Triangle 1989, 153 x153 x16, bois et néon
Mitsouko Mori, à la fin des années 80, se lance dans l’expérimentation d’un nouveau médium : Le tube néon. Associé tour à tour au bois, au plexiglas, l’artiste développe alors, une autre stratégie plastiquequi demeure toutefois dans « une réflexion sur les formes primordiales, élémentaires de la géométrie… » L’utilisation de ce medium ordinaire devenu élément plastique inédit du milieu du 20è siècle, atteste chez Mitsouko Mori cette volonté de s’inscrire dans son temps et d’être toujours tournée vers l’avenir, toujours prête à se réinventer. Elle offre ici, une autre lecture de son travail formel. Le tube fluorescent, affirme, énonce avec rigueur, trace les contours lumineux de ces pièces « lumière », fidèles à l’abstraction géométrique, territoire familier de la plasticienne. Les créations éclairent et s’éclairent, prennent vie dans l’obscurité ambiante des lieux d’exposition. Ce Triangle équilatéral « éclairé-éclairant », possède trois angles à 60° et contient lui-même quatre triangles égaux, plus petits. Il s’élève pointe vers le haut et est composé de cinq néons contenus dans la forme globale. Ces néons tracent chacun un circuit fermé, autonome. Celui du centre, le plus grand, s’éclaire d’une lumière bleue plus soutenue autour duquel s’organisent symétriquement les quatre autres de tailles décroissantes : deux blancs et les deux des extrémités, triangles rectangles, de couleur rouge. Cette œuvre fut conçue en 1989 en hommage au bicentenaire de la révolution française.
La symbolique de ce triangle parfaitement équilibré évoque l’unité, la stabilité, l’élévation concrète ou spirituelle, la perfection, voire une forme de dépassement de la dualité d’un monde binaire : ciel/ terre.
Il
suggère
l’existence peut-être aussi d’un lien intermédiaire pour une lecture plus spirituelle du monde. On ne peut oublier la place prépondérante qu’il occupa dans l’ésotérisme de l’Egypte antique. Force transcendantale qui dépasse la matière. Le bleu, couleur du sacré dans l’histoire des arts, s’élève au centre de cette pièce de 1989. La gamme chromatique symbolise sans équivoque la république française. La composition et la lumière peuvent aussi faire écho dans notre inconscient collectif à l’art des vitraux. Une manière possible pour Mitsouko Mori de revisiter Le Vitrail, de manière contemporaine et d’ honorer à sa façon, l’artisanat d’art de ces grands maitres verriers, artisans funambules oscillant entre le ciel et l’ombre, ces « Passeurs de lumière » comme les a nommés l’auteur et historien, Bernard Tirtiaux dans l’ouvrage qu’il leur a consacré. En parcourant ces œuvres sobres et porteuses de lumière, l’atmosphère si particulière qui règne à la Chapelle Mark Rothko de la Tate Gallery, à Londres n’est pas si loin ! Aussi, les plus jeunes spectateurs y reconnaitront peut-être le sapin éclairé des noëls de l’enfance. Ici, l’art de Mitsouko Mori nous éclaire ! tout n’est que : Simplicité. Grace. Elégance et joie… Isabelle Aubert, 2021.