Un roman encyclopédiQUE Bouvard et Pécuchet Chaque livre de Flaubert est une encyclopédie, au sens étymologique : une somme de ce qu’on peut savoir, à son époque, sur la psychologie féminine, le monde antique, la Révolution de 1848 ou les hérésies aux origines du christianisme. Plus que les autres, le roman inachevé Bouvard et Pécuchet manifeste cette volonté de totalisation. Flaubert emploie systématiquement le mot pour faire comprendre à ses correspondants le livre insensé qu’il a entrepris : « une espèce d’encyclopédie de la Bêtise moderne », « une espèce d’encyclopédie critique en farce ». La farce est introduite par les personnages de Bouvard et Pécuchet, deux copistes qui profitent de leur retraite pour partir à l’assaut du savoir. Certes, ils manquent de méthode et de compétence, mais leur candeur est l’occasion de révéler à la fois la bêtise de ceux qui prétendent détenir la Vérité et les contradictions des discours scientifiques. Bouvard et Pécuchet est un livre fait de livres, comme les précédents, à la différence toutefois que ceux-ci deviennent concrètement les matériaux de la fiction. Flaubert lecteur prend fréquemment des notes, depuis qu’il est collégien. Lire, noter, écrire sont trois opérations inséparables chez cet écrivain-chercheur qui s’intéresse à toutes les sciences susceptibles de nourrir la fiction. De même que les livres, en tant qu’objets, deviennent visibles dans Bouvard et Pécuchet, certaines des notes qui ont servi à élaborer le roman auraient dû paraître en fragments détachés dans un second volume, où le Dictionnaire des idées reçues – une sorte d’encyclopédie critique du langage social – avait sa place réservée. La mort est venue interrompre cet « infernal bouquin » que Flaubert présentait comme son « testament ».