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N°02 || décembre 2010 > janvier 2011

arts et culture à Bayonne

rencontre Pascal Convert

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Dominique Burucoa Lézards qui bougent & la Factory 64

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Vincent Inigo

delirium plastic || PASSES CROISÉES Exposition / rue Argenterie, jusqu’au 2 janvier 2011, par Cédric Pasquini, Vincent Inigo & Jean-Jo Marmouyet L’un photographe, Cédric Pasquini dirige les deux autres, rugbymen professionnels, autour d’une même passion : la photographie. Cela donne un mélange de clichés détonants, dont celui de ce Delirium Plastic’, signé Vincent Inigo

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FLUX 43.5 || N°02 || décembre 2010 > janvier 2011 Couverture : la résille de béton de la bibliothèque universitaire Raphaële de Gorostarzu pour Flux 43.5 ; livre Constructions, Intégral Ruedi Baur

Pascal Convert, la mémoire dans son œuvre de cour à jardin

Scène nationale Bayonne Sud-Aquitain, 20 ans, le bel âge ! La compagnie Lézards qui bougent ne perd jamais le Nord Le Théâtre des Chimères à Bayonne en aparté

Dantza Hirian fait danser les murs de la ville musée oh ! musée basque

Habiter les villes fortifiées La bibliothèque universitaire musée oh ! musée bonnat

Vincent Ducourau tire son chapeau carré bonnat

Un élu, une œuvre sur la toile

A l’Atalante, les salles sont chauffées ! agenda

Les ++ de monsieur Byn de-ci delà

La cité des Castors

Flux 43.5 est une publication gratuite de la Ville de Bayonne. Direction de la publication : Jean Grenet Rédaction et concept : Anne-Laure Montharry / almproduction Design, reportages photos : Raphaële de Gorostarzu / tactique graphique

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édito

rencontre

Jean-René Etchegaray (à droite) Premier adjoint au maire – Culture et Patrimoine

Robert Dulau (à gauche) Commissaire de l’exposition

Conversation autour de l’exposition « Habiter les villes fortifiées » (présentée pages 12 à 15)

J-R. Etchegaray : Avec le Conseil général des Pyrénées-Atlantiques et le Syndicat mixte du musée Basque, nous nous sommes penchés sur le travail de Robert Dulau et Pascal Mory, commissaires de l’exposition Vauban, bâtisseur du Roi Soleil à la Cité de l’architecture et du patrimoine. Nous avons pensé qu’il serait intéressant de l’adapter à notre territoire. Saint-Jean-Pied-de-Port, Ciboure, Bayonne, sont autant d’exemples locaux permettant d’illustrer l’idée que l’on peut encore vivre et habiter les villes fortifiées. Ce fut l’occasion pour les communes de faire un réel travail de recherche et d’approfondir leurs connaissances en matière d’histoire urbaine. Des maquettes de Saint-Jean-Piedde-Port et du Portalet ont notamment été conçues pour l’exposition et regagneront les villes en question à sa clôture. Le regard que l’on porte R. Dulau : A cela je voudrais simplement ajouter que la maquetsur une ville au travers d’une te est un outil pédagogique qui permet de prendre en compte maquette est très particulier. la globalité de la ville et de voir comment elle est configurée. A Bayonne, nous travaillons C’est un élément qui parle immédiatement au public, un des systématiquement les projets outils les plus pertinents, qui se lit et se décode sans problème. urbains avec la maquette du Outre les maquettes, dans l’exposition, sur les murs, de pecentre historique dont nous tits écrans en veille sont tout aussi intéressants : ce sont des disposons. On ne prend pas témoignages vidéos d’élus, d’architectes, de documentalistes, les mêmes décisions selon de toutes les personnes qui ont participé et vivent la conservaque l’on travaille avec un tel tion, la valorisation et la réutilisation de ces fortifications. support ou pas, lequel exerce Cette exposition est aussi l’occasion de rendre hommage aux le regard et parfois le modimétiers d’art qui se perdent et qui ont trait à la réalisation de fie. En matière d’architecture, maquettes mais également de plans, pour lesquels le savoirl’échelle est un élément capifaire de dessinateurs à vue et de graveurs spécialisés est intal dont il faut toujours tenir dispensable. C’est une façon d’éclairer la richesse du fonds compte, aussi modeste que d’archives papier dont dispose le musée Basque, des centaines soit le projet envisagé, et de plans qui datent du XVIe jusqu’au XXe siècle. Certaines plancela est d’autant plus capital ches « aquarellées » sont quasiment des œuvres d’art… lorsqu’il s’agit d’aménager Je dirais aussi que, quand on parcourt ces salles, l’épaisseur du une cité médiévale ou une passé est restituée par les plans anciens qui montrent la ville ville fortifiée. de Bayonne au XVIIe siècle, par exemple. La partie contemporaine se situe autour des maquettes, et dans l’écoute des entretiens filmés. Enfin, pour bien comprendre l’intérêt de notre démarche, il faut savoir qu’il y a encore vingt ou trente ans l’architecture J-R. Etchegaray : Au fond, militaire était très mal perçue, mal considérée, car il y avait cela montre comment il est cet attachement à la guerre et aux frontières. Aujourd’hui, on possible de reconstruire la observe que les contraintes périmétriques des remparts font ville sur la ville. A Bayonne, la richesse de nouveaux projets urbains et architecturaux. A l’université est à mon sens Bayonne, les exemples sont multiples, notons la transformaun exemple réussi de l’intétion des bastions en parking ou en bibliothèque universitaire, gration d’une architecture ou bien celle d’un glacis en terrain de rugby. Cela signifie que contemporaine sur un site la présence d’architectures militaires entraîne un autre regard historique en plein centreet déclenche aujourd’hui certains types d’actions. ville. Cela participe d’une démarche entamée il y a quelques années qui consistait à repeupler le centre historique. Nous considérons que les Bayonnais comptent la valorisation de leur patrimoine parmi les principaux objectifs politiques à accomplir. C’est l’une des raisons pour laquelle nous avons soutenu dernièrement notre candidature au conseil national des Villes et Pays d’art et d’histoire afin d’obtenir le précieux label. Enfin, forts de ces expériences heureuses, nous envisageons dans un horizon plus lointain, aux alentours de 2015, de pouvoir de la même façon mettre en valeur le patrimoine architectural existant avec un projet urbain ambitieux, dans le quartier allant de la gare jusqu’au pied de la citadelle.

Diffusion : 5 000 exemplaires Impression : IBT, Imprimerie Boucau Tarnos Adresse : Direction de la communication, BP 6004 - 64109 Bayonne Cedex e-mail : communication@bayonne.fr Tél. : 05 59 46 60 40

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La question de la mĂŠmoire est devenue un cancer

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rencontre || Pascal Convert – la mémoire Il était une fois Pascal Convert, faiseur d’objets aux longues histoires. Artiste plasticien, il travaille l’image comme une empreinte de la mémoire collective ou individuelle.

En bref… 1989 Il est pensionnaire à la Villa Médicis. 2002 Dans le cadre d’une commande publique, il réalise le Monument à la mémoire des otages et résistants fusillés au Mont Valérien entre 1941 et 1944. 2002 / 2004 Travail sculptural inspiré de trois icônes de presse, La Pietà du Kosovo (photo de Georges Mérillon), La Madone de Benthala (photo d’Hocine Zaourar), La mort de Mohamed Al Dura à Gaza (AFP/ A2), commandé par le Fonds national d’art contemporain, Paris. 2007 Biographie historique (éd. Séguier) sur Joseph Epstein (Colonel Gilles) 2008 Aboutissement de la réalisation d’un ensemble de vitraux pour l’Abbatiale de Saint-Gildas-des-Bois. 2009 Son travail artistique est présenté au Grand Palais dans le cadre de La Force de l’art. Il est lauréat du 1 % artistique du nouveau bâtiment des Archives nationales et du 1 % artistique de l’Institut des sciences de la vigne et du vin à Villenave d’Ornon. 2010 Il expose au Centre PompidouMetz dans le cadre de l’exposition Chefs d’œuvres ? Il prépare un film documentaire (France Télévision) et un livre (éd. du Seuil) sur la vie de Raymond Aubrac.

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Le film documentaire de Pascal Convert sur Raymond Aubrac sera présenté à L’Atalante au printemps prochain durant Les Rencontres sur les docks.

