En 2016 et 2017, j’ai suivi une microbiologiste et son équipe de géologues sur les hauts plateaux d’Islande. Plus précisément dans le nouveau champ de lave d’Holuhraun. Les routes de ces hauts plateaux sont essentiellement faites de roches concassées. Elles mènent à un paysage dépourvu de toutes les infrastructures auxquelles nous sommes habitués.
Je photographie ici un géologue travaillant sur le nouveau champ de lave d’Holuhraun. Bien que la plupart de mes projets des 7 ou 8 dernières années aient été réalisés sans appareil de prises de vue, je fais aussi certaines images. La photographie et la géologie ont beaucoup en commun : observer, collecter, enregistrer et catégoriser. On retrouve toutes ces opérations dans les deux domaines.
In 2016 and 2017 I followed a microbiologist and her team of geologists to the highlands of Iceland. More specifically to the new lavafield Holuhraun. Roads leading into the highlands are basically rocks that have been pressed into the shape of a road. It’s leading into a landscape that is void of all the infrastructure that we are so accustomed to in cities.
In this image I am photographing a geologist working on the new lava field, Holuhraun. Although most of my photographic projects the last 7 or 8 years have been done without a camera I do also take photographs. Photography and geology have a lot in common. To observe, collect, register, and categorize. These are all processes present in both fields.
Cette image montre le plus grand cratère de l’éruption d’Holuhraun. Il s’agissait d’une éruption fissuraire : le magma est sorti lentement de petites fissures dans le sol qui se sont finalement transformées – sur une période de 6 mois – en une succession de petits cratères. Le champ de lave est assez grand et couvre une superficie de 85 kilomètres carrés. Le cratère fume toujours, émettant de la chaleur depuis les profondeurs de la terre, encore deux ans après son éruption.
Dans les roches, on trouve différents minéraux de différentes couleurs. Sur ce gros plan du cratère principal de l’éruption d’Holuhraun, on distingue beaucoup de rouge et de jaune. La présence du rouge permet de déterminer facilement une forte teneur en fer alors que la couleur jaune indique qu’il y a aussi du soufre. J’en suis venue à comprendre le paysage islandais comme un grand corps qui respire, et dans ce processus, à reconsidérer ma relation à la nature.
This image is from the biggest crater of the Holuhraun eruption. It was a fissure eruption, meaning that the magma came out slowly from smaller fissures in the ground, that eventually (over the period of 6 months) developed into a succession of small craters. The lava field is rather big covering an area of 85 square kilometers. Notice how the crater is still steaming, emitting heat from deep within the earth, still two years after it erupted.
In rocks you find different minerals that have various colours. In this close up from the main crater from the Holuhraun eruption you see a lot of red and yellow. Because of the red colour you can easily determine that there is a high content of iron and because of the yellow colour you can determine that there is sulphur in it too. I have come to understand the Icelandic landscape like a big breathing body. The landscape becomes body becomes landscape and, in this process, I renegotiate my relation to nature.
Un nouveau champ de lave tel que celui d’Holuhraun est, comme on le voit sur cette image, un tas de magma solidifié, empilé, et que nous appelons roche. Lorsque la lave est aussi fraîche que celle visible sur cette image, elle est couverte d’aspérités et cassante. Marcher sur ce type de lave, qui constitue aussi le matériau de base de notre planète, s’avère une expérience très particulière. A new lava field like Holuhraun is like you see in this image a lot of piled up solidified magma, that we call lavarock. When lava is so young as on this image, it is very spiky and brittle. Walking on this kind of lava, that is also the basic building blocks of our planet, is a very peculiar experience.
Cette microbiologiste travaille dans le champ de lave. Elle collecte des échantillons qui permettent d’en savoir plus sur l’état de la terre. Tout le monde sait aujourd’hui que l’équilibre écologique de la terre est sous pression et c’est la raison pour laquelle les scientifiques collectent ces données. This is a microbiologist at work in the lava field Holuhraun, Iceland. She is collecting samples, to give us more knowledge about the condition of the earth. Everybody knows today that the ecological balance of the earth is under pressure, so scientists are busy collecting data.
Veronika Geiger Hraun L’artiste s’explique sur le travail qu’elle mène avec les scientifiques et qui aboutira à la série présentée dans le cadre de cette exposition. The artist explains the work she is doing with scientists, which will result in the series presented in this exhibition.
Ce géologue assiste la microbiologiste dans son travail de terrain à Holuhraun. Pour prélever des échantillons de pierre à partir d’un gros bloc rocheux, il faut percer un morceau de la roche à l’aide d’un outil spécial. Une personne opère également derrière le géologue pour projeter de l’eau dans le foret afin d’éviter qu’il ne devienne trop chaud pendant le forage de la pierre. Here is another busy scientist. He is a geologist who was assisting the microbiologist in her fieldwork at Holuhraun. To make stone samples from a large boulder, you must drill out a piece of the rock with a special tool, like you see in the image. There is also a person standing behind the geologist pumping water into the stone drill, to avoid it from getting too hot while drilling into the stone.
