure qu’il remplace, au coeur même des jardins du Palais Royal, dans la galerie centrale qui sépare la cour d’honneur – et ses colonnes de Buren- du jardin proprement dit. Si les dispositifs scéniques n’ont rien d’exceptionnel puisqu’ on est ici sur une salle à la disposition frontale très basique, reproduisant au mieux les dimensions et la disposition de la salle Richelieu, la démarche même des deux architectes Noms ? est très intéressante : ils vont s’emparer de la contrainte imposée (l’architecture 97


temporaire) pour créer un réel outil recyclable et tout à fait remarquable dans son lien avec l’histoire du lieu et les nouvelles manières de concevoir le théâtre aujourd’hui. Ce qui rend ce projet remarquable, c’est qu’il constitue un réel palimpseste du lieu et s’attache véritablement à l’histoire du lieu, au respect de cette histoire tout en la dépoussiérant et en l’adaptant aux problématiques modernes. En effet l’emplacement du projet dans cette galerie n’est pas le fruit du hasard puisque celle- ci abritait, jusqu’en 1828, une galerie tout en bois dans laquelle étaient installés des commerces. De plus le jardin avait déjà, dans son passé, abrité un théâtre en plein air de manière ponctuelle. Ce projet n’a donc fait que condenser ces deux épisodes historiques en y incorporant les problématiques de la Comédie Française. Une fois encore, il apparaît que le gage de la réussite d’un projet d’architecture théâtrale réside dans le respect de l’histoire du lieu investi afin de créer des structures s’intégrant parfaitement dans leur paysage et réussissant à s’installer comme si elles avaient toujours été là. Une des autres problématiques fut l’esthétique de l’édifice. Nombreux sont les théâtres temporaires qui sont construits avec les moyens du bord dans une esthétique de récupération, dans une optique d’économies, avec des matériaux locaux ou de réemploi mais ici, il fut décidé de réaliser une structure pérenne en bois massif selon des techniques anciennes de charpente bois pour bâtir ce théâtre, temporaire certes, mais qui, malgré son aspect assez brut, réussit à dialoguer avec son environnement. Pour cela, il a été choisi de l’installer à l’arrière des colonnades, permettant l’illusion visuelle que celles- ci faisaient partie de l’architecture nouvellement créée, réussissant ainsi le tour de force de faire passer cette structure récente et temporaire pour un bâti ancien et implanté de longue date. En outre, la volonté des architectes est allée plus loin que d’imaginer un bâtiment fonctionnel s’implantant avec succès dans un site historique et marqué, ils ont construit un réel outil mobile, déplaçable et réutilisable. Entièrement démontable et transportable en camion, ce bâtiment peut être installé en trois mois dans n’importe quel site et s’adapter à son environnement grâce à des procédés permettant la protection du bâti qui l’entoure. On peut donc imaginer que dans le futur, cette construction soit réutilisée, soit dans l’optique d’une nouvelle réhabilitation de la salle Richelieu mais aussi dans le cadre d’une délocalisation de la compagnie de la Comédie Française. Il constitue ainsi une version contemporaine du théâtre mobile très utilisé lors des tournées lorsque le théâtre a commencé sa politique d’extension vers la province ; il est aujourd’hui un moyen pour la Comédie Française de s’assurer la possibilité de s’exporter dans une structure adaptée à son répertoire et qui lui permet de s’abstraire de toutes les contraintes d’espaces et de technicités particulières à chaque lieu puisqu’il possède aujourd’hui cet outil mobile et fonctionnel. Dans une période où chaque metteur en 98

scène souhaite réaliser un théâtre à son image et parfaitement adapté à son répertoire, ne serait- ce pas là une solution pérenne et durable que de construire ce genre d’enveloppe théâtrale permettant la diffusion d’un répertoire dans les meilleures conditions imaginables ? Nous verrons que d’autres possibilités s’ouvrent aujourd’hui aux structures qui doivent pour un temps fermer leurs portes mais celle- ci semble être une bonne alternative. Hors les murs, le partage des ressources comme outil. Se construire un lieu provisoire est un luxe, il oblige une structure théâtrale, qui a déjà engagé des travaux et donc de l’argent, à trouver encore des sommes considérables pour se fabriquer un nouvel outil temporaire de travail. Beaucoup d’institutions ne peuvent donc pas se permettre un tel challenge et doivent recourir à des solutions plus imaginatives pour pouvoir conserver une activité et une programmation à la hauteur. Certaines vont donc choisir de présenter des saisons dites “hors les murs”, qui consistent en fait à programmer des spectacles en leur nom dans des structures différentes en échange, bien sûr, de compensations financières. Ce principe revient à de la location d’espace ; cependant il va souvent bien au-delà. En effet il arrive fréquemment que les théâtres acceptant d’accueillir de telles programmations soient demandeurs d’un réel échange avec la structure qui organise son « hors les murs », conduisant ainsi à de réels partenariats, souvent embryons de collaborations plus globales entre les deux structures. De plus les organisateurs de “hors les murs” sont généralement obligés de développer leur partenariat avec plusieurs institutions situées sur un territoire assez restreint autour de la structure originelle. Cela a pour effet de créer un véritable réseau de structures théâtrales, dynamisant ainsi les zones en question et créant des échanges culturels qui peuvent s’épanouir et se renforcer après ces saisons un peu particulières. En effet, quand la structure rouvre ses portes dans le bâtiment réhabilité, les échanges et les concordances artistiques mises en place subsistent et se prolongent souvent par une mutualisation de moyens sur le terrain (autour de la naissance d’un Festival par exemple). Ainsi, grâce à ce partage mis en place, des théâtres qui n’auraient pas eu accès à certains dispositifs scéniques de par les lacunes de leurs propres infrastructures, se retrouvent parfois à programmer des spectacles aux dispositifs inédits qui ne leur sont permis que grâce aux infrastructures existantes dans les théâtres les accueillant , enrichissant ainsi leur programmation et mettant en avant les possibilités du théâtre hôte. Pour les théâtres qui reçoivent de telles programmations, il existe aussi un avantage clair : celui d’accueillir un public qui n’est pas le leur à l’intérieur de leurs murs ; de nouveaux spectateurs fréquentent un théâtre qui leur est inconnu, ce qui leur offre la possibilité d’expérimenter le lieu, de découvrir son atmosphère et son univers, favorisant les envies de découverte, et 99


dynamisant encore un peu plus un réseau théâtral local. Ce système existe depuis longtemps mais s’adapte de mieux en mieux aux problématiques théâtrales contemporaines pour des raisons économiques. En effet aujourd’hui, la plupart des théâtres modestes subissent de fortes restrictions budgétaires ; qu’ils soient privés ou même subventionnés, leur budget de programmation est de plus en plus restreint ce qui les met face à deux possibilités : soit ils gardent le même nombre de spectacles programmés mais sont obligés de réduire leurs exigences vis- à -vis de la qualité / du prestige des propositions et s’orientent donc davantage vers des pièces moins connues qui sont des sources de revenus plus hasardeuses et n’ apportent au théâtre qu’une visibilité moindre ; soit ils conservent leurs exigences dans la programmation mais sont , dans ce cas-là, obligés de réduire le nombre de pièces proposées par an ; ils se retrouvent alors dans des situations où le théâtre peut passer plusieurs semaines sans accueillir de spectateurs et donc, sans rentrées de billetterie. La plupart des structures privilégient la deuxième solution présentée, ce qui a pour conséquence une temporalité des bâtiments totalement remise en question. En effet, dans des programmations allégées de ce type, les représentations plus espacées créent une non -rentabilité de l’espace en terme d’occupation. Une salle inutilisée coûte de l’argent et dans ce contexte, recevoir des programmations “hors les murs” au sein de son théâtre devient un réel avantage. En effet cet accueil est un moyen facile pour un théâtre à la programmation allégée de gagner de l’argent sans pour autant devoir trop investir, exception faite de la rémunération des salariés travaillant lors des représentations. On pourrait ainsi imaginer que certains théâtres puissent se retrouver dans une seule et même structure physique , partageant un espace commun pour deux programmations différentes. Il n’existe pas à notre connaissance d’exemple actuellement mais c’est un modèle qui mériterait d’être étudié vu la situation économique présente du spectacle vivant parisien et le prix du foncier dans la capitale. Pour illustrer l’ensemble de ces principes, nous avons choisi de développer l’exemple d’un lieu qui a parfaitement su tirer parti de cette situation, la MC93 à Bobigny. Construite par Fabre et Perrotet au début des années 80, une grande rénovation de tous les espaces du théâtre a été lancée en 2015 , consistant en la construction d’une nouvelle salle et en la modernisation de tous les espaces existants afin de pouvoir accueillir une programmation correspondant aux problématiques dramaturgiques actuelles. Les travaux devraient être achevés pour le lancement de la saison 2017 mais voilà maintenant trois saisons qu’il est impossible d’utiliser les salles de spectacles pour y diffuser des spectacles. Si durant la première année le théâtre n’a pas fonctionné, la saison dernière et cette saison-ci ont mis en place un programme « hors les murs « particulièrement riche. Hortense Archambault, directrice depuis 2015, a en effet insufflé, avec son 100

équipe, une dynamique qui fait rayonner le théâtre dans tout le département de la Seine Saint Denis et qui s’étend aussi intramuros [28] . Conséquence directe, on parle beaucoup plus aujourd’hui de cette structure grâce à ce « hors les murs » qui permet de multiplier les points de visibilité dans toute l’Ile de France. Dans sa grande exigence quant au choix des lieux qui vont accueillir les spectacles de cette Maison de la Culture, sa directrice a su renforcer une identité déjà bien marquée auparavant, mais qui résonne encore davantage grâce à cette délocalisation des spectacles. Elle a su promouvoir tout le département et mettre en lumière toutes les possibilités que celui- ci offre en termes de spectacle vivant, mais aussi défendre avec ambition, sur un plan plus idéologique , les valeurs de la richesse et de la diversité culturelles que celui-ci recèle. Ce cadre de fonctionnement a aussi su susciter des opportunités qui auraient été inenvisageables ou en tout cas beaucoup plus complexes dans un autre contexte. Ainsi l’ouverture de la saison 2016 s’est-elle faite dans un lieu particulier, un hall industriel de La Courneuve désaffecté depuis peu. C’est donc la MC93 qui a déclenché la réhabilitation de cette friche qui est aujourd’hui site de projet au fort potentiel. On voit bien ici par cet exemple que cette obligation de fermer un théâtre peut être exploitée de manière positive pour gagner en visibilité et donner un nouvel élan à tout un territoire. Lorsque la MC93 rouvrira ses portes, elle sera d’autant plus attractive grâce toutes les expérimentations qu’elle aura réalisées durant sa période de fermeture. Cet exemple d’ “hors les murs” est la parfaite illustration des principes énoncés auparavant puisqu’en effet, ce théâtre a su parfaitement tirer parti des contraintes qui lui était imposées pour créer un environnement de diffusion et de création encore plus riche et développé que si ce projet de restructuration n’avait pas été engagé . Ce genre d’actions peut provoquer des expériences originales et novatrices, permettant de mettre en place des dispositifs et des méthodes innovants tant dans la mise en scène que dans l’organisation d’une structure théâtrale. Comme souvent la contrainte est dans ce domaine source de nouveauté, si elle est prise comme marchepied vers le futur et non comme un obstacle infranchissable. Cependant c’est parfois, au contraire, dans une liberté sans limites que naissent des avancées.

