LEANovation dans la fonction finance
Le Lean dans la fonction finance : mode ou tendance de fond ? Livre Blanc | 2015
Sommaire Editorial............................................................................................... 5 Du manufacturing à la finance................................................. 6 Du temps des pionniers au Lean Six Sigma................................................................6 Pièce mécanique ou pièce comptable, tout est question de processus..........8 A la poursuite de l’excellence opérationnelle...........................................................10
Les 9 réflexes Lean Six Sigma..................................................12 Mener la chasse aux « gaspi ».......................................................................................13 Créer de la valeur pour ses clients................................................................................16 Connaître le terrain.............................................................................................................18 Recourir au management visuel ..................................................................................19 Maîtriser sa performance.................................................................................................22 Stabiliser et standardiser..................................................................................................23 S’engager dans la durée...................................................................................................24 Oser l’approche collaborative.........................................................................................25 Stimuler l’innovation..........................................................................................................26
Le Lean, une histoire d’Hommes.............................................28 A chacun sa voie.................................................................................................................28 Une prééminence de l’humain sur le système........................................................30 Innover pour motiver.........................................................................................................34 Le Lean, facteur de stress ou de motivation ?.........................................................36
2 | Sommaire
Comment évaluer votre Leanitude ?.....................................38 Les quatre dimensions de l’entreprise Lean.............................................................38 La matrice LIFT : un ascenseur vers la performance.............................................40 Champion, expert ou timide ?.......................................................................................44
Les clés de la réussite...................................................................50 Une mobilisation significative, en paroles et en actes, du Top Management........................................................................................................50 Une phase pilote clé..........................................................................................................56 Think global, act local.......................................................................................................56 Le bon outil au bon moment.........................................................................................58
Conclusion.......................................................................................62 Bien plus qu'une mode, une tendance de fond......................................................62 Un défi à la portée de tous…..........................................................................................62 … à condition de s’inscrire dans la durée...................................................................63 Un élan vers la quête de sens........................................................................................64 Une réponse crédible aux menaces de délocalisation.........................................65 Remerciements....................................................................................................................66 Partenaires.............................................................................................................................67 Contacts.................................................................................................................................69
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Editorial
« Passer du ‘Command & Control’ au ‘Trust & Empowerment’ » Secteur financier
« A force de ne pas se remettre en cause, c’est vous que l’on remet en cause » Secteur financier
« Soyons pragmatiques, le Lean ne résout pas tout » Secteur automobile
« Le Lean est fait de petits pas rapides » Secteur aéronautique
4 | Editorial
« L’excellence opérationnelle, c’est du bon sens mis entre les mains de généralistes de haut niveau » Secteur financier
« C’est un marathon, pas un sprint » Secteur pétrolier
« L’enjeu, c’est de maintenir l’initiative dans la durée » Secteur informatique
« On peut résumer l’amélioration continue en 4 mots : Garantir, Analyser, Piloter, Partager » Secteur informatique
Editorial Longtemps cantonnée à un rôle de fonction support, la Fonction Finance a vu son rôle d’animation de la performance de l’entreprise renforcé par la crise économique. Cette évolution vers un rôle à plus forte valeur ajoutée l’a conduite à optimiser son propre fonctionnement afin d’être elle-même exemplaire vis-à-vis des fonctions/métiers qu’elle doit supporter et évaluer dans la création de valeur. Cette importance accrue donnée à une plus grande efficacité opérationnelle et une amélioration du service à ses clients internes a naturellement conduit les directeurs financiers à se tourner vers le Lean. Ainsi, le Lean est à la mode et fait son entrée en force dans le monde feutré des Directions Financières. Axa, Société Générale, Shell, Safran, Zodiac Aerospace, Sanofi, EDF, General Electric, PSA, DHL sont autant de groupes où le Lean a pénétré le monde de la comptabilité. Mais de quoi s’agit-il au juste ? Tout ce que vous avez voulu savoir sur le Lean sans jamais oser le demander : voici l’une des promesses de cet ouvrage, que nous avons voulu résolument pratique et émaillé d’anecdotes et de cas concrets. Sans lever le voile sur les concepts que nous développons en détail dans cette publication, le Lean est une démarche d’amélioration continue - inspirée à l’origine du monde industriel (système de production Toyota) - qui vise à éliminer les tâches sans valeur ajoutée pour le client, et à cibler le zéro défaut dans l’exécution des processus. C’est aussi un état d’esprit qui vise à mobiliser l’ensemble des collaborateurs vers une logique de progrès continu.
Sa transposition dans le monde de la Finance engendre des défis spécifiques inexistants dans un environnement industriel. En effet, à la différence du manufacturing, les processus financiers sont généralement non visibles donc plus difficiles à appréhender ; les clients – internes pour la plupart – sont généralement mal identifiés. Enfin, le poids de l’environnement règlementaire inhérent aux contraintes normatives et de contrôle interne a contribué à alourdir considérablement les processus financiers, rendant l’équilibre efficacité/contrôle plus difficile à lire pour les opérateurs.
Elisabeth Denner Partner BearingPoint Albin Jacquemont Directeur Financier Darty Administrateur de l'APDC Sébastien Canonne BearingPoint
Les concepts étant posés, les questions soulevées sont multiples : quels sont les points de vigilance lors des projets de mise en œuvre ? Comment déployer un projet Lean ? Faut-il s’appuyer sur un noyau d’individus dédiés au sujet, ou au contraire former l’ensemble des acteurs ? Comment la démarche progresse-telle dans l’entreprise ? Comment aller audelà des outils Lean et mener une véritable transformation Lean ? C’est pour faire un point de situation concret, mais aussi pour identifier les bonnes pratiques et les clés des programmes Lean réussis, que nous avons interrogé des directeurs comptables et financiers ayant été en prise avec des démarches d’amélioration continue. Nous vous souhaitons une bonne lecture et espérons que vous partagerez notre enthousiasme quant à la richesses des témoignages recueillis.
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Du manufacturing à la finance Du temps des pionniers au Lean Six Sigma Au cours du XXème siècle, quelques entreprises internationales se sont lancées dans des programmes d’amélioration continue, développés en interne pour répondre à des défis spécifiques. Après des phases de doute sur leur possible généralisation, les concepts de Lean et de Six Sigma ont dépassé ce stade et sont, à présent, très fortement implantés dans les milieux industriels, souvent de façon complémentaire. Le Toyota Production System et le Lean A l’origine du Lean, on trouve une entreprise : Toyota. Au début du XXème siècle, la société qui deviendra plus tard constructeur automobile fabrique des métiers à tisser. Sakichi Toyoda, son fondateur, invente les premiers métiers à tisser automatiques du Japon, qui s’arrêtent dès qu’un fil se rompt. Il perfectionne sans cesse ses machines, les rendant toujours plus efficaces et meilleur marché, celles-ci devenant populaires jusqu’en Angleterre. Après la création du département automobile (Toyota Motors Company) par le 6 | Du manufacturing à la finance
fils du fondateur dans les années 30, Taiichi Ohno, ingénieur de production chez Toyota, applique les concepts de Sakichi Toyoda afin de supprimer les activités sans valeur ajoutée. C’est la naissance de ce qui deviendra le Toyota Production System (TPS) et qui ne cessera d’être optimisé au fil des années. Le système de gestion de l’entreprise voulu par Taiichi Ohno est simple mais efficace : éviter les gaspillages, maintenir une qualité optimale tout au long de la chaîne, éviter la surproduction et donc les stocks, prendre en considération l’avis de l’opérateur et améliorer le système de façon continue, dans une dynamique intégrant l’ensemble des acteurs. Il s’inspire beaucoup des travaux de William Edwards Deming et des écrits d’Henry Ford. Il regroupe plusieurs concepts devenus populaires comme le juste-à-temps, le kanban (système d’étiquettes qui indique le nombre de pièces à produire), l’autonomisation (dispositif d’arrêt automatique des machines), le kaizen (chantiers courts d’amélioration continue), ou les cercles qualité (réunions entre personnes directement concernées par un problème afin de le résoudre).
L’explosion du cours de bourse de Toyota dans les années 80 a suscité l’intérêt des chercheurs du MIT1, qui ont voulu comprendre les raisons de cette « success story ». Cette analyse leur a permis de théoriser, en 1987, puis de populariser le concept « Lean » (svelte, maigre en anglais), directement inspiré du Toyota Production System. Que recouvre ce concept ? Sans rentrer dès à présent dans une description détaillée, le Lean peut être résumé comme un mode de gestion visant à l’amélioration continue, fondé sur la notion de flux et la création de valeur pour le client final. Il a pour objectif d’éliminer tout gaspillage dans les processus et de favoriser l’adaptation rapide des organisations face aux attentes mouvantes des clients (zéro inflexibilité). Popularisé dans les années 90 au travers de quelques ouvrages de référence, le Lean Management a été adopté progressivement par nombre de groupes industriels, sans toujours atteindre les résultats escomptés. Dernièrement, le concept de Lean fut souvent associé à celui de Six Sigma. Pourtant,
à première vue, les deux méthodes ne poursuivent pas les mêmes objectifs et sont relativement différentes dans leurs approches. Motorola, GE, Jack Welch et le Six Sigma A l’heure où le Lean est théorisé par le MIT, l’histoire du Six Sigma débute, quant à elle, chez Motorola. Mikel Harry, ingénieur, jette les bases du Six Sigma en s’appuyant lui aussi sur la philosophie de Deming. Il propose d’analyser les instabilités du processus de fabrication à l’aide d’outils statistiques en vue de mieux satisfaire les clients. La démarche Six Sigma vise la qualité globale en réduisant la variation des processus (la lettre sigma en grec désigne l’écart type). Elle s’appuie sur des outils statistiques qui permettent de mesurer et de mettre en évidence les causes influant sur la performance. La méthode consiste ensuite à réduire au maximum les variations en deçà d’une tolérance pour obtenir la satisfaction du client. En effet, en réduisant la variabilité du processus, on réduit le risque de voir le produit
1 MIT : Massachusetts Institute of Technology
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« Avec 4 millions de factures fournisseurs et 8 millions de factures clients par an, la comptabilité est une usine à chiffres qui se prête particulièrement bien au Lean » Jean-Charles Gaury Directeur Comptabilité Automobile de PSA
rejeté par son destinataire s’il est en dehors de ses attentes ou spécifications. La « voix du client » est au centre de la démarche Six Sigma qui vise à produire juste, en éliminant les coûts liés à un produit non conforme. Le Six Sigma se définit également au travers d’une approche, le DMAIC, désignant les 5 phases classiques d’un projet Six Sigma : Définir, Mesurer, Analyser, Améliorer (Improve en anglais) et Contrôler. Au milieu des années 1990, General Electric décide d’appliquer et d’améliorer cette méthode. Son charismatique PDG Jack Welch, qui n’est pas au départ un apparatchik de la qualité, va lancer un ambitieux programme qualité et soutenir cette démarche par des incitations financières. Grâce aux résultats obtenus et à l’enthousiasme de son promoteur, le Six Sigma devient alors une véritable institution au sein du groupe et commence à intéresser d’autres entreprises industrielles. Vers le meilleur des deux méthodes : le Lean Six Sigma Même s’il partage des objectifs (approche qualité, valeur pour le client, amélioration continue) et des moyens avec le Six Sigma (nombreux outils communs), le Lean apparaît plus accessible car il s’appuie sur des outils simples et valorise le terrain. A contrario, le Six Sigma fait appel à des outils statistiques complexes nécessitant l’appui de fonctions expertes (les ceintures : green belts, black belts, champions…). Il s’avère donc plus difficile à appréhender et à déployer car plus élitiste. Pur produit marketing pour les uns, association vertueuse pour les autres, le Lean Six Sigma est de plus en plus couramment rencontré, les entreprises ayant cherché à tirer parti du meilleur des deux méthodes. Dans les faits, le Six Sigma complète assez bien le Lean pour ce qui a trait à l’élimination de la variabilité, tandis que le Lean « démocratise » le Six Sigma car l’amélioration continue devient l’affaire de tous et non plus d’une poignée d’experts. Ces dernières années, le Lean est sorti de l’usine et s’est attaqué aux fonctions administratives
8 | Du manufacturing à la finance
et commerciales. Qu’en est-il de la fonction financière ? Le concept de « Lean Office », en vogue dans d’autres fonctions de back-office, est-il pertinent et approprié aux enjeux des Directions Financières ?
Pièce mécanique ou pièce comptable, tout est question de processus Parler de gaspillages, de valeur produite, de clients ne va pas de soi dans la fonction financière. Les « gens du chiffre » sont toujours plus à l’aise pour parler de coûts, de règles, de contrôles ou autres procédures. A tel point que lorsque l’on demande à un comptable de désigner son « client », il a une tendance naturelle à répondre : son supérieur hiérarchique… Pourtant, à y regarder de plus près, les analogies entre la production manufacturière et les traitements comptables sont nombreuses. De la voiture à la facture Alors que le Lean a acquis ses lettres de noblesse dans l’industrie automobile, est-il pertinent de vouloir le transposer dans l’univers, à première vue très différent de la production comptable ? Prenons l’exemple d’une facture fournisseur. Si l’on regarde le flux de bout-en-bout, l’ensemble des tâches élémentaires à accomplir pour comptabiliser puis déclarer bonne à payer cette facture n’est pas sans rappeler les différentes activités à accomplir par différentes personnes sur une chaîne de production. Que ce soit à l’enregistrement de la commande, de la réception puis de la facture, chaque étape a des conséquences sur la finalité de l’opération : payer la facture au fournisseur à l’échéance. Ensuite, une partie de l’optimisation du flux repose sur la gestion de l’espace, des mouvements et de l’interaction entre les
Les points saillants des méthodes Lean et Six Sigma
Lean
Six Sigma Objectifs Approche
Opérateurs
Démarche fondée sur la voix du client et sur la mesure et la fiabilité des données
Outils
Accessible à tous/animation locale
Zéro défaut (des processus conformes), Zéro variation (des processus stables)
Des outils complexes (maîtrise des outils statistiques)
Complexité
Outils
Des outils simples et accessibles (bon sens, management visuel)
Bottom Up (initiative, implication)
Objectifs Approche
La vérité vient du terrain, il n‘y a pas de petites améliorations
Top Down (alignement, efficacité)
Zéro perte (élimination des gaspillages) Zéro inflexibilité (adaptation aux besoins du client)
Complexité
Direction
Encadré par des experts (green belt, black belt…)
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
personnes. La chaîne comptable est, au contraire d’une usine, très morcelée avec des intervenants disséminés dans l’organisation. La circulation des documents constitue donc un enjeu fort de la fluidification du processus : les factures perdues, bloquées, en double… constituent des freins importants à leurs mises en paiement. Enfin, l’ennemi commun entre les deux univers est bien la présence de stocks en trop grand nombre. Même si cette notion n’est pas évidente au premier coup d’œil dans la fonction comptable (notamment parce que le stock n’est pas uniquement physique), il existe néanmoins : le nombre de factures à rapprocher des réceptions sur commande, voire le nombre de factures en litige. Tout ce qui constitue un flux ou une suite d’activités pour passer d’une matière brute A à un produit fini B apparaît finalement éligible à une approche de type Lean. Le CSP, un terrain fertile Cette observation est encore plus valable dans le cas d’organisations mutualisées de type centres de services partagés (CSP). L’organisation du travail dans les CSP doit
beaucoup à la réflexion conduite dans le cadre de la production automobile, même si elle est plus récente. La mise en place de CSP participe bien d’une « taylorisation » des tâches dans la fonction comptable, entraînant spécialisation et augmentation des volumes traités par personne. Le respect de standards, l’élimination des défauts et la fluidité du processus constituent donc des impératifs pour la réussite de ce modèle d’organisation. Qui dit CSP, dit séparation physique des comptables et des opérationnels. La dématérialisation apporte une réponse au défi de circulation efficace des documents entre sites distants. Cette dématérialisation croissante des flux constitue un axe intéressant dans le cadre de l’amélioration continue car elle permet, et c’est paradoxal, de « matérialiser » les stocks ! En effet, elle marque la fin des factures en souffrance dans les services : toutes les factures sont dénombrées et il est possible de mieux mesurer et ainsi piloter les volumes à traiter. Aussi, l’atteinte de l’excellence opérationnelle en matière de processus financiers, est finalement soumise à des défis très proches de ceux rencontrés dans les milieux industriels.
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A la poursuite de l’excellence opérationnelle De fonction support régalienne, la Direction Financière tend à devenir « Business Partner ». Autrefois gardien du Temple, garant de la qualité des données financières et dépositaire du cash de l’entreprise, le CFO intervient de plus en plus dans le conseil à la Direction Générale et aux opérationnels. Cette fonction étendue va de l’analyse de la performance opérationnelle à l’aide au montage d’affaires complexes, à l’éclairage sur des options comptables ou fiscales… ou tout simplement à la sensibilisation des opérationnels sur les impacts financiers de leurs activités quotidiennes.
54% des entreprises déclarent avoir déjà mis en place un dispositif d'amélioration continue au niveau de la fonction Finance
Optimiser après les ruptures passées Les deux dernières décennies ont été riches en projets de rupture pour les grandes entreprises. Sur le plan organisationnel, la mise en place de CSP constitue, avec l’externalisation, l’évolution marquante de ces dernières années. Les CSP permettent aujourd’hui de concentrer les ressources des fonctions supports de l’entreprise sur un nombre toujours plus limité de plateformes, adressant un périmètre géographique et fonctionnel toujours plus grand. La généralisation des ERP1 constitue une autre tendance forte. Ceux-ci placent désormais le système d’information financier au cœur du système d’information de l’entreprise et, couplés à une dématérialisation croissante des flux, accélèrent l’automatisation des traitements comptables. Enfin, la mise en conformité avec un cadre réglementaire devenu plus exigeant (SOX / LSF, IFRS) a grandement complexifié les opérations transactionnelles et les reportings associés. Après ce cycle continu de transformation, les entreprises s’inscrivent aujourd’hui plutôt dans des programmes d’optimisation, visant l’excellence opérationnelle pour la fonction financière. L’amélioration continue de la performance des processus d’exécution doit permettre à la fonction financière de se recentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée et de mieux jouer son rôle de « partenaire » auprès du business. Pourquoi cette évolution ? Il semble en premier lieu que les gains promis dans le cadre des projets d’ERP soient rarement tenus. Les 1 ERP : Entreprise Resource Planning
10 | Du manufacturing à la finance
profonds changements de pratiques, en rupture avec les usages historiques, qu’entraînent ces grands projets de transformation impliquent une montée en puissance beaucoup plus progressive qu’escomptée. Par ailleurs, les CSP ont, le plus généralement, été mis en place selon la méthode du « lift & shift » qui consiste à transférer vers les CSP les processus en l’état, peu harmonisés entre entités et potentiellement soutenus par des systèmes d’information hétérogènes. Cette méthode oblige, par la suite, à conduire des chantiers de rationalisation une fois les hommes regroupés sur un même site. C’est dans cette optique que se mettent en place des cellules d’amélioration continue dans les CSP. Evoluer pour toujours mieux servir ses clients Souvent prescriptrice en matière de règles et de processus, la fonction financière se doit également d’être exemplaire et animatrice de sa propre performance. Afin d’asseoir sa légitimité auprès des autres fonctions et métiers de l’entreprise, dont elle contribue à évaluer sans cesse la performance, il lui incombe d’être elle-même irréprochable et exemplaire en la matière. La notion de « clients », souvent internes et mal cernés, est elle-même relativement nouvelle pour la fonction financière. La demande des clients est sans cesse en mouvement et leurs « exigences » ne portent plus simplement aujourd’hui sur une information financière de qualité dans les délais. Aux enjeux d’optimisation des coûts des fonctions de back-office, s’ajoutent des besoins en termes de réactivité et d’expertise métier. Impliquer plus qu’imposer Alors que nombre d’approches (réingénierie, approches qualité, management par les processus…) existent au sujet de l’amélioration continue, pourquoi le Lean Six Sigma apparaîtil comme une alternative crédible ? D’abord parce que les méthodes « traditionnelles » ne sont pas exemptes de limites. Souvent « topdown », définies par le management ou par la tête de groupe pour être imposées aux filiales et aux métiers, elles peuvent générer rejet et frustration au niveau local. Ces réactions constituent autant d’obstacles à la mise en œuvre des recommandations et en limitent les résultats.
