Faire entrer l’aide au développement dans une nouvelle ère et redonner du sens à l’assistance technique internationale
Point de vue
Editorial A l’heure où sont dressés des bilans encourageants mais encore mitigés de l’aide publique au développement, la question de son efficacité et de ses modes opératoires est plus que jamais posée. En effet, même s’il est possible de faire état de grands progrès 2 ans avant la date butoir des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)1, la pauvreté est toujours trop répandue dans le monde et aucun système n’a jusqu’à ce jour réussi à complètement démontrer sa capacité à endiguer totalement le sousdéveloppement. Il est donc peut-être utile de revoir les dispositifs actuels pour maximiser la portée des aides octroyées aux pays en développement, notamment en terme d’assistance technique. En régression depuis 20112, l’aide publique que les pays riches allouent au développement des pays les plus pauvres ne permettra pas d’atteindre tous les OMD. En cause, au-delà des questions sur le niveau des montants alloués, certains débats portent sur la corruption dans les pays bénéficiaires, les conflits d’intérêts et le manque de coordination des bailleurs3. Mais si ces raisons semblent en effet sources potentielles de diminution de l’efficacité de l’aide, il existe également un autre débat tout aussi important qui invite à repenser l’aide publique au développement afin qu’elle s’appuie sur une assistance technique irréprochable. Et pour cela, il faudrait que cette assistance technique reprenne tout son sens. Son sens pour les bailleurs de fonds qui sont redevables des deniers publics qu’ils engagent. Son sens pour les gouvernements des pays bénéficiaires qui sont responsables de la bonne utilisation de cette aide. Et enfin, son sens pour les entreprises qui mettent en œuvre cette assistance technique et sans lesquelles l’expertise nécessaire au développement ne serait pas disponible sur le terrain. Nous sommes donc convaincus que l’assistance technique sera réellement efficace si elle reprend tout son sens et qu’elle ne peut avoir du sens pour l’un ou l’autre de ces acteurs fondamentaux que si elle en a pour les trois. Une fois cette quête de sens réussie, il sera alors plus difficile de remettre en question les modalités d’application de l’aide publique au développement pour justifier les écarts entre objectifs et résultats. Les débats pourront alors se recentrer sur l’essentiel. Nous ne proposons cependant ici que notre point de vue pour redonner du sens à l’assistance technique internationale, point de vue basé sur nos nombreuses expériences de terrain, ainsi que sur des recherches et des réflexions menées par plusieurs spécialistes de l’aide publique au développement et de la coopération technique internationale. Ce point de vue est décliné en 7 convictions qui, à nos yeux, permettraient de répondre aux enjeux de l’assistance technique pour les bailleurs de fonds, les pays bénéficiaires et les entreprises, ceci afin de donner tout son sens à leur action. 1 Site internet de l’ONU : « Comprendre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) » 2 Selon l’OCDE, l’aide au développement a reculé de 4 % en valeur réelle en 2012, après avoir baissé de 2 % en 2011. 3 Alternatives internationales : « Développement : comment mieux aider le Sud ? »
Jean-Michel Huet Directeur Associé BearingPoint
Ludovic Morinière Développement International BearingPoint
3
Sommaire Editorial 3 Remerciements 5 Redonner du sens à l’assistance technique internationale : un enjeu de l’aide publique au développement
6
Conviction n°1 Encourager le financement entre pays émergents
10
Conviction n°2 Adapter la dimension temporelle aux besoins locaux
16
Conviction n°3 Favoriser les actions mixtes public et privé
20
Conviction n°4 Avoir une approche méthodologique et projet
24
Conviction n°5 Privilégier les entreprises sachant mobiliser leur propre expérience
28
Conviction n°6 Moderniser l’approche de l’assistance technique
32
Conviction n°7 Evaluer les projets mis en œuvre
36
Conclusion : Et finalement, catalyser l’aide au développement
42
Bibliographie 44 A propos de BearingPoint
46
Contacts
47
4 | Point de vue
Remerciements Nous tenons à remercier tout particulièrement : Le comité éditorial : • Jean-Michel Huet • Ludovic Morinière • Amira Khediri Marketing et Communication : Emilie Lefèvre, Sandrine Pigot Conception graphique : Angélique Tourneux
5
Redonner du sens à l’assistance technique internationale
Un enjeu de l’aide publique au développement En 2012, les apports nets totaux des pays membres du Comité d’Aide au Développement (CAD)1 ont atteint 125,6 milliards de dollars. Cette aide, appelée Aide Publique au Développement (APD)2, est pour une grande partie directement injectée dans les économies bénéficiaires, mais une autre partie est tout aussi bénéfique aux économies développées. En effet, pour beaucoup d’entreprises internationales, européennes et françaises, ces financements peuvent être un soutien important au développement de leur activité. Que ce soit au travers de l’APD ou au travers d’autres programmes d’assistance financés par des fonds privés, les entreprises ont donc à leur disposition tout un panel d’outils financiers et de projets pouvant les aider à pénétrer un marché émergent ou en développement. Cependant, ces financements ne sont pas encore assez utilisés par beaucoup d’entreprises pour faire bénéficier de leur savoir-faire aux économies les plus faibles : en France, seuls 8,8%3 des contrats attribués par l’Union Européenne en 2011 dans le cadre de 1 CAD : Le Comité d’aide au développement a été créé au sein de l’OCDE par résolution ministérielle le 23 juillet 1961. Le CAD réunit des quelques plus grands fournisseurs de l’aide, y inclus ses membres. La Banque mondiale, le Fonds Monétaire International et le Programme des Nations Unies pour le développement sont des observateurs. 2 L’aide publique au développement comprend, selon la définition de l’OCDE, «les apports (dons, prêts préférentiels, etc.) aux pays et territoires recensés dans la liste des bénéficiaires de l’APD établie par le CAD ainsi qu’aux institutions multilatérales de développement». Cette aide peut prendre la forme d’aides budgétaires ou d’aides projets. 3 Représentant 292 contrats attribués sur 3307 selon EuropeAid.
son APD l’ont été à des entreprises françaises. La France contribue pourtant à hauteur de 16,4% au budget de l’Europe et donc par déclinaison, à son budget d’aide au développement. Il est aussi difficile pour les 3 principaux acteurs et partenaires de l’aide au développement (le bailleur qui finance, l’entreprise qui implémente et l’administration qui en bénéficie) de coordonner au mieux leurs efforts afin de rendre cette aide encore plus efficace. De plus, cette coordination doit se faire à toutes les étapes de la concrétisation de l’engagement de l’aide publique au développement selon le cycle « Assessment, Design, Implementation, Evaluation ». Bien que ce cycle paraisse schématique, c’est en l’occurrence la référence qui nous permet ici de comparer tous les types d’implémentation de projets d’aide publique au développement : chaque besoin pour chaque projet est identifié au cours d’une phase de qualification ou de recueil des besoins (Assessment), formalisé et défini au cours d’une phase de définition (Design), mis en œuvre au cours d’une phase d’implémentation (Implementation) et mesuré, audité, évalué au cours d’une phase d’évaluation (Evaluation). Mais si toutes les agences qui concrétisent sur le terrain les financements des bailleurs de fonds ont des rythmes différents d’implémentation et si chaque phase pourrait être subdivisée en de multiples actions selon les agences, les pays ou les types de projets, cette vision macro de mise en œuvre de l’aide publique au développement peut s’appliquer, avec des termes parfois très différents, à tous les types de projets (et par conséquent à tous les types d’appels d’offres) dont les pays bénéficiaires ont besoin pour leur développement.
7
Figure 1 : le cycle de l’aide publique au développement
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Bénéficiaire/bailleur*
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Bailleur/bénéficiaire*
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Entreprise/bénéficiaire/ bailleur*
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Cycle de l’aide
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Entreprise/bénéficiaire*
*principale interaction Source : BearingPoint, 2013
C’est donc au travers de ces projets que la communauté internationale, les administrations des pays en développement et les entreprises privées, nationales ou internationales, interagissent à tous les temps de l’aide.
Voici donc nos 7 convictions sur le sujet :
Mais cette interaction est malheureusement inégale, parfois décalée, voire inexistante dans un jeu à trois qui peine à s’accorder vers des intérêts communs pourtant si nombreux. Nous sommes cependant convaincus que plusieurs solutions et méthodes pourraient faciliter cet accord.
1.
simplifier l’entraide entre les pays du sud ;
2.
clarifier et adapter les rythmes des dépenses aux réalités économiques ;
3.
favoriser les échanges entre le public et le privé pour en extraire le meilleur ;
4.
donner plus de cohérence aux procédures afin de redonner confiance aux opérateurs publics et privés pour gérer des projets plus conséquents ;
5.
favoriser l’expérience plutôt que l’expertise ;
6.
limiter l’alimentation d’un système qui ne se nourrit que de lui-même ;
7.
redonner à l’évaluation toute son importance.