28. voir fig 3

Le participatif ou l’apparition d’un nouveau modèle. Depuis le début du XXème siècle, on ressent dans les mises en scène et dans les répercussions qu’elles ont sur l’espace scénique, une volonté principale qui est celle du rapprochement entre public et artistes. Dans tous les arts du spectacle vivant, cette relation est constamment remise en question et l’on essaye d’effacer la frontière qui sépare la scène de la salle afin de plonger le spectateur au coeur de l’illusion et de le rendre plus actif dans la représentation à laquelle il assiste. Nombreuses sont les architectures 101


théâtrales qui en ont fait leur préoccupation première comme nous l’avons déjà vu au cours de ce mémoire. Aujourd’hui où en est cette réflexion ? Elle semble toujours au centre de l’attention sans trouver de réponse globale ; cependant un nouveau système semble émerger dans la capitale, cristallisé en un lieu en particulier qui a fait beaucoup parler de lui depuis son ouverture fin 2008 dans le nord de Paris : le 104. Installé dans les anciens services municipaux de pompes funèbres, bâtiment industriel de 25000m2 désaffecté depuis 1997 et pris en charge par la ville de Paris, cet espace multifonctionnel - mais dont l’activité principale demeure le spectacle vivant - est le paradigme d’un “théâtre” non-conventionnel puisqu’il s’agit plus finalement d’une machine à créer du spectacle et de la vie plutôt que d’un espace de diffusion au sens commun. L’espace y est séparé en trois grandes zones. La Halle Curial tout d’abord, la moins artistique, accueille restaurants, commerces et pépinières d’entreprises et sert à rentabiliser le lieu et à y créer de l’émulation ; elle attire de jeunes start-up désireuses de travailler dans une énergie toute particulière et bénéficiant là d’un environnement très inspirant. Elle comprend également, au sous –sol, des espaces d’exposition qui peuvent être utilisés en salles de conférence et sont privatisables pour des salons ou autres événements. Au centre du complexe, se situe la Nef Centrale et sa double hauteur monumentale qui sert de sas de rencontre de tous les acteurs du projet et dans laquelle ont été installées les salles de diffusion théâtrale qui sont ainsi placées de manière à générer du lien entre les deux grandes Halles. Mais c’est la Halle Aubervilliers qui, dans le cadre de ce travail, est la plus intéressante : il s’agit d’une véritable fourmilière artistique qui est occupée et animée en permanence, au rez-de-chaussée, dans un espace totalement public et ouvert où tout un chacun a la possibilité de venir s’exprimer. Les équipements sont tels que très vite cet immense plateau est devenu une véritable pépinière pour les jeunes compagnies et toute une génération d’artistes qui a aujourd’hui du mal à trouver des lieux appropriés pour s’exprimer. L’entrée est gratuite et l’espace propice à la créativité, à l’échange et à l’émergence d’une énergie commune à tous les professionnels, amateurs ou même simples spectateurs qui viennent s’intéresser à ce qui se passe en son sein. Si au première étage on retrouve des studios de danse, qu’il faut réserver et qui sont en priorité accessibles aux compagnies en résidence, l’espace ouvert attire aussi bien des danseurs que des circassiens, de jeunes troupes de théâtre ou encore des groupes de chant. Tout s’y mêle dans un brouhaha constant et inspirant et il n’est pas rare que l’entièreté de l’espace soit occupée par ces activités spontanées et informelles. Le 104 représente aujourd’hui la formalisation d’une autre façon de penser le spectacle vivant, non plus par l’illusion et une plongée dans un monde 102

imaginaire, mais bien par la concrétisation et l’expression d’artistes de notre temps dans notre temps, il laisse la place à l’expression de l’ensemble de la population et se sert de cette énergie pour créer de nouvelles dynamiques. En effet il offre un lieu de création ouvert à tous et catalyse tous ces potentiels en organisant, en parallèle d’une programmation pointue, des festivals ou des portes ouvertes pour présenter le meilleur de la création qu’il abrite. Finalement les deux salles de spectacle du 104 ne sont que la formalisation et l’aboutissement d’un travail beaucoup plus important qui s’effectue dans ce théâtre sans scène qu’est la Halle Aubervilliers. De par cet espace complètement ouvert où toutes les barrières s’effacent, la structure a su créer un réel terrain de partage où les catégories acteur / public, professionnel / amateur disparaissent totalement pour ne laisser que des individus et des groupes en recherche d’une nouvelle interface de création et d’apprentissage pour apprendre de l’autre et servir l’art de chacun. Pour conclure, on peut dire que le 104 est une réelle machine à fabriquer du spectacle vivant, rendue économiquement viable par un système de diffusion bien étudié et par une imbrication des programmes ( au sens architectural du terme) laissant place à la mutualisation et au partage de l’espace. En ce sens, ce théâtre nous semble être la concrétisation de l’esprit d’Antoine Vitez et de son principe d’Abris dans le sens où cet espace est très loin d’être le sanctuaire du théâtre élitiste que Vitez essayait de fuir ; ce lieu est surtout là pour accueillir et accompagner tous ceux qui ont quelque chose à dire et faire se rencontrer ces artistes avec un public le plus large et le plus ouvert possible. Mais nous reviendrons assez vite à la pensée d’Antoine Vitez. Pour l’instant, il s’agissait de montrer par cet exemple qu’existent aujourd’hui de nouveaux dispositifs qui ont su, plus que rapprocher le public des acteurs, entremêler ces deux catégories jusqu’à les faire disparaitre. Cependant il est nécessaire, à ce stade, de nuancer le propos sur le 104 puisque, depuis sa création, le lieu a beaucoup changé et pas forcément pour le plus grand plaisir de tous. Maintenant très fréquenté, il s’est peu à peu transformé en institution fourre- tout, et, malgré son ampleur, sa taille ne supporte plus toujours le nombre de personnes qui souhaitent s’y produire. Victime de son succès de par son ouverture, il n’est plus aujourd’hui un réel outil de partage et de cohésion mais est devenu un lieu où il faut parfois se battre pour avoir accès à 20m2 d’espace et où le public ne trouve plus véritablement sa place. De plus la programmation du théâtre, devant un fort succès, a pris petit à petit le pas sur les événements informels, transformant la nef centrale en un théâtre à proprement parler, au détriment de sa beauté des débuts, quand elle servait à légitimer le travail de la Halle Aubervilliers. On peut dire que la problématique majeure du 104 à l’heure actuelle est la gestion de son développement et de son succès, qui ne lui permettent plus d’assumer fidèlement son idéologie de départ. La solution ne résiderait-elle 103


pas dans une multiplication de ce type de structures dans un réel réseau d’échange ? Cet espace a fait ses preuves en termes de redynamisation urbaine, économique et artistique, pourrait- il s’exporter et récréer ailleurs (pourquoi pas en banlieue par exemple) ce qu’il a réussi à concrétiser dans le nord de Paris ? Cette hypothèse pourrait être source de projets et pour éviter de rentrer dans le domaine de la prospective, nous ne la traiterons pas ici même si elle semble tout à fait indispensable lorsque l’on aborde une réflexion sur le futur du spectacle vivant, à Paris comme ailleurs.

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[ fig 1 ]

[ fig 1 ] Photographie du théâtre temporaire de la comédie Française dans les jardins du palais royale Source : tiré du livre de Nathalie Toiret, “un théâtre éphémère pour la comédie française” ARCHIBOOKS, 2012, Paris [ fig 2 ] Gravure de la galerie d’Orléans vers 1840 lorsqu’elle était couverte et était à but commerciale Source : Pierre-François-leonard Fontaine [ fig 3 ] Illustration explicative des lieus occupés par la MC93 pendant sa fermeture Source : Programme de la saison 2016-2017 de la MC93

[ fig 2 ]

[ fig 4 ] Axonométrie d’organisation du 104 Paris Source : Article “le 104 Paris” dans la revue Archistorm N° 27 d’octobre 2007, p.43 [ fig 5 ] Vue intérieure de l’espace de création libre, la Halle Aubervilliers Source : Article dans la revue D’A N° 178 de janvier 2009 par M.C Loriers p.78-93

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[ fig 4 ]

[ fig 3 ]

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[ fig 5 ]