Il s’agit d’un échantillon qui a été découpé dans la foreuse à pierre. Le but de la recherche de la microbiologiste est de s’interroger sur le développement possible d’une vie microbienne à environ 10 cm sous la surface de la roche. Elle a donc prélevé des échantillons dans le nouveau champ de lave et dans les anciennes coulées de lave des hauts plateaux d’Islande, afin de comparer les informations. Un processus très méticuleux : chaque détail a son importance pour, au final, se forger une idée d’ensemble. This is how a sample looks that has been cut from the stone drill. The research focus of the microbiologist was to examine if there is microbial life growing about 10 cm under the surface of the rock. So, she was collecting samples, like this one, from both the new lava field and older lava flows in the highlands of Iceland comparing the data. Her process was very meticulous where every little detail mattered, to in the end, say something about the bigger picture.
Cette image a été prise lors d’une excursion sur les hauts plateaux islandais, en 2017, au cours de laquelle la microbiologiste a effectué un travail de terrain sur une ancienne coulée de lave afin d’en comparer les échantillons avec ceux d’une nouvelle coulée. Comme on peut le voir dans ces vastes paysages, les humains ne sont que de petits points insignifiants. Ce qui fait ressortir notre vulnérabilité et notre interdépendance. This is from a field trip to the Icelandic highlands in 2017 where the microbiologist is doing her field work on an older lava flow to compare the samples from the new lava field Holuhraun. As you can see the perspective is big in these landscapes and humans become like little insignificant dots in a vast landscape. It brings out human vulnerability and how interdepended we are on one another.
Il s’agit du matériau de base de mon projet Hraun : une fine section qui est utilisée sous un microscope pour rechercher la composition chimique et la structure interne des roches de lave. Cette coupe est utilisée en pétrologie et en minéralogie optique. La roche est collée avec de l’époxy sur un morceau de verre et poncée jusqu’à ce qu’elle devienne transparente. Elle forme un visuel en positif, mais les images que je conçois à partir de ce type de diapositives sont des négatifs. Cette diapositive a été réalisée au Earth Science Institute de l’Université d’Islande : la roche de lave n’a que deux ans. This is the source material for the project Hraun. It is a thin section that is normally used for researching the chemical composition and internal structure of lava rocks under a microscope. A thin section is used in petrology and optical mineralogy and is a thin slice of rock that is glued with epoxy onto a piece of glass and sanded down until it is transparent. The slides are a positive and the images made from the slides are negatives. This slide was made at the Earth Science Institute at the University of Iceland. At the time it was made, the lava rock was only two years old.
Gros plan de l’une des images de la série Hraun. On remarque de petites bulles noires : ce sont des bulles de gaz qui sont apparues pendant la formation de la roche de lave. Close up of one of the images from the series Hraun. Notice the little black bubbles. These are gas bubbles that formed during the formation of the lava rock.
Je développe ici l’une des images de la série Hraun. Tout comme les processus chimiques qui ont lieu pendant la formation d’une roche de lave, mes images réalisées dans la chambre noire reposent sur une chimie. Le processus de création photographique est associé ainsi aux processus géologiques de formation des roches ; ces processus liés au temps sont tous deux présents dès les débuts de la photographie et en géologie. Travailler avec la photographie dans la nature islandaise a mis l’accent sur ce facteur temps et sur des questions d’échelle. Le temps que met une roche à s’éroder par rapport à une vie humaine en souligne l’énorme contraste. Si nous pouvons percevoir la vie humaine dans sa durée, appréhender le début et la fin, l’échelle du temps géologique se situe au-delà de notre compréhension. Travailler dans le champ de lave d’Holuhraun m’a permis d’enrichir ma notion du temps et mis en perspective le caractère éphémère de la vie humaine. Here I am developing one of the images from the series Hraun. Like the chemical processes that take place during the formation of a lava rock, my images are made in the darkroom, where chemical processes make up the image. I’m interested in connecting my making process with the geological processes in rock formation, whether it is a chemical - or a time related process, they are both present in the beginning of photography and in geology. Working with photography in Icelandic nature has put time and scale into focus in my work. The time it takes a rock to erode put in relation to human lifetime shows the big contrast of timescales. We can perceive the human life as a timeline with a beginning and an end whereas the geological timescale is beyond our comprehension of perceived time. Working in the lava field, Holuhraun in Iceland these different timescales collapse and create a feeling of layered time. It expanded my notion of what time is and put ephemerality of human life into perspective.