le bovarysme Emma vit et meurt à Yonville, en Normandie, mais Flaubert sent que sa « pauvre Bovary, sans doute, souffre et pleure dans vingt villages de France ». Il a créé un type, un personnage qui sort du roman, bientôt un mythe littéraire. Le philosophe Jules de Gaultier, dans deux essais parus en 1892 et en 1902, donne à l’« insaisissable malaise » d’Emma une extension universelle sous le nom de bovarysme, défini comme « le pouvoir départi à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est ». Le mot désignera dans la psychologie la névrose dont souffrent les femmes insatisfaites, mais Gaultier élargit la notion à l’espèce humaine tout entière (les hommes aussi bovarysent). Le bovarysme n’est pas seulement une maladie de l’âme : c’est le pouvoir positif que donne l’imagination.