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Un renouveau en cours, l’émergence d’un nouveau modèle Vitez remis en question, le théâtre, abris et édifices ? En 1978, dans un dialogue retranscrit dans l’architecture aujourd’hui, Antoine Vitez s’exprimera à la suite de la construction de son théâtre à Ivry- sur -Seine [29] et tentera de mettre fin à un débat en séparant l’architecture théâtrale en deux groupes, les abris et les édifices. Par cette théorie, il veut que le monde théâtral arrête de se cacher derrière de fausses idées. Il proclame, à juste titre, la stérilité du débat sur la salle transformable en mettant en avant le choix d’un metteur en scène comme base de travail des architectes et le fait que la salle transformable est simplement l’outil le plus malléable, qu’on utilise la plupart du temps lorsqu’un théâtre ne dispose pas d’un metteur en scène attitré ou que celui -ci souhaite diffuser des pièces aux dispositifs scéniques multiples, permettant ainsi une rentabilité maximum et une programmation la plus variée possible , sans exclusions. En place de ce débat, il définit et oppose deux types architecturaux : l’édifice et l’abri. Tout d’abord l’édifice, monument fixe dans lequel on viendrait tout mettre en place jusqu’à figer la forme, apte à accueillir sa cible mais finalement peu accueillante pour les autres ; en clair, l’édifice impose directement une mise en scène particulière. Au contraire l’abri est un espace conçu pour se transformer au cours du temps, il n’est qu’une enveloppe que tous peuvent venir s’approprier, qui n’impose jamais des choix mais laisse au metteur en scène le loisir de s’inventer des espaces de représentation à chaque fois différents. Replaçons les choses dans leur contexte : Vitez, lorsqu’il établit cette opposition, émet clairement un jugement de valeur, définissant l’édifice comme un modèle qui ne lui convient pas, expliquant qu’il a fait de son nouveau théâtre un édifice alors qu’il aurait voulu le concevoir comme un abri,. Il a, durant toute sa carrière, lutté pour un théâtre de la banalité et milité pour des espaces neutres capables de recevoir toutes sortes de mise en scène ; son discours est donc orienté par sa propre expérience mais il semblerait qu’aujourd’hui, les enjeux de l’architecture théâtrale aillent bien au-delà de ce point de vue. Le modèle de l’abri, page blanche sur laquelle on vient réécrire à chaque fois un nouveau théâtre, est finalement très marqué par une esthétique et une histoire qui orientent de toute façon la manière de penser la mise en scène en son sein ; il n’offre pas tant de liberté au metteur en scène qui sera néanmoins toujours obligé d’adapter son oeuvre au lieu qui l’abrite. Au contraire, l’édifice, figé et froid, impose certes un dispositif scénique mais apparait pour beaucoup comme une base neutre dans laquelle il est plus facile d’inventer un nouvel univers et d’y plonger le spectateur. Selon Vitez, un théâtre ne peut être que l’un ou l’autre. Peut-être étaitce juste à l’époque et c’est surement encore vrai pour la quasi-totalité des

29. VITEZ, Antoine, “L ‘abri ou l’édifice” dans l’architecture d’aujourd’hui N°199, octobre 1978, p.24-25

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30. cf deuxième partie 1.a. du centre vers sa périphérie.

structures actuelles mais je pense qu’on voit aujourd’hui émerger en France un nouveau modèle. On peut voir , dans des réalisations récentes du bureau Chaix et Morel ou encore dans le projet de réhabilitation du Théâtre du Maillon à Strasbourg par LAN architecture, qu’un théâtre aujourd’hui se doit d’être multiple et polymorphe, qu’il accueille généralement plusieurs scènes et plusieurs types de dispositifs scéniques, créant ainsi finalement un édifice dans le sens où ces grosses machines théâtrales s’associent à des bâtiments imposants et immuables, à l’esthétique contemporaine très marquée. Cependant la réflexion des espaces scéniques aujourd’hui a changé. Si depuis longtemps les infrastructures se dotent de plusieurs salles de spectacles, les nouveaux lieux vont souvent plus loin et recherchent une complémentarité des équipements, réalisant ainsi des complexes théâtraux permettant des choix beaucoup plus riches et variés. Des salles qui peuvent s’adapter à tous types d’esthétique et tous types de mise en scène, proposant en fait des abris inclus dans des édifices, des espaces de totale liberté compris dans ce qui peut s’apparenter à des forteresses. Ces nouvelles structures viennent en contrepoint des théories de Vitez, qui paraissent, à l’aune d’aujourd’hui, manquer cruellement de nuances. Ces évolutions sont rendues possibles par un changement d’échelle de l’architecture théâtrale et par une politique qui a transformé la manière actuelle de construire des théâtres, qui s’attache plus à créer des complexes théâtraux, infrastructures plurielles et multifonctionnelles. L’hybridation des programmes, sortir du sanctuaire. Continuons dans la remise en question des théories de la deuxième moitié du vingtième siècle. Dans l’après- guerre, avec la politique de délocalisation dont nous avons déjà longuement parlé [30], la volonté d’expansion de la culture vers la banlieue parisienne a mené à la construction de nombreuses structures, les Maisons de la Culture qui, à l’époque , cherchaient déjà à revisiter le programme du théâtre. En effet ces institutions avaient pour mission d’impliquer des populations jusque- là fort éloignées du monde du spectacle vivant ; un choix, assez judicieux, a alors été fait de transformer ces espaces en des Centres culturels proposant, outre leur programmation théâtrale à proprement parler , d’autres activités, toujours liées au sport et à la culture ( bibliothèque, gymnase, soutien scolaire, ateliers artistiques… ) dans le but de toucher un public toujours plus important. Ces structures ont connu un certain succès mais on observe in fine que l’activité qu’elles développent majoritairement n’est plus du tout l’activité théâtrale qu’elles ont peiné à faire rayonner et qui a finalement touché plus de parisiens qui se sont déplacés jusque dans les banlieues (n’est -ce pas déjà une victoire en soi ? ) pour accéder à des programmations auxquelles ils n’avaient parfois pas accès intramuros. Ce constat a très vite abouti à une baisse de subventions de ces structures par les collectivités qui

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les gèrent et aujourd’hui, si certaines ont survécu et conservent encore une activité théâtrale forte comme par exemple la MC 93, d’autres ont pris le parti de se transformer en centres de loisirs, offrant une grande variété de sports et d’activités pour les résidents à des prix très abordables grâce aux nombreux équipements dont ils disposent ( on peut citer en exemple la MJC-TC de Colombes qui a connu une période de gloire et fut un temps un des centres chorégraphiques les plus dynamiques d’Ile de France, organisant des stages internationaux dans lesquels intervenaient de grands noms de la danse contemporaine française et qui en est aujourd’hui réduite à une toute petite programmation surtout composée des rares chorégraphes locaux ). De plus dans la situation économique actuelle, les pouvoirs publics ont tendance à mutualiser les espaces afin de limiter les investissements et l’occupation du foncier , qui se fait de plus en plus rare. On peut ainsi citer La Philharmonie de Paris, le 104 déjà étudié ou encore la future Cité du Théâtre porte de Saint Ouen à laquelle nous nous sommes aussi intéressés plus haut. Mêler les programmes, c’est aussi rendre beaucoup plus accessibles les services, à la manière du “Mall” américain, système d’ailleurs de plus en plus présent en Europe et dans la métropole parisienne. Rendre accessible à tous, de manière simple et immédiate, la culture et le spectacle vivant à travers de grands complexes excentrés, c’est une idéologie qu’on retrouve dans quelques projets très récents. On peut par exemple se référer au Théâtre de Sénart, dessiné par l’agence Chaix et Morel qui s’appuie sur ce principe et vient associer une salle de musique, une salle transformable et une grande salle à des studios, une grande librairie et un restaurant ouvert à tous, le tout organisé autour d’un patio intérieur. Ce patio à lui seul représente un petit bouleversement dans le monde du théâtre. En effet l’organisation spatiale, dans toutes les structures théâtrales, s’organise généralement autour de la salle principale. Celle- ci est la frontière entre deux mondes- le monde de l’illusion dans lequel pénètre le spectateur et qui se compose généralement d’un foyer et de tous les espaces communs - et celui des coulisses, de la fabrication de cette illusion, constituées de tous les locaux administratifs, loges, studios de création et quelques fois d’ateliers de fabrication des décors. On a donc de manière classique une tripartition claire des espaces : Public - Espace de représentation Logistique. Dans le cas du Théâtre de Sénart, on assiste à un retournement de ce dispositif avec une architecture qui, au lieu de s’organiser autour de la grande boite noire qu’est la grande salle, va se déployer autour du patio, réel jardin intérieur ouvert sur une double hauteur, qui a été pensé comme un espace tampon où pourront se mêler tous les participants au projet. Il sert d’espace de détente pour le public, de terrasse pour les loges des artistes, matérialisant ainsi le principe de Salon Vert, lieu de contact entre acteurs et spectateurs qui peuvent s’y rencontrer et se voir. On peut ainsi aisément 111


s’imaginer avant le spectacle, boire un verre avec une vue directe sur les comédiens se préparant ou le danseur en plein échauffement. Une grande salle de répétition entièrement vitrée, transformable en salle de musique, donne également sur le patio. On est donc bien ici en présence d’un réel lieu de rencontre entre tous les programmes présents qui semble offrir une grande potentialité d’émulation et de partage des ressources entres les différents acteurs d’une aventure théâtrale de ce type. De par cette volonté d’hybridation et ce mélange inédit des activités de création, de diffusion mais aussi de transmission comme peuvent l’illustrer la Cité du Théâtre ou le 104, on doit reconnaître que ce nouveau modèle monte en puissance , autant d’une manière fonctionnaliste puisqu’il permet à l’utilisateur d’avoir accès à des structures plus complètes dans lesquelles il pourra réellement avoir accès à la culture au sens large , mais aussi d’une manière idéologique puisqu’il arrive à cristalliser le désir et la volonté d’un théâtre de tous les possibles grâce à la complémentarité et à la modularité des espaces scéniques. Finalement cela ne représente-t-il pas un nouveau modèle ? Nous n’avons surement pas encore assez de recul pour le dire puisque les projets de ce type sont encore trop récents, voire encore à l’étape de l’esquisse, mais il semblerait qu’ils arrivent à créer une émulation nouvelle autour du spectacle vivant qui, quoi qu’il en soit , demeure pour la ville de Paris, un des enjeux les plus importants de sa politique urbaine .

