Marquet en Normandie

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en Normandie

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Préface

Ovitatatem voluptur as estis nimin cor audi omni aut volorpo ribus, optatat erum iditis eum, omnias eium fuga. Inus repel modiorem quo ipienimi, int quiam a iur, eaquiae dolorro volorumet quo comnimpore non et ut inum etum rehenet quatquas soluptatini derit, consequiae plabore incimus aut et quatem fugiaepe por sit fugiatu rionese ditatem. Tur sus ius doloremodia autet, sunti bla corectet repe doluptam nonsequ atinus eat lam id et fugit recum sam fuga. Nam iust lit odi od mi, officimagni quidero velluptat faccuptati atur, occulpa rciamus. Imusam volum fugiandus. Equam volupta cum in esectasped ma derit aut pror remque prati berspienis experspel illisqu isciis explabo. Bearchil imo te volenie ndandit atiaess itatiam et eosam eum inihit, nonsero dus sin ni cus quatem quae est, sero omnis autem. Lis issinciamet labori delignate dolore quas quibus, quid modit et volo earum lant que porio dem eos maximil lendero iderum quat inciet dolorenda de etum et, officid magnihicab inihil mint eos aute pariosa cor sum quid ut renieni sit voluptatenis intion cum ra perro imi, omnim qui aut quatiur autem et mo eum ipsae volora volorer natende mquatem poreribusdae pre, officia asint et re nisi nihicatur?

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Remerciement

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Sommaire

Marquet au MuMa, comme une évidence Annette Haudiquet 17

Carnets de voyage. Marquet en Normandie Sophie Krebs 39 xxxxx Itzhak Goldberg 60

Carnets de voyages Michaël Debris

1903 La Percaillerie 69

1906 Le Havre-Trouville 85

1906 Fécamp 114

1911 Honfleur 133

1912 Vieux Port, Canteleu, La Mailleraye 163

1927 Rouen 147

1934 Le Havre 181

1937 Dieppe 197

Merci monsieur Marquet Bernard Plossu 204

Liste des oeuvres d’Albert Marquet dans les collections du MuMa 216 Bibliographie 224

Dernières expositions d’Albert Marquet 225 Chronologie 226

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Marquet au MuMa, comme une évidence

Dans la lignée des expositions consacrées aux peintres particulièrement bien représentés dans ses collections ou à ceux qui ont entretenu un lien particulier avec Le Havre et la côte normande, le MuMa propose cet été de rendre hommage à Albert Marquet. Cet artiste, discret et élégant, encore trop méconnu du grand public est en effet de ceux qui sont venus et revenus sur ce territoire, pour y peindre et qui y ont rencontré un accueil particulièrement attentif et heureux. Enfin, presque… puisque Marquet eut aussi à se confronter à l’hostilité du directeur du musée du Havre, qui s’opposa en 1906 au dépôt par l’Etat d’une œuvre fauve que celui-ci venait d’acquérir (Port de Fécamp, cat X) et que l’artiste souhaitait voir attribuer au musée havrais. Cet incident, qui vaut aujourd’hui au musée de Quimper le plaisir d’exposer cette toile, témoigne des débats vifs qui accompagnèrent l’émergence des avant-gardes en peinture au début du XXe siècle. Mais si Alphonse Lamotte, peintre lui-même et partisan d’une ligne académique, fit preuve d’une implacable animosité, Marquet eut aussi au Havre, d’influents admirateurs.

Il fut en effet particulièrement apprécié des grands amateurs d’art havrais des premières années du XXe siècle et si le MuMa conserve aujourd’hui une aussi belle collection comprenant pas moins de quatorze toiles, vingt-trois dessins et une estampe, c’est grâce à eux, puisque sur ces trente-huit pièces, seules deux ont été acquises, les autres, données ou léguées par ceux (ou leur famille) qui avaient choisi de vivre avec elles.

Le négociant en coton, Charles-Auguste Marande, ouvre la marche en léguant en 1936 trois toiles fauves et un dessin. Mais c’est la collection d’un autre négociant, Olivier Senn, donnée en 2004 par sa petite-fille, Hélène SennFoulds, et complétée en 2015 par son petit-fils par alliance, Pierre-Maurice Mathey, qui vient donner toute son am-

pleur à ce premier socle avec huit peintures et vingt-deux dessins. Cet amateur posséda jusqu’à quinze toiles de l’artiste et quantité de dessins. C’est dire la sincérité de son engagement auprès du peintre, et son goût pour son œuvre, que l’on retrouve chez d’autres grands collectionneurs havrais tels que Georges Dussueil ou Peter van der Velde

La générosité qui s’attache au nom de Marquet ne démentit pas, puisqu’encore récemment, on doit à la famille de Jules Siegfried, le don d’une magnifique toile de 1919, Remorqueur, la Seine à Herblay, et à un couple de donateurs la promesse de voir une Cathédrale Notre-Dame de Paris sous la neige (1916) entrer à terme dans les collections du MuMa.

Exposer Marquet au Havre, c’est donc d’abord une invitation à prolonger, amplifier, interroger le plaisir de la visite des collections du musée par la présentation de plus nombreuses œuvres qui déroulent un fil conducteur, racontent une histoire. Mises en perspective, non seulement entre elles, mais avec celles d’autres artistes, compagnons en peinture et amis dans la vie, elles se dévoilent mieux, révèlent des affinités comme des singularités. Une première évidence s’impose : Marquet en Normandie inscrit ses pas dans ceux d’artistes qui l’ont précédé. Rien d’étonnant à cela. Depuis la période romantique, cette région ne cesse d’attirer et la proximité de Paris, facilitée au mitan du XIXe siècle par la création des lignes ferroviaires, favorise les déplacements vers les villes et la côte. C’est d’abord discrètement que cet héritage se manifeste, dans le Cotentin, où rejoignant Henri Manguin à l’été 1903, Marquet peint ses premiers paysages auxquels se rattache le souvenir de Jean-François Millet . Installé dans la petite commune des Pieux, au lieu-dit La Percaillerie, sur la

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côte ouest de la péninsule, à moins de trente kilomètres du hameau natal du futur peintre de Barbizon, Marquet arpente ce territoire à la beauté sauvage entre terre et océan, le long des sentiers côtiers, ou s’avançant plus profondément dans la lande. Son regard se porte alors vers ces paysages vides, sans motif, dont il retient, comme son aîné, l’austère composition (fig Millet).

Trois ans plus tard, changement radical de décor. C’est au Havre qu’il vient, en 1906, pour exposer (à la première manifestation du cercle de l’art moderne ) et pour rejoindre son ami Raoul Dufy. Une photographie, éditée en carte postale, le montre assis sur la plage de galets, devant son chevalet, une toile en cours d’exécution. On le devine, son regard se porte plus loin vers l’estacade du casino Marie-Christine, charpente de bois qui s’avance vers la mer, servant tout aussi bien de plongeoir aux baigneurs que de point de vue pour les promeneurs. Il en a déjà esquissé les traits robustes qui forment avec l’estran un étrange angle aigu. Autour de lui des enfants, curieux, l’observent. La carte postale porte ce titre : « Sur la plage. L’Impressionniste » … En 1906, cette indication ne manque pas de saveur, mais elle rappelle que la scène balnéaire appartient au registre, non pas inventé par les impressionnistes (elle l’est un peu plus tôt), mais par contre suffisamment peint par eux, pour qu’en ces premières années du XXe siècle, elle leur soit associée.

Quoi qu’il en soit, à la différence de Raoul Dufy qui en fera un sujet de prédilection, Marquet s’en détourne presque immédiatement, non sans avoir donné une œuvre exceptionnelle dans sa carrière, où, à l’instar de son ami (fig X : la fig 71 du cat Dufy), il affronte de face le soleil dans sa toute-puissance lumineuse. Bien que venu au Havre cet été-là à la recherche de paysages et de motifs nouveaux, désireux d’une proximité artistique avec Dufy, c’est plutôt dans le centre de la ville les sujets qu’il trouve ses sujets : les quais du port ou des bassins intérieurs, les rues étroites du vieux quartier. La proximité du motif sur la plage, ou pour oser la promiscuité avec celui-ci, ne semble pas lui convenir. Comme à son habitude déjà, il aime les positions en surplomb lui permettant d’embrasser largement du regard une scène.

Une seconde photographie prise par George Besson et représentant Raoul Dufy et Albert Marquet posant devant leur toile « Le 14 Juillet au Havre » sur la terrasse du café du Nord (fig X) illustre à merveille leur complicité dans le choix du point de vue – l’étroite terrasse au premier étage de ce café de la rue des Drapiers, l’un des axes les plus

exigus du quartier – dans celui des motifs – la rue pavoisée de drapeaux en ces jours de célébration de la fête nationale, ainsi que dans la manière de peindre (on reconnaît aisément les toiles saisies pratiquement dans le moment de leur exécution). Si l’emplacement de « l’atelier de campagne » de cette série de Rues pavoisées est dévoilé grâce au cliché de Besson, un autre sera choisi pour sa position pivot entre le bassin du Commerce et le bassin du Roy, permettant une plus grande diversité de motifs. C’est de sa chambre de l’hôtel du Ruban bleu, 19 place de l’Arsenal, que Marquet peindra ses vues cavalières des quais et ponts des bassins parés des couleurs nationales, encombrés des baraques foraines installées pour l’occasion. Il n’est pas impossible que d’autres ateliers de fortune aient été ponctuellement occupés, au bord du bassin Notre-Dame, pour diversifier encore les points de vue. L’importance de ce séjour de 1906 au Havre pour les deux amis qui poussent ici ensemble leurs recherches dans le domaine de la couleur notamment, a conduit le MuMa à acquérir en 2019, la toile intitulée Le Havre, le bassin. Cette acquisition, rendue possible grâce à l’aide exceptionnelle du Fonds du Patrimoine, du FRAM Normandie et du mécénat privé , est la seconde seulement faite par la Ville du Havre, après celle de 1935 d’une autre vue du port du Havre (cat.x). Sa présentation aux côtés des deux toiles de Pissarro peintes sur le Grand Quai en 1903 (cat.X XX), des deux premières œuvres exposées respectivement au Salon des artistes français en 1901 par Dufy (Fin de journée au Havre) et en 1903 par Othon Friesz (Le Vieux Bassin du havre, le soir) et représentant d’autres scènes des quais du port du Havre, et enfin du Bateau pavoisé de Dufy (vers 1904-1905) (fig.), résume la radicalité et de la rapidité des changements intervenus en peinture dans les toutes premières années du XXe siècle. La proximité temporelle – trois ans- des séjours de Pissarro et de Marquet au Havre nous autorise à interroger la nature de la filiation entre le vieux peintre impressionniste et l’artiste passé par l’épreuve de la couleur, et ce d’autant plus que Rouen a vu également les deux hommes travailler dans les mêmes lieux.

En 1912, Marquet séjourne à Rouen et s’installe dans l’hôtel où Pissarro lui-même avait pris ses quartiers lors de son deuxième séjour dans le port normand, au début de l’année 1896. Des fenêtres de leur chambre du Grand Hôtel de Paris, sur le quai éponyme, rive droite, les deux peintres peuvent embrasser la vue bordée par les ponts Boieldieu et Corneille, les quais et la Seine, débordant d’activité.

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En 1934, Marquet revient au Havre et choisit de demeurer à l’hôtel Continental où Pissarro avait passé tout l’été 1903 à peindre l’avant-port depuis les trois fenêtres de sa chambre.

Ces choix tiennent-ils chez Marquet du hasard ou d’un intérêt partagé pour un même point de vue sur un paysage portuaire particulièrement inspirant ? et quelle « leçon » en tire-t-il ? Il n’est pas inutile de rappeler qu’au Havre en tous les cas, deux toiles de la série havraise de Pissarro sont exposées au musée, depuis leur acquisition (contre l’avis du même Alphonse Lamotte, directeur de l’établissement) en 1903. Marquet a donc pu les voir, en 1906 comme en 1934, le musée étant situé à quelques pas de l’hôtel Continental. Pour autant, s’il retient de son ainé des cadrages similaires, en plongée, vers le sud ou vers l’est, il s’en distingue radicalement par sa manière d’évoquer la vie de ces quais. Là où Pissarro, observateur critique du monde contemporain, extraordinaire peintre de la foule, excelle à rendre les flux, les tensions qui l’animent, mais aussi l’activité économique qui produit, transporte, échange, transforme…, là donc où Pissarro saisit un monde en mouvement, à l’unisson du temps qu’il fait, changeant comme encore le rythme des marées, Marquet au contraire s’affirme comme un peintre de l’ellipse. Quelques silhouettes noires disent à sa manière la foule. La rumeur incessante ou le vacarme du port qui monte jusqu’à la chambre-atelier semble avec lui s’éteindre, les toiles deviennent silencieuses. Le monde, pourtant tout de tension, s’apaise, comme au ralenti. Cette épure du paysage urbain ou portuaire, soutenue par la présence de l’eau – mer, bassins, fleuve- est portée par une sensibilité à fleur de peau aux météores.

Et c’est sans doute à cet endroit que l’exposition au MuMa promet un plaisir rare, car où mieux que dans cet espace généreux, baigné de la lumière océane, l’art subtil de Marquet peut-il être mieux compris ? ici, le paysage s’invite à chaque instant dans les salles de ce musée tout de verre. La transparence autorise une mobilité du regard du dedans vers le dehors, qui vient se nourrir du spectacle sans cesse renouvelé de la nature et conduit d’instinct vers l’œuvre qui le sublime.

À la suite de l’exposition « Le Vent. «Cela qui ne peut être peint» », on comprendra que Marquet est bien un artiste « météorologique ». Car plus qu’un autre peut-être, il sait dire la brume perlée des bords de la Seine, le gris sans espoir de lumière mais si calme, le silence apaisé (même quand la fête bat son plein, ou que sur la plage se mêlent

les cris des enfants et le bruit du ressac des vagues), le soleil radiant vu de face, la douceur de l’air, les ombres violettes des jours d’été, la transparence turquoise de l’eau, ou le vent du large et celui qu’attendent les drapeaux…

À la suite de Courbet, Millet, Whistler, Boudin, Jongkind, Monet, Degas, Sickert, Pissarro, Signac, Vallotton, Bonnard, Vuillard et d’autres encore, aux côtés de Dufy, Marquet prend toute sa place dans cette famille d’artistes qui ont fait de cette région le terrain de nouvelles expérimentations esthétiques, ou plus modestement y ont creusé leur sillon, créant des œuvres qui aujourd’hui encore nous semblent essentielles pour nous avoir appris à pressentir, voir, ou regarder.

Qu’à leur suite marchent d’autres artistes nous réjouit. C’est pourquoi, nous avons invité le photographe Bernard Plossu à parler de l’œuvre de Marquet, qu’il place dans son panthéon personnel à l’égal de Corot. Lui aussi, est venu au Havre, à Rouen, Honfleur…Il a arpenté les chemins des douaniers du Cotentin. Mais au-delà d’une sympathie identique pour les lieux, qu’est-ce qu’un photographe du XXIe siècle peut puiser dans la peinture de Marquet, de ses presque monochromes gris ou de ses flamboyances maitrisées ? Sans doute quelque chose d’essentiel puisqu’il affirme : «Quand je regarde un tableau comme Le Havre, les quais de 1934, avec les petits personnages, le tramway, le ciel gris, je sais pourquoi j’aime la photographie ! »

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Jean-François Millet, Le Rocher de Castel Vendon, vers 1844, huile à l’huile sur papier marouflé sur toile, Cherbourg-en-Cotentin, musée Thomas Henry.

