Mention recherche /CONSTRUIRE ENSEMBLE

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Projet de fin d'études Tome II CRETIN GUILLAUME - PETIT THOMAS - POULAILLON Bérengère

BIFURKATION,

Pour une poétique du détour, de la mémoire et de l'habiter

Mention recherche POULAILLON Bérengère

CONSTRUIRE ENSEMBLE, Vers une collaboration entre l'habitant, l'architecte et l'artisan dans la dimension constructive de l'édification du cadre bâti

Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Grenoble Architecture et Cultures Constructives - juin 2016


Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Grenoble

Architecture et Cultures Constructives

PFE MENTION RECHERCHE - juin 2016

-

CONSTRUIRE ENSEMBLE

-

Vers une collaboration entre l'habitant, l'architecte et l'artisan dans la dimension constructive de l'édification du cadre bâti

-

POULAILLON Bérengère

Membres du jury : Directeur de mémoire : Anne-Monique Bardagot, Ethnologue, Docteur en Ethnologie, Maître assistant ENSA Grenoble. Enseignant de la thématique de master : Anne Coste, Architecte, Docteur en Histoire, Professeur HDR ENSA Grenoble. Enseignant d’une autre thématique de master : Philippe Liveneau, Architecte, Docteur en Architecture, Maître assistant ENSA Grenoble. Enseignant d’une autre thématique de master : Barbara Martino, Architecte, Maître assistante associée ENSA Grenoble. Enseignant d’une autre école : Olivier Balaÿ, Architecte, Docteur en Urbanisme et Aménagement, Professeur HDR ENSA Lyon. Personnalité extérieure : Alain Vargas, Architecte, Agence Tectoniques Architectes.


Equipe pédagogique ensa grenoble, ensa lyon

Equipe pédagogique Grenoble :

ENSA

Equipe Lyon :

pédagogique

ENSA

Master A&CC (Architecture et Cultures Constructives)

Master AA&CC (Architecture Ambiances et Cultures Constructives)

Enseignant porteur : Nicolas Dubus (Architecte, Ma. TPCAU)

Enseignants porteurs : Olivier Balaÿ (Architecte, Prof. TPCAU, HDR), Rémy Mouterde (Ingénieur, Ma STA, Docteur en Mécanique des structures)

Anne-Monique Bardagot (Ethnologue, Ma. SHS), Anne Coste (Architecte, historienne, Prof. HCA, HDR), Bruno Georges (Ingénieur, approche environnementale), Jean-Christophe Grosso (Architecte, mécanique des Structures, Ma. STA), Hubert Guillaud (Architecte, Ma STA, HDR), Karine Lapray (Ingénieur, éco-conception), Paul-Emmanuel Loiret (Architecte), Guillaume Pradelle (Architecte), Stéphane Sadoux (Urbaniste, Ma. SHS), Olivier Zanni (Ingénieur, énergie).

Amilcar Dos Santos (Architecte), Guillaume Lafont (Programmation),Vincent Dubreuil (Economiste), Karine Lapray (Ingénieur, éco-conception), Samuel Tochon (Acousticien).

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Remerciements

Je remercie celles et ceux qui m'ont accordé du temps pour discuter, débattre et enrichir le contenu de ce travail.

une atmosphère sereine, bienveillante et ressourçante pour la pensée et l'écriture de ce travail.

Merci à mes camarades et amis Thomas et Guillaume, en compagnie de qui j'ai passé cette belle année, intense mais passionnante. Je pense tout particulièrement à nos heures de discussions et de débats enrichissants, pour trouver ensemble la meilleure manière de concevoir notre projet de PFE.

Enfin merci à mes parents, mes soeurs et mes amis pour la richesse de nos dicussions, les moments d'échange et de détente qui ont contribué depuis toutes ces années à me construire et me donner matière à penser.

Merci au laboratoire CRAterre et son équipe, sans lequel je n'aurai pu effectuer cette recherche. Merci à Anne-Monique Bardagot pour la bienveillance dont elle fait part à mon égard depuis maintenant deux ans, ainsi que pour son écoute et ses diverses relectures lors de l'écriture de ce mémoire. Merci aux architectes Stéphane Fuchs et Michael Osswald d'avoir pris de leur temps pour me faire visiter leurs projets et me transmettre avec entousiasme et passion leur vision du métier d'architecte. Merci aux habitants, artisans et architectes, Loïc Daubas, Mickaël Rivron, Boris Nauleau, Johan Desprès, Elsa Cauderay, Catherine Lavallez et Olivier Krumm qui m'ont fait part de leurs expériences, de leurs doutes mais aussi de leur engouement quant à l'intégration de la MOA dans la phase constructive d'un chantier. Je porte une attention particulière à mes collocataires et amis du 70 C.B et du 28 R.I. qui ont contribué à donner à ces lieux CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016

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Résumés

TOME I - Mémoire de PFE

TOME II - Mémoire Mention Recherche

Ce Projet de Fin d’Étude, situé dans un quartier en transition de l’agglomération grenobloise, s’effectue dans le cadre de la création de la zone d’aménagement concertée (ZAC) Flaubert, inaugurée par la municipalité en 2005. Il s'intéresse à la question de la mémoire et de la participation dans une ancienne friche industrielle caractérisée par un entremêlement d’usages et de formes bâties.

Ce travail de recherche a été effectué en liaison avec le projet de fin d'étude BIFURKATION conçu collectivement. Par un entremêlement entre recherche théorique et analyse d'un corpus de projets, il était question de nourrir les projections prospectives effectuées collectivement avec mes deux camarades Thomas Petit et Guillaume Cretin et de tenter de mettre à l'épreuve au coeur de notre site d'étude, la ZAC Flaubert à Grenoble, certain résultats trouvés.

Afin de cadrer notre champ d’actions au coeur de ce large tissu urbain développé sur 90 hectares, une focalisation est effectuée sur un îlot en particulier, l’îlot Bifurk. En connexion directe avec le corridor végétal qu’est le parc Flaubert, le projet propose une BIFURKATION, une alternative au parc pour pénétrer dans un tissu mêlant bâti existant et projection. Pour favoriser une poétique du détour nous tentons, par un traitement paysager étendu à l’ensemble de l’îlot et par des interventions architecturales ponctuelles, de faire pénétrer le passant dans un tissu riche d’ambiances, convoquant les sens et étant attentif au partage comme au bien être de chacun.

Afin que CONSTRUIRE ENSEMBLE donne matière à réflexion, cette recherche porte une attention particulière à la collaboration entre l'habitant, l'architecte et l'artisan dans la dimension constructive de l'édification du cadre bâti. Pour cela il semblait nécessaire de comprendre le rôle, la responsabilité ainsi que l'implication de chaqun de ces acteurs dans des projets qui souhaitent faire participer la maîtrise d'ouvrage à la phase constructive d'un projet. Pour tenter de répondre aux questionnements soulevés, pour s'ancrer dans une réalité certaine ainsi que pour m'ouvir davantage à la pratique du métier d'architecte, des habitants, architectes, artisans et assistant à maîtrise d'ouvrage ont été rencontré.

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Sommaire -

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Introduction

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Méthodologie

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Corpus

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1. Réflexions sur la manière de CONSTRUIRE ENSEMBLE 19 1.01.

Revaloriser le chantier

20

1.02.

Des rôles à redéfinir

21

1.02.1. 1.02.2. 1.02.3.

1.03.

Architecte/ La MOE Artisans/ Les entreprises Habitants/ MOA

21 23 27

ÉCLAIRER QUELQUES NOTIONS

32

1.03.1. 1.03.2. 1.03.3. 1.03.4. 1.03.5. 1.03.6. 1.03.7. 1.03.8. 1.03.9.

Une posture d’esprit Vers un langage commun La temporalité L'emprise spatiale La disponibilité Des modes constructifs adaptés Le cadre législatif Investissement des municipalités AMO : Assistant à Maîtrise d'Ouvrage

32 32 33 35 35 36 37 37 38

2. Une mise à l’épreuve : le projet BIFURKATION implanté sur la ZAC Flaubert 41 2.01.

Le site d'étude

42

2.02.

La volonté du MOA de la ZAC

42

2.02.1. 2.02.2. 2.02.3.

QU’EST CE QU’UNE ZAC ? Le cas particulier de la ZAC Flaubert La concertation au coeur de la ZAC

42 43 43

2.03.

Posture urbaine proposée dans la ZAC Flaubert

44

2.04.

Proposition hypothétique pour Bifurkation

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3. ANALYSES DE PROJETS où la MOA prend part à la phase constructive 46 3.01.

COOPÉRATIVES RUE SOUBEYRAN

47

3.01.1. LES COOPÉRATIVES LUCIOLE ET ÉQUILIBRE AU CŒUR DE LA PHASE DE CONCEPTION 52 3.01.2. ATBA ET LE CHANTIER RUE SOUBEYRAN 55 3.01.3. LES HABITANTS DE SOUBEYRAN AU CŒUR DU CHANTIER 58

3.02.

GREENOBYL

3.02.1. 3.02.2. 3.02.3.

3.03.

TROIS FAMILLES AU CŒUR DE LA PHASE DE CONCEPTION G. STUDIO ET LE CHANTIER GREENOBYL LES HABITANTS DE GREENOBYL AU CŒUR DU CHANTIER

ÉCOLE MATERNELLE DE FÉGRÉAC

3.03.1. 3.03.2.

62 65 67 70

76

UNE MAÎTRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE AU CŒUR DE LA PHASE DE CONCEPTION 79 L’AGENCE DAUBAS & BELENFANT ET LES ACTEURS DE L’ÉCOLE DE FÉGRÉAC AU CŒUR DU CHANTIER 81

Conclusion

87

Bibliographie

92

Iconographie

97

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Introduction -

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Dans les projets architecturaux proposant une élaboration du cadre bâti avec la participation ou la coopération des différents acteurs de la construction, une multitude d’étapes existent, depuis la constitution d’un groupe d’habitants à l’acquisition des clefs qui permettront d’ouvrir les portes de son chez-soi. C’est l’étape bien précise, la phase du chantier envisagée de manière collaborative, qui fait l’objet de la recherche. Pratiqués depuis plusieurs années en parallèle de mes études, les chantiers participatifs ont aiguisé ma curiosité à l’égard de la dimension constructive. La phase de chantier et la dimension constructive sont d’une richesse qui mérite d’être explorée davantage. Un processus collaboratif est très complexe, et nombre d’auteurs s’y sont penchés, tentant de répondre à leur manière comment intégrer ou non les habitants dans un processus de projet architectural, et si oui, quelles méthodes engager pour y parvenir. Il ne s’agit pas de révolutionner une manière de penser ou d’opérer par des projets comme ceux là, mais de prolonger une réflexion à l’égard de l’acte du Faire et de cette phase si importante pour moi qu’est le chantier. Le mémoire que j’ai développé en master 1 s’est concentré sur ce sujet. En proposant un éloge du Faire, j’avais la volonté de replacer le chantier et la dimension constructive qu’il représente au cœur du processus de conception architecturale. Il était question de s’intéresser à la production du cadre bâti à travers le chantier, en l’abordant non pas comme la dernière phase découlant d’un projet mais comme processus en soi, participant au développement d’une

pensée architecturale. Pour cela j’avais axé mon mémoire d’une part sur des pédagogies qui prônent l’expérimentation et le chantier dans un contexte réel et d’autre part sur la pratique d’architectes dont la réflexion est dictée par la dimension constructive. Au sein de ce travail de recherche je souhaite continuer une réflexion focalisant le propos sur la temporalité du chantier en supposant que, de cette phase, peuvent émerger des réflexions quant à la pensée de la discipline architecturale et des différents acteurs qui contribuent à la faire vivre. Il s’agit de se nourrir de ce que peut apporter la phase de construction pour la pensée d’un processus où habitants, architectes, et artisans mettent en avant et évoquent l’émergence d’une grammaire constructive commune pour / du faire ensemble. À travers ce travail, je me saisis de questionnements soulevés au cours de discussions lors du Projet de Fin d’Études, au sein de la thématique de master Architecture & Cultures Constructives. Le site d’étude sur lequel, mes deux camarades, Guillaume Cretin, Thomas Petit et moi-même avons souhaité développer ce projet, est la ZAC Flaubert. Il est situé à Grenoble au cœur d’un site dont la fin de l’ère industrielle et le manque d’engouement d’un développement urbain dans ce secteur de la ville, laissa de grandes emprises spatiales délaissées et des friches tant paysagères qu’architecturales propices à de nombreuses projections. L’actuelle municipalité souhaite, à travers sa politique, injecter et développer au

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sein de ce nouveau quartier les postures à adopter « au service de la ville de demain ». Associer la participation habitante à la conception des projets est un des piliers de cette politique. Cette attention de la municipalité prend forme de différentes manières. Elle peut, par l’inscription, au sein de textes de lois, de normes qui dicteront la planification et l’édification de ce modèle, réajuster son Plan local d’habitat (PLH) et proposer des pistes quant aux droits et aux règles de ce modèle. Par des démarches concrètes, comme en inscrivant « l’habitat participatif comme piste alternative de production de logements à promouvoir»1 la municipalité envisage également de faciliter l’accès au foncier, comme dans le cas de la ZAC Flaubert, où certaines parcelles sont réservées à l’habitat participatif. Ainsi, la participation au delà d’une posture architecturale sur laquelle nous avions des questionnements, est donc apparue comme un paramètre à prendre en compte au sein du projet. Attachés à la manière de mettre en œuvre les projections que nous envisagions, nous nous sommes interrogés quant à la faisabilité d’un processus de participation tant dans la conception du projet que dans sa réalisation. Afin d’adopter la réponse la plus optimum, d’une part à la demande de la municipalité et d’autre part à nos aspirations personnelles, il était pour nous important de justifier nos choix quant aux décisions de conception et de mise en œuvre du projet. Lors d’un workshop sur les 1 Livre blanc de l’habitat participatif, 2011, p.47, http://www.habitatparticipatif.net/wp-content/ uploads/2015/04/LivreBlanc-HabitatParticipatif.pdf

énergies et l’économie, réalisé au cours du mois de janvier, nous avons fait part de nos souhaits concernant ces aspirations aux différents intervenants. Une discussion avec l’économiste, V.Dubreuil, nous a interpellés. Portant sur la dimension participative que l’on souhaitait injecter dans notre projet lors de sa construction, elle a soulevé le fait qu’un processus de projet qui souhaite mettre au cœur du projet les habitants est intéressant mais que les faire participer au processus de construction s’avère bien plus difficile qu’un processus « ordinaire». La mise en place d’un tel processus impose une redéfinition du rôle de chacun des membres et un attachement tout particulier à la notion de responsabilité. Il devenait ainsi important de préciser certains cadres. Le cadre social : avec qui ? Spatial : où ? Et temporel : quand, à quel moment du projet ? La participation en phase de conception peut permettre de définir ensemble ce que souhaitent les habitants, qu’il s’agisse d’aspects programmatiques, formels et constructifs que d’usages ou d’ambiances. Certains habitants, regroupés en coopérative, proposent à travers l’autopromotion une alternative à la gestion du cadre de production du logement. La participation en phase de construction est l’élément sur lequel je m’interroge. Un modèle existe-il déjà ? Qu’il s’agisse d’autoconstruction ou d’auto-finition, certains modèles présents dans la sphère privée du marché de la construction expérimentent la place de la maîtrise d’ouvrage au sein du chantier. Cependant comment mettre en place de tels modèles quand la maîtrise d’ouvrage est publique ? Dans le projet

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que nous proposons, deux natures de gestion des constructions sont présentes: du logement social et du logement en accession. C’est sur ce dernier que nous souhaitons réfléchir à ce type de mise en œuvre. L’auto-construction, née au cœur du monde agricole, quelle soit assistée par un artisan ou effectuée en autonomie, relevait alors d’une réelle nécessité matérielle et financière. Aujourd’hui, elle inspire au delà des milieux ruraux. Le rythme de ce type de constructions, ses matériaux et ses savoirfaire ont séduit des habitants demandeurs d’une construction plus proche de la nature, souvent dans un certain souci d’écologie. A travers l’acte de construire son chez-soi, il advient que ce processus permet souvent de se construire soimême, par la construction de son univers personnel et la prise de conscience de ses propres compétences. Certains habitants souhaitent, par une attention portée à leur cadre bâti, participer à la construction de leur lieu de vie tout en restant en ville. Cette envie peut prendre plusieurs formes et se traduire par un processus d’habitat partagé, parfois en autopromotion, mis en œuvre en auto-construction ou en autofinition comme c’était traditionnellement le cas en milieu rural. Cependant comment remettre en perspective ces aspirations dans un contexte différent ? La transposition est-elle possible dans un tissu urbain dense où la question du foncier disponible est aux prises avec des enjeux économiques forts ? Où l’emprise d’un chantier est souvent réduite à une parcelle encerclée par des limites parcellaires proches, qui nécessite une

réflexion quant au stockage des matériaux et au ballet du chantier afin d’effectuer, de la manière la plus fluide possible, différentes tâches simultanément ? Où la proximité à des voix de circulation parfois très passantes, nécessite une attention au contexte et une organisation réfléchie? Où ce type de construction nécessite un temps plus long qu’une construction classique, ajouté au fait que la durée d’un chantier urbain ne doit pas être abusive au vue de la gêne occasionnée pour le voisinage ? Certains habitants, animés par des motivations diverses que sont l’envie de construire son habitat, le besoin d’acquérir des compétences manuelles, un besoin d’autonomie ou encore par souci économique ou écologique, font le choix de s’orienter vers l’auto-construction. Ces habitants bâtisseurs, n’étant bien souvent pas qualifiés dans le milieu du bâtiment, mais non moins motivés, et prêts à faire appel à une aide chaleureuse, ont souvent recours à un chantier participatif afin de mener à bien la construction de l’édifice souhaité. Dans des projets urbains où les habitants souhaitent participer à l’acte de bâtir, l’auto-finition est souvent préférée pour des questions de compétences, de responsabilité et de temps. La mise en place de telles démarches nécessite dans tous les cas un engagement bien particulier de la part de l’architecte et des artisans et un encadrement précis. Toutefois que faisons-nous de ces bâtisseurs volontaires, des habitants qui souhaitent, pour une question de choix de vie, habiter en milieu urbain, et pour des questions économiques, éthiques ou personnelles,

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construire tout de même leur habitation des fondations à la dernière tuile ? En liant cette réflexion avec un cas concret, celui de la ZAC Flaubert à Grenoble, comment peut-on répondre en tant qu’architecte à la demande de futurs habitants, en milieu urbain, tout en restant compétitif dans le marché de la construction actuel ? Et comment prendre, en partie, de la distance par rapport à l’aspect économique, afin d’axer plus l’attention sur la qualité d’usage et le confort de vie ? Un nouveau dialogue est-il à mettre en place entre trois types d’acteurs indispensables à la réalisation d’un projet architectural : les habitants, l'architecte et les artisans ? Ainsi le questionnement central de cette recherche apparaît : Comment en milieu urbain dense, habitants, architecte et artisans peuvent conduire à l’élaboration d’une méthode partagée du « Faire ensemble » afin de spatialiser un habiter qui réponde à la demande d’habitants souhaitant édifier leur habitation et améliorer leur cadre de vie ?

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Méthodologie -

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J’ai traité ce sujet par le biais d’une méthode itérative qui croise: - une recherche théorique pour éclairer et contextualiser les notions évoquées et nourrir la réflexion quant à la question de la collaboration ; - la constitution et l’analyse d’un corpus de projets à travers une grille d’analyse se focalisant notamment sur le processus de mise en œuvre ; - une recherche appliquée, offerte par la mise à l’épreuve des premiers résultats de la recherche sur un lieu donné : la ZAC Flaubert dans le cadre de mon PFE. L’aspect théorique m’a permis de comprendre des phénomènes et de les analyser, tandis que l’analyse de projets et de la pratique de ses différents acteurs de terrain m’ont permis d’effectuer un retour sur les modes de conception pour le projet de PFE. D’un point de vue temporel, il a été question dans un premier temps de collecter des connaissances et des données afin de laisser se profiler un cadre d’apports théoriques. Puis la constitution d’un corpus a conduit à la visite de projets et de chantiers ainsi qu’à des discussions avec les différents acteurs de ces projets. Pour finir, les données ont été analysées pour comprendre l’édification des démarches participatives. Les entretiens réalisés ont permis, en les croisant, de dégager des éléments clefs de la profession d’architecte et de comprendre la densité de la diversité des acteurs du chantier.