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[ fig 1 ]

[ fig 1 ] Esthétique de l’édifice. Vue du théâtre des champs-Elysées Source : Architectona.com [ fig 2 ] Esthétique de l’abri. Vue de la cartoucherie en construction Source : théâtre-du-soleil.fr

[ fig 2 ]

[ fig 3 ] Axonométrie du théâtre de Sénart, organisation autour d’une nouvelle centralité, le patio. Source : Agence Chaix et Morel

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[ fig 3 ]

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CONCLUSION Au moment de clore ce travail, il semble opportun de faire un point sur les différents résultats que nous avons atteints au cours des recherches, et que nous espérons avoir transmis au mieux à travers ces pages. Nous rappelons à ce stade qu’il était question de découvrir dans quelles mesures et modalités l’architecture théâtrale est liée à la mise en scène. Si nous avons beaucoup traité de l’évolution des dispositifs spatiaux et de l’architecture des théâtres, qui se sont transformés et faits plus modulables lorsque les metteurs en scène ont souhaité travailler avec des nouvelles formes scéniques ou sont devenus de véritables laboratoires en mouvement perpétuel lorsque Grotowsky a développé son théâtre « pauvre » , il apparaît aujourd’hui qu’il existe un acteur supplémentaire , d’une importance bien supérieure à celle soupçonnée au départ : il s’agit de la gouvernance. En effet on a pu mettre en évidence ici que les avancées architecturales et spatiales dans le domaine du spectacle vivant sont toujours dues à deux impulsions simultanées. D’un côté, nous avons les besoins des metteurs en scène qui sont en constante recherche de nouvelles manières de produire et diffuser leurs créations et de réorganiser leur outil de travail , à savoir le théâtre dans lequel ils exercent ; de l’autre, nous avons la gouvernance qui tient les rênes de par sa puissance économique et sa force de décision qui s’appliquent aux institutions publiques certes mais aussi, dans une mesure moindre mais non anecdotique, au théâtre privé, de nos jours souvent partiellement subventionné par l’Etat. De cette manière se crée une interdépendance entre ces deux acteurs. Lorsque tous les deux souhaitent redistribuer les cartes, s’ensuivent de grandes révolutions comme on a pu les connaître au XXème siècle, avec la politique de délocalisationdécentralisation et la multiplication des salles transformables dans toute la région parisienne. Aujourd’hui, dans une situation économique plus complexe, les volontés déclarées depuis plus de trente ans par les metteurs en scène commencent à être entendues, conduisant à des propositions de mutualisation des espaces pour les différentes institutions, créant des échanges plus riches entres les différents usagers, comme on peut le voir dans le projet de la future Cité du Théâtre. Mais cette volonté a dû attendre, pour se concrétiser, l’acceptation de la gouvernance comme une condition essentielle et sine qua none. Cette situation est bien entendu extrême de par son échelle et les moyens énormes impliqués mais on retrouve cette interdépendance à d’autres échelles plus modestes comme par exemple dans les municipalités de banlieue et leurs Maisons de la Culture qu’elles laissent souvent mourir, malgré la demande existante , par manque de moyens et de volonté politique ( un bon exemple reste la MJC-TC de Colombes déjà évoquée dans ce mémoire ) alors que d’autres communes, pas forcément 117


30. Brook Peter, “ l’espace vide, écrits sur le théâtre ”, Mac Gibbon and Kee, 1968, Londres

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plus argentées, comme Bobigny par exemple , prennent le problème à bras- le- corps et offrent à leurs habitants des structures à la pointe et permettant une diffusion optimale. Ce sont cette situation tendue et ces projets qui ont souvent du mal à se concrétiser, qui faisaient d’ailleurs partie des hypothèses de départ et qui ont constitué une des difficultés de cette recherche. En effet, jusqu’à très tard, les changements contemporains n’avaient pas été abordés. Ils sont beaucoup moins médiatisés et ne sont pas accompagnés de “manifestes” comme pouvaient le faire les metteurs en scène auparavant (comme le fait Vitez dans « l’abri ou l’édifice » en 1978 ou encore Peter Brook à travers son livre « l’espace vide » (cf bibliographie )). Les informations sur ces transformations sont donc moins accessibles et s’inscrivent beaucoup plus rarement dans un contexte politique, ce qui les rend plus compliquées à aborder dans ce genre de travail de recherche. Tout au long de ce mémoire, nous avons aussi pu analyser de nombreuses avancées en matière de mise en scène et leurs répercussions architecturales sur les lieux scéniques et, même si leurs expressions diffèrent souvent, on peut constater qu’elles servent toujours un but commun - celui du rapprochement du public et des acteurs- et ce malgré la diversité des moyens déployés. Si on invente des nouvelles salles ou si encore on réorganise l’espace intérieur des lieux scéniques, c’est toujours dans ce but. Casser le quatrième mur a toujours constitué une obsession au théâtre, quelle que soit la discipline et ce depuis plus d’un siècle maintenant, on crée des espaces favorisant les échanges. Cependant si les architectes et les metteurs en scène continuent de s’interroger toujours et encore sur ce point, après toutes ces années de recherches, cela sous- entend bien que la solution optimale n’a toujours pas été trouvée et il serait intéressant, en tant que futur maitre d’oeuvre, de se poser cette question en essayant de pousser encore plus loin cet entremêlement des usages. En final, nous espérons que ce mémoire met en exergue une notion qui semble prégnante dans l’architecture théâtrale, même si elle peut être appliquée à l’ensemble de l’architecture, la notion de désynchronisation. En effet, si la ré-interrogation et la mise en place des usages d’un théâtre sont des processus pouvant être relativement rapides, ils dépendent sur le plan matériel de la volonté des institutions et impliquent souvent de nouvelles infrastructures, soit un geste architectural, qui est un processus long (souvent plusieurs années ) et coûteux. On peut en arriver à se demander si tout théâtre n’est pas déjà obsolète le jour de son inauguration? Serait- il possible de créer un espace qui aurait la capacité à suivre ces changements d’usages et qui puisse se remettre à jour sur le même tempo que les usages théâtraux se réinventant ? Peter Brook utilise une métaphore intéressante à ce sujet : “ le théâtre est un art autodestructeur, il est écrit dans le sable ” [31]. Par là, il entend dire que les

pratiques sont amenées à se déconstruire et à se reconstruire constamment. Le défi de l’architecture théâtrale semble donc d’être de suivre le rythme des marées malgré tous les obstacles qui se dressent devant elle, qu’ils soient d’ordre politique, économique, technique … Cette problématique mériterait en elle - même peut- être une deuxième étude, plus expérimentale, ayant pour objet la synchronisation de ces deux entités qui ne peuvent fonctionner de manière optimale que si elles sont parfaitement en phase l’une avec l’autre. Serait-ce là aussi une problématique pour un projet d’architecture ? En tout cas il est clair que les architectes ne peuvent plus aujourd’hui s’abstraire de ce questionnement lorsqu’ils conçoivent des lieux scéniques.

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BI B L I O G R A PHIE ARTAUD Antonin, “le théâtre et son double” Gallimard,1964, Paris

PERIODIQUES -

BAUR Peter, “ les théâtres de Paris” éditions LUKIANOS, 1970

BROOK Peter, “ Pour des espaces indéfinis ” dans technique et architecture N°310, 09/1976 p.39à41

BROOK Peter, “ l’espace vide écrits sur le théâtre ” Mac gibbon and Kee, 1968, Londres

BONNÉ Marie-Paule, “Rénovation des installations scéniques au théâtre du vieux colombiers” dans technique et architecture N° 409, août-sept. 1993

BUSSON Alain, “Le théâtre en France, contexte socio-économique et choix esthétiques” Notes et études documentaires, 1986 CHAUVEAU Philippe, “Les théâtres parisiens disparus” Edition de l’amandier, 1999, Paris CHRISTOUT M.F, “Théâtre du Vieux-Colombier, 1913-1993.” Norma IFA, 1993, Paris

CHAIX PH, “ l’espace transformable en question ” dans technique et architecture N°310, 09/1976 p.42à45 CHOLLET Jean, “L’odeon théâtre de l’Europe aux atelier berthier” dans AS N°126, 10/2002 p. 36à43 CHOLLET Jean, “Théâtre du Vieux colombiers, Le renouveau” dans AS N°63, 1993

DE JOMARON, Jacqueline, “Le théâtre en France 2 : de la révolution à nos jours” Armand Collin, 1989, Paris

FRANCOIS Guy-Claude, “un lieu à chaque fois renouvelé” dans technique et architecture N°310, 09/1976 p.52-53

FAIVRE D’ACIER Bernard, “Rapport sur les scènes nationales”, 2005

GATTI Armand, “Hors des lieux utopiques” dans technique et architecture N°310, 09/1976 p.64-65

GROTOWSKI Jerzy, “Vers un théâtre pauvre”, traduit du polonais par B.LEVENSON en 1986 édition l’âge d’homme, Bordeaux

HERZBERG Nathaniel, “les théâtres municipaux, casse-tête de la ville de Paris” dans Le Monde, le 14.10.2008

JACQUOT Jean, “le lieu théâtral dans la société moderne” édition du CNRS, 1988, Paris

HARDY Hugh, “une architecture prise de conscience de l’art théâtral” dans technique et architecture N°310, 09/1976 p.103à105

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MARECHAL Marcel, “Récuperer un lieu” dans technique et architecture N°310, 09/1976 p.56-57

LECAT J.G & TODD A , “The Open circle”, Palsgrave Macmillan , London, 2003 LOOS Adolf, “Ornement et crimes” 1908, ViennE ROSSI Aldo, “L’ autobiographie scientifique” 1981, Marseille ROCHER Yann, Théâtres en Utopies, ACTES SUD, 2014 SEBAN Michel, “les lieux de spectacle à Paris, Abris et édifices” PICARD & le pavillon de l’arsenal, 1998, Paris TOIRET Nathalie, “un théâtre éphémère pour la comédie française” ARCHIBOOKS, 2012, Paris YON. JC , “théâtres Parisiens, un patrimoine du XIX siècle” Citadelles et mazenod, 2013

VITEZ Antoine, “L ‘abri ou l’édifice” dans l’architecture d’aujourd’hui N°199, octobre 1978, p.24-25 FREYDEFONT Marcel, “Le lieu, la scène, la salle, la ville ”, études théâtrales, (11-12), 1997 “Lancement de la cité du théâtre”, communiqué de presse du ministère de la culture et de la communication, sorti le 24/10/2016 http://www.lemonde.fr/culture.article/2015/11/03/marc-ladreit-de-lacharrière-rachete-deux-theatres-supplementaires_4802272_3246.html, consultation le 04.11.2015 http://www.lemonde.fr/scenes/article/2016/10/24/paris-se-dote-d-une-cite-dutheatre_5019290_1654999.html, consultation le 08.11.2016


REMERCIEMENTS À Yann Rocher, enseignant à l’ensapm et coordinateur du séminaire Arts et faits politiques. Dramaturgies des faits humains. À Jac Fol, enseignant du séminaire Arts et faits politiques. Dramaturgies des faits humains. À Raphaël Magrou, enseignant à l’ensapm pour ses conseils. À Marianne pour ses nombreuses rélectures de ce travail.