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Albert Marquet, La Route de la Percaillerie, 1903, huile sur toile, 44,5 x 53,5 cm, Honfleur, musée Eugène Boudin, inv. 956.6.1

Le Havre. Sur la plage.L'impressionniste, 1906, carte postale Léon & Levy, Paris, 8,5 x 14 cm, Le Havre, Bibliothèque municipale

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Raoul Dufy, La Plage de Sainte-Adresse, vers 1905, huile sur toile, 60 x 73 cm, coll. part.

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Albert Marquet, L’Estacade à Sainte-Adresse, 1906, huile sur toile, 37.8 × 60.7 cm, Houston, Museum of Fine Arts, Collection John A. and Audrey Jones Beck, don Audrey Jones Beck, inv. 98.291
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Albert Marquet, L’Estacade (détail), 1906, huile sur toile, 50 x 61 cm, coll. part. Raoul Dufy, L’Estacade au Havre, 1906, huile sur toile, 46 x 54,5 cm, coll. part.
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Raoul Dufy, 14 Juillet au Havre, 1906, huile sur toile, 65 x 54 cm, coll. part. Albert Marquet, Le 14 Juillet au Havre, 1906, Huile sur toile, 81 x 65 cm, Bagnols-sur-Cèze, musée Albert-André, dépôt du Centre Pompidou, MNAM/CCI, Paris, donation de Adèle et Georges Besson, 1963 George Besson, Raoul Dufy et Albert Marquet posant devant leur toile «Le 14 Juillet au Havre» sur la terrasse du Café du Nord,au Havre, 1906, Photographie noir et blanc, 12,6 x 17,7 cm, Besançon, bibliothèque municipale, fonds Besson, Ms Z 640-357

Camille Pissarro, L’Anse des Pilotes et le brise-lames est, Le Havre,après-midi,temps ensoleillé, 1903, huile sur toile, 54,5 x 65,3 cm, Le Havre, MuMa, Inv. A494

Camille Pissarro, L’Anse des Pilotes, Le Havre, matin, soleil, marée montante, 1903, huile sur toile, 54,5 x 65 cm, Le Havre, MuMa, Inv. A495

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Albert Marquet, Le Quai du Havre (détail), 1934, huile sur toile, 65 x 81 cm, Liège, Musée des Beaux-Arts/La Boverie, inv. AM395

Pissarro, Le Pont Boieldieu à Rouen, 1896, huile sur toile, 54 x 65 cm, Rouen, Musée des Beaux-Arts. Dépôt Musée d’Orsay, Inv. D 2000.1.1

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Albert Marquet, Rouen, Quai de Paris, 1912, huile sur toile, 65,3 x 81 cm, Lyon, Musée des Beaux-Arts, inv. B1019

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Carnets de voyage Marquet en Normandie

Sophie Krebs

Marquet n’est pas normand. Il est né à Bordeaux dont il affectionne depuis l’enfance le port fluvial. Puis, il vient jeune homme à Paris avec sa mère pour poursuivre ses études et reste fasciné par la Seine. L’eau est un élément structurant de sa personnalité artistique. Et la Normandie à quelques encablures de son port d’attache Paris, déploie un littoral sur plus de 600 km passant de la côte d’albâtre à la côte de nacre puis au promontoire du Cotentin sans oublier la Seine, son fleuve chéri. Il passera ponctuellement par tous ces territoires maritimes dans le premier quart du XXe siècle. Pourtant, il lui faudra aussi la camaraderie des peintres en particulier fauves ou de critiques amis pour franchir le pas et l’inciter à séjourner en Normandie. Là, à l’affût du motif, il observe et synthétise. « Il ne corrigea pas le paysage, ne le composa pas : il en saisit la synthèse » comme le dit Emil Scittya . L’eau qui n’est jamais une étendue uniforme mais toujours agitée par un clapotis ou par la houle domine ses compositions. Et avec elle, le port, la plage, la ville et les humains qui les peuplent. Marquet effectue plusieurs séjours : le premier passé inaperçu en 1903 en compagnie de la famille Manguin à la Percaillerie à côté de Flamanville, le second en 1906 avec Raoul Dufy au Havre d’où ils partent sillonner la côte de Dieppe, Fécamp, Le Havre, Honfleur jusqu’à Trouville. La troisième fois, il revient à Honfleur en 1911 aux côtés de Vallotton puis un quatrième séjour à Rouen l’année suivante avec Matisse qui vient le chercher pour partir vers le sud. Après un long intermède dû à la guerre, il revient à Vieux-Port, puis Canteleu près de Rouen en 1927 sur la suggestion de Signac et pousse jusqu’à Honfleur et enfin la sixième et dernière fois à nouveau au Havre et brièvement à Dieppe en 1934. Dès le début des années 20, le peintre séjourne à la belle saison à Paris et passe l’hiver à Alger.

Il préfère faire de longs voyages à l’étranger délaissant les rivages de l’atlantique, les séjours normands se font donc alors plus rares.

Ceux-ci nous apprennent beaucoup sur la variation des motifs, sur les points de vue choisis, sur sa gamme chromatique utilisée pour peindre par exemple une mer changeante, sur son sens de la simplification, sur les prémisses des séries mais aussi sur son goût pour le monde portuaire, l’animation humaine, l’esthétique industrielle, le mouvement des bateaux et ce n’est pas un hasard s’il deviendra, à la fin de sa vie, officiellement « peintre de la Marine ». Résolument moderne et fasciné par la vie maritime, il perpétue la tradition de peintre de port en montrant le monde tel qu’il le voit et tel qu’il l’aime.

Premier contact Marquet est encore un peintre inconnu. Il commence depuis peu à exposer : en 1900, la première fois puis au salon des indépendants en 1901. Il a quitté l’école des Beaux-arts et reste lié à quelques camarades comme Henri Matisse, Charles Camoin et Henri Manguin dont il fréquente l’atelier dès 1901. Période de travail et de dèche, il passe l’été avec la famille Manguin à la Percaillerie et semble-t-il à Falaise en 1903. Il faut dire qu’un nouveau salon ouvre en 1903, le salon d’Automne, que soutiennent les Fauves et dont ils suivent avec attention toutes les péripéties et auquel ils participeront tous. Manguin, marié et père de deux jeunes enfants, passe des vacances d’été à la Percaillerie découvert auparavant et entraîne son ami avec lui. De son amitié avec ce dernier, on retiendra quelques séjours estivaux à Saint Tropez en 1905, à Naples et en Italie en 1908. Il faut imaginer des

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jeunes peintres pleins d’ambition qui cherchent à montrer et vendre leurs œuvres. Ils travaillent, rêvent et exposent ensemble.

C’est une nature sauvage et âpre que les deux peintres découvrent. Cela n’a rien à voir avec l’harmonie du Sud que les deux peintres arpenteront l’année suivante. Les deux peintres ont une sensibilité différente au paysage. Manguin encore sous l’influence de la tradition de la peinture claire sans pour autant retourner à l’impressionnisme montre un point de vue bien construit où sourd la couleur. Marquet reprend cette falaise aux rochers très découpés avec une composition identique mais gauchissant les détails et dont les coloris sont plus austères dans un chromatisme plus dur. D’ailleurs, Manguin s’éloigne définitivement de la France septentrionale pour se réfugier dans le Sud où les contrastes sont plus marqués, les couleurs plus violentes et les paysages élégiaques plus à même d’être le cadre de ses scènes familiales intemporelle. Marquet, quant à lui, n’aimera pas trop le Sud et ne s’intéresse pas exclusivement à la couleur reviendra souvent sur la côte atlantique, se passionnant pour les ports.

Marquet Les rochers

D’avant 1904, nous ne connaissons pas de paysage en dehors de ceux de Paris et Arcueil. Ses moyens sont modestes et il n’est pas question de voyager. C’est donc son premier séjour en dehors de la capitale depuis longtemps. On connait une dizaine œuvres peintes à La Percaillerie et aux Pieux. Il s’intéresse aux falaises de l’anse de Sciotot qui lui permettent de composer à l’aide d’une grande diagonale qui sépare la terre du ciel et de la mer. Il utilise une gamme chromatique ocre parcourue de traces vertes qui traduit un paysage lunaire, ces dunes suspendues qu’avait déjà peintes, à son époque, Jean-François Millet.

*

3 toits

La barrière

Mais cette nature sans âme ne le satisfait pas : il y cherche les traces d’une activité humaine. Un toit, une barrière, une cheminée d’usine. Les paysages presque vierges sont assez rares chez lui. On peut les rapprocher de ceux peints l’année suivante en 1905 à Agay en compagnie des peintres Manguin, Valtat, Cross et Camoin, autre camarade fauve. Même si la luxuriance de la nature apparaît à travers les palmes de la végétation, prélude aux paysages d’Algérie, sa gamme chromatique, respectueuse du ton local, reste en de ça des exagérations d’un Dufy ou d’un Matisse.

La même année, il accepte d’illustrer le Bubu de Montparnasse de Charles Louis Philippe : la verve de son pinceau, l’humour de ses personnages à la limite de la caricature rappelle qu’il a un sens inné de l’observation de la rue. Ses préoccupations sont différentes en pleine bataille du fauvisme. Il s’éloigne de Matisse, plus radical et qui s’est rapproché de Derain et de Signac qui utilisent le divisionnisme alors que cette méthode qu’il a un peu utilisée pour quelques nus n’est pas poursuivie. Il va prendre un autre chemin, celui de la synthèse, suivant de près les audaces de son camarade Matisse sans adhérer à ses outrances colorées et formelles.

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Le Port

En 1906, il accepte d’accompagner au Havre Raoul Dufy , Havrais comme Othon Friesz et Georges Braque et faisant partie de cette petite bande qui accompagne Matisse et qui prendront le nom de Fauves. Dufy, en bon camarade, le guide dans la Normandie qu’il affectionne. Une autre raison pousse Marquet à se rendre au Havre, la tenue de l’exposition annuelle du cercle de l’art moderne qui lui offre la possibilité de montrer ses tableaux et de vendre à de nouveaux collectionneurs . Et Marquet réussit presque mieux que tous les autres. Marcelle Marquet, épouse, écrivaine et biographe de Marquet rapporte quelques anecdotes : « Je ne sais pas pourquoi, en 1906, Marquet partit au Havre, passer une partie de l’été. Céda-t-il à une proposition de Dufy, Normand tenté de retrouver les souvenirs et l’atmosphère de sa jeunesse ? […] Dufy et Marquet travaillèrent côte à côte au Havre, quelques fois à un mètre l’un de l’autre, sur une étroite terrasse qui dominait une rue que, pour leur enchantement, le quatorze juillet peuplait de drapeaux. Ils allaient peindre aussi à Sainte Adresse, et pour gagner du temps, à bicyclette ».

Villa Flora Winthertur

Cette virée entre peintres amoureux du paysage, de la fête et des couleurs reste un des moments forts dans la carrière des deux artistes. Leur émulation les conduit à peindre le port du Havre en fête, la plage au Havre et à Sainte Adresse, avec sa célèbre estacade mais aussi les affiches à Trouville, la falaise de Fécamp , autant de motifs restés attachés à sa brève période « fauve ». Jamais Marquet n’a été aussi audacieux. Mais c’est bien au Havre qu’il construit en grande partie sa vision du paysage, du port en particulier avec ses quais et ses docks qu’il poursuivra toute sa vie. Plus raides que les compositions plus colorées et virevoltantes de Dufy, ses peintures sont parfaitement cadrées et synthétiques. La couleur joue un rôle structurant notamment avec le noir qui est à la fois cerne et couleur. Ce port d’où commence son expérimentation artistique, lui apporte autre chose que la contemplation, à l’instar des vues de Claude Gellée ou de Joseph Vernet , les inventeurs des vues de port. Point de vision grandiose ni de reportage sur la marine ou l’architecture portuaire, Marquet essaie de rendre compte de la vie, une vie populaire, prolongement de la rue. Marquet est fasciné par le spectacle du chargement ou du déchargement de tonneaux et autres marchandises, de la valse des grues, du va et vient des charrettes à cheval, des baraquements précaires qui servent alors de docks, du fourmillement des dockers sur les quais, des mâts se reflétant dans l’eau, des coques ovales des bateaux accolés les uns aux autres, de l’alignement des immeubles disparates peintes comme des silhouettes et bien sûr de l’eau. Tout ceci donne à l’artiste les motifs à sa peinture emprunte d’une certaine naïveté. Ce synthétisme, cette simplification à outrance confère à ses tableaux un caractère apparemment un peu enfantin.

Joseph Vernet L’Entrée du port de Marseille, Louvre

Il préfère un port plus ou moins industriel et populaire. La grue, merveille d’architecture métallique, est l’équivalent du lampadaire pour la rue et joue le rôle du clocher d’église à la fois repère et mire. Marquet se veut moderne au sens baudelairien. Il aime cette vitalité du monde portuaire. Il la saisit grâce à son coup de pinceau elliptique et rapide. Il y trouve une certaine beauté. Il n’est pas le premier à s’intéresser au monde industriel. Il est ami avec Maximilien Luce et de Félix Vallotton et proche de ce milieu symboliste et anarchiste de la Revue blanche. Il ne s’agit pas d’un engagement militant qui insiste lourdement sur la cheminée d’usine fumante ou l’ouvrier torse nu accomplissant des taches pénibles comme le fit Luce. Cela n’intéresse pas l’œil de Marquet. Il contemple tout d’assez loin et en surplomb , ne sélectionnant que quelques détails, et surtout il peint les bassins qui sont de merveilleux miroirs d’eau où se reflètent les façades de maisons, les mâts des bateaux et tout ce qui peut transformer la stabilité en instabilité et brouille l’orthogonalité par un ensemble de lassis et de taches de couleurs.

Dans cette grisaille qu’il affectionne, il peint d’autres ports industriels auxquels il agrège le va et vient incessant des bateaux crachant les fumées blanches ou grises : Hambourg, Rotterdam, Boulogne, Rouen, Marseille, Alger qui possèdent presque tous les mêmes caractéristiques : le quai et les docks, les bateaux - on a bien surnommé Marquet, « le peintre de remorqueurs » , la ville, mirage ou silhouette dans une brume qui dissout toutes les architectures.

Maximilien Luce, Les Batteurs de pieux, 1901-1905, Paris, musée d’Orsay Fêtes et rues pavoisées

Dans ce premier séjour havrais, Marquet, comme Dufy qui fera des rassemblements festifs comme les régates, les fêtes nautiques, les champs de course et les défilés et fanfares militaires une de ces spécialités, reprend à son compte le désir de transcrire la liesse et la fête populaire. Les flonflons des fêtes et la gaieté estivale du Havre invitent à la débauche de couleur et de formes. Il y a une fusion entre le minéral de la ville, l’eau du port toujours instable et l’agitation quasi animale des petites fourmis humaines, peintes en noir comme des virgules avec un pinceau souple.