Les principaux bénéfices perçus d’une démarche Lean
Standardiser et partager des bonnes pratiques Accélérer le traitement des anomalies Réduire les coûts de la fonction financière Refondre le modèle de management Recentrer la fonction sur des tâches à plus forte valeur ajoutée Accompagner l'évolution de la culture de l'entreprise Améliorer la satisfaction des collaborateurs Décloisonner les services Mettre en place des pratiques innovantes Améliorer la satisfaction clients Redonner du sens aux métiers financiers
0%
Impact fort
Impact faible
20%
40%
60%
80%
100%
Sans impact
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
Travers habituellement constaté, l’essoufflement. Organisés en mode projet et faisant appel à des ressources externes, les projets de réingénierie ont ainsi une tendance naturelle au délitement une fois l’équipe projet allégée, mettant en péril la poursuite des plans d’actions, voire même le maintien des premiers résultats obtenus. Par ailleurs, le management par les processus ou par les systèmes qualité se fondent généralement sur une bibliothèque imposante de processus et procédures. Cette formalisation poussée à l’extrême pose des soucis liés à la diffusion et surtout
l’appropriation par les populations concernées. De plus, la question de son adéquation avec la réalité du terrain laisse toujours planer un doute sur sa pertinence. Nous pensons que le Lean Six Sigma est de nature à modifier la façon d’aborder ces challenges et permet d’atteindre un nouveau cap vers l’excellence opérationnelle. Attardonsnous maintenant à faire la lumière sur ce qui en constitue l’« essence », au travers de la présentation des concepts clés.
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Les 9 réflexes Lean Six Sigma
12 | Les 9 réflexes Lean Six Sigma
Créer de la valeur po ur ses client s
Mener la chasse aux gaspi
Stimuler l'innovation
Oser l'approch e collabora tive
er S'engag dans la durée
Connaître le terrain
Standardiser et stabiliser
Maîtriser sa performan ce
Recourir au management visuel
La recherche constante de valeur pour le client
Mener la chasse aux « gaspi » « Bien écouter, c’est presque répondre » Marivaux
La philosophie L’élimination de la non-valeur est la substance même du Lean. Elle en est d’ailleurs sa traduction littérale. En effet, lean signifie « rendre plus svelte » et sa philosophie générale consiste à éliminer la non-valeur dans les processus. Cette non-valeur dans une logique Lean s’apprécie selon 3 catégories : • L’activité à valeur ajoutée ou travail accroissant directement la valeur du produit ou du service du point de vue du client. Ce sont les activités pour lesquelles le client serait prêt à payer, • L’activité accessoire ou travail n’ajoutant pas directement de valeur pour le client mais nécessaire au bon fonctionnement de l’entreprise. Dans un environnement financier, le contrôle interne est un bon exemple,
• L’activité sans valeur ajoutée ou gaspillage ne créant aucune valeur, ni pour le client, ni pour l’entreprise et dont l’élimination ne sera pas préjudiciable à la qualité du produit ou du service délivré. Le Lean caractérise les dysfonctionnements dans un flux d’informations en 3 catégories (les 3 « Mu ») : Muda (gaspillage), Muri (excès) et Mura (irrégularité). Parmi les Mudas, on distingue 7 types de gaspillages (Tableau 1). Néanmoins, l’atteinte d’un taux de valeur ajoutée élevé est irréaliste dans la fonction financière. On estime en effet qu’un cycle de production efficace intègre seulement 30% de temps à valeur ajoutée dans les fonctions administratives.
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Comment faire ? La caractérisation des tâches à valeur ajoutée est particulièrement ardue dans la fonction financière car, par opposition aux processus industriels, les processus financiers sont non visibles, et donc plus difficiles à conceptualiser. L’outil privilégié du Lean en la matière est la « Value Stream Mapping » (VSM) ou analyse de la chaîne de valeur du processus. Elle vise à cartographier l’ensemble des étapes ou opérations exécutées sur le terrain (par opposition à leur description théorique, dans une démarche de type système qualité) et le temps d’exécution de chacune d’elle. Elle est ainsi un support naturel pour construire une cible optimisée, bâtie autour de 4 questions fondamentales : • Quels gaspillages peut-on éliminer ? • Quels stocks peut-on éliminer ? • Comment réduire le goulot d’étranglement (l’activité au temps d’exécution le plus long) ? • Quel objectif se donne-t-on en termes de coûts, qualité et délais (notamment au regard des exigences posées par les clients du processus) ? La VSM permet d’identifier de façon spontanée les « quick wins » inhérents au processus étudié. Ce dispositif peut être complété par d’autres outils pour une analyse plus élaborée des causes racines des dysfonctionnements. On citera notamment le diagramme d’Ishikawa (ou « arête de poisson ») ou les « 5 pourquoi ».
Le diagramme d’Ishikawa est utilisé afin de représenter de manière graphique les causes aboutissant à des effets. Il est construit autour de plusieurs arêtes permettant de structurer les causes en 5 thématiques : Matières, Matériel ou Moyen, Méthode, Main d’œuvre et Milieu. Cette technique est recommandée pour la recherche de causes multiples influençant la performance. La méthode des « 5 pourquoi » est, elle, plus basique. Elle consiste simplement à se poser 5 fois la question « pourquoi ? » afin d’être sûr d’identifier l’origine d’un dysfonctionnement, cette « cause-racine » qu’il faudra traiter pour améliorer le processus.
Méthode des 5 « pourquoi » Pourquoi ?
Aucun numéro de commande ne figure sur la facture
Pourquoi ?
Le numéro de commande n’a pas été communiqué au fournisseur
Pourquoi ?
L’opérateur n’a pas créé de commande dans le système
Pourquoi ?
L’opérateur n’a pas connaissance de la procédure
Pourquoi ?
L’opérationnel n’est pas formé/ informé
Tableau 1 : les 7 types de gaspillage Type de gaspillage
Exemple appliqué à la fonction finance
Mouvement inutile
Absence de dématérialisation des flux de validation/information
Attente
Mise en attente de factures, faute de validation du service fait
Transport
Factures adressées dans les services et non pas au CSP
Stock
Factures en attente de validation
Non qualité
Factures sans numéro de commande
Opération inutile
Production de reportings inexploités
Surproduction
Contrôle de conformité de la facture réalisé à plusieurs étapes du processus
14 | Les 9 réflexes Lean Six Sigma
Une VSM illustrant le processus de comptabilité fournisseurs
Envoyer facture au TSA Exprimer le besoin
1j
Demander un devis
Soumettre un devis
15'
Créer un panier
Soumettre le panier
15'0j15'
2j
Enrichir le panier
1j
15'
Valider le panier
0,5j
15'
Editer la commande 0,5j
Réceptionner
Numériser
Charger dans SIM
Comptabiliser la facture auto
Payer la facture
2j(*)
15' 0j
(*) Temps de traitement effectif et temps d’attente non différenciés
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
Un diagramme d’Ishikawa appliqué au processus de comptabilité clients
MAIN D’OEUVRE
MILIEU Opérationnel et comptable installés sur des sites différents
Procédure non respectée
METHODE
Surcharge de travail pour l’opérationnel Opérationnel non objectivé sur le DSO Méconnaissance du process
Travaux lancés avant finalisation de la contractualisation Informations non transmises à l’ADV Encaissements non lettrés
Bon de commande non signé
Pas de rappel des jalons de facturation Pas de reporting disponible sur le WIP et le DSO Difficultés liées à l’ergonomie
PV de validation non signé Factures non parvenues au client Factures Factures adressées perdues au mauvais dans le destinataire circuit papier
Factures non envoyées
MATIERES
En-cours clients trop importants
MATERIEL
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
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40% des entreprises interrogées mesurent au moins une fois par an la satisfaction des clients de la fonction finance
Créer de la valeur pour ses clients La philosophie Les clients sont placés au cœur de toute démarche Lean ou Six Sigma. Le niveau d’excellence du processus se mesure avant tout par la satisfaction des clients internes et externes à l’organisation. En apportant le service attendu de la part de ses clients et en assurant réactivité et adaptabilité à l’évolution de leurs demandes, la fonction financière contribue à la création de valeur globale dans l’entreprise. Comment faire ? Qui est mon client interne ? Nos services répondent-ils à ses besoins ? Quels sont les besoins exprimés que nous ne prenons pas en compte ? Quelles sont les offres que mon client considère comme inutiles ? Quelles sont les Exigences Critiques de mon Client (ECC) ? La difficulté de l’exercice est de traduire des demandes clients souvent imprécises en objectifs mesurables. Cette tâche peut être particulièrement difficile pour les fonctions de back office parce que le client est moins facile à cerner – l’opérateur a une tendance naturelle à désigner son responsable hiérarchique comme étant son client – mais aussi parce que ces fonctions ont une prédisposition à s’autoalimenter (le nombre de reportings produits est souvent supérieur au nombre de
reportings exploités par exemple). Cet exemple est extrêmement parlant : nombreux sont ces reportings, qui parce qu’ils ne répondent pas aux besoins des destinataires, leur parviennent trop tard ou sont trop détaillés, ne sont pas utilisés. Les exigences critiques du client peuvent être formalisées via une démarche en 3 étapes (Tableau 2). Ces exigences critiques du client servent de base à la définition des indicateurs clés (3 à 5 KPI) qui permettront d’apprécier la performance du processus. Les indicateurs clés sont déclinés ensuite en indicateurs intermédiaires, selon un système d’emboîtement logique. Le SIPOC (Supplier, Input, Process, Output, Customer) est un outil particulièrement pertinent pour représenter de façon macro un processus, ses entrants / sortants, ainsi que l’ensemble des indicateurs associés à chaque étape. Cette orientation client se retrouve donc dans la conception du système de mesure mais elle passe aussi, sinon surtout, par une évolution de l’état d’esprit des collaborateurs vers une véritable culture de service, orientée vers la satisfaction de ses clients.
Principaux axes d’amélioration ressortant des études de satisfaction clients au niveau de la fonction Finance Lourdeur des processus Pertinence des processus Réactivité insuffisante Oui
Manque de communication
Non Coût Qualité de production comptable Fiabilité de l'information financière 0% Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015 16 | Les 9 réflexes Lean Six Sigma
20%
40%
60%
80%
100%
Un SIPOC décliné sur le processus Purchase to Pay
I
S
Supplier • Services prescripteurs • Direction des achats • Fournisseurs
P
Inputs
O
Process
C
Outputs
Customers
• Commandes • Règlements • Avis de paiement • Reportings
• Formulaires de demandes d’achat • Politique achats • Factures • Relances
KPIs du processus • Nombre de commandes / factures traitées par ETP • % de règlements à échéance • Coût de traitement par facture • Coût de la fonction rapportée au CA Sourcing et négociation
Gestion des référentiels
Approvisionnement
• Nombre de • % de fournis• Délai moyen fournisseurs seurs actifs de traitement référencés • Délai moyen de d’une demande • Nombre de mise à jour d’un d’achats contrats actifs fournisseur • % de com• Chiffre d’affaires • Nombre de mandes sur moyen par doublons contrats fournisseur suspectés • % de demandes • Nombre de d’achats avec factures par fournisseurs fournisseurs non référencés
Contrôle factures • % de factures dématérialisées • % de facture sans commande • % de factures non valides • % de facture réconciliées du premier coup • Délai moyen de résolution des écarts
Règlements
• Direction des achats • Fournisseurs • Services prescripteurs • Direction financière • Contrôle interne • Auditeurs externes
Reporting
• % de règlements • Délai de producpar virement tion du reporting • % de paiements • Montant des «urgents» pénalités de • % de paiements retard payées à échéance • Montant des • Nombre d’appels écarts favofournisseurs rables/défavorables dans le seuil de tolérance • Montant des avoirs à recevoir
PIs par étape du processus Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
Tableau 2 : de la voix du client aux ECC Définition
Exemple
Voix du client
Propos tenu par le client souvent Je ne veux pas à avoir à gérer de imprécis, peut-être réduit à un problème avec mes fournisseurs mot ou une phrase et risquer la rupture d’approvisionnement
Problématique clé du client
Proposition qui décrit le besoin/ le problème qui doit être amélioré du point de vue du client
Exigence critique du client (ECC)
Proposition qui décrit quantitati- 95% des factures fournisseurs vement la fonctionnalité du pro- doivent être payées à l’échéance duit et qui résoudra le problème soulevé par le client
Le client veut que les fournisseurs soient payés en temps et en heure
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La priorité absolue donnée au terrain
Connaître le terrain La philosophie C’est sans doute la rupture essentielle du Lean avec les méthodes traditionnelles. Le Lean considère en effet que la valeur ajoutée étant le résultat d’un processus, l’identification des gaspillages et des leviers ne peut se faire qu’en s’appuyant sur les acteurs du processus. Ce mode de gestion implique un changement de paradigme avec l’approche occidentale. Dans celle-ci, où l’on suppose que les processus fonctionnent de manière satisfaisante et où les managers ne sont sollicités qu’en cas de crise, un problème est une plaie que l’on cherche à minimiser. Dans la philosophie Lean, le manager s’implique dans la gestion quotidienne et chaque problème est vu comme une opportunité d’amélioration, source inépuisable de progrès. « Un jour tout sera bien, voilà notre espérance. Tout est bien aujourd’hui, voilà l’illusion » Voltaire
18 | Les 9 réflexes Lean Six Sigma
Comment faire ? Cette volonté d’observer la réalité du terrain se cristallise dans le concept de « Gemba Walk ». Gemba, en japonais, signifie « là où se trouve la réalité ». Il s’agit du lieu où les processus s’exécutent, autrement dit l’endroit où les problèmes émergent et où leurs causes fondamentales sont susceptibles d’être identifiées. Concrètement, il s’agit de faire le tour du site sur lequel travaillent les opérationnels et d’y observer :
• La conception des postes de travail (la disposition des écrans, leur taille, la lisibilité des informations…), • L’agencement des bureaux (position des bureaux, des scanners, des imprimantes, des salles de repos…), • La manière dont transitent les informations (les circuits papier, les emails, les interfaces entre applications informatiques…), • La localisation des stocks (factures en attente de traitement, demandes d’informations clients en stand-by…). Cette visite permet d’apporter un regard neuf sur les problèmes et d’échanger avec les opérationnels sur leurs difficultés. Au contact du terrain, le manager est à même de contribuer à l’identification des gaspillages et des sources d’amélioration. Il peut également constater l’écart, souvent important, entre les processus tels qu’ils sont décrits dans les manuels de qualité et les processus tels qu’ils sont effectivement réalisés sur le terrain. Cette pratique du Gemba Walk est souvent complémentaire du « Genchi Gembutsu ». Ce terme signifie « chercher les faits à la source afin de prendre les bonnes décisions, d'obtenir le consensus et d'atteindre les objectifs ». Selon cette méthode, le manager va, au-delà du constat, chercher à identifier les solutions aux problèmes avec les opérationnels et sur leur lieu de travail habituel.
Recourir au management visuel La philosophie Le management visuel consiste à instaurer un rituel de management, dont la périodicité varie en fonction du besoin, pour échanger de manière efficace avec les opérationnels. L’objectif est de commenter l’activité en s’appuyant sur des indicateurs compris de tous, de partager les problèmes, d’en identifier les causes et de décider de plans d’actions. Pour que le management visuel soit efficace, trois règles d’or sont à respecter : •V oir ensemble : la situation est visible et compréhensible de tous (83% des informations sont enregistrées par la vue), •S avoir ensemble : les objectifs et les règles sont connus de tous, • Agir ensemble : les utilisateurs sont impliqués dans la démarche de décision et de mise en œuvre des plans d’actions. Ces séances, conformes à la philosophie de simplicité du Lean, sont généralement assez courtes et ne font pas l’objet de comptesrendus.
Comment faire ? L’ « obeya », ou « war room » est un outil au service du management visuel. Il s’agit d’une salle de réunion organisée de telle sorte que toutes les informations utiles soient visibles de tous. Elle est le lieu idéal pour la réalisation des rituels de management portés par le Lean : • Elle améliore l’efficacité et la coordination des équipes, • Elle facilite l’alignement des acteurs sur les informations disponibles, • Elle permet l’affichage des plannings, des jalons, des risques etc. Pour communiquer de manière objective et factuelle, les indicateurs utilisés doivent être partagés et compréhensibles par tous. Les écarts par rapport à la normale sont ainsi mis en évidence et la résolution des anomalies et des défaillances s’accélère. A l’instar de PSA, le management visuel a été déployé chez Delphi, sous forme de réunions « flash » et de mise en place d’obeyas.
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Jean Charles Gaury Directeur Comptabilité Automobile
Jean Charles Gaury Directeur Comptabilité Automobile
PSA Peugeot Citroën Animer les activités comptables sur 23 pays et 133 entités juridiques Dans quel contexte s’est inscrite la mise en place d’une démarche d’amélioration continue ? C’est une joint-venture avec Toyota, berceau du Lean, qui permit à PSA de découvrir les principes d’application du Lean et convainquit le Groupe de la nécessité de mettre en place une telle démarche.
« Le Lean nous a amené sur le chemin de la sérénité »
En 2007, des initiatives Lean existaient déjà au sein de PSA sur des fonctions de production et d’ingénierie, mais elles restaient localisées et liées à des initiatives personnelles. Le PDG d’alors, Christian Streiff, a demandé à ses cadres dirigeants d’être « Lean partout ». En 2009, Philippe Varin , son remplaçant a permis de confirmer le Lean management comme une priorité du Groupe. La même année, le PES (PSA Excellence System) est déployé à l’échelle du groupe. Ce plan a fédéré les méthodes de travail et de management s’appuyant, entre autres, sur des méthodes Lean. Il a touché toutes les fonctions de l’entreprise, dont les fonctions de back-office, parmi lesquelles la Direction de la Comptabilité. Celleci, organisée en CSP, comprenait 950 personnes en Europe en charge de 23 pays, au travers de 6 plaques géographiques. Si le Lean est traditionnellement plus mature sur le manufacturing, la comptabilité est,
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cependant, une « usine à chiffres » qui s’y prête particulièrement bien (4 millions de factures fournisseurs, 8 millions de factures clients). Quels ont été les objectifs poursuivis ? Le PSA Excellence System (PES) aspire à la simplification des processus ainsi qu’à l’amélioration de la qualité des services et des produits en s’assurant du bien-être et de la sécurité au travail des équipes. Concernant la Direction de la Comptabilité Automobile, l’enjeu était de piloter l’ensemble des activités comptables sur un périmètre très étendu et dispersé (23 pays et 133 entités juridiques). L’objectif de PSA était avant tout la mise en place d’une structure efficace, garantissant une qualité comptable au meilleur niveau, tout en limitant les frais de structure dédiés à la tenue de la comptabilité du Groupe. Quelle a été la démarche adoptée ? Le PES est un système de management propre à PSA. Cette démarche très pragmatique et non dogmatique, s’inspire de la méthode Lean mais sans que les frontières éventuelles avec d’autres apports méthodologiques ne soient très marquées (Six Sigma, cercles qualité…) Sans expérience préalable sur le sujet, la Direction de la Comptabilité Automobile a retenu une approche progressive. Elle a d’abord voulu réaliser un pilote sur deux grands domaines : la comptabilité clients et
la comptabilité fournisseurs, afin d’apprendre les rudiments autour des différents outils méthodologiques et de tester la démarche. Ces chantiers pilotes ont été mis en place en fixant des objectifs atteignables, dans des délais raisonnables, et en se focalisant sur la satisfaction des équipes et sur les impacts sur le résultat. Ceci a été réalisé à travers la mise en place d’ateliers interdirections, utilisant différents outils de résolution de problèmes. Outre ces actions sur les processus, un gros travail a été entrepris sur les comportements managériaux. Ainsi, l’ensemble de la population comptable a assisté à une formation de 3 heures aux méthodes PES, après adaptation de celles-ci aux spécificités du métier comptable. Des formations plus poussées ont également été proposées autour d’outils ou méthodes (MIFA par exemple). En appui de ces outils, l’animation a également porté sur la mise en place de contrats d’objectifs à tous les niveaux de l’entreprise. Ces contrats sont déclinés de la DG jusqu’à chaque entité opérationnelle du Groupe. Ils sont organisés de telle façon que les objectifs de chaque niveau soient imbriqués dans les objectifs des niveaux immédiatement supérieurs, permettant ainsi la mise en avant de la contribution de chacun aux objectifs du Groupe et le suivi des réalisations effectives. Par ailleurs, le déploiement d’obeyas (salles aménagées pour tenir les réunions régulières du manager avec ses équipes) et la généralisation des rituels de management ont été au centre de la démarche Lean de PSA en favorisant les échanges au sein des équipes opérationnelles. Une démarche de certification a été mise en place afin d’harmoniser la progression des différentes Directions du Groupe. Quels ont été les résultats obtenus ? De bons résultats sur les premières expérimentations ont conduit à l’extension de la démarche à l’ensemble de la fonction comptable. A ce jour, plus de 100 obeyas ont été mises en place à chaque niveau élémentaire de l’organisation comptable. Elles sont toutes structurées de manière homogène autour de 4 thèmes : management, amélioration continue, pilotage d’activités et contrat d’objectif. Visitées régulièrement par le management, ces réunions permettent à l’étatmajor de la Direction Comptable de rencontrer 200 personnes de la Direction chaque mois, soit en moyenne l’intégralité des effectifs tous les 5 mois.