Le tableau ci-contre reprend les 7 convictions et illustre pour chacune d’elle, les enjeux par acteur. 8 | Point de vue
Tableau 1. L’aide publique au développement : convictions et enjeux par acteur Convictions
Phase(s)*
1. Encourager le financement entre pays émergents
A
2. Adapter la dimension temporelle aux besoins locaux
A
D
3. Favoriser les actions mixtes public et privé
I
4. Avoir une approche méthodologique et projet 5. Privilégier les entreprises sachant mobiliser leur propre expérience 6. Moderniser l’approche de l’assistance technique 7. Evaluer les projets mis en œuvre
D
D I
A
D
E
I
A
D
E
I
E
Enjeux Bailleurs
Entreprises
Bénéficiaires
• Garantie de résultat • Spécialisation de l’aide technique
• Vecteur de développement international supplémentaire
• Efficacité de l’aide et mode opératoire plus adapté au contexte local
• Respect des engagements financiers et qualitatifs • Monitoring & reporting des projets
• Meilleure visibilité des enjeux du développement • Meilleure adéquation de la réponse qu’elles peuvent apporter
• Adaptation du temps politique au temps des réformes • Dosage ambition politique / capacité d’absorption
• Elargissement du champ de l’expertise • Respect des contraintes bailleurs procédurales
• Adaptation de l’offre à la demande des bénéficiaires
• Adaptation du temps politique au temps des réformes • Ambition politique et capacité d’absorption
• Monitoring & reporting des projets • Réduction des efforts administratifs • Garantie de résultat • Facilité de coordination
• Lisibilité de la demande et cohérence d’ensemble • Economie d’échelle
• Efficacité de l’aide • Visibilité à moyen terme • Facilité de coordination
• Respect des engagements • Monitoring & reporting des projets • Transparence
• Maîtrise des risques • Reconnaissance • Assainissement de la concurrence
• Transfert de compétences • Efficacité de l’aide • Limitation de la dépendance à l’aide
• Simplification des procédures • Baisse des coûts de gestion
• Meilleur visibilité • Efficacité du service rendu
• Meilleure compréhension
• Monitoring & reporting des projets • Transparence • Respect des engagements • Atteinte des OMD
• Transparence • Assainissement de la concurrence • Clarté des processus de gestion de projet
• Moins de redondance
*Assessment / Design / Implementation / Evaluation Source : BearingPoint, 2013
9
Conviction n°1
Encourager le financement entre pays ĂŠmergents
Plus de financements sud-sud : nous les aidons, ils s’aident, nous nous aidons… Constat : il existe une migration des flux d’aide au développement vers des flux sud-sud de plus en plus nombreux Pour maximiser la portée des aides qui leurs sont octroyées, de plus en plus de pays font appel à de l’aide provenant de pays du sud, eux-mêmes pour certains encore en développement, ou du moins émergents. En effet, au cours des dix dernières années, la composition des bailleurs de fonds en Afrique a, selon le site Afrique Renouveau de l’ONU4, considérablement changé. De nouveaux entrants sur le marché de l’aide au développement font leur apparition, parmi lesquels la Chine, l’Inde et le Brésil. Les puissances émergentes apportent des financements selon des procédures différentes et souvent allégées comparativement à celles proposées par les partenaires traditionnels selon le site Perspectives Economiques en Afrique5. La présence des dirigeants de 50 pays africains lors de la 5ème conférence ministérielle du Forum de 4 Site internet de l’ONU – Afrique Renouveau : « L’Afrique forge de nouveaux partenariats » 5 Perspectives Economiques en Afrique : Des modalités de coopération et de financement plus variées
coopération Chine-Afrique (FOCAC) en juillet 2012 à Pékin atteste bien de l’engouement des Etats pour ces financements « sud-sud ». Lors de ce forum, le président Hu Jintao a annoncé le doublement du montant des prêts à l’Afrique portant cette aide à 20 milliards USD d’ici à 2015 (cf. article « Forum de coopération Chine-Afrique : Pékin veut redorer son image sur le continent »6). On estime d’ailleurs que l’aide chinoise a bondi de 60% entre 2009 et 2011. En Tanzanie par exemple, celle-ci a permis de faire construire une ligne de chemin de fer reliant le pays à la Zambie7. En 2010, des entreprises indiennes et singapouriennes ont octroyé 3,5 milliards USD au Gabon pour la construction de 1 000 km de routes, 5 000 logements sociaux et la création d’une zone économique spéciale pour le traitement de l’huile de palme.
6 Site internet de Rfi : Forum de coopération ChineAfrique : Pékin veut redorer son image sur le continent 7 Site internet de Rfi : « Chine-Afrique : Xi Jinping en Tanzanie, en Afrique du Sud et au Congo-Brazzaville »
11
Tableau 2. Des formats divers pour les mécanismes de financements sud-sud Crédits à l’exportation
Méthode de promotion des échanges commerciaux permettant un paiement différé par le pays importateur
Investissement via des IDE
Investissement direct étranger. L’Inde investit par exemple beaucoup par le biais des IDE en Afrique. Entre 2004 et 2010, les IDE octroyés par l’Inde s’élevaient à 50 millions USD dont 60 % visaient l’Afrique. Les trois premiers bénéficiaires des IDE en 2012 furent le Nigeria, le Mozambique et l’Afrique du Sud*.
Lignes de crédit garanties par les ressources naturelles
Utilisation des exportations de ressources naturelles ou réservation d’un accès préférentiel à ces ressources comme garantie dans des projets d’infrastructures et comme moyen de remboursement des crédits. La Chine utilise souvent cette méthode qui a par exemple accordé 2.5 milliards USD en 2007 à l’Angola pour la construction de 1 300 km de chemin de fer, 300 km de routes, des hôpitaux, des écoles, des logements sociaux et des réseaux de télécommunication. Ces lignes de crédit sont garanties par les exportations de pétrole brut.
Crédits mixtes
Combinaison de prêts à taux du marché et à taux préférentiel. La Chine utilise souvent ce mécanisme.
*Site internet du Figaro : « Les investissements directs étrangers ont reculé dans le monde en 2012 » Source : BearingPoint, 2013
12 | Point de vue
Des avantages de ces mécanismes de financement sud-sud appréciés Ces financements sud-sud apportent de nombreux avantages aux pays bénéficiaires : • Une dépendance réduite vis-à-vis des bailleurs de fonds traditionnels. • Des investissements souvent portés vers le secteur privé, dont le but est un profit gagnant-gagnant, ce qui dynamise l’aide et rend plus pérennes les retombées économiques. Cette méthode incite les pays en développement à progresser, parce qu’en investissant par exemple dans l’amélioration des méthodes et des rendements d’extraction des ressources - souvent la première source de développement économique du pays - la chaîne de valeur post-extraction est incitée par effet de réactions en chaîne, à se développer (industries de traitement ou transformation à plus forte valeur ajoutée). • Des mécanismes de financement qui obligent le pays en développement à réinvestir directement. Ainsi, les accords « ressources contre infrastructures » permettent de sécuriser les bénéfices tirés des ressources naturelles pour les réinvestir dans le développement national en général et détourne le risque de corruption éventuelle (cf. Perspectives Economiques en Afrique, « Des modalités de coopération et de financement plus variées »)8. • Les bailleurs émergents offrent généralement aux pays en développement de l’aide-projet et non de l’aide-programme à l’instar de ce que font souvent les bailleurs traditionnels. Ce sont donc des financements qui parviennent directement aux 8 Perspectives Economiques en Afrique : « Des modalités de coopération et de financement plus variées »
entreprises privées, ce qui là encore limite le risque de détournement de fonds. • Les bailleurs émergents, notamment la Chine, fournissent des projets clés en main, avec des vitesses d’exécution généralement plus grandes que pour des projets financés par les partenaires traditionnels. En effet, ces bailleurs sont considérés comme étant moins bureaucratiques. • Les partenaires émergents ont en outre la spécificité de fixer moins de contreparties que les partenaires traditionnels (conditions relatives aux aides publiques telles que l’amélioration des droits de l’homme et de la démocratie). Néanmoins, même en l’absence de conditions préalables, des contrôles sont effectués par les bailleurs émergents avec une grande rigueur. Les dirigeants chinois sont par exemple très exigeants quant à l’usage et à l’application concrète des lignes de crédit. • Les mécanismes d’échanges sud-sud ont l’avantage de favoriser les retours d’expériences entre le pays ayant reçu de l’aide auparavant (ou continuant à en recevoir) et le pays bénéficiaire. Les transferts de compétences sont favorisés par le fait que les deux pays partagent souvent des caractéristiques économiques, sociales et politiques similaires (et ont même parfois la même langue). L’assistance offerte s’adapte d’emblée aux conditions locales. Les financements sud-sud sont, de surcroît, des mécanismes de plus en plus répandus avec la diminution de l’aide au développement provenant des pays développés suite à la crise qu’ils connaissent. Comme évoqué en introduction, le montant de l’aide publique au développement (APD) dans le monde a en effet baissé de 4% en 20129. L’aide de la France a baissé de 1,6% par rapport à 2011, tandis que la baisse de l’aide des pays de la zone Euro les plus touchés par la crise varie de -13% (Portugal) à -50% (Espagne). L’Afrique, région la 9 Site internet Youphil : « Aide au développement: les pays riches donnent de moins en moins aux pays pauvres »
13
Un exemple de coopération sud-sud en Mauritanie Un grand nombre de pays africains ont été désenclavés grâce à l’arrivée des câbles sous-marins le long de leur côtes. C’est le cas de la Mauritanie avec le câble ACE. Le financement de la partie Mauritanienne a d’abord été un mix « bailleurs-gouvernement ». Mais pour la suite des opérations, la Mauritanie a financé elle-même : • Le déploiement du réseau secondaire de câbles à l’intérieur du pays avec les trois opérateurs télécoms (dont un opérateur à capitaux tunisiens et un autre à capitaux chinois) et la Poste de Mauritanie. • Les études de faisabilité, de positionnement et de formation liées au développement d’une technopole à Nouakchott. Dans ces deux cas, l’investissement a été fait dans une logique de continuité de l’investissement par des acteurs du sud.