A l’instar de Monet, Marquet et Dufy peignent des rues pavoisées mais différemment : Dufy en peint plusieurs et cherche, tout en bouchant la perspective, par transparence et l’opacité des drapeaux bleu blanc rouge, à décrire un coin de rue où les badauds pantalons blancs et canotiers

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Claude Gellée dit le Lorrain, Port de mer, Paris, Musée du Louvre
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sur la tête, viennent contrarier les rectangles des pavois et des immeubles. Marquet quant à lui, plus respectueux de la réalité, dessine une grande diagonale qui sépare en deux la rue : d’un côté, les façades sombres, à l’ombre, rehaussées des drapeaux bleu blanc rouge et de lampions rouges, de l’autre, le ciel bleu lumineux créant par contraste une perspective. Presque au centre, un mât vertical noir portant une bannière bleu blanc rouge vient séparer et réunir les deux espaces grâce à un coin de toile du drapeau laissant voir un coin le ciel par transparence. Les autres mâts de biais créent un lacis inextricable. Les badauds sont presque toujours ces petits insectes noirs à l’exception de deux femmes portant des robes longues et blanches. « La rue respire la fête » . Marquet n’aime pas être à même le sol, il préfère l’altitude pour voir le spectacle en plongée et à l’abri des regards, ce qu’il fera pour le carnaval de Fécamp où de haut il assiste au défilé des chars qu’on devine à peine. Il peindra plus tard, en 1934, aux Sables d’Olonne, une fête nationale associant la plage et le fourmillement des baigneurs et des tentes bicolores le long du parapet pavoisé. Pour la première fois, les passants sont vus de près, presque identifiables et en couleur accompagnés de leur ombre portée ! Et si la foule n’est pas assez nombreuse, il ajoute des balconnières de géranium rouges !

Rotterdam, 1909

Pérégrinations Portuaires

En 1912, il s’arrête à Rouen et peint ce port fluvial qui ressemble à tant d’autres. Il ne choisit que deux vues : le quai et le pont de Boiledieu avec au fond la ville de Rouen hérissée de cheminées avec ses trainées de fumeroles reprenant en l’adaptant les quais de Seine de Paris, et le pont transbordeur qui enjambait la Seine. Ce dernier donne un avant-goût de celui si célèbre de Marseille qu’il découvre probablement lors de son premier séjour sur les bords de la méditerranée en 1905 et qu’il peint pendant la guerre de 1914.

Il met alors au point une méthode qu’il reprendra souvent : en surplomb depuis sa fenêtre d’hôtel, il multiplie les vues (souvent plusieurs fenêtres d’affilé et déplaçant son chevalet de l’une à l’autre) avec à chaque fois avec un léger décalage comme s’il faisait une série de clichés photographiques pour saisir l’ensemble du motif. A chaque fois, des détails nouveaux font irruption : un tramway, une charrette, un attroupement. De même, il suit la lumière au grès de la météorologie. Il faut croire que Rouen baigne dans la grisaille lors de son passage en 1912. D’ailleurs, il se plaint à Matisse qui vient le chercher pour l’emmener au soleil, à Marseille notamment. Après ce printemps pluvieux à Rouen, il revient en octobre achever ses tableaux. Notons aussi que Marquet ne triche pas : c’est un pleinairiste ce qui suppose qu’il est tributaire du temps et de la lumière. Le mauvais temps est un obstacle qui l’oblige à attendre avec patience le bon moment. Il ne fera jamais la synthèse de ses différents tableaux pour y peindre la

meilleure lumière ou les détails les plus riches. Ce qu’il peint c’est ce qu’il a vu. Notons cependant que Marquet sait gommer les détails qui le gênent comme on peut le voir dans les vues de Rouen de Canteleu où certains poteaux électriques apparaissent ou disparaissent selon son bon vouloir.

Marseille 1916, Coll Part Nahmad port d’Alger, c.1940 , FNAC ( ambassade de France à Londres)

Il est de nouveau à Rouen en 1927, cette fois du haut de Canteleu où il a trouvé un hôtel, il peint une série de vue surplombant Rouen d’où l’on aperçoit au fond, perdus dans la brume le port et la ville. Rouen de 1927 fait immanquablement penser au port d’Alger qu’il peint dans les années trente. De même, lors de son dernier séjour au Havre, on voit comment la flotte a évolué. Il s’intéresse aux cargos, aux remorqueurs et aux docks comme plus tard à Alger, tel un journal de bord, à la flotte alliée avec ses cuirassiers à quai se préparant aux batailles navales. S’il conserve son sens de la synthèse, le mystère et la surprise de ces premiers tableaux se sont évaporés. Georges Besson a remarqué cette légère évolution : « Des œuvres récentes ont perdu la simplicité élémentaire des peintures ancienne, pour gagner, s’il est possible, en décision et en subtilité. […] suprême connaissance d’un métier […]. » Il peint aussi d’autres ports moins tourmentés comme Honfleur dont il saisit le calme et la douceur. Il le découvre en 1906 avec Dufy puis y revient en 1911 où il rencontre Félix Vallotton qui s’y est installé depuis longtemps. Ce dernier fait partie de cette génération liée au symbolisme que fréquente Marquet. Ce n’est seulement pour leurs idées anarcho-sociales qu’ils partagent, mais aussi pour leur passion comme de l’estampe japonaise. Même si la grande mode du Japonisme est passée, Marquet reste marqué et attaché à cet héritage : ce goût pour l’ellipse, la transcription à la fois nette et simplifiée des formes, l’adoption d’une perspective à vol d’oiseau dû à sa position en surplomb et d’un cadrage inhabituel.

Port de Honfleur, 1901, New York, Metropolitan Museum. LePort de Rouen 1911, Nancy, musée des Beaux-Arts MBA

Il faudrait y ajouter une gamme de couleurs pastel tendres avec une prédilection pour les dégradés. Matisse le note : « Marquet est tout à fait réaliste, il n’interprète pas les couleurs ; il s’attache plutôt aux valeurs et aux lignes, préférant une palette de nuances de gris ou de bleu ou des atmosphères de pluie qui mettent les villes en valeur […] il sera toujours notre Hokusaï. » Trois points de vues au moins retiennent son attention : les façades des maisons sur les quais, les bassins avec des bateaux à voiles qui rappelle que c’est un petit port de pêche, et l’entrée du port avec son sémaphore et son phare

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sur la droite.

Port d’Honfleur, 1911, Moscou, Musée Pouchkine

Il en résulte une atmosphère calme et intemporelle qui font tout le charme. On peut y voir une suite de ses vues de Naples qu’il visite en 1909 et 1911 où, d’une certaine façon, il réinvente la veduta par la précision topographique du port associée à son sens du détail de l’activité portuaire.

Vue de Naples, 1911, Musée cantonal de Lausanne . Le Port de Naples, 1909, Paris, MNAM

La PL age

La plage apparaît en 1906 au Havre et à Sainte Adresse. Il suit Dufy qui lui montre ce haut lieu de la modernité là où Boudin et Monet ont saisi ce nouveau motif qui correspond à la transformation du paysage colonisé par les loisirs bourgeois des bains de mer.

Plage de Sainte-Adresse, 1906, Fine art Museum Houston. La Jetée de Sainte-Adresse, 1906, collection particulière Fridart

Côte, plage, estacade, promenade, tentes rayées gonflées par le vent … avec Dufy, il explore ce caléidoscope coloré qu’est la plage. Dufy aime les baignades, les pêcheurs et les régates ainsi que la promenade qui épouse la courbe de la plage tandis que Marquet préfère les badauds, les promeneurs qu’il sait silhouetter à merveille.

Marquet

les affiches à Trouville 1906 Dufy MNAM

La plage s’inscrit dans cet univers de loisir et de fête avec le Carnaval, la fête foraine, le 14 juillet avec ses rues pavoisées que Dufy et Marquet peignent ensemble reprenant la tradition impressionniste dont stylistiquement ils se sont affranchis.

« Si différent que soit Marquet des impressionnistes, il a ceci de commun avec eux, et avec Turner , leur prédécesseur, qu’il aime inventer des variations sur un même thème et montrer les mêmes armatures de formes, les mêmes supports recevant une existence différente suivant l’heure ou la saison.[ …].

Les personnages chez Marquet restent présents mais discrets, presque toujours en noir. Quand il fait les affiches à Trouville avec le même Dufy, il décide de peindre des passantes et passants endimanchés alternant le blanc et le noir agrandis par leur ombre, de profil et légèrement en contreplongée, le long de la palissade d’affiches publicitaire faites de rectangles des toutes les couleurs et encadrés par deux tentes de plage aux rayures blanches et rouges ; tandis que Dufy, procédant un peu différemment, décide de jouer sur les proportions des personnages pour donner une échelle et donc une perspective, ce qui l’amène à les décrire plus précisément et à utiliser plus de couleur.

Il sait aussi occuper l’espace laissé vide pour y ajouter, de

manière inattendue, une chaise. Marquet n’aime pas le vide ou la toile vierge à la différence d’un Dufy qui a toujours su en jouer : tout doit se plier à sa vision. ll reprend le motif de la plage au Pyla, la plage de son enfance, aux sables d’Olonne puis à la Goulette. Pour la toute première fois, il peint des nageurs dans l’eau comme ses petits personnages non plus noirs comme les badauds sur les quais, mais colorés donnant une impression de bonheur et joie de vivre, se fondant dans les ondes vertes et bleues de l’océan.

La plage du Pyla MBA de Bordeaux Plage des sables d’Olonne ,1933 MNAM

Ses séjours en Normandie nous montrent un artiste en train de sceller définitivement son œuvre. A trente ans, il est en pleine possession de ses moyens artistiques. C’est en Normandie qu’il construit sa vision du port et de la mer, avant de la reproduire partout ailleurs. On perçoit au cours de ces différents voyages, une évolution de son style, contredisant ce que d’aucuns ont appelé la permanence de Marquet. Ce dernier a peu à peu enlevé les coups de pinceau apparents, les couleurs arbitraires, les contours trop marqués pour une épure de la forme et un « usage constructif de la couleur utilisés en tons plats » . Il se veut « vrai, simple et mesuré ».

Ce carnet de voyage en Normandie traverse toute sa vie de peintre et nous fait le récit de ce qu’il a aimé, des paysages auxquels il a été sensible et témoigne en même temps de son époque avec la hiérarchie et l’évolution des ports notamment du port industriel dont il peint la poésie grave ou avec l’arrivée des loisirs balnéaires qui animent les grèves auparavant désertes. Il nous transmet, à travers sa vision, ses émotions et son émerveillement. Ce n’est tant le paysage normand avec toute sa richesse et sa diversité que nous retiendrons mais une façon de voir le réel et de le rendre intemporel. Ils nous apprennent que ce voyageur taiseux a toujours eu besoin de l’impulsion des autres, de ses amis, peintres ou critiques, « en cordée », pour continuer sa quête du paysage, obsédé par la recherche de permanence, de la stabilité dans une réalité toujours changeante. « Sous son regard adoucissant, le paysage se met au calme. »

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Itshak Golberg

Marquet ou la poésie du banal

Itzhak Goldberg

Une chose est certaine, Albert Marquet n’est pas attiré par le sublime. C’est en vain qu’on cherchera dans son œuvre « un grand désert aride, d’énormes massifs montagneux, de hautes cimes rocheuses, des précipices ou un vaste étendu d’eau ». Laurent Le Bon parle au sujet de l’artiste « des paysages non héroïques à la Rohmer ». Formule particulièrement heureuse car nombreux sont ceux, et l’auteur de ces lignes en fait partie, qui ont été déroutés en regardant la manière dont le célèbre cinéaste jouait sur les lieux communs, sur les banalités, sur les platitudes. Il faut un certain temps pour comprendre que l’irritation qu’on ressent face à ces scènes cinématographiques qui rappellent le célèbre Dictionnaire des idées reçues de Flaubert, n’est rien d’autre que le sentiment de les avoir vécues nous-mêmes. Est-ce la même sensation que dégagent les paysages de Marquet ? Pas vraiment car, comme le remarque ironiquement Didier Semin, cette « peinture anachronique, probablement destinée à ne pas intéresser grand monde, mais qu’on revendiquera le droit de bien aimer » . Autrement dit, une peinture qui prend le risque de plaire. La définition de Semin a le mérite de rappeler la distinction cruelle entre les œuvres qui, interrogeant explicitement le monde ou au moins les principes esthétiques, sont regroupées par l’histoire de l’art sous le titre glorieux de modernité ou d’avant-garde, et d’autres, laissées à l’écart.

Marquet, lui, qui se situe dans un entre-deux, frôlant les préceptes de l’avant-garde sans y entrer en plain pied, n’intéresse pas les spécialistes.

C’est que cette position d’entre-deux, peu recommandable en histoire de l’art, fait de lui un «deuxième violon» dans l’orchestre de la modernité. En effet, le nom de ce peintre n’est pas lié à une mise en question de l’ordre plastique, ni à un fait artistique sans précédent. Ouvert à aux leçons de l’avant-garde, il esquisse chaque fois un pas de côté. Ami de Matisse, Marquet n’accompagne le chef du fil du fauvisme dans son aventure qu’à ses débuts et devient rapidement

en quelque sorte une figure repoussoir de cette révolution chromatique.

Catalogué le plus souvent comme un fauve « timide », sans être considéré comme l’un des pionniers de cette tendance, ni comme représentatif de ce mouvement, Marquet a droit tout au plus à un strapontin dans l’histoire de l’art. On le sait, nul n’entre au paradis de la reconnaissance si, au cours de la première décennie du XXe siècle, il ne fût fauve ou cubiste. Pourtant, à regarder de près, comme le fait le critique J.C. Hall déjà en 1917, Marquet a choisi de s’inscrire dans la lignée d’un autre apôtre de la modernité, Cézanne. Cézanne, dont la rétrospective au Salon d’Automne en 1907 avait eu un effet déterminant sur la génération de Marquet – Matisse, Dufy, Derain -. Ainsi, selon le critique « Par cette synthétisation du paysage, par cet équilibre des masses dont il voyait le balancement dans les rapports de tons, M. Marquet revenait insensiblement à l’austère simplicité de Cézanne, à cette conception des choses basées sur la condensation des tons essentiels dans une harmonie grave de leur image ». A l’instar de Cézanne, Marquet, en construisant ses tableaux, capte la nature, sans toutefois la pétrifier. Une différence de taille, car les touches de Cézanne, qui décomposent et fragmentent, ne suivent pas les contours de la nature, mais tentent d’imposer leur structure propre, à géométriser la réalité représentée. Violence discrète, mais qui crée un univers clos, dénué de toute transparence, où tout est solidifié et où l’air ne circule plus. Ces admirables paysages dégagent un sentiment d’équilibre tendu à l’extrême, d’une tension qui ne se relâche jamais. Environnements désertiques à l’allure monumentale, inaccessibles, comme séparés du reste du monde. En dernière instance, la nature constitués en strates de Cézanne est en train de naître et de surgir et laisse deviner des forces en gestation. Autrement dit, le Maître d’Aix dont le « regard tactile », ausculte et palpe, procède en géologue.

Pour Marquet, la nature n’est pas approchée à partir de la matière qui la compose et qui devient un matériau essentiellement pictural ; ce sont les déplacements, les mouvements imperceptibles de l’œil qu’il met en scène. Plus opticien

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qu’alchimiste, il s’intéresse avant tout aux conditions de la visibilité. Se tenant à distance, il ne cherche pas à apprivoiser les paysages qu’il choisit comme sujets, à s’imposer en quelque sorte à la nature. Peinture en retrait qui refuse le trop plein, la tension. Absent ou presque de ses tableaux, Marquet n’est qu’un regard posé sur un monde.