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otre famille est bien connue par les anciens de l’Aviron Bayonnais. Y a-t-il un souvenir de la ville qui vous vient à l’esprit ? Je me souviens du temps où, enfant, j’allais voir mon grand-père. En arrivant on traversait l’Adour. En amont, du côté de Urt, dans la lumière si chère à Roland Barthes, il y avait les barques des pêcheurs d’alose et, en aval, près de l’embouchure, comme d’énormes animaux assoupis, des cargos de marchandises attendaient la marée montante. J’avais l’impression d’être suspendu entre deux mondes, deux mondes dont on se demandait s’ils luttaient ou dansaient ensemble. Plus à gauche, une étrange pyramide jaune, que j’ai découvert être du soufre, suscitait interrogation et rêverie. Pourquoi un artiste plasticien s’intéresse-t-il tellement à la question de la mémoire ? C’est une question centrale dans mon travail, depuis l’origine. Tout artiste se nourrit d’événements qui ponctuent sa vie. En ce qui me concerne, la puissance symbolique et mémorielle du monument pour les fusillés du Mont Valérien que j’ai réalisé, cette sorte de grande cloche sur laquelle sont gravés les noms de résistants fusillés, a profondément orienté mon travail. Au fur et à mesure que je découvrais leurs noms gravés sur la cloche, je me demandais qui ils étaient. Je m’y suis intéressé d’autant plus que mon grand-père était un résistant important dans la région sous le nom de Léon des Landes. J’ai donc glissé en quelque sorte de la mémoire personnelle et familiale à la mémoire collective et à l’Histoire. Ma curiosité grandissant, j’ai fait un film, un livre, une sculpture, inspirés de la vie d’un juif polonais, communiste, disparu tandis qu’il dirigeait la Résistance à Paris et en Ile de France. Je me suis particulièrement interrogé sur les raisons de son oubli. C’était le responsable de l’ensemble des FTP et donc de Manouchian, de l’Affiche rouge. Or, on parlait de ces derniers, mais pas de Joseph Epstein1. J’y ai travaillé trois ans tout en poursuivant mon activité de plasticien, plus tournée vers l’actualité. M’interrogeant davantage sur l’histoire des images, sur le contexte politique de leur diffusion et sur leur interprétation, j’ai produit trois œuvres sculptées, La Pietà du Kosovo, La Madone de Benthala et La mort de Mohamed Al Dura à Gaza. A chaque fois je me suis rendu sur place, ce qui a donné lieu à des films documentaires. Il y a souvent dans mon travail une triple activité, celle de documentariste, celle de plasticien, parfois celle d’écrivain. Mes dernières investigations portent sur la vie de Raymond Aubrac, moins connu que sa femme Lucie : si elle était la partie émergée de l’iceberg, lui en serait la partie immergée. Je m’intéresse à l’Histoire car il me semble qu’en France, la mémoire est une sorte de tarte à la crème. On y met des bougies tous les 18 juin. On s’honore d’avoir une mémoire extrêmement dynamique mais en fait, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, cette question de la mémoire est devenue un cancer. Un exemple frappant : si je demande à consulter les archives aux Etats-Unis, non seulement j’y ai accès, mais en plus on me les envoie ! Alors qu’en France (et c’est un problème que je connais bien, car je suis actuellement chargé du 1 % du nouveau bâtiment des Archives nationales), on vous interdira l’accès à certains éléments par tous les moyens et durant des années… à mon sens la France est mal à l’aise avec son passé. On vous perçoit là plutôt comme un historien, documentaliste, un journaliste peut-être… Mais l’artiste peut être journaliste, et photographe. Il n’a pas forcément un burin ou un pinceau dans les mains. Quand vous regardez la scène de l’art contemporain dans le monde, il y a des déplacements. Des pratiques artistiques, qui autrefois appartenaient au champ de la photographie documentaire, sont exposées par des musées d’art contemporain. Il s’opère des glissements qui sont un des bénéfices du décloisonnement produit par les industries culturelles. Cela peut aussi conduire à des confusions. Un artiste aujourd’hui est engagé dans le monde et dans son économie, d’où l’idée que j’ai soutenue pour le projet de l’Ecole supérieure d’art des Rocailles dont je suis le directeur artistique. Une école d’art qui n’explique pas aujourd’hui aux très jeunes artistes la situation dans laquelle ils évoluent ne fait pas son travail. Il faut qu’ils s’intéressent aux questions de droit, d’économie, à la place de l’artiste dans la société, à l’informatique, autant qu’à modeler la glaise. Peut-on vous qualifier d’artiste engagé ? Un artiste à mes yeux, c’est quelqu’un qui fait de la politique, c’est évident, mais de la politique au sens large, pas de la politique partisane. Je ne suis pas un artiste qui fabrique des objets pour fabriquer des objets. Cela ne veut pas dire que j’interdis aux autres de procéder différemment… Ce qui caractérise l’artiste, c’est sa liberté de pouvoir devenir historien un jour, juriste le lendemain, enseignant le troisième jour… Un artiste essaye de comprendre l’espace dans lequel il se trouve. Qu’il soit proche ou lointain. Toute cette théorie nous ferait oublier l’humanité, la sensibilité, la charge émotionnelle de vos œuvres, quel lien y a-t-il entre vos investigations scientifiques et la pratique de votre art ? Réfléchir à la question de la construction de l’histoire, au rôle de la mémoire dans l’histoire, n’atténue en rien l’émotion ou la souffrance qu’on peut avoir face à la douleur des autres. L’artiste peut à la fois écouter et rendre compte de cette douleur, c’est même un des enjeux de l’art. C’est aussi de dire qu’il y a des douleurs que l’on ne voit pas, celles que l’on découvre dans les archives personnelles ou collectives par exemple. Et quand on est face à la douleur des autres, il y a une certaine forme de colère. Je suis allé trois fois en Algérie et ce n’était pas simplement pour mon projet de sculpture inspirée par la photo de Hocine Zaourar, La Madone de Benthala. Pour faire ce travail-là, il faut se rappeler que les mouvances islamistes radicales faisaient cuire les bébés dans les fours… Ça, ce n’est pas de la théorie. Il y a là des enjeux considérables qu’il faut tâcher de comprendre. Le photographe qui a pris cette photo-là a eu beaucoup d’ennuis, il a été poussé à la porte de l’AFP. Il a subi beaucoup de pressions. Et ce n’est pas le seul. Plusieurs photographes qui ont eu le prix de la World Press se sont suicidés. Ensuite, pour revenir à la fabrication d’une sculpture, je dirais que c’est comme une espèce de laboratoire. Je sais où je vais mais il faut être extrêmement à l’écoute de la matière, la manière dont elle nous questionne produit des effets inattendus, relance les questions, c’est certainement le moment le plus agréable. Mais s’il n’y a pas eu toute la recherche documentaire et historique auparavant, moi je ne peux pas, je ne me sens pas le droit de m’approprier une histoire sans avoir essayé de la comprendre, peut-être suis-je trop moral ? Y a-t-il une actualité liée à vos questionnements que vous pourriez nous recommander ? Certainement, l’exposition Atlas ¿ Cómo llevar el mundo a cuestas ? au musée de la reine Sofia à Madrid 2. 1. Pascal Convert - Joseph Epstein - Bon pour la légende. Lettre au fil – Séguier Atlantica - 15/09/2007 2. www.museoreinasofia.es/exposiciones/futuras/atlas.html

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de cour à jardin || La SnBSA de Dominique Burucoa

Vingt ans, le bel âge… Dominique Burucoa dirige la Scène Nationale de Bayonne depuis sa création. Vingt ans de spectacles et de concerts, de rencontres et de découvertes. Avec cette nouvelle saison, l’enthousiasme reste intact. Visage retrouvé de Wajdi Mouawad par Cie La Nuit venue

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Par ailleurs, pour célébrer notre anniversaire, nous avons cherché à réunir des artistes qui ont marqué nos saisons précédentes. Mais cette volonté rétrospective n’exclut pas l’accueil d’artistes ou d’équipes artistiques qui n’ont jamais été programmés dans notre région. Enfin, nous concrétisons l’une de nos ambitions : organiser plusieurs représentations d’un même spectacle. Cette orientation, amorcée au cours des dernières saisons, se développe singulièrement cette année. Si elle exprime l’élargissement des publics, elle manifeste notre capacité à proposer, grâce à une présence artistique plus soutenue, un grand nombre d’opérations de sensibilisation autour des spectacles accueillis. Ce travail d’action culturelle, de médiation en profondeur qui mobilise l’ensemble de notre équipe, nous distingue assurément des simples organisateurs de spectacles. Partie immergée de l’iceberg, ce travail nous paraît essentiel…

Aurélien Marquat

Quel spectacle recommanderiez-vous à nos lecteurs ? Il m’est bien difficile de répondre à cette question ! A l’exception des créations que, par définition, nous n’avons pu encore voir, tous les autres spectacles ont fait l’objet d’une sélection rigoureuse. S’ils apparaissent dans notre programmation, c’est que nous les avons vus, aimés, et que nous considérons qu’il était important qu’ils soient vus ici. Le bonheur d’un programmateur est de faire partager au plus grand nombre possible ce qu’il a aimé, ce qui l’a ému. Une programmation est éminemment subjective. Parmi cette cinquantaine de spectacles, certains peuvent à mes yeux être plus essentiels, peut-être, mais je les défends tous passionnément. Dans sa grande diversité, cette saison propose des spectacles très différents les uns des autres qu’il serait bien difficile de tenter de comparer. Tous expriment une véritable exigence artistique. De cela, je suis assuré. Il est possible que certains plaisent davantage que d’autres mais aucun ne saurait laisser indifférent. Mais pour ne pas éluder votre question, j’attire l’attention de vos lecteurs sur la présence de propositions exceptionnelles : le Roi se meurt dans la mise en scène de Silviu Purcarete, Bérénice de Racine par la Co« On parle ici de la vie dans médie Française, Donka, une lettre à Tchekhov par le Teatro Sunil, une vraie découverte – son ses aspects les plus multiples, metteur en scène Daniele Finzi Pasca est accueilli pour la première fois dans notre région-, de la naissance à la mort, le saxophoniste Dmitry Baevsky et le guitariste de l’éducation, la guerre, Joe Cohn, deux maîtres du jazz d’aujourd’hui, en quartet au théâtre de Bayonne avec deux le bonheur de vivre, l’identité. » autres musiciens d’exception, la création du Tuxedo Big Band autour de l’œuvre de Jimmie Dominique Burucoa à propos Lunceford, la magnifique création chorégraphide l’œuvre de Wajdi Mouawad que d’Abou Lagraa avec le quatuor Debussy, Un monde en soi, ou celle, plus intimiste, de la compagnie Hors Série, la Géographie du danger… Et comment passer sous silence le retour de la compagnie Rasposo, sous chapiteau à Anglet, avec son dernier et formidable spectacle, le Chant du Dindon, ou la présence des Barbatuques… Je dois vous l’avouer, j’aurais bien du mal à composer mon abonnement si j’avais à choisir seulement douze spectacles !

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ingt ans, on dit que c’est le bel âge. En quoi cette saison sera-t-elle différente des autres ? En programmant cette 21e saison, nous n’avons pas cherché une différence mais plutôt à réaliser une forme de synthèse de la démarche conduite au cours des vingt saisons précédentes. L’axe majeur demeure la pluridisciplinarité. Elle s’exprime pleinement cette année en proposant une cinquantaine de spectacles dans les domaines du théâtre, de la danse, de la musique, du cirque, de la chanson et de l’humour avec plusieurs propositions qui s’adressent plus particulièrement au jeune public, spectacles que nous invitons à vivre en famille. Cette saison manifeste aussi notre volonté de soutien à la création en région. Ainsi, la programmation théâtrale – le théâtre est l’une de nos dominantes artistiques – présente onze spectacles créés par des compagnies implantées en Aquitaine dont six ont été soutenues financièrement par la Scène nationale dans le cadre de coproductions et de résidences. C’est une forme de record dont nous sommes fiers ! En un temps particulièrement difficile pour les compagnies indépendantes, nous exprimons ainsi notre solidarité… En outre, à l’âge de la maturité, cette saison réalise, je pense, un bel équilibre entre spectacles de référence de dimension internationale et spectacles de création avec de belles découvertes.