14 | Point de vue
plus bénéficiaire de l’APD est aussi, sans surprise, le continent le plus affecté par la baisse de l’APD s’élevant à -10% par rapport à 2011. L’aide des pays émergents est donc de plus en plus bienvenue.
Des mécanismes aux résultats positifs et pouvant être encore améliorés Des résultats positifs issus des financements sud-sud sont d’ores et déjà observés : plus de 2 000 sociétés chinoises ont investi en Afrique contribuant à la diversification économique et à la création d’emplois locaux. Les systèmes d’évaluation sont, comme pour l’APD en général, encore à parfaire pour disposer de chiffres concrets sur les bénéfices tirés de l’aide. Sans attendre cela et pour maximiser les résultats de ces financements sud-sud en matière de retombées économiques pour le bénéficiaire, les conditions d’application devraient être renforcées. Bien évidemment, les pays bénéficiaires ne sont pas dupes et savent bien que les bailleurs émergents sortent gagnants des partenariats sud-sud. Les pays du sud représentent en effet un grand marché prometteur pour vendre des biens de consommation ou des services à des populations appelées à devenir de plus en plus nombreuses. C’est également une stratégie de ces pays pour sécuriser un approvisionnement en matières premières face à leurs besoins énergétiques grandissants (la Chine s’approvisionne en charbon de l’Afrique du Sud, en
fer du Gabon, en bois de la Guinée équatoriale et en cuivre de la Zambie10). Pour améliorer l’équilibre des échanges, les bénéficiaires pourraient assortir davantage les contrats d’obligations de créations d’emplois locaux pour éviter que, comme en Zambie, les investissements chinois soient critiqués par la population pour cause d’embauches de trop nombreux ouvriers chinois au détriment d’ouvriers zambiens (ils seraient plus d’un million d’ouvriers chinois à vivre en Afrique). Lors de la Conférence ministérielle du Forum sur la coopération sinoafricaine de juillet 2012, le Président chinois a lui-même promis plus d’aides et de bénéfices pour les pays bénéficiaires : 100 écoles, 30 hôpitaux, 30 centres de lutte contre le paludisme et 20 centres pilotes agricoles11. La balle est dans le camp des pays du sud pour opérer les rééquilibrages utiles et tirer les complets bénéfices de ces mécanismes voués à se renforcer.
10 Site internet Alternatives Internationales 11 Blog de Rfi : “Chine-Afrique : Xi Jinping en Tanzanie, en Afrique du Sud et au Congo-Brazzaville »
15
Conviction n째2
Adapter la dimension temporelle aux besoins locaux
Temps politique, temps de l’aide et temps économique : à chacun son horloge ! Si l’aide au développement est une nécessité, son efficacité repose aussi sur les modalités de son implémentation. En l’occurrence, une aide mal coordonnée avec l’agenda politique et institutionnel du pays bénéficiaire peut s’avérer inutile, voire contreproductive. Pour cela, un des enjeux principaux des bailleurs de fonds est de proposer au mieux et avec le plus de précision possible, le moment où chaque aide budgétaire, chaque projet, devra être décidé, défini, implémenté et évalué pour chaque pays. Les agences internationales, qu’elles soient onusiennes, européennes ou nationales, utilisent beaucoup de ressources pour bâtir leurs programmes et elles s’y prennent longtemps à l’avance selon des cycles qui leur sont propres. Ces cycles sont plus ou moins connus, mais restent malgré tout liés aux agendas des bailleurs de fonds qui sont les premiers « actionnaires » de ces agences. La transcription sur le terrain nécessite alors beaucoup d’expertise et de dialogue pour s’adapter au mieux aux besoins des pays, ce qui n’est pas toujours facile, voire impossible. En effet, entre le moment où la programmation se décide et le lancement des projets qui en découlent, il peut se passer plusieurs mois, voire plusieurs années. Certes, la plupart du temps, les besoins n’évoluent pas, surtout lorsqu’il s’agit de participer à l’amélioration des indicateurs des OMD, mais dans beaucoup de cas, les évolutions locales remettent en cause l’identification des besoins. Il faut alors adapter le besoin identifié en amont et cela peut parfois remettre en cause l’essence même du projet.
Pour pallier ces éventualités, les agences internationales proposent des financements avec plusieurs niveaux de granularité (allant du thème général au projet, voire au sous-projet), chaque niveau devant à chaque fois faire l’objet d’une analyse permettant d’ajuster les financements aux besoins. Par exemple, dès lors que des financements sont avérés utiles et votés, la Banque Mondiale subdivise ses projets en sous-projets permettant ainsi de s’adapter quasiment en temps réel aux aléas des événements locaux. La contrepartie est parfois un manque de visibilité globale et un risque de voir des projets entamés qui ne se terminent pas. L’Union Européenne quant à elle privilégie, quand c’est possible, des projets plus intégrés avec un seul appel d’offres, mais prend le risque de retarder le démarrage, voire d’annuler le projet si l’agenda politique ou institutionnel local ne permet pas une capacité d’absorption suffisante pour garantir le succès. Chaque agence essaie donc au mieux de combiner son propre agenda institutionnel, ses contraintes administratives, celles des bénéficiaires de son aide et la capacité de ces derniers à recevoir l’aide qui lui est proposée dans les meilleures conditions. Mais cet effort ne doit pas non plus se faire au détriment de la qualité des projets, car souvent, les agences s’efforçant de coordonner leurs actions avec celles des autres bailleurs et administrations locales, parfois également tributaires de procédures de marchés publics longues et bureaucratiques, perdent de vue l’objectif final de l’aide qu’elles apportent. Il est en effet surprenant de voir parfois que des projets
17
datant de 2005, 2006 ou 2007 soient aussi peu avancés dans certains pays. En Haïti, par exemple, des projets d’environnement et de développement urbain, prévus pour plusieurs millions d’euros et signés en 2007, n’ont donné lieu à aucune dépense jusqu’en 2012, alors que leur convention de financement devenait caduque en fin d’année. Evidemment, on comprend que le séisme de 2010 a fortement perturbé les projets de développement prévus ou en cours, mais alors pourquoi avoir maintenu la convention de financement en l’état sans l’adapter aux nouvelles conditions de mise en œuvre ou en changeant son objet pour tenir compte des nouvelles urgences ? Selon les circonstances du terrain, les agences devraient donc pouvoir remédier plus facilement à d’éventuelles lenteurs de l’utilisation des financements grâce à des mécanismes encore plus souple de redéploiement. Autre difficulté, l’attribution de l’aide se fait aussi eu égard aux critères normatifs auxquels les pays doivent se conformer, ainsi qu’à un certain ensemble de règles et de conditions avant de recevoir l’aide prévue. Mais les conditions imposées par les bailleurs de fonds sont discutables et ne vont pas toujours, à un instant donné, dans le meilleur intérêt du pays. En outre, ces conditions ne sont pas toujours les mêmes entre chaque bailleur et surtout, elles sont parfois plus souples pour les prêts et les aides accordées par les pays émergents, comme évoqué dans notre conviction n°1. L’accès à l’aide est donc parfois plus facile et rapide selon les bailleurs, ce
18 | Point de vue
qui peut créer des déséquilibres et des intérêts divergents. Les agences de développement doivent donc constamment chercher à adapter leurs conditions d’attributions en fonction des pays qui les préoccupent et du paysage de l’aide internationale, tout en faisant le maximum pour éviter de niveler par le bas les indicateurs de développement et l’exigence de qualité de l’aide demandée par les bailleurs de fonds internationaux. Chacun son horloge et c’est ainsi, mais il faut connaître ces décalages et s’en accommoder tout en utilisant les leviers d’interaction avec les différents acteurs pour aligner le plus possible les besoins réels aux propositions contractuelles et à la mise en œuvre. Et c’est comme cela que nos entreprises apporteront les solutions les plus adaptées aux besoins des administrations bénéficiaires de l’aide publique au développement. Pour cela, selon les projets, les bailleurs ou les procédures, il est important d’être le plus proactif possible, de prendre les sujets le plus en amont possible, voire même de les suggérer, car les bailleurs et les bénéficiaires ont constamment besoin de confronter l’évaluation des besoins d’assistance aux réalités de l’expertise disponible.