Avec cette œuvre silencieuse, l’envers de la peinture à effets, tout est dans la retenue. Chez Marquet, rien de spectaculaire ; pas de visions chaotiques, pas les contrastes chromatiques appuyés, les tonalités ou les nuances - noires, beiges, gris mauves -, les contours tracés d’un trait sombre, sont au service d’une description sommaire, qui ne laisse place à aucun détail précis. On pourrait évoquer un « art moyen », pour emprunter le terme de Bourdieu, un art qui évite une véritable provocation plastique. Quand chez les néo-impressionnistes et les fauves, le paysage, ce lieu de fragilité mimétique, devient davantage un terrain d’expérimentation que de représentation, chez Marquet on a affaire à une forme de réalisme discret mais obstiné. A l’encontre des fauves, dont les couleurs arbitraires, saturées et contrastées produisent une luminosité indépendante des tonalités locales, Marquet réinsère la lumière pour rester au plus près de la réalité. Toutefois, loin de chercher à saisir le temps qui s’écoule, l’instantané atmosphérique, la mobilité, il fige, en subtil observateur la vue qu’il a devant lui, Si le temps y est absent, c’est que Marquet a tendance à explorer le même sujet à travers de nombreuses représentations ou encore a y revenir des années plus tard. On peut parler d’une œuvre circulaire, à peine rythmée par les saisons, traversée par des thèmes récurrents, que l’on retrouve en suivant les nombreux déplacements de l’artiste, en partie dus aux hasards de sa biographie. L’artiste se plaît à réaliser plusieurs version du même thème, comme un musicien qui fait ses gammes et ne se lasse pas de cet exercice. Certes, les lieux représentés par Marquet en Normandie au cours de ses nombreux séjours, qui s’étalent de 1903 à 1935, sont identifiables. Leur mise en scène, toutefois, gardent un dispositif pictural semblable à celui employé dans d’autres régions françaises mais également dans ses voyages à l’étranger.

Voyages, car paradoxalement, celui qui, selon les témoignages de ses proches et avant tout de sa femme, Marcelle, préférait l’intimité de son atelier parisien, ne se contentait pas de reproduire inlassablement le même fragment du paysage qu’il voyait par la même fenêtre. Au contraire, il se déplaçait souvent et a fait le tour de la Méditerranée, tout en gardant Paris comme terre d’attache. Mais ces pérégrinations, où défilent bords de mer, plages ou ports, ne trahissent que rarement leur identité géographique. Certes, çà et là, un indice laisse deviner Marseille, Hambourg ou Alger. Mais, sauf exception, peu lui importe de rendre compte d’un lieu ; son approche du thème n’est pas topographique. Il relève plutôt d’un vagabondage visuel où, sous une apparence descriptive, se cache le désir de capter des structures analogiques et leurs modifications (angle de vue, vision d’ensemble ou effet de zoom, éclairage). Dans ce sens, Marquet

est proche de son ami Dufy, à côté duquel il a peint au Havre en 1906.

Peut-on ainsi parler d’une approche sérielle, une technique basée sur une ressemblance manifeste entre des composants qui en font partie ? Sans doute avec l’ensemble qui traite le pont transbordeur à Rouen (1912) ou celui, de la même année, qui représente le Quai de Paris, une avenue principale de cette ville . Ici, d’ailleurs, Marquet adapte la tradition impressionniste en introduisant des éléments météorologiques dans le titre : Temps de pluie ou encore Temps gris, cette dernière appellation étant pratiquement un pléonasme quand on connait la palette de l’artiste et ses harmonies sourdes. Palette qui fait justement l’éloge du gris, cette couleur intermédiaire entre le blanc et le noir, que Marquet manie en virtuose.

Mais, plus souvent qu’à la série, cette attitude qui caractérise la modernité et qui consiste à passer du thème au motif, de la description à la construction, Marquet a recours au thème et variations. Le mot variation est essentiel, car, à la différence de la série, basée sur une évolution successive et une ressemblance manifeste entre ses composants, les variations mettent en œuvre une structure rayonnante aux liens souples, ténus par un principe unificateur omniprésent. On y trouve à la fois la coexistence du même signe et l’invitation à jouir de la différence. Ainsi, l’autonomie plastique de chaque élément de variations, sa singularité primerait sur ses rapports de résonance avec les autres. On retrouve cette idée chez Donatien Grau qui considère l’ensemble de l’œuvre de Marquet « forme comme un réseau exploratoire où tout est en permanence connecté ». En somme, l’artiste renonce à tout effet de répétition au profit de figures de similitude. L’histoire de l’art du 20 siècle propose deux types d’approches artistiques que l’on peut nommer horizontal et vertical. La tendance horizontale concerne les artistes dont l’œuvre propose successivement différentes solutions plastiques et parfois propose des synthèses qui leur sont propres. La tendance verticale, en revanche, englobe les créateurs qui ont fait le choix d’un style relativement tôt dans leur carrière professionnelle, style qu’ils « creusent » dans la profondeur durant pratiquement toute leur existence. Marquet, bien évidemment, fait partie de ces derniers. Indiscutablement, c’est le milieu aquatique qui est le royaume quasi-exclusif, le thème fédérateur dans l’œuvre de Marquet. Son goût pour les falaises et les ports, qu’il s’agisse de l’Atlantique ou de la Méditerranée, fait que la présence de la mer, traitée sous des angles différents, reste probablement le trait le plus constant pendant toute sa carrière. Comme l’analyse l’historien Alain Corbin, le besoin de la mer et de sa représentation s’explique par le désir de se placer au bord du monde - à la limite entre terre et ciel.

Quand la mer est absente – pendant ses séjours parisiens–ses ateliers donnent toujours sur la Seine. La Seine que l’on peut trouver plus rarement en Normandie (La Seine Grise, Le Vieux Port, 1927).

Bords ou rivage, mer ou fleuve, pour Marquet l’union de l’eau et de la lumière est indispensable. Cependant, à la différence de Monet, Pissarro ou Renoir, chez lui, la surface

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de l’eau ne se transforme que rarement en miroir scintillant, aux tonalités intenses. Avec lui, sous un ciel plombé, les touches opaques, pâteuses, répétitives, la lumière tamisée et les reflets sombres dans l’eau noire, donnent plutôt le sentiment d’immobilité. (Le Havre, bassin du Roy, 1906). Sentiment accentué par une présence des bateaux, réduits à quelques traits, le plus souvent à l’arrêt ou à quai (Quai aux bateaux de pêcheurs)

La plupart des historiens d’art remarquent que Marquet offre toujours des vues plongeantes sur le paysage qu’il représente, maritimes ou autres. Ce que l’on remarque moins souvent est que cette mise en distance est soulignée par l’ensemble du cadrage choisi par l’artiste. Ainsi, on a le sentiment, qu’à la différence de Matisse ou de Bonnard, il existe comme un imperceptible surcroît de distance entre la fenêtre et le peintre et ; ce dernier ne se situe pas directement à la fenêtre mais un peu en arrière. On pourrait même supposer un effet de contamination entre la grisaille dans lequel baignent ses paysages et entre le « poste d’observation », en léger pénombre. D’ailleurs, Marcelle Marquet, presque malgré elle, ne dit rien d’autre quand elle parle d’un artiste « entièrement occupé à peindre et à dessiner, isolé, un peu en retrait, derrière une fenêtre soigneusement choisie » Cette position est d’autant plus visible quand la fenêtre, incluse dans la composition, marque une séparation entre le champ pictural et le spectateur, s’interpose entre le regard et la représentation (Samois, la fenêtre ouverte, 1917, Parisienne verte, 1945-1946 .

En revanche – est-ce le résultat de la rapidité d’exécution de Marquet, remarqué par ses contemporains ? – on a souvent l’impression que l’artiste accorde une importance secondaire au fragment du réel qu’il choisit comme modèle. Sans parler d’indifférence, ses mises en scène ne visent pas l’audace spectaculaire de Matisse ou la finesse sophistiqué de Bonnard mais rappellent plutôt des clichés pris par des voyageurs au hasard de leur déplacement. Les quelques éléments prosaïques – des toits des maisons, une charrette abandonnée, une palissade – contribuent à ce sentiment de spontanéité. Fausse spontanéité, assurément, car il serait naïf de croire que le peintre ne construit pas ces effets. Il n’en reste pas moins que le dosage qu’il obtient entre le réel et les effets du réel, entre le pittoresque et l’anodin, entre le transitoire et l’immobile, entre la sérénité et la mélancolie aboutit aux images dont « la force est leur discrète évidence ». Ces mots prononcés par le photographe – sans doute pas un hasard - Bernard Plossu, pour qui avec Marquet, le spectateur « est dans la toile, dans la photo en plein dedans ». Cependant, si l’on est « en plein dedans », c’est que ces images permettent, voire invitent à cette accessibilité. C’est la force de l’œuvre de Marquet mais probablement aussi sa limite. En évitant une expérience radicale, en ayant recours à ce qui se rapproche dangereusement d’une forme de répétition, les représentations de Marquet courent le risque de se transformer en un lieu commun. On le sait, dans le domaine de la création, gouverné par le régime de singularité depuis l’époque romantique, le lieu commun a un effet disquali-

fiant. Pourtant, selon Sartre « ce beau mot a plusieurs sens : il désigne sans doute les pensées les plus rebattues, mais il indique aussi que ces pensées sont devenues le lieu de rencontre de la communauté. Chacun s’y retrouve, y retrouve les autres ». Et Gide d’affirmer : « On ne s’entend pas que sur les lieux communs. Sans terrain banal, la société n’est pas possible » Alors, Marquet forgerait-il une figure de style qui serait un lieu commun ? Condensés, simplifiés et stylisés, ces lieux « sans qualités » risquent de frôler des schémas ou des synthèses. Mais, souvent, ces images réussissent l’équilibre ténu entre leur aspect « générique » et le sentiment qu’elle donnent au spectateur de se trouver face à un lieu qui, croitil, n’appartient qu’à lui. Ces images qui simplifient - ce terme revient sans cesse au sujet de Marquet - ne cherchent pas à reproduire la réalité mais la sensation qu’elle procure : « ce peu de choses qui suffit pour déclencher tous nos souvenirs maritimes ; l’eau qui clapote doucement, la lumière laiteuse, les gémissements du remorqueur affairé, les parfums du sel et du goudron ». Autrement dit, une nostalgie douce et amère. ,

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La Percaillerie 1903

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Marquet

passe l’été en Normandie avec son ami Henri Manguin, rencontré douze ans plus tôt à l’école des arts décoratifs et dans l’atelier parisien duquel il vient régulièrement s’exercer, rue Boursault. Sillonnant la côte, les deux compères peignent ensemble à la Percaillerie. Ce lieu-dit, sur la commune des Pieux à proximité de Flamanville, dans le département de la Manche, l’émerveille par sa nature sauvage. Manguin avait découvert ce lieu en 1896 et y avait rencontré une jeune pianiste, Jeanne Marie Carette, qui deviendra son épouse en 1899 et son modèle d’élection.

Matisse, retenu dans l’Aisne pour cause de maladie, ne peut les rejoindre. Il leur écrit « Mes Chers amis. Un mot pour vous dire que je pense souvent à vous et vous suis dans mon imagination, sur la côte déambulant la boîte à la main clignant de l’œil pour savoir si le ciel est plus clair que l’eau…Vous devez faire des choses épatantes vous autres »1. Marquet, néanmoins, est mécontent de son été. Matisse lui répond par une ironie qui témoigne de leur proximité : « Ta lettre de ce matin m’annonçant que tu n’étais pas content de ta saison est venue me réconcilier

avec moi-même. Ainsi dans la vie, le malheur de nos amis nous console des nôtres2». Une quinzaine d’œuvres réalisées durant ce séjour normand sont aujourd’hui identifiées. Il s’agit pour l’essentiel d’œuvres faites en extérieur, même si au moins une scène d’intérieur est également connue Près de l’âtre, à la Percaillerie3. Trois de ses œuvres normandes sont présentées au Petit-Palais lors du premier Salon d’Automne cette même année : Une Falaise (n°381), En Normandie (n°382), La Barrière (n°383).

L’œuvre du Musée des Beaux-arts de Caen se distingue des autres paysages réalisés lors de ce séjour par l’intérêt porté par Marquet à un site industriel, et ce dès les débuts de sa carrière, en l’occurrence la mine de fer de Diélette, sur la commune de Flamanville. Reconnaissable à sa haute cheminée de briques, qui se détache sur la côte granitique et le ciel nuageux, la mine de fer de Diélette est exploitée depuis 1859, en dépit des difficultés engendrées par le caractère sous-marin des filons. Abandonnée à la fin du XIXe siècle puis rachetée par la « Société des Mines et Carrières de Flamanville », appartenant à la famille Thyssen en

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19074, elle fermera finalement ses portes en 1962. Au fond se détache, formant une ligne d’horizon aux deux-tiers de la hauteur de la toile, le nez de Jobourg. Cette toile préfigure nombre d’œuvres de Marquet mêlant présence maritime ou fluviale, et site industriel, comme La Seine près de Rouen, datée de 1927, conservée à la fondation Bemberg. L’œuvre aujourd’hui conservée par le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg sous le nom de Paysage de Bretagne appartient en réalité à la série des tableaux de la Percaillerie. C’est possiblement une des trois présentées lors du premier Salon d’Automne, sous le nom de La Barrière. Elle constitue une des rares œuvres de la série sans présence maritime et où le peintre s’attache à une représentation d’un paysage de lande, dont le personnage principal serait constitué par cette barrière blanche. L’intérêt porté par le peintre à des palettes de couleurs restreintes comme le souci du cadrage se font déjà sentir dans cette œuvre aussi précoce que singulière où le petit muret de pierres sèches amorce une diagonale dans le tableau

— 1 Lettre de Matisse à Manguin, 7 juillet 1903. Archives Jean-Pierre Manguin. 2 Lettre de Matisse à Marquet, septembre 1903. Archives Wildenstein-Plattner Institute, Paris. 3 Eric Pillon Enchères, Versailles, 22 mai 2016, lot n°107. 4 Jean-Yves Noël, « La mine de fer de Diélette entre 1907 et 1914, une première étape vers « le Gibraltar allemand » ? », Annales de Normandie, vol. 60, no 2, 2010, pp. 63-69.

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Le Havre Trouville

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La première exposition du Cercle de l’art moderne ouvre ses portes le 26 mai 1906 dans l’orangerie de l’hôtel de ville du Havre. Réunissant des membres nés ou résidant au Havre « attirés par sympathie commune pour les tendances artistiques modernes », le Cercle se fixe pour objectif de « faciliter les manifestations d’un art personnel ». Marquet y envoie deux toiles. Son amitié avec Raoul Dufy, membre du comité Beaux-Arts de la nouvelle association, comme avec G. Jean-Aubry , qui en est le secrétaire, n’y est sans doute pas étrangère. Les deux toiles trouvent rapidement preneur, malgré le refus de l’offre d’Aubry de les lui céder pour 700 francs .

Hébergé chez Jean-Aubry, Marquet se rend début juin au Havre visiter l’exposition . Les circonstances sont malheureusement troublées par la mort de son père, Joseph Marquet, décédé le 13 mai dans une maison de santé d’Arcueil-Cachan. Sa mère en est fortement ébranlée et « est retombée malade comme cet hiver ». Dans ces conditions, Albert Marquet rentre à Paris, mais annonce, le 3 juillet, à Manguin retourner dans quelques jours au Havre où il retrouve Dufy.

Le Havre est alors en fête. Les rues sont pavoisées et les monuments illuminés à l’occasion de la fête nationale, mais également de la Grande semaine maritime. Organisée par la Ligue maritime française afin de promouvoir la marine française, cette Grande semaine donne lieu à de grandioses manifestations nautiques du 9 au 17 juillet 1906, au Havre comme à Trouville .

