L’école d’art du Havre sous
Charles
Lhullier
Quand Charles Lhullier est appelé en 1871 à succéder à son ancien maître, Jacques François Ochard, à la tête de l’école de dessin du Havre, l’effectif est tombé à vingt élèves “incapables de faire autre chose que des copies”. Lhullier réorganise profondément l’école, y introduit l’étude d’après le modèle vivant en 1880 et l’installe dans les locaux du 44 rue Jules Lecesne l’année suivante. Les effectifs atteignent 217 élèves en 1894. Jusqu’à sa mort, en 1898, Lhullier y enseigne le dessin artistique. Véritable “éveilleur de personnalités”, il prend soin de ne pas contrarier le caractère de ses élèves, au premier rang desquels Othon Friesz et Raoul Dufy. La plupart des élèves de l’école n’embrassent toutefois pas une carrière artistique et fréquentent l’école pour s’exercer à la fois l’œil et la main avant de devenir des artisans ou des ouvriers. Parmi la cinquantaine d’anciens élèves identifiés, combien de fortunes diverses ! Plusieurs poursuivront leur formation à l’École nationale des Beaux-arts de Paris, parfois aidés par une bourse municipale, (Dufy, Friesz, Lecourt, Prunier et René de Saint-Delis), ou à l’Académie Julian (Vieillard ou Henri de Saint-Delis). Nombreux sont ceux qui ne peindront qu’en amateurs, même si c’est parfois en amateurs éclairés (Jules Ausset, Marcel Bénard, Paul Bofils, Charles Bunel ou Georges Dufour…). Seuls quelques-uns pourront vivre de leur peinture, certains se spécialisant comme peintres animaliers (Georges Fauvel, Frédéric Rötig ou Raymond Lecourt), d’autres exerçant comme peintres décorateurs (Albert Roussat, Louis Saraben). Maints s’essaient à l’illustration. Géo Dupuis et Maurice Millière y assoiront leur réputation. D’autres encore exploreront les voies de la photographie (Jules Lalouette, Charles Potier) ou de la caricature (Albert-René, LouisArthur Soclet). En 1906, dix des anciens élèves de Lhullier contribuent à former au Havre le Cercle de l’art moderne : Jules Ausset, Raoul Dufy, Géo Dupuis, Othon Friesz, Raymond Lecourt, Gaston Prunier, Albert Roussat, Henri et René de Saint-Delis et Maurice Vieillard. Sans compter Maurice Lesieutre, critique d’art, qui rédige la préface du premier catalogue des expositions du groupe et Robert Vallin, présent à l’une des expositions du Cercle sans en être membre fondateur. Ils contribuent par cette expérience à faire du Havre d’avant-guerre un foyer culturel de premier plan en province.