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Corpus -

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Le corpus est volontairement constitué de projets implantés en milieu urbain dense où la maîtrise d’œuvre travaille avec une maîtrise d’ouvrage souhaitant, au-delà de la phase de conception, participer au projet. Afin de comprendre comment, en tant qu’architecte, il était possible de concilier une demande participative de la part de la maîtrise d’ouvrage avec le travail de maîtrise d’œuvre. Trois projets ont été sélectionnés, à Genève, Strasbourg et Nantes. Afin d’effectuer des connexions avec le projet Bifurkation, les deux premiers projets, des logements avec une maîtrise d’ouvrage privée, m’ont permis de réfléchir à la manière de concevoir et construire de l’habitat. Le troisième projet, une école avec une maîtrise d’ouvrage public, m’a permis quant à lui de réfléchir à un programme public et scolaire, que nous traitons dans le PFE: - Coopératives Équilibre & Luciole, Agence ATBA, Stéphane Fuchs, Genève, Suisse. - Greenobyl, Agence G. Studio, Mickaël Osswald, Strasbourg, France. - École maternelle de Fégréac, Agence L’Atelier Daubas & Belenfant, Nantes, France. Pour analyser ces projets localisés dans des contextes différents mais réunis autour d’une éthique commune, une grille d’analyse a été définie. Et l’analyse de ces projets a été enrichie par des interviews menées avec plusieurs personnes qui ont contribué ensemble à l’édification du cadre bâti : habitants, architectes, artisans et assistant à maîtrise d’ouvrage. Ces entretiens étaient indispensables pour comprendre l’intégration de la maîtrise d’ouvrage dans la phase constructive. CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016

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1. Réflexions sur la manière de CONSTRUIRE ENSEMBLE -

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1.01. Revaloriser le chantier

« Revaloriser la phase chantier, consolider les liens et favoriser les rapprochements interprofessionnels entre les acteurs du bâtiment (architectes, ingénieurs, ouvriers,…). » 2 1 est l’un des résultats attendus à la suite d’une réflexion engagée par le ministère de la culture et de la communication. C’est lors d’un colloque consacré, en juillet 2015, à la stratégie nationale pour l’architecture, qu’a été publié un rapport évoquant des pistes de réflexions. Une mesure du volet innovation mentionne le soutien de chantiers-démonstrateurs qui seraient « l’occasion d’un contact et d’un travail collaboratif avec d’autres disciplines et/ou métiers en formation tels que les ingénieurs, les designers, les compagnons et les apprentis» 32. Les lieux communs gravitant autour de l’univers du chantier continuent à essaimer. Parfois justifiés, ils n’en restent pas moins un moyen de le déprécier et passent parfois sous silence la grande richesse dont il est doté. Le chantier est souvent vécu de l’extérieur comme la mise en application d’une pensée édifiée en amont, comme le théâtre de l’exécution dans les règles de l’art plus que de la création, comme un lieu où la tâche à accomplir est difficile et éprouvante, où les corps se démènent contre des heures de labeur, où la saleté et le bruit règnent en maîtres, où l’ouvrier est vu pour sa « logique marchande »4 et où 2.Ministère de la culture et de la communication, Rapport des groupes de réflexion, 7 juillet 2015, p.41. 3.Idem 4.JOUNIN Nicolas, Chantier interdit au public, : Enquête parmi les travailleurs du bâtiment, Éditions la Découverte, Paris, 2008, p.222.

surtout au delà des barricades de chantier le regard du passant ne s’aventure guère. Pas assez intéressant, un peu intimidant de regarder des gens travailler, mais tout de même intriguant quand une palissade reste entrouverte. Le chantier est perçu comme tout cela à la fois et c’est aussi tellement d’autres choses. Pour réhabiliter une image du chantier bien souvent sans intérêt, pour faire du chantier un temps fort, certains le scénarisent, le mettent en lumière afin que l’on s’y penche, qu’on le remarque, afin « de donner à voir ce qui s’y passe»5 . Il peut être question, d’installer des belvédères offrant un panorama sur les travaux (rénovation des Halles de Paris), d’organiser des visites de chantier une fois le gros œuvre achevé (immeubles de logement de la ZAC Clichy–Batignolles), de valoriser les déchets de chantier en créant un circuit des matériaux (Agence Rotor à Bruxelles), d’être présent quotidiennement sur le chantier en installant un lieu ouvert afin d’informer, de montrer et de mettre en visibilité le travail manuel (Projet de SaintPierre-des-Corps, Atelier d’architecture Construire, Loïc julienne et Chloé Bodart6 ) ou encore d’organiser des évènements autour de moments forts de la construction (performance musicale mettant en scène les ouvriers du chantier et l’orchestre TSO lors du même chantier7 ). Ce chantier 5.BALIF Florine, « Chantiers ouverts au public », Métropolitiques, 20 février 2015. URL : http://www. metropolitiques.eu/Chantiers-ouverts-au-public.html. 6.Chloé Bodart, Construire en actes, conférence MSH Alpes, le 20.10.2015. Membre du PEROU (Pôle d’exploration des ressources urbaines) et du pOlau (pôle des arts urbains). 7. Pièce musicale le 20.03.2014, sur le chantier du Point Haut : Chttp://www.pointhaut.com/Chantier/226/63toute-la-vie-du-chantier.htm#.VvAzcbTw6mo

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comme nombre d’autres projets réalisés par l’équipe de l’Agence Construire de Patrick Bouchain « a donné lieu à des visites hebdomadaires et à des conférences sur les questions urbaines et architecturales ainsi qu’à des événements festifs »8 . Par ce type d’actions les agences démontrent la volonté de faire du chantier un « acte culturel », un lieu ouvert au public, qui soit à la fois le théâtre de créations, d’échanges et de débats. Pour comprendre de façon approfondie cette phase primordiale du chantier, des chercheurs s’immergent totalement dans le milieu de la construction. C’est en s’immergeant une année durant pour suivre et vivre avec les travailleurs du chantier, que Nicolas Jouvin, sociologue et auteur d’un ouvrage tiré de cette expérience et raconté à l’image d’un carnet de bord analytique, retrace la condition actuelle des travailleurs du bâtiment en France. « Il ne s’agit pas seulement de rappeler ici que, pour étranges –peut-être effrayantesqu’elles soient, les activités et les relations du bâtiment ne nous sont pas étrangères, puisqu’elles fournissent nos espaces habituels de vie »98.

1.02. Des rôles à redéfinir 1.02.1. Architecte/ La MOE

« Un architecte peut en outre réaliser la maîtrise d’œuvre, à savoir la réalisation des plans, le dossier de permis de construire et le suivi de chantier. Le cas de l’architecte est particulier : assujetti réglementairement à des assurances professionnelles spécifiques 8.BALIF Florine, Op. Cit. 9.JOUNIN Nicolas,Op. Cit.

différentes de celles des entreprises de construction, il ne peut en tant que maître d’œuvre réaliser matériellement de construction. Tant que la réglementation n’évolue pas, le risque pour un architecte assistant physiquement l’auto-constructeur est de ne pas être assuré ! »10 . L’implication des trois acteurs que sont l’habitant, l'architecte et l’artisan, dans l’élaboration d’un projet commun conduit à repenser le rôle de chacun d’entre eux. En effet, le rôle de l’architecte dans ce type de construction, semble à redéfinir. Nombreuses discussions concernant les souhaits et les besoins des habitants conduisent à la matérialisation de leurs idées. Et l’édification du cadre de vie qui passe par la compréhension de la mise en œuvre, conduit à l’appropriation de son habitat par l’habitant en étant conscient de la spatialisation de ces idées depuis les premiers croquis jusqu’à la déambulation au cœur de son propre logement. VERS L’ÉDIFICATION D’UN LANGAGE COMMUN ?

La phase de la projection débutera par la mise en place d’un langage commun. C’est dans la recherche de ce langage que peuvent émerger les outils nécessaires à la spatialisation d’envies, de besoins et d’attentes des différents acteurs. Ensuite, la phase du chantier et de la mise en œuvre des concepts envisagés exige la pensée dans la conception de systèmes constructifs adaptés à une mise en œuvre par des personnes lambda ne nécessitant pas de savoir-faire spécifique, n’étant pas trop contraignante et sans recours à des machines de chantier trop spécifiques 10. ?, « Auto-construction : se faire accompagner », La maison écologique, n°90, Déc. 2015- Jan. 2016, p.33.

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ou coûteuses. Les savoir-faire ne sont pas abandonnés pour autant et leur utilisation est déplacée dans l’échelle temporelle du projet. Ils ne sont pas appliqués directement sur le chantier mais en amont. Ces phases de réflexions, expérimentations ou préfabrications permettront sans doute de concevoir de nouveaux modes constructifs adaptés à l’auto-construction. Peut être pourrions nous réfléchir à la création d’une méthode pensée en amont de la mise en œuvre sur le chantier (et ensuite la tester, la mettre à l’épreuve), qui penserait des dispositifs constructifs les plus justes possibles, que ce soit en terme matériel (par l’utilisation de moins de matière dans un souci économique et écologique), en terme technique (par une mise en œuvre adaptée à des personnes ne disposant pas de savoir-faire spécifiques), en terme physique et économique (par un chantier à taille humaine, sans l’emploi de matériel onéreux, encombrant ou nécessitant des compétences de pilotage), ou encore en terme de modularité (par la création d’une structure principale dite lourde dans laquelle l’habitant peut venir modeler l’espace afin de l’agrandir ou le rétrécir dans ce cadre prédéfini). L’ARCHITECTE EN CHANTIER

Le maître d’œuvre, représentant de la maîtrise d’ouvrage est l’acteur faisant le lien entre cette dernière et les artisans du chantier provenant des diverses entreprises convoquées. Sur un chantier, l’architecte accompagne le MOA dans l’édification de son projet et assure la cohésion globale de l’ensemble des acteurs. Il possède moins de compétences techniques que l’artisan mais son « regard d’architecte est général

et travaille sur la cohérence du projet, l’ensemble, l’harmonie »11 . Chaque artisan, possède un savoir-faire particulier, et intervient sur le chantier pour un élément précis, son regard s’oriente ainsi vers un élément particulier. La MOE est donc là pour faire en sorte que tout se coordonne, que les phases s’articulent de la manière la plus fluide possible. Par une bonne mise en relation des acteurs, l’architecte peut faire gagner du temps aux artisans et leur permettre « de se concentrer sur ce que nous avons à faire » 12 . C’est par le biais de la conception que l’architecte entre dans le monde d’un projet, mais il joue également un rôle fondamental lors de la transition vers le chantier et dans la mise en place de cette phase. REAJUSTER SA MANIERE DE CONCEVOIR

Faire intervenir la MOA en phase de conception comme de construction revient à intégrer un acteur supplémentaire dans le processus architectural. Cela ajouterait donc à la MOE de nouvelles responsabilités dans la phase de conception mais aussi une nouvelle organisation des acteurs en phase de chantier. Si c’était le cas, et la participation de la MOA en phase de construction faisant l’objet de cette recherche, il est bon de se demander si cette apparition d’un nouvel acteur conduirait la MOE à réajuster sa manière de concevoir. En effet, faire participer la MOA en phase de chantier pourrait 11. Johan Desprès, Artisan de formation architecte, spécialisé dans l’architecture de terre, la rénovation du pisé et l’accompagnement à auto-construction, Saint-Genest-Lerpt. Entretien téléphonique réalisé le 23.04.16. 12. Johan Desprès, Ibid.

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conduire à s’interroger sur des systèmes constructifs facilement réalisables par des non professionnels, en imaginant par exemple se diriger vers des matériaux plus propices à l’auto-construction ou à l’autofinition, en réfléchissant à des systèmes d’assemblage faciles à mettre en œuvre tout en étant pertinents et efficaces, en mettant en place un système constructif disposant de faibles sections afin d’être transporté facilement, ou encore en faisant le choix d’utiliser la préfabrication pour ajuster les temps de chantier.

1.02.2. Artisans/ Les entreprises

« Dans tous les cas, on aura intérêt à convenir à l’avance -et à écrire- l’organisation du chantier : Qui fait quoi ? Quand ? Avec quels outils, quels matériaux ? Fournis avec qui ? Qui paye quoi ? » 13 Le rôle de l’artisan semble également à redéfinir. Une certaine répartition des tâches est possible entre celle à effectuer par l’artisan et celle à effectuer par l’habitant. En effet, dans ce type de commande, un artisan acceptant une telle mission peut endosser plusieurs rôles. Il peut se retrouver dans un rôle de conseil, en étant présent lors de temps précis sur le chantier afin de conseiller les propriétaires et l’ensemble des bénévoles sur la mise en œuvre de systèmes constructifs. Il peut être appelé à la mise en œuvre du gros œuvre, puis à une compétence de conseil pour le second œuvre. Cependant ceci pose la question de la responsabilité. Dans le premier cas (artisan conseil), la responsabilité de quelle partie engage-ton lors d’un dommage? Et quel est l’intérêt 13. ?, « Auto-construction : se faire accompagner », La maison écologique, n°90, Déc. 2015- Jan. 2016, p.33.

pour un artisan de participer à de tels projets ? Dans le second cas (artisan constructeur et conseil), la responsabilité de l’artisan est engagée sur le lot mis en œuvre et les dégâts potentiels causés par une erreur de mise en œuvre par un participant ne seraient que minimes. Afin de devenir compétitives sur le marché, nombres d’entreprises se sont tournées vers la préfabrication en atelier d’un certain nombre d’éléments qu’il ne reste plus qu’à assembler sur chantier. Toutefois, comment contenter des habitants souhaitant mettre la main à la pâte ? Et comment assurer malgré la préfabrication et donc bien souvent la standardisation, une certaine originalité dans les projets de chacun ? PARTICIPER EN AMONT ?

Au sujet de l’implication des artisans, un architecte rencontré m’a fait part de son expérience : « Je pense que c’est aussi un point important dans la collaboration architecte-BE(ingénierie)-charpentier, c’est qu’il faut absolument que ça se fasse très tôt ensemble. Ça se passe très mal souvent quand c’est l’inverse, que l’architecte et l’ingénieur travaillent dans leur coin et qu’après tout change au contact de l’entreprise » 14 . L’artisan, au lieu d’apparaître dans le planning de chantier, lors de la consultation des entreprises, pourrait intervenir plus en amont. Du moins lorsqu’il s’agit de systèmes spécifiques dont il est nécessaire au sein du bureau de MOE de comprendre ce qu’un dispositif dessiné génère en terme de mise en œuvre sur chantier, de capacité physique, de main d’œuvre, de temps et donc d’économie. 14. Mickaël Osswald, Architecte, membre de l’agence G.Studio, Strasbourg. Entretien réalisé sur projet le 15.04.16.

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Ceci éviterait peut-être des remises en questions avec les entreprises quant à des systèmes pensés dès le début. Calculer et dessiner sont des missions louables mais prendre en compte l’expérience de la mise en œuvre et de la pose l’est tout autant. ACCOMPAGNER L’AUTO-CONSTRUCTION

« Ce qu’il y a de commun entre l’architecte et l’artisan c’est de traduire les souhaits, la cohérence et ce qui est bon pour le client. Il faut aller le chercher dans leur tête, le traduire et le réaliser » 15. Certains artisans décident de se spécialiser dans l’accompagnement à la MOA en phase de chantier. C’est le cas de Johan Desprès, un architecte devenu artisan, que j’ai rencontré. Pour lui, l’architecte accompagne la maîtrise d’ouvrage, « il ne faut pas oublier que nous (architectes et artisans) ne sommes que des accompagnants, que ce soit dans la conception ou la réalisation » 16. Employer le terme « accompagner », me parait pertinent puisqu’il évoque la primauté d’un acteur dans tout projet d’architecture : la MOA. C’est cet acteur qui décide d’édifier le projet et il est parfois bon de rappeler que sans lui aucune architecture n’existerait. PARTICIPATION DE LA MOA vs ÉCONOMIE

« Un chantier participatif ne permet pas de baisser les coûts parce que ça prend plus de temps, à former les gens, les accompagner, les accueillir » 17 . « Parce que quand on parle de faire des choses soi même et d’économie, il faut vraiment replacer ça par rapport au temps 15.Johan Desprès, Op.Cit. 16.Johan Desprès, Ibid. 17.Johan Desprès, Ibid.

que mettent les gens et à la qualité de prestation que ça peut engendrer »18 . Pour nombre d’acteurs rencontrés, faire des économies n’est souvent pas et ne doit pas être le moteur principal de la MOA. Dans de tels chantiers, les temps de réflexion étant plus longs et l’organisation plus méthodique, le coût n’apparait pas comme le curseur principal. De manière générale, la priorité est mise sur la participation à la construction comme élément d’appropriation du chantier, afin d’imprégner le lieu de vie des habitants de leur propre engagement. VOLONTÉ vs RÉGULARITÉ

« Les échéances sont complétement différentes quand on fait intervenir des gens avec « que » de la bonne volonté»19 Il advient aux artisans mais aussi à la MOE de réajuster leurs attentes face à des acteurs inexpérimentés mais dotés d’une volonté certaine. La régularité est un des éléments qu’il ne paraît pas possible de gérer dans les chantiers où l’accompagnement à auto-construction est effectuée avec des bénévoles. Travailler sur la continuité et dans des temps, allant d’une semaine complète à quelques semaines, pourrait permettre de parer à cette irrégularité puisque changer en permanence d’interlocuteur apparaît comme contreproductif. En constituant un groupe d’habitants constant pour la construction, il s’avère plus simple pour les artisans de gérer une certaine régularité d’exécution mais aussi de viser l’autonomie des membres. « Quand ça fonctionne, les gens expliquent aux autres. 18.Boris Nauleau, Architecte, membre de l’agence CLAAS Architectes, Nantes. Entretien téléphonique réalisé le 18.04.16. 19.Johan Desprès, Op.Cit.

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L’accompagnant est là pour vérifier, mais petit à petit son rôle va s’effacer. Et c’est cette dynamique, qui s’est mise en place sur le chantier, qui va faire que l’on aura de moins en moins besoin de lui »20 . QUI VEUT, N’EST PAS ARTISAN

Dans tout projet construit par un groupe en auto-construction ou en d’autofinition, se passer d’un artisan paraît peu envisageable. Les informations massives sur internet et dans des ouvrages spécialisés pourraient laisser croire que l’appel aux artisans est de moins en moins courant. Cependant l’expérience professionnelle de la mise en œuvre restera toujours la plus-value qui paraît difficilement remplaçable. Il ne semble pas raisonnable de faire l’économie des compétences dont disposent les artisans au risque de mettre en danger la qualité de la construction du bâti et d’impacter l’investissement fait par les propriétaires dans les matériaux à cause d’un défaut de mise en œuvre. L’intervention d’un professionnel dans le conseil et l’accompagnement se révèle primordial. Il me semble qu’il en va aussi de la responsabilité des architectes, qui ont aussi un rôle à jouer dans la préservation des savoir-faire. CHANTIERS PARTICIPANTS vs CONCURRENCE

Au début de ce travail, l’une de mes interrogations était la suivante : Et si la participation des habitants devenait néfaste pour le corps constructeur en lui soustrayant du travail et en se retrouvant en concurrence avec lui ? Plusieurs artisans interviewés ne voient pas la situation de cette façon. En réalité la MOA fait souvent 20.Johan Desprès, Op.Cit.

des choix, qu’il s’agisse des systèmes constructifs ou des matériaux, assez éloignés des pratiques des entreprises. Des techniques constructives expérimentales ou une mise en œuvre nécessitant du temps ne sont, en général, pas utilisées par des entreprises dites classiques. Le temps, coûtant très cher en main d’œuvre, devient l’atout principal des auto-constructeurs, toutefois les savoir-faire persistent comme l’atout majeur des artisans. Parfois dévalorisées sur le chantier, les initiatives d’auto-constructeurs ont toutefois le mérite d’aiguiser la curiosité d’artisans qui n’auraient pas imaginé la mise en œuvre de tel ou tel matériau. TRANSMISSION ET COMPREHENSION

« Nous estimons que les gens doivent aussi recevoir un savoir un peu plus théorique»21 . Certains artisans rencontrés, comme ceux de la CArPE, imaginent un modèle qui accompagne des habitants en phase de chantier par une approche théorique et une approche constructive. Ils attribuent une importance à la transmission et à la compréhension effectuées avant et pendant le chantier. En se refusant de ne faire que de la construction, ils prônent une démarche pédagogique intégrant phase théorique et phase pratique. Cette partie non dissociable de leur travail est donc intégrée dans leur devis. Concrètement, ce principe s’adapte à la demande de chaque groupe, mais se traduit souvent par un temps dédié en amont de la construction à l’organisation 21. Elsa Cauderay, Architecte, membre du collectif CArPE, Collectif d’Architecture Participative et Écologique (Lausanne), artisan du projet rue Soubeyran. Entretien téléphonique réalisé le 11.05.16.

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du groupe, l’explication des techniques et des mises en œuvre employées. S’en suit l’application sur le chantier pendant la durée nécessaire. LA RÉALITÉ DU CHANTIER / LA DISTANCE : CAUSE DE LA PERTE DES SAVOIR-FAIRE ?

« Tu vois les gens tout en bas de l’échelle quand tu es directement sur le chantier, tu es plongé dans la réalité du chantier d’aujourd’hui. »22 Les réunions de chantier sont le lieu adéquat pour discuter des éventuels problèmes et solutions à adopter. Le conducteur de travaux (OPC), l’équipe de maîtrise d’œuvre et celle de maîtrise d’ouvrage sont réunis avec les artisans et entrepreneurs qui représentent l’ensemble du corps constructeur, par entreprise ou par corps de métier. Cependant ces deux derniers acteurs renvoient à des réalités différentes qui cohabitent sur un chantier, celle de l’artisanat et celle de l’entrepreneuriat de la construction. L’artisan est défini selon Le grand robert de la langue française23 , comme « celui qui exerce une technique traditionnelle, un métier manuel demandant une qualification professionnelle, et qui travaille pour son propre compte ». Le sénat quant à lui, dans sa loi n° 443 du 8 août 19852324 sur l'artisanat, défini « l'entrepreneur artisan dans son article 2 comme celui qui exploite personnellement, professionnellement et en qualité de titulaire l'entreprise artisanale, en assume la complète responsabilité avec 22.Elsa Cauderay, Op.Cit. 23. REY Alain (sous la direction de.), Le grand Robert de la langue française, Paris, Éditions Le Robert, 2001. 24.Site du Sénat : https://www.senat.fr/lc/lc5/lc53.html

toutes les charges et tous les risques se rapportant à sa direction et à sa gestion, et exerce son propre travail, même manuel, de façon prédominante dans le processus de production (…) En tout état de cause, l'entreprise artisanale ne peut employer plus de 18 salariés, y compris les apprentis dont le nombre ne doit pas excéder 9 ». Le terme artisan renvoie donc aux qualités d’exécution d’une personne disposant de savoir-faire, mais aussi à un statut professionnel et juridique, en tant que personne physique et morale dirigeant et assurant la responsabilité d’une entreprise artisanale au nombre d’employés limité. Le second, l’entrepreneur, peut-être le dirigeant d’une P.M.E, « petites et moyennes entreprises comportant selon l’I.N.S.E.E. de 0 à 49 employés. » 25 , ou d’une entreprise bien plus grande. Dans tous les cas, il s’agit d’un « Industriel prenant en charge l'exécution d'opérations concernant la construction»26 . Cette personne est rarement présente sur le chantier, en général, elle transmet ses recommandations à des représentants nommés parmi les ouvriers ou aux ouvriers eux-mêmes lorsqu’il s’agit de petites entreprises. Les réalités de chacun de ces deux acteurs sont donc différentes. En effet, elles renvoient à des manières d’organiser, de gérer, de financer et d’intervenir dans le projet architectural qui leur sont propres. L’artisan directement sur chantier met en application les savoir-faire dont il dispose avec ses ouvriers tandis que l’entrepreneur 25.REY Alain, Op. Cit. 26.Définition du CNRTL, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.