ANNEXE GRILLE D’ANALYSE DES THÉÂTRES PARISIENS -

NOMS

ADRESSE NOMS

CP ADRESSE CREATION

Théâtre Les Déchargeurs

3, rue des Déchargeurs Théâtre Les Déchargeurs

750013, rue des Déchargeurs 1708

Studio Théâtre

99 rue de rivoli Studio Théâtre

Théâtre du Palais-Royal

JAUGES CP

CREATION

JAUGES

NOMS

ADRESSE NOMS

CREATION

JAUGES

100 75001

1708

100

Théâtre des Champs-Élysées

15, avenue Théâtre Montaigne des Champs-Élysées

7500815, avenue Montaigne 1913

1905 75008

1913

1905

7500199 rue de rivoli 1996

136 75001

1996

136

Salle Pleyel

1913

716 75001

1641

716

Théâtre Marigny

75008252, rue du Faubourg1927 Saint-Honoré 75008carré Marigny1894

1927

1641 7500138, rue de Montpensier

252,Salle rue du FaubourgPleyel Saint-Honoré carré Marigny Théâtre Marigny

1913 75008

38, rue de Montpensier Théâtre du Palais-Royal

1024 75008 +311

1894

1024 +311

Théâtre du Châtelet

1, place du Châtelet Théâtre du Châtelet

750011, place du Châtelet 1862

2010 75001

1862

2010

La Petite Loge

2 rue bruyère LalaPetite Loge

750092 rue la bruyère 2008

2575009

2008

25

La comédie des boulevards

39, rue du Sentier La comédie des boulevards

7500239, rue du Sentier 1876

100 75002

1876

100

Antre Magique

50, rue Saint-Georges Antre Magique

7500950, rue Saint-Georges 1995

4975009

1995

49

Théâtre le Mélo d'Amélie

4, rue Marie-Stuart Théâtre le Mélo d'Amélie

750024, rue Marie-Stuart 1994

100 75002

1994

100

Théâtre Grévin

10, boulevard Montmartre Théâtre Grévin

7500910, boulevard1900 Montmartre

210 75009

1900

210

Pépinière Théâtre

7 rue Louis-le-Grand Pépinière Théâtre

750027 rue Louis-le-Grand 1919

347 75002

1919

347

Théâtre Trévise

14 rue de Trévise Théâtre Trévise

7500914 rue de Trévise 1992

270 75009

1992

270

Théâtre Daunou

7, rue Daunou Théâtre Daunou

750027, rue Daunou 1921

450 75002

1921

450

Théâtre de l'Œuvre

55, rue de Clichy Théâtre de l'Œuvre

7500955, rue de Clichy 1893

326 75009

1893

326

Théâtre des Bouffes-Parisiens

4, rue Monsigny 1827 Théâtre des Bouffes-Parisiens 750024, rue Monsigny

600 75002

1827

600

Théâtre La Bruyère

5, rue La Bruyère Théâtre La Bruyère

750095, rue La Bruyère 1943

335 75009

1943

335

Théâtre des Variétés

7 Boulevard Montmartre Théâtre des Variétés

750027 Boulevard Montmartre 1807

800 75002

1807

800

Comédie Caumartin

25, rue de Caumartin Comédie Caumartin

7500925, rue de Caumartin 1901

390 75009

1901

390

Théâtre national de l'OpéraComique Théâtre du Marais

5, rue Favartnational de l'OpéraThéâtre Comique 37, rue Voltadu Marais Théâtre

750025, rue Favart 1714

1100 75002

1714

1100

Théâtre Saint-Georges

51, rue Saint-Georges Théâtre Saint-Georges

7500951, rue Saint-Georges 1929

498 75009

1929

498

7500337, rue Volta 1634

6075003

1634

60

570 75009

1893

570

1, boulevard Martin Comédie Saint République

750031, boulevard 1901 Saint Martin

200 75003

1901

200

1921

585

1, boulevard Saint-Martin Caveau de la République

750031, boulevard 1901 Saint-Martin

450 75003

1901

450

Théâtre Fontaine

7500924, boulevard1921 Poissonnière 7500910, rue Pierre-Fontaine 1951

585 75009

Caveau de la République

7, rue Boudreau Théâtre de l'Athénée-LouisJouvet 24, boulevard Théâtre des Nouveautés Poissonnière 10, rue Pierre-Fontaine Théâtre Fontaine

750097, rue Boudreau 1893

Comédie République

Théâtre de l'Athénée-LouisJouvet Théâtre des Nouveautés

629 75009

1951

629

Théâtre Déjazet

41, boulevard du Temple Théâtre Déjazet

7500341, boulevard1851 du Temple

Théâtre Édouard VII

10, place Édouard VIIVII Théâtre Édouard

7500910, place Édouard 1913 VII

718 75009

1913

718

Maison de la Poésie

157,Maison rue Saint-Martin de la Poésie

75003157, rue Saint-Martin 1791

Le Palace

984 75009

1921

984

Théâtre du Point-Virgule

7, rue Sainte-Croix-de-laThéâtre du Point-Virgule Bretonnerie 6, rue Pierre-au-Lard Théâtre Essaïon

750047, rue Sainte-Croix-de-la1975 Bretonnerie 750046, rue Pierre-au-Lard 1975

750098, rue du Faubourg1921 Montmartre 7500932, rue Richer 1869

1679 75009

1869

1679

1860 75009

1913

1860

Théâtre du Renard

12 rue du renard Théâtre du Renard

7500412 rue du renard 1980

1100+300

Théâtre des Blancs-Manteaux

15, rue des Blancs1972 Théâtre des Blancs-Manteaux 7500415, rue des BlancsManteaux Manteaux 23, rue de lade Huchette 7500523, rue de la 1948 Théâtre la Huchette Huchette

Théâtre de l'Alliance française

95, boulevard Saint7500595, boulevard1896 Comédie Saint-Michel SaintMichel Michel 101,Théâtre boulevard Raspail française 75006101, boulevard 1956 de l'Alliance Raspail

Théâtre du Vieux-Colombier

21 rue du vieux colombier Théâtre du Vieux-Colombier

Théâtre de l'Odéon (théâtre de l'Europe) Lucernaire Théâtre de Poche Montparnasse

place de l'Odéon 1782 Théâtre de l'Odéon (théâtre de 75006place de l'Odéon l'Europe) 53, rue Notre-Dame-des7500653, rue Notre-Dame-des1968 Lucernaire Champs Champs Impasse Robiquet 1943 Théâtre de Poche Montparnasse75006Impasse Robiquet

Théâtre Adyar

4, square Rapp Théâtre Adyar

Théâtre Michel

38, rue des Mathurins Théâtre Michel

Théâtre Essaïon

Théâtre de la Huchette Comédie Saint-Michel

CP ADRESSE CREATION

JAUGES CP

700 75003

1851

700

180+30 75003

1791

180+30

100 75004

1975

100

Folies Bergère

8, rue FaubourgLe du Palace Montmartre 32, rue Richer Folies Bergère

100 75004

1975

100

Théâtre Mogador

25, rue de Mogador Théâtre Mogador

7500925, rue de Mogador 1913

100 75004

1980

100

Théâtre de Paris

15, rue Blanche Théâtre de Paris

7500915, rue Blanche 1891

1100+300 75009

1891

60+80 75004

1972

60+80

Théâtre du Nord-Ouest

120+80

100

7500913, rue du Faubourg1997 Montmartre 7500940, rue de Clichy 2005

1997

1948

13, rue du FaubourgThéâtre du Nord-Ouest Montmartre 40, rue de Clichy La Grande Comédie

120+80 75009

100 75005

400+100 75009

2005

400+100

140+60 75005

1896

140+60

Laurette Théâtre

36, rue Bichat Laurette Théâtre

7501036, rue Bichat1981

5075010

1981

50

100 75006

1956

100

Splendid Saint-Martin

1974

300

1913

300

Théâtre de la Renaissance

7501048 rue du faubourg 1974 saint martin 7501020, boulevard1873 Saint-Martin

300 75010

300 75006

48 rue du faubourg saint Splendid Saint-Martin martin 20, boulevard Théâtre deSaint-Martin la Renaissance

650 75010

1873

650

800 75006

1782

800

Théâtre Antoine-Simone Berriau

780 75010

1866

780

118+118+50 75006

1968

118+118+50

95+120 75006

1943

95+120

750074, square Rapp 1912

381 75007

1912

381

Palais des Glaces

7500838, rue des Mathurins 1908

350 75008

1908

350

Théâtre du Gymnase Marie Bell

7500621 rue du vieux 1913 colombier

La Grande Comédie

Théâtre des Mathurins

36, rue des Mathurins Théâtre des Mathurins

7500836, rue des Mathurins 1898

386 75008

1898

386

Théâtre du Temps

14, boulevard de Théâtre Antoine-Simone Berriau7501014, boulevard1866 de Strasbourg Strasbourg 4, boulevard de 750104, boulevard 1858 Théâtre Comédia de Strasbourg Strasbourg 16, Boulevard Théâtre deSaintla Porte-Saint-Martin7501016, Boulevard1802 SaintMartin Martin 37, rue du des Faubourg-du7501037, rue du Faubourg-du1876 Palais Glaces Temple Temple 38, boulevard Bonne- Marie Bell 7501038, boulevard1820 Théâtre dude Gymnase de BonneNouvelle Nouvelle 9, rue du Morvan 75011 9, rue du Morvan 1980 Théâtre du Temps

Théâtre Tristan-Bernard

64 Rue du Rocher Théâtre Tristan-Bernard

7500864 Rue du Rocher 1919

400 75008

1919

400

Aktéon

11, rue du Général-Blaise Aktéon

75011 11, rue du Général-Blaise 1986

6075011

1986

60

Espace Cardin

1, avenue EspaceGabriel Cardin

750081, avenue Gabriel 1931

680 75008

1931

680

Auguste théâtre

6, impasse AugusteLamier théâtre

75011 6, impasse Lamier 2000

9075011

2000

90

Théâtre de la Madeleine

19, rue de Surène Théâtre de la Madeleine

7500819, rue de Surène 1924

709 75008

1924

709

Le Zèbre

61-63, boulevard de Le Zèbre Belleville

75011 61-63, boulevard 1939de Belleville

200 75011

1939

200

!1

!1

Théâtre Comédia Théâtre de la Porte-Saint-Martin

!2

994 75010

1858

994

1050 75010

1802

1050

482+80 75010

1876

482+80

800+160+90 75010

1820

800+160+90

5075011

1980

50

!2


NOMS

ADRESSE

Théâtre de la Main d'Or

Bataclan

15, passage de la Maind'Or NOMS 94, rue Jean-PierreTimbaud Théâtre de la Voltaire Main d'Or 50, boulevard