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Quels sont les événements, les moments, les rencontres qui ont ponctué les vingt premières années de vie de la SNBSA ? Voilà encore une question qui devrait appeler plusieurs réponses ou qui pourrait certainement constituer la matière d’un livre ! Ma vie professionnelle est faite de rencontres multiples, toutes plus enrichissantes les unes que les autres. Avec de très nombreux artistes, bien sûr, mais aussi avec les publics – certains abonnés nous soutiennent depuis plusieurs années, parfois même depuis l’origine ! –, avec nos partenaires publics et privés sans lesquels nous ne pourrions exister… Parmi les événements, il en est de plus marquants : la création de la Scène nationale elle-même à la fin des années 80, notre première saison, les treize éditions du festival Jazz aux Remparts, la réouverture du Théâtre de Bayonne après travaux, notre première saison à Boucau, la découverte des écuries de Baroja à Anglet, la naissance des Maimorables… Ces vingt années constituent une aventure passionnée et passionnante, une irremplaçable expérience humaine aussi. Je mesure ma chance tous les jours avec la conscience de l’utilité de notre travail dans un monde de plus en plus individualiste, parfois même déshumanisé et rude au sein duquel la Culture, et plus particulièrement le spectacle vivant, devrait avoir une place centrale. J’ai aussi le sentiment que notre travail concourt au développement de notre région. Cela aussi a son importance…

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Kristian Frédric a monté un acte d’Orphée et Eurydice de Glück dans les catacombes de Nuremberg. Pensez-vous que cela puisse être adapté à Bayonne, aux remparts, par exemple ? Chacun des trois actes de cette étonnante création a été mis en scène par un metteur en scène différent : un allemand, un italien et un français. Ce projet est créé avec le concours de l’Opéra de Nuremberg, du festival de Naples et de notre Scène nationale. J’ai proposé la participation de Kristian Frédric. Il a réalisé un travail remarquable qui devrait d’ailleurs lui valoir de signer sa première mise en scène d’opéra à Nuremberg au cours des prochaines saisons. Je suis allé l’applaudir à Nuremberg dans ces souterrains chargés d’Histoire, offerts le temps de quelques représentations au théâtre. Ce spectacle singulier demande des adaptations en fonction de la configuration des lieux, très différente d’une ville à l’autre. Il sera présenté en juin 2011 à Naples et, vraisemblablement, au début de la saison 2011-2012 à Bayonne avec le concours du Conservatoire Maurice-Ravel. C’est l’une des singularités du projet d’appeler une étroite collaboration avec l’établissement d’enseignement musical de chacune des villes partenaires. Le directeur du Conservatoire, Arnaud Péruta, a d’ailleurs répondu avec enthousiasme à notre proposition. Mais la réalisation d’un tel projet dans les casemates bayonnaises n’est pas simple. Nous étudions actuellement sa faisabilité…

La compagnie Lézards qui bougent présente bientôt Jaz de Koffi Kwahulé, c’est une compagnie que vous suivez depuis toujours. Pourquoi cette continuité ? La relation avec Kristian Frédric va bien au-delà de la simple relation professionnelle. Elle est marquée par une fidélité réciproque renforcée par le fait qu’il a souhaité implanter sa compagnie à Bayonne. Kristian est un artiste exigeant qui, malgré sa dimension aujourd’hui internationale, ne connaît pas encore la renommée qu’il mérite. Il est vrai, ses spectacles constituent de véritables aventures pour le spectateur avec une esthétique contemporaine, des textes d’auteurs d’aujourd’hui, une recherche plastique savante ou, comme dans son prochain spectacle,

Claude B

Arnaud Labastie, piano et Dominique Burucoa, bugle, aux Musicales d’Hossegor

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Le jazz, on le sait, est pour vous une autre façon de respirer. Pensez-vous compiler un jour vos plus beaux souvenirs sous forme d’album photographique ou de disque, peut-être ? Le jazz me permet de vivre mieux. Je suis « aficionado practico », comme on le dit en tauromachie, et jouer avec mes amis au sein du Just Friends Quintet est pour moi une sorte de seconde vie. Il m’arrive parfois de regretter de ne pas trouver assez de temps à y consacrer… J’ai tout de même réalisé trois disques, deux en quintet et un en duo. Ma passion pour le jazz s’exprime aussi par l’écrit. J’ai collaboré à la revue Jazz Classique pendant plusieurs années. Elle n’existe plus depuis l’année dernière mais dispose d’un site internet pour lequel j’écris encore : comptes rendus de festivals, chroniques de disques… Oui, il faudrait que je trouve un jour le temps d’écrire la riche histoire de cette musique en Côte Basque. Elle commence en 1929, avec la présence de l’orchestre de Sam Wooding pour une saison estivale au Casino Bellevue de Biarritz, se poursuit aujourd’hui et passe par les éditions de Jazz aux Remparts, de 1990 à 2002, qui en constituent une forme d’apothéose. Notre saison compte dans ce domaine quelques rendez-vous majeurs à Bayonne, Boucau et Anglet. Consultez le programme ! Par ailleurs, le label discographique de la Scène nationale, Jazz aux Remparts, poursuit son chemin avec aujourd’hui une vingtaine de références. Le prochain disque devrait être publié en 2011. Il s’agit de l’enregistrement, réalisé à Bayonne en novembre 2009, du Big Band du saxophoniste Michel Pastre en forme d’hommage à son grand aîné Lester Young. En avril prochain, nous accueillerons en résidence le Tuxedo Big Band dirigé par Paul Chéron. Un enregistrement sera réalisé au cours de la résidence et du concert. Ce dernier aura lieu au Théâtre de Bayonne le 25 avril 2011.

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Jaz, que nous coproduisons et accueillerons en première européenne en janvier – il sera créé à Montréal en décembre –, l’appel aux nouvelles technologies. En outre, il est de nos missions de faire entendre la magnifique langue de Koffi Kwahulé dont la richesse et la poésie, l’âpreté aussi parfois, mérite notre plus grande attention tant elle est susceptible de nous remuer, de résonner profondément en nous. J’attends ce spectacle avec impatience et espère vivement que les publics seront au rendez-vous. Le fait que son metteur en scène vive à Bayonne facilite l’organisation de rencontres, notamment en milieu scolaire, d’actions de sensibilisation des publics et de réflexion en amont et en aval de la présentation du spectacle lui-même…

Cela fait trois ans que vous recevez Wajdi Mouawad, ses mises en scène, son écriture, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Qu’est-ce qui vous touche profondément dans le travail de cet artiste hors dimension ? N’est-ce pas celui qui incarne actuellement le mieux cette phrase de vous : « On parle ici de la vie dans ses aspects les plus multiples, de la naissance à la mort, de l’éducation, la guerre, le bonheur de vivre, l’identité. » Cette phrase, je pense l’avoir écrite pour présenter son travail. Il y a en effet autant de thèmes essentiels et d’autres encore dans son œuvre. En sortant d’un spectacle, je m’interroge pour savoir en quoi ce que je viens de vivre est susceptible de changer ma vie. Si le divertissement seul m’est parfois nécessaire, je lui préfère en général l’émotion, l’invitation au rêve et à la réflexion. En d’autres termes, je préfère vivre un spectacle que de le consommer. Ma première rencontre avec l’œuvre de Mouawad a été une révélation, un coup de foudre. Le fond, certes, mais aussi la forme ! Wajdi Mouawad est à la fois auteur, metteur en scène, chef de troupe, comédien, romancier… Ses œuvres marquent incontestablement le théâtre francophone de ces dix dernières années. Chaque nouveau spectacle, au-delà de l’intense émotion qu’il procure, de sa beauté plastique, de l’excellence de ses comédiens et de sa direction d’acteur, nous invite à penser notre propre vie. J’ai vu la trilogie, Littoral, Incendies et Forêts, qu’il a présentée ensuite dans de nombreux lieux au cours d’une même soirée, plus de huit heures de spectacle, avec un égal bonheur. J’ai choisi de les présenter au public sur trois saisons. Nous avons même coproduit la reprise de Littoral. Cette révélation que j’avais profondément ressentie a été pleinement partagée avec le public. La présentation de ces trois œuvres de Mouawad restera certainement l’un des grands moments de ces vingt dernières années. En plus du bonheur de revoir les trois pièces, j’ai participé à l’intense communion des publics, toutes générations confondues, et à leur adhésion enthousiaste. Nombreux sont ceux qui m’en parlent avec émotion… Cela avait été vécu aussi lors du premier accueil d’un spectacle de Philippe Genty quelques années auparavant ou avec Urlo de Pippo Delbono, par exemple. Cette saison, Donka de Daniele Finzi Pasca devrait normalement provoquer le même engouement.

José Luis Campana Compositeur argentin en résidence de création au Conservatoire Maurice-Ravel Né le 24 août 1949 à Buenos Aires, il apparaît dans le paysage contemporain comme l’un des plus solides représentants de sa génération. Titulaire d’une bourse d’études du gouvernement français, il se fixe définitivement à Paris où il complète sa formation de compositeur à l’Ircam et au CNSM entre 1979 et 1985 (composition, analyse et techniques électroacoustiques). Entre autres, Pierre Boulez et Henri Dutilleux seront ses professeurs en master classes. Entre 1986 et 1992, il enseigne l’analyse musicale et l’interprétation de la musique contemporaine au CNSM de Paris. En 1993, il fonde, avec la collaboration de Gérard Charbonneau, l’Arcema (Atelier de recherche, création et enseignement de la musique actuelle) au sein du laboratoire d’électronique de l’Université Paris XI, et associe des solistes de l’Orchestre de Paris, de l’Orchestre Philharmonique de Radio France ainsi que des professeurs et des étudiants du CNSM de Paris et Lyon. De 1993 à 2008, il est directeur artistique de l’Ensemble Arcema. Actuellement, il est professeur à Musikene (Centre supérieur de musique du Pays basque). Sa production comporte des œuvres de musique de chambre, orchestre de chambre, orchestre symphonique (avec ou sans soliste et avec ou sans chœur), musiques mixtes (électroacoustiques), musique sur support numérique seul, ainsi que des œuvres acoustiques et électroacoustiques destinées à la formation d’instrumentistes. Ses œuvres sont disponibles en consultation au CDMC de Paris et auprès du compositeur. http://www.jlcampana.fr http://www.ircam.fr/ http://www.musikene.net/ http://www.cdmc.asso.fr

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de cour à jardin || Cie Lézards qui bougent – en action

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Les locaux de La Factory 64 et Kristian Frédric

La compagnie Lézards qui bougent ne perd jamais le Nord

Les Lézards qui bougent sont définitivement ancrés dans le quartier nord appelé Les Hauts de Bayonne. Ils ont investi un appartement de l’immeuble Breuer, au deuxième étage du 6 ter avenue de Jouandin. Ce lieu de création artistique leur permet de développer des actions artistiques auprès des habitants. Les Bayonnais ne sont plus simples spectateurs, ils ont désormais la possibilité de partager, d’apprendre et de découvrir de plus près le théâtre contemporain. Cette transmission se fait à travers une école de théâtre appelée l’Ecole du plateau. Les cours sont gratuits à condition de montrer une réelle motivation.