Au Havre, Marquet et Dufy louent, pour un prix modique, des chambres d’hôtel pour embrasser de nouveaux points

de vue. De leurs fenêtres, ils peignent les rues pavoisées ou les bassins de la ville. Installés sur l’étroite terrasse du café du Nord, au 32 de la rue des Drapiers, Marquet et Dufy peignent « en cordée » et se saisissent du motif créé par les drapeaux multicolores flottant au vent. L’hôtel du Ruban bleu, 19 place de l’Arsenal, constitue également pour Marquet et Dufy un lieu d’observation privilégié sur la ville et les bassins du commerce et du Roy. Marquet y peint notamment Fête foraine au Havre et Bassin du Havre. Dans le premier, on reconnait à gauche l’étendue bleutée du bassin du commerce quand le bâtiment surmonté de hautes toitures est la Chambre de commerce. Le long des quais sont amarrés les yachts de riches amateurs. Marquet souligne d’une ligne noire les plans de couleurs, toitures et chapiteau du carrousel. Marquet trouve dans les bassins historiques du Havre, bassin du Roy ou anse Notre-Dame, moins un sujet pittoresque que le prétexte à de nouvelles recherches picturales sur les couleurs et la simplification des formes. Dans Le Havre (coll. Bührle) ou Le Havre, voilier à quai (Kunsthaus Zürich), le peintre tourne son regard vers l’anse Notre-Dame dont les eaux rejoignent celle de l’arrière-port. Dans le premier, le navire, reconnaissable à sa coque noir et blanc et à sa cheminée blanche est vraisemblablement le Félix Faure qui assurait la jonction fluviale entre Le Havre et Rouen et qui stationnait en bout du quai Notre-Dame, devant le bâtiment de la grande douane. Au premier plan, Marquet n’hésite pas à représenter le petit édicule des vespasiennes installé à la hauteur de la rue Saint Jacques et du café du vieux Havre. Au second plan à gauche les usines du

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quai Broström et les immeubles du quai de l’Ile reçoivent la chaude lumière du soleil couchant.

Le Havre, Bassin du Roy, aujourd’hui déposé au musée de Caen, surprend le spectateur par la dilatation de l’espace et la saturation de la toile par l’élément aqueux aux reflets verdâtres du bassin. Le quai des casernes à gauche est absent de la composition quand le quai Videcoq à droite ne semble constituer qu’un simple passage au pied des immeubles dont les silhouettes se reflètent dans les eaux comme dans un miroir déformant. À mi-hauteur de la toile, le pont Notre-Dame sépare l’eau du ciel. Marquet s’inscrit de plein pied dans le port du Havre en peignant vraisemblablement du pont en face de l’Arsenal.

Marquet et Dufy se promènent dans la ville et composent des scènes de plage très proches. Une carte postale, intitulée Le Havre – Sur la plage - L’Impressionniste, représente Marquet en train de peindre au pied de l’estacade. Dufy lui en enverra plusieurs exemplaires pour sa correspondance. Des années plus tard, Marcelle Marquet rapporte : « Ils allaient aussi peindre à Sainte-Adresse et, pour gagner du temps, à bicyclette. Pas riches, ils tenaient à leurs engins, et, pour être sûrs qu’au moment où ils seraient absorbés par leur travail on ne les leur prendrait pas, ils louèrent une cabane sur la plage où, soigneusement, le temps de leurs séances, ils les enfermaient. Sur le conseil d’un ami prudent, ils décidèrent de les assurer. L’agent vint sur place se rendre compte de l’état de leurs machines. Il découvrit avec effarement que les deux peintres laissaient aussi là leurs toiles en train, chaque soir, jusqu’au lende-

main matin. »

À la fin juillet, Marquet quitte Le Havre pour rejoindre Fécamp.

Statuts de l’association Cercle de l’art moderne, 29 janvier 1906, article I. G. Jean-Aubry, critique d’art. De son vrai nom Jean Frédéric Emile Aubry (1882-1950), il prend comme nom de plume G. Jean-Aubry en 1904 pour lui permettre de mettre un trait d’union entre Jean et Aubry afin d’éviter la confusion avec l’historien Octave Aubry. Cf. Lettre de Paule Jean-Aubry à Jean-Philippe Segonds, 15 janvier 1970, citée par Paul Moron dans Chevalier, 2008, p. 33.

Lettre de Marquet à Jean-Aubry, 27 mai 1906, Getty Research Institute (860056) : « Je viens de recevoir l’offre que vous me faites de mes deux tableaux et que je regrette beaucoup de ne pouvoir accepter. Je ne peux laisser ces deux toiles à moins de neuf cents frs. Je vous remercie bien quand même et j’espère bien [mot raturé] avoir le plaisir de vous voir quand j’irai au Havre probablement dans quelques jours, il me tarde de voir votre exposition qui doit être fort curieuse ».

Lettre de Camoin à Marquet, chez M. Jean-Aubry, 14 juin 1906 : « Ainsi, j’ai été heureux d’apprendre tout à l’heure par le secrétaire du cercle de l’art moderne que tu es allé honorer de ta présence leur exposition. Le changement de milieu et la vue de motifs nouveaux ont dû sans doute te faire remettre au travail. »

Lettre de Marquet à Matisse, juin 1906. Archives Matisse. Citée dans cat. exp. Albert Marquet, peintures et dessins, collection du musée des beaux-arts de Bordeaux, Bordeaux, musée des beaux-arts, 31 mai – 15 septembre 2002.

Les épreuves de la Coupe de France et courses du Cercle de la voile de Paris notamment se dérouleront à Trouville ou à Honfleur, cf. L’Éclair, 29 juin 1906, p. 1.

Cet hôtel se revendique comme une « Maison chrétienne » proposant un « restaurant de tempérance » et dénonçant les effets de l’ivrognerie. Cf. L’Universel : l’Évangile c’est la liberté ! 1er août 1899, p. 4. Sans doute

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Raoul Dufy, La Rue pavoisée, 1906, huile sur toile, 81 x 65 cm, Paris, Centre Pompidou, MNAM-CCI, legs de Mme Raoul Dufy, 1963

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Fécamp 1906

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Quand Marquet et Dufy arrivent à Fécamp en 1906, la cité des terre-neuvas ne constitue vraisemblablement pas une terre inconnue pour eux. Dufy se remémore en effet, dans un courrier adressé à leur ami commun, George Besson, à la fin de sa vie : « Dans l’été 1904, nous étions Marquet et moi allés passer une journée aux régates à Fécamp pour y peindre ». Le Port de Fécamp, de la collection Peindre en Normandie, est possiblement exécuté durant ce séjour. Albert Marquet passe cet été un mois dans le port de pêche de Fécamp et s’installe dès la fin juillet au Café Duhamel , au 5 du quai de la Vicomté. L’établissement, qui propose à la location des chambres meublées, ouvre ses fenêtres sur l’avant-port. Mais, dès le 24 août, Marquet écrit à Manguin qu’il rentrera à Paris la semaine suivante « n’ayant rien foutu de mon été ». Contrarié par le vent normand, Marquet quitte Fécamp à la fin août pour rejoindre la capitale : « Je suis à Paris depuis quelques jours pas fâché d’être de retour. Malgré la beauté du pays, n’ai rien fichu à Fécamp, un temps très contrariant et un sacré vent qui a cassé comme une allumette mon grand chevalet belge, pourtant bien solide, dégoûté, je suis parti. » Malgré cette assertion, Marquet revient de Fécamp avec une belle moisson de toiles, dont certaines, telle Fête de gymnastique à Fécamp, de l’ancienne collection de Georges Dussueil au Havre, restent à localiser.

Le Port de Fécamp (coll. part), peint des fenêtres du Café Duhamel nous donne à voir l’avant-port de Fécamp. À

droite, on reconnaît le Grand quai. Au sommet de la côte de la Vierge, caractérisée par une haute falaise herbeuse, la silhouette gracile du phare de la Vierge, et celle massive et sombre de l’église Notre-Dame-du-Salut se découpent sur le ciel mouvant de Normandie. La cheminée rouge du navire caractérise un remorqueur, possiblement l’Hercule quand on reconnaît la silhouette d’un Dundee, armé pour les campagnes du hareng ou du maquereau. Au contraire, dans le Port de Fécamp des collections du musée de Quimper, Marquet s’inscrit de plain-pied dans le paysage portuaire en peignant le chantier naval du premier plan. Plusieurs chantiers de construction navale étaient installés à l’extrémité du boulevard des Bains, sur la digue qui fermait l’avant-port. Les bois tors aux lignes mouvementées destinés à la carène du bateau s’accumulent sur le quai. Marquet décale son angle de vision par rapport au dessin préparatoire pour dégager une perspective sur le bassin. L’écluse qui occupe le centre du tableau donne accès au bassin Bérigny. Le clocher néo-gothique de l’église Saint-Étienne domine, avec les mâts, la composition baignée par la froide lumière du matin. Marquet déploie dans La Plage de Fécamp une palette éclatante avec des bleus vif et des vermillons. Une grande diagonale sépare la composition en deux parties inégales où celle de droite est envahie par la mer et le ciel. Deux marins contemplant la mer et les falaises crayeuses qui la bordent dominent la gauche de la composition. Leur

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regard accompagne celui spectateur. Cette forte présence humaine est assez inhabituelle chez le peintre. La toile sera achetée par le conservateur Paul Jamot. Marquet et Dufy profitent des derniers jours en Normandie pour aller à Trouville et se promener à Honfleur. Seules deux œuvres de Marquet témoignent du passage à Trouville : Les Affiches et le Bassin des yachts. Dufy et Marquet se saisissent tous deux du paysage bariolé offert par une palissade recouverte de panneaux publicitaires non loin de la plage . Marquet expose cinq œuvres exécutées lors de son séjour normand parmi les huit présentées au Salon d’Automne qui ouvre ses portes le 6 octobre de cette année : 14 Juillet (n°1130), Trouville (n°1133), Port de Fécamp (n°1134), Plage de Fécamp (n°1135) et Bassin au Havre (n°1136). Plusieurs sont remarquées par la critique. Dès l’ouverture du Salon, le critique Louis Vauxcelles s’exclame, enthousiaste : « Marquet. Ah ! le beau peintre. En voilà un qui sait où il va et qui va où il veut. Libre à la fois et sûr de son métier, narrateur exempt de prolixité. La limpidité de l’eau tremblotante, la qualité d’atmosphère, l’établissement, la densité des masses, la solidité des terrains, en un mot tout est de premier ordre. » Son confrère Paul Jamot écrit quelques semaines plus tard : « M. Marquet est dès maintenant un talent certain. Une vision franche et rapide, la décision des perspectives, la justesse des plans, la forte simplicité de la couleur classent au premier rang, parmi les paysages de ce

Salon, ses vues de Paris et du Havre, son Port de Fécamp avec la carène jaune d’un navire en chantier sous le soleil de midi, et surtout sa Plage de Fécamp, où les distances et les valeurs sont établies avec la plus éloquente sûreté. »

Du 7 au 30 novembre 1906, Marquet expose aux côtés de Camoin, Derain, Manguin, Matisse, Puy et Van Dongen à la galerie Berthe Weill, cinq œuvres dont un paysage de Fécamp et un Bateau pavoisé au Havre. Quelques mois plus tard, en février 1907, Marquet bénéficie de sa première exposition monographique à la galerie Druet avec 39 œuvres dont neuf vues normandes : Port du Havre, deux Bassin du Hâvre, Bassin du Hâvre, 14 juillet, Le Hâvre, Rue du Hâvre, Plage du Hâvre, Trouville et Port de Fécamp.

Le 29 décembre 1906, Le Port de Fécamp, est acquis par l’État et déposé, à la demande de l’artiste, au musée du Havre. Le conservateur, Alphonse Lamotte, qui s’était déjà farouchement opposé à l’acquisition trois ans plus tôt de deux toiles de Pissarro, trouve là un nouveau cheval de bataille et n’a de cesse de s’en débarrasser. Cédant finalement aux injonctions de Lamotte, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts demande en 1913 la restitution de l’œuvre avant de l’attribuer au musée de Quimper, privant ainsi le musée du Havre d’une belle œuvre fauve.

Lettre de Raoul Dufy à Georges Besson, 7 janvier 1948, Bibliothèque municipale de Besançon, Fonds Besson, Ms Z 639.

Courrier envoyé à Matisse, Archives Matisse.

Lettre de Marquet à Matisse, Paris, 4 septembre 1906 in Claudine Grammont, Matisse-Marquet, correspondance, 1898-1947, La bibliothèque des arts, Lausanne, 2008.

Raoul Dufy, Les Affiches à Trouville, 1906, huile sur toile, 65 x 81 cm, Paris, Centre Pompidou, MNAM/CCI, inv. AM 3417 P et Albert Marquet, Posters at Trouville, 1906, huile sur toile, 65,1 x 81,3 cm,

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Albert Marquet

La Jetée, femmes assises, s.d. Encre de Chine sur papier, 20,6 x 33,1 cm, Besançon, musée des Beaux-Arts et d’archéologie, dépôt du Centre Pompidou, MNAM/CCI, Paris, (ancienne collection de George et Adèle Besson) © Besançon, musée des beaux-arts et d’archéologie / P. Guénat

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Honfleur

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Marquet était rapidement passé, en 1906, à Honfleur. Il y revient, à l’été 1911, rendre visite à Félix Vallotton, en villégiature. Fidèle de la petite station balnéaire normande depuis 1901, le peintre suisse loge sa famille à la villa Beaulieu, devenue depuis 1909 sa résidence d’été attitrée. Marquet réside quant à lui à la ferme Saint-Siméon, qui, nichée sur les hauteurs du petit port, domine l’estuaire. L’ancienne ferme Toutain, dont la renommée ne faiblit pas depuis les séjours d’Eugène Boudin à partir de 1854, accueillit entre autres Frédéric Bazille, Claude Monet, Jean-Baptiste Corot ou Johann-Barthold Jongkind.

Marquet peint cet été-là le port et ses bateaux. Il envoie une carte enthousiaste le 22 juin à son ami Camoin1. Le 7 juillet, il écrit à Manguin : « Ici il y a eu quelques jours d’un temps abominable, maintenant un soleil étoilant. Vallotton en est navré. Je travaille un peu, mais je ne fais que de la mer. 2» Il est de retour en juillet à Paris avant de repartir pour le Midi.

Une œuvre honfleuraise, Port de Honfleur, marée basse est présentée cette année-là au Salon d’Automne. L’année suivante, Honfleur, le port est présenté aux Indépendants (n°2172). Enfin, en 1913, Marquet présente chez Druet cinq œuvres réalisées durant ce séjour : Soleil, deux Marée basse, Bateaux de pêche et un Bassin3.