Théâtre de la Bastille

76, rue de la Métallos Roquette Maison des

Apollo Théâtre

18, rue faubourg du Bataclan temple 6, avenuedeMaurice-Ravel Théâtre la Bastille

Maison des Métallos

Théâtre Douze - Maurice Ravel Les Cinq Diamants Théâtre 13 Théâtre le Guichet Montparnasse Comédie italienne Théâtre 14 Jean-Marie Serreau Théâtre de la GaîtéMontparnasse Bobino Théâtre de la Cité internationale Théâtre Montparnasse Théâtre Saint-Léon

CP

CREATION

JAUGES

75011

1989

250

ADRESSE 75011

1937

15, passage de 1865 la Main75011 d'Or 75011 1912 94, rue Jean-PierreTimbaud 75011 1782 50, boulevard Voltaire

10, rue Théâtre des CinqApollo Diamants Théâtre Douze -AugusteMaurice Ravel 103A, boulevard Blanqui Les Cinq Diamants 15, rue du Maine

Théâtre de la Jourdan Gaîté17, boulevard Montparnasse 31, rue de la Gaîté Bobino

CP

CREATION

JAUGES

100, boulevard de Clichy

75018

1910

300

1822

CP 260

CREATION

JAUGES

Théâtre de l'Atelier

NOMS 1, place Charles-Dullin

ADRESSE 75018

CP 563

CREATION

JAUGES

75011 1500

1989

250

Théâtre Trianon

100, boulevard de Clichy 75018 1894

75018 1091

1910

300

Théâtre des Artisans

Théâtre des Deux 80 boulevard de Ânes Rochechouart 14, rue dedeThionville Théâtre l'Atelier

75019 2009 1, place Charles-Dullin

48 75018

1822

563

Théâtre Darius-Milhaud

80, allée Trianon Darius-Milhaud Théâtre

70 75018

1894

1091

Théâtre Clavel

3, rue Clavel Théâtre des Artisans

75019 80 boulevard de2007 Rochechouart 75019 2005 14, rue de Thionville

120 75019

2009

48

Théâtre Paris-Villette

211 avenue jean jaunes Théâtre Darius-Milhaud

75019 1986 80, allée Darius-Milhaud

211 75019

2007

70

261+155 75011

1937

260

1865

1500

75012 1920 76, rue de la Roquette

230 75011

1912

261+155

75013 18, rue faubourg1975 du temple 6, avenue Maurice-Ravel 75013 1981

80 75011

1782

360+200+160+90

75012 250+224

1920

230

Vingtième Théâtre

Théâtre 7, rue desClavel Plâtrières

3, rue Clavel 75020

75019 245

2005

120

75013 50

1975

80

Théâtre de Ménilmontant

Théâtre 15, rue duParis-Villette Retrait

211 avenue jean1957 jaunes 75020

75019 345

1986

211

100 75013

1981

250+224

Théâtre de l'Est parisien

159, avenueThéâtre Gambetta Vingtième

75020 1963 7, rue des Plâtrières

400 75020

1994

245

192 75014

1990

50

Théâtre national de la Colline

15, rue Malte-Brun Théâtre de Ménilmontant

75020 1988 15, rue du Retrait

750+200 75020

1957

345

401 75014

1980

100

Salle Richelieu

1Théâtre place colette de l'Est parisien

75001PARIS 1789 159, avenue Gambetta

862 75020

1963

400

1994

20, avenue Marc75014 1813 Sangnier 26, rue de la Gaîté 75014 1936

75014 900

1978

192

Théâtre Mouffetard

Théâtre national de la Colline 75002� 15, rue Malte-Brun 73, rue Mouffetard PARIS 1934

75020 236

1988

750+200

75014 418+230+118

1868

401

Théâtre de la Michodière

place colette 1778 75002 1PARIS

75001PARIS 700

1789

862

75014 14-20, rue de la 1886 Gaîté

715+200 75014

1813

900

Théâtre de la Gaîté

Richelieu 4Salle bis, rue de La Michodière 3Théâtre bis, rueMouffetard Papin

75003 73, PARIS 1863 rue Mouffetard

300 + 70PARIS + 130 75002�

1934

236

75015 1928 17, boulevard Jourdan

700 75014

1936

418+230+118

Théâtre de la Ville

2, place du Théâtre deChâtelet la Michodière

1000 75002 PARIS

1778

700

2�300 - 4�600 75014

1886

715+200

1863

300 + 70 + 130

1928

700

2Théâtre bis avenue de lafranklin Gaîté Delano Roosevelt 10-12, rue Théâtre dePigalle la Ville

745 75003 PARIS

456+120 75015

Théâtre du Rond-Point des Champs-Élysées Théâtre Pigalle

75004 4PARIS bis, rue de La 1862 Michodière 75008� 3PARIS bis, rue Papin 1981 75009� 2, PARIS 1929 place du Châtelet

1100 75004 PARIS

1862

1000

Salle du Conservatoire

2Théâtre bis, ruedu duRond-Point des Conservatoire Champs-Élysées Théâtre Pigalle 37 bis, boulevard de la Chapelle 6, rue du Folie Méricourt Salle Conservatoire

bis avenue franklin 75009 2PARIS 1811 Delano Roosevelt 10-12, rue Pigalle 75010� PARIS 1876

75008� PARIS 956

1981

745

75009� PARIS 503

1929

1100

94+49 75009 PARIS

1811

956

220 75010� PARIS

1876

503

140 75011� PARIS

2008

94+49

Le Monfort

11 place du Théâtre de cardinalla Cité internationale Amette 1, place de la Porte-deThéâtre Montparnasse Versailles 106, rue Brancion Théâtre Saint-Léon

Théâtre Le Ranelagh

Palais desvignes sports de Paris 5, rue des

Théâtre Rive Gauche

Lerue Monfort 6, de la Gaîté

75015 1989 11 place du cardinalAmette 1, place de la Porte-de75016 1895 Versailles 106, rue Brancion 75016 1994

Théâtre national de Chaillot

1, place du Théâtre LeTrocadéro Ranelagh

Palais des sports de Paris

ADRESSE

Théâtre des Deux Ânes

360+200+160+90 75011

10, rue des Cinq75014 1990 Diamants rue de la 13 Gaîté 75014 Théâtre 103A, boulevard1980 AugusteBlanqui 20, avenue Marc- Montparnasse 75014 Théâtre le Guichet 15, rue du Maine1978 Sangnier 26, rue de italienne la Gaîté 75014 Comédie rue de la Gaîté 1868 Théâtre 14de Jean-Marie 14-20, rue la Gaîté Serreau

NOMS

75015 1960 31, rue de la Gaîté

75015 350

1960

2�300 - 4�600

75015 400

1989

456+120

75016 1937 5, rue des vignes

1250+420 75016

1895

350

A la Folie Théâtre Artistic Athévains

Théâtre de La Jonquière

88, rue deRive La Jonquière Théâtre Gauche

75017 1965 6, rue de la Gaîté

98 75016

1994

400

Théâtre Le Méry

7, place de Clichyde Chaillot Théâtre national

75017 1936 1, place du Trocadéro

300 75016

1937

1250+420

Théâtre des Bouffes du Nord

Théâtre Astral

75011� 2PARIS 2008 bis, rue du Conservatoire 45 bis, rue Richard-Lenoir PARIS 2000 Théâtre des Bouffes du Nord 75011 37 bis, boulevard de la Chapelle 75012 6, PARIS 1972 A la Folie Théâtre rue Folie Méricourt

L'Européen

5, rue Biot Théâtre de La Jonquière

75017 1872 88, rue de La Jonquière

600 75017

1965

98

Théâtre de la Tempête

Artistic Athévains

75012 45 PARIS 1971 bis, rue Richard-Lenoir

220 75011 PARIS

2000

220

Ateliers Berthier

Théâtre Le Méry 32, boulevard Berthier

7, place de Clichy 75017 1898

75017 600

1936

300

Epee De Bois - Salle Boise

Théâtre Astral

75012 PARIS

1965

75012 PARIS 300

1972

140

Théâtre Hébertot

L'Européen 78, boulevard des Batignolles 18 rue Championnet Ateliers Berthier

5, rue Biot 75017

75017 630+110

1872

600

Théâtre du Soleil

Théâtre de la Tempête

75012 PARIS

1970

75012 PARIS 500

1971

220

75018 1980 32, boulevard Berthier

50 75017

1898

600

Théâtre de l'Aquarium

Epee De Bois - Salle Boise

75012 PARIS

1973

500 75012 PARIS

1965

300

12, rue Neuve-de-laThéâtre Hébertot Chardonnière 1, avenuepixel Junot Théâtre

75018 2008 78, boulevard des Batignolles 75018 1983 18 rue Championnet

80 75017

1838

630+110

Café de la Gare

41, rue duduTemple Théâtre Soleil

75014� PARIS

1968

300 75012 PARIS

1970

500

120 75018

1980

50

Théâtre Ouvert

4Théâtre bis, CitédeVéron l'Aquarium

75018� PARIS

1981

160 75012 PARIS

1973

500

Théâtre de la Manufacture des Abbesses Théâtre de Dix-Heures

7, rue Véron Alambic Comédie

75018 2006 12, rue Neuve-de-laChardonnière 1, avenue Junot 75018 1890

120 75018

2008

80

Théâtre de la Reine Blanche

2Café bis passage Ruelle de la Gare

75018� 41, PARIS 1960 rue du Temple

190 75014� PARIS

1968

300

75018 140

1983

120

Comédie de Paris

Théâtre Ouvert 42, rue Fontaine

bis, Cité Véron1929 75019� 4PARIS

75018� PARIS 184

1981

160

Théâtre du Bélier

Théâtre de la Manufacture des 34 rue marcadet Abbesses 16, rue Georgette-Agutte Théâtre de Dix-Heures