La compagnie bayonnaise, menée par Kristian Frédric,

La Factory 64

continue de parcourir les scènes d’Europe et d’Amérique du Nord mais reste, depuis toujours, bien ancrée sur sa terre d’accueil. Cette partition est aujourd’hui confortée par la création d’un lieu de travail plus adapté, « La Factory 64 », tandis que les Lézards partagent leurs œuvres avec un public international.

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Une action locale

La Factory 64, c’est également une résidence d’artistes qui doit aboutir à un projet élaboré avec les habitants du quartier. Le premier invité est Elie Bricéno, auteur et metteur en scène de la Cie des Artizans (Rodez). Il a choisi la thématique du monologue. Pendant plusieurs mois, il a recueilli la parole des habitants, à travers des ateliers de théâtre ou d’écriture. Ses travaux ont été présentés à l’occasion des Rencontres Improbables, « festival incontrôlable » de performances qui attire chaque année un public plus nombreux et qui vient de s’achever.

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09 Un rayonnement international : deux grands rendez-vous en 2011

Performance de Guillaume Josué en vitrine des Galeries Lafayette

Une tournée internationale est programmée pour la pièce Jaz, mise en scène par Kristian Frédric d’après un texte de Koffi Kwahulé. Cet artiste, né en 1956 à Abengourou (Côte d’Ivoire), est l’un des auteurs dramatiques africains les plus joués sur le plan international. « Quand j’ai découvert le texte de Koffi Kwahulé, c’est d’abord une architecture spécifique du langage qui m’est apparue. Son écriture me faisait penser à la matière dont un plasticien se servirait. A travers ses mots, Koffi bâtit d’abord une structure pour ensuite nous transporter au plus profond de nous-mêmes. Il se sert de ses influences sur le jazz pour nous déstructurer et nous mener peu à peu à nous questionner sur la place que laisse notre société à notre humanité » précise Kristian Frédric et d’ajouter : « Son écriture ressemble en tout point à une sculpture… Je souhaiterais répondre à cette partition en inventant une scénographie qui pourrait à la fois se poser dans un théâtre mais aussi avoir sa place dans une collection d’art contemporain. » Cette nouvelle création pousse encore plus loin le mélange des genres (arts de la scène, vidéo, son) et l’utilisation des nouvelles technologies qui sont autant des participants actifs de la mise en scène que des éléments du décor. A découvrir au Théâtre de Bayonne en janvier 2011.

Raphaële de Gorostarzu pour Flux 43.5

Opéra à Nuremberg Le directeur Peter Theiler de l’opéra de Nuremberg a souhaité réunir trois metteurs en scène européens, Kristian Frédric (France), Andreas Baesler (Allemagne) et Carlo Cerciello (Naples, Italie), pour travailler sur une création d’après l’opéra Orphée et Eurydice de Glück. La grande particularité de ce projet est de jouer cette œuvre à 40 mètres sous terre dans les sous-sols historiques de la ville de Nuremberg ! Contrainte qui bouleverse totalement la vision traditionnelle d’un opéra. L’opéra le plus célèbre de Glück a été découpé en différentes stations proposant une déambulation au public dans ce lieu hallucinant tout en tenant bien compte de ses contraintes (par exemple le temps maximum de jeu des musiciens et des autres interprètes sans qu’ils ne se mettent en danger…). Il s’est donné au mois de juillet 2010 à Nuremberg, sera repris l’an prochain à Naples et, pourquoi pas, à Bayonne, avec pour objectif de tenir compte des particularités de la ville fortifiée. Croquis préparatoire, Orphée et Eurydice à Nuremberg

Stéphane Guidi

« Jaz »

Rencontres au sommet Le festival de performances Rencontres improbables a rassemblé, tout au long de ces deux semaines, un grand nombre « d’impertinents ». Toutes ces rencontres ont fait salle comble et la centaine d’artistes, présente pendant ces quinze jours, était à la hauteur des espérances de Kristian Frédric, directeur artistique de la Cie Lézards qui bougent.

A la rencontre des gens Les performances qui impliquent le public à son insu sont très appréciées et même recherchées. Elles sortent quelques instants les gens de leur quotidien et les plongent le plus souvent dans un univers bien étrange. Ainsi, les réactions suite au happening théâtral où la déambulation de 17 comédiens dans 6 appartements de la cité Breuer a fait mouche. Les habitants des Hauts de Bayonne se retrouvaient au cœur de l’œuvre. Face à un comédien qui creusait un trou au pied des immeubles, on pouvait entendre toute sorte de réflexion : « Vous pensez qu’il enterre quelqu’un ? ». Idem pour celles organisées au sein des Galeries Lafayette. Bien identifiées dans ce festival, elles sont désormais attendues par le public. Ils sont nombreux à venir faire leurs achats pendant ces moments, avec la secrète envie de tomber dans les pièges tendus par les artistes.

Des créations originales De nombreuses œuvres présentées étaient de grande qualité. Pour n’en citer qu’une, la performance Erection de la compagnie Dernière minute. Un solo de danse très prenant, à découvrir par ailleurs si vous n’étiez pas là. On pourrait ainsi dérouler tout le programme et revenir sur chacune des performances pour dire combien le public a été conquis. Quelle conclusion en tirer ? Peut-être que nous avons besoin plus que jamais d’être surpris, étonnés, emmenés, éloignés de nos préoccupations quotidiennes. Quand l’art sort de ses musées, de ses galeries et vient à la rencontre des gens, l’alchimie semble immédiate.

« Jaz » Théâtre de Bayonne 25 > 29 janvier 2011 Cie Lézards qui bougent & La Factory 64 6 ter avenue de Jouandin, BP 710 – 64107 Bayonne cedex T. 05 59 50 36 60 contact@lezardsquibougent.com

www.lezardsquibougent.com

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de cour à jardin || Les Chimères à Bayonne

10 L’Oncle Vania de Tchekhov

Olivier Harrassowski

Tu n’es pas fou. Tu es tout simplement fêlé. Avant, je croyais que tous les fêlés étaient malades, pas normaux, et, maintenant, je pense que c’est l’état normal de l’homme d’être fêlé. Tu es parfaitement normal.*

Un plus un, deux L’annonce d’un festival qui change et une création : c’est toute l’actualité du Théâtre des Chimères.

L

* « Ez haiz eroa, buru arraildua baizik. Lehen, buru arraildu guziak eri zirela uste nian, ez normalak, eta orain, gizakiaren izaera normala buru arraildua izatea dela pentsatzen diat. Arras normala haiz. » (Astrov à Vania, extrait d’Oncle Vania de Tchekhov choisi par Jean-Marie Broucaret m.e.s. Traduction en langue basque de Txomin Heguy)

www.theatre-des-chimeres.com www.culturesfrance.com

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e Festival Translatines cultive depuis 1981 la formidable richesse du théâtre latino-américain en France. Concentré de propositions pertinentes et parfois périlleuses, en 2010 il était en « transit ». Transit comme franchissement, passage, traversée. Il sera désormais biennal. L’investissement humain et économique étant tel que pour accroître la diversité de la proposition et afin d’être à la hauteur de la vitalité du jeune théâtre latino-américain, la formule s’allège et se résume à un spectacle en 2010 pour créer une véritable explosion d’échanges et de réflexions autour des arts de la scène, d’ici, du Chili et du Mexique, en 2011. Marie-Julienne Hinguant, administratrice de la compagnie, explique que le budget approximatif du festival s’élève à deux cent cinquante mille euros. Cela inclut le coût des représentations, les déplacements nécessaires à la programmation des spectacles ainsi que le transport aller et retour des équipes artistiques. Pour alléger le budget, des aides au transport sont demandées aux pays participants et soutenant le festival, et les Chimères travaillent en accord avec d’autres programmateurs en France et en Europe facilitant ainsi aux compagnies invitées l’organisation de tournées européennes. Ainsi, en 2011, on sait déjà que deux compagnies chiliennes joueront à Bayonne et aux Célestins de Lyon, par exemple. Il est important de souligner également l’aide qu’apporte Culture France aux structures qui développent des partenariats soutenus à l’étranger, sans quoi rien ne serait possible. C’est notamment Culture France qui organise en 2011 l’année du Mexique en France. Avec le Chili, les Chimères entretiennent des relations privilégiées depuis de nombreuses années et Marie-Julienne souligne que la programmation avec les autres pays est d’autant plus difficile que les artistes étrangers ont du mal à s’engager d’une année pour l’autre car, ne bénéficiant pas de l’intermittence, ils doivent le plus souvent cumuler les activités. Au Chili comme en Espagne d’ailleurs, il n’est pas rare qu’une comédienne joue au théâtre et qu’en même temps elle tourne également dans plusieurs séries télévisées, ou serve dans un restaurant…

Au coût de la production s’ajoutent les ressources humaines indispensables au bon accueil des hôtes du festival. En général, les quinze permanents de la compagnie accompagnent durant toute la durée de la manifestation chacun une compagnie, et en 2009 quatre à cinq bénévoles passionnés et formés se sont engagés à soutenir le festival. Concernant la programmation de 2011, on sait d’ores et déjà que le thème fondamental sera « le théâtre et les langues minoritaires » et que, dans ce cadre-là, un spectacle en langue « mapuche » sera programmé. Idéalement, la compagnie souhaiterait organiser des réunions de travail autour de cette problématique qu’elle relie directement avec celle de la langue basque. À ce sujet, des liens étroits se tissent avec la ville de Saint-Sébastien qui programme « Itinerarte » et qui pourrait se joindre aux Chimères pour aborder, lors de rencontres professionnelles, une réflexion collatérale concernant la circulation des artistes et la langue basque au théâtre. C’est d’ailleurs en langue basque et langue française (le spectacle est joué dans une adaptation librement inspirée de la traduction d’André Markowick et Françoise Morvan pour la partie en langue française et de celle de Txomin Heguy pour la partie en langue basque) que s’est jouée au théâtre de Bayonne la nouvelle création de Jean-Marie Broucaret, directeur artistique et metteur en scène des Chimères, Oncle Vania de Tchekhov. Un bilinguisme compliqué à rendre intelligible pour le spectateur non averti, mais que Jean-Marie Broucaret rend nécessaire et évident dans ses choix de mise en scène. Il explique fort justement qu’au fond, la pièce met également en jeu une relation entre la ville et la campagne, illustrée par deux groupes de personnages : d’un côté les citadins, et de l’autre les gens de la terre. Ces deux origines se sont côtoyées et doivent finalement cohabiter, comme c’est le cas au Pays basque avec la langue basque (d’origine essentiellement rurale) et le français. Ainsi, dans cette adaptation, les natifs parlent basque lorsqu’ils sont entre eux et français lorsqu’ils s’adressent aux citadins. Des surtitrages projetés durant la représentation assurent la traduction des deux langues.