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transmet ce qui doit être effectué. Ce dernier, en devenant directeur d’une entreprise de taille importante, s’est éloigné de la réalisation physique sur chantier, laissant l’exécution à ses ouvriers et chefs d’équipe. En grandissant, les entreprises de la construction qui proposent parfois l’ensemble du panel des corps de métier au sein de la même entreprise, n’auraientelles pas conduit, par le biais de la soustraitance notamment, à se détacher de la réalité humaine du chantier ? L’aspect économique aurait-il conduit le chantier à sa réalité actuelle, alors même qu’il est à la base le lieu social où se mêlent de nombreux acteurs pour édifier ensemble un bâtiment dans les règles de l’art ? Ajouter à cela un marché de la construction très complexe, qui repose en partie sur une main d’œuvre peu qualifiée, parfois exploitée, mal considérée et une dévaluation encore trop présente de l’apprentissage dans le système éducatif, ne fait que renforcer cet aspect. Toutefois, ne serait-ce pas en reconquérant cette distance mise en place entre entrepreneur et ouvrier, par un retour sur le chantier et par une reconsidération des ouvriers qui y travaillent, que les projets que l’on porte en tant qu’architecte pourraient aboutir à une meilleure réalisation tant constructive que sociale ? Il semblerait qu’un croquis, qu’une envie ou qu’un concept aussi remarquable soitil, ne puisse aboutir si le monde qui le met en œuvre est malade. Construire ensemble avec les artisans et les ouvriers pour mieux concevoir, me semble important à

imaginer pour le monde de la construction de demain.

1.02.3. Habitants/ MOA VOUS AVEZ DIT PARTICIPATION HABITANTE ?

Selon les situations, ce modèle de la collaboration habitante est pensé à différentes échelles : celle d’un territoire, illustrée notamment par les travaux de l’architecte et urbaniste italien Alberto Magnaghi fondateur de la Société des Territorialistes ; celle d’une ville, de son urbanisme et de ses espaces publics comme les travaux effectués par l’architecte et urbaniste danois Jan Gehl28 , ou les travaux menés par Barbara Allen et Michel Bonetti29 ; ou celle de l’échelle architecturale du bâtiment, biais par lequel je souhaite l’aborder dans ce travail. Il paraît évident de mentionner que chacune de ces échelles s’interconnecte et qu’une initiative dans un domaine peut soulever de nouveaux potentiels pour un autre. Toutefois la participation ne s’est-elle pas transformée en concertation, où l’habitant est envisagé plus par sa compétence de maître d’usage que par sa capacité à agir et prendre des initiatives ? Alberto Magnaghi30 approfondit cette question en décortiquant un modèle qui tente de passer d’un modèle participatif, où la demande est formulée par une entité politico-technique, à l’auto-gouvernance, 28.GEHL Jan, Pour des villes à échelle humaine, Editions Ecosociété, Montréal, 2012. 29.BONETTI Michel, CONAN Michel, ALLEN Barbara, Développement social urbain, Stratégies et méthodes, Paris, Editions L’harmattan, 1991. 30.MAGNAGHI Alberto, Le projet Local, Bruxelles, Editions Mardaga, 2003, 1ère ed., Turin, 2000.

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où la conscience de devoir s’organiser et développer des projets ne nécessite pas l’intervention d’une entité extérieure. EMPOWERMENT ET CAPACITATION

« Le processus participatif est donc essentiel, mais complexe à mettre en œuvre. Il met en relation l’individu, le groupe et le contexte dans lequel ils évoluent ensemble. C’est la question centrale de la notion d’ « empowerment », qui porte l’idée que la participation n’a d’impact du point de vue du participant, qu’en fonction du pouvoir qui lui est confié, ou qu’il se construit. »31 Plusieurs auteurs convoquent cette notion d’empowerment. Dans un rapport destiné à réfléchir sur les orientations de la politique de la ville en matière de participation, Marie Hélène Bacqué et Mohammed Mechmache en propose une définition, c’est « une démarche qui s’appuierait sur le pouvoir d’agir des citoyens, sur leur capacité d’interpellation et de création et permettrait de renouveler et de transformer les services publics et les institutions »32 . L’empowerment traduirait alors une aptitude décisionnelle à se sentir capable de faire. Sa réussite serait rendue possible par l’impulsion d’une aide extérieure qui donnerait confiance aux gens pour devenir acteurs. L’architecte, dans le cas des projets conçus en étroite collaboration avec la maîtrise d’ouvrage, pourrait faciliter 31.RUIZ Éric, L’autopromotion, une piste pour l’innovation architecturale, environnementale et urbaine. Thèse, spécialité architecture, (dir. H. Guillaud, Co-dir. AM. Bardagot), Laboratoire CRAterre-ENSAG, Ecole doctorale Sciences de l’homme, du politique et du territoire, Université de Grenoble, 2014, p.185. 32.BACQUÉ M.H, MECHMACHE M., Pour une réforme radicale de la politique de de la ville. Ça ne se fera plus sans nous. Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires, rapport au ministre délégué chargé de la ville, juillet 2013.

le pouvoir d’agir des habitants, selon une démarche qui convoque l’empowerment. Mais comment mettre en place cette démarche ? VERS L’AUTO-PLANIFICATION ?

« Grâce aux techniques de construction, on arrive d’une part à l’ossature (extension du sol), et d’autre part aux enveloppes soutenues par l’ossature (toit, paroisécrans). Ces dernières peuvent être amovibles, comme des meubles. J’appelle les extensions du sol « infrastructure » et les éléments amovibles « remplissage de l’infrastructure ». Une erreur de disposition des meubles n’est pas irréversible pour celui qui essaye de meubler sa maison ; de la même façon, une erreur de l’autoplanificateur ne sera pas catastrophique si elle concerne seulement les éléments amovibles : les remplissages de 33 l’infrastructure » . Concernant l’habitant, certains auteurs, dont l’architecte hongrois Yona Friedman se sont penchés sur un modèle qui questionne la place de l’habitant dans le processus d’édification de son cadre bâti. En évoquant le modèle de l’autoplanification, l’auteur s’interroge sur la façon de redonner un pouvoir décisionnel à l’habitant en phase de conception comme de construction. VERS L’AUTO-PROMOTION ?

Les visites de projets m’ont conduit à m’interroger sur ce modèle qu’est l’autoplanification ou l’auto-construction dans une vision élargie, non pas à l’échelle du matériau mais au sens de la construction 33.FRIEDMAN Yona, L’architecture de survie, Paris, Editions de l’éclat, 2003, (1ère édition 1978), p.30.

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générale, vue comme un assemblage de phases successives qui permettent de prendre part au processus décisionnel de son habitat et de son cadre de vie. Comme le mentionne Bruno Parasote34 , ingénieur et urbaniste spécialisé dans les questions de participation et d’autopromotion, nombre de dénominations existent pour mentionner des projets dans lesquels la MOA s’implique. Pour clarifier la définition de ces mots gravitant autour du fait de s’organiser, concevoir ou construire ensemble et pour lever tout doute sur la signification, voici un lexique de termes voisins35 : « .Habitat groupé : terme générique faisant référence à la constitution d’un habitat issu de l’initiative collective de particuliers. Par la notion de groupe, ce terme met l’accent sur le projet de vie collectif. .Habitat participatif : dénomination appelant plutôt la méthode d’élaboration ou de gestion de l’habitat, voulue de manière partagée avec ses occupants. Par ce qu’il est compréhensible par tout un chacun, il devient progressivement le terme fédérateur pour désigner toutes les mouvances de projets faisant appel aux citoyens dans leurs élaborations. Il est toutefois sujet à débat, car la participation ne pourrait être que consultative. Or les habitats groupés revendiquent une participation forte, voire une implication personnelle de premier plan. 34. PARASOTE Bruno, L’habitat participatif, du vrai made in France, ENSAL, 04.03.2016, visionnée le 04.04.2016. 35.Repris de l’ouvrage de : PARASOTE Bruno, Autopromotion, habitat groupé, écologie et liens sociaux : Comment construire collectivement un immeuble en ville ?, Editions Yves Michel, Paris, 2011, p.18.

.Autopromotion : terme plus technique désignant une organisation civile, initiée par des particuliers, dans l’objectif d’ériger ou de restructurer collectivement, en qualité de maître d’ouvrage, un bâtiment pour leur propre compte. L’autopromotion indique la démarche constructive choisie pour réaliser un habitat groupé, mais ne décrit pas le projet de vie en tant que tel. .Coopérative : terme désignant un projet dont la propriété est collective et pour lequel le pouvoir est exercé démocratiquement (« 1 personne = 1 voix »). Cette dénomination détermine les liens des membres entre eux et leur mode de gestion interne. .Auto-construction : action de réaliser une partie ou l’ensemble de son logement sans l’aide de professionnels du bâtiment. Elle peut conduire à des économies non négligeables mais présente des risques liés au manque éventuel de garantie et d’expériences des constructeurs. » Des béguinages aux coopératives d’habitants il n’y a qu’un pas idéologique mais quelques siècles de réflexion. Lieu d’autogestion de femmes au moyen âge le béguinage semble être l’un des plus anciens lieux de vie en communauté laïque. C’est quelques siècles plus tard en Allemagne que sont apparus dans les années 1960 les Bau Gruppen. Les habitats groupés font quant à eux référence aux groupes d’habitants des années 1970. Le climat de changements, tant sur les plans religieux, sociaux, philosophiques qu’éducatifs, dans lesquels la France était plongée au lendemain de mai 68 ont favorisé l’émergence d’une pensée différente de l’habitat. Depuis les années 1970 et ce jusqu’au début des années

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1990 on a assisté à un foisonnement de projet d’habitats groupés, avec certains emblématiques comme Le passage à Grenoble ou le Lavoir du buisson SaintLouis à Paris. S’en est suivi un moment d’interruption de ce type de projet jusqu’au début des années 2010, où une nouvelle vague est arrivée. Les motivations sont multiples, elles peuvent être liées à une conscience écologique, une situation familiale qui évolue ou le désir d’autoconstruire son logement, etc. Mais il est souvent question de « reprendre en main l’acte de construire »36 , en s’engageant dans une aventure collective et par la même de réduire les coûts. C’est avec des projets comme la Salière à Grenoble, Écologis à Strasbourg ou Diwan à Montreuil que cet engouement est réapparu. Avec l’envie de gérer à la fois la conception de son logement mais aussi l’implication dans une association commune, la recherche du foncier, la gestion et le financement de son logement, des démarches participatives comme les coopératives d’habitants ou l’autopromotion sont apparues, attachant une importance aux qualités sociales, urbaines et architecturales. Reconnu comme « démarche citoyenne»37 par la loi ALUR en 2014 l’habitat participatif est défini comme suit : « Art. L. 200-1. – L’Habitat Participatif est une démarche citoyenne qui permet à des personnes physiques de s’associer, le cas échéant avec des personnes morales, afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des 36.PARASOTE Bruno, Op.Cit., conférence ENSAL. 37.habitatparticipatif.net consulté le 22 avril 2016

espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis »38 . Plusieurs montages sont possibles afin de rendre concret l’habitat participatif. Deux formes juridiques existent pour que les groupes d’habitants puissent « se structurer et réaliser l’opération de construction et de gestion de leur habitat »39 . Ainsi, afin de mettre en œuvre les projets, deux types de sociétés ont été créées : la coopérative d’habitants et la société d’attribution et d’autopromotion. Concernant la place de l’architecte dans de telles démarches de projets, pour Bruno Parasote, « ce métier est plutôt à inventer, ce métier d’accompagnateur, d’incubateur de projets participatifs »40 . VERS L’AUTO-CONSTRUCTION ?

« Auto-construire signifie initier un processus de construction d’un logement, selon lequel l’habitant devient acteur central d’un processus collectif, qui intègre et développe des pratiques constructives fondées sur une formation technique préalable, qui impulse des dispositifs de réinsertion sociale, ainsi qu’une aide à l’auto développement »41 . Au delà de toutes ces implications, certains habitants souhaitent aller jusqu’à construire par eux-mêmes le projet. L’association des Castors a permis à de nombreuses familles de se lancer dans la construction. Né après la 38. Ibid. 39. Ibid. 40.PARASOTE Bruno, Op.Cit., conférence ENSAL. 41. MAURY Yann, Les coopératives d’habitants, Méthodes, pratiques et formes d’un autre habitat populaire, Ed. Bruylant, Bruxelles, 2009.

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seconde guerre mondiale, ce mouvement d’auto-construction coopérative permet depuis des décennies d’aider les autoconstructeurs dans les démarches administratives, mais aussi en proposant des conseils concernant les coûts, le mode de financement et la manière de s’assurer. Cet accompagnement s’effectue aussi dans l’élaboration du projet architectural en effectuant des rencontres avec les interlocuteurs du monde architectural et de la construction et des visites de chantiers. VERS L’IMPLICATION DES MUNICIPALITES ?

Au départ lancés à l’initiative de familles, ces projets sont aujourd’hui plébiscités par certaines municipalités qui y voient un réel moyen de faire participer les habitants dans l’édification de leur ville. En 2016 pourtant, le montage méthodologique pour aboutir à ce type de projets n’apparaît pas comme évident, ce qui conduit à une répartition inégale sur le territoire des démarches engagées par les municipalités. Pour Bruno Parasote, il sera possible de permettre « au système de se développer davantage, quand le montage, la méthodologie pour les professionnels sera mieux assise »42 . Certaines villes comme Strasbourg, Nantes ou Grenoble font le pari d’une innovation dans leur politique participative pour permettre aux habitants d’entrer dans le processus décisionnel de leur habitat.

l’approfondissement de cette question, sur les rapports qui s’opèrent entre les habitants dans un processus organisationnel, décisionnel et constructif qui est partagé. En effet, il est intéressant de constater que le regard et l’approche de chacun des coopérateurs sont différents selon sa formation professionnelle, son parcours ou ses aspirations personnelles. Cette question a notamment été abordée dans un documentaire filmé à la fin des années 1990 où l’auteur, Christian Lallier, relate La quatrième dimension de l’architecte. Contribuant ainsi un riche témoignage sur une ethnographie du chantier filmé, il y expose les relations symboliques qu’entretiennent les différents acteurs d’un chantier. De manière générale, et d’un point de vue sociologique, il est intéressant de voir les compétences que les participants amènent dans la gestion du groupe. Certaines personnes habituées à travailler en collectif auront peut-être une tendance à tenter de cadrer le groupe. Pour d’autres c’est par l’expérience de la prise de décision en commun, que tout un monde s’ouvre, celui où « pour chaque séance il y en a un qui tient le PV, un qui tient le temps, un qui fait un retour »43 . Une autre richesse est que cette pluralité des regards, et leurs entremêlements, conduit le projet dans des directions que les habitants ne pouvaient pas soupçonner.

CONSTRUIRE ENSEMBLE : LES HABITANTS LES UNS ENVERS LES AUTRES

Concernant la collaboration habitants/ habitants, un travail en soi mériterait 42.PARASOTE Bruno, Op.Cit., conférence ENSAL.

43.Catherine Lavallez, Planification énergétique territoriale, Consulting énergie/environnement (Genève), future habitante du projet rue Soubeyran. Entretien réalisé à la MSH Alpes le 03.05.16.

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1.03. ÉCLAIRER NOTIONS

QUELQUES

1.03.1. Une posture d’esprit

« Le processus d’innovation repose beaucoup sur la capacité de l’architecte à ouvrir le champ des possibles, sur sa capacité à s’extraire de ses pratiques habituelles et à rentrer dans une démarche collaborative. Ce dernier point est, de fait, un élément essentiel ; pas seulement sur le seul désir de l’architecte à collaborer avec ses clients dans une démarche partagée de production du projet (bien que cela ne soit pas toujours dans sa culture professionnelle), mais également dans sa capacité à animer ce travail »44 . « Le processus participatif est donc essentiel, mais complexe à mettre en œuvre. Il met en relation l’individu, le groupe et le contexte dans lequel ils évoluent ensemble. C’est la question centrale de la notion d’ « empowerment », qui porte l’idée que la participation n’a d’impact du point de vue du participant, qu’en fonction du pouvoir qui lui est confié, ou qu’il se construit »45 .

1.03.2. Vers un langage commun

« La même maison « répond » d’une certaine façon à Monsieur A et d’une façon différente à Monsieur B : c’est pour cette raison qu’il est important de donner à l’habitant, non pas des recettes ou des exemples, mais la connaissance d’un langage. Une fois cette connaissance acquise, c’est à lui, 44. RUIZ Éric, Op.Cit., p.164. 45.RUIZ Éric, Ibid, p.185.

l’habitant, de mener le dialogue. »46 . La création d’un langage commun, semble être le premier élément à mettre en place afin qu’architecte, habitants et artisans puissent se comprendre. Venant tous de formation différentes, la facilité et la fluidité quant à la compréhension du projet depuis le concept jusqu’à sa mise en œuvre, d’un vocabulaire technique ou encore la prise en main d’un outillage spécifique, n’est pas la même pour tous. Il s’agit, en effet, de trouver une manière de communiquer ensemble autour du projet. Dans un projet d’habitat participatif, arriver à communiquer permet aux habitants d’expliciter leurs souhaits quant à la construction de leur lieu de vie, à l’équipe de maîtrise d’œuvre. C’est aussi l’élément qui permettra à cette même équipe de comprendre et de spatialiser les valeurs d’usages, matérielles, constructives et esthétiques des habitants afin de les traduire en projet architectural. Ce langage commun peut aussi être envisagé comme un outil d’aide à la décision. Plusieurs architectes ont réfléchi à la formulation que pouvait prendre la création de ce langage partagé. Certains architectes proposent de traduire ce langage commun par une représentation graphique comme le dessin, il devient ainsi « un outil de création qui permet aux habitants de communiquer à l’architecte leurs besoins en espaces privatifs au sein de leur logement et en espaces communs »47 . À Meylan, dans 46.FRIEDMAN Yona, Op.Cit., p.56. 47.FLÉCHEUX Marie, « Apprendre à marcher en marchant… », vers une pratique éthique et participative de l’architecture, mémoire professionnel HMONP, ENSAG, 2015, p.160.

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l’habitat groupé Helix composé de sept familles, l’architecte Paul Giaum a créé un manuel de conception « composé de croquis et de petits schémas qui ont permis à tous les habitants de comprendre simplement comment l’architecte allait concevoir le bâtiment, les circulations et les entrées de chaque appartement »48 . Dans un livre dédié à l’auto-promotion, Bruno Parasote49 parle quant à lui de la notion de « trame conceptuelle »50 . Par une représentation graphique, ce procédé permet aux habitants de schématiser leur habitat en le découpant en unités de vie. Sur un axe horizontal, des rectangles plus ou moins grands représentent des usages (salon, pièce d’eau, chambre, rangements) tandis que la manière de les agencer entre eux signifie des liaisons différentes (extension, pièce isolée). Selon les besoins des habitants, cette représentation permet de schématiser des concepts lors des premières discussions entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre. Yona Friedman, a consacré nombre de ses réflexions à cette notion de langage. Audelà d’une transmission entre l’architecte et l’habitant, il évoque l’importance d’une communication entre ce dernier et son futur habitat en vue de devenir autoplanificateur. L’auto-planification est un modèle qui « se fonde sur la connaissance d’un langage »51 . À travers ce procédé bien particulier, l’auteur dresse une posture qui permet à l’habitant, par l’apprentissage d’un langage, de prendre des décisions par lui-même. Cette 48.FLÉCHEUX Marie, Op.Cit, p.158. 49. PARASOTE Bruno Op.Cit., conférence ENSAL. 50.PARASOTE Bruno, Op.Cit, L'habitat participatif, p.151. 51.FRIEDMAN Yona, Op.Cit., p.55.

méthode permet à l’habitant, au-delà d’une simple participation au processus de conception,de comprendre les tenants et aboutissants qui permettent l’édification de son lieu de vie. C’est notamment pour cela « qu’il est si important de donner à l’habitant, non pas des recettes ou des exemples, mais la connaissance d’un langage »52 . Pour d’autres, il est question d’expliquer l’origine des coûts, sur quoi ils se fondent et les différences qui existent entre eux, car « Contrairement à une maitrise d’ouvrage publique, la grosse différence, c’est qu’il y a à toutes les étapes, un vrai travail de pédagogie auprès de la maîtrise d’ouvrage»53 .

1.03.3. La temporalité PRENDRE LE TEMPS

Un tel processus demande avant tout du temps. Mais comment mettre en place le paysage de cette pensée pour que le temps, que nécessite la construction d’un chantier de manière collaborative, puisse être pris ? Ceci sans mettre l’architecte dans une posture précaire, où son engagement moral et financier ne serait voué qu’à un unique projet. La mise en place d’un planning strict peut être prévue. Ce planning prend en compte le nombre de participants, le nombre de professionnels, la date supposée à laquelle les matériaux doivent arriver, l’emprise spatiale des matériaux pour assurer leur stockage, la location de matériel (type grue), etc., afin de penser au mieux en amont l’organisation globale du chantier.