La mise en place de standards et de processus harmonisés a permis d’améliorer significativement la qualité comptable, mesurée aux travers d’indicateurs précis. Parmi ceux-ci, on peut citer le « taux de justification des comptes » qui a nécessité la mise en place d’un standard définissant les 7 critères de justification d’un compte. La mise sous contrôle des processus a autorisé l’accroissement régulier du périmètre des activités traitées par le CSP, sans augmentation équivalente des équipes, réalisant ainsi des gains de productivité non négligeables. Au-delà de l’amélioration de la qualité, le programme a permis de redonner du sens au métier, qui, avec la mise en place des CSP avait subi une certaine taylorisation, contribuant ainsi à augmenter la motivation et l’engagement et à diminuer la rotation des équipes. Deux belles réussites sont également attribuées à la mise en place du Lean : avoir contribué au décloisonnement des fonctions support et avoir créé le réflexe de mesure de la satisfaction en interne. Aujourd’hui, le Lean est en place chez PSA et tout retour en arrière est inimaginable. Au contraire, de nouveaux outils sont en cours de mise en place (l’e-obeya par exemple). Quels ont été les résistances et facteurs clés de succès ? Le succès de la démarche a reposé sur la mise en place de standards et d’indicateurs de performance communs. Dans ce contexte très décentralisé, réussir à définir de manière consensuelle des standards valables dans l’ensemble des pays était primordial pour permettre de comparer la performance entre les entités. Ainsi la démarche Lean a permis d’établir des standards en matière de bonnes pratiques et d’indicateurs d’efficacité, dont la déclinaison a été homogène entre les pays. La mise en place des standards s’est aussi déclinée en matière d’animation, où l’harmonisation et la simplicité des pratiques d’animation (pas de PowerPoint, pas de compte-rendu, matérialisation au mur uniquement) a permis une plus grande proximité avec les équipes, en se concentrant sur l’essentiel et en maximisant le dialogue avec les opérationnels. La mise en place d’une équipe dédiée à l’optimisation de processus et au déploiement du Lean a également permis d’assurer le relai entre les équipes centrales et les différents sites et ainsi de transmettre leurs connaissances pointues autour de la démarche et des outils.
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Un système de mesure et de contrôle pour entretenir la dynamique
Maîtriser sa performance La philosophie Une entreprise leader sur le marché de la grande distribution a pu vérifier, à ses dépens, la phrase de Peter Drucker : « ce que l’on ne peut pas mesurer ne peut être amélioré ». En effet, faute de pouvoir mesurer la performance de ses processus, cette entreprise a vu sa démarche d’amélioration continue s’embourber. Les démarches Lean et Six Sigma sont, toutes les deux, fondées sur une culture de la mesure : on ne peut améliorer un processus que s’il est stabilisé et maîtrisé. La mise en place d’indicateurs de mesure de la performance constitue la première étape pour mettre un processus sous contrôle. Ceux-ci permettent de dresser un diagnostic factuel de la situation initiale. Croisés avec les exigences critiques du client, ces indicateurs se voient dotés d’objectifs quantitatifs, au regard desquels seront mesurés les progrès réalisés. La constatation régulière de l’amélioration de la performance est un levier important de motivation, démontrant de manière factuelle que les efforts de chacun ont eu un impact tangible sur la performance collective. Comment faire ? Les indicateurs de performance sont, en quelque sorte, les fils conducteurs des projets Lean. Ils interviennent à chaque étape : de la sélection des projets jusqu’à la mesure de l’efficacité des solutions mises en œuvre. Mais comment trouver les bons indicateurs ? Comme vu précédemment, le SIPOC est un bon outil pour recenser l’ensemble des indicateurs, internes au processus ou en relation avec les clients et fournisseurs de celui-ci. Pour que ces
indicateurs remplissent correctement leur mission, ils doivent être peu nombreux et s’appuyer sur une logique « SMART » : • Simple et Spécifique, • Mesurable, • Ambitieux, • Réaliste, • Temporellement limité. Une fois ces indicateurs définis, il convient de mettre en place le dispositif de collecte des données afin de produire les données selon la fréquence voulue. Bien évidemment, dans l’esprit Lean, le temps consacré à la collecte et à la production des indicateurs doit être raisonnable. Les dérives en la matière peuvent être conséquentes : une expérience récente dans le secteur de la grande consommation nous a confronté à un CSP en Europe de l’Est qui consacrait près de 10% de ses effectifs à la production et au suivi d’indicateurs de performance. La tendance naturelle des opérationnels est de consacrer du temps et de l’énergie à la justification des chiffres a posteriori. L’évolution vers une logique prospective, qui privilégie la définition de plans d’actions correctrices permettant de sécuriser l’atteinte des objectifs cibles, nécessite plusieurs mois et des efforts conséquents en matière de conduite du changement. Afin d’accélérer ce changement d’état d’esprit, la cellule amélioration continue du groupe Shell a développé des vidéos montrant chacune des deux attitudes jouées par des vrais opérateurs : les bénéfices d’une revue d’objectif tournée vers l’avenir par opposition à une attitude plus classique de justification.
De la stratégie de l'entreprise aux indicateurs opérationnels de mesure de la performance Stratégie
1 Modèle de management Définir les indicateurs et les objectifs
Quels sont les leviers de création de valeur ?
Récompenser et encadrer
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Encourageons-nous les bons comportements ?
Réagir en cas de déviation
Suivre et évaluer
2
Que voulons-nous obtenir ?
Comment dirigeons-nous le Groupe ?
Comment fixons-nous les indicateurs et les objectifs ?
3
6
5
Quels sont les progrès réalisés ? Quelles actions correctives ?
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015 22 | Les 9 réflexes Lean Six Sigma
Planifier et réaliser
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Comment atteindre ces objectifs et avec quels moyens ?
« What gets measured, gets done » Peter Drucker
82%
des responsables financiers interrogés associent le Lean avec la standardisation et le partage des bonnes pratiques
Stabiliser et standardiser La philosophie Tout dispositif d’amélioration continue implique la définition de standards. Cette standardisation revêt de multiples facettes : standardisation dans l’exécution des processus et des bonnes pratiques associées, standardisation du cadre de suivi de la performance (tableau de bord, KPI), standardisation des rituels de management. La mise en place de standards est une garantie de répétabilité des tâches. La répétabilité des tâches rend l’exécution du processus plus prévisible. L’organisation est également plus flexible ; les transferts de compétence sont plus rapides et les collaborateurs plus polyvalents. Standard ne veut pas dire immuable ; il est au contraire essentiel de pouvoir faire évoluer ce cadre de référence au fur et à mesure de la découverte et de la résolution des anomalies ou défaillances. D’autre part, la standardisation des tâches est également un moyen de responsabiliser les équipes, celles-ci contribuant aux travaux de construction des standards et à leur évolution. Comment faire ? Comme l’analyse des dysfonctionnements et la recherche d’actions d’amélioration, la mise au point de standards est réalisée collégialement, facilitant ainsi l’adhésion des équipes. Dans une organisation multi-sites, la capitalisation et la diffusion de standards retenus localement est assurée par l’animation de communautés métier partageant les mêmes processus. Attention aux excès : il convient de ne pas être trop dogmatique dans la définition de ces
standards et de laisser un espace de liberté aux collaborateurs, surtout dans des groupes multiculturels et à forte dispersion géographique. Pour faciliter l’assimilation des standards, il est recommandé de recourir à des outils simples et visuels. Le « Poka Yoké » fait partie de ces outils largement répandus, dans les entreprises Lean comme dans la vie quotidienne. Concept inventé par un ingénieur Toyota, il recouvre tout dispositif destiné à éviter les erreurs. Dans une usine, cela se traduit par la mise en place d’une signalétique rappelant les règles de sécurité (port du casque, interdiction de fumer par exemple) mais aussi de « détrompeurs » qui empêchent physiquement de réaliser une action interdite (cran de sureté par exemple). Observez autour de vous, vous serez surpris de voir comme ces petites astuces entourent notre quotidien. Une voiture, notamment, regorge de petites alarmes : pour signaler le non-bouclage d’une ceinture de sécurité, pour signaler que l’on a oublié d’éteindre ses phares, que l’on se rapproche trop près de la voiture de devant… Dans les fonctions administratives, nous pouvons citer les quelques exemples suivants : des fiches très synthétiques rappelant les principales étapes d’un processus ou des alertes informatiques signalant le dépassement d’un seuil de tolérance (par exemple dans le processus d’approbation des factures). La Direction Comptable de la Poste Courrier a ainsi mis en place des « cartes d’identité » au format très synthétique représentant les processus de bout-en-bout, leurs entrants, livrables et indicateurs de mesure associés.
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Le Lean : un état d’esprit avant tout « Les hommes élèvent trop de murs et ne construisent pas assez de ponts » Isaac Newton
S’engager dans la durée La philosophie Etre Lean ne se décrète pas du jour au lendemain. C’est une démarche de longue haleine qui suppose un investissement dans la durée. Un programme Lean nécessite d’engager l’entreprise dans une transformation de son système de management, afin d’aligner culture de l’entreprise et principes Lean. La diffusion de celle-ci s’inscrit sur plusieurs années et la trajectoire de déploiement doit être pragmatique. Tout programme Lean d’ampleur nécessite au préalable la définition d’objectifs stratégiques à partir desquels les opérationnels déclineront leur propre cible, en parfaite cohérence avec la vision du management. Pour encourager et entretenir cette culture de l’amélioration continue, la vision stratégique de l’entreprise doit être claire et constante.
24 | Les 9 réflexes Lean Six Sigma
Comment faire ? Les objectifs stratégiques définis par le Top Management doivent être lisibles et partagés. Afin de responsabiliser les acteurs autour d’objectifs cohérents avec la stratégie, ils doivent être déclinés en indicateurs opérationnels d’efficience et d’efficacité en cohérence avec les différents niveaux organisationnels. Ces indicateurs doivent respecter un juste équilibre entre des indicateurs de résultats (atteinte de l’objectif) et des indicateurs de moyens (suivi de l’avancement), ainsi qu’entre une vision court terme et un horizon moyen terme ; enfin ils doivent matérialiser les différents domaines pertinents pour l’entreprise (innovation, efficacité, satisfaction clients…). Les entreprises qui ont réussi à déployer et maintenir un programme d’excellence opérationnelle ont toutes mis en place une cellule d’amélioration continue. Cette cellule centrale et dédiée, disposant d’une expérience solide des méthodes et outils, est le chaînon indispensable pour diffuser les pratiques à toutes les fonctions de l’entreprise. C’est un signe fort de la volonté de l’entreprise de donner les moyens aux collaborateurs, que ce soit en temps, en formation ou en coaching, de s’impliquer dans la démarche en parallèle de leurs activités quotidiennes.
Oser l’approche collaborative La philosophie Au-delà de la connaissance du terrain et de l’analyse in situ des dysfonctionnements, la méthodologie Lean préconise de repenser l’approche managériale et prône une réflexion et une recherche de solutions dans une logique de groupe, où la compétence et l’expertise de tous les collaborateurs est valorisée et où les silos entre les différents échelons de l’entreprise disparaissent.
Comment faire ? Changer d’approche managériale consiste à considérer que le rôle des opérateurs est de réaliser le progrès continu tandis que le rôle du management est de susciter et mettre en place les conditions d’amélioration. Cette approche implique généralement un bouleversement du style de management. En effet, les relations entre le collaborateur et sa hiérarchie reposent sur des relations bilatérales. La démarche Lean va pousser le manager à un mode d’animation le conduisant à avoir souvent de front l’ensemble de son équipe, ce qui peut s’avérer déstabilisant. Il est essentiel d’accompagner l’évolution de ce style de management par des formations comportementales, qui insistent sur la dimension interpersonnelle des relations manager / employé.
En effet, contrairement à une approche traditionnelle qui veut que le management décide, les opérateurs exécutent et le management intermédiaire contrôle, le Lean Management préconise une réflexion et une mise en œuvre à tous les niveaux. Dans la philosophie Lean, la valeur ajoutée du manager est de soutenir les démarches d’amélioration continue et de mettre en place les conditions de leur succès. Les équipes de terrain, quant à elles, produisent et mettent en place les améliorations poussées par le management ou proposées par les opérationnels.
L'évolution du modèle de management proné par le Lean
Règle/périmètre de responsabilité Systèmes/Outils Conscience individuelle : s’assurer de la qualité et de la valeur ajoutée pour le client.
Modèle traditionnel
Lean Management
P Top
P
A
Middle Manager
C
Shift Leader Department Leader Employees, Operators, Technicians, Engineers
C Top Senior Manager
Senior Manager Middle Manager
D
A D
Please Don’t Change Anything
Shift Leader Department Leader Employees, Operators, Technicians, Engineers Plan Do Check Act
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015 25
Stimuler l’innovation La philosophie Contrairement à d’autres approches, les démarches Lean sont avant tout pragmatiques ; elles ne visent pas à atteindre la perfection en une fois mais à se rapprocher de la cible idéale petit à petit. L’amélioration continue vient de sauts technologiques mais aussi des milliers de petites améliorations quotidiennes. Si un problème est détecté et qu’une solution est trouvée, celle-ci doit être mise en œuvre le plus rapidement possible sur un pilote. Si son efficacité est avérée, elle doit être généralisée. Toutes les initiatives sont à prendre en compte car elles sont susceptibles d’améliorer le processus. Il est préférable de prendre en considération toutes les idées, même moyennes, plutôt que d’attendre l’idée géniale d’une seule personne. Cette absence de « censure » est un levier pour favoriser l’implication des opérationnels et ainsi emporter leur adhésion. Ce processus d’innovation peut générer des gains très importants : on citera par exemple le cas d’un réceptionniste du groupe Accor qui eut l’idée de faire éteindre les téléviseurs dès qu’un client sort de sa chambre. Pour cette idée, il ne reçut que 600 euros de récompense (à rapporter aux millions gagnés par le groupe) mais sa carrière en fut grandement accélérée, puisqu’il est aujourd’hui directeur d’hôtel.
26 | Les 9 réflexes Lean Six Sigma
Comment faire ? En entreprise, l’innovation peut être générée via deux principaux canaux : • De façon spontanée à travers la mise en place d’un dispositif de type « boîte à idées » incitant les collaborateurs à faire preuve d’innovation au gré de leurs trouvailles, • De manière encadrée dans le cadre de séances de créativité ayant pour but d’amener un groupe à proposer des idées innovantes autour d’une problématique prédéfinie. Le succès de ces méthodes, complémentaires l’une de l’autre, repose dans la suite donnée à toutes les idées générées et dans l’implémentation rapide de toutes les petites idées d’amélioration suggérées par les acteurs des processus (PDCA).
L'innovation est faite de ruptures et de petits pas Approche de reengineering classique
Démarche « Lean »
Rupture
Kaizen = Amélioration continue
Performance
Performance
Temps 6,16 m = Record du monde Une personne l’a fait (Renaud Lavillenie)
Temps 6,15 m = 2 étages Tout le monde peut le faire
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
La méthode PDCA
Comprendre les causes du problème
Traiter le problème Plan Do
Valider la correction et standardiser
Act Check
Vérifier l’efficacité
Standards
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
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Le Lean, une histoire d’Hommes
« La recette du succès : suivre sa propre voie » Moses Isegawa
Souvent perçu uniquement sous l’angle de la productivité, le Lean véhicule généralement une image négative pour un public profane. En effet, l’association entre productivité et réduction de coûts, et donc compression de personnel est assez fréquente. Il suffit pour s’en convaincre de lire les nombreux articles de presse qui paraissent sur le sujet : « La méthode Lean, le retour du pire travail à la chaîne »1, « Le lean management, un remède mortel »2, « La vérité sur… les dérives du toyotisme »3. Pourtant, le Lean est avant tout un état d’esprit qui, dans une perspective de long terme, prône une meilleure prise en compte de l’individu dans l’entreprise et qui sans l’adhésion des hommes et femmes de l’entreprise, est voué à l’échec. 1 Rue89, Juillet 2011 2 L’humanité.fr, Février 2012 3 Challenges.fr, Juillet 2011
28 | Le Lean, une histoire d’Hommes
A chacun sa voie L’équation Lean s’appuie sur trois grands piliers : des standards, de l’animation et un état d’esprit. Le premier risque qui pèse sur les démarches Lean est de se cantonner aux standards et aux outils. Si leur importance n’est pas à négliger, les groupes qui ont réussi avec succès une démarche Lean dans la durée sont ceux qui ont investi sur un véritable changement comportemental et une implication des cadres dirigeants. Cette volonté stratégique et ce changement de culture sont sanctuarisés autour de « ways » de management. Le Lean au cœur de la « culture maison » HP Way, PSA Excellence System, Sodexo Way… autant de termes barbares à vocation identique : définir le système de management propre à chacune de ces entreprises, sur lequel s’appuie la démarche d’amélioration continue.
45% La mise en place d’un dispositif d’amélioration continue découle à 45% d’une initiative plus large au sein de l’entreprise
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Employés
Corporate objectives Values
Open communication
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Workforce Planning
Passion for customers Professional Trust and respect development Achievement and contribution Leadership Profit Results through teamwork Balanced Total capability Speed and agility Scorecard Rewards Meaningful innovation Uncompromising integrity Global Market Standarts Diversity and citizenship leadership of Conduct inclusion Growth
Performance Management
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Strategies and practices
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Sodexo Way
Open Door Policy
Flexible Work Arrangements VoW
Sources : www.sodexo.com, www.hp.com
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Les « Ways » embrassent souvent ce qui constitue l’essence même du Lean : • Le cadre stratégique, • L’orientation client, • La valeur pour les partenaires et les salariés, • La recherche de l’innovation, • La mobilisation du personnel. Les variations entre les Ways portent essentiellement sur l’orientation interne ou externe donnée à ceux-ci. En interne, le Way définit les comportements managériaux attendus et les pratiques « business » clés à mettre en place pour conduire la performance (revenus, innovation, réduction des risques, etc.) au quotidien. En externe, le Way définit les interactions et ce pour quoi l’entreprise veut être reconnue par ses partenaires, et le type de relation qu’elle souhaite nouer avec eux. Les Ways permettent aussi, sinon surtout, d’afficher clairement, tant vis-à-vis de l’interne que de l’externe, le cadre stratégique vers lequel doivent porter les efforts d’amélioration continue. L’adapter pour mieux l’adopter La force de cette démarche est d’allier définition stratégique et déclinaison opérationnelle. En effet, les structures ayant adopté un dispositif d’amélioration continue misent sur l’adhésion de l’ensemble des acteurs à une vision et une trajectoire communes. Le facteur clé de succès d’une telle démarche tient donc dans l’adhésion des collaborateurs afin de garantir une mise en place concrète des actions à tous les niveaux de l’organisation. Dans cette perspective, la tentative de calquer un modèle préexistant sur une organisation déjà existante, possédant sa culture et ses valeurs propres, est généralement vouée à l’échec. En effet, proposer des outils non adaptés est le meilleur moyen de créer une résistance au changement. Afin de réussir la transition, l’adhésion à la démarche ne se fera qu’en adaptant sa mise en place à la culture de l’entreprise.