7, rue Véron 75018

75018 190

2006

120

Théâtre de la Reine Blanche

2 bis passage Ruelle

75018� PARIS

1960

190

Comédie de Paris

42, rue Fontaine

75019� PARIS

1929

184

Théâtre pixel Alambic Comédie Ciné 13 Théâtre

L'Étoile du Nord

Ciné 13 Théâtre 36, boulevard de Clichy

Théâtre du Bélier L'Étoile du Nord

!3

1838

2000

75018 36, boulevard de1979 Clichy

200 75018

1890

140

34 rue marcadet

75018

2000

190

16, rue Georgette-Agutte

75018

1979

200

!3

!4 !4


Le Picolo théâtre

58 rue jules vales

93400 SAINT OUEN

1910

Le Picolo théâtre 58 rue jules vales Théâtre de Suresnes Jean Vilar 16 place stalingrad

93400 SAINT OUEN 92159 SURESNES

1910

Théâtre de MJC-Théâtre Suresnes Jean deVilar Colombes

16 place stalingrad 96 rue saint denis

92159 SURESNES 92700 COLOMBES

1951

MJC-Théâtre de Colombes Théâtre du Coteau

96 rue saint denis 10 rue louis pergaud

92700 COLOMBES 1953 92350 LE PLESSIS ROBINSON

1951

-200 -200

2x 200-700

1953 2x 200-7002x 200-700 1954

2x 200-700

-200

Théâtre du Théâtre Coteau Gérard Philipe-Centre Dramatique 10 rue louis59 pergaud ROBINSON boulevard Jules Guesde92350 LE PLESSIS 93200 SAINT DENIS 1954 National de Saint-Denis Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique 59 boulevard Jules Guesde 93200 SAINT DENIS 1960 National de Saint-Denis Théâtre de la Commune 2 rue Edouard Poisson 93300 AUBERVILLIERS

1960

Théâtre de Théâtre la Commune du Petit Parmentier

1961-200 // 200-700 -200

2 rue Edouard Poisson Place parmentier

93300 AUBERVILLIERS 1960 92200 NEUILLY SUR SEINE

Théâtre du Centre Petit Parmentier Place parmentier culturel municipal Max Juclier 23 quai d’Asnières Centre culturel municipal Max Juclier

92200 NEUILLY SURVILLENEUVE SEINE 92390 LA 1961

GARENNE 92390 VILLENEUVE LA 1962 GARENNE 94400 VITRY SUR SEINE

23 quai d’Asnières

Studio-Théâtre de Vitry

18 avenue de l’insurrection

Studio-Théâtre de Vitry Théâtre Romain Rolland

18 avenue de 18 l’insurrection rue Eugène Varlin

Théâtre Romain Rolland Théâtre des Hauts-de-Seine

18 rue Eugène Varlin 5 rue henri Martin

Théâtre desEspace Hauts-de-Seine Icare

5 rue henri 31 Martin boulevard Gambetta

92800 PUTEAUX 1965 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX

Espace Icare 31 boulevard Gambetta Théâtre de l'Ouest Parisien (TOP) 1 place bernard Palissy

92130 ISSY-LES-MOULINEAUX 1966 92100 BOULOGNEBILLANCOURT 92100 BOULOGNE1968 BILLANCOURT 92230 GENNEVILLIERS

Théâtre de l'Ouest Parisien (TOP)

1 place bernard Palissy

T2G Théâtre de Gennevilliers-Centre 41 avenue des grêlons dramatique national de création T2G Théâtre de Gennevilliers-Centre 41 avenue des grêlons contemporaine dramatique national de création contemporaine Théâtre Nanterre-Amandiers 7 avenue pablo picasso

Théâtre Nanterre-Amandiers

1964

1968

92000 NANTERRE 92000 NANTERRE

1 rue victor hugo

1 rue victor1hugo rue paul Signac

Espace Jean Vilar Théâtre Jean Vilar

1 rue paul Signac 1 place jean villar

93500 PANTIN 94110 ARCUEIL

Théâtre Jean Vilar 71 Théâtre

1 place jean3 villar place du 11 Novembre

Théâtre 71

3 place du 11 Novembre place du theatre

1960

1962

-200 // 200-700 -200 2x-200 // 200-400

2x-200 // 200-400 1964 1964 1965 1966 1968 1968

-200 -200

+700 // -200

+700 // -200

+700

+700

-200

-200

200-700

200-700

200-700 // -200

200-700 // -200 1969

-200 // 200-700 // +700 -200 // 200-700 // +700 1970 3x-200

1970

1970

94110 ARCUEIL 1970 94400 VITRY SUR SEINE 94400 VITRY SUR SEINE 92240 Malakoff

3x-200

1969

93500 PANTIN

(CND) Centre national deVilar la danse Espace Jean

Scène Watteau

1964

94800 VILLEJUIF 92800 PUTEAUX

92230 GENNEVILLIERS

7 avenue pablo picasso

(CND) Centre national de la danse

94400 VITRY SUR SEINE 94800 VILLEJUIF

-200 3x-200

1970

92240 Malakoff 1971 94736 NOGENT_SUR_MARNE

1970 1971

3x-200

200-700

200-700

+700

+700 200-700 // -200

200-700 // -200 1972 200-700 // -200

Scène Watteau Théâtre Armande Béjart

place du theatre 16 Place de l’hôtel de ville 94736 NOGENT_SUR_MARNE 92600 Asnières sur Seine1972

1974200-700 // -200 +700

Théâtre Armande ThéâtreBéjart de la Jacquerie

16 Place deVenelle l’hôtel de du ville vieux bourg

Théâtre de la Jacquerie L'Athanor

Venelle du vieux bourg 16 avenue Edouard Vaillant

L'Athanor Théâtre Aleph

92600 Asnières94800 sur Seine VILLEJUIF

1974

1974

94800 VILLEJUIF 1974 93230 ROMAINVILLE

1975

16 avenue Edouard Vaillant 69 avenue danielle casanova

93230 ROMAINVILLE 94200 IVRY-SUR-SEINE 1975

1976

Théâtre Aleph Théâtre du Petit Miroir

69 avenue danielle casanova 74 rue du gouverneur Eboue

94200 IVRY-SUR-SEINE 1976 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX

1978

Théâtre du Théâtre Petit Miroir Victor Hugo

74 rue du gouverneur 14 avenue Eboue Victor Hugo

92130 ISSY-LES-MOULINEAUX 92200 Bagneux

1978

1978

+700

-200

-200

200-700

200-700

-200

-200

-200

-200 +700 // 200-700

Espace 93-Victor Hugo Théâtre du Le Frêne Palais des Congrès d'Issy

42 Av Laplace 25 avenue Victor Cresson

Théâtre équestre EspaceZingaro 1789

marie KOLTES Université de Paris 10 -Theatre bernardmarie KOLTES Rutebeuf L'Échangeur-Compagnie Public chéri Théâtre Claude Debussy

Saint Denis MC 93-Maison de la culture de la SeineSaint Denis Théâtre d'Ivry Antoine Vitez

Théâtre d'Ivry Antoine VitezLes 3 Pierrots Centre culturel

93000 Bobigny

1 boulevard Lénine

93000 Bobigny

1 rue simon dereure

94200 IVRY-SUR-SEINE

1 rue simon6dereure rue du mont valerien

Centre culturel Les 3 Pierrots Théâtre sans Domicile

6 rue du mont valerien 19 rue legrand

Théâtre sans Domicile Théâtre André Malraux

19 rue legrand place jean paul Sartre

92210 SAINT CLOUD 92240 Malakoff 94550 CHEVILLY-LARUE 92110 CLICHY 92110 CLICHY

92310 SEVRES

Sèvres Espace Loisirs (SEL) Théâtre à Châtillon

47 grande rue 51 boulevard de la liberté

Théâtre à Châtillon Théâtre des Sources

51 boulevard de la liberté 8 AVENUE J. ET M. DOLIVET

Théâtre des Sources

8 AVENUE J. ET M. DOLIVET

La Parole errante

9 rue Francos Debergue

9 rue Francos Debergue

1981

9224094550 Malakoff CHEVILLY-LARUE1981

92310 SEVRES 92320 CHATILLON

1982 1984 1984

92320 CHATILLON 1985 92260 FONTENAY_AUX_ROSES 92260 1986 FONTENAY_AUX_ROSES 93100 MONTREUIL 93100 MONTREUIL

1986

-200

200-700 // +700

200-700 // +700 1980

94200 IVRY-SUR-SEINE 92210 SAINT CLOUD 1980

Théâtre André Malraux place jean paul Sartre Clastic Théâtre-Lieu de compagnonnage 62 boulevard victor Hugo Marionnette en Ile de France Clastic Théâtre-Lieu de compagnonnage 62 boulevard victor Hugo MarionnetteSèvres en Ile de France Espace Loisirs (SEL) 47 grande rue

La Parole errante

1980

1980

-200

-200 // 200-700

1981-200 // 200-700 -200 // 200-700 -200 // 200-700 1981 1982 1984 1984 1985 1986 1986

200-700 200-700 200-700 +700 200-700

200-700 +700 200-700

5

16 Allée Leon Gambetta

92110 CLICHY 92110 CLICHY 93170 BAGNOLET

1988

200-700 200-700

1989 1989

+700 +700

-200 // 200-700

-200 // 200-700

1989 1989

-200 // 200-700

-200 // 200-700 1989 -200 1990

-200

200-700

200-700 1990

200-700

1990

1990

200-700

-200

59 avenue du 116général avenueDe duGaulle général de gaulle 93170 BAGNOLET 94702 MAISON ALFORT1990

1990

-200

200-700

1992

Théâtre Yunqué La Maison du Conte

93100 MONTREUIL 94550 CHEVILLY-LARUE1992

93100 MONTREUIL

35 avenue faidherbe 8 rue Albert Thuret

1993

Maison de la musique de Nanterre

10 rue des anciennes mairies

1994

Les Gémeaux Théâtre André Malraux

49 avenue Georges place desClemenceau arts

Théâtre André Malraux Théâtre du Garde-Chasse

place des arts 181 bis rue de paris

49 avenue Georges Clemenceau

92000 NANTERRE

92330 SCEAUX

1991 1992

9233092500 SCEAUX 1994 RUEIL MALMAISON

1993

1994

1995

Compagnie Mack et les gars-Plateau 31 Le Moulin fondu

94250 GENTILLY 1995 93130 NOISY-LE-SEC

1996

93130 NOISY-LE-SEC 94400 VITRY SUR SEINE1996

1996

13 rue pierre Simard 24 rue du pré saint gervais 24 rue du pré gervaisGallieni 166saint Boulevard