52. FRIEDMAN Yona, Op.Cit., p.56. 53.Boris Nauleau, Architecte, membre de l’agence CLAAS Architectes, Nantes. Entretien téléphonique réalisé le 18.04.16. CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016 33


Il n’est toutefois pas question de se cacher derrière une organisation drastique, puisqu’un chantier, théâtre de la mise en œuvre de différents corps de métier, est bien évidemment soumis à des questions de délais, de retards dûs à une mise en œuvre plus longue, aux intempéries, aux fluctuations des arrivées des commandes de matériel, au retard d’un corps de métier, au manque de connaissance des habitants et toutes autres péripéties liées à ce type d’activité engagé à ciel ouvert, sur plusieurs mois, en milieu urbain dense. Le planning agit comme une jauge qu’il est question de garder à vue parce qu’il est aussi cet élément, ce support qui rassemble à lui seul l’ensemble des actions qui seront effectuées pour le projet. Cependant l’adaptation permanente, que nous pourrions appeler adaptitude est nécessaire puisque l’aspect chronophage a été mentionné à de nombreuses reprises par des architectes lors des entretiens effectués. « La question du temps est un enjeu. C’est pour ça que la question de la méthode et le fait de rationaliser les réunions est très important »54 . Pour prendre le temps, il peut aussi être question d’en offrir. C’est ce que propose Bruno Parasote en vue de créer une méthode qui permettrait d’en gagner. LE TEMPS DE SE RENDRE COMPTE DES CHOSES

Le regard de l’architecte est éveillé, de par sa formation, aux notions de matérialité, de rendu et d’ambiances. Toutefois, le regard des habitants ne l’est pas nécessairement. Des visites de projets déjà réalisés permettent aux habitants de 54.PARASOTE Bruno, Op.Cit., conférence ENSAL.

se rendre compte du rendu de la matière, de son toucher et de l’ambiance qu’elle procure. Quant aux visites de chantier, elles font prendre conscience de l’énergie et du temps nécessaire pour une mise en œuvre particulière. La visite architecturale peut donc apparaître comme un lieu où puiser des idées mais avant tout le lieu où se rendre compte des choses. ASPECT CHRONOPHAGE

Au fur et à mesure de l’avancement d’un projet, des questions de temps entrent en compte et l’aspect chronophage de ces projets est indéniable pour la plupart des architectes interrogés. Un projet nantais, celui de La boîte noire s’est effectué en conception participative, avec une présence des habitants dès le début de la conception. Six foyers se sont impliqués en amont du projet en prenant du temps le soir après leur activité professionnelle et le weekend pour les réunions en phase de conception et encore plus de disponibilité pour la construction. Pour l’architecte, ce projet devait atteindre un « niveau de prestations qui s’égalisent, sur un certain nombre de choses »55 . Ainsi les performances thermiques et énergétiques, la question de l’isolation et de l’étanchéité à l’air étaient importantes ; or elles nécessitent des compétences et du temps, aussi ont-elles été confié aux entreprises. Les finitions, réalisées par les habitants, ont permis par cet équilibrage une réelle « économie de moyen » car dès le début, la MOA avait la volonté d’effectuer le plus grand nombre de tâches par elle-même. 55. Boris Nauleau, Op.Cit.

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« Il est important en tant que maîtrise d’œuvre de prendre en considération le

savoir-faire des entreprises, afin que cellesci se sentent investies dans le processus de production architecturale. Ainsi, les intervenants du chantier sont valorisés et s’approprient plus facilement le projet et sa réalisation »57 . La présence d’un architecte bienveillant sur le chantier tant dans l’écoute que dans l’échange est souvent gage d’une réalisation effectuée dans une attention accrue envers les différents corps de métiers. « En effet, l’élaboration des détails sur papier donne de la crédibilité à la maîtrise d’œuvre vis à vis des entreprises. Après leur élaboration, les détails proposés sont confrontés aux aléas du chantier et constituent une base solide pour être remodifiés et permettre la mise au point du détail qui sera validé pour la mise en œuvre. »58 La mise en œuvre de l’ouvrage ne peut que bénéficier d’une telle posture qui place l’écoute au centre du processus. Les réunions de chantier, souvent réalisées de façon hebdomadaire permettent de mettre en place des temps de parole propices à expliquer à l’ensemble des membres, les avancées, le travail en cours, un point sur ce qu’il reste à effectuer, les difficultés rencontrées, les potentiels gênes entre les tâches, etc. Chaque membre est libre de s’y exprimer afin d’orienter la suite du chantier dans une seule et même direction : celle de son achèvement dans le respect du projet dessiné mais aussi dans l’adaptation aux problèmes rencontrés et dans l’écoute de chaque membre quant à ses spécificités.

56.Mickaël Rivron, Auto-constructeur et membre de l’agence Bigre Architecture, Nantes. Entretien téléphonique réalisé le 20.04.16.

57.FLECHEUX Marie, Op.Cit, p.71. 58. FLECHEUX Marie, Op.Cit, p.74.

DU TEMPS À VALORISER ?

Le temps passé à expliquer le projet aux habitants, à assurer un rôle de pédagogue, est un investissement que beaucoup d’agences d’architecture ont du mal à valoriser. Cet engagement en temps, nécessaire au bon déroulement du projet et à une véritable collaboration entre la MOA et la MOE, est garant de la réussite du déroulement d’un projet mené ensemble jusqu’à son terme. Mais cet engagement est « difficilement valorisable financièrement »56 .

1.03.4. L'emprise spatiale

La gestion de l’espace est un point important dans ce type de chantier. La particularité ne réside pas nécessairement dans le fait qu’il s’agit d’un chantier effectué par des non professionnels mais plutôt que tout chantier en milieu urbain dense nécessite une attention exacerbée à la gestion de l’espace. L’emprise spatiale de l’ouvrage à construire est à prendre en compte, mais l’important est également de traiter les circulations et retournement autour de l’ouvrage, la zone de livraison des transporteurs déposant les matériaux, le stockage de ces mêmes matériaux, l’emplacement de matériel encombrant comme une grue, mais aussi un lieu propice aux explications et aux temps de repos pour artisans et habitants.

1.03.5. La disponibilité

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1.03.6. Des adaptés

modes

constructifs

Permettre à des habitants de participer à la construction du projet sur chantier interroge sur la notion de capacité. Étant non professionnels et ne disposant pas des savoir-faire et des ressources techniques propres aux artisans, il peut être question d’imaginer au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre, un système constructif relativement facile à mettre en œuvre. Pour produire une architecture en lien avec les aspirations des habitants réunis autour de tel ou tel projet, plusieurs systèmes peuvent être envisagés et mêlés. Cela peut se traduire, dès la phase d’esquisse, par le choix d’un système constructif permettant une mise en œuvre simple de plusieurs manières. D’un point de vue matériel, on peut envisager d’utiliser peu de matière et ainsi réduire les quantités et le poids à déplacer. D’un point de vue technique, on peut s’assurer de la maniabilité et la manutention aisées des matériaux. Et enfin d’un point de vue physique, on peut prévoir un chantier où l’échelle de l’homme et de ses capacités physiques reste le curseur principal pour déterminer le système constructif. Dans ce cas le recours à une grue nécessiterait des compétences de pilotage tandis que le portage et la mise en place d’un palan peut assurer une mise en œuvre, certes plus fatigante, mais à la portée de tous. Le choix d’un système constructif peut donc être le résultat d’une prise en compte des capacités d’un public n’étant pas familier au monde du bâtiment. Il peut également, pour répondre aux contraintes liées à la parcelle dédiée au projet, être le résultat

d’une adaptation au site d’implantation, parfois dans un tissu urbain dense. C’est le cas d’un chantier effectué en plein centreville médiéval de Nantes, par Mickaël Rivron59 , auto-constructeur et membre de l’agence Bigre Architecture. Souhaitant construire sa maison dans le centre-ville, c’est par souci économique et souci d’accessibilité que l’auto-construction est apparue comme solution idéale. D’accès difficile, la parcelle est enclavée dans le vieux bourg médiéval de la ville. On l’atteint au terme d’un parcours qui depuis la rue piétonne traverse une première cour, puis s’engage dans un passage étroit de 1,2 mètre de large sur 8 mètres de long. Cet accès était la difficulté majeure de ce projet, qui a fait fuir la plupart des entreprises. Malgré cela et convaincu du potentiel de cette parcelle, M. Rivron mit au point un système constructif qui lui permettrait une manutention à bras, aidé pour certaines tâches par une minipelle mécanique et une grue araignée. Une ossature métallique, dimensionnée en morceaux de six mètres, a été conçue afin d’être réassemblée facilement sur site par boulonnage. Consacrant son temps durant quinze mois au chantier, dans un contexte très contraint, il se retrouva l’unique ouvrier permanent, venant se faire aider pour la manutention et le transport les jours d’arrivage de matériaux. Dans ce projet, c’est par la réflexion menée au préalable sur le système constructif qu’il a été possible pour Mickaël Rivron de réaliser un projet dans une parcelle en milieu urbain dense et d’auto-construire sa maison. Afin de ne nuire ni à la bonne réalisation de l’ouvrage, ni à la vie personnelle des auto59.Mickaël Rivron, Op.Cit.

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constructeurs, il signale qu’il faut avec les habitants et très en amont dans le projet « mettre en corrélation les travaux envisagés avec leurs capacités techniques et de temps libre »60 .

1.03.7. Le cadre législatif

« La loi ALUR, la loi CAP, la notion de chantier expérimental va peut-être permettre de lever un peu des choses par rapport à ça mais c’est vrai que ça reste un carde un peu à part »61 . Une loi a été examinée au Sénat en février dernier, la loi CAP. Loi pour la CréationArchitecturale-Patrimoine, elle fait suite à la stratégie décennale pour l’architecture et au rapport Bloche (Patrick Bloche). Ce texte inscrit notamment des règles de protection du bâti et du paysage. Y figure aussi la notion de chantier expérimental, qui permettrait de simplifier le cadre réglementaire de la construction et notamment pour accepter la notion d’expérimentation sur un chantier et que tout ne soit pas tout fait sans respecter le DTU. Une partie de ce projet de loi est portée par l’architecte Patrick Bouchain. De plus, à l’automne 2015, Fleur Pellerin, alors ministre de la culture, a annoncé la stratégie nationale pour l’architecture et l’un des six axes principaux est de « Soutenir la démarche expérimentale et sa valeur culturelle »62 . « L’ordre des architectes, à l’occasion de la loi ALUR, a produit une note sur l’habitat participatif, et propose de mettre en 60.ickaël Rivron, Ibid. 61.Boris Nauleau, Op.Cit. 62.Le Moniteur, paru le 30 octobre 2015 dans le no5840.http://www.culturecommunication.gouv.fr/ Politiquesministerielles/Architecture/Strategie-nationalepour-l-architecture).

place de nouvelles formations pour les architectes et la création d’une mission spécifique à l’aide à l’auto-promotion, la constitution d’un réseau national d’assistance à maîtrise d’ouvrage de l’habitat participatif, la production d’une culture du projet architectural de cette manière d’habiter et de concevoir en informant et en sensibilisant le public, et enfin, le lancement de projets participatifs d’initiatives publiques »63 . Aucun montage spécifique n’existant pour l’autopromotion, la loi ALUR le mentionne tout de même dans l’article n° 2014-366 art 47 qui stipule un décret général concernant les coopératives d’habitants et évoque le modèle des sociétés d’attribution et d’autopromotion.

1.03.8. Investissement des municipalités

La ville de Nantes a accueilli pour la première fois, en février dernier, un colloque sur l’habitat participatif64 . Nantes pour l’aménagement ainsi que l’agence CLAAS Architecte sont à l’initiative de ce rassemblement. L’engagement et la sensibilisation de la mairie envers des démarches d’habitat participatif ainsi qu’un lien avec des agences œuvrant pour ce type de démarche, comme CLAAS Architecte, a impulsé l’émergence de projets au cœur de son territoire. En résultent plusieurs appels à projets lancés par la municipalité sur des parcelles précises. Ces opérations prennent souvent

63.GUYET Claire, Quelle place pour l’architecte dans l’auto-construction, Éditions Cosmografia, Nantes, 2014, p.123. 64.Colloque : L’habitat participatif : expériences et prospectives sur le territoire métropolitain nantais, Nantes, 24 février 2016. CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016 37


place dans des ZAC gérées par Nantes pour l’aménagement, une société d’économie réflexion, les membres de l’agence ont commencé par effectuer une étude de faisabilité puis ont rencontré l’urbaniste de la ZAC et enfin ont œuvré pour la constitution du groupe d’habitants avec une association qui fait de l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour des groupes d’habitat participatif et Nantes Métropole Aménagement. C’est à l’issue de réunions publiques organisées dans le quartier que le groupe d’habitants s’est formé. Comme l’explique Bruno Parasaote65 , les pouvoirs publics ont un rôle qui peut être de plusieurs ordres vis à vis de cette demande : -Ils peuvent aider à la création et à la réalisation en demandant aux bailleurs locaux d’assurer la maitrise d’ouvrage pour les habitants ; -Ils peuvent aussi aider des collectifs déjà formés à organiser et monter leur projet en les accompagnant financièrement pour une partie des études initiales ou en mandatant la participation d’un AMO ; -Ils peuvent mettre en place des appels à candidature publique ; -Ils peuvent dans leur politique urbaine réserver des parcelles dédiées à ce type de projet ou offrir des dégressions foncières aux groupes postulant. Depuis 2010, les collectivités se sont mises en réseau : le réseau national des collectivités pour l’habitat participatif. Il regroupe et aide à coordonner les villes entre elles afin de bénéficier d’un échange qualitatif entre les modèles adoptés et les solutions trouvées. 65.PARASOTE Bruno, Op.Cit, conférence ENSAL.

« Le processus d’innovation repose beaucoup sur la capacité de l’architecte à ouvrir le champ des possibles, sur sa capacité à s’extraire de ses pratiques habituelles et à rentrer dans une démarche collaborative. Ce dernier point est, de fait, un élément essentiel ; pas seulement sur le seul désir de l’architecte à collaborer avec ses clients dans une démarche partagée de production du projet (bien que cela ne soit pas toujours dans sa culture professionnelle), mais également dans sa capacité à animer ce travail »66 . Pour être à même « d’animer » ces moments de réflexions partagées, l’architecte peut faire le choix de s’engager pleinement dans le processus, il peut aussi mandater un nouveau membre, l’AMO : Assistant à Maîtrise d’Ouvrage qui assure un rôle de conseil, de proposition et de suivi de toutes les opérations qui vont s’effectuer pour un projet architectural.

1.03.9. AMO : Assistant à Maîtrise d'Ouvrage SON RÔLE

Pour le projet de La boîte noire, un AMO a accompagné les habitants pour le montage juridique, financier et programmatique afin de faciliter la mise en forme de leurs souhaits. J’ai découvert l’importance de cet acteur dans certains projets analysés. En Suisse, le nom de ce même acteur prend une variable, il s’agit là-bas du RMO, le Référent à Maîtrise d’Ouvrage. Les auto-constructeurs sont souvent des gens qui désirent prendre en main la conception et la production de leur 66.RUIZ Eric, Op.Cit., p.164.

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logement, que ce soit pour court-circuiter la filière des promoteurs ou prendre part à toutes les étapes de production de leur logement. Plusieurs pays voisins comme la Suisse ou l’Allemagne, se sont penchés depuis plusieurs années sur ces questions. La France en est encore à ses balbutiements et afin de proposer une mise en place au plus juste, de nouveaux acteurs apparaissent, les Assistants à Maîtrise d’ouvrage, aussi appelés AMO. Déjà présents auparavant dans les marchés publics, ils réapparaissent dans le secteur précis de l’habitat participatif. La mission d’un AMO est de faire l’interface entre le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage. Mais dans le cas de l’habitat participatif le maître d’ouvrage est pluriel et fluctuant. Ce n’est pas un individu ou une entité mais souvent plusieurs familles et il peut se modifier, en ce sens qu’au cours du projet des familles se désistent, d’autres sont intéressées et prennent leur place. La formule est donc différente pour chaque projet, et il requiert à ce nouvel acteur de s’adapter et d’être capable de répondre à l’évolution. L’architecte Mickaël Osswald m’a expliqué que le projet est une compétence dont dispose l’architecte. La gestion du groupe en est une autre, et l’AMO semble l’acteur présent pour y remédier. Dans un projet que l’agence effectue actuellement, où se mêlent habitat participatif et logements pour séniors en milieu rural, des café clash sont organisés régulièrement par l’AMO, pour réunir les habitants autour d’ateliers de travail. La présence de la MOE est temporaire, permettant ainsi à l’AMO de traduire les souhaits des habitants à la MOE. L’AMO a également pour mission de

trouver la structure et le montage juridique le plus adapté tels la Société Coopérative d’Intérêt Collective (SCIC), la coopérative d’habitants, la coopérative de construction et de gestion ou encore la Société Civile Coopérative de Construction (SCCC), utilisée dans le projet mentionné plus haut par l’agence G.Studio. TISSER AVEC UN GROUPE

Comme dans le cas du projet de Soubeyran, le RMO doit faire le lien avec tout un groupe d’habitants à géométrie variable, avec des demandes complétement différentes: faire l’intermédiaire avec ceux qui vont construire ; être présent très en amont du projet, l’essentiel de leur travail est alors de discuter avec les habitants, d’essayer de comprendre où sont les enjeux, de discuter des avantages et des inconvénients de chaque questionnement, de voir tout le champ des possibles mais aussi de faire l’intermédiaire avec l’architecte pour vérifier la faisabilité constructive et financière des souhaits exprimés par les futurs habitants. Un véritable travail d’écoute, d’analyse et de cadrage. Dans le projet de la rue Soubeyran, cet interlocuteur a joué un rôle clef lorsqu’il a été question de la localisation des appartements. Effectuée tard, en mars dernier et quatre ans après le début du projet, les habitants semblaient partagés entre impatience et hantise à l’égard d’un moment qui pourrait potentiellement créer des tensions ou briser la dynamique commune. Pour cette phase particulière les deux RMO ont donc fait appel à une personne spécialisée dans la médiation, un nouvel acteur dans ces dispositifs de prises de décisions partagées. Le travail

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du RMO a donc aussi été d’essayer de s’entourer de gens qui connaissent le sujet, pouvant les aider dans des moments clefs et sensibles comme ceux-là. Il était déjà intervenu une journée plus en amont sur la question du fonctionnement de la future association des habitants. Deux journées avec lui, ont alors permis de débattre et de réfléchir sur la manière de procéder pour localiser les appartements. Une procédure décidée collectivement dont « le succès n’est pas la procédure en ellemême mais plutôt qu’on l’a construise ensemble cette procédure »67 . C’est aussi avec les RMO et par des discussions avec l’architecte que des éléments comme les typologies, les situations ou l’organisation des logements entre eux ont été discutés. Au bout de quelques réunions collectives, les architectes ont permis de cristalliser cette entente née entre les habitants en proposant au sein du projet, au troisième étage du bâtiment une rue intérieure.

prise de décisions ou les procédures et ainsi faire gagner du temps mais aussi pérenniser l’entente entre les futurs habitants. Le RMO, parfois, doit aussi temporiser quelques envolées ou quelques positionnements un peu rigides, mais il s’agit surtout de « faire de la diplomatie et de redonner un peu d’enthousiasme à des moments où il y avait des petites animosités »68 . Mais c’est aussi son rôle d’anticiper les moments qui risquent de déclencher un conflit.

ANTICIPER / PERENNISER / DEJOUER LES CONFLITS

L’importance du RMO réside sans doute dans sa capacité à anticiper afin d’ajuster, de prendre le temps des décisions, le temps de la réflexion et de poser un cadre flexible qui se calque aussi sur le rythme d’habitants qui n’ont pas forcément l’habitude de décider en commun ou qui n’ont pas conscience de tout le processus, qui tout en étant souple, doit tout de même répondre à des exigences de planning. L’autre atout est celui de savoir s’entourer correctement en faisant intervenir de nouveaux acteurs s’ils peuvent faciliter la 67.Olivier Krumm, Architecte, RMO et habitant du projet rue Soubeyran. Entretien téléphonique réalisé le 12.05.16.

68.Olivier Krumm, Ibid.

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2. Une mise à l’épreuve : le projet BIFURKATION implanté sur la ZAC Flaubert -

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2.01. Le site d'étude

Ce travail personnel mené dans le cadre d’un parcours recherche vise à développer un lien étroit avec le projet de fin d’études réalisé collectivement avec mes deux camarades Guillaume Cretin et Thomas Petit. Les recherches effectuées en connexion avec le processus de pensée du projet permettent de l’enrichir afin d’imaginer une application concrète des concepts découverts au sein même du projet Bifurkation. Le site sur lequel nous avons choisi de travailler est situé à Grenoble dans une partie de la ville délaissée par les différentes phases d’urbanisme. Construit sur les abords d’une voie ferrée en activité jusqu’aux Jeux Olympiques de Grenoble de 1968, ce secteur connaissait un fort pôle industriel. Le site est désormais occupé par des entrepôts en partie abandonnés, en partie utilisés par des activités de tertiaire. Enclavé entre le nouveau parc Flaubert et la rue Prosper Mérimée, nous proposons une promenade paysagère, une Bifurkation au parc en pénétrant dans un îlot chargé d’une histoire industrielle. Le projet propose de venir réhabiliter l’un des entrepôts en dévoilant la structure métallique de la halle et en offrant un espace paysagé ouvert et public en dessous. Tout autour, le projet implante des logements et une multitude d’activités et de services prenant appui sur les potentiels du lieu et les dynamiques déjà en place. Concernant les logements, il existe une volonté de la municipalité grenobloise de faire participer les habitants. Lors de la mise en place du programme, faire

en sorte d’impliquer les habitants dans la construction des logements paraissait évident, toutefois la manière de le faire l’était beaucoup moins.