Figure 2. Le temps long des bailleurs : exemple de la Banque Mondiale et les chances de succès de l’entreprise prestataire selon sa posture Acteurs
Année n
Implement and evaluate
1
2
3
4
Année n+1 6 7
5
Assess
Bénéficiaire direct
8
9
10
12
n+2
Implement and evaluate
Design
Expression besoin
11
Lancement des appel d’offres
Définition du scope des projets
1) Coordonateur national Banque Mondiale
Recensement des besoins Stratégies de réduction de la pauvreté et d’aide-pays
Phase d’identification : stratégie d’aide pays
Sélection Préparation
Coordination avec les bailleurs Evaluation
Phase de négociation et d’approbation
Exécution et supervision
Veille
Information générale
Planification
Avis général de passation de marchés
Actions des sociétés de conseil
Proposition de sujets et de projets auprès du bénéficiaire
Analyse documentaire, prospection terrain, recherche partenaires potentiels, qualification références possibles, etc.
Qualification
Posture et chance de succès
Proactif +++
Négociateur ++
Opportuniste +
Chanceux -
Board aproval 1) Pays récipiendaire
Source : BearingPoint, 2013
19
Conviction n°3
Favoriser les actions mixtes public et privé
Tout public ou tout privé ? Concilier les deux mondes L’aide au développement peut devenir plus efficace grâce à l’action du secteur privé Le secteur privé a un rôle considérable à jouer pour accroître l’efficacité de l’aide et cette tendance a été confirmée par les Etats bailleurs et bénéficiaires lors du Forum sur l’efficacité de l’aide12 qui s’est tenu en 2011 à Busan, en Corée du Sud. Chacun est tombé d’accord sur la nécessité d’impliquer davantage le secteur privé dans l’aide au développement. L’association de fonds publics et de fonds d’investissements privés a pris son essor notamment auprès d’agences telles que la Banque Européenne d’Investissement (BEI), l’Agence Française de Développement (AFD) ou la KfW Bankengruppe. Cette tendance apparue dans les années 1990 s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Cela a débouché sur une augmentation des collaborations publiquesprivées notamment sous la forme de partenariats publics privés (PPP) mais d’autres formats d’aides sont également nés allant de la solidarité privée aux fonds d’aides développés par des entreprises.
12 Site internet de l’OCDE : « Quatrième Forum de Haut Niveau sur l’Efficacité de l’Aide »
L’aide au développement privée revêt diverses formes Une myriade d’organisations non gouvernementales de tous bords (politiques, religieux, laïques…) est née et a sensiblement augmenté les flux d’aides. Des associations privées ont également investi le paysage de l’aide au développement. La Fondation Bill et Melinda Gates a ainsi octroyé 3,4 Milliards USD de dons en 2012 en matière d’aide à la santé.13 Les entreprises privées ont également occupé l’espace en développant des fonds ou des programmes d’aide. En effet, ces sociétés internationales ont bien compris que leur succès économique dépend de l’image qu’elles ont dans les pays où elles investissent. Ainsi, les sociétés pharmaceutiques développent massivement des programmes visant à améliorer l’accès aux médicaments. Des collaborations entre des entreprises privées et des agences de développement ont donné lieu à la création de fonds d’investissement combinant l’expertise d’acteurs du développement et les ressources d’investisseurs privés pour mener à bien des projets de développements. L’Agence Française de Développement s’est, par exemple, associée à la banque du Crédit Agricole et Danone pour créer le fonds Danone Communities. Ce fonds a l’ambition de financer et développer des « entreprises locales, avec un modèle économique pérenne, tournées vers 13 Site Web Bill & Melinda Gates foundation
21
des objectifs sociaux : faire reculer la pauvreté et la malnutrition ».14 Pour maximiser l’efficacité de l’aide au développement, un savant dosage entre deniers publics et privés permet de tirer le meilleur de chaque partie prenante (organisation et méthodologie du secteur privé, volume des fonds et connaissances techniques du secteur public). Mais certains pays ont encore des efforts à fournir pour séduire l’investisseur privé. En effet, investir dans certains pays émergents peut présenter des risques difficilement absorbables par toutes les entreprises privées, principalement à cause du cadre réglementaire et du système financier en vigueur. Les pays en développement ont donc intérêt à redoubler d’efforts pour créer un environnement propice au développement de manière à favoriser l’utilisation d’aides provenant de plusieurs types de sources. De surcroît, le secteur privé doit bien avoir en tête que les activités ayant un impact élevé sur le développement se révèlent le plus souvent rentables. In fine, pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement et vaincre la pauvreté, la famine ou encore offrir un système éducatif et de santé à tous, l’aide au développement devra faire appel de plus en plus à la puissance et à l’agilité du secteur privé. 14 http://www.danonecommunities.com/
22 | Point de vue
Un exemple de Partenariat Public Privé (PPP) comme solution d’aide publique au développement En Tunisie, le cadre légal a été modifié et des institutions ad hoc de supervision ont été créées afin de faciliter la conclusion de PPP pour favoriser le développement d’un nouvel aéroport à Enfidha, construit conformément aux normes de gestion les plus performantes. Le Partenariat Public Privé est un contrat qui associe les compétences du secteur public et du secteur privé pour des opérations, classiquement lourdes en investissement, de conception, de construction, de financement et de gestion d’équipements ou de services publics. Généralement, le secteur public est responsable de la surveillance et de l’évaluation de la qualité, alors que le secteur privé est plus étroitement lié à la prestation réelle du service ou à la mise en œuvre du projet. C’est le secteur privé qui assume l’investissement en se faisant rembourser, par exemple, si le projet réalisé s’y prête, sous forme de loyers pendant une durée déterminée.
La planification d’un PPP est complexe, car les composantes suivantes exigent un maximum de précisions : les caractéristiques de performance de l’ouvrage, la durée de l’entente contractuelle, les clauses financières et diverses dispositions juridiques. En général, le cadre réglementaire dans les pays souhaitant mettre en place des PPP doit être sérieusement adapté et cela requiert de fait une assistance technique idoine. Mais les PPP sont un mécanisme gagnant-gagnant : ils représentent une opportunité attrayante pour une entreprise qui souhaite installer une activité sur le long terme dans un pays émergent. Et pour les pays bénéficiaires, les bénéfices sociétaux et économiques sont généralement plus rapides qu’un projet d’aide provenant exclusivement du secteur public.