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en aparté || danse contemporaine – rue

Dantza Hirian fait danser les murs de la ville… Ici et à travers toute l’eurocité basque, cela fait cinq ans que l’on peut faire ces rencontres impromptues avec la danse contemporaine au détour d’une rue, sur une place, ou sur les façades de notre paysage urbain. Les danseurs reviennent chaque année flirter avec les feuilles d’automne tissant des liens de plus en plus forts avec le public. Direction du festival : Myriam Arkaia Dantza Hirian a eu lieu le samedi 25 septembre dans les rues de Bayonne

www.dantzahirian.com

Olivier Harrassowski

www.cqd.info

1. www.idocpreljocaj.org/ architecture 2. Propos recueillis dans le programme Dantza Hirian 2010 3. www.cqd.info 4 et 5. Propos recueillis dans le programme Dantza Hirian 2010

F

in septembre, l’équipe de Myriam Arkaia et les compagnies de danse invitées ont généreusement enchanté nos sens. Le festival Dantza Hirian a désormais cinq ans ; c’est peu pour un festival international, mais c’est assez pour comprendre qu’une place toujours plus grande doit lui être proposée à Bayonne. Une évidence, la danse doit être aussi dans la rue, audelà de quelques bals folkloriques, une importance plus grande doit être donnée à une chorégraphie du dehors et du dedans qui se marient si bien avec la ville, ses gens, ses bruits, son mouvement, sa vie, son architecture. A l’instar d’un Preljocaj1 qui chorégraphie les lignes pures de son écrin de travail, la compagnie Del revés (Barcelone) se sert de l’architecture comme support du mouvement. Dantza Hirian soutient l’idée d’une autre perception du corps dans l’espace public. Selon Juan Eduardo Lopez, directeur du festival Dies de Dansa à Barcelone, « La danse en espace urbain complète les propositions existantes. Elle contribue au développement de la danse et de l’art au sein de la communauté en lui donnant plus de visibilité. Le futur de l’art passe par la création d’espaces de rencontres entre l’art et la communauté2 ». L’ambition du festival est multiple. D’une part il sollicite un public inattendu, la qualité et la diversité de la programmation s’appuient sur le réseau auquel il appartient : Ciudades que danzan (CQD regroupe 35 festivals européens et latino-américains, qui proposent tous des spectacles en milieu urbain créant une interaction entre chorégraphie et architecture3). D’autre part, comme l’explique Santi Eraso (ancien directeur de Arte Leku, aujourd’hui directeur du programme culturel de la candidature de Saint-Sébastien comme capitale européenne de la culture), « Le projet de Dantza Hirian est une manière de renforcer les échanges sur l’Eurocité qui est un des axes du programme de San Sebastián 2016.4 » Par ailleurs, Dantza Hirian soutient la création en espace urbain. Avec son projet Aterpean, elle convoque de jeunes talents à une résidence de création qui s’effectue au mois de juillet entre la France et l’Espagne. Cette année, la jeune danseuse lauréate Izaskun Lapaza, a proposé une relecture de la chanson traditionnelle Tirauki, du groupe Oskorri. Accompagnée de la danseuse Amaia Navascues, de Larraitz Ugartemendia (claquettes) et de la violoniste Maria Lobero, Izaskun a présenté sa création au public bayonnais aux Halles en septembre et a animé au mois de juillet, dans le cadre de l’opération Ticket découverte, un atelier de sensibilisation. Place Montaut, les jeunes femmes ont travaillé avec un groupe d’enfants âgés de 6 à 11 ans : « les sourires qu’affichaient les enfants témoignent de l’intérêt des plus jeunes pour cette pratique qui stimule leur créativité naturelle. » Ces actions de sensibilisation laissent, selon Izaskun Lapaza, plus de traces que de simples représentations : « il s’agit d’une vision de la danse plus saine et qui amène plus de joie5 ».

Repite conmigo par la compagnie barcelonaise Del revés, place Montaut.

livres / films Pascal Convert / La mémoire sélection médiathèque L’Anti-musée Robert Cantarella ; Frédéric Fisbach ; Nouveaux débats publics, 2009 Appartement de l’artiste Pascal Convert ; L’énigme même de la beauté / Jean-Michel Michelena ; Blake, 1988. Texte en français et en anglais. « imProvista » [Vidéo] / Michel Portal & Bernard Lubat, polyinstrumentistes, voix ; réalisation : Pascal Convert Harmonia Mundi, 2006 Vive l’amusique Bernard Lubat, batteur, dir. musicale, paroles et presque toutes les musiques ; un film de Fabien Béziat, Pascal Convert, Michel Mompontet. Labeluz : Lubat Jazzcogne Productions, 2005

Théâtre Le Sang des promesses puzzle, racines et rhizomes Leméac / Actes Sud-Papiers, 2009 Ce court livre illustré comporte des textes de différentes natures qui ont jalonné l’écriture des pièces du quatuor de Wajdi Mouawad. Dans le même esprit que Seuls, Chemin, Texte et peintures, il compile lettres, courriels, commentaires, notes de travail qui montrent le chemin de création emprunté par l’auteur depuis l’écriture de Littoral.

Habiter les villes fortifiées Vauban, bâtisseur du Roi-Soleil, Fortification, urbanisme, architecture Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris. Exposition du 13 nov. 2007 au 5 fév. 2008. Collectif Catalogue d’exposition (relié). Paru en novembre 2007 Connaissance des Arts, Hors-Série n°349 Vauban. Bâtisseur du Roi-Soleil Paru en novembre 2007 Sentir, pour une anthropologie des odeurs Jane Cobbi, Robert Dulau ; Ed. L’Harmattan, 2004 Sentir bon, sentir mauvais. Sentir pour mieux connaître, pour reconnaître, pour retenir l’émotion ou pour se réjouir. Les auteurs de ce livre appréhendent le domaine olfactif sous des angles divers : neurophysiologie, mémoire, communication, rôle attribué aux senteurs dans différents milieux.

Bibliothèque universitaire Fluxus

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Joseph Beuys in America : Energy Plan for the Western Man, Carin Kuoni & Kim Levin ; Ed. Four Walls Eight Windows What Is Art ? Conversations with Joseph Beuys, Volker Harlan, Ed. Clairview Books Les mousses du quai de la Garonne, Anne Saffre ; Ed. Atelier de l’agneau, 2010

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Cité des Castors L’étonnante aventure des Castors L’autoconstruction dans les années 50 Maurice Vilandrau ; Ed. L’Harmattan, 2002

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musée oh ! || habiter les villes fortifiées

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Différentes dates clés dans l’évolution de la compréhension des villes fortifiées :

Maquette du Fort de Socoa à Ciboure. Conception Pascal Mory. Réalisation Université Polytechnique de Catalogne. Laura Baringo, Angel Garcia, 2010.Résine. Échelle 1/500

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Fin XIXe, déclassement des sites militaires, mal adaptés aux projets d’expansion des villes modernes, d’innombrables remparts et casernements sont détruits. Vers les années 1970, prise en considération de la valeur patrimoniale et urbaine de ces ouvrages. 2007, étape symbolique majeure : inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO des sites érigés par Vauban.

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13 Histoire, conservation, réutilisation et défis urbains Dans une scénographie sobre, à la lumière parfois tamisée respectant les documents anciens, l’exposition Habiter les villes fortifiées offre aux visiteurs l’occasion de découvrir combien l’architecture militaire inspire la création contemporaine. Une explication historique, des entretiens filmés, des photographies, des maquettes et des plans forment le regard à cette problématique de la revalorisation d’un patrimoine architectural déclassé jusqu’aux années 1970.

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nze villes sont présentées mettant en parallèle des expériences similaires en France et dans les Pyrénées-Atlantiques ainsi qu’en Espagne. Le département du soixante-quatre est fortement illustré, l’un des souhaits du commissaire Robert Dulau étant que l’exposition poursuive son itinérance et s’adapte aux lieux qui la reçoivent, afin d’approfondir in situ les recherches que nécessitent le sujet. Ainsi les villes de Bayonne, de Saint-Jean-Pied-de-Port, de Navarrenx et du Portalet sont représentées parallèlement à Avesnes-sur-Helpe, où le palais de justice récemment édifié est fortement inspiré des strates de la ville fortifiée. Par ailleurs, l’exemple de Lille est aussi particulièrement intéressant où une étude vise à utiliser les abords de la citadelle pour renouveler des formes de sociabilité et développer un projet lié à la biodiversité. Les forts du Briançonnais sont quant à eux si gigantesques et haut perchés dans les montagnes que, malgré les efforts de restauration mis en œuvre, ils semblent voués à un processus de très lente disparition. Point d’utopie donc. Concernant les œuvres exposées, on notera que deux maquettes ont été fabriquées à l’occasion par l’université Politécnica de Catalunya-Barcelone : celles des villes de Saint-Jean-Pied-de-Port et du Portalet. Olivier Ribeton, commissaire associé et conservateur du Musée basque et de l’histoire de Bayonne, souligne la présence d’une pièce tout à fait exceptionnelle, la vue cavalière du siège de Fontarabie par les Français en 1738. Les œuvres anciennes, plans et cartes des lieux ciblés sont indispensables à la bonne compréhension du développement des villes à travers le temps. L’évolution de ces supports et de la lecture de la ville est parfaitement signifiée dans cette exposition ; si jusqu’au XIXe les vues et perspectives cavalières ne livraient pas une transcription véritable de la cité, elles étaient cependant bien utiles aux marchands et aux voyageurs. Dans le catalogue de l’exposition, il est précisé qu’avec la maîtrise de la topographie, la figuration des courbes de niveau liée aux besoins des militaires entraîne la disparition des cartes aquarellées, tandis que le rendu gagne en précision.