30 | Le Lean, une histoire d’Hommes
Investir dans le long terme L’objectif final est de faire coïncider les valeurs de l’entreprise avec le développement de la culture d’amélioration continue. Contrairement à d’autres méthodes « coup de poing », le développement d’une culture « maison », totalement adaptée au contexte de l’entreprise permet de faire réellement évoluer celle-ci : son ADN est modifié afin d’inclure la recherche de l’amélioration constante à tous les niveaux de l’organisation. Le PSA Excellence system (PES) est l’illustration de l’adoption et l’adaptation par Peugeot d’un modèle existant mais refaçonné à l’image de cette entreprise.
Une prééminence de l’humain sur le système Le succès d'une démarche Lean au sein d'un Groupe repose principalement sur les femmes et hommes qui le composent. Bon nombre de projets conduits sous la bannière du « changement », bien que portés par des évolutions de l'organisation et/ou des systèmes d'information d’envergure, sont confrontés à de vives difficultés car ils sont mal compris ou paraissent complètement déconnectés des réalités quotidiennes du terrain. La philosophie Lean s'inscrit justement dans une logique radicalement opposée : le salarié est reconnu comme la « clé de voûte » du succès de la démarche. Sa confiance, sa compréhension des enjeux, sa participation continue sont les gages de la réussite du projet. En cela, l'aspect humain prime sur le « système », c'est-àdire sur les organigrammes, les frontières hiérarchiques, les processus et les outils d’une entreprise. En même temps qu’une recherche permanente d’efficacité, la mise en place de CSP constitue un vrai défi en matière de ressources humaines. On constate souvent une perte d’intérêt pour le travail effectué, une certaine démotivation à réaliser des tâches répétitives, ce qui se traduit par des taux de rotation des effectifs élevés. Pour faire face à ce défi, le responsable de CSP doit trouver des moyens de redonner de l’intérêt au travail, d’améliorer les conditions de travail, de développer les compétences et d’accompagner les potentiels.
« Avoir un système borne les horizons ; n’en avoir pas est impossible. Le mieux est d’en posséder plusieurs » Raymond Queneau
Etre à l’écoute Comment traduire concrètement ce qui peut sembler relever de la plus complète utopie ? Afin de s’assurer de l’assimilation des enjeux d’une démarche Lean auprès des salariés, la Direction des Services Partagés d’EDF organise des visites régulières sur site une fois par an, complétées par des visites additionnelles lors des comités de processus ou autres évènements internes. Au cours de ces visites, préparées en coopération avec le management local, des messages sont délivrés directement aux équipes et leurs potentiels retours pris en compte lors de visites ultérieures. Le Lean n'a cependant pas pour ambition de transformer l'entreprise en structure de type associatif ; il vise néanmoins à assouplir les relations entre les différentes strates de l'organisation dans un objectif de partage des bonnes pratiques. Et tout cela dans un esprit d'écoute, de respect mais surtout de volonté mutuelle de résoudre des difficultés opérationnelles de manière pragmatique.
dimension managériale depuis les années 60 en popularisant le concept d’« usine ouverte » : l’entreprise japonaise s’ouvre ainsi sans réticence à la concurrence pour des visites des modèles d’organisation et de production sans crainte d’espionnage industriel car elle considère que sa richesse est invisible aux yeux du visiteur : elle réside avant tout dans l’expérience de ses salariés et dans leurs actes au quotidien.
Valoriser l’intelligence collective L’expérience des salariés constitue en effet un véritable « puits de connaissance » dont chaque entreprise doit pouvoir tirer les bénéfices. Ainsi, EDF a initié en 2011 un programme d’optimisation afin de permettre aux agents, sur la base du volontariat, de proposer les améliorations qu’ils souhaiteraient voir mises en œuvre dans leurs méthodes de travail quotidiennes. Nous retrouvons au sein de cet exemple la distinction opérée entre connaissances tacites et connaissances explicites.
Fréquence de mesure de la satisfaction des collaborateurs
Le Lean est en soi un changement de paradigme dans le monde du management européen puisqu’il amène l’univers du Top Management à reconnaître la prééminence de l’expérience du terrain sur les décisions prises en comités de Direction. Les fameux « keiretsus » (conglomérats) japonais ont intégré cette
Le Lean nous rappelle ainsi un principe simple mais souvent ignoré : si les procédures, ces « tables de la loi » modernes, sont souvent utiles, elles ne sauront jamais se substituer totalement à l’expérience et à l’initiative spontanée des salariés. Une première victoire de l’être humain sur un système qui parfois le dépasse ?
Trimestriellement Semestriellement Annuellement Rarement ou jamais Jamais
0% 10% 20% 30% 40% 50%
Occasionnellement Une fois par an
Plus d'un fois par Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, an 2015 0 10 20 30 40
Principaux axes d’amélioration ressortant des études de satisfaction collaborateurs dans les services financiers Perspective de développement personnel Intérêt du travail Oui Ecoute du management
Non
Qualité de la vie au travail Considération des autres fonctions de l'entreprise Formation 0% 20% 40% 60% 80% 100% Intérêt du travail Considération des autres fonctions de l'entreprise Formation Perspectives de développement personnel Qualité de vie au travail Ecoute du management
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
OUI NON
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100 %
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« Ne pas stigmatiser l’individu mais encourager les contributions au collectif »
EDF SA Accompagner la transformation en donnant du sens aux métiers comptables Dans quel contexte s’est inscrite la mise en place d’une démarche d’amélioration continue ? La démarche d’amélioration continue est intervenue en support à la transformation induite par l’organisation en centres de services partagés. Dans les années 1980, EDF SA comptait plus de 2000 comptables répartis à travers les différentes unités du Groupe. Un effort de rationalisation, lancé dans les années 90 a conduit à une première réduction du nombre de sites (réorganisation à une maille régionale) et, par là même, à une baisse significative des effectifs. Cette volonté de transformation s’est accélérée le 1er janvier 2009 avec la création de la Direction des Services Partagés (DSP) regroupant l’ensemble des fonctions tertiaires (RH, informatique/télécommunications, achats et comptabilité). Le CSP preste pour tous les métiers d’EDF SA (productions nucléaire, thermique et hydraulique, Direction commerciale France et Directions Corporate) auxquels s’ajoutent quelques filiales françaises. Concernant le CSP comptable, son périmètre couvre les comptabilités fournisseurs, immobilisations, clients et générale ainsi que la gestion des frais de personnel. Il traite également de la fiscalité opérationnelle. Quels étaient les objectifs poursuivis ? La démarche a été initiée dans une optique de refonte globale des processus. L’objectif était d’harmoniser les façons de travailler qui différaient significativement entre les sites, en posant les bases d’une boucle d’amélioration continue impliquant l’ensemble du personnel. Quelle a été la démarche adoptée ? La démarche retenue est inspirée des systèmes de management par la qualité et de quelques préceptes Lean. En effet, même si elle n’a pas été labellisée « Lean », on y retrouvait beaucoup d’éléments communs. La démarche s’est notamment attachée à répondre à des
32 | Le Lean, une histoire d’Hommes
objectifs classiques du Lean : le renforcement de la relation clients, l’implication des salariés et la valorisation du métier. Sur la dimension clients, il s’agissait dans un premier temps d’apporter des garanties quant à la qualité de la production comptable. Outre la mise en place de nouvelles « relations clients » (conventions avec facturations et engagements de service réciproques), des enquêtes de satisfaction et baromètres ont été réalisés afin de juger à intervalls réguliers du niveau de qualité du service rendu. Des tableaux de bord et des indicateurs clés ont été mis en place pour permettre une analyse de la qualité comptable et servir de base aux échanges avec les différentes entités clientes. La démarche d’amélioration continue s’est également appuyée sur l’implication du personnel de terrain. Ainsi, l’organisation précise des travaux a été laissée à la discrétion des équipes locales. Seuls les principes directeurs en matière d’organisation (organisation par processus, sites, orientation clients, niveau de productivité) ont été définis au niveau national. Un programme ODE (Organisation Détaillée des Equipes) a été lancé en 2011 pour laisser la possibilité aux agents, sur la base du volontariat, de proposer des améliorations dans la façon de travailler au quotidien. Des ateliers ont été réalisés par petits groupes de travail autour d’une question : « comment pouvez-vous mieux travailler ? ». Le management local a été volontairement écarté des groupes de travail pour ne pas brider la créativité des participants. En complément de cette démarche, les salariés ont également eu la possibilité de contribuer, de manière régulière, au travers d’un « trophée de l’innovation » permettant de soumettre des propositions d’amélioration sur leur domaine. Troisième axe fort de la démarche : la valorisation du métier comptable. Le passage en CSP a donné quelque part de la visibilité au métier comptable puisque l’on est passé d’une
Jean Luc LAFON Directeur délégué du CSPC d’EDF SA
activité annexe à une activité cœur de métier d’une structure dont c’est la mission première. Si cette transformation a induit une certaine spécialisation des tâches, tout en renforçant la connaissance des métiers opérationnels, la démarche d’amélioration continue a permis de réinvestir une partie des gains de productivité dans des services à valeur ajoutée (contrôles, analyses, justification de comptes, expertises…), dans la professionnalisation et l’élévation du niveau des compétences. Quels ont été les résultats obtenus ? Les résultats de la démarche entreprise ont été visibles à plusieurs niveaux. En terme de rationalisation, les activités ont été regroupées sur 11 sites majeurs (et 3 antennes), chaque site traitant de 2 processus en moyenne, et les effectifs ont été ramenés à 680 personnes (1000 personnes en 2009 sur 21 sites différents). Parallèlement, 90 embauches ont été réalisées depuis 2009, et la professionnalisation de la fonction comptable sur des mêmes processus et des mêmes métiers a certes conduit à une réduction du champ d’activités des comptables mais a surtout permis de développer l’intérêt au métier. Les résultats du « socioscope », enquête anonyme réalisée tous les ans pour la mesure de la satisfaction collaborateurs, ont conforté cette tendance. Si les résultats de 2009 ont été décevants (non compréhension de la transformation, pertes de repères vis-à-vis du management…), grâce à l’engagement du management et des actions de communication renforcées, une nette amélioration a été palpable dès 2010 et les niveaux de satisfaction atteints depuis deux ans sont maintenant excellents.
Les résultats en termes de satisfaction clients ont été en constante progression : 98% de clients satisfaits en 2011 (89% et 94% respectivement en 2009 et 2010). Cette progression s’explique notamment par une amélioration de la qualité comptable, une légitimité d’intervention, de conseil et d’appui ainsi qu’une meilleure qualité de service, attirant progressivement de très bonnes et nouvelles compétences. Quels ont été les résistances et facteurs clés de succès ? La démarche d’amélioration continue a été d’autant plus efficace qu’elle ne portait pas en elle-même d’objectifs en matière de réduction d’effectifs. En effet, la cible en matière d’organisation et de productivité avait été définie en amont par le management, qui avait pris soin d’expliquer la transformation et de lui donner du sens, dès l’annonce en 2009 de la fermeture des sites. Un point d’attention particulier a été porté sur la sécurisation des managers intermédiaires, quelque peu déstabilisés par cette approche nouvelle. Cette transformation du mode de management a été accompagnée par de formations spécifiques et d’un appui des RH de proximité de la DSP. Non assumée au départ car considérée comme anxiogène, la terminologie Lean s’est finalement imposée d’elle-même par l’exemple. De fait, les initiatives Lean se multiplient au sein du CSPC, appuyées par une nouvelle fonction d’appui et de méthode, permettant de structurer et d’encourager les efforts d’amélioration permanente des processus.
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57% des entreprises interrogées déclarent avoir mis en place un dispositif incitant les collaborateurs à faire preuve d’innovation dans leur manière de travailler
Innover pour motiver De l’importance d’innover pour les Directions Financières Dans le contexte actuel de mondialisation, l’innovation demeure le seul moyen de rester compétitif et de se prémunir contre les menaces de délocalisations. Certaines entreprises rencontrées ont clairement lancé des initiatives Lean en alternative à des projets d’offshoring, dont les conditions d’exécution actuelles sont d’ailleurs moins favorables (turnover élevé, problème de qualité, forte inflation, dégradation du contexte politicosocial). L’innovation est l’un des piliers fondamentaux du Lean, selon lesquels la non-exploitation de l’intelligence des salariés est en soi un gaspillage (le 8ème muda !).
« Tirer le profit le meilleur de ce qui est : s’ingénier à l’améliorer plutôt que de chercher à le changer » André Gide
L’innovation peut se concevoir sous plusieurs formes : dans les services que l’on peut proposer à ses clients mais aussi dans le processus d’exécution de ce service. Non brevetable, l’innovation ne se décrète pas : c’est, comme tout processus, un exercice qui doit être guidé et piloté. L’innovation « top-down », qui part du management pour descendre dans les services, montre ses limites : absence de visibilité sur les détails des processus ou encore risque d’inadaptation des innovations aux réalités du terrain. A contrario, l’innovation « bottom-up » semble présenter des difficultés sérieuses de mise en œuvre : comment capter le potentiel créatif de ses collaborateurs ? Comment, dès lors, créer les conditions de l’innovation permanente et capter le potentiel créatif de ses collaborateurs ? L’innovation participative Dans la philosophie Lean, l’innovation est l’affaire de tous. Pour que les salariés soient motivés et impliqués dans cette démarche, il est essentiel que le Lean s’inscrive dans une stratégie de long terme. En effet, à l’origine, Toyota a ancré l’innovation dans une
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logique de contrat moral entre l’entreprise et ses salariés : les salariés contribuent à la génération d’idées conduisant à la productivité, en contrepartie, l’entreprise s’engage à ne pas détruire l’emploi mais à l’utiliser pour absorber de la croissance future. Si le Lean s’inscrit dans une logique de « cost-cutting », comment concevoir une attitude motivée et proactive des collaborateurs ? On peut citer l’exemple d’une grande banque qui a dû stopper un programme Lean : ses salariés se sont retrouvés totalement inhibés compte tenu d’une mauvaise communication initiale. Le cadre mis en place pour générer de l’innovation doit s’appuyer sur quelques principes simples : • Un système le plus décentralisé possible, • Une rapidité de décision et de traitement des idées proposées, • Une reconnaissance des contributions : cette reconnaissance peut être financière mais pas exclusivement. Les motivations profondes des salariés sont généralement liées à un besoin de responsabilité et d’autonomie, • Une culture de valorisation des idées, indépendamment de leur valeur, et qui autorise donc l’erreur. Il est généralement admis que seule une idée sur dix dans un exercice de brainstorming n’est pas pertinente. Cela suppose de l’entreprise une capacité à accepter la remise en cause, par les opérationnels, des systèmes et procédures existants. Ceci constitue un changement fondamental par rapport aux usages dans les entreprises occidentales, a fortiori dans les Directions Comptables et Financières où les opérateurs sont précisément formatés pour appliquer les procédures en place. Parce que ces conditions ne sont que très rarement remplies de manière concomitante dans nos entreprises occidentales, les boîtes à idées par exemple sont souvent mal exploitées. A contrario, l’innovation participative à grande échelle dispose d’un « proof of concept » remarquable avec le groupe La Poste. Elle y a connu un développement important par le lancement d’une démarche organisée
autour de sites intranets dédiés à la remontée et la diffusion d’idées, et de « challenges » orientés sur la mise en œuvre des attitudes clés favorisant l’innovation. Au final, plus de 20 000 idées ont été collectées en 2011, contre la moitié en 2010. Ces idées font l’objet d’une sélection par un jury, les meilleures sont récompensées par les membres du comité exécutif du groupe et les dirigeants de chaque métier au cours de cérémonies « les Trophées Qualiades ». A l’instar de La Poste, le CSP Comptable d’EDF a mis en place, depuis 2010, un « trophée de l’innovation » qui récompense tout individu ou groupe qui a une bonne idée sur son domaine (SI, processus, qualité de vie au travail…). Ce trophée donne lieu au versement d’une prime monétaire. Après 15 idées soumises en 2010, 36 ont été reçues pour la campagne 2011. Un réseau de correspondants innovation (non éligibles) a été mis en place pour susciter des idées en local et aider à la rédaction des fiches de participation. Les fiches sont soumises au responsable de la mission conduite du changement / innovation du CSPC. Le jury est constitué des 20 correspondants innovation qui retiennent les 3 meilleures idées. Vers le Lean 2.0 ? L’innovation passe aussi par la technologie. Aujourd’hui, le développement des outils collaboratifs (web 2.0) bouleverse et amplifie le partage des bonnes pratiques et les échanges autour d’idées novatrices. Or, un défi auquel sont confrontées les Directions Financières dans le déploiement de programmes Lean consiste en l’animation d’un nombre important de personnes sur des sites distants. L’utilisation des nouveaux outils de communication et autres réseaux sociaux privés nous conduit à imaginer quelle pourrait être la palette des outils Lean 2.0. ABB, par exemple, assure le partage des bonnes pratiques au travers d’un intranet dédié et met à disposition des responsables de ses 26 CSP l’ensemble des indicateurs clés ainsi que les valeurs de référence (moyenne, plus basse,
plus haute). Chaque responsable de processus est invité à comparer et échanger avec ses pairs, afin de mettre en évidence ses propres leviers d’amélioration. Schneider Electric s’appuie beaucoup sur la collaboration pour favoriser l’amélioration continue. Par exemple, les bonnes pratiques et les propositions d’évolutions sont captées par le biais d’un réseau de correspondants, relais des équipes à tous les niveaux de l’entreprise. Ces derniers disposent d’un outil collaboratif permettant entre autre la gestion des idées. Ils l’utilisent pour soumettre de nouvelles idées, mais également voter et commenter autour d’idées proposées par d’autres correspondants. Chaque idée ainsi validée par le réseau est ensuite considérée comme la « voix du client » interne , prise en compte pour faire évoluer les processus, les solutions informatiques ou bien encore pour mener des actions spécifiques de conduite du changement ou d’amélioration de la qualité des données.
« Pendant vingt ans, vous avez eu mes bras. Pour le même prix, vous auriez pu avoir ma tête » Un employé de GE à Jack Welsh le jour de son départ
Chez PSA, on teste le concept d’« e-obeya » pour permettre de passer outre la distance et d’assurer le rituel de management, réalisé traditionnellement au sein d’une même salle. GE Healthcare assure également l’animation des programmes et le management visuel de façon dématérialisée au travers de vidéoconférences. Aujourd’hui les nouvelles solutions de communication permettent : • De trouver les bonnes personnes en temps réel en fonction de leur compétence et de leur localisation, • De collaborer en temps réel sous différentes formes : conférence audio, video, web, • De travailler plus efficacement avec le partage intégré de bureaux, d’applications ou de tableaux virtuels dans lesquels chaque participant peut ajouter tout type de contenu. Ces solutions de communication sont même intégrées dans les outils de modélisation de processus et de risques les plus avancés.