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Conviction n°4
Avoir une approche méthodologique et projet
À problème intégré, solution intégrée ! Eviter le saucissonnage De la nécessité de se coordonner Au niveau national, les politiques de coopération au développement sont dépendantes des dispositifs institutionnels de chaque pays : centralisés dans certains pays, rattachés à plusieurs ministères dans d’autres, la coordination entre chaque ambassade ou agence nationale sur le terrain en est d’autant plus complexe. Au niveau international, la multitude des acteurs génère une confusion générale et l’aide au développement pâtit donc d’un dispositif de pilotage et de suivi fragmenté entre les différentes institutions internationales et les pays, ce qui ne permet pas une vue globale des moyens consacrés à la politique de coopération à un instant donné. Très peu d’acteurs disposent donc d’une vision d’ensemble des dispositifs en place pour venir en aide aux pays en développement, ni de leurs moyens et de leurs actions à un niveau macro. Seule la base de données au CAD15 permet de fournir une vision globale mais reconstituée, des moyens consacrés à la politique de coopération pour tous les pays fournisseurs de l’aide publique au développement. Par ailleurs, l’environnement institutionnel de plus en plus dense et changeant constitue un problème à la fois pour l’efficacité et pour la cohérence de l’aide publique au développement. En effet, les coûts 15 Comité d’Aide au Développement de l’OCDE
de coordination des activités de nombreux acteurs aux agendas différents, comme évoqué dans notre deuxième conviction, ont grimpé en flèche au cours de la dernière décennie. D’après un document rédigé par Jean-Michel Severino, Directeur Général de l’AFD de 2001 à 2010, et Olivier Ray, Senior Economiste à l’AFD de 2007 à 2011, une enquête portant sur 14 pays montre que le Cambodge reçoit en moyenne 400 missions de bailleurs de fonds par an, le Nicaragua 289, et le Bangladesh 25 01316, ce qui demande un effort considérable de la part des administrations des pays bénéficiaires qui ne sont pas toutes équipées pour y faire face. Pour Messieurs Severino et Ray, les gains générés par l’implication d’un plus grand nombre d’acteurs seraient inférieurs aux coûts liés à la coordination des politiques. Ceci est typiquement le cas des situations de crise ou de post-conflit, où les acteurs internationaux abondent face à des pouvoirs publics locaux aux capacités de coordination limitées. Enfin, autre constat fait par Stephen Knack et Lodewijk Smets, auteurs d’une étude de la Banque Mondiale - Aid Tying and Donor Fragmentation : « dans les pays où l’aide est moins fragmentée, le donateur incite plus facilement à poursuivre les
16 En imaginant que ces missions ne mobilisent qu’une personne/jour, ce qui est certainement sous-estimé, cela représente 68 jours-personnes consommés par l’administration bangladaise pour l’unique « réception » de ces missions, 68 jours-personnes qui ne sont pas dévoués directement aux service des citoyens
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objectifs de développement plutôt que des seuls résultats de l’aide. »17 Cette organisation de l’aide au développement génère donc ce que l’on peut appeler communément un « saucissonnage » de l’aide et celui-ci diminue non seulement son efficacité, mais il limite la capacité d’absorption des pays bénéficiaires de cette aide en multipliant les efforts de coordination entre les bailleurs. Dès lors, les agences essaient le plus possible de coordonner leurs efforts en répartissant les sujets. Mais il y a encore trop de pays où des agences internationales ou nationales s’intéressent systématiquement aux mêmes problèmes, proposant parfois les mêmes types de projets pour des administrations déjà largement soutenues par ailleurs. Selon les pays, ces administrations mettent en place des structures de coordination de l’aide devant permettre de garantir cohérence et gestion intégrée des projets. Mais ces structures manquent parfois de ressources ou sont sans pouvoir politique face aux autres administrations pour qui la tentation est grande de recevoir le plus d’aide possible sans en référer spécialement aux structures de coordination existantes. Les agences s’organisent pour mieux coordonner leurs actions et éviter de multiplier les aides en essayant de regrouper des projets entre eux. Les Trust Funds permettent également d’éviter d’avoir plusieurs agences sur le même terrain et d’intégrer l’aide sur un thème donné dans un projet plus global, bénéficiant ainsi de plusieurs financements, mais pilotés par une seule structure : la Banque Mondiale, l’Union Européenne, l’UNDP ou l’AFD en Afrique, sont le plus souvent utilisées pour gérer ces Trust Funds. Les modes de financements sont donc des moyens de piloter les projets de manière intégrée et d’après Cyril Renault de Proparco18 « Grâce à une meilleure 17 Source: Stephen Knack and Lodewijk Smets, Aid Tying and Donor Fragmentation, Policy Research Working Paper, The World Bank, January 2012 18 Lettre Proparco : Renault, C. « Combiner financement et assistance technique »
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organisation, à une meilleure gouvernance, et au développement de nouveaux produits et services adaptés, les institutions financières européennes de développement peuvent renforcer l’effet de levier des fonds d’aide publique au développement, et encourager l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement. »
De la nécessité d’adapter l’offre et la demande De même que les agences de développement, avec leurs différents modes opératoires, ont des difficultés à se coordonner sur le terrain, il est aussi important pour les prestataires fournisseurs de l’aide technique de comprendre comment ces agences fonctionnent pour soumettre des demandes d’assistance. C’est pour les entreprises tout aussi important de comprendre les procédures que de savoir pour quel type de projets leur chance de succès sera la plus importante, pour quel type d’appels d’offres leur réponse sera la plus efficace et surtout pour quel type de contrats leur intervention fera gagner du temps à tout le monde en garantissant une réelle adaptation de leur offre, à la demande des bénéficiaires et des bailleurs. Il est par exemple plus intéressant pour certaines entreprises d’intervenir sur des contrats centralisés quand ces entreprises connaissent bien les procédures et les instances décisionnaires de Bruxelles ou de Washington. A contrario, une entreprise avec une filiale locale aura une longueur d’avance probable sur des contrats décentralisés.
Figure 3. Principaux types de contrats des grands bailleurs de fonds Source de financement
Aide Publique au Développement
Bailleurs
Procédures*
Banque Mondiale et banques régionales de développement
Centralisée
Agences nationales Fonds UE
Segments contractuels Bank executed Beneficiary executed
Décentralisée
Beneficiary executed
Décentralisée
Beneficiary executed
Centralisée
Centralised, country office executed, delegation
Centralisée
Indirect Centralised Management UE executed
Centralisée Union Européenne Décentralisée
EU Delegation executed Beneficiary executed
*Procédure centralisée : contrat géré par le bailleur ou une structure mandatée/ Procédure décentralisée : contrat géré par le pays récipiendaire Source : BearingPoint, 2013
Chaque entreprise aura donc sa manière d’interpréter la flexibilité d’implémentation d’un contrat selon le type de procédure proposé. En l’occurrence, un cabinet de conseil qui s’appuie sur son knowledge management, sa capacité à démultiplier les tâches entre plusieurs consultants pour aboutir à un livrable conséquent et sa capacité à travailler en mode off-shore sera plus agile sur des contrats Bank executed de la Banque Mondiale que sur des contrats Beneficiary executed de l’Union Européenne. Ces derniers types de contrats sont en effet construits de telle sorte que les consultants sont « embarqués » pour des durées longues au sein des administrations bénéficiaires (selon un modèle d’assistance technique proche de celui utilisé par les agences de développement bilatérales et les ambassades).
A chaque offre sa demande, donc, encore faut-il que ces offres soient le plus adaptées aux besoins des pays bénéficiaires. Les modes opératoires des projets d’assistance technique sont essentiellement décidés en fonction des procédures de financement, mais pas assez en fonction des besoins réels des projets facilitant par exemple l’emploi d’experts long terme là où des solutions combinées seraient plus adaptées et vice versa.
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Conviction n°5
Privilégier les entreprises sachant mobiliser leur propre expérience
Nous sommes tous passés par là ! Capitaliser sur l’expérience La qualité de l’aide passe par l’adoption d’une méthodologie identique et transparente
passé par des administrations bénéficiant de leurs financements. Et même si ces deux types de procédures sont différents, c’est déjà un pas vers l’harmonisation.
La coordination et l’alignement, au même titre que la responsabilisation et la transparence, sont essentiels pour améliorer l’efficacité de l’aide. En effet, la multitude d’approches et de procédures des bailleurs et des agences qui les représentent sont une difficulté supplémentaire pour les pays bénéficiaires ainsi que les sociétés qui fournissent l’assistance technique nécessaire à leur développement. Par ailleurs, les différences d’interprétation des textes entre les différentes agences sur le terrain sont parfois sources d’incompréhension pour les entreprises qui répondent aux appels d’offres, voire de suspicion de corruption. Le climat général de la coopération technique au développement n’est donc pas serein, notamment en raison de ces difficultés administratives et des contournements qu’elles tendent à provoquer.
La qualité de l’aide passe aussi par un transfert de compétences opérationnelles capitalisant sur l’expérience
La solution serait la mise en place de procédures de marchés identiques et transparentes pour tous les contrats de coopération technique internationale. Seulement cela irait aussi à l’encontre d’une volonté d’autonomiser les administrations bénéficiaires souhaitant se moderniser et mettre en place leurs propres procédures. C’est cependant ce que proposent la Banque Mondiale et l’Union Européenne en assurant des procédures identiques pour chaque marché
Le transfert de compétences est une des conditions pour garantir le succès d’un projet et limiter la dépendance à l’aide au développement. Or ces compétences sont souvent transmises par des experts individuels appelés à intervenir d’un projet à l’autre sans avoir toujours la possibilité de confronter leur expérience à l’évolution des meilleures pratiques. Pour permettre un partage d’expérience plus complet, les agences internationales font donc parfois appel à des administrations ayant été confrontées aux mêmes problèmes (c’est notamment le cas des jumelages européens), mais cette technique a également ses limites, les administrations manquant parfois de ressources ou de compétences pour mener des projets hors de leurs frontières. Un grand nombre de sociétés se sont donc spécialisées dans l’assistance technique pour répondre aux appels d’offres des agences internationales et proposer des équipes d’experts, 29
anciens fonctionnaires et/ou spécialistes des régions, ou des problématiques concernées. Avec ces experts, ces sociétés mettent en place des méthodes de gestion de projet rôdées et adaptées aux procédures de marchés des bailleurs de fonds. Enfin, dans certains cas, elle savent s’allier les services d’agences publiques pouvant fournir le retour d’expérience souhaité par l’administration bénéficiaire. Seulement ce type de montage commence à s’essouffler et permet de moins en moins aux administrations de bénéficier de vrais services et d’accompagnement dans la durée. En effet, les administrations bénéficiaires connaissent de mieux en mieux les techniques de gestion et les outils proposés par ces sociétés et leurs experts, et ont de plus en plus de contacts directs avec les administrations des pays donateurs pouvant compléter cette expertise. Mais ce qui leur manque le plus est une capacité à organiser une problématique complexe en mode projet faisant appel à un retour d’expérience avec une vision globale et à long terme. Par ailleurs, l’expertise demandée par les administrations des pays en développement est aujourd’hui au niveau de ce qui est attendu par les administrations des pays donateurs. En effet, parce que les administrations des pays en développement ont plus de souplesse pour mettre plus rapidement en place leurs réformes, les projets de modernisation sont parfois tout aussi avancés et rencontrent les mêmes problématiques qu’en Europe. Ce n’est évidemment pas le cas dans tous les domaines, mais c’est par exemple très fréquent dans les secteurs où les nouvelles technologies sont le point d’entrée principal des réformes. Or, les sociétés spécialisées dans l’assistance technique, qui savent très bien mettre en relation un besoin, des experts et des administrations partenaires tout en respectant les procédures de passation de marché, n’ont pas toujours les compétences internes pour faire appel à leur propre
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expérience de réalisation de projets similaires. Par ailleurs, n’intervenant pas sur les marchés des pays développés, elle sont parfois déconnectées des meilleures pratiques et ne peuvent pas toujours faire appel à leur gestion de connaissances internes. C’est donc aujourd’hui une des raisons pour lesquelles des sociétés de conseil intervenant sur des marchés développés sont de plus en plus présentes en Afrique, comme le constate le Kennedy Research (cf. encadré) et une des raisons pour lesquelles les administrations bénéficiaires de l’aide publique au développement font de plus en plus appel à de l’assistance technique fournie par des cabinets de stratégie ou de conseil en management.