L’œuvre aujourd’hui conservée à Winterthur (CAT) nous donne à voir le bassin d’Honfleur, nourri des eaux de la Claire et de la Morelle dont les reflets verdâtres n’oc-

cupent pas moins de la moitié de la composition. Bordé à gauche par le quai de la Quarantaine, le bassin accueille une flottille de petits bateaux destinés pour l’essentiel à la pêche côtière. Au fond, le quai Beaulieu4 où accostait le Rapide qui assurait la liaison maritime entre Honfleur et Le Havre, est dominé par la longue silhouette blanche de l’hôtel du Cheval blanc, véritable institution honfleuraise. Marquet installe son chevalet de plain-pied dans l’avantport, profitant du soleil éclatant de cette journée d’été pour peindre le paysage portuaire (CAT). Le ciel moutonneux se reflète dans les eaux saumâtres de l’avant-port, où le reflux de la mer laisse apparaître les dépôts de vase au pied des jetées. La voile ocre d’une frêle embarcation vient troubler la quiétude du moment. On reconnaît à droite le phare de la jetée Est, dont la tourelle cylindrique marque l’entrée du port depuis 1843. Le mât de signaux métallique qui le domine de sa haute stature permettait de composer des messages simples destinés aux navires approchant le port de Honfleur : météo, marée, réglementation de la navigation, accès au port… grâce à la combinaison de pavillons hissés aux drisses. Marquet joue subtilement des nuances de blanc, de gris et de beige pour en détacher la silhouette élancée du ciel nuageux. Aux pieds des deux monuments s’élèvent quelques baraques aux balises. L’œuvre aujourd’hui conservée au musée Pouchkine reprend le même point de vue, mais par marée haute. Le ciel lumineux y est animé par les pavillons multicolores du mât de signaux.

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1 Archives Camoin. Cité dans Françoise Garcia (dir.), Albert Marquet, peintures et dessins, collection du musée des beaux-arts de Bordeaux, Bordeaux, 2002, p. 157 - 2 Collection Jean-Pierre Manguin. - 3 Exposition de peintures d’Albert Marquet, du 31 mars au 12 avril 1913.

- 4 Aujourd’hui quai des Passagers.

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Rouen

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Le séjour rouennais de Marquet de 1912 se joue en trois temps. Le peintre est en mai dans la capitale normande, mais, lassé par la pluie, il rentre à Paris à la mi-juin, suivant les conseils de Matisse qui lui écrivait quelques jours plus tôt : « Tu pourrais revenir passer quelques jours à Paris au lieu de te ronger dans ce pot de chambre de la Normandie, ou bien peins des effets de pluie en t’installant à la terrasse d’un café des quais, peins des petites toiles de 5 ou 6 en une séance, tu feras cela très bien. 1»

Le 27 juin, il est de retour à Rouen, et loge au 1 rue Duquesne. La pluie a cédé le pas au beau temps et à la chaleur. Matisse le rejoint quelques jours aux alentours du 11 juillet. Découragé, Marquet exprime, à la fin du mois, le désir de quitter la ville : « Je pense rentrer bientôt, car je ne fais absolument rien par ici. Le pays est pourtant bien beau, mais le temps est extraordinairement changeant. Je reviendrai à Rouen quand je serai plus habile. 2». Il revient à Rouen au mois de novembre achever les toiles commencées plus tôt dans l’année3.

Il semble que, contrairement au séjour havrais six ans auparavant, Marquet se déplace peu dans la ville. On ne connaît de ce séjour que des représentations du pont transbordeur et celles du pont Boieldieu, distants l’un de l’autre de 700m.

Marquet s’inscrit dans les pas de Pissarro, autre familier des paysages portuaires, qui s’était attelé à la représentation de ce même pont Boieldieu des fenêtres de l’hôtel de Paris en 1896. En 1898, Matisse écrivait à Marquet : « le père Pissarro travaille depuis les fenêtres de l’hôtel du Louvre. Il fait des vues de la Place du th.français (voilà un tuyau)4».

En mai 1912, Marquet fait le choix de s’installer dans le même hôtel que son aîné, pour peindre ce pont métallique qui conduit de la rue Grand Pont, à la place Carnot et au faubourg populaire de Saint-Sever. Il est, par ce choix, à contrecourant de la représentation d’un paysage plus noble qui privilégierait l’autre rive pour embrasser les flèches de la cathédrale. Ici, la volonté est de peindre le Rouen industrieux, avec les usines fumantes de la rive gauche. Si le tableau de Pissarro avait un caractère très vivant, foisonnant et mouvementé, la série réalisée par Marquet de ce quai de Paris présente un aspect plus tempéré. Marquet aime la vie et l’activité des quais de Rouen. La présence humaine s’y réduit pourtant à quelques silhouettes rapidement esquissées qui évoquent à la fois la concision et la réflexion de l’art calligraphique oriental. C’est que le paysage entier qu’il peint respire cette présence du badaud ou du travailleur.

Le peintre exécute également deux toiles du pont transbordeur de Rouen. Le développement continu de la rive gauche de la Seine à la fin du XIXe siècle imposait la mise en place de nouveaux franchissements du fleuve. Œuvre de l’ingénieur Ferdinand Arnodin, ce pont est jusqu’en 1940 le dernier ouvrage d’art à franchir la Seine avant son estuaire. Marquet retrouvera quelques années plus tard à Marseille la gracile silhouette d’un autre pont transbordeur, dû au même Arnodin. Le dessin du Pont transbordeur, aujourd’hui conservé dans les collections du MuMa, se distingue des deux peintures par l’angle retenu. Le dessin représente une vue prise du quai Jean de Béthencourt. Le toit pentu que l’on aperçoit sous le pont est vraisemblable-

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ment la tour marégraphe du quai de Boisguilbert, destinée à fournir de l’énergie au nouveau système de grues hydrauliques du port de Rouen. Au fond, la colline de Canteleu d’où Marquet peindra le port de Rouen en 1927. Marquet fera néanmoins le choix de peindre ce pont vu de l’autre rive, permettant ainsi d’embrasser du regard la rive gauche industrielle et de retrouver une composition proche de celles adoptées pour les représentations du pont Boieldieu.

On ne sait à quelle adresse Marquet loge à son retour dans la ville en novembre. En 1943, Georges Besson se remémore avoir rendu visite à Marquet, qui partageait un appartement alors, vraisemblablement pour des raisons de coût, avec le littérateur René Fauchois, possiblement rue des Charrettes5, sans que l’on sache si cette adresse concerne ce séjour. Parallèle au fleuve, la rue des Charrettes ne donne pas directement sur le fleuve, mais sur la rue Grand-Pont qui débouche sur le pont Boieldieu. Dix œuvres réalisées à Rouen durant ce séjour sont exposées du 31 mars au 12 avril 1913 chez Druet lors de l’exposition monographique consacrée à l’artiste : un Pont Boïeldieu, deux Ponts transbordeur et sept représentations du Quai de Paris

« Cette solidité que certains recherchent à obtenir par la pâte, d’autres l’obtiennent par leurs exactes oppositions de valeurs et par la simplification des grandes lignes. Qu’y a-t-il dans cette Vue de la Seine à Rouen [Quai de Paris à Rouen] par M. Marquet ? un chemin de fer, un hangar, puis la berge rose et le fleuve pâle que franchit un pont, et enfin, devant le ciel, divers plans de maisons. Pour arriver

à découvrir les lignes indispensables, il a fallu toute une série d’éliminations. On s’est moqué du mot de synthèse appliqué à ces œuvres, en est-il donc un plus juste ? C’est presque une abstraction de paysage, l’idée générale de ce paysage-là. Monet peignait Rouen à une minute, à une seconde donnée ; M. Marquet représente la Seine, ses quais, son pont, tels qu’ils demeurent le plus souvent ; on ne contemple plus les délicatesses de ton du ciel et de l’eau, on ne voit que les traits nécessaires. Ceci n’empêche pas que M. Marquet ne soit sensible à la lumière, mais, pour lui, la lumière, c’est de l’espace coloré. 6»

_ 1 Claudine Grammont, Lettre de Matisse à Marquet, 7 juin 1912, in Matisse-Marquet. Correspondance, 1898-1947, La Bibliothèque des arts, Lausanne, 2008, p. 90. 2 Ibid. Lettre de Marquet à Matisse, 31 juillet 1912. 3 Ibid. Lettre de Marquet à Matisse, 29 octobre 1912. 4 Ibid. Lettre de Matisse à Marquet, 28 février 1898. 5 George Besson, « 19, Quai Saint-Michel » in Marquet, Dessins, Le Point, Lanzac par Souillac, décembre 1943, pp.33-34 : « Eugène Druet m’avait donné son adresse à Rouen où il travaillait en 1912 et habitait une de ces rues noires de petites boutiques, de bars anglais et scandinaves, la rue des Charrettes peut-être. Je montai et vis deux cartes sur une même porte : Albert Marquet – René Fauchois. Je redescendis, sans avoir frappé, ahuri. Je ne connaissais pas M. Fauchois. […] J’en étais à la réputation qu’on lui faisait en 1912 d’un auteur sans personnalité. […] je savais que Marquet n’était pas l’ami de Fauchois et j’appris qu’il ne revit pas son compagnon après son départ de Rouen. Mais il avait une conception plus simple que moi des relations entre hommes et d’abord qu’il faut les prendre tels qu’ils sont. » 6 Louis Hautecœur, « Les salons de 1913 (premier article) - Société des artistes indépendants » in Gazette des beaux-arts, mai 1913, pp. 262-263.

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« Il n’est pas d’entrepôts chagrins, de docks ingrats, de maussades bassins de radoub, pas de quais tumultueux, d’élévateurs, de ponts transbordeurs, pas de paquebots, de rafiots, ou de cuirassés, pas de vergues ou de manches à air, pas de cheminées empanachées que Marquet n’ait contemplés avec un souci d’objectivité qui ne laisse place à aucune sentimentalité trop facilement « littéraire » et décourage toute glose. De ce décor qui lui est familier, dont il sait pertinemment ce qui fait de lui un témoignage du temps présent, Marquet n’éprouve jamais le besoin d’exalter le pathétique certain. Pas plus que la romance, l’emphase ne le séduit ; mais en peignant le débarcadère désert, le ponton délaissé, la charpente métallique qui enjambe le canal, ou la grue anonyme et trépidante qui vide les flancs du navire, Marquet est toujours humain. Humain, comme sait l’être Chardin quand il portraiture une fontaine de cuivre, prouvant ainsi que l’homme peut se confesser sans avoir recours à l’évocation de son propre visage. »

Francis Jourdain, « Chronique artistique – Réflexions d’un vieil artiste à propos des exigences de la « phynance » et à propos de l’exposition Marquet », in La Pensée : revue du rationalisme moderne, novembre 1948, p. 110.

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1927

Vieux-Port Canteleu La Mailleraye

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Marquet est de retour en Normandie en 1927 pour un séjour de plusieurs semaines durant lequel il longe la Seine, de son embouchure jusqu’à Rouen. Une carte postale, malheureusement non datée, adressée à Camoin par Marcelle Marquet atteste d’un séjour à Honfleur cette année-là1. En juin, les Marquet s’installent, sur les conseils de Signac, dans la région de Vieux-Port. Marquet éprouvait le constant besoin du voisinage de l’eau, une eau animée de bateaux, de pêcheurs ou de promeneurs. Lui qui « ne put jamais supporter la tranquille paresse de la Loire 2» trouve dans ce village situé à une quarantaine de kilomètres en amont d’Honfleur, dans les boucles de la Seine, un lieu d’observation privilégié du trafic fluvial.

Les Marquet élisent domicile dans une pension « La bonne auberge » située au bord du fleuve. C’est dans la salle à manger de l’auberge, constituée de vieux baraquements anglais de la Première Guerre mondiale, que le peintre représente son épouse dans un tableau Madame Marquet à Vieux-Port3. George Besson et Charles Camoin viennent rendre visite à leurs amis au mois de juillet. Le temps est remarquablement pluvieux cette année et Mme Marquet leur avait conseillé d’apporter « imperméables et gros souliers4». Les Camoin restent jusqu’à la fin du mois. Lassés par la pluie, les Marquet décident de pousser jusqu’à Rouen pour trouver le soleil. Le peintre, qui connaît déjà la ville qu’il a peinte quinze ans plus tôt, élit domicile à Canteleu, d’où il embrasse à la fois la ville et le fleuve, pour changer de point de vue. Il occupe à l’hôtel « Au

Rendez-vous de la chasse » la chambre des propriétaires qui bénéficie d’un remarquable panorama sur la Seine et d’où il peint une série de tableaux quasi identiques5. Seule la présence d’une silhouette, d’un fiacre, un ciel plus ou moins ennuagé différencient ces œuvres. Il profite de ce séjour pour se promener sur les bords de la Seine, en commençant par Croisset, petit hameau au pied de la colline de Canteleu, Dieppedalle, puis La Mailleraye-sur-Seine. Si Croisset doit sa célébrité à Gustave Flaubert qui y écrivit une partie de son œuvre, c’est plutôt au port industriel de Rouen auquel s’attache Marquet dans son tableau intitulé La Seine à Croisset près de Rouen. Le port hérissé de grues et de portiques occupe le centre de la composition quand les fumées bleuâtres des cheminées se mêlent au brouillard qui nimbe le ciel, contrastant avec le premier plan constitué de bâtiments aux toits bleutés en contrebas d’une esplanade au vert tendre.

La Seine près de Rouen, aujourd’hui conservé à la fondation Bemberg, représente le fleuve en aval de Croisset. On peut reconnaître, dans la haute cheminée de briques qui se détache sur le ciel laiteux, celle de la scierie Le Bourgeois installée le long du fleuve, à Dieppedalle. Marquet se saisit une nouvelle fois d’éléments d’un paysage industriel. Le plateau crayeux des falaises qui bordent le fleuve, couvertes de végétation, forment la ligne d’horizon à la mi-hauteur du tableau. Dans ce tableau, comme dans les Régates à la Mailleraye, Marquet s’inscrit au niveau du fleuve, et s’installe sur le quai.

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Plus en aval, dans un méandre formé par le fleuve se niche La Mailleraye-sur-Seine. Des régates sont organisées sur la Seine depuis le XIXe siècle à Villequier, Quillebeuf, Caudebec ou Duclair. À la mi-août, le petit village de La Mailleraye se pare de ses plus beaux atours pour accueillir des régates de voiliers et de canots automobiles. Le Félix Faure, qui assurait la liaison fluviale entre Le Havre et Rouen avait alors l’habitude de faire escale à La Mailleraye la veille et le lendemain des régates. Marquet réalise deux représentations des régates à la Mailleraye. La toile conservée au musée de Bordeaux nous donne à voir une composition dominée par deux bateaux de course dont les voiles blanches tendues, se reflètent dans l’eau nacrée du fleuve. Les drapeaux qui claquent au vent, comme les lumignons multicolores témoignent de l’ambiance festive dont s’est emparée la cité des bords de Seine.

La Seine grise, Vieux-Port est une œuvre singulière qui surprend par la touche mouvementée du peintre, plus chargée de matière. Le ciel nuageux envahit la composition et rejoint les eaux ocres du fleuve. La cheminée de « la passagère », le bateau qui assurait la liaison entre Le Havre et Rouen, introduit une verticalité dans le tableau.

La pluie normande convainc finalement les Marquet de quitter Rouen pour rejoindre la Bretagne puis la douceur du climat de Saint-Jean-de-Luz. Plus d’une trentaine d’œuvres de ce séjour normand sont aujourd’hui connues. Marquet en présente dix à la galerie Druet dans l’exposition mo-

1 Archives Camoin. Citée dans le catalogue raisonné Marquet.

2 Marcelle Marquet, Albert Marquet, Hazan, Paris, 1955.

3 Madame Marquet à Vieux Port, 1927, Huile sur panneau une planche parqueté, 33 x 41 cm. Vente SVV Millon, 25 mars 2015, lot n°85.

4 Archives Camoin. Cité dans Françoise Garcia (dir.), Albert Marquet, peintures et dessins, collection du musée des beaux-arts de Bordeaux, Bordeaux, 2002, p. 167.