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Le Lean, facteur de stress ou de motivation ?
« Un athlète ne peut arriver en compétition très motivé s’il n’a jamais été mis à l’épreuve » Sénèque
Si le Lean a mauvaise presse, c’est qu’il est généralement associé à la taylorisation et aux gains de productivité. Ceux qui s’intéressent de plus près à la méthode sont également assez déstabilisés par le changement de paradigme qu’elle implique dans les modes de management. Ces craintes conduisent souvent les entreprises à faire du Lean sans l’assumer, par peur de s’attirer les foudres des représentants du personnel. Comment faire alors pour contrer cette tendance et utiliser le Lean pour ce qu’il peut être, à savoir un puissant instrument de motivation ? La peur du Lean ? Le Lean peut être facteur de stress quand il est associé à des objectifs d’économies à court terme et de réduction d’effectifs. En effet, le Lean s’accommode assez mal d’une stratégie à court terme, appuyant généralement un plan de « cost-cutting ». Le Lean vise la création de valeur plus que la réduction des coûts. Il s’inscrit par essence dans une stratégie de long terme, puisqu’il implique une évolution des comportements des collaborateurs en profondeur. Cette démarche est forcément une démarche de longue haleine qui prend du temps et ne correspond pas à l’horizon
très court-termiste d’un contexte de crise (dégagement de cash immédiat, voire gestion d’un risque de faillite). Utilisé dans l’urgence, à des fins productivistes, les salariés ne s’y retrouvent pas. Il devient alors un facteur de stress majeur. Il est donc essentiel pour le management d’adopter une communication claire et transparente. Ces actions de communication vont permettre de donner de la visibilité aux salariés impliqués et de leur faire comprendre l’importance de leur action dans le cadre de la stratégie globale de l’entreprise. Au-delà de l’inquiétude générée par les objectifs affichés, c’est la méthode elle-même qui peut s’avérer anxiogène. L’implication des opérationnels, à qui on demande d’afficher les problèmes, d’identifier les sources d’anomalies, et donc de se remettre en cause, peut être perturbante. De même, la responsabilisation des opérationnels sur la recherche de solutions peut susciter stress et incompréhension. Le fonctionnement en dynamique de groupe peut s’avérer également inhibant. Aussi, il convient de prendre quelques précautions préalables pour éviter ces écueils. Shell par exemple, a entrepris un programme de formation ambitieux, conduisant à former 20% des effectifs aux techniques Lean Six Sigma (soit environ 1 000 personnes) et a mis en place une cellule centrale d’amélioration
Principaux facteurs de résistance vis-à-vis du Lean
Pas de connaissance du Lean Management Le Lean ne correspond pas à la culture de l'entreprise Le Lean n'apporte rien de plus par rapport aux démarches traditionnelles
Oui
Le Lean est uniquement tourné vers l'amélioration de la productivité
Non
Le Lean ne s'applique qu'aux fonctions de production Le Lean est socialement inacceptable car supprime des postes 0% 20% 40% 60% 80% 100% Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
36 | Le Lean, une histoire d’Hommes
continue pour coacher les porteurs de projets locaux. La même démarche existe également chez PSA. Cette méthode implique également un changement profond pour les cadres et le management intermédiaires. D’une part, ceux-ci se voient challengés par leur n-1 sur les processus et procédures en place, d’autre part, ils doivent adopter un mode de management beaucoup plus collaboratif avec la multiplication des réunions à animer devant l’ensemble d’un service. Cette peur légitime doit être accompagnée par les cellules amélioration continue dédiées et par de formations adaptées. Cette peur du Lean conduit certaines entreprises à être réticentes à l’affichage de la terminologie Lean dans leur programme, même si tous les ingrédients sont réunis. Citons le cas d’une grande entreprise, qui, à défaut d’intégrer le mot Lean dans la dénomination du projet, a privilégié une communication autour d’un anagramme, Elan. Le Lean, levier de motivation Le Lean est un puissant instrument de motivation, qui a fait ses preuves, notamment dans des structures de type CSP. Il est de nature à développer l’implication des salariés, de redonner du sens à des métiers comptables parfois déshumanisés et, au final, de fidéliser les ressources. Etre à l’écoute de ses salariés, de leurs états d’âme et de leurs idées, est un élément essentiel pour le management. Cela permet de valoriser la voix des salariés, de bénéficier de leur connaissance précise des processus, et aussi de prévenir des difficultés avant qu’elles ne deviennent incontrôlables. A condition que l’entreprise donne réellement les moyens, en temps ou en formation, aux salariés de s’impliquer dans la démarche d’amélioration continue, celle-ci pourra en recueillir les bénéfices au niveau de leur motivation. La
Poste et EDF ont mis en place des enquêtes annuelles de satisfaction auprès des salariés de leur CSP. La prise en compte des difficultés remontées lors des premières enquêtes a permis une amélioration sensible de la satisfaction des employés les années suivantes. En travaillant dans le détail sur le contenu de leur poste, les salariés contribuent à en redonner un sens. Les tâches sans valeur ajoutée comme les ressaisies d’information, les doubles-contrôles et les reportings inutiles sont source de démotivation. Leur élimination progressive ne pourra qu’être bénéfique. En parallèle, le temps gagné sur les activités supprimées peut être réinvesti sur des tâches apportant de la valeur pour les clients de la fonction : analyse, contrôles, expertise... Un comptable immobilisations peut par exemple apporter du conseil aux métiers en détectant des retards de mise en service ou encore en vérifiant la conformité de la distinction Opex / Capex. Dans le même esprit, le développement d’une vision de bout-en-bout, plus large que le poste auquel contribue le salarié habituellement, permet à celui-ci de comprendre les tenants et les aboutissants de son action. Il se sent également partie prenante dans la marche de l’entreprise. Pour un comptable fournisseurs, découvrir la réalité opérationnelle derrière les lignes de factures et en comprendre le sens lui permet de mieux appréhender les sources d’erreurs et leur résolution. Pour sortir de l’effet routinier et limiter la perte d’intérêt pour les tâches, il est également souvent conseillé de développer la polyvalence entre les postes. En plus d’ouvrir le champ de compétences au niveau individuel, cette action donne également plus de souplesse aux responsables de CSP pour pallier les variations saisonnières et surcroits temporaires d’activité. Organisée au sein de parcours professionnels, la gestion des compétences permet, en complément, de donner de la visibilité aux salariés et de favoriser leur employabilité.
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Comment évaluer votre Leanitude ? Les quatre dimensions de l’entreprise Lean To be or not to be lean ? Comme le suggère ce détournement de la célèbre phrase de Shakespeare, l’évaluation de son niveau de maturité par rapport au Lean se pose pour toute entreprise ayant entrepris ce type de démarche. Ce niveau ne s’apprécie pas de manière monolithique mais bien en fonction de quatre piliers : • Les outils et les standards, • Le management et l’animation des équipes, • La performance des processus, • La gestion des compétences. Bien entendu, toute démarche Lean performante s’appuie avant tout sur des méthodes robustes et un socle de standards. Pour mémoire, les principaux outils Lean trouvent facilement leur application dans les Directions Financières : la cartographie de la chaîne de valeur des processus (VSM ou MIFA), le SIPOC, les 5 pourquoi, les diagrammes d’Ishikawa, le PDCA, les obeyas. Beaucoup 38 | Comment évaluer votre Leanitude ?
d’entreprises n’ayant pas de démarche Lean volontariste utilisent ces outils car ils sont partagés avec d’autres méthodes, notamment les démarches qualité ; elles font de fait du Lean sans le savoir. Mais une démarche Lean cantonnée aux outils sans véritable plan de transformation souffrira vite d’un phénomène d’essoufflement. En effet, la dimension la plus importante et la plus difficile à appréhender est la dimension management et animation puisque le Lean vise l’implication de tous. Or, ce temps de l’humain est beaucoup plus long que le temps du business. C’est fondamentalement un problème de conduite du changement : comment faire faire spontanément à des collaborateurs ce que l’on aimerait qu’ils fassent ? Dans une organisation, face à un changement, on trouve toujours une population d’avant-garde (10 à 20%) qui est prête à comprendre les concepts et à se les approprier spontanément, des suiveurs (60 à 70%) et une arrière-garde (10%) difficile à convaincre. Il s’agit d’une différence de philosophie fondamentale avec les démarches qualité, en ce sens que ces dernières s’appuient essentiellement sur le responsable qualité,
Niveau de connaissance déclaré du Lean Management
20%
Notion inconnue
6% 20%
Notion non maîtrisée Notion théorique connue Notion parfaitement maîtrisée
54%
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
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sorte de « caution morale », aux dépends des opérationnels qui, de fait, se sentent moins responsabilisés. La construction d’un modèle d’animation et de diffusion du Lean doit s’appuyer sur 3 éléments fondamentaux : la constitution d’une cellule d’experts, dotée d’un niveau de connaissance élevé de la démarche, l’animation des opérationnels en charge de mettre en œuvre le changement et une implication régulière du top management. La troisième dimension prépondérante d’une démarche Lean est la mesure de la performance. Celle-ci est essentielle car elle est une condition sine qua non à la progression ; pour s’améliorer, il est important d’avoir une base de référence et de savoir où l’on va. Il convient également d’être prudent dans la sélection des indicateurs car de mauvais indicateurs peuvent conduire à des désastres. A titre d’illustration, on peut penser à la comptabilité fournisseurs, dont l’objectif principal est de régler les fournisseurs à échéance. A l’extrême, le meilleur moyen d’atteindre cet objectif est de débloquer toutes les factures indépendamment de leur caractère bonnes à payer ou non. Les entreprises Lean les plus matures en la matière assurent un alignement parfait entre les objectifs stratégiques définis par le Top management, les objectifs par métier/fonction et leur déclinaison opérationnelle dans les services, en lien étroit avec le système de rémunération. Un service Lean rend visible ces indicateurs et capitalise sur ceux-ci pour bâtir des plans d’actions. Enfin, le déploiement d’une démarche Lean à grande échelle suppose une vigilance particulière de la gestion des compétences.
40 | Comment évaluer votre Leanitude ?
Elle doit s’appuyer sur un bon équilibre entre les formations méthodologiques et celles de nature comportementale, orientées vers le management et l’animation d’équipe. Pour assurer la pérennité et la cohérence globale des processus au sein d’une Direction Financière, la désignation des responsable de processus, gardiens du temple et des règles de gestion, est nécessaire. Ils sont aussi les maillons essentiels dans la fédération et l’animation d’une communauté de bonnes pratiques faisant vivre les standards et s’assurant de leur diffusion dans les services concernés.
La matrice LIFT1 : un ascenseur vers la performance Etre une entreprise Lean ne se décrète donc pas : il faut du temps, des ressources, une volonté affirmée et une trajectoire claire. Ainsi, lancer une démarche Lean suppose de faire un état des lieux objectifs du niveau de maturité de l’entité concernée, puis de fixer les ambitions à atteindre, et enfin de définir les étapes intermédiaires et le temps nécessaire à l’atteinte de cette cible. C’est à cette fin que la matrice LIFT a été élaborée : établir un état des lieux rapide, définir cible et trajectoire associée. Pour chacune des dimensions présentées, la matrice LIFT comprend cinq niveaux de maturité au regard du Lean, de ses outils et de ses principes. Le niveau 1 est le niveau le plus basique, et le niveau 5 correspond au degré de maturité le plus élevé. A chaque niveau, et 1 LIFT : Lean In Finance Transformation
pour chacune des dimensions, correspondent des exemples de pratiques. Des réunions d’équipes se tiennent régulièrement et les objectifs du responsable d’équipe et de ses n-1 sont alignés ? La maturité est de niveau 3 selon la dimension animation et management d’équipe. Il n’existe pas d’indicateurs de suivi de la performance ? L’entreprise est au niveau 1 selon la dimension performance des processus. En hiérarchisant, par des exemples concrets, cinq niveaux de maturité selon quatre dimensions essentielles dans toute organisation, la matrice LIFT permet de réaliser rapidement un premier diagnostic du degré de maturité Lean d’une entité. Cette matrice se veut relativement générique et doit être contextualisée en fonction des contingences de chaque entreprise. D’autre part, au sein d’une même entreprise, chaque service doit trouver son propre rythme et il est important de laisser un espace de liberté dans la mise en œuvre de la feuille de route. L’avancement doit être partagé régulièrement (une à deux fois par an) avec la cellule amélioration continue de l’entreprise afin de définir de manière conjointe les plans d’actions sur le reste à faire.
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Axes
Management et animation
Performance des processus
Niveau 1
Sponsorship
Les dirigeants sont informés d’une démarche d’amélioration continue dans une partie de l’organisation mais ne la reprennent pas à leur compte
Animation d’équipe
Aucun rituel d’animation n’est défini, relation bilatérale uniquement
Chaque responsable d’équipe est incité à réaliser une réunion d’équipe régulière, mais ne reçoit ni formation ni accompagnement spécifique
Cellule amélioration continue
Il n’existe aucun référent méthodes au sein de l’organisation
Des référents sont disponibles au sein de l’organisation mais spécialisés par métier / fonction
Cadre de pilotage
Les objectifs stratégiques de l’entreprise sont flous ou peu connus des salariés
Les objectifs stratégiques de l’entreprise sont partagés avec le management intermédiaire
Suivi de la performance
Le responsable financier méconnait les volumes traités et le niveau de performance des processus gérés
Le dispositif de mesure ne capte que des indicateurs de volumes
Satisfaction clients Les clients de la fonction sont mal définis
Outils et standards
Gestion des compétences
Niveau 2
Il n’existe pas de programme d’amélioration continue structuré au sein de l’organisation (initiatives ponctuelles uniquement)
Les partenaires de la fonction sont identifiés mais les relations ne sont pas encadrées
Outils
Les outils traditionnels du Lean ne sont pas usités
Quelques outils d’analyse et de résolution de problèmes mobilisés lors de chantiers courts et non récurrents
Standards
Les processus sont hétérogènes et peu formalisés
Les processus font l’objet d’une formalisation mais sont peu connus et sont déconnectés des pratiques opérationnelles
Innovation
Aucune initiative particulière n’est menée sur l’innovation concernant les processus financiers
La réflexion sur l’évolution des pratiques est portée par une équipe centrale dédiée, déconnectée des équipes opérationnelles
Implication
Les ressources ne sont pas impliquées dans la gestion des processus et le pilotage de l’activité
Les acteurs sont invités ponctuellement à réfléchir à l’amélioration de leurs processus
Compétences fonctionnelles
Les acteurs comprennent les processus sur Les acteurs des processus sont peu formés lesquels ils contribuent, sans rechercher et réalisent leurs tâches sans comprendre la polyvalence ni appréhender les enjeux les tenants et aboutissants du processus des clients
Compétences comportementales
Il n’existe aucun dispositif d’accompagnement pour les salariés
42 | Comment évaluer votre Leanitude ?
Seuls les correspondants amélioration continue font l’objet d’une formation sur les méthodes et standards d’animation
Niveau 3
Niveau 4
Niveau 5
Les dirigeants initient la démarche mais sont peu présents dans le suivi du programme d’amélioration continue
Les dirigeants demandent un suivi régulier des plans d’actions mais ne sont pas présents sur le terrain
Les dirigeants s’impliquent personnellement dans les revues de performance et dans la communication autour du programme
Un cadre de méthode en matière d’animation (thèmes, calendrier, techniques d’animation) est défini mais son application n’est pas vérifiée
Les réunions d’équipe sont structurées autour des axes et thèmes clés, utilisant le management visuel et donnent lieu à une communication ascendante et descendante
Les réunions sont réalisées dans des obeyas, avec un partage efficace des points clés, favorisant la prise de décision. Le manager s’engage sur des standards de management et visite régulièrement les sites
Une cellule amélioration continue est mise en place mais avec un niveau d’expertise / polyvalence faible ou variable
Une cellule amélioration continue est en place, disposant d’experts méthodes qualifiés, mais qui ne s’impliquent pas dans l’animation du programme
Une cellule d’animation continue est en place, représentant environ 1% des effectifs couverts, en charge de l’animation et du déploiement du programme
Les objectifs stratégiques de l’entreprise sont partagés avec le management intermédiaire et les salariés mais ne font pas l’objet de déclinaison opérationnelle
Les objectifs définis par le dirigeant sont cohérents avec l’ensemble des objectifs définis par département / service mais le top management est peu présent dans le suivi du programme d’amélioration continue
3 niveaux d’indicateurs (stratégique, managérial, opérationnel) qui s’emboîtent logiquement du top management à l’opérationnel
Chaque processus possède son cadre de suivi en terme de volume et de qualité
Les indicateurs couvrent l’ensemble des dimensions (coûts, qualité, délais) et les écarts par rapport aux objectifs font l’objet de plans d’actions
Les revues de performance sont réalisées et donnent lieu à des plans d’actions. Les résultats sont exploités dans le cadre de la politique de rémunération
Des réunions régulières sont organisées avec les clients de la fonction et une enquête périodique mesure leur degré de satisfaction
Des contrats de service sont mis en place entre la fonction et ses partenaires, définissant les engagements réciproques et le niveau de qualité attendu
Les contrats définis dépassent la relation clients / fournisseurs et les partenaires instaurent conjointement des objectifs d’amélioration de la performance
L’utilisation d’outils d’analyse et de résolution de problèmes est systématisée
Les outils mis à disposition comprennent également des outils d’animation type management visuel et obeyas
Le panel d’outils mis à disposition comprend, en plus des outils de d’analyse et d’animation, des outils collaboratifs permettant de partager à une large échelle
Il existe un référentiel de processus de bout-en-bout (incluant les acteurs, les entrants, les livrables, les risques et les SI) partagé entre les services
Les équipes opérationnelles sont invitées à revoir périodiquement les processus en place et à se prononcer sur l’évolution des standards
Les initiatives en matière d’évolution des standards sont mises en commun et partagées lors de réunions de communautés métiers étendues
La réflexion sur les pratiques innovantes est couplée avec des dispositifs de collecte type boîte à idées pour récueillir les propositions des collaborateurs
Le dispositif destiné à favoriser les contributions des collaborateurs à l’effort d’innovation est incitatif, chaque idée est considérée avec attention et valorisée
L’innovation est au cœur de l’ADN de l’entreprise et fait partie intégrante des objectifs des collaborateurs
Les acteurs participent passivement aux démarches d’amélioration continue
Les acteurs perçoivent l’intérêt de l’amélioration continue et sont parties prenantes de la démarche et leur contribution est valorisée
Les acteurs des processus s’impliquent dans les dispositifs d’amélioration continue et disposent des moyens (temps, formation, coaching) pour le faire
Les acteurs recherchent la polyvalence et s’incrivent dans un parcours professionnel qui leur donne de la visibilité sur leur avenir. Les processus font l’objet de comparaisons entre entités comparables
Un responsable de processus est nommé, garant de la pérennité et de la cohérence globale des processus
Un responsable par processus est nommé, en charge de l’animation de la communauté métier et du partage des bonnes pratiques
Les managers intermédiaires font l’objet d’un accompagement terrain pour gérer l’évolution de la relation avec leurs collaborateurs
L’ensemble des collaborateurs fait l’objet d’un dispositif de formation aux techniques et méthodes mais une partie importante des projets reste pilotée par des experts
20% de la population concernée est formée au niveau Green Belt, leur permettant de réaliser l’essentiel des projets d’amélioration continue
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Champion, expert ou timide ? Compte tenu des quatre dimensions et des cinq niveaux formalisés dans la matrice, une grande diversité de situations est envisageable en termes de mise en œuvre du Lean. Cependant, les observations menées, rapportées à la matrice, font ressortir trois profils-types. Les timides Les timides sont peu avancés dans la mise en pratique du Lean, ils ont identifié la nécessité d’évoluer sous le coup de contraintes externes (manque de compétitivité, érosion des marges, nouvel acteur, etc.) ou internes (prise de conscience de l’inefficience de certains processus, comparaison avec les pairs, etc.),
ont lancé quelques initiatives mais n’ont pas forcément conscience de ce que le Lean peut leur apporter en termes d’outils et de pratiques. En conséquence, ils n’ont pas toujours une vision très précise des objectifs et de la trajectoire à suivre en matière d’amélioration continue. Pour les timides, la principale problématique est de structurer leur démarche et de trouver la bonne communication ainsi que le sponsorship dans un contexte social sensible. Définir une ambition claire aussi bien dans les gains escomptés (Le Lean n’est pas un but en soi) que dans les progrès à réaliser, identifier une trajectoire de changement (Quelles dimensions privilégier ? A quelle échéance ?) et lancer les premières actions pour faire naître une dynamique.