La vision des acteurs clés de l’assistance technique selon le Kennedy Research Le Kennedy Consulting Research & Advisory propose des rapports très fournis, notamment sur le marché du conseil. Dans sa dernière étude sur l’Afrique (Kennedy Research, consulting in Sub-saharian Africa, janvier 2013) il présente le TOP 20 des cabinets de conseil sur le continent. Il ne s’agit pas d’un classement, mais d’un recensement des acteurs majeurs tant d’un point de vue de la taille du marché adressé, que de la qualité méthodologique, l’encadrement, la capacité d’innovation, l’image de marque, la gamme des services et la capacité de faire bénéficier les pays d’un transfert de savoir-faire.
En 2013, ce top 20 est composé de : • Cabinets de conseil en stratégie : AT Kearney, Bain & Co, BCG, Mc Kinsey • Cabinets de conseil en management : BearingPoint, CSC, Roland Berger • Cabinets de conseil en IT : Accenture, Capgemini, IBM, Tata Consultancy • Cabinets de conseil en gestion / finance (issus de l’audit) : Deloitte, E&Y, KPMG, PwC, Grant Thorton • Cabinets de conseil en RH et développement : Aon, Dalberg, Tower Watson
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Conviction n°6
Moderniser l’approche de l’assistance technique
Ouvrir le marché de l’aide au marché tout court : ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier Quel modèle économique pour les sociétés apportant leur assistance technique ? C’est une question qu’il est légitime de poser quand on compare par exemple la liste des sociétés de conseil intervenant sur des projets d’assistance technique financés par l’Union Européenne (europeaidcontracts.com) et les noms des principales sociétés présentes sur les marchés publics européens (hormis sur les grands projets de construction et d’infrastructure ou de fourniture de matériels techniques). Pourtant, ces dernières furent très présentes sur les deux fronts au début des années 2000, époque conjoncturelle où l’Europe développait fortement son activité d’aide au développement et quand de grands projets d’assistance technique, notamment financés par les Etats-Unis, étaient lancés en ex-Yougoslavie et au Moyen-Orient. Mais très vite, le marché a évolué pour créer un écosystème complet de sociétés spécialisées dans l’assistance technique avec un modèle économique plus adapté : des coûts fixes de leurs sièges européens les plus faibles possible, une expertise interne minimum et une délocalisation maximale de la gestion des projets. Par ailleurs, de plus en plus de sociétés de conseil, au début fairevaloir pour les grands cabinets occidentaux, sont
devenues de vraies agences de conseil capables de mobiliser suffisamment de ressources et d’expertises pour gagner des projets sans s’adosser à de grands noms de cabinets internationaux. Toutes ces sociétés d’assistance technique ont créé depuis un écosystème complet qui s’est construit quasi exclusivement autour des financements internationaux, maîtrisant toutes les procédures, faisant intervenir des consultants et des experts qui connaissent autant leurs sujets que les pays pour lesquels ils interviennent. C’est un marché de 125 milliards de dollars qu’il est devenu aujourd’hui en effet difficile pour des sociétés de conseil plus « classiques » d’adresser, sauf à le faire au travers de filiales locales comme le font la plupart du temps les Big four.
En contrepartie, les échanges et la diversité des propositions diminuent… Car finalement, pourquoi les administrations des pays en développement ne pourraient-elles pas bénéficier des mêmes services que ceux proposés aux administrations des pays du CAD par les plus grandes sociétés internationales ? Le système ne pourrait-il pas permettre à ces entreprises intervenant 33
dans les pays du CAD, aux sociétés de conseils spécialisés dans l’APD et aux entreprises originaires des pays bénéficiaires d’y trouver leur compte ? C’est cependant notre conviction, même si ce n’est pas encore complètement acté dans la réalité du marché. En effet, les administrations des pays africains, dont leurs élites ont été pour beaucoup formées dans les meilleures écoles et universités européennes, américaines et asiatiques, savent de mieux en mieux cibler leurs besoins en théorie, mais ont cependant de plus en plus de mal à placer ces besoins dans un ensemble de réformes complexes et denses afin de donner aux projets qui en découleraient un maximum de chance d’être retenus et implémentés avec succès. Très souvent, eu égard à la complexité des interactions entre les réformes proposées, devant mettre en place des projets de plus en plus exigeants et techniques, ce n’est pas l’expertise technique qui est la plus importante, mais bien la capacité à remettre les projets qui portent cette expertise dans un environnement complet de réformes administratives. Et pour y arriver, rien de tel que l’expérience, or l’expérience des pays voisins est parfois trop spécifique ou limitée pour être réutilisée : les pays éligibles à l’APD veulent pouvoir se comparer aux pays du CAD.
Il est donc possible d’ouvrir encore plus le marché de l’aide publique au développement Nous sommes donc convaincus que les administrations des pays bénéficiaires de l’aide au développement ont besoin de cette combinaison : 1.
d’expertise aguerrie aux projets d’assistance technique internationale proposée par les sociétés spécialisées dans l’aide au développement,
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2.
d’une capacité de contextualisation locale proposée par les experts des entreprises des pays bénéficiaires, et
3.
de l’expérience et de la gestion de leur connaissance des entreprises et des administrations occidentales.
Il faudrait cependant que les agences internationales puissent adapter les prix des prestations proposées aux prix du marché souhaité et faciliter ainsi le retour des sociétés européennes intégrées pour favoriser les échanges d’expérience et diversifier les pratiques. Les agences et les bénéficiaires pourraient ainsi obtenir le meilleur de chacun des types d’acteurs sans spécialement augmenter les prix des projets : il suffirait d’augmenter les taux jours/hommes et de baisser le volume de jours souhaité, tout en exigeant une qualité de service identique ou de favoriser les contrats aux forfaits, laissant aux prestataires le choix du mode opératoire. Cela serait rendu en partie possible grâce au gain de temps obtenu par l’accroissement de l’expérience des équipes projets, limitant ainsi la reproduction d’erreurs vécues lors de mises en œuvre d’applications sur des projets similaires en Europe ou ailleurs. Il suffit donc ni plus ni moins que de redonner un cadre structuré à une assistance technique devenue trop éclatée, s’appuyant parfois sur une combinaison d’expertises individuelles reconnues, mais manquant de structuration, favorisant les livrables autonomes sans toujours créer le lien nécessaire à la cohérence d’ensemble et une meilleure appropriation des résultats. Il faut continuer à fournir de l’assistance technique, mais les modes d’interventions doivent aujourd’hui pouvoir se rapprocher de ce qu’exigent les administrations occidentales lorsqu’elles font appel à des sociétés privées pour les accompagner dans leur transformation.