2.02. La volonté du MOA de la ZAC 2.02.1. QU’EST CE QU’UNE ZAC ?

En choisissant d’effectuer notre projet sur le site de la ZAC Flaubert il était avant tout important de comprendre ce qui caractérise une ZAC. La ZAC, Zone d’Aménagement Concerté, représente une entité complexe, à la fois étendue spatiale, structure juridique, unité programmatique et cadre opérationnel, qui dicte la manière de créer un aménagement de l’espace urbain. L’article L311-1, du code de l’urbanisme, précise que : « Les zones d'aménagement concerté sont les zones à l'intérieur desquelles une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation décide d'intervenir pour réaliser ou faire réaliser l'aménagement et l'équipement des terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés»69 . La ville de Grenoble, décrit quant à elle que la ZAC « offre aux collectivités publiques un cadre juridique, financier et technique adapté à la réalisation d'une opération d'aménagement de l'espace. Elle permet l'élaboration d'un projet urbain, en concertation avec la population locale concernée, et la conduite d'une opération 69.Site du gouvernement relatif au service public de la diffusion du droit.

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d'aménagement combinant l'acquisition des terrains et leur aménagement ainsi que la réalisation d'équipements publics et de constructions, en partenariat avec d'autres acteurs de l'aménagement. »70

2.02.2. Le cas particulier de la ZAC Flaubert A Grenoble, ce processus a été lancé par la ville en 2005. Sur 90 hectares au centre de l’agglomération, la ZAC Flaubert se déploie, étendue entre la rue Émile Zola au Nord et l’avenue de Malherbe au Sud. Elle s’inscrit dans une continuité de requalification des secteurs délaissés de la ville. En effet, dans un axe Nord-Sud, elle s’insère entre la ZAC de Bonne et celle de Vigny-Musset. Concernant l’axe EstOuest, elle poursuit le développement d’aménagements effectués le long de l’axe de la piste cyclable qui s’étend de Saint-Martin- d’Hères jusqu’au boulevard Jean Jaurès, non loin de la gare. La SAGES-INNOVIA, société publique locale d’aménagement (SPLA), est chargée de son aménagement comme de celui de nombreux projets de la ville de Grenoble.

2.02.3. La concertation au coeur de la ZAC Le C, de l’acronyme ZAC, est relatif à la concertation mise en place dans l’élaboration d’un projet. Dès l’esquisse du projet de PFE, nous nous sommes interrogés sur la posture à adopter, en tant qu’étudiants et futurs maîtres d’œuvre, dans ce type d’urbanisme et sur l’échelle

70. Site internet de la municipalité grenobloise. http:// www.grenoble.fr/302-flaubert-un-quartier-au-centre-degrenoble.htm

de cette concertation. A quel moment ? Avec qui ? Et comment associer les habitants et l’ensemble des acteurs à la construction et à la réalisation du projet ? La municipalité a souhaité « faire de Flaubert un laboratoire de la co-construction de la “ville de demain“ avec les habitants et les acteurs économiques culturels, associatifs et universitaires »71 . Le projet est bâti sur « l’innovation constructive dans la responsabilité citoyenne et la sobriété urbaine »72 . La méthode est d’associer les habitants et l’ensemble des acteurs à la construction et à la réalisation du projet. Trois missions structurent la mise en œuvre opérationnelle du projet. La première est la mise en place d’un plan guide général par un paysagiste-urbaniste, la seconde consiste en la définition architecturale par deux architectes-urbanistes, afin d’établir les directives architecturales de l’îlot. La troisième, et celle qui nous intéresse davantage, est d’accompagner la co-construction dans la concertation. Architectes, urbanistes, paysagistes et économistes feront partie d’une équipe pluridisciplinaire pour répondre à cette démarche de co-construction avec les habitants, l’aménageur qu’est la SAGES et les élus. La ville de Grenoble « souhaite mettre en œuvre les principes de participation et de responsabilité citoyenne dans une démarche de sobriété urbaine » 73 . En effet dix objectifs d’innovation constructive ont été mis en place par la 71.KERMEN Pierre, directeur de la SAGES, présentation le 13.10.2015, ENSAG. 72.KERMEN Pierre, Ibid. 73.Plaquette de la ville de Grenoble, septembre 2015.

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SAGES et la municipalité afin d’assurer « la responsabilité citoyenne » et la « sobriété urbaine ». Il ne s’agit pas d’aménager, mais de « ménager » le futur urbain en laissant place aux initiatives et à l’incertitude. Le premier mentionne cet attachement à la concertation, il est question d’« associer les habitants à la conception du quartier, soutenir dans le temps l’appropriation et l’animation citoyenne du quartier. Évaluer le contrat urbain dans la durée »74 .

2.03. Posture urbaine proposée dans la ZAC Flaubert Concernant la posture urbaine, plusieurs questionnements sont apparus : comment aujourd’hui le modèle de la ZAC se déploie-t-il à l’échelle urbaine ? Différentes ambiances doivent-elles apparaître afin d’entrer dans une logique globale ? Et de fait, quelle posture prendre pour concevoir un projet au cœur de la ZAC Flaubert ? Nous avons donc réfléchi à la posture qui pourrait fonctionner en termes de déploiement et de forme urbaine. Nous proposons pour ce projet, au sein de la ZAC Flaubert, de prendre position vis à vis du bâti industriel et tertiaire existant en le considérant d’une part comme potentiel à intégrer au projet et d’autre part comme support pour créer des lieux d’appropriation dans le tissu urbain. Le site de la ZAC Flaubert est marqué par son passé d’anciennes zones industrielles, avec nombres d’entrepôts et de bâtis abandonnés, conduisant le lieu à sa situation actuelle, celle d’une zone en friche avec une emprise importante de bâtis industriels et tertiaires mais avec une 74.Ibid.

utilisation très clairsemée de ces espaces. En prenant appui sur le site, et sur l’analyse des différentes ZAC, nous avons tenté de comprendre ce qu’était cette entité.

2.04. Proposition hypothétique pour Bifurkation

« Mon point de départ était de chercher une conception de l’architecture qui puisse assurer aux habitants une liberté plus grande. Traître –dans une certaine mesureà l’architecture, je me sentais plus solidaire de l’habitant que de mes confrères (tout en étant architecte, je suis moi-même, après tout, un habitant à part entière). »75 Notre proposition s’empare de la volonté de la municipalité de Grenoble « de faire de la ZAC Flaubert un laboratoire de la coconstruction de la « Ville de demain » avec les habitants et les acteurs économiques, culturels, associatifs, universitaires ». Nous souhaitons y répondre par une stratégie globale et aussi par une intervention focalisée sur l’un des bâtiments de l’îlot Bifurk, renommé ainsi par la présence d’un lieu important dans l’univers culturel et associatif de la ville de Grenoble : la Bifurk. Nous pourrions, en tant qu’architectes mandatés sur ce projet, organiser des réunions de concertation avec les habitants afin de concevoir ensemble leurs futurs logements. Les habitants pourraient être les adhérents d’une coopérative, déjà existante ou montée pour l’occasion. Ils s’organiseraient autour d’un groupe d’habitants composé de dix familles sensibles à l’édification d’un projet collectif 75.FRIEDMAN Yona, Op.Cit., p.31.

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d’habitat dans ce quartier. C’est lors de ces moments de discussions partagées entre architectes et habitants que seraient notamment décidées les phases concrètes durant lesquelles interviennent les habitants. Il pourrait être pensé que les coopérateurs s’investiraient dans la gestion et le financement de leurs futurs logements par de l’auto-promotion, et qu’ils s’investiraient notamment dans la phase du chantier en faisant de l’auto-construction. Cette auto-construction pourrait pour le projet consister en la préfabrication de caissons de bois remplis en paille, et dont les enduits seraient faits sur chantier, une fois ces caissons posés. Un calendrier de chantier précis pourrait être établi afin de fixer les temps d’interventions des habitants sur chantier. Quelques semaines pourraient être bloquées au cours de l’année, ou plusieurs week-ends d’affilée sur un même mois.

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3. ANALYSES DE PROJETS où la MOA prend part à la phase constructive -

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3.01. COOPÉRATIVES RUE SOUBEYRAN

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LOCALISATION : 7 rue Soubeyran, Genève, Suisse MAÎTRISE D’OUVRAGE : Coopérative Luciole et coopérative Équilibre MAÎTRISE D’ŒUVRE : Agence ATBA PROGRAMME : 38 logements + parties communes et espaces partagés + locaux d’activités LIVRAISON : 2012-2016 (en chantier, livraison prévue pour décembre 2016)

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Ce bâtiment est composé d’un programme mixte. Le rez-de-chaussée est composé de locaux commerciaux et associatifs tandis que dans les étages se développent les logements, trente-huit au total, dont la superficie s’étend de trois à six pièces. Une attention a été portée au label THPE (Très Haute Performance Énergétique), aux concepts bioclimatiques, à l’utilisation d’énergie passive et à l’emploi de matériaux sains afin d’assurer une bonne qualité de l’air. Conçu par une coopérative d’habitants, le partage de certains espaces est au cœur de la conception. Une buanderie et six chambres d’amis ou bureaux sont à disposition des habitants au troisième étage. Trois sont des chambres d’amis que les gens réservent gratuitement et trois autres sont des bureaux ou des chambres supplémentaires pour les familles ainsi qu’une terrasse commune et un potager sur le toit. A cela s’ajoute une attention au traitement des jonctions entre espaces collectifs et espaces privatifs. Côté jardin, des balcons communs sont mis en place, sur lesquels chaque appartement dispose de sa partie privative et appropriable. Les balcons positionnés en quinconce se développent sur une double hauteur. Ils peuvent être laissés tels quel pour profiter des relations de voisinage, ou obstrués par un store horizontal pour intimiser davantage son balcon. La protection solaire est assurée quant à elle par un système de stores amovibles, présents directement sur les balcons en orientation sud-ouest. Concernant la logique d’implantation,

le bâtiment est positionné perpendiculairement à la rue Soubeyran et en léger retrait par rapport à celle-ci. Ceci permet une ouverture de la rue sur une parcelle disposant de locaux commerciaux et d’activités tel que brasseur de bière, shiatsu, art thérapie, coiffure et agence d’architecture. Ce retrait en biais intimise davantage l’autre façade où prendront place le jardin partagé. Le projet s’inscrit dans une génération de PLQ, Plan Localisé de Quartier, propre à Genève, où des gabarits et une emprise stricte sont imposés pour les bâtiments. L’emprise spatiale du bâtiment a été déterminée par le PLQ. Devant disposer d’un gabarit de dix-sept mètres de large, le bâtiment devait aussi s’orienter nord sud. Ces contraintes imposées par le canton ont été prises en considération à l’origine de la conception du projet. Ceci donna lieu à de nombreuses discussions quant au choix d’orientation qui apporterait le maximum de qualités pour les grands et les petits logements. Au vu de cette contrainte, la configuration des appartements a été perçue comme contraignante par les habitants. Des logements traversant ont été favorisés. Catherine Lavallez, membre de la coopérative Équilibre et future habitante du projet évoque cette importance d’avoir « l’historique dans la tête »76 afin de comprendre les choix urbains, formels comme constructifs effectués tant par les habitants que les architectes.

76. Catherine Lavallez, Planification énergétique territoriale, Consulting énergie/environnement (Genève), future habitante du projet rue Soubeyran. Entretien réalisé à la MSH Alpes le 03.05.16.

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Organisation générale du projet, plan d'étage R+3, redessin personnel d'après document fourni par l'agence.

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3.01.1. LES COOPÉRATIVES LUCIOLE ET ÉQUILIBRE AU CŒUR DE LA PHASE DE CONCEPTION DES HABITANTS COOPÉRATEURS

Les habitants réunis autour du projet de la rue Soubeyran proviennent de deux coopératives. Les membres de la coopérative Luciole d’une taille moins importante possède environs 37% des logements tandis que les membres de la coopérative Équilibre (composée actuellement de plus de cent foyers) qui est constituée par un groupe d’habitants plus important, possède le reste. Deux RMO, sont là pour les accompagner. Concernant l’accès au foncier, la parcelle a été attribuée en juin 2011 aux coopératives Luciole et Équilibre. Dans le système genevois, c’est l’Etat de Genève qui propose des terrains disponibles aux coopératives, c’est ensuite un groupement de coopératives qui se charge de la répartition des terrains. Comme pour ce projet, c’est ce même groupement qui se charge de réunir une coopérative ayant déjà construit avec une coopérative plus petite qui débute. Ce fonctionnement assure à tout groupe d’habitants monté en coopérative de pouvoir prétendre à des terrains du canton. Les coopératives ont donc obtenu ce terrain en concession de l’État genevois en bail emphytéotique pour une durée de 99 ans. De manière générale, dans ce système coopératif, une fois le bâtiment habité, une association est créée pour la gestion interne du bâtiment tandis que la gestion globale et foncière restent à la charge de à la coopérative.

Les deux coopératives, disposant d’envies communes, se sont très vite positionnées sur des questions tant écologiques, environnementales que techniques associant les aspirations de la coopérative Luciole concernant des problématiques sociales et durables et celles plus portées sur le traitement, la consommation et la gestion des énergies et de l’eau pour la coopérative Équilibre. DÉMARCHE HABITANTE

Une fois les deux coopératives regroupées et le foncier trouvé, il était question de monter un groupe de potentiels futurs habitants. En effet, l’engagement au sein de la coopérative n’engageait pas une garantie pour habiter dans le projet futur. Une fois le groupe d’habitants constitués, les premières réunions entre habitants se sont effectuées durant l’été 2012. Afin d’assurer un fonctionnement interne et commun, les premières discussions ont portées sur l’établissement d’une charte entre les deux coopératives d’habitants. De taille très différentes, leur fonctionnement l’était tout autant, la coopérative Équilibre rayonne désormais dans Genève et possède un comité et un conseil d’administration tandis que la coopérative Luciole était à ses débuts. En fin d’année, une charte commune, un cahier des charges expliquant le programme du projet ainsi que la procédure employée pour choisir l’architecte, étaient rédigés. À la suite de cela, quatre bureaux d’architectes ont été sélectionnés pour passer des d’auditions devant un groupe d’habitants constitué pour l’occasion. Les habitants étant à la recherche d’un engagement sincère dans la participation

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et l’écologie, « c’était plus une philosophie que l’on attendait de leur part »77 , c’est l’agence genevoise ATBA qui a été choisie. IMPLICATION HABITANTE

Les habitants ont participé au projet dès les premiers coups de crayon. De nombreuses réunions collectives, ont permis de définir en collaboration avec la MOE le bâtiment correspondant à leurs aspirations. Pour être efficaces sur l’ensemble des sujets à traiter, les habitants ont décidé de travailler en parallèle par groupes de réflexion sur des thèmes particuliers comme les aménagements extérieurs, les locaux et espaces communs, le système sanitaire ou encore l’accessibilité handicapé. Une réunion collective tous les dix jours ainsi que les commissions, auxquelles participent activement une vingtaine de familles ont abouti à la création d’un projet à l’esprit et l’énergie pensés collectivement. D’après un souhait commun et afin de s’impliquer davantage dans le projet et son processus décisionnel, les réunions étaient animées par les coopérateurs. À Genève, il existe nombre de coopératives, peu d’entre elles intègrent les habitants en phase de construction, toutefois ils sont toujours impliqués à des degrés différents dans la phase de conception. « On se rend compte que le fait de penser collectif et en même temps de construire là où on va habiter est quelque chose qui est très délicat »78 . Les choix effectués en collectif quant aux balcons, aux abris vélo, au traitement des déchets ou encore à la phytoépuration interrogeaient sur la 77.Catherine Lavallez, Ibid. 78. Catherine Lavallez, Ibid.

manière de vivre soi-même au quotidien. Pour que chaque appartement dispose de qualités similaires dans le cas d’une revente par exemple, ces choix devaient s’effectuer en commun et de la manière la plus objective, au vu du mode d’habiter de chacun. À Soubeyran, c’est en discutant des systèmes constructifs et des aspirations de mise en œuvre, notamment de la paille, que la possibilité de participer au chantier est arrivée en tête des coopérateurs. Il pouvait être question de mettre en place un bâtiment en structure bois ou d’opter pour un isolant comme la paille. L’un et l’autre ne pouvaient s’effectuer puisque le contexte Suisse n’autorise pas à avoir une structure porteuse en bois si l’isolation est combustible. La mise en place d’une structure porteuse en bois était intéressante mais n’aurait permis une participation des habitants que pour des tâches de finition comme les enduits. La participation au chantier était dans les esprits et c’est donc une ossature principale en noyau béton et aux façades en caissons de bois et remplissage paille qui a été choisie. Elle correspondait aux aspirations de la MOA tant pour ses qualités de mise en œuvre en participation, pour les qualités d’isolation du matériau paille, que pour les usages générés dans l’épaisseur des murs où il est possible de s’asseoir sur le rebord de la fenêtre par exemple. LA COLLABORATION ENTRE LES COOPÉRATIVES LUCIOLE & ÉQUILIBRE ET L’AGENCE ATBA

Pour les habitants, deux qualités semblaient fondamentales dans le choix du MOE. La « capacité d’adaptation »79 était mentionnée dans ce projet, à l’image de 79. Catherine Lavallez, Ibid.

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ses membres, avec des demandes et des disponibilités en constante évolution. La seconde, complémentaire de la première, est celle de « laisser très ouvert »80 , afin que la décision, quant aux propositions effectuées par les architectes, revienne aux habitants. Des personnes, sont désignées au sein de l’ensemble des coopérateurs pour assister aux réunions avec la MOE. A trenteneuf familles, il était important d’élire des représentants afin de faire entendre, à travers quelques voix, leurs aspirations. Pour les habitants, il faut « avoir des architectes prêts à tester ça »81 , ce type de mise en œuvre de projet, car tester ces systèmes demande un fort taux d’investissement de leur part. En effet, le processus décisionnel de l’architecte et des coopérateurs s’effectue dans des rythmes certes connectés mais différents. Un questionnement important soulevé par l’architecte lors d’une réunion sera traité par les coopérateurs mais conduit et validé à la séance suivante par les coopérateurs afin que le maximum de membres se prononcent. Ayant lui-même participé à la construction de son logement dans une coopérative, l’architecte se trouvait à même de comprendre ces temps plus longs qu’un processus classique mais hautement appréciés par tous car prenant en considération l’avis de chacun. La mise en place du programme s’est effectuée collectivement entre MOA et MOE, mais une attention spécifique a été accordée à chaque famille. Pour répondre aux désirs collectifs et 80.Catherine Lavallez, Ibid. 81.Catherine Lavallez, Ibid.

individuels, des espaces communs ont été proposé au troisième étage (buanderie collective, chambres d’amis, chambres indépendantes). Ces espaces partagés favorisent le vivre ensemble et les échanges entre les habitants tout en préservant une certaine intimité. LA COLLABORATION ENTRE LES COOPÉRATIVES LUCIOLE & ÉQUILIBRE ET les RMO

Pour effectuer un lien entre architecte, habitant et artisans, un nouvel interlocuteur a un rôle important : le RMO, Référent Maître d’Ouvrage, similaire à l’AMO français, l’Assistant à la Maîtrise d’Ouvrage. Dans ce projet ils étaient deux à assurer ce rôle d’interface directe avec les habitants, à la fois très proche de la MOA lors des réunions mensuelles mais aussi de la MOE. Depuis le départ investi dans le projet, car à la fois membre de la coopérative Luciole dont il est président et futur habitant du projet, Olivier Krumm, architecte de formation, a été convié à renforcer l’équipe de RMO, début 2015, représentée par Christophe Brunet, en se focalisant sur les choix architecturaux dont les systèmes constructifs alternatifs et la participation des habitants au chantier. Pour Olivier Krumm, l’un des points clefs de la démarche du groupe de futurs habitants, est qu’il n’a jamais été évoqué de faire un comité, conduisant à une organisation fonctionnelle entre chacun des membres. C’est pour lui un « fonctionnement spontané, organique et vivant »82 et la confiance attribuée par et pour les habitants fait que la participation a été extrêmement élevée et garante dela réussite du projet.

82.Olivier Krumm, Architecte, RMO et habitant du projet rue Soubeyran. Entretien téléphonique réalisé le 12.05.16. CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016 54


Cette forte participation se ressent dans les rapports bienveillants qu’ont développés à la suite de cela les habitants les uns envers les autres et a été un réel avantage lors de sujets complexes traités en réunion comme la répartition des logements. 3.01.2. ATBA ET LE CHANTIER RUE SOUBEYRAN L’ARCHITECTE SUR LE CHANTIER

Comme me l’expliqua Stéphane Fuchs, il est dans l’éthique de l’agence ATBA de suivre ses projets depuis l’esquisse jusqu’au chantier. Pour lui « le chantier est l’un des endroits les plus agréables, pas le plus facile, je pense d’ailleurs que c’est la partie la plus difficile de l’architecte. Certaines personnes ne sont pas capables de tenir la pression, il y a très peu de gens qui font et suivent des chantiers sur le long terme. Puisque c’est tout de la faute de celui qui suit le chantier, au moindre problème, c’est sa faute, même s’il n’était pas là, puisqu’il a le mandat de surveiller »83 . Dans le contexte des chantiers suisses, des ingénieurs sont mandatés pour veiller aux lots de chauffage, ventilation, sanitaires, par contre une responsabilité plus importante qu’en France est engagée de la part de l’architecte. En effet, il n’existe pas comme ici d’OPC, mission Organisation Pilotage et Coordination, qui contrôle et vérifie la qualité et les détails. Ce rôle est assuré par l’architecte lui-même et fait partie du contrat de maîtrise d’œuvre qui doit assurer la qualité et la sécurité sur le chantier. 83.Stéphane Fuchs, Architecte, membre de l’agence ATBA, Genève. Entretien réalisé sur le chantier de la rue Soubeyran, le 13.04.16.