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Commissariat d’exposition : Robert Dulau, Pascal Mory, Olivier Ribeton

Musée Basque et de l’histoire de Bayonne jusqu’au 16 janvier 2011 37 quai des Corsaires Tél. 05 59 59 08 98 • 10h - 18h30 sauf lundis et jours fériés • Entrée : 5.50 e Tarif réduit : 3 e Gratuit le 1er dimanche de chaque mois€

Conférence le 14 janvier à 18h par Josette Pontet & Robert Dulau

www.musee-basque.com

On notera qu’à Bayonne, Joseph Vernet au XVIIIe et Didier Lapène aujourd’hui, curieusement peindront d’un même point de vue le confluent de la Nive et de l’Adour. Selon le commissariat de l’exposition, c’était en considérant ce belvédère, récemment restauré, que Vauban avait choisi d’ériger la citadelle pour défendre Bayonne « comme si la ville offrait au guerrier et à l’artiste un point fixe, un lieu privilégié pour le combat ou la contemplation1. » On verra avec amusement le plan d’urbanisme proposé par l’architecte parisien Bouvard après la déclassification de l’enceinte de Bayonne au début du XXe qui envisageait de remplacer les bastions par des avenues et des immeubles. Enfin, un rapprochement direct est fait avec le présent, grâce aux entretiens filmés présentés sur de très petits écrans qui laissent le libre choix aux visiteurs, semble-t-il, de céder à la modernité de l’appréhension d’une autre histoire, celle racontée par les hommes. Ainsi, Nicole Mounier, conservatrice de la nouvelle bibliothèque universitaire de Bayonne, livre sa perception d’un bâtiment qui illustre concrètement les propos défendus dans cette exposition selon lesquels les villes fortifiées, « bien davantage encore que les architectures industrielles, offrent un champ original d’expérimentation, elles participent à la requalification urbaine et ne cessent de façonner la cité du XXIe siècle.2 […] Le fait d’être dans un bâtiment qui reprend la forme du rempart et d’un immense talus de terre est à la fois une énorme contrainte parce qu’on est dans un espace sur lequel on n’a aucune prise, qu’il faut faire avec cet espace, avec ce profil, avec cette hauteur. En même temps, on est dans une architecture très contemporaine qui a donné lieu à des innovations technologiques et qui a une vraie beauté. C’est valorisant pour nous. C’est valorisant qu’il surprenne.3 » 1 et 2. Robert Dulau, Pascal Mory, Olivier Ribeton in CAT. Expo. 3. Propos de Nicole Mounier – Entretien filmé in expo Habiter les villes fortifiées.

Grande maquette de Navarrenx. Echelle 1/250

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musée oh ! || Habiter les villes fortifiées – B. U. exemple

Il y a très peu d’effet de style dans cette bibliothèque, c’est une œuvre à la technicité complexe. Sébastien Causse

De l’exposition à l’exemple concret : la bibliothèque universitaire de la Nive Des contraintes du concours à l’ouvrage d’art Une des principales contraintes du projet a été l’emplacement imposé par le cahier des charges du concours. Le bâtiment devait se situer à l’emplacement du cavalier Sainte-Claire, et proposer une surface de mille six cents mètres carrés habitables. Deux possibilités donc d’appréhender l’obstacle : soit construire sur le talus, soit enfouir l’ensemble. Le cabinet d’architecture retenu a choisi un parti troglodytique. Par ailleurs, compte tenu de la valeur patrimoniale du lieu, il était demandé aux équipes de restituer des chemins d’artillerie, c’est-à-dire le profil du cavalier comme il avait été dessiné probablement à l’époque de Vauban. Mais le plus gros avatar aura été quand même, selon Sébastien Causse, architecte en chef, de découvrir en cours de chantier la nature du tunnel de pierre qui sépare en deux la nef centrale de la bibliothèque. Personne n’avait imaginé qu’il mesurait quatre fois la dimension supposée et que sa technique constructive faite uniquement de masse et de moellon relevait de la découverte archéologique. Ainsi, on a aujourd’hui une bibliothèque enfouie sous vingt-sept mille tonnes de terre, une sorte d’infrastructure colossale qui a convoqué des moyens intellectuels et techniques tels que ceux d’un pont.

Coupe transversale côté arche pare-boulet

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La résille qui pourrait être interprétée comme un décor inactif constitue un véritable moucharabié, source de lumière naturelle, son inclinaison à quarante-trois degrés a été étudiée pour que la lumière s’infiltre au plus profond de l’édifice. Son dessin est le résultat d’ingénieux calculs permettant de la rendre autoporteuse. L’effet perçu résulte d’un travail dans le creux, dans le bloc plutôt que dans la finesse d’un tissage envisagé au départ, et lorsque le regard se porte sur sa tranche il semble qu’elle soit opaque, la luminosité présente à l’intérieur est ainsi d’autant plus surprenante. La moindre subtilité contient un langage mécanique très fort, il fallait que tous les détails architecturaux aient un aspect brut, brutal, « brutaliste », explique Sébastien Causse. Par exemple, toutes les liaisons de ferronnerie sont boulonnées, marquées sans compromis ni finesse. Là, on est dans l’architecture militaire et donc celle de Vauban, efficace avant d’être esthétique, ajoute-t-il. Une baie horizontale a servi de prototype, inspirée d’une porte de bunker. Elle s’ouvre par translation, c’est-à-dire par un système de triangulation à l’intérieur afin de conserver l’aspect monolithique du gond. Le squelette intérieur répond aux mêmes critères qu’à l’extérieur, mais de façon peut-être plus évidente. Comme un tablier de pont, il encaisse des charges énormes. L’esthétique de l’ouvrage reflète la contrainte des descentes de charges et résulte de la confrontation mécanique des forces. Le fonctionnement est semblable à celui des poussées exercées sur la clé de voûte d’une cathédrale dont la crypte serait la zone d’archives, la plus pure selon l’architecte. Tout y semble exagérément démesuré. Les poteaux en béton coffré dessinent un plan incliné et reprennent un vocabulaire récurrent dans l’architecture de Vauban qui, n’en déplaise à certains historiens, lui confère un aspect esthétisant. Malgré tout, selon Sébastien Causse « il y a très peu d’effet de style dans cette bibliothèque aussi paradoxale que cela puisse paraître, c’est une œuvre à la technicité complexe. Ce qui pourrait faire basculer de l’une à l’autre serait d’accepter l’esthétique liée à la contrainte. »

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15 Savoir & faire savoir Serge Airoldi a écrit Dans le secret des casemates (Bayonne), revue Le Festin n°75 La vie rêvée des villes www.lefestin.net

Raphaële de Gorostarzu

Courtoisie à Damien

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Le Bayonnais Julien Klisz

www.labiennale.org

Personne n’avait imaginé que le tunnel de pierre, qui sépare en deux la nef centrale de la bibliothèque, mesurait quatre fois la dimension supposée et que sa technique constructive, faite uniquement de masse et de moellon, relevait de la découverte archéologique.

Courtoisie à Damien

De l’ouvrage d’art à sa perception « La plupart des visiteurs sont frappés par la lumière qu’il y a dans le bâtiment, certains sont choqués par l’omniprésence du béton, mais les plus jeunes trouvent en général l’ouvrage plutôt séduisant et la plupart sont très séduits par une partie de son mobilier en bois brut, en troncs d’arbres. Il se marie très bien avec l’omniprésence des lignes droites, des angles droits du béton, du gris du béton et d’une espèce de froideur. Pourtant, j’ai compris durant le chantier que le béton, c’est tout sauf froid. Ce béton qui de loin semble uniformément gris, de près est plein de motifs, de dessins, de cartographies diverses. Il est plein de couleurs aussi. De près, le béton change de couleur sans arrêt, il y a des formes, des tâches, des trous, des fentes. C’est un vrai matériau, une vraie matière et pas du tout quelque chose de froid et lisse4. » Dès le début de la conceptualisation s’est manifestée l’idée d’intégrer une vie organique à la bibliothèque. On le voit en façade, le choix du béton laisse la mousse animer la pâleur de la matière support. Tout le versant ouest est recouvert de végétation. Les pieds de la résille s’évanouissent au milieu de gros cailloux noirs d’ophite, conférant un aspect minéral à l’édifice. La coque vit en osmose avec son environnement et à l’intérieur du squelette l’artistesculpteur Christophe Doucet a eu carte blanche pour créer des éléments du mobilier dans le bois récupéré de quelques chênes qui se trouvaient sur le talus avant le chantier de construction. C’était un souhait de l’équipe d’architectes qui, dès le début, a voulu conceptuellement se rapprocher de l’idée de Beuys et son Fluxus en considérant que le chantier devait aussi développer son propre outillage et sa propre vérité et que, toutes les traces que les travaux de construction laisseraient, devraient être intégrées à l’écriture de la bibliothèque. L’artiste-sculpteur a donc introduit le tronc des arbres dans la bibliothèque sans qu’ils soient traités… Des champignons ont poussé dessus et de petites bêtes ont continué à creuser le bois des bureaux, des bancs et du comptoir à l’accueil de la bibliothèque.

a remporté le Concours étudiant européen sur l’architecture durable organisé par la Cité de l’architecture & du patrimoine / Institut français d’architecture, sous l’égide du programme européen Gaudi. A 22 ans, il étudie à l’Ecole nationale supérieure de Paris La Villette. Son projet « Urban alchemy » a été exposé à la Biennale internationale d’architecture de Venise.

Je suis mon propre point de fuite je suis tu suis il suit nous suivons vous suivez ils suivent

4. Propos de Nicole Mounier – Entretien filmé in expo Habiter les villes fortifiées.

La nouvelle bibliothèque universitaire de Bayonne a été conçue par les architectes bordelais Jean de Giacinto, mandataire, associé à Duncan Lewis et Sébastien Causse, chef de projet.

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www.jeandegiacinto.fr

La chorégraphe Anne Saffre improvise dans le chantier de la bibliothèque en 2008. mouvements : Anne Saffre montage image / son : Anne Saffre & Philippe Laval http://www.youtube.com/ watch ? v=4bW-nXDhcnY

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musée oh ! || musée bonnat – Carré Bonnat

Vincent Ducourau tire son chapeau

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Après trente-cinq ans à la direction du musée Bonnat, Vincent Ducourau a fait tomber son tablier de chef, passant la main à Sophie Harent. Ce personnage incontournable de la vie culturelle bayonnaise raconte son musée comme il ne sera jamais possible de le lire dans un livre. Avec délectation, on l’écoute se perdre dans ses pensées, ses souvenirs, sa soif de partager un bonheur inépuisé de lire une œuvre et d’entendre son artiste.

Il doit y avoir une cohérence des acquisitions. Un musée, c’est comme une maison. Quand vous ouvrez la porte, vous devez savoir chez qui vous entrez. C’est ce qui fait la force de ces musées de province.