La banque Mondiale valorise son conseil aux administration : le cas de l’IFC En l’espace de quelques années, les services de conseil sont devenus essentiels dans l’activité de l’International Finance Corporation (IFC, groupe Banque Mondiale). C’est un élément important de son intervention dans les pays les plus pauvres – ou dans ceux qui peinent à encourager l’investissement des entreprises. Ce type d’assistance technique a connu un essor considérable : entre 2001 et 2010, les dépenses de services de conseil ont été multipliées par plus de dix et les effectifs par six. Aujourd’hui, leur conception et leur mise en œuvre mobilisent près de 40 % des effectifs
de l’IFC et représentent un budget de près de 300 millions de dollars par an. Les programmes de services de conseil de l’IFC s’articulent autour de quatre grands pôles qui proposent tous du conseil et des formations ciblées. Le pôle « Accès au financement » a pour vocation d’aider les ménages et les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) à obtenir des services financiers à des conditions abordables tandis que le pôle « Investissements étrangers » aide les gouvernements à mettre en œuvre des réformes pour encourager l’investissement et favoriser la concurrence et la croissance. 35
Conviction n°7
Evaluer les projets mis en œuvre
Renforcer la boucle d’évaluation et d’audit : la roue tourne pour nous Si aucune obligation en matière de responsabilité et de mesure des résultats n’a été précisée lors de la définition du programme d’assistance technique et si ce programme n’est évalué qu’au travers d’un simple audit de la dépense, alors il y a de fortes chances pour que les projets qui en découlent n’atteignent pas leurs objectifs. Cependant, les gouvernements bénéficiaires manquent d’outils pour évaluer l’impact de l’aide qui leur est proposée, et le manque de ressources fait souvent obstacle aux évaluations d’impacts approfondies d’un programme d’assistance technique. Idéalement, la mesure des résultats devrait être faite à partir d’un mode d’évaluation ex post (cf. page suivante) tenant compte des remontées d’information en temps réel intégrées au moment de la conception et de la mise en œuvre des projets, ce qui générerait une boucle vertueuse de l’audit et de l’évaluation. Selon la revue « Secteur Privé & Développement » éditée par Proparco19, l’utilisation d’indicateurs standards dans ce type de processus permettrait d’additionner les résultats, de mesurer leur impact sur le développement et de voir dans quels secteurs et quelles régions l’aide au développement serait la plus efficace. Le choix des objectifs et l’interprétation des résultats devraient également davantage tenir compte des 19 Site internet de Proparco – Revue Secteur Privé & Développement http://www.proparco.fr/Accueil_PROPARCO/ Publications-Proparco/secteur-prive-et-developpement
facteurs exogènes aux pays aidés et qui peuvent affecter de manière durable ou transitoire les résultats des projets, ceci afin de considérer la performance de l’aide nette avec des pays aux facteurs exogènes moins forts. La considération des facteurs exogènes dans l’évaluation des performances est une autre manière de reconnaître que certains pays sont plus vulnérables que d’autres et qu’il convient alors d’en tenir compte dans la programmation de l’aide au développement. De la même manière, il est plus facile d’évaluer des programmes d’aide quand ils sont issus des mêmes instances gouvernantes, avec les mêmes procédures, les mêmes types de dépenses, les mêmes éléments de comparaison. En effet, deux programmes d’aide sur le même sujet et avec le même montant ne pourront pas être comparés de la même manière si les modalités d’intervention sont différentes. Dans le domaine de la santé, par exemple, les grands acteurs de l’aide publique au développement tentent de répondre à ces problèmes en mettant en place des modèles d’analyse globale des dépenses : c’était l’un des objectifs des Etats nations, au premier rang desquels figurent les Etats Unis et la France, lorsqu’ils ont décidé de coordonner, rationaliser, contrôler et par le même temps rendre plus efficaces les dépenses faites pour lutter contre les 3 pandémies que sont le Sida, la Tuberculose et le Paludisme (Malaria) en créant le Fonds Mondial en 2001.
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Les différents types d’évaluation selon le site europe-en-france.gouv.fr Evaluation (à mi-parcours) Ce type d’évaluation rend compte, au fur et à mesure, des conditions de mise en œuvre, de l’avancement de l’intervention et des résultats acquis. L’évaluation in itinere (ou « chemin faisant, à mi-parcours ») est à considérer comme un enrichissement du système de suivi, démarche qui a une finalité différente du contrôle administratif et financier. Cette évaluation peut être réalisée par un intervenant indépendant sur la base d’un cahier des charges. Evaluation ex-ante Analyse préliminaire à l’adoption d’une intervention du bailleur (fonds structurels européens, par exemple) ceci afin d’en déterminer la pertinence par rapport aux besoins. L’évaluation ex-ante doit contribuer à la clarification des objectifs du programme. Ce type d’évaluation, de la responsabilité des autorités compétentes, peut être effectué par un consultant indépendant ou par l’administration elle-
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même et conduit, après négociation, à la prise de décision. C’est lors de l’évaluation ex-ante que sont traités les indicateurs de situation ou d’environnement qui permettent lors de l’analyse ex-post de vérifier les effets produits par l’intervention. Plus spécifiquement, l’évaluation ex-ante aide à apprécier les aspects clés de l’aide proposée, tels que le raisonnement, la pertinence, la cohérence du programme, et autant que possible l’efficacité et l’efficience potentielles des actions faisant l’objet du soutien extérieur. Evaluation ex-post Evaluation sur un projet, un programme ou une politique de nature macroéconomique réalisée en général après la clôture des opérations et destinée à évaluer l’impact d’un programme en terme de variables statistiques. Elle peut être initiée par l’autorité de gestion avec éventuellement le concours de cabinets de consultants sur la base d’un cahier des charges.
Cinq principes pour une meilleure efficacité de l’aide La déclaration est articulée en cinq principes : l’appropriation par les pays bénéficiaires, l’alignement de l’aide aux objectifs de ces pays, l’harmonisation des bailleurs de fonds, la gestion axée sur les résultats et la responsabilité mutuelle. • Appropriation : les pays bénéficiaires de l’APD exercent une réelle maîtrise sur leurs politiques et stratégies de développement et assurent la coordination de l’action à l’appui du développement. • Alignement : les donateurs font reposer l’ensemble de leur soutien sur les stratégies nationales de développement, les institutions et les procédures des pays bénéficiaires de l’APD. Dans la continuité du principe d’appropriation, l’alignement suggère que les pays bénéficiaires soient les véritables acteurs de leur développement. • Harmonisation : les programmes des donateurs sont mieux harmonisés et plus transparents, et permettent une plus grande efficacité collective. Il
s’agit ici de réduire la complexité des procédures d’octroi et de gestion de l’APD grâce à une convergence à la source. • Gestion axée sur les résultats : gérer les ressources et améliorer le processus de décision en vue d’obtenir des résultats. Cette méthode de contrôle de l’efficacité du processus grâce à l’identification d’un certain nombre d’indicateurs (12 indicateurs figurent dans la Déclaration de Paris) permet d’élaborer des cadres d’évaluation de manière à rendre compte de la progression des stratégies nationales et sectorielles de développement. • Responsabilité mutuelle : les donateurs et les pays bénéficiaires sont responsables des résultats obtenus en matière de développement. Ce dernier principe entend concrétiser un lien réel de partenariat entre les deux acteurs du développement identifiés par la Déclaration de Paris, soit les bailleurs de fonds et les pays bénéficiaires.
Ces cinq principes sont souvent représentés sous la forme d’une pyramide
Source : http://www.afd.fr/home/AFD/developpement-durable/efficacite-aide/ declaration-paris
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Par ailleurs, vingt-deux pays bailleurs de fonds appartenant au Comité d’aide au développement ont adopté en 2005 la Déclaration de Paris (cf. encadré) dans le but de rendre plus efficaces et plus responsables les procédures de distribution de l’aide au développement. Le nouveau système qui utilise 12 indicateurs pour mesurer les succès obtenus engage en principe la responsabilité mutuelle des bailleurs de fonds et des bénéficiaires. A ce jour, 115 pays ont adopté la Déclaration de Paris et l’Agence Française de Développement en fait le principe fondateur de l’efficacité de son aide. Mais de manière générale, les procédures d’évaluation actuelles conduisent bien souvent à la production de rapports « oubliés » ne regardant le projet qu’au travers de ses impacts directs, mais sans présenter toute la chaîne des relations de causes à
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effets. Les instruments actuels de suivi de la politique d’aide publique au développement ont pourtant été développés au cours des dix dernières années, mais ils sont de fait considérés comme insuffisants. Le processus de collecte systématique d’information est encore en construction et il se confronte à des facteurs de complexification croissante des instruments de l’aide publique au développement. Nous sommes donc convaincus que les outils d’évaluation et d’audit doivent continuer de se professionnaliser, qu’ils soient le plus possible liés à l’évaluation amont des besoins et qu’ils ne soient pas systématiquement remis en cause en cours des projets. Ces évaluations sont nécessaires et utiles pour garantir transparence et suivi de la qualité de l’aide publique au développement.