Pour chaque chantier, un binôme de l’agence est mandaté, un pilote et un architecte. Le membre de l’agence s’occupant de suivre le chantier est présent deux à trois fois par semaine, « Je pense que faire du chantier c’est 50% du social. L’architecte ne sait pas grand chose, il a un grand éventail de savoirs mais peu de connaissances sur tout. Plus je m’intéresse à ce que font les ouvriers, plus j’apprends. Chaque jour où je vais sur un chantier j’apprends »84 . L’architecte doit être doté de cette capacité à estimer le bon et le mauvais, la meilleure décision à adopter. Pour être à même de gérer le chantier, un seul interlocuteur est présent sur le chantier. La coopérative d’habitants n’intervient pas sur le chantier. Et toutes réflexions et questionnements à l’égard du chantier s’effectuent entre la MOE et les entreprises. Il n’existe pas d’interaction entre les entreprises et la MOA. Selon Stéphane Fuchs c’est préférable. L’encadrement de la MOA doit s’effectuer dans un lieu précis qui ne nuise pas au bon déroulement du reste du chantier réalisé par les artisans. Les habitants ont participé à la réflexion avant le chantier, mais durant cette phase ils exécutent, leur intervention est bien précise et la coordination est assurée par CArPE. En cas de questionnement, c’est eux qui en réfèrent à l’architecte. Pour l’architecte, il est essentiel de rester dans une hiérarchie classique, puisque que la remise en cause de décisions par les habitants sur un chantier, où d’autres ouvriers sont présents, pourrait compliquer la situation. La participation de la MOA, 84.Stéphane Fuchs, Ibid, architecte du projet.

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dépend de moments précis tandis qu’il est plus question à d’autres moments de s’effacer et d’avoir confiance en l’architecte.

BIEN S’ENTOURER : la CArPE

Conscient que la participation d’habitants à un chantier nécessitait des compétences constructives particulières, l’agence ATBA a su s’entourer et a fait appel au collectif lausannois CArPE, Collectif d’Architecture Participative et Écologique. Les systèmes constructifs ont été optimisés et pensés par la MOE mais en concertation avec ce collectif. Il devait alors assurer la mise en œuvre de ces systèmes tout en accompagnant, délivrant des conseils et expliquant la manière de procéder à la MOA. Jouant le rôle d’assistant à maîtrise d’ouvrage dans la partie constructive, il s’est occupé de l’organisation et de la participation de la MOA sur le chantier.

coopérateurs, le matériau paille a été évoqué. Pour la coopérative Luciole, il s’agissait de l’un des piliers du projet de construire avec ce matériau. Pour toutes les qualités thermiques et autres qu’offre ce matériau mais aussi pour le fait qu’il s’agit d’un matériau très approprié à la participation des habitants. L’architecte était également très attiré par l’utilisation de ce matériau dans un bâtiment d’une telle ampleur. Les acteurs de la mise en œuvre et le matériau choisis, il s’agissait alors d’imaginer le système constructif adéquat. Pour cela un système constructif composé de cadre de bois avec un remplissage en bottes de paille produite dans le canton de Genève a été pensé. Ces caissons sont destinés aux façades du bâtiment dont les surfaces murales intérieures seront recouvertes par des enduits terre tandis que celle extérieures le seront par un crépi à la chaux.

UNE ORGANISATION SPATIALE SPÉCIFIQUE UN SYSTÈME CONSTRUCTIF ADAPTÉ

Mettre au point des dispositifs constructifs permettant une mise en œuvre accessible et simple par la MOA, participait de cette attention portée à faciliter l’appropriation des habitants sur l’ensemble du projet. Une décision commune entre habitants, RMO, architecte et artisans de la CArPE a été prise pour utiliser un matériau favorisant la participation, suivie d’une réflexion sur la manière de concevoir un système constructif qui puisse intégrer le matériau paille auquel les habitants et les architectes souhaitaient recourir. Dès le début des discussions entre

L’organisation spatiale sur le chantier a bien été réfléchie en amont. Afin d’assurer un cadre de travail propice au bon déroulement des travaux des autoconstructeurs, l’agence ATBA a décidé de débuter la construction des caissons en bois/paille une fois le gros œuvre du soussol réalisé. Ainsi les habitants n’ont pas eu à se soucier des aléas météorologiques ou de potentiels conflits d’usages sur le chantier. Ils disposaient donc d’un grand plateau libre pour construire.

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RÉALISER DES TÂCHES PRÉCISES

UNE ORGANISATION RIGOUREUSE

Sur le chantier, et durant les différentes semaines dédiées à la construction, il semblait important pour l’architecte que « tout le monde construise pour tout le monde »85 , afin qu’il n’y ait pas de différenciation entre logements et que l’esprit du collectif s’ancre jusque dans la construction même. L’implication de la MOA au cœur du chantier dépend des responsabilités. C’est le curseur qui dicte ce que peuvent ou non réaliser la MOA. « Avec des habitants on a fait de la peinture, de la menuiserie, du crépi, mais ce que l’on ne fait pas c’est le sanitaire, tout ce qui est technique parce que là, il faut un responsable »86 . Puis afin que les tâches soient réalisées de manière homogène sur le chantier, l’architecte préconise une réalisation commune des travaux par les habitants. Il considère essentiel que les tâches ne soient pas dissociées entre les logements (cuisine, salle de bain, chambre) mais se fassent par thème (enduits intérieurs, caissons d’isolation, jardin) afin que chacun participe au projet collectif. Il est « important de dire que je ne fais pas la peinture de ma cuisine, mais que je suis dans le groupe de peinture qui va faire plusieurs appartements, sinon vous finissez avec des différences entre les appartements (certains enduisent, d’autres non), où le risque est de tout refaire »87 .

Le planning du chantier dépend en grande partie du curseur économique. Et bien souvent le retard engendré par des travaux pas finis dans les délais provoque des coûts supplémentaires. Pour remédier à cette pression économique ou du moins pour ne pas la reporter sur les habitants, Stéphane Fuchs a pris la décision de faire participer les habitants au cœur du projet en phase de second-œuvre. N’attendant pas après eux, et n’appliquant pas une pression sur les habitants, le rapport établi entre MOA et MOE reste serein. Les habitants, encadrés par une structure d’assistance à l’auto-construction, CARPE, ont débuté la réalisation des caissons en bois remplis en bottes de paille durant des semaines précises lors du chantier, et seront impliqués en phase de finition pour les enduits terre intérieurs. Toutefois, dans le cas où les habitants ne seraient pas en capacité de terminer le chantier (retard, pas assez de membres), une part du budget a été réservée afin d’appeler une entreprise pour terminer les travaux. La MOE a prévu des structures constructives optimisées pour faciliter la mise en œuvre, en optimisant le système constructif de la façade mis en œuvre par les habitants. Pour cette mise en œuvre, un espace abrité a été choisi par l’architecte : les parkings, en sous-sol du projet, où les habitants s’approprient leur projet, en construisant au cœur même de leur futur bâtiment.

85.Olivier Krumm, Op.Cit., habitant et RMO du projet. 86.Stéphane Fuchs, Op.Cit., architecte du projet. 87.Stéphane Fuchs, Ibid, architecte du projet.

Les objectifs et les rythmes étant différents, quelques incompréhensions peuvent naître de la présence simultanée d’habitants ou des artisans mandatés pour les encadrer

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dans la phase constructive et des autres artisans présents sur le chantier. Il est complexe et paraît difficilement envisageable de mélanger au même moment des tâches de gros œuvre réalisées par les entreprises mandatées et celles prévues par la MOA accompagnée par CArPE, comme la construction de dalle par des maçons et la mise en œuvre d’enduit pas les participants. Que ce soit pour des raisons de sécurité, de manière de travailler ou d’attention au déroulement, un planning important est mis en place. Il est normal que des individus non habitués au chantier n’aient pas le même souci à l’égard du lieu de chantier, de risques potentiels et de règles de sécurité. Il advient donc à l’architecte d’engager sa responsabilité pour mettre en place le cadre propice au bon déroulement du chantier. La gestion des différentes phases d’intervention, par la mise en place d’un planning pensé en amont, sera garante du succès ou non du chantier. Le planning n’est toutefois pas un élément rigide, c’est justement dans sa capacité à le réajuster que l’architecte démontrera toute sa bienveillance envers la participation des habitants à la construction. La préfabrication par exemple peut apporter une souplesse en fabricant dans des temps parallèles qui n’entravent pas le bon déroulement du chantier sur site. OSER FAIRE PARTICIPER LA MOA POUR MONTRER AUTRE CHOSE

Les autres artisans et ouvriers du chantier étaient parfois étonnés d’une telle mise en œuvre, mais intéressés de comprendre

comment un tel système tant constructif qu’organisationnel pouvait fonctionner. À travers ce chantier, il me semble que la MOE s’est exposée mais a permis de fait connaître aux autres entreprises ce qu’il est possible de faire lorsque la MOA souhaite participer à la phase constructive. Tout comme il existe une diversité dans la manière de concevoir une architecture, la pluralité de mises en œuvre et de systèmes constructifs existent aussi et de fait la diversité de construire. 3.01.3. LES HABITANTS DE SOUBEYRAN AU CŒUR DU CHANTIER La participation de la MOA en phase de chantier est « une plus-value sensible, culturelle, sociale »88 . DISCUTER, VOIR ET VOYAGER ENSEMBLE EN AMONT, POUR COMPRENDRE SUR LE CHANTIER

Concernant des dispositifs techniques spécifiques, la MOE et la MOA ont discuté et passé en revue plusieurs possibilités, afin d’effectuer des choix sur des dispositifs comme la phytoépuration par filtres minéraux ou un système de compostage avec la mise en place de toilettes sèches. Afin de préciser les systèmes souhaités, la MOE est partie visiter des projets à Zurich, à Fribourg et en France et des voyages ont été organisés à Brisnau et à Berne avec la MOA. Ces moments partagés se sont révélés essentiels afin que les habitants se rendent compte des qualités d’ambiances dégagées par un matériau, de sa matérialité, mais aussi de l’énergie nécessaire pour le mettre en œuvre. 88.Olivier Krumm, Op.Cit., habitant et RMO du projet.

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LA COLLABORATION ENTRE LES COOPÉRATIVES LUCIOLE & ÉQUILIBRE ET CArPE

Des artisans ont été mandatés pour accompagner les habitants dans la phase constructive du projet, la CArPE. Intégré dès le départ du projet, CArPE était missionné sur le chantier pour faire faire le lien entre les architectes et les habitants ainsi que pour effectuer l’encadrement du chantier. Sorte d’assistance à maîtrise d’ouvrage en phase constructive, c’est eux qui servaient de traduction entre la conception et la réalisation durant tout le temps du chantier. Un réel rôle pédagogique a été pris par le collectif qui a exposé aux habitants, lors de réunions préparatoires, le déroulement et les attendus des semaines de construction. Ce rôle, tant en phase de préparation que durant le chantier est aussi celui de « tenir les choses »89 afin d’assurer le bon déroulement du chantier entre les membres, la qualité du travail exécuté mais aussi la sécurité des participants sur le chantier. Afin d’avoir une vision globale de la participation, ce collectif d’architecture, promeut une implication de la MOA dans les phases de conception et de construction. Travaillant en grande partie avec des matériaux comme le bois, la terre et la paille, le collectif répond à des projets dans lesquels il est appelé, non pas pour sa spécification à l’égard d’un matériau mais pour la démarche qu’il met en place. Une demande souhaitant mettre en œuvre la terre, au sein d’un projet, ne suffira pas. L’implication de la MOA et sa participation est une condition. Le matériau, la technique constructive n’est 89.Catherine Lavallez, Op.Cit., future habitante du projet.

pas l’élément premier à leur engagement dans un projet, à l’inverse cette technique constructive doit découler d’un choix de mise en œuvre. « On essaye souvent de sensibiliser le MOA à cette question-là, en lui disant, mais votre choix ne doit pas d’être de construire en paille, votre choix ça doit être du type de mise en œuvre et du type de conception que vous voulez faire »90 . S’il faut à la fin d’un projet « mettre de la terre, mettre de la paille, mettre de la participation, ça ne marche pas très bien et ça pose des problèmes »91 . Les choix de matériaux, des systèmes constructifs tout autant qu’un processus participatif doivent donc intervenir en amont du projet, ils ne sont pas une résultante mais un élément fondamental sur lequel se base le projet et duquel découle des choix précis.

LES TEMPS DE L’IMPLICATION

La MOA, au cours du chantier intervient lors de trois sessions d’une semaine. Chacune de ces sessions accueille en moyenne une quinzaine d’habitants. Il a été estimé que le temps d’investissement de chaque famille dans la construction était d’environ dix à douze jours par famille, temps considéré comme amplement suffisant par la MOE, pour des habitants poursuivant leur travail et leur vie de famille.

90. Elsa Cauderay, Architecte, membre du collectif CArPE, Collectif d’Architecture Participative et Écologique (Lausanne), artisan du projet rue Soubeyran. Entretien téléphonique réalisé le 11.05.16. 91.Elsa Cauderay, Ibid.

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Prototype de caisson bois-paille

Préfabrication des caisson bois-paille dans le sous-sol

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LE TYPE D’IMPLICATION

L’implication de la MOA s’effectue uniquement dans le second œuvre. Pour l’architecte ce n’est pas concevable d’intégrer les habitants en phase de grosœuvre du chantier « sinon ça veut dire, que si une semaine ils sont en retard, ça ne va pas : on fait quoi ? On ferme le chantier ? Alors on se débrouille toujours pour que dans ce type de cas, dans le budget soient prévus les habitants et des professionnels qui peuvent venir en urgence si besoin »92 . La MOA n’intervient pas sur le gros œuvre, car une question de planning est engagée. L’architecte annonce qu’il « essaye toujours de trouver des rôles qu’ils puissent prendre sans bloquer un chantier »93 . D’ailleurs une solution de repli a été envisagée, si les habitants ne venaient pas, des professionnels pouvaient les remplacer.

parallèle. C’est donc en s’adaptant à leurs disponibilités fragmentées, de quelques semaines dans l’année que le collectif proposa des semaines de mise en œuvre propices à la réalisation de tâches. Le troisième souhaitait une mise en œuvre qui permette de construire les panneaux de façade à un rythme qui ne pénaliserait pas les autres artisans du chantier mais aussi un rythme qui serait confortable pour les habitants. Né d’une logique de faire participer la maîtrise d’ouvrage en phase de conception comme en phase de chantier, le choix du système constructif apparaissait alors dans le projet des coopérative Luciole & Équilibre de la rue Soubeyran.

Fort de son expérience dans le monde la construction, CArPE a mis au point des prototypes de façade, qui ont ensuite été proposé à la MOA et à la MOE. La manière de mettre en œuvre ces panneaux résulte d’un choix du collectif qui opta pour la préfabrication sur place comme mode de construction. Ce choix a été pris au vu de trois facteurs principaux. Le premier est qu’il semblait impossible pour un bâtiment de cette taille d’effectuer un chantier participatif en flux constant. Le second était relatif au temps et à l’engagement que la MOA était prête à consacrer. L’engagement ne pouvait être linéaire et continu, l’ensemble des futurs habitants travaillant et ayant leur vie en 92.Stéphane Fuchs, Op.Cit., architecte du projet. 93.Stéphane Fuchs, Ibid, architecte du projet. CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016

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3.02. GREENOBYL

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LOCALISATION : 10 rue du renard prêchant, Strasbourg, France MAÎTRISE D’OUVRAGE : Copropriété Greenobyl 002 MAÎTRISE D’ŒUVRE : Agence G.Studio PROGRAMME : 3 logements en triplex + espaces communs : buanderie, toiture terrasse, cour, four à pain, sauna LIVRAISON : 2019-2013 SURFACE DU SITE : 129m2 SURFACE CONSTRUITE : 403m2 SHON

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Ce bâtiment est composé d’un programme mixte associant trois logements et deux locaux d’activités occupant le rez-dechaussée, l’atelier d’une peintre et un local associatif. Le bâtiment a été divisé en trois parties verticales dans sa hauteur, offrant à chaque famille le développement de chacun des logements sur trois niveaux. 3.02.1. TROIS FAMILLES AU CŒUR DE LA PHASE DE CONCEPTION TROIS FAMILLES POUR UN MÊME PROJET

L’une des particularités de ce projet réside dans le fait que les deux tiers de la maîtrise d’ouvrage se trouve être aussi la maîtrise d’œuvre. Deux membres des trois familles composant le groupe, Emmanuelle Rombach et Mickaël Osswald, sont effectivement des associés de l’agence G.Studio. Ce facteur leur a permis d’expérimenter au maximum la place et le rôle des deux parties.

DÉMARCHE HABITANTE

Après la construction d’Éco-logis, premier habitat groupé à Strasbourg, Greenobyl est le deuxième sorti de terre. En 2009, la ville de Strasbourg a lancé une démarche proposant de développer une nouvelle forme de production d’habitat conçu et réalisé par des citoyens. Une opération 10 terrains pour 10 immeubles durables en autopromotion a été lancée. Une esquisse et un entretien concernant le projet de vie de la MOA étaient demandés afin de déterminer un lauréat. Un temps très serré demandait aux participants, en deux mois, de répondre par une esquisse, de fournir un dossier complet évoquant

l’organisation et le financement ainsi que de trouver un architecte. Cet appel à projet était ouvert à tous types de participants, cependant au vu de la contrainte du temps et le nombre de conditions exigées, c’est une majorité de jeunes agences d’architecture, habituées et réactives à ce type de demande qui ont répondu. C’est à la suite de cette première consultation que le projet de l’agence G.Studio a été nommé lauréat. Il est alors inauguré sur la parcelle, avec la présence du maire de Strasbourg, Roland Ries, en juin 2012. COLLABORER AVEC SOI-MÊME ET LES AUTRES, LES HABITANTS DE GREENOBYL ET L’AGENCE G. STUDIO

Afin de prendre en compte la parole et les désirs de chacun, la MOE a demandé à chaque famille d’effectuer un organigramme fonctionnel. Il visait à expliquer les préférences d’orientations (bénéficier d’un apport solaire optimum), de surfaces (le nombre de m2), d’usages (avoir une pièce donnant sur une autre) et de volumétrie (sur un, deux ou trois niveaux). Les trois organigrammes ont été recueillis et plusieurs dispositifs 3D ont été ensuite proposés par l’agence lors de réunions avec l’ensemble de la MOA. Les liaisons entre logements et locaux d’activités de l’atelier de peinture et d’un atelier associatif en rez-de-chaussée ont également conditionnés les choix. Les attentes de chacun ont été combinées dans une organisation des logements par imbrication, ce qui donne des logements très différents. L’un a axé ses exigences sur les orientations par la présence de grandes ouvertures vers le sud, un autre

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Coupe schématique de la programmation, redessin personnel d'après document fourni par l'agence

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a préféré jouer sur les différences de niveaux au sein même de son logement en le développant sur la verticalité tandis qu’un autre encore a préféré développer la plus grande partie du logement sur le même niveau. La difficulté d’effectuer des logements si différents résidait donc dans une conception qui tire parti astucieusement de la forme générale du bâti, des choix constructifs et des attentes des habitants pour imbriquer trois logements et les espaces communs tout en offrant de bonnes qualités d’usage. L’astuce a été de positionner tout le monde sur tous les niveaux, afin de favoriser au mieux chaque famille. Pour la MOE, « l’équitable est un nœud du problème des groupes parce qu’il faut toujours veiller. Il ne faut pas que ce soit toujours équitable contrairement à ce qu’on pense parce que l’équité n’existe pas. Chacun a des désidératas différents, donc on préfère annoncer, dès le départ, que les logements ne seront pas équitables parce que les demandes sont différentes et qu’il y a des moins et des plus dans tous les logements »94 . Afin d’éviter toute tensions potentielles, l’équipe de maîtrise d’œuvre s’est donc mise d’accord dès le début avec l’ensemble de la maîtrise d’ouvrage, en annonçant que les logements ne seraient pas équitables. Étant très différents, ils semblaient difficilement comparables mais c’es l’originalité et la qualité de chacun qui ont été mis en avant.

94.Mickaël Osswald, Architecte, membre de l’agence G.Studio, Strasbourg. Entretien réalisé sur projet le 15.04.16.

3.02.2. G. STUDIO ET LE CHANTIER GREENOBYL L’ARCHITECTE SUR LE CHANTIER

Suivre des habitants dans de telles démarches n’est pas toujours souhaité par les architectes, parce que c’est chronophage et peu rémunérateur. Le cas de Greenobyl était particulier puisque la MOA de Greenobyl = 2 membres de la MOE + 4 individus. Les architectes ont profité de réaliser leur propre habitat pour expérimenter le rôle de la MOA et de la MOE sur un chantier. La MOE avait donc auprès des autres habitants une mission d’assistance, de participation et d’organisation du travail avec les futurs habitants. Pour faire participer des habitants qui n’ont jamais effectué de chantier auparavant, il semblait utile de les informer sur ce qui les attend, ce qui « nécessite un peu plus d’explications, pour qu’ils comprennent dans quoi ils s’engagent parce que souvent ça peut être physiquement difficile à faire » 95 . Dans d’autres projets, afin d’encourager les habitants dans leurs envies, tout en se préoccupant du résultat engendré, la MOE a proposé des formations, sur les enduits par exemple, pour voir si les habitants aspirants constructeurs étaient à même de les réaliser sur l ‘ensemble du projet. Il est aussi arrivé que la MOE découvre l’engouement de la MOA qui faisait la démarche de se former en parallèle (vannerie paysagère, enduits, torchis, bardage). Cette étape permettait aux habitants de se rendre compte des capacités nécessaires à ce type de mise en œuvre et à la MOE de voir le lieu et la manière dont les habitants pourraient intervenir.