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Vincent Ducourau chez lui

Musée Bonnat Salle Paul Helleu Donation Howard Johnston nouvel accrochage de la salle « Mère et enfants, dans l’intimité d’Helleu » 5 rue Jacques-Laffitte tél. 05 59 59 08 52 • Horaire d’hiver 10h30 - 12h30 / 14h - 18h sauf mardi et jours fériés • En raison de la fermeture du second étage pour travaux, l’entrée du musée est à 3 e • Gratuit -18 ans et le 1er dimanche de chaque mois

www.museebonnat.bayonne.fr

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C’

est en 1975 qu’il s’installe dans ces murs. Curieusement, il doit annoncer lui-même à Paul Mazé, peintre, premier prix de Rome (en 1928), et directeur jusqu’alors, qu’il sera son successeur. L’artiste, surpris, s’étonne surtout du bruit que font sur le parquet les talons du jeune homme, confus. Ils sympathiseront, pourtant, et cohabiteront, Paul Mazé conservant longtemps au musée son atelier d’artiste. Vincent Ducourau explique que « c’était un plaisir de le voir travailler là. Ses créations s’apparentent à la peinture académique du musée, son regard sur les œuvres était drôle, souvent à l’emporte-pièce, quand celles-ci ne lui plaisaient pas. Grâce à lui, je ne suis pas rentré dans ce lieu qu’avec mon bagage d’historien, mais j’ai aussi bénéficié de son regard d’homme proche du XIXe siècle. » Ancien du cabinet des dessins du Louvre, il explique très simplement que cela lui a permis de faire venir quelques dessins de Michel-Ange lors d’une exposition tempo-

raire, chose inimaginable aujourd’hui. « Mais à l’époque, reprend-il, le dessin n’était pas encore trop apprécié. Aussi, l’exposition est-elle passée inaperçue. On savait que c’était un trésor, on entendait toujours le même discours sur le premier geste du maître, sa pensée. Mais les regards n’étaient pas encore bien mûrs. » Très vite, tandis que le musée primitif consacrait son premier étage à une bibliothèque et un muséum d’histoire naturelle, il ferme ses portes pendant trois ou quatre ans. Période durant laquelle sont entrepris des travaux de réaménagement, donnant au musée la configuration générale que nous lui connaissons actuellement. Un nouvel accrochage se prépare, certaines œuvres sont restaurées. « A cette époque, précise-t-il, l’Etat et la Ville ne rechignaient pas à multiplier par dix les dépenses. Dès qu’il y avait une nouvelle idée, elle était soutenue sans limites. Un Murillo a été acheté, cinq ou six millions de francs. » Durant trente-cinq ans, il s’est nourri de ses rapports avec les artistes, leur histoire, la façon dont ils respirent leur époque. Le plaisir qu’il prenait à contempler l’homme et l’objet lui ont donné la soif de partager sa passion et d’expliquer aux visiteurs les œuvres qu’il choisissait d’exposer. « Ces contacts avec les jeunes de la Z.U.P. ou avec l’écrivain Jorge Semprún ont été des moments excessivement forts. » Il se souvient que, commissaire invité, « Semprún était descendu à la réserve choisir des œuvres sans aucun intérêt apparent mais qui présentaient une sorte de support littéraire qui lui avait plu. C’était un peu vaniteux de sa part, de ne pas regarder les jolies choses qu’on lui disait de regarder. Cependant, il avait cette manière de trouver les mots pour parler de ces œuvres médiocres, qui vous faisait taire un moment… Il en est de même, lorsque Pascal Convert passe au musée et prononce, tout d’un coup, deux ou trois mots qui vous touchent profondément. » Parmi les expositions qui ont marqué la carrière de Vincent Ducourau, il y aura eu Picasso aux Arènes, et plus récemment il avoue avoir pris beaucoup de plaisir à convoquer les professeurs de l’Ecole d’art de la communauté d’agglomération du B.A.B. au Carré Bonnat. Belle démonstration, par une institution, de l’idée qu’il défend, selon laquelle « l’art part dans tous les sens, puisqu’il y avait des choses très académiques, très élaborées ou très conceptuelles. » Sa vie au musée s’est faite d’importantes rencontres, notamment Madame Howard Johnston, très élégante vieille dame à l’allure aristocratique, au style un peu insolite, très « british », alors qu’elle ne l’était pas du tout. Lorsqu’elle séjournait sur la Côte Basque, elle se rendait au musée en taxi jusqu’à ses quatre-vingt-quinze ans.

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17 Une œuvre de Achille Zo (1826 – 1901), dans les réserves du musée

galeries Spacejunk board culture art centers

C’est à la veille de sa mort qu’elle a fait du musée son légataire universel, après lui avoir fait don en 1988, de l’œuvre de son père, le peintre Paul-César Helleu1, en assurant ainsi la pérennité. Ce legs s’inscrit parfaitement dans la lignée de la collection Bonnat. « Les portraits de Bonnat, c’est un peu l’austérité de la banque, Helleu ce sont les mêmes jeunes filles, mais ce serait leurs enfants élégantes qui dépensent l’argent. » Pour Vincent Ducourau « il doit y avoir une sorte de cohérence des acquisitions. Un musée, c’est comme une maison. Quand vous ouvrez la porte, vous devez savoir chez qui vous entrez. C’est ce qui fait la force de ces musées de province. » Enfin, au-delà de la qualité d’un tableau, des grandes expositions et des beaux noms, il semble que ce qui a animé l’homme durant trente-cinq ans ait été son rapport privilégié à l’œuvre, et l’immense qualité du fonds qu’il a partagé goulûment avec le public.

www.spacejunk.tv

Galerie des corsaires

Raphaële de Gorostarzu

1. Depuis 1990, le musée Bonnat détient l’un des fonds les plus importants des œuvres de Paul Helleu grâce à la générosité de Madame Howard- Johnston, fille de l’artiste. Les pointes sèches, dessins et pastels sont rassemblés et consultables (sur rendez-vous) dans le cabinet des dessins du musée, ou exposés par roulement avec les peintures, dans la salle Paul Helleu.

35 rue Sainte-Catherine Du mardi au samedi, de 14h à 19h30 Tél. 05 59 03 75 32 Jusqu’au 11 décembre Doug Bartlett « Personality Instantly » Du 16 décembre 2010 au 29 janvier 2011 Jon Fox Build your enemy

Cinquante-deux objets d’art, objets du quotidien ou objets insolites, ont été sélectionnés par des élus cantonaux parmi les deux mille cinq cents œuvres qui appartiennent au Conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Bien qu’elles ne reflètent pas l’histoire du territoire, elles illustrent toute la richesse et la diversité de son patrimoine.

Un élu, une œuvre, le Conseil général des Pyrénées-Atlantiques en 52 œuvres des collections départementales Entrée libre Tous les jours de 10h à 18h sauf mardi et jours fériés

www.museebonnat.

Le Couvent des méduses 51 avenue Louis de Foix Tél. 05 59 55 36 01 10, 11 & 12 décembre de 15h à 19h30 “Faites de l’art” Vente d’une sélection d’œuvres pour les fêtes. Janvier : Ouverture de l’expo permanente. L’occasion de découvrir ce lieu unique à Bayonne et les œuvres de céramistes, graveur, dessinateurs, peintres, sculpteurs. Mercredi, samedi et dimanche de 15 à 19h ou sur rendez vous. 1er > 28 février : Les “Frère”, un couple en art. Peintures et bronze.

Un élu, une œuvre

Carré/Bonnat jusqu’au  23 janvier 2011

16 Rue Pontrique Du lundi au samedi, de 16h à 19h jusqu’au 10 déc. David FERREIRA 10 > 31 décembre Paco IBANEZ et Chantal TAILFER

Cette exposition temporaire itinérante présente pour la première fois au public des œuvres issues des collections du château de Laàs et du château de Morlanne. La scénographie a été imaginée par Duke Industry. Le parti pris est de présenter les œuvres dans des cartons-vitrines posés sur des caisses-socles en bois brut. Le public est invité à déambuler parmi les collections départementales, comme entreposées dans un hangar fantastique habituellement fermé au public. C’est d’ailleurs le sort réservé à ce patrimoine départemental, faute de salle pour les exposer. A chaque œuvre son décor, fruit d’un subtil jeu de contextualisation. Ainsi, si la majeure partie des œuvres bénéficie d’un décorum inspiré de leur univers, de leur usage, ou encore de leur époque, d’autres se voient propulsées dans un univers de contes et légendes. Ce mélange des genres et des siècles est rendu possible par l’utilisation de différentes techniques (peinture, photo, travail sur bois, tapisserie) et le savoir-faire (décoration d’intérieur, de théâtre, graphisme, etc.) issus du monde du spectacle…

lecouventdesmeduses.com

conférences & débats Ecole d’art du BAB 7 décembre > 18h30 St-Crouts, 3 av. Jean Darrigrand. Amphi 100 Do it for Satan Le satanisme dans l’art contemporain par Benjamin Bianciotto

bayonne.fr

Médiathèque centre-ville 10 décembre > 18h15 L’action culturelle à la Maison d’Arrêt

Musée Bonnat 10 décembre > 15h Trois siècles de visiteurs russes sur la côte basque

7 janvier 2011 > 15h

Jean-Marc Decompte

La franc-maçonnerie après 1717

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28 janvier 2011 > 15h Les Basques pendant la guerre 14-18

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sur la toile || L’atalante

« Rubber » de Quentin Dupieux

L’Atalante 7 rue Denis Etcheverry T. 05 59 55 95 02

Hippolyte Girardot, un huissier pris en otage, dans « Dernier étage gauche gauche » d’Angelo Cianci.

www.cinema-atalante.org

A l’Atalante, les salles sont chauffées ! Pas besoin de cet argument hivernal pour attirer les cinéphiles dans les salles obscures de notre cinéma d’art et d’essai. La programmation de cette fin d’année à l’Atalante prouve une fois de plus que ce haut lieu de la culture ne laisse personne sur le trottoir de la rue Denis Etcheverry. Sylvie Larroque, sa directrice artistique propose des films et des soirées exceptionnelles à destination d’un très large public. Enfants, décalés, classiques : tout le monde se retrouvera dans cette programmation du mois de décembre.

Le succès de l’Atalante vous appartient aussi

Mercredi 8 décembre / projection + goûter

studio Folimages

Les plus jeunes vont s’initier aux premiers frissons des polars avec Une vie de chat. Ce dessin animé est l’œuvre du studio Folimages qui nous avait déjà enchanté avec La Prophétie des grenouilles ou Mia et le Migou. Pour se remettre de leurs émotions, un bon goûter sera offert aux petits cinéphiles.

Vendredi 10 décembre / projection + concert Soirée décalée voire… très décalée avec la programmation du film We Are Four Lions de Chris Morris. Une comédie anglaise qui raconte les aventures de quatre terroristes en herbe prêts à tout pour servir leur cause mais capables de pas grand-chose. Séance suivie d’un concert du groupe Ensemble 0 (oui oui, on va encore danser à l’Atalante) et pour clôturer en grandeur cette soirée, projection de l’inclassable Rubber. Ce film très décalé, qui conte l’histoire d’un pneu tueur, sort tout droit de l’imagination de Quentin Dupieux. Vous avez certainement dans un coin de la tête sa créature, Mr Oizo, qui fit un tabac dans les années 90 avec le morceau Flat Beat. Bref, une soirée adaptée et conseillée à tous ceux qui cherchent à pimenter quelque peu leur quotidien !