Un cas d’évaluation : les télécoms en Haïti par l’AFD En 2005, la filiale d’investissements non souverains de l’AFD, Proparco, a soutenu par un prêt le lancement d’un nouvel opérateur télécom privé, Digicel. Quatre ans après, l’opération a été un succès, Digicel étant non seulement le leader incontesté mais son arrivée ayant permis le développement du marché. Proparco a voulu réalisé une étude ex-post de ce succès afin de savoir si au-delà du succès commercial, l’opération a eu des impacts directs ou indirects sur le reste de l’économie, voire de la société. L’étude a été confiée à BearingPoint France pour la partie méthodologie et étude socioéconomique, et à l’institut norvégien Fafo qui a mené une étude terrain auprès des acteurs professionnels haïtiens et auprès de la population d’usagers en interviewant plus d’un millier de foyers. L’analyse a donc été à la fois top-down
(état de l’art des recherches mondiales des économistes et des sociologues sur le sujet de l’impact de la téléphonie mobile sur la croissance et le développement socio-économique afin de disposer des grilles d’analyses et des indicateurs les plus pointus) et bottom-up (remontée de l’analyse terrain sur l’usage et l’impact au quotidien tant à titre personnel que professionnel). L’étude a permis de mettre en avant les effets directs sur les télécoms, indirects sur le marché de l’emploi - les investissements venant de l’étranger, les flux financiers, le budget de l’Etat - et sociétaux. Cette étude était une première pour l’AFD dans sa tentative de comprendre de manière scientifique et rigoureuse les impacts complets de ses décisions d’investissement.
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Conclusion : et finalement, catalyser l’aide au développement Le principal enjeu de l’aide publique au développement est de faire travailler ensemble les agences de développement, les administrations bénéficiaires de l’aide et les sociétés prestataires et fournisseurs. Or ce rôle de coordinateur, de facilitateur et in fine de catalyseur, ne peux pas toujours être dévoué à une simple structure d’appui placée auprès d’un ministère de tutelle au sein du gouvernement bénéficiaire. En effet, s’il est du ressort de l’administration bénéficiaire de coordonner l’analyse des besoins de son pays, la mise en place des projets entre chaque administration ainsi que le suivi des passations de marché dans le cas de projets décentralisés, il lui est parfois plus difficile de conseiller les agences de développement, de proposer des alternatives quand des projets mettent du temps à se mettre en place, de définir les termes de références des futurs projets, de garantir un suivi des résultats et des délais pour tous les projets, dont certains nécessitent des compétences indisponibles au sein de l’administration bénéficiaire. Pour répondre à ce besoin, les agences de développement peuvent faire appel à des catalyseurs qui doivent alors être capables de modéliser plusieurs projets tout en fournissant un regard externe et en imposant une pression sur les résultats et les délais. Cette solution a beaucoup d’avantages et permet au catalyseur d’intervenir sur plusieurs fronts : •E ntremetteur-développeur, le catalyseur favorise l’aide au développement en influençant le contexte de l’action des pouvoirs publics et en favorisant
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une meilleure intégration de l’assistance technique dans l’environnement général. Les politiques et réglementations nationales doivent à tous les niveaux rendre l’environnement porteur pour que l’aide au développement soit la plus efficace, or un appui extérieur, neutre et structuré, fournissant une analyse objective et professionnelle de la situation, sans prendre parti pour aucune option, permet aux pouvoirs publics bénéficiaires de prendre le recul nécessaire pour développer leurs orientations stratégiques. • Equilibriste-facilitateur, le catalyseur fonctionne en mode agile et ses interventions représentent un service souple et rapide qui permet de s’adapter aux agendas des différents projets de développement en cours tout en mesurant les résultats et en proposant des actions correctives facilitant ainsi l’intégration de ces projets. • I ntégrateur-visionnaire, le catalyseur apporte de nouvelles idées, un regard extérieur et une expérience permettant de favoriser tous types de benchmarks et d’études afin d’adapter au plus près l’offre de service attendue par rapport à la réalité de l’expertise disponible, sans en attendre trop, mais tout en restant ambitieux. •S upporter-simplificateur et sherpa de l’aide au développement pour le pays dans lequel il intervient, le catalyseur agrège les besoins et leur donne la cohérence d’ensemble qui manque souvent à certaines administrations et qui
permettrait de donner une meilleure visibilité à l’assistance technique proposée, ne serait-ce qu’aux citoyens. •E valuateur-bienveillant, le catalyseur évalue et donne son point de vue, sans dénaturer l’origine des besoins ni ses objectifs : avec recul et méthode, il donne du temps au bénéficiaire et aux bailleurs pour mieux apprécier l’efficacité du projet.
S’il n’est pas possible ni utile dans certains cas de proposer le soutien d’un acteur supplémentaire, notamment dans les pays où l’aide au développement est limitée ou considérée comme suffisamment efficace, il peut être judicieux de voir les choses différemment pour d’autres pays. C’est pour nous la conviction que l’assistance technique reprendra tout son sens quand les intérêts particuliers des trois principaux acteurs de l’aide publique au développement seront respectés, valorisés et utilisés pour le bénéfice de tous.
Figure 4. Comment redonner du sens à l’assistance technique internationale en facilitant l’interaction entre les principaux acteurs
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Enjeux pour les entreprises : • Vecteur de développement international • Meilleure visibilité des enjeux du développement • Meilleure adéquation de la réponse qu’elles peuvent apporter • Adaptation de l’offre à la demande des bénéficiaires • Lisibilité de la demande et cohérence d’ensemble • Economie d’échelle • Maîtrise des risques es • Reconnaissance • Assainissement de la concurrence • Efficacité du service rendu • Transparence Catalyseur • Clarté des processus de gestion de projet
Enjeux pour les bénéficiaires : • Efficacité de l’aide et mode opératoire plus adapté au contexte local • Adaptation du temps politique avec le temps des réformes • Dosage ambition politique/capacité d’absorption • Efficacité de l’aide • Visibilité à moyen terme • Facilité de coordination • Transfert de compétence • Limitation de la dépendance à l’aide • Meilleure compréhension • Moins de redondance
B
ailleurs Enjeux pour les bailleurs : • Baisse des coûts de gestion • Garantie de résultat • Spécialisation de l’aide technique • Respect des engagements • Monitoring & reporting des projets • Elargissement du champ de l’expertise • Respect des contraintes bailleurs procédurales • Réduction des efforts administratifs • Facilité de coordination • Transparence • Simplification des procédures • Atteinte des OMD Source : BearingPoint, 2013
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Bibliographie • Aguilar R. et Goldstein A. (2009), « The Chinisation of Africa: The Case of Angola » (The World Economy) • Autier E. (2012), « Et en 6 heures s’obtint l’énergie annuelle de l’humanité, Sept recommandations sur Désertec », (BearingPoint) • Brautigam D. et Tang X. (2011), African Shenzhen: China’s special economic zones in Africa, (Journal of Modern African Studies) • Severino J.-M. et Ray O. (2010), « La fin de l’aide publique au développement : mort et renaissance d’une politique publique globale » (Fondation pour les Etudes et Recherches sur le développement International) • Huet J.-M. et De Pompignan D. « Les pionniers de la nouvelle gestion publique, Expansion Management Review », p.115-123, juin 2013, (BearingPoint) • Observatoire du développement international - n°3, paru fin 2012 (BearingPoint – Sciences-Po)
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A propos de BearingPoint Les consultants de BearingPoint savent que l’environnement économique change en permanence, et que la complexité qui en découle nécessite des solutions audacieuses et agiles. Nos clients du secteur privé comme public obtiennent des résultats concrets lorsqu’ils travaillent avec nous. Nous conjuguons compétences sectorielles et opérationnelles avec notre expertise technologique et nos solutions propriétaires, pour adapter nos services aux enjeux spécifiques de chaque client. Cette approche sur mesure est au cœur de notre culture, et nous a permis de construire des relations de confiance avec les plus grandes organisations publiques et privées. Nos 3350 collaborateurs accompagnent nos clients dans plus de 70 pays, avec notre réseau international de partenaires, et s’engagent à leurs côtés pour des résultats mesurables et un succès durable. L’équipe Emerging Markets de BearingPoint apporte son assistance aux Directions Internationales et Business Development des grandes entreprises européennes, à leurs filiales, aux entreprises des pays émergents ainsi qu’aux gouvernements. Pour de plus amples informations : www.bearingpoint.com : @BearingPoint_FR
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Contacts
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Jean-Michel Huet Directeur Associé +336 21 72 78 44 jean-michel.huet@bearingpoint.com
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Afrique Centrale Eric Ruble +241 052 64 046 ce-eric.ruble@bearingpoint.com
Pays-Bas Marc Bartels +31 20 504 9000 marc.bartels@bearingpoint.com
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Royaume-Uni Angus Ward +44 20 7939 6298 angus.ward@bearingpoint.com
Chine Yvon Donval +86 185 1611 0608 yvon.donval@bearingpoint.com
Russie Natalia Krasnoperova +7 495 78 40 731 natalia.krasnoperova@bearingpoint.com
Emirats Arabes Unis Riku Santala +358 405 322 135 riku.santala@bearingpoint.com
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