95.Mickaël Osswald, Ibid. CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016

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Coupe principale du projet, redessin personnel d'après document fourni par l'agence

Organisation générale du projet, plan d'étage R+3, redessin personnel d'après document fourni par l'agence

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UNE CONSULTATION SPÉCIFIQUE

Effectué dans le cadre d’un marché privé, ce projet donnait la possibilité de choisir les entreprises à même de réaliser les travaux, sans faire d’appel d’offre. Toutefois une consultation spécifique a été effectuée, annonçant de quelle manière se déroulerait le chantier et précisant que le second œuvre serait à la charge des habitants. De manière générale, l’équipe de MOE peut si elle le souhaite, travailler très tôt avec les artisans et les entreprises, dès l’APS. C’est en proposant son projet aux entreprises choisies puis en soumettant ses choix à l’ensemble de la MOA, que les entreprises intervenant sur le chantier ont été sélectionnées. Par une gestion du budget et grâce à l’expérience acquise sur des chantiers précédents, la MOE pu estimer le choix et le moment d’intervention des entreprises. Une mission de Visa a été conservée par la maîtrise d’œuvre afin de disposer d’un droit de regard sur les réalisations des artisans et copropriétaires dans chacun des logements. En mission EXE, les détails sont calés par la MOE et réalisés par les artisans. Concernant la mission Visa les plans des entreprises sont consultés et l’architecte peut sur le chantier interpeller sur la mise en œuvre.

LA TEMPORALITÉ DU CHANTIER

Des études longues entre l’ingénieur bois et le charpentier ainsi que le délai de fabrication des panneaux de bois venus d’Autriche ont conduit la mise en place de la structure bois à se dérouler six mois plus tard que le début du chantier et les

fondations coulées. De mai à juillet, les artisans (charpentier, menuisier, couvreur, et entreprise des fluides) étaient sur le chantier et ont délivré pour fin juillet le chantier hors d’eau, hors d’air. C’est à la suite de ces différentes phases constructives que les habitants sont intervenus sur le chantier.

UN SYSTÈME CONSTRUCTIF ADAPTÉ

Les matériaux ont été choisis dans un souci écologique mais aussi pour des raisons facilitant une mise en œuvre rapide sur chantier et une participation habitante en phase constructive. Des panneaux de KLH débités en amont et prêt à poser permirent un assemblage rapide des parois et des dalles de du bâtiment tandis que des briques de terre crue réalisée par une briqueterie alsacienne étaient utilisées pour certain doublage de parois par les habitants. La structure, la thermique et les complexes d’isolation ont été pris en charge par la MOE en termes de responsabilité et donc réalisés par des artisans. Concernant ce qui a été mis en œuvre par la MOA, le choix du bois a été fait, afin de trouver un système constructif propice à l’auto-construction. « On sait par expérience que le bois est un matériau très adapté à la participation, parce que c’est un matériau noble, facile à travailler, tendre et pas trop lourd »96 . Pour la couverture, les bardeaux, tuiles de bois, permettaient une aisance dans la mise en œuvre par leur légèreté et leur maniabilité. Ce système permettait notamment de prévoir dès la conception, un temps de réalisation court, puisqu’il était possible de 96.Mickaël Osswald, Op.Cit., architecte du projet.

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travailler à une dizaine de personnes en même temps pour monter le bardage. Aussi une fixation avec des pointes permis une économie de moyen puisque l’achat de plusieurs marteaux se révélait peu onéreux comparé à l’achat de matériel électrique portatif. Du choix du matériau, jusqu’à sa fixation, la participation habitante se révélait donc l’indice déterminant.

UNE ORGANISATION SPATIALE BIEN SPÉCIFIQUE

Hasard du calendrier, la rue juste en face accueillait également la construction d’un bâtiment, il a donc fallu s’organiser pour ne pas trop empiéter sur la rue et faire en sorte que circulation piétonne et automobile reste possible. L’organisation et le stockage autour du bâtiment étaient très compliqués à gérer. Enclavé dans un tissu dense la parcelle ne permettait pas de stocker du matériel, tout en construisant le bâtiment. Pour remédier à cela, les matériaux et le matériel étaient acheminés en flux tendu, au quotidien ou selon les besoins des artisans. D’autres matériaux, comme les isolants ont été entreposés à l’intérieur du bâti. Une entraide s’est mise en place entre les habitants constructeurs et les artisans pour acheminer les matériaux par camion selon les besoins, notamment pour ramener le bois de la scierie. Une unique ruelle, trop petite et étroite pour stocker en quantité, permettait de déposer les matériaux du jour.

UNE ORGANISATION RIGOUREUSE

Des réunions, avant le début du chantier, permirent de formaliser en partie un planning

de chantier évoquant les interventions des artisans, celles de la MOA constructrice, les dates et quantités approximatives pour livrer les matériaux selon l’avancement. Mais pour que la relation entre MOA et entreprises se déroule dans les meilleures conditions, il était question d’ordonnancer au mieux le planning de chantier. Les artisans ne devaient jamais dépendre du travail des habitants. De plus, les rythmes et horaires de travail allaient être différents, entre les entreprises et les habitants, et les auto-constructeurs ne disposaient pas de la même acuité concernant les échéances d’un projet. Cette double implication entre MOA et MOE a permis de rassurer les entreprises en leur démontrant leur volonté et leurs capacités professionnelles.

3.02.3. LES HABITANTS DE GREENOBYL AU CŒUR DU CHANTIER

DISCUTER, VOIR ET VOYAGER ENSEMBLE EN AMONT, POUR COMPRENDRE SUR LE CHANTIER

L’agence a emmené les membres de la MOA sur des chantiers, voir des projets où les habitants avait construit par eux-mêmes afin qu’ils se rendent compte de ce qu’il était possible de faire et de l’investissement demandé par un tel projet demande. Les habitants sont partis à Fribourg, parce que « tant que les gens n’ont pas vu, ils ne peuvent pas imaginer que c’est faisable et dès qu’ils l’ont vu et que les habitants leurs ont dit, “je peux le faire moi-même“, ça leur donne des idées. »97 . Certains habitants sont bricoleurs, d’autres ont des savoir-faire, mais il y a aussi ceux qui se sont engagés dans le projet pour 97.Mickaël Osswald, Op.Cit., architecte du projet.

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son éthique mais qui ne se sentent pas nécessairement à l’aise avec la réalisation. Alors pour les moins enclins à la construction, ces visites ont permis de se rendre compte, que bien encadrés, les tâches étaient à leur portée et que les défauts de réalisation seraient minimes dans leur logement.

MOA et MOE, a proposé à l’équipe de gros œuvre de mettre en place l’installation du chantier. Afin de faciliter la cohabitation entre entreprises et habitants pour lesquels la parcelle devenait leur futur lieu de travail pour les mois à venir, une maison de chantier-caravane ainsi que des toilettes sèches ont vu le jour.

BIEN S’ENTOURER

Les trois familles de la MOA, des amis et des étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg en stage à l’agence G. Studio sont venus aider la MOA durant la phase de chantier. C’est durant des weekends précis, pendant les deux mois continus des vacances scolaires, puis quelques jours par semaine jusqu’à octobre 2013 qu’ils sont intervenus sur le chantier. L’emménagement s’est effectué l’hiver de la même année, avec une partie des finitions intérieures à terminer.

LES TEMPS DE L’IMPLICATION

« Il se trouve que souvent dans ces groupes d’habitat participatif il y a de l’auto-construction, parce que ce sont des gens qui s’impliquent beaucoup plus qu’habituellement, parce que c’est le concept de se dire : “je ne suis pas un simple consommateur, je suis aussi acteur, je participe à la fabrication de mon logement“ »98 . Pour travailler ensemble, effectuer des tâches faisables dans la durée, mais aussi faire des économies, les habitants ont tenté de réfléchir à tous les moments où ils pouvaient intervenir. Facilitant les démarches, le double rôle de 98.Mickaël Osswald, Op.Cit., architecte du projet.

Le projet est sorti de terre très vite, les trois premières semaines ont permis de monter presque l’intégralité de la structure. A ce moment-là, où la manutention d’éléments se serait révélée dangereuse pour tout membre extérieur à l’entreprise, les habitants, leurs familles et les étudiants n’étaient pas présents. Ce n’est qu’après ce délai qu’ils sont arrivés sur le chantier, lorsque les artisans posaient l’isolation de la façade, qui ne causerait pas de dommage en cas de chute. La présence des entreprises et de la MOA constructrice s’est superposée sur un mois puis les travaux achevés par les entreprises et l’été arrivant, ce sont les auto-constructeurs qui ont pris le relai et passé leur mois d’août perchés sur des échafaudages à fixer le bardage et contempler les toitures strasbourgeoises.

LE RAPPORT AUX ENTREPRISES

Les artisans, au début amusés mais un peu soucieux qu’un tel procédé puisse retarder le chantier, se sont finalement révélés curieux de la mise en œuvre du bardage par les habitants et se préoccupaient de la sécurité de l’ensemble des acteurs du chantier. C’est en travaillant à certains moments en même temps qu’une relation de confiance s’est installée.

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Pose des bardeaux en toiture

Greenobyl côté cour lors de la construction

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Il n’était pas question de parler de concurrence entre MOA et entreprises. Les artisans, enclins à transmettre et conscients des capacités des nonprofessionnels, n’ont pas hésité à monter sur l’échafaudage des auto-constructeurs pour donner des précisions sur le geste ou la mise en œuvre. Pour l’architecte, les voir revenir le weekend avec leur famille, pour leur montrer le projet était une belle récompense. Certaines tâches des habitants jouxtaient celles des artisans. La pose des fenêtres par les artisans s’intercalait avec la mise en place, par les habitants, du lattage sur la façade qui viendrait accueillir les bardeaux. Pour anticiper d’éventuels problèmes de superposition de tâches sur le chantier, la MOA a commencé le lattage alors même que les artisans poursuivaient la pose de l’isolation sur la partie supérieure du bâtiment. Et dans un travail de continuité, une fois l’isolation terminée, les fenêtres pouvaient commencer à être posées en bas alors que le lattage se poursuivait en haut.

LE TYPE D’IMPLICATION

En discutant avec des contrôleurs techniques du projet, les MOE se sont vu dire « écoutez si vous voulez faire sans risque, considérez que c’est de la décoration »99 . En effet, en France dans les marchés publics, pour faire sans risque, il est souvent conseillé de faire faire aux habitants du second œuvre. Ce n’est pas la MOE ou les entreprises qui prennent la responsabilité mais un contrôleur technique qui vise tout 99.Mickaël Osswald, Op.Cit., architecte du projet.

ce qui a été effectué par la MOA et les entreprises. Cette obligation est notamment liée aux assurances, celle du dommagesouvrage100 que doivent prendre les MOA publiques comme les collectivités. Pour Mickaël Osswald « le seuil de la responsabilité de l’architecte c’est la structure et tout ce qui peut la mettre en danger »101 . Pour lui, tout ce qui concerne la structure doit être maitrisé par un professionnel pour des questions de garanties et de responsabilité auquel il souscrit pendant trente ans en ce qui concerne la structure, sinon les risques seraient trop importants. Ne pas impliquer la maîtrise d’œuvre se justifie pour l’architecte « Ce n’est même pas pour des questions de risques, mais c’est un métier qu’il faut apprendre, une précision dans la main et dans les gènes »102 . L’exemple de l’acteur réalisant la thermique du bâtiment est assez parlant. Si un complexe de mur est réalisé et qu’une infiltration d’eau survient, elle pourrait mettre en péril la structure, et engager des responsabilités importantes. Il a donc été décidé de faire intervenir la MOA dans le second œuvre. La MOE a donc fait le choix de livrer le clos-couvert, « l’ensemble des éléments assurant l’étanchéité à l’eau et à l’air d’un bâtiment »103 afin de respecter un cahier des charges strict concernant la résistance au feu puisque l’ensemble de la structure est 100.L'assurance dommages-ouvrage « permet en cas de sinistre de procéder aux remboursements ou à l'exécution de toutes les réparations faisant l'objet de la garantie décennale, sans attendre qu'intervienne une décision de justice ». Source : https://www.service-public. fr/particuliers/vosdroits/F2032 (consulté le 15.04.16). 101.Mickaël Osswald, Ibid, architecte du projet. 102.Mickaël Osswald, Ibid, architecte du projet. 103.http://www.editions-eyrolles.com/Dico-BTP/ definition.html?id=2330 (consulté le 15.04.16).

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en bois, concernant la thermique puisque le bâtiment a son système de régulation propre et concernant l’acoustique au vue de la conduction phonique du bois. L’assistance à réalisation, pour les autoconstructeurs, peut être réalisée par un artisan. Il s’agit souvent de montrer la mise en œuvre d’un procédé, pour mettre en route les habitants sur une tâche précise puis d’être présent pour tout doute éventuel. Dans ce cas, l’architecte qui disposait des savoir-faire nécessaires a pris ce rôle. En montrant, au reste des habitants, la mise en œuvre des bardeaux, ils étaient à même de juger ce qui était à leur portée. « Aucun métier ne s’improvise, mais, avec une assistance, poser du bardage c’est tout à fait envisageable »104 . Concernant l’extérieur, des bardeaux, ces tuiles de bois servant à l’origine pour l’isolation thermique et la protection contre les intempéries, ont été utilisés en toitures et pour les façades sur rue. G. Studio étant responsable de la couverture, il a fallu trouver un moyen pour que les habitants puissent participer à la mise en œuvre du dernier élément de complexe de toiture, tout en ne prenant pas de risque vis à vis de leur responsabilité civile. Pour cela, les bardeaux ont été considérés comme décoratifs et placés dans le second œuvre tandis que le charpentier s’occupant du lot toiture s’est assuré de la livrer étanche. Perchés sur un échafaudage, posé par une entreprise, les habitants ont fixé à l’aide de pointes l’ensemble des bardeaux de bas en haut de la façade. A l’intérieur des logements, les habitants ont aussi monté

très vite des murs en brique de terre crue, badigeonnés d’une simple barbotine permettant une isolation acoustique supplémentaire pour les logements. Tous les problèmes de séchage, propres à la mise en œuvre du matériau terre en intérieur ont été évacués, par ce procédé sec. Les peinture et huiles de recouvrement sur le bois ont aussi été réalisées par la MOA. Concernant les abords du projet, de la terre végétale a été amenée directement à l’arrière de la parcelle avant même que le chantier se fasse afin d’économiser du temps et une manutention complexe. Les planches de palissade du chantier mises en place sur rue, ont été réemployées pour le bardage de la façade côté cour. Intervenir sur les finitions permet aussi aux habitants de disposer du temps nécessaire pour la mise en œuvre. Une fois les artisans posant le gros œuvre partis, les échéances quant aux finitions restent exigeantes mais moins facteur de stress pour la MOE. Qui ont terminé le chantier et emménagés à l’hiver 2013.

104.Mickaël Osswald, Op.Cit., architecte du projet. CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016

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Vue intérieure d'un logements, une fois le chantier terminé

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3.03. ÉCOLE MATERNELLE DE FÉGRÉAC

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LOCALISATION : 5 rue des acacias, Fégréac (44), France MAÎTRISE D’OUVRAGE : Municipalité de Frégréac MAÎTRISE D’ŒUVRE : Atelier Daubas & Belenfant PROGRAMME : École maternelle LIVRAISON : Début 2007-Août 2011 SURFACE CONSTRUITE : 550m2 SHON COÛT : 980 000€

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Entre existant et neuf, c’est au cœur d’un projet de construction d’une école maternelle, que les architectes souhaitaient faire dialoguer plusieurs strates de l’histoire. En proposant une réhabilitation et une construction neuve, le projet prend place sur une parcelle de 550m2. Le projet réunit par un plan masse général ces deux entités temporelles en alliant trois corps de bâtis existants et un neuf. L’ensemble forme un carré fermé en sa partie nord ouest et nord est par le bâti existant. Le charpentier, ancienne maison Ameline et le forgeron ancienne forge Ameline. La première est réhabilitée et devient salle de motricité, local de rangement, sanitaires extérieurs et abri du poulailler tandis que les murs de la seconde, actuellement en ruine, sont conservés à mi hauteur afin de devenir espace de jeux pour les enfants. Un bâtiment neuf vient fermer la parcelle en partie sud et propose trois salles de classe et deux salle de repos. L’ensemble est structuré autour d’un verger présent qui est conservé et deviendra espace ludique et support pédagogique pour les enfants. L’école a été retenue parmi les trente projets écologiques d’Europe les plus importants.

pas très photogénique parce qu’il faut le vivre, il faut être sur place pour être entouré de tout ça »105 . La construction de cette école a été commandée par une maîtrise d’ouvrage publique, celle de la municipalité de Fégréac. Elle réfléchissait depuis plusieurs années sur l’agrandissement de l’école publique du village. C’est dans le cadre d’une commission extra-municipale, rassemblant des personnes du conseil municipal et des citoyens concernés (enseignants et parents d’élèves), que la municipalité a mis en place un comité de réflexion rassemblant les acteurs concernés par la construction de l’école. Ceci permettait d’une part de répondre aux attentes de la municipalité mais aussi à celle des utilisateurs du bâtiment. Pour aider l’élaboration de ce projet au sein de la commune, plusieurs actions ont été menées. Une étude prospective sur 1015 ans, suivie par les élus, les enseignants et l’association de parents d’élèves, a été effectuée entre 2006 et 2007 afin de comprendre l’évolution démographique de la commune dans les années à venir. A cela s’ajoute l’acquisition par la commune de parcelles voisines et de bâtis existants, une maison et sa forge ainsi qu’un atelier.

3.03.1. UNE MAÎTRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE AU CŒUR DE LA PHASE DE CONCEP-

INTERVENIR À DES MOMENTS CIBLÉS

TION

UNE MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE : UNE DÉMARCHE PARTICULIÈRE

« On ne recherche pas le résumé architectural, on recherche la création d’une globalité, d’un lieu, c’est souvent

La commission formée a suivi le projet par une implication à plusieurs étapes. En choisissant le programme, elle a décidé de la construction d’un pôle maternelle. En optant pour une implication énergétique 105. Loïc Daubas, Architecte, membre de l’agence Atelier Daubas & Belenfant, Nantes. Entretien téléphonique réalisé le 24.04.16.

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Organisation spatiale du projet, redessin personnel

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au sein du bâtiment neuf, elle a choisi de respecter le label HQE, haute Qualité Environnementale. En s’investissant dans la prise de décisions, elle a visité plusieurs complexes scolaires et écoles maternelles afin de proposer un programme adapté et l’emploi de matériaux. Enfin c’est en s’impliquant dans la phase de chantier que la maîtrise d’ouvrage a pu suivre l’évolution du chantier.

questionnant sur la manière d’intégrer de telles préoccupations dans le marché public. C’est à la municipalité de Fégréac soucieuse de concevoir un projet où une attention particulière serait portée à la programmation, aux usages du bâtiment et à sa mise en œuvre, que l’agence Daubas et Belenfant s’est associée. Et c’est ensemble qu’ils ont trouvé un lieu où construire cette école.

LA COLLABORATION ENTRE LA MUNICIPALITÉ ET L’AGENCE DAUBAS & BELENFANT

Loïc Daubas, architecte du projet, souligne la difficulté d’accès au foncier concernant des projets du marché privé. C’est pourquoi beaucoup de démarches d’habitat participatif n’ont pas vu le jour à Nantes comme ailleurs puisque la priorité du foncier était donnée à d’importantes opérations immobilières. Cependant comme mentionné plus haut, le premier colloque sur l’habitat participatif s’est tenu à Nantes en février dernier. Ce type de colloque donna lieu a des réflexions et des interrogations dans la promotion privée avec des réflexions portant sur des usages de plus en plus sollicités par leurs acheteurs : espaces communs, buanderie, terrasse mutualisée. Le positionnement des élus sur des décisions quant à la distribution du parcellaire dans la ville de Nantes démontre une sincère volonté de la part de la municipalité, de réfléchir sur les nouveaux modes de fabrication de l’habitat. Lors de ce colloque, de nombreux élus des municipalités voisines étaient présents, pour s’imprégner des échanges au sujet de projets du marché privé ou se

3.03.2. L’AGENCE DAUBAS & BELENFANT ET LES ACTEURS DE L’ÉCOLE DE FÉGRÉAC AU CŒUR DU CHANTIER UNE CONSULTATION SPÉCIFIQUE

« On écrit, on suscite, on nourrit, on arrose, il y a du terreau, il y a déjà des choses en place et on est là pour les faire émerger, les faire voir, mettre l’éclairage dessus »106 . Concernant le montage du projet, la MOE a répondu à un appel d’offre effectué par la mairie en proposant de faire appel à des entreprises de réinsertion afin de réaliser une partie des travaux. Au-delà du rôle de concepteur, la MOE a exposé à la municipalité ce qu’il était possible de faire et la manière d’y parvenir. En montrant aux élus les ressources dont ils disposent, mais aussi en provoquant les choses, en proposant des réunions publiques, en faisant des visites sur site, et en relatant leurs expériences dans des projets qui intègrent des personnes en réinsertion sur le chantier, ils ont su convaincre la municipalité.

106.Loïc Daubas, Op.Cit., architecte du projet.

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L’ARCHITECTE SUR LE CHANTIER

CRÉER UN CADRE PROPICE

Pour l’Atelier Daubas & Belenfant, il est important d’avoir pendant la phase de chantier du temps de création et de coconstruction avec les personnes qui vont participer au chantier. « Ce qui nous motive c’est qu’on laisse une part d’invention au chantier, on veut surtout arriver à ne pas savoir, à ne pas connaître comment va être la finalité, vu qu’elle se décide au regard de ce que nous avons mis en place avec ceux qui font »107 . Expérimenté à de nombreuses reprises, c’est à travers la mise en œuvre d’un matériau, la terre, que l’agence trouve le moyen d’impliquer les participants. C’est pour eux un sujet très intéressant « pour réinventer le projet avec une base que l’on connaît c’est la terre du site et après avec une mise en œuvre que l’on laisse émerger, confirmer, modifier par les personnes qui vont le faire »108 . Une certaine liberté est donnée aux entreprises. « Ce qui est intéressant c’est de voir que, c’est d’ouvrir le processus qui fait que, l’acte de construire devient un acte de la communauté, et chacun s’impliquant d’une manière ou d’une autre dans cette communauté sera intéressé et aura un moyen ou un autre d’y participer »109 . Pour mettre en place une énergie qui permettra à tous les acteurs d’amorcer la dynamique de faire ensemble puis de la pérenniser, les architectes n’hésitent pas à puiser dans les ressources locales du territoire et à les exposer, qu’elles soient : humaines, de matériaux ou de savoir-faire afin de les faire connaître à tous.