« Une vie de chat » du studio Folimages « Another Year » de Mike Leigh

Plusieurs rencontres avec des réalisateurs sont également au programme :

Jeudi 2 décembre / rencontre

On sait que la pérennité des cinémas d’art et d’essai est un combat quotidien. Au même titre qu’un théâtre ou une salle de spectacle, ils ont pour mission de se créer une véritable identité. L’Atalante et l’Autre cinéma frôlent cette année les 100 000 entrées et confirment un équilibre financier pour la quatrième année consécutive. Le rôle des abonnés est important à souligner dans ce bon résultat. Ils sont aujourd’hui 1 300 à soutenir l’Atalante. Une opération avantageuse pour tous. L’adhésion est de 34 euros pour une personne, 52 euros pour un couple. Le prix de la place passe ainsi de 6,20 à 4,20 euros et des prix préférentiels sont proposés toute l’année notamment à l’occasion des avant-premières.

Vous pourrez discuter avec Jean-Pierre Améris lors de la projection en avant-première de son film Les Emotifs anonymes, l’histoire de deux grands émotifs qui n’osent s’avouer leur amour, avec Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré.

Mardi 7 décembre / rencontre

À noter dans vos agendas 2011

Autre rencontre avec Angelo Cianci, réalisateur du film Dernier étage gauche gauche. L’histoire d’un huissier pris en otage, avec dans ce rôle Hippolyte Girardot. Un film qui porte un regard sur la banlieue très éloigné des clichés et dénonce l’obsession sécuritaire.

Vendredi 14 janvier Incendie du canadien Denis Villeneuve

Vendredi 17 décembre / dernière soirée spéciale ! Dès 19h30 une soirée apéro-tapas-sangria est offerte aux adhérents, suivie de la projection en avant-première du film Another Year de Mike Leigh, très remarqué lors du dernier festival de Cannes. Ainsi s’achève l’année 2010 de l’Atalante. Un beau programme en attendant avec patience la sortie du n° 245 de la gazette.

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Première soirée de l’année :

Ce film est l’adaptation de la pièce de Wadji Mouawad, jouée en décembre 2009 au Théâtre de Bayonne. La compagnie Les Cous Lisses lira des textes de l’auteur à l’occasion de cette soirée.

Du 6 au 9 avril Rencontres sur les docks Ce rendez-vous culturel incontournable à Bayonne est empreint chaque année de moments forts et de belles rencontres.

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Les ++

Nebbia

de monsieur BYN

ORBCB (Ette Kim au piano)

Cel 3

Teddy Costa

ORBCB www.orbcb.fr

Samedi 8 janvier, 20h30 Dimanche 9 janvier, 17h Théâtre de Bayonne concert du Nouvel an «Champagne »

Scène nationale Bayonne Sud-Aquitain

Direction : Philippe Forget

Verdi

www.snbsa.fr

Jeudi 16, vendredi 17 & samedi 18 décembre, 20h30 Cirque Eloize & Teatro Sunil, Nebbia Jeudi 20 janvier 2011, 20h30 Cie Georges Momboye Clair de lune Jeudi 13 & vendredi 14 janvier 2011, 20h30 Teatro Sunil Donka, une lettre à Tchekhov de Daniele Finzi Pasca

60 ans de l’Union commerciale et artisanale Dimanche 19 décembre, 20h30 Théâtre de Bayonne Concert exceptionnel Murray Head & Cel 3

dr / Olivier Houeix / Valérie Remise / Samuel Sebillaut

Médiathèque centre-ville www.mediatheque.bayonne.fr

Du 6 au 31 décembre 2010 Exposition Légendes bayonnaises Claude Labat, de l’association Lauburu, présente trois légendes bayonnaises, Saint Léon, le pont de Proudines, le chevalier de Belzunce, mettant l’accent sur les liens entre fiction et faits historiques ainsi que sur la nécessité des mythes dans la construction de l’Histoire.

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Ouverture de Nabucco

Strauss Carmen quadrille op.257 Perpetuum mobile / Pizzicato polka Marche Perse / Furioso Polka Bauem Polka

Donka

Hellmesberger Danse diabolique

Rossini

Luna Negra www.lunanegra.fr

Mercredi 22 & jeudi 23 décembre, 20h30 « Connaissez-vous l’histoire de…» Jeudi 30 décembre, 20h30 Vendredi 31 décembre, 20h & 22h Humoristes & associés Vendredi 7 & samedi 8 Janvier 2011, 20h30 Les Pères Peinards Jazz manouche

Ouverture de la gazza ladra

Waldteufel Valse des patineuses

Leopold Mozart La Symphonie des Jouets

Dimanche 16 janvier, 17h30 Conservatoire Musique française Fauré Trois mélodies : Green, Mandoline, Clair de Lune

Saint Saens Violons dans le soir, Le bonheur est chose légère,

Mercredi 12 Janvier 2011, 21h Teddy Costa & The Thompsons Blues

Connesson

Vendredi 14 & samedi 15 janvier 2011, 20h30 MARTIAL REMET UNE COUCHE One Man Show

Massenet

Jeudi 20, vendredi 21 & samedi 22 janvier 2011, 20h30 ÉLOGE DE LA PIFOMÉTRIE Ovni théâtral, de et par Luc Chareyron Jeudi 27 janvier 2011, 20h30 Ring d’impros Match Impro Vendredi 28 & samedi 29 janvier 2011, 21h20 Reynier Silegas & Conga Libre Danse Salsa

Sextuor

Satie Ludion, Elégie, On dit

Ravel Trio

Vendredi 21 janvier, 20h30 Musée Bonnat Son dessus dessous dans le cadre du cycle Musicabonnat Un programme qui allie instruments classiques, électroniques et vidéo.

Crumb Vox Balaenae pour 3 instrumentistes masqués

Debussy Six épigraphes antiques pour piano à 4 mains

Monnet Premier regard, pour violon électronique et dispositif vidéo

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de-ci delà || la cité des castors

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Un patrimoine du quotidien Julie Boustingorry a choisi comme sujet de thèse son quartier. Petite-fille de Castor, elle propose aujourd’hui la visite d’une cité construite par ses grandparents, où ses parents vivent encore. Un quartier ordinaire, édifié dans des conditions extraordinaires, par un petit groupe de personnes exemplaires. Ici, l’intérêt ne réside pas tant dans ce que l’on voit, mais dans la chaleur des propos rapportés, et les valeurs profondes qui en émanent.

Un architecte, une exception La Cité des Castors se distingue des autres exemples français, car un architecte, Charles Ducoloner, a dessiné le plan de masse. Ainsi l’orientation des maisons est parfaitement étudiée, avec des jardins individuels sans vis-à-vis.

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Un démarrage difficile

En 1949, Jean Lannes présente à la mairie et aux futurs Castors son projet de création d’une cité de cent logements individuels avec jardins par autoconstruction. Ce qu’ils appellent l’aventure commence. « Aventure je dis bien, car il fallait être fou pour se lancer dans la bagarre alors que nul espoir, nulle certitude ne se levaient à l’horizon. C’est aussi ce qui fait la richesse de ceux qui ont voulu et qui ont cru. » (Jean Lannes*). La mise en chantier du terrain est une étape importante, déjà perçue comme une première victoire. Le fait que l’avenue qui traverse la cité se nomme 7 août 1951, date du premier coup de pioche, en témoigne.

Une histoire d’hommes et de femmes

Des jeunes du service civil sont venus porter main-forte durant les travaux. Tous s’en souviennent, précise l’historienne, mais il est intéressant de confronter les témoignages aux archives. On se rend compte que le souvenir est magnifié : ils ont vécu une aventure extraordinaire et ils en sont fiers, mais ils ont un peu oublié certaines choses. Par exemple, la première année, ces jeunes sont venus pendant les fêtes de Bayonne, ce fut un véritable tollé, au point de décider l’année suivante de les faire venir plus tard.

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Du rêve à la réalité : témoignage Madame Lannes, ancienne institutrice, est une dame frêle et âgée, à la voix douce et à l’esprit certain. Son défunt mari est à l’origine de ce beau projet. Un peu intimidée devant l’objectif mitrailleur de notre photographe, elle nous raconte comment le rêve de son époux est devenu réalité. Assise à ses côtés, Julie Boustingorry anime la conversation, acquiesce en souriant aux propos de l’octogénaire les complétant volontiers d’un point de vue tantôt de petite-fille de Castor, tantôt d’historienne.

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Les noms de rue et de maison : reflet d’un idéal

Chaque Castor construisait en fonction de ses moyens, ainsi une maison porte le nom de Pygmée, c’est la plus petite. La spécificité de la formule est que chacun s’engageait à travailler sur le chantier pendant son temps libre. A l’idée de travail collectif s’ajoutait celle d’une envie profonde de paix, que l’on retrouve en regardant le nom des rues : rue Gandhi, rue du Docteur Schweitzer, place de la Paix.

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(* cité dans la thèse de Julie Boustingorry)

J’ai vécu les tout premiers temps de cette aventure. Mon mari était responsable syndical, il allait très souvent à des réunions, notamment à Bordeaux. Dans ces cas-là, il descendait à Pessac chez un copain. C’est lui qui était à l’initiative de la création du premier groupe de Castors en Aquitaine. Là-bas, ils ont construit une centaine de logements, des maisons individuelles. Quand il revenait, il en parlait, ça le faisait rêver… et puis finalement, avec un groupe d’amis, ils ont concrétisé les choses. Ça a démarré tout doucement. Ils étaient bien organisés. Tout le monde a donné de son temps. Oh ! Des anecdotes, il y en a… Par exemple le jour où, avec mon mari, Monsieur Ducoloner est allé présenter ses plans à la mairie ; tandis qu’il les punaisait tranquillement au mur, le maire s’écriait : “Mes Gobelins !” Tout le monde n’était pas trop pour que la Cité se fasse ! conclue-t-elle.

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Décors extérieurs

Si la décoration est laissée au goût de chacun, de nombreux éléments se répètent. A l’instar des portails, qui à l’origine ont été commandés ensemble à un seul ferronnier. Certains ornements de poteaux dessinent les mêmes figures, boules ou cubes en béton.

A paraître en 2011 Contribution à l’étude du logement en Aquitaine, 1850-1960. Du logement populaire à l’habitat social, des réalisations innovantes à travers les expériences du castorat. de Julie Boustingorry Thèse d’histoire contemporaine, sous la direction de C. Thibon, soutenue à l’université de Pau et des Pays de l’Adour en novembre 2008.

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