Exemple d’entités : Bull, Vinci, Veolia Axes
Niveau 1
Sponsorship
Management et animation
Animation d’équipe Cellule amélioration continue Cadre de pilotage
Performance des processus
Suivi de la performance Satisfaction clients Outils
Outils et standards
Standards Innovation Implication
Gestion des compétences
Compétences fonctionnelles Compétences comportementales
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
44 | Comment évaluer votre Leanitude ?
Niveau 2
Niveau 3
Niveau 4
Niveau 5
Les experts Les experts sont très performants sur une ou deux dimensions de la matrice principalement liées aux processus. Les aspects organisationnels de management, d’animation d’équipe ou de gestion des ressources humaines apparaissent superflus par rapport aux gains tirés de l’amélioration des processus. En conséquence l’évolution se fait souvent en rupture, pilotée par une cellule d’experts. La démarche est assez éloignée du Lean si l’on considère que l’aspect humain est essentiel dans celui-ci, cependant la dynamique et les outils en place pourraient être étendus aux autres dimensions du Lean.
Les experts peuvent évoluer vers une démarche plus large sous au moins deux conditions. D’abord s’ils prennent conscience de ce que peuvent apporter les autres dimensions (motivations et implications des employés, efficacité renforcée du management, etc.). Ensuite s’ils arrivent à impulser une dynamique plus large impliquant des employés qui ont été jusque-là exclus et qui pourraient voir d’un mauvais œil la généralisation d’une démarche ayant eu pour principal objectif la recherche de la productivité à tout prix.
Exemple d’entités : Carrefour, EDF, Sanofi Axes
Niveau 1
Niveau 2
Niveau 3
Niveau 4
Niveau 5
Sponsorship
Management et animation
Animation d’équipe Cellule amélioration continue Cadre de pilotage
Performance des processus
Suivi de la performance Satisfaction clients Outils
Outils et standards
Standards Innovation Implication
Gestion des compétences
Compétences fonctionnelles Compétences comportementales
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
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Carrefour Accompagner la transformation par une évolution permanente des processus Louis LEGORJU Directeur Comptable France
Dans quel contexte s’inscrit la mise en place d’une démarche d’amélioration continue ? La démarche d’amélioration continue a été mise en place pour soutenir la transformation progressive des processus administratifs en France. Dans un métier fortement décentralisé (200 hypermarchés, 600 supermarchés et une centaine d’entrepôts), Carrefour a lancé, à la suite de sa fusion avec Promodès en 2000, un projet de rationalisation de ses processus et de son organisation comptables. Ce projet a d’abord conduit à regrouper les processus comptables des sites régionaux, notamment des sites des supermarchés. En 2005, la fonction comptable emploie 800 personnes. Le passage en CSP fût finalisé après la convergence vers un ERP unique (PeopleSoft) et un site unique, Mondeville près de Caen. Celui-ci couvre aujourd’hui 8 CSP : administration commerciale, comptabilité achats / marchandises, comptabilité des frais généraux, comptabilité immobilisations, argent, comptabilité des clients (franchisés et ventes à crédit), comptabilité des sociétés et closing – reporting - consolidation. Les particularités liées au métier de Carrefour tiennent au mode de détention des magasins (intégrés / franchisés) ainsi qu’aux mouvements importants d’entrées / sorties du périmètre d’entités traitées (rachats de magasins ou passages en franchise).
46 | Comment évaluer votre Leanitude ?
Quels étaient les objectifs poursuivis ? La démarche a été initiée dans une optique de productivité et de réduction des coûts de la fonction comptable. Cependant, la démarche entreprise avait également pour but d’assurer la qualité, la fiabilité et la fluidité de l’information pour les enseignes. Le renforcement du contrôle interne, dans un environnement très décentralisé où l’opérationnel prend souvent le pas sur l’administratif, faisait également partie des ambitions du programme. Quelle a été la démarche adoptée ? Au lancement de la démarche en 2004, chaque processus a été retravaillé format par format avec les opérationnels (chefs de caisse, approvisionneurs….). Ce travail a été réalisé dans une logique de « pas à pas » afin de décomposer chacune des activités et voir comment les améliorer, voire supprimer les activités sans valeur ajoutée. Dans ce sens, même si la démarche n’est pas Lean en tant que telle, certains aspects font toutefois penser aux outils Lean (Value Stream Mapping ou analyse de la chaîne de valeur du processus, orientation terrain…). Une structure interne, dénommée « organisation et projets » soutient les évolutions de processus induits par la création de nouveaux métiers (e-commerce, drive) ou la mise en place de nouveaux outils backs office. Cette cellule, rattachée à la DAF et composée d’une dizaine de personnes, a essentiellement un rôle d’animation de la démarche (en
« Nous avons fait du Lean sans le savoir »
lien avec les métiers et la DSI notamment). Elle a également en charge le suivi et le déroulement des clôtures comptables. Par exemple, le processus de clôture informatique a été redescendu dans son intégralité afin d’améliorer la production informatique quotidienne en accélérant le traitement des incidents et rejets. Concernant les processus en place, une cellule légère (6 personnes) a été mise en place pour challenger les pratiques existantes de manière transverse. Après les avoir analysées avec les acteurs du processus, la cellule propose des améliorations qui seront mises en œuvre après validation des instances opérationnelles. Pour 2012, priorité a été donnée à la supply chain, permettant par exemple de traiter les activités liées aux transports amont et aval, aux litiges transports, à la casse, aux retours marchandises… Des indicateurs de suivi de la production comptable ont été émis en place, alimentant chaque manager pour un partage avec les équipes lors des briefs hebdomadaires. Ces réunions hebdomadaires sont complétées le cas échéant par des réunions ad hoc lors de la remontée d’incidents. Quels sont les résultats obtenus ? L’objectif principal de la démarche a été atteint puisque les effectifs de la fonction ont été ramenés à 480 personnes (y compris les personnes en charge de l’administration commerciale). La logique d’amélioration continue, combinée à des ruptures technologiques comme la dématérialisation fiscale, a permis une réduction de 220 personnes sur 7 ans, notamment sur le processus achats / marchandises. Au plan
des délais, La démarche a également conduit à raccourcir les délais de clôture de 7 jours, avec une production des comptes consolidés aujourd’hui réalisée en j+15. Outre ces résultats quantitatifs, la démarche a permis d’apporter rigueur et fiabilité dans la production comptable. Les enseignes ont certes, dans un premier temps, vu la mise en place du CSP comme une perte de contrôle sur leur informations financières. Cependant, une fois le transfert réalisé, elles ont pu constater qu’elles étaient désormais déchargées des tâches administratives et disposaient d’une information normalisée et fiable. Le maintien de la qualité comptable, malgré la perte d’effectifs, était une exigence forte du programme. Quelles sont les prochaines étapes ? L’essentiel des progrès possibles en interne du CSP est désormais réalisé. Comme la performance d’ensemble dépend également de la contribution des business units (réception, demande de mises à jour des référentiels…), la prochaine étape consistera certainement à mettre en place des contrats de service entre le CSP et les BU. Pour verrouiller le dispositif, une communication sur le respect de ces engagements pourrait également être mise en place auprès du Comex de façon trimestrielle. De même, les améliorations spectaculaires constatées sur le processus achats / marchandises n’ont pu être reproduites sur les frais généraux. La mise en place de nouvelles approches comme le Lean pourrait permettre de passer au–delà des difficultés actuelles sur ce processus.
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« On ne change pas la société par décret » Michel Crozier
Les champions Les champions ont atteint un bon niveau de maturité sur l’ensemble des dimensions, leur démarche est inscrite dans une dynamique construite autour d’une trajectoire qui vise l’implication de tous et le progrès continu. Quel que soit leur niveau de maturité, les champions ont déjà en tête l’étape suivante. Les champions sont confrontés à des difficultés très spécifiques. Paradoxalement, continuer d’innover et de trouver des axes de progrès n’est pas leur principal soucis. En revanche deux écueils les guettent. Le premier est de sombrer dans le dogmatisme et de perdre de vue les objectifs du Lean, en effet celui-ci doit apporter des bénéfices concrets à l’entreprise. Le second est une trop grande dispersion des initiatives, qui rendrait difficile le partage des bonnes pratiques mises en évidence grâce au Lean. Pour contourner ces écueils, une équipe dédiée à la supervision de ces démarches (de l’ordre d’une personne pour environ cent employés concernés par les démarches) et très qualifiée semble être une bonne réponse. Toute typologie est par nature imparfaite, celle établie ici vise à illustrer trois faits majeurs. Premièrement, le Lean est bien une affaire de
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maturité, les différentes entreprises entrant dans le panel d’observation le confirment. Deuxièmement, il existe différentes façons d’aborder le Lean, en englobant l’ensemble des dimensions, en se concentrant sur quelques-unes, en étendant une démarche d’amélioration initiée sous un angle différent, etc. Troisièmement, et c’est peut-être le fait majeur, l’enjeu n’est pas de définir une cible mais d’élaborer une trajectoire. Les entreprises matures (les champions) ont procédé de la sorte et continuent de suivre une trajectoire, au contraire les timides et les experts ne parviennent pas à se doter d’une telle direction. Cette sentence s’applique parfaitement à l’entreprise souhaitant initier une démarche Lean. En effet lancer une démarche Lean suppose d’une part de poursuivre un objectif concret d’amélioration, et non de céder à une mode, et d’autre part d’anticiper une trajectoire progressive de transformation. La matrice LIFT est à la fois un accélérateur dans la réalisation du diagnostic de maturité Lean et la première brique dans l’élaboration de cette trajectoire de changement. Elle ne vient cependant qu’en appui de cette étape qu’elle ne doit pas remplacer.
Exemple d’entités : GE, Shell, Johnson & Johnson, Axa, PSA Axes
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Sponsorship
Management et animation
Animation d’équipe Cellule amélioration continue Cadre de pilotage
Performance des processus
Suivi de la performance Satisfaction clients Outils
Outils et standards
Standards Innovation Implication
Gestion des compétences
Compétences fonctionnelles Compétences comportementales
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
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Les clés de la réussite
« Le commencement est beaucoup plus que la moitié de l'objectif » Aristote
Afin de parer aux écueils habituels liés à ce type de démarche, le plus simple est encore de profiter de l’expérience d’entreprises l’ayant déjà mis en œuvre dans la fonction financière. Leurs difficultés mais aussi les facteurs clés de leurs succès ont été synthétisés afin de dresser un guide pratique pour qui veut se lancer dans l’aventure Lean. Même s’il n’existe pas de recette miracle pour garantir le succès de cette initiative, certaines « règles d’or » présentées ci-après permettent de maximiser les chances de réussite.
Une mobilisation significative, en paroles et en actes, du Top Management La durabilité des initiatives Lean Six Sigma dans l’entreprise dépend étroitement de l’implication du Top management dans leur mise en place et leur animation. Des initiatives
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lancées dans quelques entreprises étaient à ce point liées à la personne du PDG qu’elles ont été immédiatement stoppées à leur départ. Le prix Shingo1, qui récompense depuis 1988 les entreprises les plus avancées dans le Lean Management propose une grille d’évaluation de l’implication des dirigeants sur 3 niveaux : • Niveau 1 : les dirigeants « éteignent les feux » mais sont absents des efforts d’amélioration, • Niveau 2 : les dirigeants fixent des objectifs d’amélioration et soutiennent les efforts des autres, • Niveau 3 : les dirigeants sont focalisés sur l’implémentation durable des principes d’excellence opérationnelle. Sans aller jusqu’à la caricature, l’implication du top management dans le programme doit être réelle, continue et contribuer à valoriser le travail réalisé. 1 Prix Shingo : baptisé en hommage au Dr. Shigeo Shingo, l’ingénieur japonais réputé pour la création et la mise en œuvre du ‘‘Toyota Production System’’
Principaux freins rencontrés lors de la mise en place d’une démarche Lean Absence de soutien du Top Management Difficulté à maintenir l'effort dans la durée Rejet par le Management intermédiaire Absence de motivation de la part des collaborateurs Difficulté à mesurer la performance initiale ou les progrès réalisés Coût de mise en place 0% Impact fort
Impact faible
20% 40% 60% 80% 100%
Sans impact
H;I,#6*#149*#*2#-0.:*# Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015 @4A:<0,5#B#1*9</*/#0.#-*/F;/1.2:*# 424=.0*#;<#0*9#-/;3/G9#/5.04959# 789*2:*#6*#1;=E.=;2#6*#0.#-./,# 6*9#:;00.8;/.,*</9# @4A:<0,5#B#1.42,*24/#0C*D;/,#6.29#0.# 6</5*# 789*2:*#6*#9;<=*2#6<#>;-# ?.2.3*1*2,# )*+*,#-./#0*#1.2.3*1*2,# 42,*/1564.4/*#
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Créer les conditions de la réussite Si, dans les organisations Lean, la solution aux problèmes vient souvent du terrain, c’est le Top management qui crée les conditions de réussite des projets de transformation Lean. Pour cela, il doit s’impliquer personnellement pour crédibiliser la démarche et veiller à son alignement avec la stratégie de l’entreprise, donner les moyens aux équipes d’atteindre des résultats concrets et s’assurer de leur motivation. De nombreux exemples montrent qu’effectivement la réussite de tels projets passe nécessairement par un appui fort du Top management. Chez Shell, c’est Peter Voser, alors CFO du Groupe, devenu depuis CEO, qui fut à l’origine de la création du service dédié à l’amélioration continue. Chez PSA, Christian Streiff a demandé à ses cadres dirigeants d’être « Lean partout » lors de son arrivée en 2007. Les projets Lean impulsés par la Direction Technique et Industrielle du Groupe étaient présentés lors des Comités de Direction. Lors du changement de management en 2009, Philippe Varin a réaffirmé l’importance du programme Lean pour PSA. A contrario, chez un grand équipementier automobile qui a développé un programme Lean d’ampleur, la démarche entreprise sur le Lean Office s’est essoufflée après 2007, faute de volonté de relance de la part du management. Des années d’efforts pour construire peuvent être annihilées en quelques mois faute de soutien. Rendre les initiatives visibles Par sa transversalité et sa visibilité, le Top Management est le plus à même de valoriser les initiatives Lean Six Sigma dans l’entreprise,
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via une communication dédiée et régulière. Il est ainsi important de montrer que le Lean est une composante à part entière de la stratégie d’entreprise en incluant les objectifs et leurs résultats dans les communications à destination du management intermédiaire, des employés et des actionnaires. Le meilleur exemple en la matière reste Jack Welsh (CEO de Général Electric de 1981 à 2001) qui, dans une lettre aux actionnaires, réussit l’exploit de placer quatorze fois le terme « Six Sigma » ! Plus récemment le CEO de Shell a intégré dans sa communication trimestrielle des mentions de projets d’amélioration continue, illustrée d’exemples concrets au sein de la fonction finance. C’est également au sein même de l’entreprise que le Top management doit porter et communiquer sur les initiatives. Placer la gouvernance de projets Lean à un niveau hiérarchique élevé est en soi un signe fort de l’importance accordée à ces projets. Lors du lancement de la démarche Lean chez Shell, les premières présentations étaient portées par le Top management. Si celui-ci a donc un rôle primordial à jouer dans la visibilité et l’élan qu’il donne aux projets Lean, il ne doit pas oublier que la réalité, dans le Lean, se passe sur le terrain : il doit donc s’y rendre ! Se déplacer sur le terrain et participer aux démarches locales Le management Lean ou « Genshi Genbutsu » préconise en effet de se rendre sur le terrain et d’échanger avec les opérationnels pour
« La transformation nécessite l’engagement personnel du management pour donner du sens, être présent et proche des équipes » Gérald Brisebard, Directeur Comptable de La Poste Courrier
appréhender pleinement la situation. Le déplacement sur le terrain nécessite à la fois une écoute attentive de la part du management mais aussi un effort des opérateurs de terrain qui doivent expliquer les problèmes qu’ils rencontrent. Cette méthode est concrètement appliquée et recommandée dans les entreprises qui appliquent un management terrain de qualité. Chez PSA ont été instaurées deux visites de terrain par semaine sur site pour s’auto-émuler à détecter les gaspillages. A l’instar de PSA, des visites sont organisées chez EDF par le Top management sur chaque site, une fois par an. La condition sine qua non de réussite repose sur l’alignement des messages entre le Top management et les cadres locaux. Afin de pallier tout risque d’incohérence, les messages portés font toujours l’objet d’une préparation préalable avec le management local. D’autre part, si le déplacement des managers sur le terrain permet une meilleure analyse des problèmes, l’exemplarité du Top management et de la ligne hiérarchique est primordiale. Il est indispensable que le Top management s’implique personnellement dans les initiatives locales, sachant que pour être efficace, cette implication doit être continue. S’impliquer dans le suivi des résultats Si le Top management a un rôle primordial à jouer dans une démarche Lean, par son exemplarité et son implication, encore faut-il prolonger ce signal dans la durée. Au travers de points réguliers de l’équipe d’amélioration continue en comité de Direction ou encore à l’occasion de points programmés sur l’avancée
de chaque projet, les dirigeants manifestent leur envie et leur souci de voir aboutir ces initiatives. Encore mieux, les résultats de ces chantiers d’amélioration continue peuvent être intégrés dans la politique de rémunération des dirigeants, assurant ainsi un lien indéfectible entre le projet et son sponsor. Chez GE HealthCare, la réussite du projet est une composante des objectifs individuels du CEO et du CFO. Au-delà de la notion très usité de « sponsorship », il convient de passer du concept à la déclinaison pratique. C’est par ses actions concrètes en matière de supervision des résultats, d’implication dans l’animation et dans la communication qu’il peut en faire que le dirigeant peut appuyer réellement les démarches d’amélioration continue. Cette évolution profonde, centrée autour de l’humain, ne peut s’effectuer sur un horizon court terme. Elle nécessite la définition d’une feuille de route claire et pratique, qui permettra à chaque responsable de service de tirer son unité progressivement vers les objectifs attendus par le programme. Pour que l’ancrage soit pérenne, les opérationnels doivent être accompagnés par des experts transverses, spécialistes des outils et méthodes, coachant les opérationnels sur la gestion de leurs projets. Une fois la feuille de route déterminée, une fois les premières initiatives soigneusement choisies, c’est bien la réussite de ces dernières qu’il faut viser, car elles contribueront fortement à établir la légitimité de la démarche globale.
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Jean Charles Gaury Directeur Comptabilité Automobile
Zodiac Aerospace Développer une démarche Lean qui s’inscrive dans les besoins et l’évolution de la culture d’entreprise
Carine VINARDI Directrice Lean Groupe
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Quel a été le contexte de démarrage de la démarche Lean ? Le démarrage est récent : moins de 2 ans avec des ressources Lean principalement déployées dans nos Business Unit, cela dans un contexte de croissance interne et externe. La démarche a donc pour but d’accompagner les changements nécessaires : évolution de la culture d’entreprise pour répondre aux enjeux industriels et à la gestion proactive de la croissance. Le processus du changement nécessite une prise de conscience factuelle et émotionnelle. Il n’est donc pas nécessaire d’être au bord du gouffre mais de partager nos contraintes et notre perception de la situation et de construire le système qui saura mobiliser nos troupes.
