Granada 1 2013, 100 x100, acrylique sur toile
Dans les années 2010, l’artiste revient au format carré, peu présent dans l’histoire de l’art. En 2013 elle entreprend de nouvelles recherches autour de cette figure géométrique, dite « parfaite », quatre angles droits, quatre côtés égaux. Evocatrice du domaine terrestre, de la matière, de la beauté symétrique, de l’unité. Apparaissent alors sur les toiles, ces compositions où des carrés s’encastrent les uns dans les autres ou encore s’insèrent dans des obliques. Les rouges, les jaunes, les bleus saturés se déclinent en nuances subtiles, Granada 1, en est une parfaite illustration et fait partie d’une série où l’artiste s’approprie le motif, le déploie en différentes nuances de couleurs primaires dégradées, parfois le fait pivoter (carré pivoté, bleu, 2016). Mitsouko Mori a puisé son inspiration lors d’un voyage en Espagne. Elle y découvre « les azulejos », carreaux de céramique ornementaux du13ème -14ème typiques de l’Andalousie, présents à l’Alhambra de Grenade. Leurs motifs décoratifs arabes, entrelacs géométriques, interpellent l’artiste et vont l’encourager dans la poursuite de ses recherches formelles du moment. Ainsi elle nous fait prendre conscience que le motif abstrait et donc la notion d’abstraction sont bien antérieurs aux courants artistiques du 20ème siècle ! La couche picturale y est toujours traitée en aplat. Ici se dégage une impression d’ensemble quasi monochrome de couleur Jaune, bien que s’y ajoute le blanc, comme en arrière- plan.
Pourtant, à la manière des estampes Japonaises, de plan il n’y a pas. Aucune perspective, la profondeur n’est qu’une illusion optique, issue de la complicité entre la composition géométrique, la perception et le cerveau du regardant. Aucun effet dans le traitement, pas de jeu de matérialité avec le médium ou l’outil. Simplicité, rigueur et sobriété sont de mise. Rien ne vient perturber de manière anecdotique la mission de l’œuvre … être regardée pour ce qu’elle est (cf : Madi). Granada 1, nous éblouie, nous aveugle presque, tant sa luminosité est vive. Impression qui sera reconnu sans mal, de tous ceux qui se sont chauffés au soleil de cette région de l’Espagne, au pied de la Sierra Nevada, là où l’astre solaire blanchit tout sur son passage. La planéité de l’œuvre se joue de nous, opère comme un trompe l’œil. L’économie de moyens pour ce faire est « bluffante ». Ces compositions semblent se projeter vers l’avant ou se retirer vers l’arrière, nous attirer en son centre, nous happer nous repousser, sorte de travelling optique, ce mouvement de va et vient mime comme une subtile respiration, subtile aspiration vers l’inconnu, le vide, le plein … Œuvre miroir, mais que se cache-t-il derrière le miroir ? Isabelle Aubert, 2021.