5 Une aquarelle du même lieu est passée en vente à Ramat Avir (Israël) le 28 novembre 2022 (lot n°36228).

6 Exposition Albert Marquet. Œuvres récentes 1926-1928. Du 30 avril au 11 mai 1928.

7 Anonyme, « Le Carnet d’un curieux- Les expositions - Galerie Druet » in La Renaissance de l’art français et des industries de luxe, juin 1928, p. 352.

nographique qui lui est consacrée en 19286 : Vieux-Port. La Terrasse, deux vues de Vieux-Port. La Seine, Vieux-Port. L’église, Vieux-Port. Le matin, trois vues de Canteleu (Canteleu. Après-midi de soleil ; Canteleu. Brouillard et Canteleu. Temps gris), une Vue de Rouen dans la brume ainsi que La Seine et la forêt de Brotonne. La critique accueille l’exposition par ces mots : « Une exposition d›œuvres d›Albert Marquet présente toujours beaucoup d›attrait. Celle qui a eu lieu chez Druet au début de mai a réuni des paysages de Tunisie et d’Algérie, de l’Egypte, du pays basque, et des environs de Rouen. Ces derniers, où la ville s’apercevait d’un gris mauve dans les lointains, montraient dans les premiers plans des jardins avec des verdures d’une délectable fraîcheur. Les paysages de Marquet apparaissent d’une simplicité de moyens sous laquelle il faut voir une grande science de coloriste.7»

Enfin, Marquet présente en 1935 une œuvre Canteleu (brouillard) à l’occasion de l’exposition rétrospective intitulée « Rouen vu par les artistes d’autrefois et d’aujourd’hui » de la Société des artistes rouennais.

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« On dominait l’immense vallée, longue et large, que le fleuve clair parcourait d’un bout à l’autre, avec de grandes ondulations. On le voyait venir de là-bas, taché par des îles nombreuses et décrivant une courbe avant de traverser Rouen. Puis la ville apparaissait sur la rive droite, un peu noyée dans la brume matinale, avec des éclats de soleil sur ses toits, et ses mille clochers légers, pointus ou trapus, frêles et travaillés comme des bijoux géants, ses tours carrées ou rondes coiffées de couronnes héraldiques, ses beffrois, ses clochetons, tout le peuple gothique des sommets d’églises que dominait la flèche aiguë de la cathédrale, surprenante aiguille de bronze, laide, étrange et démesurée, la plus haute qui soit au monde. Mais en face, de l’autre côté du fleuve, s’élevaient, rondes et renflées à leur faîte, les minces cheminées d’usines du vaste faubourg de Saint-Sever. Plus nombreuses que leurs frères les clochers, elles dressaient jusque dans la campagne lointaine leurs longues colonnes de briques et soufflaient dans le ciel bleu leur haleine noire de charbon. »

Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1885

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Le Havre 1934

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Fraîchement revenus d’un voyage en URSS, les Marquet s’installent en septembre 1934 pour trois semaines au Havre. Madame Druet, qui avait repris la galerie éponyme à la mort de son mari en 1916, leur écrit à cette occasion : « Je vous rappelle que M. O. Senn pourrait donner à votre mari des facilités de travail dans le port1 ». Grand amateur d’art, Olivier Senn collectionne les Marquet des premières années et sera propriétaire de pas moins de quinze peintures de l’artiste. Les deux hommes se connaissent bien. Si Senn est, à cette date, installé à Paris, sa connaissance de la place portuaire havraise où il fut négociant en coton pouvait être heureusement mise à profit pour le peintre, en quête de nouveaux points de vue.2 Marquet fait le choix de s’installer à l’hôtel Continental, à l’angle de l’avenue François Ier et de la chaussée des ÉtatsUnis, de là-même où Camille Pissarro peignit en 1903 sa série des ports du Havre. L’hôtel ouvre ses fenêtres sur les deux brise-lames de l’avant-port et sur le spectacle constamment renouvelé du ballet des navires. Mais le port industriel offre un paysage profondément modifié depuis que Pissarro l’a peint trente-et-un ans plus tôt. De nombreux travaux ont été engagés depuis le début du XXe siècle pour faire face à l’accroissement du tonnage des navires : le fort de Floride, vestige de l’ancienne citadelle voulue par Richelieu, a été détruit en 1907 quand le pertuis d’entrée du port a été agrandi à 300 mètres par le report de la digue sud au début des années 1930. Les travaux réalisés, dont le développement de quais en eaux profonde, ont permis d’accroître l’attractivité du port du Havre qui

accueille en 1933 un dixième de tous les navires entrés dans les ports français. « Le Havre est maintenant un chef d’œuvre de technique et, sinon le plus grand, du moins un des plus remarquables outils maritimes de l’Europe pour les besoins de son marché 3 ». Le gigantisme et le caractère industriel de ce port, dont les travaux seront inaugurés par le Président Lebrun en mai 1935, ne pouvaient manquer d’intéresser Marquet.

En 1935, Alphonse Saladin, conservateur du musée du Havre, fait l’acquisition d’une œuvre de la série, directement auprès de l’artiste : L’Avant-port du Havre. Ouvert à l’art de son temps, promoteur d’une galerie des modernes au musée, il prend résolument le contre-pied de son prédécesseur Alphonse Lamotte qui avait œuvré pour renvoyer le dépôt par l’État du Port de Fécamp, 1906. Dès 1936, le musée de Strasbourg achète La Passerelle du Havre, issue de la même série.

Dans le tableau conservé à Liège, Marquet tourne son regard vers l’est pour cette œuvre qui reprend là encore un point de vue déjà exploité par Pissarro en 1903. À gauche du tableau, on reconnaît le débouché la rue Emile Renouf. Une diagonale sépare le tableau en deux entre d’une part, Le Havre, côté ville, avec la masse ocre du Quai de Southampton et à droite, l’étendue d’eau verdâtre de l’arrière-port. Une flotille de frêles embarcations mouille dans l’Anse des pêcheurs, tandis que les bateaux affectés au trafic passagers vers la côte fleurie sont accostés le long du Grand quai. Reconnaissables à leur cheminée blanche, ce sont dans l’ordre les bateaux pour Honfleur, Trouville puis

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Caen (dont on ne distingue que la cheminée). Au fond, une forêt de grues portuaires se détache sur un ciel clair pour former l’horizon en fermant l’arrière-port. Le grand panneau publicitaire à gauche du tableau renvoie inconsciemment au tableau réalisé en 1906 et aujourd’hui conservé à la National Gallery de Washington, Les Affiches à Trouville Très proches, les deux œuvres des musées du Havre et de Strasbourg sont réalisées des fenêtres de l’hôtel Continental et donnent à voir la promenade entre les deux briselames de l’avant-port du Havre. Au fond, se dessine la digue ouest, prolongée à droite par la digue sud. Comme une invitation au voyage, un paquebot est amarré au quai d’Escale dans celui du Havre, quand on reconnaît la silhouette foncée d’un remorqueur à droite de celui de Strasbourg.

La dernière œuvre, tout à la fois singulière et très structurée, est marquée par la présence marquée de lignes horizontales qui caractérisent, au premier plan, la promenade en surplomb des brise-lames, et, au second plan, le quai d’escale avec les postes à quai pour les paquebots. À droite, on reconnaît les postes pétroliers mis en service à partir de 1926 le long de la digue Ouest par la Compagnie Industrielle Maritime. Les grands pétroliers, qui ne peuvent remonter la Seine jusqu’à la raffinerie de Port-Jérôme, y accostent pour y décharger. La verticalité est introduite dans le tableau par les pieux des brise-lames de l’avant-port, les silhouettes des promeneurs, le mât rouge du bateau au centre du tableau et les grues métalliques.

1 Archives Wildenstein.

2 En 2004, sa petite-fille Hélène Senn-Foulds fait don au MuMa-Musée d’art moderne André Malraux de la collection héritée de son grand-père. Le don est complété en 2015 par celui de son cousin par alliance, Pierre-Maurice Mathey.

3 Claude Blanchard, « Le Havre, port des géants », in Le Petit Parisien, 29 décembre 1934.

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Dieppe 1937

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Ce dernier séjour de Marquet en terre normande est évoqué dans un courrier du 20 décembre 1937 adressé par Marcelle Marquet aux Manguin.

En 1902, Camille Pissarro avait déjà peint une importante série de vingt-et-unes vues du port de Dieppe, avant de s’attacher l’année suivante à son ultime série portuaire consacrée au Havre. Mais si Pissarro avait déambulé dans la ville, les seuls tableaux de Marquet connus de ce séjour reprennent tous le même angle de vue sur l’avant-port. L’artiste occupe vraisemblablement une chambre dans un hôtel en surplomb du quai Henri IV, à proximité de la gare maritime pour Newhaven.

De cette ultime série normande, deux œuvres provenant de collections particulières sont aujourd’hui présentées au public. Dans la première, Marquet peint l’avant-port de Dieppe par temps de pluie. Quelques piétons, dont un armé d’un parapluie, sont rapidement esquissés, arpentant le quai. Leurs silhouettes se prolongent dans le miroir des quais lessivés par la pluie. On identifie la halle en gros au poisson, inaugurée en 1926 sur l’île du Pollet (quai du carénage) grâce à son clocheton. La seconde œuvre s’en distingue par l’accumulation de navires de pêche (le hareng d’octobre à janvier et le maquereau pendant la belle saison, sont les poissons les plus prisés des pêcheurs dieppois), amarrés au quai. Éloigné de seulement 160 km, Dieppe est le port le plus proche de la capitale et fournit à Paris l’essentiel de sa marée. Comme souvent dans les œuvres de Marquet, tant la présence que l’activité humaines ne sont que suggérées. Les quais Henri IV et Duquesne sont pour-

tant le lieu d’une intense activité, à proximité immédiate du carreau des poissonniers, et de la « Malle anglaise » pour Newhaven. De cette courte série, dont quatre tableaux sont identifiés aujourd’hui, un est exposé à la galerie Santee Landweer d’Amsterdam en 1938. La même année, un autre est présenté à la Svenska Franska Konst Galleriet de Stockholm, spécialisée dans l’art français, lors de l’exposition monographique consacrée au peintre du 28 avril au 15 mai 1938, aux côtés d’œuvres réalisées par Marquet en Suède.

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Merci monsieur Marquet

Usaeperferum quam, verchit od ut optatia volut aturecto earchic tem quae plibus parumquosae. Ebit eserum et porestrum que et officte caepediasi rero el ipsam rate velenimpos sa quam, ut ad que explaborem quae consequ odipien ducit, omniaes cusam volupitatum ullicim aximpore estion nusant quatur modis eati consedi as del in reriati istibus duntiis eles et la arciaeprat aut ommolup tatio. Nequi remos re sim derem la quo voluptam ressimus ratiae nemos et pore et quaestent pro ernatur res quo coneste estias alibea sunt odi tem num eate ipic to officiu reptat ut accum audande por as res excerat ea endam, venimol uptatis nonse dolupis arum ant ommosam eaquia aci nus audis elendem ea atessita pliqui velignimi, corrovid ut la derorem que ab inulpar chilicid ullacea nonsequiscia nos sitat.

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Ficilloratus si od que rehenim quatibe ristrum ne dolorum sector assit, abore velitium nihic tent et acepro ipsaper umquiam illibust est unt aut asitatur, officim etur aborporeius sunt.

Us voloriosam volor moluptio et laborum untur reped qui ium raecerum volorecae vero volorporepe nimi, solest porehendam, officae mod que vel et volorro expedist fugit eatur? Qui ipsa nulluptat acculpa dolores dipsantibus auda sam, ut eaque solupturepe re poreptur, coribusam que laborpores debit, tet int odis si cuptatiorit, voluptia dolupta con pellabo reprat iscius et ex est quam et incimus sedipiet ut od qui nos aut quossim usdaero dis nones et velectur? Rem audis ex et magniminciam dolorio nsequas dolorpo reriore modi simus.

Eruptas doluptas dolor moles eat veliquid quiaero delles auda volorestotam quisimus si doluptate consequas molorias min erferci assi ditis aruptas everum recto tecest aut porumquia volum facia pla nos eatione ssenis rerestiur, officit iur si nis siniendelit alit incidel iquaernatem is vellautatur ad et ped minvelestion rerios aliquiae explam aci cus.

Henda quat apiciendebis etur re, omnis eture, sit utecaborem qui ullautem ut quis resequi cum qui que non resciate voluptum sunt perio. Lo et int dellorento expliquas ea dolupta turitiunt lati alis evera conse sent ulliquo ssusamus intio. Itat.

Facia essus seque ommolor aperro eosandenis min plicipsam imilita tiorerumet, unt. Et et anihicid eostrum quiandit fugit erferem dellore mpercient perunti orporatur? Onsequi duciam accum sit, consequam volendunditi tem dolorpore, suntus explisquid et omnimpo rionsed qui iumqui acerro et omniatissit ut quibust, quas ad minciis ut volendit denis quaspidis ma volorporum ipidis denda exererro berionse doloreius doluptat quiduci dellupt asitatem consequ ibusam, quo omnihit molupit, ommoluptat dunt esecuptatet alignia ssitae volorita nonsectat accus duciati id molorecae vel ilit labor ad millam isitatur? Evendeb istion earum comnimos quae nis quis alisiminctia sum harundiam ium volora desto berrunt rem doluptat et, te venis mi, simus enihicil molo il

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Liste des œuvres

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Bibliographie

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Dernières expositions sur l’œuvre d’Albert Marquet

2000

New York, The Metropolitan Museum of Art, Painters in Paris : 1895 – 1950, 8 mars – 31 décembre 2000.

2001

Bilbao, Museo de Bellas Artes, Albert Marquet, 26 janvier – 16 avril 2001.

Saint-Tropez, Musée de L’Annonciade, Albert Marquet, Journal de bord en Méditerranée, 2 juin1er octobre 2001.

L’Isle-sur-la-Sorgue, Centre d’art Campredon, Eaux en couleurs : Camoin, Manguin, Marquet, Matisse, 7 juillet – 14 octobre 2001.

2002

Bordeaux, musée des beaux-arts, Albert Marquet, Peintures et dessins, Collection du Musée des Beaux-Arts, Bordeaux, 31 mai – 15 septembre 2002.

2003

Troyes, Musée d’art moderne, « Collection du centre Pompidou, Musée national d’art moderne et du musée d’art moderne de Troyes », 31 janvier – 31 mars 2003.

Paris, galerie Antoine Laurentin, Albert Marquet, l’intelligence du trait, 6 juin – 11 juillet 2003.

Québec, Musée National des BeauxArts, Marquet au fil de l’eau, 29 mai –7 septembre 2003.

2004

Münich, Staatliche graphische Sammlung, Marquet : frühe Zeichnungen, 12 mars-28 avril 2004.

2004-2005

Paris, Musée Carnavalet, Albert Marquet, Vues de Paris et de l’île-de-

France, 20 octobre 2004 –23 janvier 2005.

2005

Londres, Wolseley Fine Arts, Albert Marquet : Images d’une petite ville arabe and other works, 9 novembre –17 décembre 2005.

2007

Bordeaux, Musée des Beaux-Arts, Désirs d’Orient, de Delacroix à Dufy, 28 janvier -28 mai 2007.

2008

Saint-Raphaël, Centre culturel, Albert Marquet et ses amis en Algérie : artistes et mécènes, 1920-1947 », 21 mars2 août

2008-2009

Paris, Musée de la Marine, Albert Marquet, Itinéraires maritimes, 15 octobre 2008- 2 février 2009

2009

Martigny, Fondation Pierre Gianadda, De Courbet à Picasso Musée Pouchkine Moscou, 19 juin - 22 novembre

2011

Le Havre, Musée Malraux, De Delacroix à Marquet, Donation SennFoulds, dessins, 12 mars- 22 mai 2011.