Quelles sont les activités concernées ? Nous avons démarré en fabrication comme c’est souvent le cas. Depuis le mois de Juin, nous constituons une équipe capable d’intervenir sur toute la chaine de valeur (commercialisation, conception, industrialisation, fabrication, distribution, administration des ventes et après-vente). Les fonctions supports comme la finance, les achats, les RH ou le système d’information seront également supportées à partir des besoins exprimés sur la chaine de valeur. Dans le cas des fonctions supports, le but est d’appliquer les concepts du Lean dans les activités quotidiennes et de répondre aux besoins des clients internes, pas de se créer des objectifs indépendants.
Quels sont les objectifs ? Le Lean est une démarche globale qui doit aider nos managers à atteindre leurs objectifs, la démarche s’inscrit donc dans la vision et les objectifs stratégiques du Groupe comme un des moyens pour les atteindre. Pour Zodiac Aerospace, la démarche doit évidemment rendre notre organisation et nos processus plus efficaces de manière pérenne, en créant les synergies transversales qui n’existent pas encore aujourd’hui entre nos Business Units notamment (plus d’une soixantaine).
Quelles sont les grandes étapes ? Parlons de ceux à court terme c'est-à-dire cette année, notre objectif se résume en 3 mots « CREER, PARTAGER, MONTRER » : • CREER une équipe capable d’accompagner nos équipes, créer un système avec des référentiels méthodologiques concrets et une animation des bonnes pratiques et du benchmarking, • PARTAGER au sein d’une équipe soudée, partager auprès de nos clients (les managers de l’entreprise) les expériences, les référentiels et donc notre langage pour qu’il devienne commun,
« Des petits pas rapides au quotidien »
• MONTRER notre valeur ajoutée au travers de nos formations, animations et coaching. Montrer que la démarche est pertinente à titre personnelle et collective, montrer qu’elle aide à obtenir de meilleures résultats dans des meilleures conditions…donc concilier engagement et bien-être au travail… La formation-action et l’accompagnement des managers sont donc essentiels. Quels sont vos objectifs à plus long terme ? Développer les compétences Lean de tous les collaborateurs et notamment des managers pour que le Lean devienne une évidence là où il ne l’était pas… Quelles sont les principales conditions de réussite ? Elles sont multiples aussi je vous citerai celles qui me paraissent prioritaires : • Obtenir et développer l’engagement et l’exemplarité des Top Managers, • Ne pas bâtir une approche « sectaire » mais bâtir de manière pragmatique un système qui respecte l’histoire et les valeurs de l’entreprise (un dirigeable symbolise notre système Lean), • Avec des concepts « universels », mettre en place un déploiement opérationnel sur-mesure car à partir du moment où les émotions et les relations humaines sont en jeux, le copier-coller n’est pas efficace
• Associer les experts du Lean aux experts métiers , • N’accepter aucune exception, tout le monde monte à bord, • Etre ambitieux et patient ! Quelques mots sur le déploiement prévu au sein du département financier ? Comme je l’ai évoqué, nous démarrons tout d’abord en adressant la chaine de valeur de l’entreprise. Evidemment la direction financière sera concernée. D’une part parce qu’en tant que fonction support la fonction finance a des processus et des clients (donc des attentes) à satisfaire, d’autre part car la fonction finance est constituée de managers qui ont un terrain et des collaborateurs. Certes ceux-ci peuvent parfois avoir l’impression de ne pas être concernés par ce qu’ils appellent souvent « une démarche pour les usines ». Dites « reporting » ou « factures en attente » et vous verrez que le besoin de processus efficaces et robustes n’est pas une évidence au sein de la fonction finance …du point de vue des clients. Concernant Zodiac Aerospace, l’optimisation du reporting est déjà en vue…
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Une phase pilote clé « Nous obtenons des résultats exceptionnels avec des hommes ordinaires utilisant des processus remarquables, alors que nos concurrents obtiennent des résultats médiocres avec des hommes remarquables utilisant de mauvais processus » Toyota
Tant que le Lean n’est pas intégré dans les pratiques de management de l’entreprise, le risque de rejet est fort (cf. la peur du Lean développé en partie 5 de ce livre blanc). Pour permettre les changements d’état d’esprit qu’il implique, le Lean doit d’abord faire l’objet de pilotes réussis. L’ensemble des entreprises rencontrées nous l’ont confirmé : la phase pilote est essentielle. D’abord parce qu’elle permet de tester la démarche et le bien-fondé des solutions qui ont été imaginées ; le pilote s’apparente donc à un « laboratoire » grandeur nature. Ensuite, parce qu’elle concoure à crédibiliser la démarche et qu’un pilote réussi est un formidable vecteur de communication pour convaincre les autres services / filières de l’efficacité du programme. Assurer la réussite des premières initiatives Le défi consiste à trouver le bon équilibre entre un chantier suffisamment difficile pour rendre sa résolution marquante et un chantier accessible pour limiter le risque d’échec. Dans la fonction financière, parmi les chantiers éligibles au regard de ces caractéristiques, on retrouve souvent le reporting, les notes de frais voire les litiges clients.
« La vitesse du patron est celle de l'équipe » Lee Lacocca, Président de Chrysler de 1978 à 1992
La Fnac a, par exemple, choisi de façon très attentive les sujets traités afin de maximiser les chances de réussite et ainsi, grâce à une communication rapide autour de ces succès, posé les premières briques d’une démarche plus ambitieuse. Lors de l’initialisation de la démarche Lean chez PSA au sein de la Direction Financière, la sélection des chantiers pilotes s’est portée sur les problématiques pouvant être résolues dans des délais raisonnables, sans investissement lourd. Les problèmes plus lourds, non résolus depuis plusieurs années, n’étaient pas sélectionnés en priorité. En ce sens, les équipes Lean ont priorisé les « épines dans le pied du moment », ayant un impact immédiat sur la satisfaction des équipes (clients, opérateurs du processus) et sur le résultat, plutôt que LA problématique de fond, dont ils savaient qu’elle ne pourrait être résolue rapidement. Vérifier l’efficacité des solutions imaginées C’est un élément clé de la démarche. Beaucoup d’entreprises ont la tentation de passer directement de la phase de définition des solutions à la généralisation de la mise en œuvre. Cependant, il est extrêmement rare qu’une solution théorique ne souffre pas d’adaptation lorsqu’elle est confrontée à la réalité du terrain. C’est pourquoi, dans l’esprit du PDCA, des réglages sont indispensables. Ils concernent aussi bien le processus lui-même,
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les standards imaginés ou bien le cadre de mesure. En effet, c’est parfois le choix de l’indicateur ou le mode de calcul qui est à remettre en question en non pas l’évolution du processus lui-même. Communiquer rapidement sur des résultats concrets La conviction des opérationnels ne s’emporte pas sur des concepts mais sur des résultats concrets. Tant qu’un premier succès n’a pas vu le jour dans l’entreprise, les « leano-sceptiques » se feront fort d’attaquer la démarche sur la philosophie, la méthode et son applicabilité dans l’environnement ou la culture de l’entreprise. Ainsi, les communications les plus efficaces et de nature à généraliser la démarche sont celles fondées sur les premiers succès. Chez PSA, par exemple, la première initiative Lean Office a été réalisée sur les notes de frais. Le succès de l’initiative en France a permis de généraliser la démarche à l’ensemble des autres pays. Cette première expérimentation est aussi un point d’appui pour s’attaquer de manière transversale à d’autres processus. Une fois assurés les premiers succès, le défi consiste à inscrire la démarche dans la durée. Cette pérennisation passe par la mise en place d’un dispositif alliant présence locale et animation globale.
Think global, act local Inclure les acteurs du processus dans la recherche de solutions est un incontournable de toute démarche Lean. Mais la mise en place d’une équipe de référents, sur le métier et sur les aspects méthodologiques, permettra de garantir la cohésion et l’implication des équipes ainsi que la diffusion des bonnes pratiques au sein de l’entité. Tout l’enjeu d’un dispositif efficace repose sur la capacité de l’organisation à animer l’ensemble des parties prenantes. Partager des standards d’animation Comment garder une cohérence au niveau de l’animation dans un environnement très décentralisé ? Chez PSA, à chaque niveau de l’organisation de la Direction Comptable Automobile, les pratiques de management sont les mêmes. D’un coup d’œil sur les murs des différentes obeyas, le manager repère les informations clés, chaque obeya étant structurée de façon identique autour de 4 thèmes. Un petit mémo précise le contenu de chaque outil et indique les modalités de présentation, garantissant ainsi une continuité dans l’animation.
Les standards d’animation se doublent de standards de management, recueil d’engagements du manager dans son rôle d’animation comme le nombre de visites sur site, les rencontres régulières avec les clients de la fonction… Ces engagements font euxmêmes l’objet d’un suivi et d’une présentation lors des réunions. « Substance over form » Pour récupérer un fameux principe associé aux normes IFRS, l’objectif visé par ces méthodes d’animation est bien le contenu et la qualité des échanges plutôt que la façon de présenter les informations. Même s’il partage un cadre de méthode avec l’ensemble de ses collègues, chaque manager doit apporter sa « patte » et son style pour être complètement à l’aise avec son dispositif d’animation. C’est parce qu’il connait ses équipes que seul le manager local sera à même de mesurer l’adéquation de ce nouveau mode de management avec les qualités et limites de ses collaborateurs. Pour compléter le caractère non dogmatique de ces procédés, il convient de rappeler que ces rituels d’animation ne s’accompagnent pas de présentation Powerpoint ad hoc, ni même de compte-rendu de séances. Tout étant disponible au mur pour les participants, la simplicité prévaut. Partager les bonnes pratiques Si la démarche d’amélioration continue doit d’abord s’opérer sur le terrain et donc en local, il appartient aux responsables de chacun des processus de veiller à la diffusion des bonnes pratiques et des standards à l’ensemble des parties prenantes de ce processus. La problématique porte d’abord sur la capitalisation des meilleures pratiques utilisées au sein d’un groupe et ensuite sur les moyens de partage. La taxonomie relativement universelle des processus financiers permet d’identifier assez rapidement des référents par processus qui vont contribuer à ce brassage d’expérience et à la mise en commun de leurs pratiques. Chez EDF, les activités relatives à la comptabilité des immobilisations étant opérées par deux centres physiquement distincts, il appartient au responsable du processus comptabilité immobilisations de synchroniser les équipes travaillant sur chacun des sites, afin que les méthodes de travail soient homogènes. Chez Shell, la diffusion des standards au sein d’un processus est également placée sous la responsabilité de l’équipe de management en charge de ce processus. Même si le mode de diffusion des standards n’apporte pas entière satisfaction, on peut cependant citer les pratiques suivantes : tout
standard est documenté dès lors qu’il peut être dupliqué et les bonnes pratiques d’un site sont diffusées aux autres sites de CSP lors des visites du management. A la Poste Courrier, la mise en place d’une communauté d’échanges des bonnes pratiques participe à leur diffusion. Allier compétences méthode et compétences métier La mise en place d’une équipe dédiée à l’amélioration continue doit permettre de diffuser et pérenniser la démarche Lean au sein de l’entreprise. C’est cette équipe qui garantit la bonne utilisation des outils, le respect des standards d’animation et valide le bon fonctionnement de l’équipe locale. Pas nécessairement dédiée à la fonction financière, elle est souvent transverse et adresse toutes les fonctions de l’entreprise, cœur de métier et back-office. La création d’une équipe dédiée aux initiatives Lean Six Sigma pour tous les projets finance chez GE Healthcare permet la mise en place d’un pôle d’animation fort de la performance.
« La connaissance s'acquiert par l'expérience, tout le reste n'est que de l'information » Albert Einstein
L’usage veut que le dimensionnement de l’équipe centrale d’animation, en charge d’apporter les outils méthodologiques et d’assurer la dynamique corresponde à environ 1% des équipes de la fonction. Mais le mot d’ordre pourrait être « demand before supply ». En effet, rien ne sert de prévoir une armée, si celle-ci n’est jamais sollicitée... L’équipe doit être flexible, afin que sa taille puisse évoluer en fonction de la mise en œuvre et du lancement de projets : importante au début, pouvant être réduite au fur et à mesure de l'intégration de la démarche Lean dans l'ADN de l'entreprise. Ainsi, l’équipe de référents de sociétés très matures telles que Toyota n’était composée au début des années 2000 que d’une soixantaine d’intervenants (pour 130 milliards d’euros de chiffre d’affaires). A contrario, les entreprises faisant le choix de négliger la constitution d’une équipe de référents risquent de perdre les connaissances acquises. Delphi, du fait de manque de formation et d’intégration, a constaté une nette perte de connaissance chez les nouveaux employés.
« L’essentiel, c’est de garder une grande cohérence d’ensemble en décentralisant la méthode » VP Excellence Opérationnelle au sein d’un groupe leader de l’assurance
Faut-il pour autant avoir une politique de certification ? Pour mémoire, les certifications ou « ceintures » sont intimement liées au Six Sigma. C’est donc naturellement dans les entreprises ayant initialement adopté le Six Sigma que l’on retrouve ces experts certifiés. Avec le développement d’approches composites Lean Six Sigma, des formations certifiantes sont nées, tant au sein des entreprises qu’en externe, notamment dans les écoles d’ingénieurs. Sans label reconnu, 57
le niveau peut être assez hétérogène et ne remplace de toute façon pas l’essentiel : l’acquisition d’expérience par la multiplication des projets d’amélioration continue. Notons néanmoins qu’une démarche de normalisation ISO est en cours pour pallier à ce manque.
Le bon outil au bon moment « Tout ressemble à un clou pour qui ne possède qu'un marteau » Maslow
Plutôt que de poser la question de la méthode à retenir, mieux vaut s’intéresser directement aux outils que chacune d’elles propose. En effet, beaucoup d’outils ou techniques sont partagés entre les différentes méthodes et il s’agit plutôt d’identifier l’outil pertinent pour le problème posé et la phase du projet. Faire le tri dans la boîte à outils Certains projets d’amélioration continue échouent car l’outil retenu correspondait mal à la problématique étudiée ou à l’objectif visé. En fonction de la complexité du processus étudié, du nombre d’interlocuteurs ou des variantes possibles, le chef de projet Lean devra faire un choix judicieux pour ne pas tomber dans cet écueil. Concernant les outils Lean, on veillera tout d’abord à mettre de côté les techniques utilisées dans le manufacturing qui ne trouvent pas nécessairement de transposition dans le monde financier. Le SMED (Single Minute Exchange of Die) pour le changement rapide de séries produites par des machines, le Kanban (système d’étiquettes) ou bien encore le TPM (Total Productive Maintenance) pour contrôler les arrêts machine sont à exclure. D’autres, tels le 5S (5 mots japonais commençant par S définissant les phases à accomplir pour ranger et ordonner l’espace de travail), sont à manier avec précaution car mal adaptés à des flux dématérialisés, nombreux dans la fonction financière. On peut toutefois en tenir compte dans certains principes d’ergonomie d’écran ou d’agencement des postes de travail. Choisir l’outil adapté à la phase du projet C’est l’une des valeurs ajoutées de l’expert Lean ou de la ceinture dans un environnement Lean Six Sigma. Sans refaire une description exhaustive de la palette des outils disponibles, vous trouverez ci-dessous une présentation par phase de projet des incontournables à retenir dans le panel d’outils indispensables :
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Au lancement du projet : • Le Gemba Walk, au travers de l’observation physique sur le terrain, permet de prendre conscience de la réalité opérationnelle et de détecter des anomalies dans l’exécution des processus étudiés, • Le SIPOC permet de dresser clairement les exigences critiques des clients et de faire l’état des lieux des indicateurs clés du processus. Il s’agit d’un outil indispensable pour définir les objectifs du projet. Dans la phase d’analyse des problèmes : • L’analyse des indicateurs de mesure de la performance des processus, comparés en interne à la performance d’autres services ou, en externe, à l’aide de benchmarks réalisés auprès d’entreprises comparables permet d’évaluer le niveau de performance initial. Pendant la phase d’amélioration, on vérifiera toujours l’impact des évolutions proposées sur les indicateurs de suivi, • L’utilisation de la VSM (Value Stream Mapping) ou MIFA (Material Information Flow Analysis) permet de procéder à l’analyse d’un processus, en dressant la chaîne de valeur et en mesurant les temps d’écoulement entre les différentes tâches, et d’identifier les tâches à non-valeur ajoutée à supprimer, • Les 5 pourquoi, pour des problèmes simples et le diagramme d’Ishikawa, pour des problématiques à causes multiples, sont des outils simples et puissants, permettant de faire rapidement converger le groupe de travail vers les causes racines à traiter, • Dans l’optique de prioriser les causes à instruire et à adresser, l’utilisation de diagrammes de Pareto amène à mettre en évidence les causes les plus importantes influant sur les effets constatés et donc de cibler les mesures à prendre pour améliorer une situation donnée. Dans la phase de construction des solutions : • Classiques mais toujours efficaces, les séances de brainstorming à plusieurs constituent un outil puissant pour imaginer des solutions, même les plus innovantes ou en rupture. Ne jamais oublier que l’indicateur d’une bonne réunion de brainstorming est le nombre d’idées soumises et non pas leur qualité, • Pour prévenir les risques de mise en œuvre et ainsi choisir la meilleure option possible, des outils d’analyse de risques de type AMDEC
(Analyse des Modes de Défaillances, de leurs Effets et de leur Criticité) peuvent être utilisés. Dans les phases de mise en œuvre et de suivi : • Les Poka Yoke sont les garde-fous permettant d’inscrire les progrès dans la durée. Ces dispositifs simples et visuels sont d’excellents outils pour prévenir les erreurs et rappeler les bonnes pratiques, • Enfin, à toutes les phases du projet, le management visuel permet de matérialiser et partager les problèmes, échanger physiquement avec les équipes et bâtir conjointement des plans d’actions. Ce rituel de management est renforcé par la mise en place d’obeyas. A côté d’outils Lean, d’autres méthodes peuvent compléter le dispositif. Lorsque sur certains projets, les problématiques abordées concernaient des volumes importants ou des analyses chiffrées plus poussées, des outils Six
Sigma ont été adoptés par les entreprises. Chez Shell par exemple, le projet mené sur la variation de trésorerie nécessitait un recours aux méthodes statistiques. La méthodologie DMAIC (Define, Mesure, Analyse, Improve, Control) a également été appliquée pour structurer les projets. Elle a contribué à discipliner les chefs de projets et permis de donner un cadre homogène pour des projets similaires conduits par des équipes distinctes. Cependant, le « vrai » DMAIC est un outil lourd et complexe à mettre en œuvre (de l’ordre de 6 mois) qui ne convient pas à toutes les situations. Pour ne pas risquer de prendre un marteau pour écraser une mouche, le chef de projet Lean fera preuve d’intelligence situationnelle pour choisir le bon outil pour le problème posé. Plus simple et plus facile à mettre en œuvre, un PDCA (Plan, Do, Check, Act) est généralement suffisant pour traiter les problèmes quotidiens dans les services.
