POPULARITÉ DE JEAN-CHRISTOPHE DANS LES CLASSES Les textes de Rolland sont fortement représentés dans l’ensemble du matériau pédagogique de l’enseignement primaire, qu’il s’agisse d’extraits étudiés dans les manuels scolaires, de sujets de leçons proposés dans les revues professionnelles ou de dictées trouvées dans les cahiers d’élèves. Les sources font état de classes de filles comme de garçons, d’écoles rurales comme urbaines, de l’enseignement public comme de l’enseignement confessionnel, et même de l’enseignement professionnel. Jean-Christophe est, sans surprise, l’œuvre la plus largement étudiée, notamment le premier tome, « L’Aube », qui raconte l’enfance du jeune musicien. On en trouve la première occurrence dès 1910 dans un cahier d’élève, alors que le cycle romanesque n’est même pas achevé (il ne le sera qu’en 1912) ! Une extrême contemporanéité que l’on retrouve pour les manuels scolaires, où le premier extrait figure dès 1911.
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On peine aujourd’hui à imaginer l’extrême popularité dont jouit Jean-Christophe dans les écoles : le jeune héros est alors aussi célèbre que le personnage de Cosette de Victor Hugo ! Cet enfant solitaire, rêveur et artiste, tout autant que turbulent et révolté, charme les écolières et les écoliers qui ont le même âge que lui. Les difficultés de la vie ne lui sont pas épargnées et ne manquent pas dans les extraits retenus. C’est tout autant par leurs valeurs littéraires (la beauté des textes), psychologiques (la qualité du récit de l’enfance) que morales (l’adversité dans la souffrance) que les textes de Rolland entrent en résonance avec les attentes du corps enseignant et leurs pratiques pédagogiques. Un message éducatif qui passe également par la qualité des illustrations accompagnant les textes, celles-ci jouant désormais une part importante dans l’appareil didactique. Outre les vignettes des manuels, les deux adaptations pour enfants de Romain Rolland réalisées dans l’entre-deux-guerres font appel aux plus grands illustrateurs scolaires : Pierre Rossi pour L’Enfance de Jean-Christophe publié dans le recueil « Éditions de la Jeunesse » de L’École émancipée (1928), l’Elbeuvien Raylambert pour les deux manuels de lecture de Marguerite Hélier-Malaurie (1932).
[Ces] lectures ont été expérimentées dans plusieurs classes de cours élémentaire et […] l’enthousiasme qu’elles ont soulevé autorise le plus large espoir. Dans ces classes, on aime Jean-Christophe, on en parle comme d’un ami, même on l’a réclamé chaque fois qu’un jour s’achevait sans sa présence. Lettre de la directrice d’école Marguerite Hélier-Malaurie à Romain Rolland, 8 février 1932.