2013-2014

Pontoise, Musée Tavet-Delacour, Albert Marquet : Les bords de Seine, de Paris à la côte normande, 13 octobre 2013 – 16 février 2014

2016 Paris, Musée d’art moderne de la ville de Paris, Albert Marquet, peintre du temps suspendu, 25 mars –21 août 2016.

2016-2017

Moscou, musée Pouchkine, Albert Marquet, fenêtre grande ouverte, 27 septembre 2016 – 8 janvier 2017.

2019 Sète, musée Paul Valéry, Marquet, la Méditerranée, d’une rive à l’autre, 29 juin – 3 novembre 2019.

2021-2022 Paris, Galerie de la Présidence, Marquet, Paris mon amour, 22 novembre 2021 – 29 janvier 2022.

Münster, Kunstmuseum Pablo Picasso, Rendezvous der FreundeCamoin, Manguin, Marquet, Matisse, 8 octobre 2021 - 16 janvier 2022.

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Chronologie

Cette chronologie trouve pour l’essentiel son origine dans le tome I du catalogue raisonné de l’artiste, L’Afrique du Nord, publié en 2001 par le Wildenstein Institute.

1875

Naissance à Bordeaux de Pierre Léopold Albert Marquet le 26 mars dans un milieu modeste. Son père est employé de chemin de fer. Peu porté à l’étude, d’un tempérament timide, et affecté d’un pied-bot qui l’empêche de se mêler aux jeux des autres enfants, le jeune Marquet se réfugie dans le dessin.

1890

Installation rue Monge à Paris où sa mère, convaincue des talents artistiques de son fils, achète une petite boutique « Jours et broderies ». Le père reste à Bordeaux dans l’attente de sa retraite. Albert s’inscrit à l’École nationale des arts décoratifs où il rencontrera Henri Manguin.

1892

Rencontre avec Henri Matisse avec lequel il noue une amitié solide. FIG

1894

Entrée à l’École nationale des beaux-arts où il retrouve Henri Matisse dans l’atelier de Gustave Moreau. Il copie, dans les galeries du Louvre, les maîtres : Titien, Véronèse, Poussin, Le Lorrain ou Chardin.

1898

Suite au décès de leur maître Moreau, Marquet et Matisse s’inscrivent dans une académie privée, rue de Rennes, où Eugène Carrière enseigne. Marquet se lie avec Charles Camoin.

1899

Premières expositions du jeune peintre : en mai au Salon de la Société nationale des beaux-arts à Paris, puis au Salon de Grenoble en juillet août. Manguin s’installe 61 rue Boursault, dans le quartier des Batignolles à Paris, où il dispose d’un atelier démontable et invite ses amis « fauves » à venir y peindre. Marquet expérimente avec Matisse, dans des toiles réalisées à Arcueil et dans la banlieue parisienne, une manière qui annonce le fauvisme.

1900

Tout en continuant le travail en atelier, Marquet travaille avec Matisse pour le décorateur Marcel Jambon aux frises du Grand Palais à l’occasion de l’exposition universelle.

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1901

Première participation au Salon des Indépendants.

1902

Première exposition commune Marquet-Matisse à la toute jeune galerie Berthe Weill, rue Victor Massé à Paris. Marquet loue une chambre au 25 quai de la Tournelle d’où il peint une série d’absides de Notre-Dame.

1903

La famille Marquet déménage au 211 bis de l’avenue de Versailles, à proximité de la porte de Saint-Cloud. Il peint des vues sur les toits environnants depuis les fenêtres de l’appartement. Deux de ces vues sont aujourd’hui conservées au MuMa.

Marquet passe l’été en Normandie. Sillonnant la côte, il peint avec Manguin à la Percaillerie (Manche). Ce lieu-dit, sur la commune des Pieux, l’émerveille par sa nature sauvage. Matisse, retenu dans l’Aisne pour cause de maladie, ne peut les rejoindre.

Participation au premier Salon d’Automne où il expose trois de ses œuvres normandes : Une Falaise (n° 381), En Normandie (n° 382), La Barrière (n° 383).

1904

Marquet réalise, à la demande de l’écrivain Charles-Louis Philippe, une série de lavis pour l’illustration de Bubu de Montparnasse, finalement refusés par l’éditeur. Le MuMa conserve aujourd’hui plusieurs de ces dessins de rue, achetés par Olivier Senn puis donnés au musée par Mme Hélène Senn-Foulds en 2004. FIG

Au Salon d’Automne, l’État achète Les Arbres à Billancourt, conservé au musée de Bordeaux.

1905

Marquet emménage au 25 quai des Grands-Augustins où il commence une série des vues du quai en direction du pont Saint-Michel et de Notre-Dame. FIG

Invité par Manguin sur la Côte d’Azur, Marquet s’installe sur le port de Saint-Tropez où Camoin le rejoint.

Participe à l’exposition de la Société des Amis des arts du Havre avec Paysage à Saint-Tropez et Port de Saint-Tropez.

Un contrat d’exclusivité, signé avec la galerie Druet à Paris, lui assure un certain confort financier.

Au Salon d’Automne, il participe au scandale des fauves, suscité par les toiles aux grands aplats de couleur pure présentées par Camoin, Derain, Dufy Manguin, Matisse ou Vlaminck. Marquet est le plus modéré de ces artistes.

Au Salon des Indépendants, l’État lui achète Notre-Dame au soleil, aujourd’hui déposé au musée des beaux-arts de Pau.

1906

Eugène Druet ne peut garder l’exclusivité du contrat avec Marquet et doit le partager avec la galerie Bernheim-Jeune. Expose au Salon des Indépendants.

Le 13 mai, mort de son père.

Marquet participe à la première exposition du Cercle

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de l’art moderne au Havre avec deux œuvres : Quai des Grands-Augustins, temps gris et Quai des Grands-Augustins, brouillard. Logé chez le critique G. Jean-Aubry, secrétaire du Cercle, Marquet visite l’exposition. FIG Rentré à Paris, Marquet revient au Havre en juillet où il séjourne à l’hôtel du Ruban bleu. Il y retrouve Dufy, avec lequel il peint de concert. Sensiblement du même âge, ils parcourent la Normandie, de Trouville à Fécamp en passant par Honfleur.

Participation au Salon d’Automne, avec huit toiles, dont cinq réalisées en Normandie cette année-là : 14 juillet, Trouville, Bassin du Havre, Port de Fécamp et Plage de Fécamp Le 29 décembre, Le Port de Fécamp, est acquis par l’État et déposé, à la demande de l’artiste, au musée du Havre. Le conservateur, Alphonse Lamotte, qui s’était déjà farouchement opposé à l’acquisition trois ans plus tôt des deux toiles de Pissarro, trouve là un nouveau cheval de bataille et n’a de cesse de s’en débarrasser. Cédant finalement aux injonctions de Lamotte, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-arts demande donc en 1913 la restitution de l’œuvre avant de l’attribuer au musée de Quimper, privant le musée du Havre d’une belle œuvre fauve.

1907

Février : Première exposition monographique à la galerie Druet avec 39 œuvres dont neuf vues normandes : Port du Havre, deux Bassin du Havre, Bassin du Havre, 14 juillet, Le Havre, Rue du Havre, Plage du Havre, Trouville et Port de Fécamp Visite en avril Londres en compagnie de Camoin et Friesz. Il y retournera en juillet.

En mai juin, participation à la seconde exposition du Cercle de l’art moderne au Havre avec Dessus de toits et Notre-Dame Il vend ses deux toiles grâce à G. Jean-Aubry, cofondateur du Cercle de l’art moderne.

Le 25 août, décès de sa mère, qui a toujours cru en son talent et a tout mis en œuvre pour encourager sa carrière artistique.

En novembre, il expose Étude au XXX, Groupe d’Artistes et de Littérateurs Indépendants, à la galerie Legrip à Rouen où il côtoie Derain, Dufy, Friesz, Matisse ou Prunier.

1908

Début janvier, Marquet emménage dans l’atelier quitté par Matisse, au 19 du quai Saint-Michel à Paris. Présente deux peintures (Quai Bourbon et Pont-Marie) et deux dessins, (Barques et Nu) à la 3e exposition du Cercle de l’art moderne au Havre (juin). En juin juillet, voyage en Italie, avec Manguin.

1909

En juin, 4e exposition du Cercle de l’art moderne avec Pont Saint-Michel, neige et Pont Saint-Michel, fin de neige. Séjour en Allemagne (Hambourg, Berlin).

1910

Le collectionneur russe Sergueï Chtchoukine achète plusieurs de ses œuvres à la galerie Druet. Rencontre avec George Besson qui devient un de ses collectionneurs et

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critiques.

Expose à la Société Manès à Prague, puis en mars à la Libre Esthétique à Bruxelles.

1911

Installé à la ferme Saint-Siméon à Honfleur, il peint plusieurs vues du petit port normand. Il envoie le 22 juin une carte enthousiaste à Camoin. Il expose au Salon d’automne plusieurs toiles dont Le Port de Honfleur

1912

En mai, séjour de Marquet à Rouen où, installé à l’hôtel de Paris, sur le quai de Paris, il étudie les effets de pluie. Après être retourné à Paris, il revient à Rouen fin juin. Il y est rejoint par Matisse en juillet. Aux Indépendants, il expose deux toiles dont Honfleur (le port).

Il revient à Rouen en octobre finir les toiles entreprises cet été.

Arthur Hahnloser achète le Port du Havre (vers 1911) d’Albert Marquet.

1913

Expose à la galerie Druet du 31 mars au 12 avril, 47 œuvres dont 15 vues normandes réalisées à Honfleur en 1911 (Soleil, Marée basse, Bateaux de pêche, Marée basse et Bassin) et Rouen en 1912 (Pont Boïeldieu, pluie, Quai de Paris, pluie, Quai de Paris, deux Pont transbordeur, Quai de Paris, temps gris) et 1913 (deux Quai de Paris, temps gris, Quai de Paris, pluie et Quai de Paris, soleil).

1914

Séjour aux Pays Bas. Mobilisation générale en France. Marquet est réformé.

1917

À la suite d’une vente de tableaux au profit de la Fraternité des artistes, Marquet est invité avec Matisse à déjeuner chez Monet à Giverny.

1918

Expose au Salon de Rouen Quai de Rive-Neuve (Marseille), et deux Quai de Marseille

1920 Premier séjour en Algérie.

1921

Expose au Salon de Rouen Paysage à Samois.

1923

À Alger, mariage avec Marcelle Martinet, écrivain qui publiera sous le pseudonyme de Marcelle Marty. Le couple partage désormais son temps entre Alger où il passe l’hiver, et la France ou l’étranger.

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1 Carte postale non datée envoyée par Marcelle Marquet à Camoin. Archives Camoin.

1925

Séjour en Norvège à l’invitation de Walter Halvorsen, peintre, ancien élève de Matisse et critique d’art, qui organise des expositions de peintres français en Suède et en Norvège.

1926 Marquet est célébré à la XVe exposition internationale de Venise, avec l’exposition de quinze de ses œuvres.

1927

Croisière en Méditerranée (Italie, Sicile, Grèce, Constantinople, Beyrouth).

De juin à août, séjour en Normandie où, conseillé par Signac, le couple Marquet s’installe dans une pension de Vieux-Port (Eure), en bordure de Seine. Camoin et Georges Besson leur rendent visite. Il pleut beaucoup et le couple se déplace à Rouen. Pour changer de point de vue, ils vont jusqu’à Canteleu où Marquet peint des vues presque identiques qui se distinguent toutefois par la luminosité ou la présence humaine plus ou moins importante. Lassés de la pluie, ils rejoignent Saint-Jean-de-Luz. Court séjour à Honfleur1

1928 Voyage en Égypte. Expose à la galerie Druet du 30 avril au 11 mai, 62 œuvres dont 10 vues normandes réalisées dans les environs de Rouen (Vieux-Port. La Terrasse, deux Vieux-Port. La Seine, VieuxPort. L’église ; Vieux-Port. Le matin ; Canteleu. Après-midi de soleil ; Canteleu. Brouillard ; Canteleu. Temps gris ; Vue de Rouen dans la brume ; La Seine et la forêt de Brotonne).

1931

Exposition commune de Marquet et Camoin au musée de Rouen, en mars. Acquisition de l’appartement du 1 rue Dauphine à Paris, « à cause des fenêtres » donnant sur le Pont-neuf, l’île de la Cité et Notre-Dame.

1933

Croisière à travers la Méditerranée, la mer Noire sur le Danube d’où il rapporte nombre de dessins et aquarelles.

1934

Voyage en URSS. Arrivée au Havre à la mi-septembre. Mme Druet leur écrit « je vous rappelle que M. O. Senn pourrait donner à votre mari des facilités de travail dans le port ». Ils s’installent durant trois semaines à l’hôtel Continental face à l’avantport du Havre.

1935

Acquisition par le musée du Havre de l’œuvre L’Anse des pilotes du Havre. Le musée de Strasbourg achètera, l’année suivante, à l’artiste une toile de la même série. Expose à la Société des artistes rouennais, Canteleu (brouillard)

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Départ l’hiver pour la Suisse où il passe plusieurs mois. 1936 : Entrée de quatre œuvres de Marquet dans les collections du musée du Havre grâce au legs Marande : Quais de la Seine à Paris, Le Port de la Ponche, Saint-Tropez et Vue d’Agay, les rochers rouges, ainsi qu’un dessin Le Pont transbordeur à Rouen.

1937

Séjour de Marquet à Dieppe.

1938

Séjour de deux mois à Stockholm. Une exposition des œuvres réalisées à cette occasion est organisée à la Svensk Franska Konstgalleriet.

1940-1945

Inquiété après avoir signé la protestation des artistes et intellectuels contre le nazisme, Marquet part en Algérie en septembre 1940 et y demeure durant tout le conflit entre Alger et Djenan Sidi-Saïd. Les toiles de son atelier parisien sont sauvées par Louis Martinet, oncle de Marcelle Marquet, et réparties dans les appartements d’amis.

1945

Retour des Marquet en France. Le peintre adhère au Parti Communiste Français. Le 4 août, un décret le nomme « peintre honoraire du département de la Marine ».

1947

Diminué par la maladie, mais ne pouvant résister à la vue de Paris sous la neige, Albert Marquet peint ses dernières toiles en février. Il meurt à Paris, son « port d’attache », le 14 juin.

1949

Exposition Marquet au musée de Rouen.

2004

Entrée de 27 œuvres (22 dessins et 5 peintures) de Marquet dans les collections du MuMa-Musée d’art moderne André Malraux grâce à la donation par Mme Hélène SennFoulds de la collection héritée de son grand-père Olivier Senn.

2015

Le don Pierre-Maurice Mathey fait entrer dans les collections du MuMa trois nouvelles peintures de Marquet, issues de la collection d’Olivier Senn : Pivoines, Pont SaintMichel à Paris et La Baie d’Alger FIG

2019

Acquisition de Le Havre, le bassin par le MuMa, deuxième œuvre de Marquet achetée par le musée du Havre sur les 37 que comptent les collections.

2022

Don sous réserve d’usufruit de Notre-Dame de Paris sous la neige, 1916.

2 Carte postale non datée envoyée par Marcelle Marquet à Camoin. Archives Camoin.

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