Les cinq phases de la démarche DMAIC
D
Définir
Outils
Objectifs
Cadrer le projet
M
Mesurer Etablir un diagnostic partagé
A
Analyser Identifier les causes racines et rechercher des solutions
I
Améliorer Changer de mentalité
C
Contrôler Corriger, valoriser les résultats et piloter le déploiement
• Formaliser la problématique • Recueillir les voix • Lancer le projet
• Bâtir une image claire de l’existant • Collecter les données nécessaires à l’identification des causes
• Identifier les causes potentielles au problème • Valoriser ces causes pour mettre en évidence les causes fondamentales
• Définir les solutions répondant aux causes fondamentales • Mettre en œuvre ces solutions et valider leur impact
• Assurer la pérennité des gains • Ancrer les évolutions dans le “business as usual”
• Mandat de projet • SIPOC • Gemba Walk
• Indicateurs de mesure • VSM • MIFA
• Ishikawa • Pareto • Les 5 pourquoi
• AMDEC • Brainstorming
• Poka Yoke • Obeya
Source : BearingPoint, LEANovation dans la fonction Finance, 2015
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Jean Charles Gaury Directeur Comptabilité Automobile
Shell Rejoindre les Tops performers en matière d’excellence opérationnelle de la fonction finance Dans quel contexte s’inscrit la mise en place d’une démarche d’amélioration continue ? En 2005, la gouvernance du groupe Shell a été remaniée, débouchant ainsi sur la nomination d’un nouveau CFO, Peter Voser. Sous son impulsion, un benchmark de la fonction finance a été réalisé : les résultats montrèrent que Shell accusait alors un retard important (de l’ordre de 40% sur les indicateurs clés) sur les entreprises de référence. Pierre-Yves Fargeas VP Finance Continuous Improvement
A la suite de cette étude, Peter Voser lança un vaste programme de transformation de la fonction finance, comprenant trois axes clés : une rationalisation du nombre d’ERP supportant une standardisation des processus, l’accélération de la mutualisation des activités au sein de CSP (développement d’un réseau de 5 centres captifs et augmentation du pourcentage d’activités couvert par ceux-ci) ainsi que la mise en place d’une gouvernance pour chacun des 17 processus clés de la fonction. Le transfert des activités vers les centres de services partagés avait été envisagé selon une approche « Lift & Shift », c’est-à dire sans effort d’harmonisation des processus avant la mutualisation. Shell ne possédait pas, à cette époque, une grande expérience en matière de méthodologie Lean Six Sigma, que ce soit sur les fonctions de back-office ou de production. Seuls quelques projets Six Sigma étaient menés sporadiquement, résultant d’initiatives locales. Les recherches préparatoires montrèrent toutefois qu’il était critique de mettre en place une démarche d’amélioration continue pour pouvoir optimiser la performance des processus une fois transférés, en particulier pour concrétiser le potentiel d’économie d’échelle
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lié à la concentration dans les centres et pour maintenir la performance et la compétitivité des centres. Quels étaient les objectifs poursuivis ? L’objectif global donné au programme d’amélioration continue fut donc d’atteindre des niveaux de performance des processus rivalisant avec les entreprises références en la matière et de s’y maintenir sur le long terme. Cette démarche s’inscrivait dans une réelle volonté d’ancrer l’amélioration continue et le contrôle interne dans l’ADN de la fonction et de l’entreprise. L’idée n’était pas de révolutionner l’entreprise sur le court terme mais de réaliser des progrès continus afin d’éviter d’avoir à tout remettre à plat tous les 5 ans. De plus, il était important de donner aux collaborateurs un cadre de méthode et des outils leur permettant de porter l’amélioration de leurs propres activités, créant ainsi une culture de performance motivante. Quelle a été la démarche adoptée ? En premier lieu, un benchmark méthodologique auprès d’entreprises de référence dans le domaine de l’amélioration continue a été effectué (Motorola, GE…) afin de préciser la méthode à retenir et mesurer les efforts à fournir. La première étape fut de procéder à une segmentation de l’ensemble des activités de la fonction en 17 processus normalisés et de désigner autant de responsables de processus (ou BPO, Business Process Owner). Chacun des 17 propriétaire de processus fut ensuite invité à définir ses objectifs en matière d’efficacité, d’efficience et de contrôle, supporté en cela par l’équipe amélioration continue.
« C’est un marathon, pas un sprint »
Sur chaque processus, en utilisant des outils standards de la méthodologie Lean Six Sigma comme le SIPOC, les travaux ont conduit à la définition des exigences critiques du point de vue du client, l’identification des éléments de mesure de la performance ainsi que les gains attendus. Les indicateurs retenus ont été déclinés sur trois niveaux : stratégique (de 3 à 5 KPI), managérial (15 à 20 indicateurs) et opérationnel (1 à 3 indicateurs par indicateur managérial défini). Ces indicateurs par processus, ainsi que les objectifs à atteindre définis par rapport à des niveaux de référence furent ensuite utilisés par les responsables de processus pour établir les priorités en termes d’amélioration (« Measure your process, Review your process, Improve your process »). Les premières démarches d’amélioration continue ont été mises en place progressivement. Les premiers pilotes ont été utilisés pour calibrer ce qui pouvait être délivré en termes de bénéfices (ETP, BFR) par projet. Cet étalonnage, comparé aux efforts à accomplir pour atteindre les niveaux de performance requis a ensuite permis de définir de dimensionner les besoins de formation du personnel sur la méthodologie Lean Six Sigma. Dans la phase de démarrage, quelques experts externes à l’entreprise, un maximum de 3, ont été utilisés pour assurer l’apport méthodologique requis . L’objectif de devenir entièrement autonome a été atteint en 18 mois. De plus, les coûts de fonctionnement de la cellule dédiée à l’excellence opérationnelle, comptant initialement 12 personnes, ainsi que les efforts de formation initiaux, ont été couverts dès la première année par les bénéfices obtenus. Dans leur ensemble, les démarches ont fait appel aux méthodes Lean et Six Sigma, les problématiques de la fonction finance pouvant porter sur des problématiques d’efficacité et de variation des processus (trésorerie par exemple). Les outils de management de projet DMAIC inhérents à la démarche Lean Six Sigma, ont été particulièrement utiles pour aider les équipes dans leur manière d’aborder et de traiter les problèmes. Certains projets, traitant du même problème sur plusieurs des 5 CSP, ont permis d’accélérer l’harmonisation globale des processus. Compte-tenu de la faible culture d’amélioration continue dans le groupe, les projets ont d’abord été initiés de manière top-down, progressivement complétés par des techniques d’animation terrain de type management visuel. Quels sont les résultats obtenus ? Des gains de productivité à deux chiffres ont été réalisés les 3 premières années via les projets d’amélioration continue. Ceuxci ont été obtenus par la simple mise en place de standards au sein des processus et par l’élimination de tâches inutiles, sans modification apportée aux systèmes d’information. Depuis, les objectifs de gains sont reconduits chaque année. La fonction finance de Shell compte aujourd’hui de 500 à 600 projets annuels, avec un objectif de maintien d’un bon équilibre entre gains d’efficacité et gains d’efficience. Ces objectifs sont toujours guidés par les diagnostics de sous-performance identifiés grâce aux indicateurs mis en place sur chacun des processus ; ces indicateurs sont revus, s’il y a lieu, chaque année.
En termes de formation, 25% des équipes des CSP (5 000 personnes) ont été formées à un niveau Green Belt ; l’équipe amélioration continue comprend maintenant 65 personnes, soit un peu moins de 1% des effectifs couverts, et toutes à un niveau Black Belt ou Master Black Belt. 95% des projets sont réalisés par des opérationnels, en plus de leur activité quotidienne. L’approche s’est maintenant étendue à l’ensemble de la fonction, au-delà des CSP, et la fonction finance joue un rôle clé dans le développement de la démarche d’amélioration continue, qui couvre désormais l’ensemble de l’entreprise. Les gains attendus sur les processus de bout-en-bout se révèlent être une source importante de valeur pour Royal Dutch Shell. Grâce à l’action de la fonction finance et depuis 2012, un indice « amélioration continue » a été intégré au questionnaire de satisfaction envoyé chaque année à l’ensemble des collaborateurs Shell dans le monde. Cet indice mesure la perception du personnel vis-à-vis de la démarche d’amélioration continue et du soutien apporté pour la mettre en œuvre. En 2012, la fonction finance a obtenu le score le plus élevé sur cet indice parmi toutes les fonctions et métiers. Quels ont été les résistances et facteurs clés de succès ? Un des défis majeurs auxquels fut confronté Shell a été de faire changer les mentalités dans l’utilisation du cadre de mesure de la performance. Il a, en effet, fallu faire passer les collaborateurs d’une logique de justification des résultats passés à une logique positive de construction des actions à entreprendre pour parvenir aux résultats escomptés. L’utilisation de séquences vidéo montrant les habitudes à éviter et les bonnes pratiques a été un des outils qui a permis de surmonter cet écueil. Le soutien fort de la Direction est bien évidemment une des clés de la réussite de ce programme. Le message fort adressé lors de la mise en place de la nouvelle organisation, la supervision rigoureuse et régulière de l’avancée des projets et des résultats ainsi que la communication faite après les premiers succès ont contribué à inscrire ce programme dans le quotidien de l’entreprise. La progressivité de la démarche a permis une réelle sélection des initiatives, sans hésiter à stopper des projets non viables, et a favorisé un effet « boule de neige » sur la base des premiers succès. L’adhésion du personnel est également déterminante. Le système de récompense de la performance individuelle initialement en place intégrait déjà les résultats obtenus en matière de performance des processus. En revanche, Shell n’a pas mis en place d’incitations financières complémentaires liées aux actions d’amélioration continue mais a simplement donné aux équipes les moyens (temps, formation, coaching) de s’impliquer dans la démarche. Les réticences du début ont été contournées en faisant comprendre la valeur des nouvelles compétences acquises, le caractère irréversible du programme et en mettant en avant l’opportunité d’être acteur du changement plutôt que d’avoir à le subir.
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Conclusion
Bien plus qu'une mode, une tendance de fond
« La simplicité est la sophistication suprême » Léonard De Vinci
Bien que les avis divergent sur l’efficacité des démarches d’amélioration continue d’inspiration Lean, force est de constater que ces dernières ont pénétré de manière significative les directions financières des grandes entreprises ces dernières années. Selon notre expérience, d’un quart à un tiers des entreprises du CAC40 ont adopté, ou sont sur le point de lancer, une démarche Lean sur toute ou partie de la fonction finance. Cette transformation intervient d’abord par nécessité. Le Lean est en effet un formidable catalyseur d’efficacité dans un contexte de crise où les financiers doivent faire mieux avec moins : pallier des départs en retraite, contribuer aux plans d’efficacité, absorber l’augmentation de la charge de travail inhérente à la rationalisation du nombre de sites… Son essor s’explique également par un effet de capillarité avec le manufacturing pour
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les entreprises industrielles, où le Lean a déjà fait ses preuves. Nombreuses sont les entreprises qui, après avoir confirmé les bénéfices du Lean Management sur un périmètre donné, ont décidé d’étendre la démarche à d’autres fonctions ou à d’autres entités relatives aux fonctions support : RH, IT, Achats, Marketing, Commerce… C’est là l’essence même du Lean, la culture des petits pas qui nécessite un engagement de chacun et une discipline qui assure que chaque pas donne bien lieu à une amélioration durable.
Un défi à la portée de tous… Comme la diffusion du Lean doit être progressive et régulière, l’investissement que représente le lancement de la démarche est finalement à relativiser. Une fois la culture installée et les équipes formées, ce sont les collaborateurs eux-mêmes qui portent l’essentiel des projets. La constitution d’une
cellule dédiée à l’amélioration continue constitue certes un coût mais il est, d‘une part, limité (autour de 1% des effectifs concernés) et reste, d’autre part, minime au regard des potentiels d’économies en jeu. Les outils utilisés dans le cadre du Lean sont des outils éprouvés, dont certains relèvent tout simplement du bon sens : 5 pourquoi, diagramme d’Ishikawa ou « arête de poisson », « poka yoke »... C’est ce qui garantit leur appropriation aisée par une population la plus large possible. Nul besoin de certification ou de « ceinture » pour être un opérationnel Lean.
… à condition de s’inscrire dans la durée La difficulté première d’un programme Lean est de le pérenniser. Le Lean ne produit pas les effets escomptés du jour au lendemain : de 6 mois à un an pour les premiers résultats, plusieurs années pour atteindre les objectifs du programme. Il s’agit d’une démarche de
longue haleine qui doit s’inscrire dans une stratégie d’entreprise plus globale, appuyée et encouragée par le management. Le changement de culture et d’état d’esprit qu’implique le Lean est souvent difficile à accomplir. En effet, le succès ou l’échec d’un programme Lean est principalement déterminé par le facteur humain, surtout vis-à-vis de populations a priori plus réticentes au changement (moyenne d’âge et ancienneté élevées). La garantie d’un succès passera notamment par un accompagnement soutenu des opérationnels (pas d’objectifs sans moyens pour les accomplir). Il prendra essentiellement la forme d’un coaching méthodologique d’une cellule centrale et de formations techniques et comportementales. Au-delà de la mise en place d’un dispositif d’accompagnement adapté, l’implication forte du management est une autre condition sine qua non de réussite. Cette implication se traduit par une communication claire et transparente sur les objectifs et les
« Even a journey of one thousand miles begins with a single step » Lao Tzu
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« Choisissez un travail que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie » Confucius
résultats, un suivi régulier sur le terrain des progrès et difficultés, ainsi qu’un investissement en temps sur les projets.
Un élan vers la quête de sens
Aussi les retours apportés par les entreprises pionnières en la matière constituent de précieux enseignements : • Mettre en évidence pour les collaborateurs l’intérêt d’une telle démarche, afin de maximiser leur adhésion, • Etre rigoureux, d’abord dans le choix des pilotes, puis tout au long du programme, dans la sélection des projets, • Garantir l’implication du Top management et faire en sorte que celle-ci soit visible par le terrain, • Mettre en place une conduite du changement adaptée, • Laisser aux collaborateurs un espace de liberté dans la déclinaison du cadre de méthode, • Adopter une démarche progressive afin de garder la maîtrise du programme.
La mutation entreprise depuis les années 90 dans les fonctions financières vers des organisations de plus en plus mutualisées de type CSP, a conduit naturellement à une « taylorisation » des activités. Les comptables notamment ont évolué d’un rôle relativement transverse pour une ou n entités vers un rôle très spécialisé sur une partie de processus. Cette transformation a souvent contribué à réduire l’intérêt perçu par les comptables de leur travail. D’abord parce qu’elle les éloigne de la comptabilité (tâches automatisées, traduction d’évènements réalisés en amont), et ensuite parce qu’elle constitue une perte de repère (plus de vision de bout-en-bout). Dans ce contexte, le Lean est une opportunité de revaloriser la fonction comptable.
Ainsi prévenus, les responsables financiers qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure Lean ne partent pas d’une feuille blanche. L’élaboration d’une feuille de route, pragmatique et contextualisée par service, définissant les priorités à adresser pour atteindre les objectifs que l’on s’est fixés est une étape indispensable. Pour ce faire, l’utilisation de la matrice LIFT présentée dans ce livre peut s’avérer utile à la réflexion.
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En effet, il permet aux comptables d’ouvrir leur horizon et de renforcer leur collaboration avec leurs clients internes, donc les métiers, de s’impliquer dans l’optimisation des processus, de peser sur les évolutions futures et d’accroitre les tâches à plus forte valeur ajoutée (activités de contrôles et d’expertise notamment). Les entreprises que nous avons rencontrées ont mis en évidence une augmentation de la satisfaction de leurs collaborateurs et une meilleure perception vis-à-vis de leur métier, après plusieurs mois ou années d’expérimentation d’un programme Lean.
Une réponse crédible aux menaces de délocalisation La tentation a été forte ces dernières années, pour des grands groupes ayant précédemment mis en place des CSP captifs à grande échelle, d’évoluer vers une logique d’offshoring et/ ou d’outsourcing. Or, un contexte macroéconomique défavorable (forte inflation dans les pays low-cost, problème de qualité et de turn-over…), un risque social élevé et les difficultés inhérentes à la transition ont annihilé ces initiatives. De fait, le Lean s’est avéré une alternative crédible proposant une bonne adéquation coûts / bénéfices tout en minimisant les risques d’échec. Parce que le Lean vise avant tout la création de valeur plus que la réduction des coûts, ces entreprises ont profité de leurs initiatives Lean pour réinvestir une partie des gains de productivité dans la formation et les tâches à forte valeur ajoutée. Cette élévation du niveau de compétences, d’expertise et de contrôle de leurs collaborateurs, les prémunit d’autant plus d’un risque de délocalisation future. C’est pourquoi, de notre point de vue, l’élan vers le Lean a vocation à se développer. Prêt à relever le défi de la transformation Lean ?
« Le changement, c'est savoir prendre l'avenir par la main avant qu'il ne vous prenne par la gorge » Winston Churchill
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Remerciements
Remerciements Nous tenons à remercier tout particulièrement : Les membres du groupe de travail « Amélioration continue » de l’APDC, pour leur engagement et la qualité de leurs échanges : • Gérald Brisebard, Directeur Comptable du Courrier - La Poste • Jean-Charles Gaury, Directeur Comptabilité Automobile - PSA Peugeot Citroën • Sylvie Ihuellou, Directrice Comptable - Bull • Albin Jacquemont, Directeur Exécutif Finances Gestion France - Carrefour • Jean-Luc Lafon, Directeur Délégué CSP Comptabilité - EDF SA • Jean-Luc Renard, Vice-Président Services Financiers France - Sanofi Les entreprises qui ont apporté leurs témoignages et plus spécialement : • Emmanuel Banide, Chef de projet Lean au CSP Comptabilité - EDF SA • Anthony Coletta, CFO Mexico & Central America - SAP • Serge Cottan, Directeur de l’Administration Commerciale et de la Comptabilité des Achats marchandises - Carrefour • Bernard Cretin, Lean Transformation Manager - Delphi • Jean-Louis Douyère, Responsable Comptable - Bull • Pierre-Yves Fargeas, VP Continous Improvement - Shell • Julien Lambert, Process & Shared Services Director - Fnac • Cécile Roche, Directrice Lean Groupe - Thales • Natalia Speranski, Master Black Belt - GE Healthcare Avec une pensée particulière pour Carine Vinardi, Directrice Lean du Groupe Zodiac Aerospace pour ses conseils avisés. Le comité de rédaction : Bruno Alimi, Sophie Allouche, Ghislaine Bouassa, Vincent Boumier, Sébastien Canonne, Marie-Pia Charras, Anne-Laure Civeyrac, Elisabeth Denner, Céline Enjalric, Akmal Gooman, Mai Mahop, Nicolas Moreux, Vincent Nauleau, Mathieu Perez, Myriam Routin, Thibaut Teillet Jean-Marc Giraudeau, BearingPoint, pour son regard aiguisé sur le Lean en milieu industriel. Le marketing et la communication : Margot Ascher, Bertrand Maccarini, Sandrine Pigot, Laura Ta, Angélique Tourneux
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Partenaires Les consultants de BearingPoint savent que l’environnement économique change en permanence, et que la complexité qui en découle nécessite des solutions audacieuses et agiles. Nos clients du secteur privé comme public obtiennent des résultats concrets lorsqu’ils travaillent avec nous. Nous conjuguons compétences sectorielles et opérationnelles avec notre expertise technologique et nos solutions propriétaires, pour adapter nos services aux enjeux spécifiques de chaque client. Cette approche sur mesure est au cœur de notre culture, et nous a permis de construire des relations de confiance avec les plus grandes organisations publiques et privées. Nos 3350 collaborateurs accompagnent nos clients dans plus de 70 pays, avec notre réseau international de partenaires, et s’engagent à leurs côtés pour des résultats mesurables et un succès durable. Pour de plus amples informations : www.bearingpoint.com Retrouvez-nous sur twitter : @BearingPoint_FR
L'APDC regroupe environ 700 membres, à Paris et en province, professionnels expérimentés dans le domaine de la finance et de la comptabilité, exerçant principalement en entreprise, mais aussi en cabinet d'audit et d'expertise comptable ou dans les écoles et universités. C'est une association de professionnels, au service des professionnels, dont la vocation est : • De favoriser le partage d'expérience, de connaissances et de savoir faire entre les membres ; • De contribuer aux débats au sein des instances de place sur les enjeux de nos fonctions et les problématiques d'application des nouvelles réglementations ; • Sur un plan plus général d’apporter à ses membres les clés nécessaires à la compréhension et à la mise en œuvre des évolutions de leur environnement (réglementaire, technique, économique…). Pour plus d'informations : www.apdc-france.com
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Contacts
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Contacts BearingPoint Elisabeth Denner Associé France +33 6 21 01 00 46 elisabeth.denner@bearingpoint.com
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