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SERVICE JURIDIQUE Un défaut volontairement dissimulé?
L’entreprise générale Ganz SA est mandatée par le maître d’ouvrage Wohngut SA pour la planification et la construction d’un lotissement. Dans le contrat d’entreprise, il est convenu d’appliquer la norme SIA 118. Lors de la réception de l’ouvrage, il a été constaté que les valeurs d’isolation des unités d’habitation ne correspondaient pas aux prescriptions applicables.
Le maître d’ouvrage et l’entreprise générale discutent ensuite des mesures d’assainissement possibles, mais aucun accord n’est trouvé à ce sujet. Au cours des investigations menées en parallèle, il s’avère que les valeurs d’isolation insuffisantes sont dues à la mauvaise qualité des doubles vitrages et à l’épaisseur insuffisante de l’isolation.
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Six années supplémentaires s’écoulent avant que la société Wohngut AG ne se décide, en raison de la colère croissante des acheteurs des unités d’habitation vendues entre-temps, à porter plainte contre Ganz AG et à réclamer des dommages-intérêts et une réduction du prix payé pour les travaux en raison du manque d’isolation.
Dans le procès, Ganz AG fait valoir que plus de cinq ans se sont écoulés depuis la réception de l’ouvrage ; les droits pour défauts invoqués seraient donc prescrits. Le maître d’ouvrage affirme en revanche que la cause des mauvaises valeurs d’isolation a été dissimulée dolosivement par l’entrepreneur général, raison pour laquelle ce n’est pas le délai de prescription de cinq ans, mais celui de dix ans qui s’applique. L’invocation de la prescription serait de toute façon un abus de droit, puisque le maître d’ouvrage a négocié pendant des années avec Ganz AG dans la perspective d’éventuelles mesures d’assainissement.
Le tribunal constate en introduction que l’art. 180 al. 2 de la norme SIA 118 prévoit expressément que les défauts qui ont été vo - lontairement dissimulés par l’entrepreneur se prescrivent par dix ans au lieu de cinq. Cette exception correspond d’ailleurs à la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui la déduit de la disposition du droit de la vente applicable par analogie, à savoir l’art. 201 al. 6 CO en relation avec l’art. 127 CO. La dissimulation d’un défaut n’est toutefois intentionnelle que si elle peut être qualifiée de dolosive. Ce n’est le cas que si l’entrepreneur connaissait déjà les défauts au moment de la réception de l’ouvrage, qu’il savait que le maître d’ouvrage n’en avait pas connaissance et qu’il a délibérément omis de l’en informer. Dans le cas présent, les conséquences du défaut (les mauvaises valeurs d’isolation) étaient connues tant du maître d’ouvrage que de l’entrepreneur lors de la réception de l’ouvrage. Ce n’est qu’ultérieurement que les deux parties ont appris que le défaut résidait dans la mauvaise qualité du vitrage des fenêtres et de l’isolation thermique. Ainsi, il est également prouvé que Ganz AG ne connaissait pas les défauts au moment de la réception de l’ouvrage et qu’elle ne pouvait donc pas les dissimuler dolosivement.
En outre, l’invocation de la prescription des droits découlant des défauts ne constitue un abus de droit que si l’entrepreneur a astucieusement incité le maître d’ouvrage à attendre avant de faire valoir ses prétentions ou l’a empêché, même sans intention de faire courir le délai de prescription, d’entreprendre à temps les démarches juridiques nécessaires. Enfin, le dépassement du délai de prescription doit rester dans des limites acceptables et raisonnables après une prise en compte objective des circonstances concrètes.
Dans le cas présent, les discussions entre Ganz AG et Wohngut AG ont été interrompues peu après la clarification de la cause du dommage, car l’entreprise avait clairement refusé d’entrer en matière sur les demandes de dommages-intérêts du maître d’ouvrage. Ainsi, quelques mois seulement après la remise de l’ouvrage, celui-ci avait fait comprendre sans équivoque à l’entreprise générale qu’il était indispensable d’engager des démarches pour éviter la prescription.
Conclusion
Les exigences pour faire valoir la dissimulation dolosive de défauts de construction restent très élevées ; cela vaut tout autant, voire plus, pour la preuve de l’abus de droit d’invoquer l’exception de prescription. Néanmoins, afin de prévenir d’éventuels malentendus, il est vivement recommandé à l’entrepreneur de clarifier les causes des défauts de construction constatés le plus tôt possible, de manière complète et transparente, en collaboration avec le maître d’ouvrage.
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