94400 VITRY SUR SEINE 93500 PANTIN

1996

93500 PANTIN 1997 94120 FONTENAY-SOUS-BOIS

-200 -200

1994-200 // 200-700 +700

93260 LES94250 LILAS GENTILLY

Troupe du Théâtre des Fontenay enLoges scènes

-200

3x-200 // 200-700 // +700 3x-200 // 200-700 // +700 1994 -200 // 200-700

Théâtre du Compagnie Garde-Chasse 18131 bis rue31 derue paris Mack et les gars-Plateau Henri Kleynhoff

Gare au théâtre-Compagnie de la Gare Troupe du Théâtre des Loges

+700

1994

1994

Le Moulin fondu rue de Merlan Gare au théâtre-Compagnie de la 53 Gare 13 rue pierre Simard

+700 -200

92500 RUEIL MALMAISON 93260 LES LILAS

31 rue Henri Kleynhoff 53 rue de Merlan

200-700

1992

La Maison du Conte 8 rue Albert Thuret 94550 CHEVILLY-LARUE Maison de la musique de Nanterre 10 rue des anciennes mairies 92000 NANTERRE Les Gémeaux

1987

1990

92700 COLOMBES

1994

+700

200-700

200-700 -200

-200 -200

-200 2x-200 // 200-700

2x-200 // 200-700 1997 -200 1997

-200 -200 // 200-700

Fontenay en scènes 166 Boulevard Gallieni 1997 16 rue Marcelin Berthelot 94120 FONTENAY-SOUS-BOIS Théâtre Studio-Compagnie Christian 94140 ALFORTVILLE Benedetti 16 rue Marcelin Berthelot Théâtre Studio-Compagnie Christian 94140 ALFORTVILLE 1997 Benedetti Théâtre de Vanves 12 rue sadi carnot 92170 VANVES

-200 // 200-700 1997 -200

Théâtre de Théâtre Vanves Jean Arp

12 rue sadi22 carnot Rue Paul Vaillant Couturier

1999-200 // 200-700200-700

92170 VANVES 92140 Clamart

1998

22 Rue Paul Vaillant Couturier 144 avenue pierre brosolette

92140 Clamart 92240 Malakoff

1999

144 avenue5pierre brosolette rue jean jaunes

92240 Malakoff 93130 NOISY-LE-SEC 2000

Le Théâtre des Bergeries 5 rue jean jaunes Le Colombier - Cie Langajà Groupement 20 rue Marie-anne Colombier Le Colombier Cie Langajà Groupement Le -Samovar

20 rue Marie-anne Colombier 165 Avenue Pasteur

Le Samovar 165 Avenue Pasteur La Forge - La cie Patrick Schmitt 19 rue des ancienne mairies

93130 NOISY-LE-SEC 93170 BAGNOLET

2000

93170 BAGNOLET 93170 BAGNOLET

2000

93170 BAGNOLET 92000 NANTERRE

2000

La Forge - La Patrick Schmitt Lescie Laboratoires d'Aubervilliers

19 rue des 41 ancienne rue de mairies Lecuyer

Les Laboratoires d'Aubervilliers Mains d'Ouvres

41 rue de Lecuyer 1 rue charles garnier

Mains d'Ouvres Influenscènes

1 rue charles 17garnier rue andré Laurent

Influenscènes Quai des voix

17 rue andré Laurent 107 rue Moliere

Quai des voix L'Onde-Théâtre et Centre d'Art

107 rue Moliere 8 bis avenue Louis Bréguet

L'Onde-Théâtre et Centre d'Art Le Studio-Théâtre

8 bis avenue Louis Bréguet 3 rue Edmond Fantin

Le Studio-Théâtre Grange Dîmière

3 rue Edmond Fantin 41 rue Maurice Terine

Grange Dîmière La NEF-Manufacture d'utopies

41 rue Maurice Terine 2à rue rouget de lisle

La NEF-Manufacture d'utopies Pôle culturel d'Alfortville

2à rue rouget de lisle parvis des arts

Pôle culturel Lad'Alfortville Maille

parvis des arts 43 rue du coq français

94140 ALFORTVILLE 93260 LES LILAS

2007

La Maille

43 rue du coq français 3 parvis robert Schuman

93260 LES LILAS 92370 CHAVILLE

2009

3 parvis robert Schuman

92370 CHAVILLE

2010

L'Atrium

5

92000 NANTERRE

1991

Le MagasinLe Théâtre des Bergeries

200-700

campus de Nanterre Universite

1990

Théâtre Jean Arp Le Magasin

1979

93300 AUBERVILLIERS 93400 SAINT OUEN 1989

92700 COLOMBES 92700 COLOMBES

-200 // 200-700 1979 200-700

1979

176 avenue2jean jaunes rue alexandre Bachelet

1989

94702 MAISON ALFORT 92700 COLOMBES

3x 200-700 //-200 -200// 200-700 1978

93100 MONTREUIL 94400 VITRY SUR SEINE1979

93300 AUBERVILLIERS

1989

L'Avant-Seine-Théâtre de Colombes Le Hublot-Chantier de construction88 Rue saint 87dénis Rue felix Faure théâtrale-Compagnie les Héliades Le Hublot-Chantier de construction 87 Rue felix Faure théâtrale-Compagnie les Héliades Théâtre Yunqué 35 avenue faidherbe

20 rue de la liberté 6 rue marcelin bartelot

94400 VITRY SUR SEINE

93100 MONTREUIL

Théâtre Claude Debussy 116 avenue du général de gaulle L'Avant-Seine-Théâtre de Colombes 88 Rue saint dénis

254 avenue20 derue la division leclercq de la liberté

du Val-de-Marne (CDC) Centre de développement chorégraphique 4 route de fontainebleau du Val-de-Marne (CDC) de la culture de la SeineMC 93-Maison 1 boulevard Lénine

94110 ARCUEIL 1988 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX 93100 MONTREUIL

Rutebeuf L'Échangeur-Compagnie Public chéri 16 Allée Leon 59 Gambetta avenue du général De Gaulle

Théâtre de Saint-Maur Théâtre Berthelot

Théâtre Berthelot 6 rue marcelin bartelot Centre de développement chorégraphique 4 route de fontainebleau

1987

Espace 1789 2 rue alexandre Bachelet 93400 SAINT OUEN 1989 Théâtre Roublot-Compagnie Jean-Pierre 71 Rue Roublot 94120 FONTENAY-SOUS-BOIS Lescot Théâtre Roublot-Compagnie Jean-Pierre 71 Rue Roublot 94120 FONTENAY-SOUS-BOIS 1989 Lescot Université de Paris 10 -Theatre bernardcampus de Nanterre Universite 92000 NANTERRE

Théâtre Firmin Gémier/La Piscine Théâtre de Saint-Maur

1978

93390 CLICHY-SOUS-BOIS 94110 ARCUEIL

Le Palais des Congrès d'Issy 25 avenue Victor Cresson Nouveau théâtre de Montreuil- Centre 10 place jean jaurès dramatique national Nouveau théâtre de Montreuil- Centre 10 place jean jaurès dramatique national Théâtre équestre Zingaro 176 avenue jean jaunes

+700 // 200-700 1978 3x 200-700 // -200

92290 CHATENAY 1978 94100 STMALABRY MAUR DES FOSSES

93390 CLICHY-SOUS-BOIS

3 place de l’orangerie 42 Av Laplace

Théâtre Victor Hugo 14 avenue Victor Hugo 92200 Bagneux 1978 Théâtre Firmin Gémier/La Piscine 254 avenue de la division leclercq 92290 CHATENAY MALABRY 94100 ST MAUR DES FOSSES 93100 MONTREUIL

3 place de l’orangerie

Espace 93-Victor Hugo Théâtre du Frêne

L'Atrium

2000 2000

-200

-200 // 200-700

200-700

-200

-200 -200 // 200-700

-200 // 200-700 2000 -200 2000 2001

92000 NANTERRE 93300 AUBERVILLIERS 2001

2001

93300 AUBERVILLIERS 2001 93400 SAINT OUEN

2001

-200 -200 -200 -200

-200 -200 -200 2x -200

9340094120 SAINT OUEN 2001 FONTENAY-SOUS-BOIS

2001

94120 FONTENAY-SOUS-BOIS 2001 94200 IVRY-SUR-SEINE

2001

94200 IVRY-SUR-SEINE 2001 78140 VELIZY VILLACOUBLAY

2003

-200

200-700

78140 VELIZY92600 VILLACOUBLAY Asnières sur Seine2003

2004

200-700

200-700

92600 Asnières sur Seine 94260 FRESNES 94260 FRESNES 93500 PANTIN

6

1998

6

2004

2005

2005

2007

93500 PANTIN 2007 94140 ALFORTVILLE

2007 2009 2010

2x -200 -200

200-700 200-700 -200 200-700 -200 200-700

200-700 -200 200-700 -200 200-700


Theatre des sablons

70 avenue du Roule

Théâtre des 2 Rives

107 Rur de Paris

Centre d'art et de culture

15 Boulevard des nations unis

Théâtre de l'Agoreine

63 boulevard du maréchal JOFFRE

Centre culturel de Courbevoie

92200 NEUILLY SUR SEINE

2013

200-700

94220 CHARENTON LE PONT

réouverture en 2011

200-700 // +700

92190 MEUDON

200-700

92340 BOURG LA REINE

200-700

14 bis square de l’hotel de ville

92400 COURBEVOIE

-200

Espace Carpeaux

15 boulevard aristide Briand

92400 COURBEVOIE

Théâtre du Fil de l'eau

84 avenue du général leclercq

93500 PANTIN

-200

ECAM-Théâtre du Kremlin-Bicetre

2 place victor Hugo

94270 LE KREMLIN-BICETRE

200-700

Théâtre de la Véranda

112 avenue de paris

94300 VINCENNES

-200

Théâtre Instant Présent

41 rue raymond du temple

94300 VINCENNES

ANNEXE grille d’analyse des théâtres Parisiens

7



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