Qu’il s’agisse de mettre en place une démarche dans laquelle la maîtrise d’ouvrage publique participe au chantier ou bien en faisant le choix d’entreprises proposant de la réinsertion, il est question de créer un cadre qui le permette. Au vu de la mise en œuvre souhaitée par la MOA, celle de faire participer tant des entreprises de réinsertion que des membres du comité extra-municipal, la MOE a mis en place un appel d’offre le plus cohérent possible. La manière de penser le projet évoque donc l’installation d’un cadre propice à sa réalisation, avant sa mise en place. Pour cela l’agence choisit de ne pas mettre en place de marché de travaux, qui est le contrat qui lie habituellement la MOE et les entreprises, mais un marché de service. Par ce biais il est possible de mentionner dans l’appel d’offre, et pour les lots en co-construction, pas seulement la réalisation d’une tâche, mais la manière de mettre en œuvre cette tâche. Par exemple en évoquant par un ordre écrit la volonté de mettre au cœur du chantier un dispositif d’insertion ou de formation. Les entreprises mandatées disposent ainsi d’un volume d’heures propre à l’accompagnement de l’insertion, ce qui peut permettre d’innover. MOE et MOA ont été ravies de l’idée que cette école « à travers un beau symbole, permette aussi à des adultes d’apprendre»110 . Construire pour apprendre et construire pour se reconstruire prenait alors tout son sens.

107.Loïc Daubas, Ibid, architecte du projet. 108.Loïc Daubas, Ibid, architecte du projet. 109.Loïc Daubas, Ibid, architecte du projet.

110.Loïc Daubas, Ibid, architecte du projet.

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CONSTITUER PLUSIEURS

DES

CHOIX

CONSTRUCTIFS

À

Ce type de démarche « nous permet de retoucher cette possibilité de renouveler le rapport entre l’architecte et l’entreprise, et de se situer dans une position où on invente ensemble au bon moment, et non pas avant, pour ne pas contraindre les décisions avant même qu’elles soient commencées »111 . Pour partager un temps commun d’actions, l’arrivée sur un nouveau territoire de projet donne toujours lieu, par l’agence, à une recherche d’acteurs locaux provenant de différents secteurs que ce soit des acteurs sociaux, des formations pour jeunes ou adultes tel des CAP, vers un public en insertion, ou encore un public handicapé. Tous ces modèles ont besoin d’outils pédagogiques pour former ses membres. Le chantier de l’école était un très bon outil. L’architecte peut aussi, comme c’est le cas pour un autre projet, stipuler dans l’appel d’offre qu’il fait le choix du matériau mais laisse le choix de sa mise en œuvre aux entreprises, au regard des potentiels dégagés par la composition du matériau et les capacités des entreprises et de ses membres. « On apporte un peu notre vision globale et puis l’entreprise, l’artisan, la personne en insertion, apporte son expertise de faire et de tester, et du coup les choix se construisent à deux, à trois, à quatre, au regard des meilleures solutions expérimentées sur site »112 . Par exemple, l’atelier a donné une place importante aux paysagistes pour ce projet afin de faire dialoguer espaces intérieurs et 111.Loïc Daubas, Ibid, architecte du projet. 112.Loïc Daubas, Ibid, architecte du projet.

espaces extérieurs, pour vivre pleinement l’architecture et le paysage.

UN SYSTÈME CONSTRUCTIF ADAPTÉ

Pour l’agence, il est nécessaire de concevoir en amont des systèmes constructifs adaptés. Pour cela l’un des moyens est le processus de conception intégrée avec la création d’un atelier d’une trentaine de personnes, comprenant usagers, maître d’ouvrage, bureaux d’étude et entreprises dès la phase esquisse. Prenant en compte le lieu et les participants à la construction, l’équipe a mis en place un système constructif adapté. Recyclage des matériaux, récupération, réutilisation sont à l’honneur afin de « tirer parti de ce qui est là avant de chercher à faire autre chose »113 . Ainsi, la terre du site a été utilisée de même que la réhabilitation des deux bâtiments existants a permis lors de la déconstruction de conserver certains éléments bâtis. Concernant le bâtiment neuf une entreprise s’est chargée de mettre en place l’ossature bois avec un bardage sur les parties extérieures tandis que les parois intérieures des salles de classes en briques de terre et enduit terre ont été réservés aux entreprises de réinsertion et aux membres du groupe de la commission extra-municipale. Certains matériaux facilitent la participation de tous : « la terre, pour ça, c’est un levier exceptionnel, la terre a besoin de main d’œuvre, ça tombe bien les entreprises 113.Bruno Belenfant, Vidéo, Télé.nantes, Le carrefour de l’info, en accès libre sur le site internet de l’agence http://www.latelier-belenfant-daubas-architectes. org/projet.php?id_cat=Equipement&id_ prj=42&img=prj_42_f.jpg#

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d’insertion n’ont que ça à proposer »114 . Ainsi la valorisation des ressources locales matérielles a pu se conjuguer avec celle des ressources humaines. C’est en prenant en compte les capacités et le temps dont disposaient chacun des membres que ce choix de matériau a été effectué par la MOE.

LE CHANTIER, MATIÈRE À PROJET

Que l’acte de construire aide des gens à se structurer pour leur vie personnelle ou qu’il devienne un support pédagogique pour les enfants, il devient un tremplin pour faire évoluer certaines personnes dans leur quotidien. Devenu support pour la pédagogie, le projet permettait aux enfants et instituteurs de réfléchir sur la manière de construire, les systèmes énergétiques et des classes de CM2 abordaient par exemple des thèmes comme les panneaux solaires, la production photovoltaïque, le recyclage des matériaux ou encore la biodiversité. QUESTION DE RESPONSABILITÉ : UN FAUX PROBLÈME ?

Pour l’architecte, ne pas impliquer les habitants, acteurs du lieu ou autres dans la phase de construction pour des questions de responsabilité est un faux problème. « C’est simple, c’est là où on voit qu’il y a un faux problème parce que n’importe quelle entreprise a des apprentis, et faire travailler des apprentis sur un chantier c’est important, c’est un plan de formation »115 . Le niveau d’un apprenti et le niveau d’une personne qui commence sont sensiblement 114.Loïc Daubas, Ibid, architecte du projet. 115.Loïc Daubas, Ibid, architecte du projet.

identiques. Ce qui est nécessaire est donc que cette personne soit bien encadrée, dans une structure qui permet de l’accueillir. Pour lui, au même titre qu’un apprenti les personnes non professionnelles aidant au chantier sont là pour faire un apprentissage, et donc ne portent pas la responsabilité. Cette responsabilité est portée par la structure qui les encadre, nombreuses entreprises de réinsertion possèdent la garantie décennale. D’autres fois ces entreprises d’insertion ne prendront pas la responsabilité et s’associeront à une autre entreprise qui amène la compétence et le formateur tandis que celle de réinsertion amène la main d’œuvre. Que la maîtrise d’ouvrage soit publique ou privée, ou qu’il s’agisse de faire intervenir des entreprises de réinsertion, tout type de montage de projets semble possible si l’architecte propose un cadre propice cette participation. C’est ce cadre qui assurera les questions de compétences, de responsabilités et d’assurances durant la phase du chantier. RENDRE COMPTE : UNE ATTENTION PORTEE AU PROCESSUS

L’agence tente de développer un médium pour communiquer autour des projets. La vidéo est le vecteur à travers lequel les architectes souhaitent, accompagnés d’un vidéaste, rendre compte du processus qui a conduit au projet. La vidéo semble donc un médium approprié pour rendre compte d’une aventure vécue par un groupe de personnes. Dans d’autres projets c’est avec l’aide d’un photographe que des séries de portraits de personnes sont réalisées par des dytiques montrant

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les personnes durant le chantier, en tant que constructeurs de leur habitat, et ces mêmes personnes habitants dans leur lieu de vie.

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Vue du projet depuis le préau accolé aux classes, une fois le chantier terminé

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Conclusion -

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RÉSULTATS DE LA RECHERCHE C’est au terme d’un processus alliant prise en compte du site d’étude, problématiques convoquées sur ce lieu et volonté personnelle de poursuivre une réflexion sur la temporalité du chantier, que le questionnement initial de cette recherche s’est profilé : Comment en milieu urbain dense, habitants, architectes et artisans peuvent conduire à l’élaboration d’une méthode partagée du « Faire ensemble » afin de spatialiser un habiter à échelle humaine qui réponde à la demande d’habitants souhaitant édifier leur habitation et améliorer leur cadre de vie ? Ce travail s’est développé à travers une méthode itérative alliant recherche théorique, constitution d’un corpus de projets construits et recherche appliquée évoluant en interconnexion avec le projet de PFE. Les croisements entre recherche théorique et analyse de projets ont enrichi la réflexion. La visite des projets convoqués ainsi que les entretiens effectués avec des acteurs directement concernés par ces projets, tels que habitants, architectes, artisans et assistant à maîtrise d’ouvrage, m’ont permis de mettre en perspective l’approfondissement théorique, par une projection dans la réalité du terrain. C’est à travers nombre d’anecdotes et de récits de chantiers, recueillis auprès des différents interlocuteurs, que j’ai pu me construire un maillage mental dans lequel se côtoient réalité du chantier, aspects juridiques et législatifs, compréhension du rôle des différents acteurs, phases clefs du processus d’un projet partagé, processus et démarches pérennes pour l’intégration

de la maîtrise d’ouvrage en phase de construction. Comme tout processus auto-organisé ou mis en place par des individus pour tenter de se réapproprier des savoirs et savoirfaire, je me suis questionnée sur les raisons, les fonctionnements et les possibles, dégagés par un tel modèle. Je me suis attachée à explorer la phase du chantier effectuée de manière collaborative. Divers questionnements soulevaient la manière de faire dont des individus extérieurs aux professions du secteur du bâtiment se saisissent, pour s’engager corps et âme dans l’édification concrète et matérielle de leur projet de vie. En engageant leur propre force physique au sein de la phase du chantier, les habitants non professionnels, proposent bien souvent un type de fonctionnement basé sur une capacitation accompagnée, c’est à dire sur la manière à être capable de s’organiser par soi-même tout en sachant se faire accompagner par les acteurs professionnels de la construction. En effectuant une analogie avec d’autres modèles organisationnels ou culturels qui prônent l’adoption d’une démarche d’empowerment, il est bon de noter que c’est en s’organisant et en décidant par eux-mêmes que ces habitants redéfinissent leur propre rôle dans l’édification de leur habitat. De même, s’intéresser dans ce mémoire à une maîtrise d’ouvrage qui prend part à la construction de son logement et se questionne de manière localisée aux matériaux, aux modes de mise en œuvre et à l’énergie du chantier, devient source de questionnements pour réfléchir à des changements concernant

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l’ensemble de la sphère de la construction du bâti actuel. RETOUR SUR EXPÉRIENCE : LA RECHERCHE APPLIQUÉE LE PARALLÈLE ENTRE PROJET RECHERCHE PERSONNELLE

COLLECTIF

ET

Contribuer à l’élaboration d’une pensée mêlant simultanément une interconnexion entre le projet de PFE mené collectivement et la recherche personnelle, fut pour moi d’une richesse certaine. Les modes de réflexion et les rythmes propres à la recherche et au projet sont très différents. Au point qu’il pourrait apparaître comme contradictoire, voire paradoxal, de tenter de réfléchir à un questionnement qui nécessite des temps longs tandis que la réactivité et la faculté à rebondir sont les qualités attendues durant cette année de PFE. Toutefois, et même si cela m’a demandé une gymnastique de l’esprit, projeter tout en cherchant aiguise davantage le regard au souci du détail, à la signification des termes et à la cohérence globale du travail mené pour le projet de fin d’études collectif et la recherche personnelle. LA RECHERCHE APPLIQUÉE

En préconisant de mettre en place des équipes de travail pluridisciplinaires, et donc une collaboration entre une maîtrise d’œuvre élargie et un travail intelligent mené avec la maîtrise d’ouvrage et les entreprises, les gestionnaires de la ZAC Flaubert proposent de mettre en place un processus de décisions collaboratif. C’est pourquoi nous avons choisi ce site pour concevoir notre projet de fin d’études.

Le travail collaboratif est intrinsèque au métier d’architecte. Partant de ce postulat, nous voulions réfléchir sur la meilleure manière de travailler ensemble, celle qui permettrait par un rapport d’équilibre et de confiance d’élever la force du collectif sans prendre trop d’énergie à chacun de ses membres. Ce pourrait être dans une attention, une ouverture et une curiosité particulière à l’autre, à son vocabulaire, ses compétences et son processus de travail que ce travail collaboratif pourrait s’effectuer de manière soutenable. En prenant part à des projets menés en collaboration, les architectes se retrouvent confrontés, comme lors du chantier, à une multiplicité d’acteurs venant de disciplines éloignées, qui au vu du contexte sociologique, économique et normatif évoluent sans cesse. Partant de cet autre, de l’acteur à part entière que constitue la maîtrise d’ouvrage, ne pourrait-on pas dire que la participation d’habitants non professionnels à la phase du chantier conduit les architectes, les artisans et les autres acteurs à se questionner sur de possibles variations de leurs métiers respectifs et des rapports qu’ils entretiennent ? QUESTIONNEMENTS SOULEVÉS Je me suis notamment questionnée sur la capacité à construire ensemble au vu de la multiplicité des milieux dont proviennent les habitants, souvent très éloignés du monde de la construction. Par une juste balance entre connaissances personnelles et désirs partagés, il semble que les habitants prônent le collectif pour « faire ensemble » quelque chose qui ne pourrait

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être envisageable individuellement. Qu’il s’agisse d’auto-promotion, de conception participative ou d’auto-construction, la force du collectif s’illustre par la capacité des membres à s’organiser afin de créer le cadre qui pourra être propice au développement de la participation dans la phase constructive. En prenant du recul sur sa profession et ses propres aspirations, en travaillant en bonne intelligence avec ce type de maîtrise d’œuvre collective, ne pourrait-il pas être question de se nourrir mutuellement ? Que ce soit en apportant un nouveau souffle à un milieu de la construction marqué par un facteur économique qui tend à déprécier le travail de la main de l’Homme ou en prenant conscience et en valorisant des richesses de savoirs et de savoir-faire dont ce milieu est déjà doté ? En se questionnant sur le monde du chantier, de la construction et des acteurs qui la constitue, ce mémoire amène de nouvelles réflexions pour tenter d’appréhender différemment les problèmes et d’envisager des changements bénéfiques. Pour cela, ne serait-il pas nécessaire d’élargir notre champ de vision ? A ce propos, réfléchir par analogie, ce « Rapport de ressemblance, (…) entre des réalités différentes »116 , peut être intéressant afin de croiser des expériences propres à des champs disciplinaires très différents. Qu’il s’agisse d’analogie entre échelles ou entre domaines, l’altérité nous aide à penser. L’ouverture à d’autres disciplines 116.Définition du CNRTL : Centre National de Recherches Textuelles et Linguistiques.

et d’autres champs de la connaissance est peut- être cette quête que visent les chantiers faisant participer la MOA. Que ce soit pour renouveler une image du monde de la construction trop souvent perçue comme dominé par de grandes entreprises peu soucieuses de l’échelle de l’habitant, ou pour renouer avec les savoirfaire et la conscience propre des artisans dans un milieu où l’intérim règne en maitre et où un ouvrier plaquiste le matin se retrouvera peintre façadier l’après-midi. Il n’est pas question de prôner un modèle où tout le monde deviendrait artisans ou architectes. Toutefois en faisant l’expérience de l’autre, il est possible de changer la perception que l’on a de sa profession, en prenant conscience des savoirs et savoir-faire dont il dispose. Ainsi sa spécialité fait partie, non pas d’un nouveau champ de compétences acquis, mais d’un champ de vision élargie. L’éveil à l’altérité et le simple fait de prendre conscience de son existence ne pourrait-il pas nous disposer à porter plus d’attention aux éléments qui structurent et mettent en œuvre les différentes phases d’un projet architectural ? Si l’on faisait une analogie entre cette sphère de la construction et la planification énergétique, il pourrait s’agir d’effectuer un parallèle avec le monde architectural et l’aspect environnemental mis en place depuis des décennies dans des projets. En effet, comment encore en 2016 pouvons nous parler du caractère novateur d’un projet construit en bois ou dont l’isolation s’effectue en paille ? L’évolution et la conscience de ces problématiques au

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sein du milieu architectural semble aboutir à l’évolution d’une pensée architecturale qu’elle se traduise dans l’enseignement ou dans la législation. Le secteur professionnel est touché mais qu’en est-il du regard de la majorité des individus à l’égard de telles techniques ? Mentionnées dans cette recherche, les analogies permettent de regarder en changeant de lunettes, en posant le problème par un autre biais, et en dépassant les présupposés sur la discipline architecturale et le monde du bâtiment actuel. Prendre connaissance de structures bien spécifiques adoptées par des habitants se lançant dans une opération réalisée en autopromotion, constituées d’organisations, de modes de faire et d’accompagnement du déroulement d’un projet participatif, de questions financières mais aussi de jeux d’acteurs qui se tissent entre habitants, architectes et artisans, m’a offert la possibilité d’avoir un regard sur des pratiques professionnelles non « classiques » et par là même de réfléchir à la diversité de l’exercice du métier d’architecte et à la production de logements. C’est en prenant en compte la manière dont sont composés ces projets et ce qu’ils engendrent comme questionnements sur le métier d’architecte, et ce malgré l’aspect chronophage, que je souhaite rester attentive pour peut être prendre part dans ma pratique future au maintien de cette voie de production de l’habitat.

d’un projet. Mes cinq années d’études d’architecture m’ont appris à faire émerger conceptuellement un projet, mais la manière de le mettre en œuvre concrètement a été peu développée. Pour construire un bâtiment il semble nécessaire de « faire avec » un grand nombre d’acteurs. Mettre en place des dynamiques conduisant à élaborer et produire une architecture durable ou soutenable n’estil pas vain si l’ensemble des personnes qui participent à l’élaboration du cadre bâti ne voient pas les bénéfices que pourraient provoquer leurs collaborations ? Ainsi cette recherche en s’intéressant aux différents acteurs du chantier et par la même à tous ceux à qui je vais être reliée en tant que future architecte, nous conduit à un dernier questionnement : ne serait-ce pas par une redéfinition du rôle des acteurs et de l’interaction sociale qu’ils entretiennent les uns envers les autres que la transition énergétique pourrait être envisagée avec plus de pertinence et de retombées positives tant environnementales que sociales ?

Pour finir, une dernière réflexion m’anime. Par cette recherche, les visites effectuées et les conversations entretenues, je me suis questionnée sur la phase du chantier, sur ce moment de l’émergence matérielle CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016

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Bibliographie -

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.MAZEL Yvan, VIGNERON Rémy, L’habitat participatif, Gratianopolis #8 , RadioCampus Grenoble, mai 2015.

ENTRETIENS

.Stéphane Fuchs, Architecte, membre de l’agence ATBA, Genève. Entretien réalisé sur le chantier de la rue Soubeyran, le 13.04.16. .Mickaël Osswald, Architecte, membre de l’agence G. Studio, Strasbourg. Entretien réalisé au sein du projet Greenobyl, le 15.04.16. .Boris Nauleau, Architecte, membre de l’agence CLAAS Architectes, Nantes. Entretien téléphonique réalisé le 18.04.16. .Mickaël Rivron, Auto-constructeur et architecte membre de l’agence Bigre Architecture, Nantes. Entretien téléphonique réalisé le 20.04.16. .Johan Desprès, Artisan de formation architecte, spécialisé dans l’architecture de terre, la rénovation du pisé et l’accompagnement à auto-construction, Saint-Genest-Lerpt. Entretien téléphonique réalisé le 23.04.16. .Loïc Daubas, Architecte, membre de l’agence Atelier Daubas & Belenfant, Nantes. Entretien téléphonique réalisé le 24.04.16.

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.Catherine Lavallez, Planification énergétique territoriale, Consulting énergie/environnement (Genève), future habitante du projet rue Soubeyran. Entretien réalisé à la MSH Alpes le 03.05.16. .Elsa Cauderay, Architecte, membre du collectif CArPE, Collectif d’Architecture Participative et Écologique (Lausanne), artisan du projet rue Soubeyran. Entretien téléphonique réalisé le 11.05.16. .Olivier Krumm, Architecte, RMO et habitant du projet rue Soubeyran. Entretien téléphonique réalisé le 12.05.16.

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Iconographie -

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SCHÉMAS

Tous les schémas sont de l'auteur

SOURCES DES ILLUSTRATIONS COUVERTURE

P01/ Photomontage ©Bifurkation

P78/ Schémas personnels P80/ Redessin personnel d'après plan fourni par le bulletin municipal de la commune de Fégréac P86/ Photographie prise sur http://www.

prixnational-boisconstruction.org/panorama-desrealisations-en-pays-de-la-loire/item/769-ecolematernelle-fa-gra-ac

COOPÉRATIVES RUE SOUBEYRAN

P47/ Perspective du projet, fournie par l'agence ATBA, traitement photoshop P48/ Vue Google earth, traitement photoshop P49/ Schémas personnels P51/ Redessin personnel d'après plan fourni par l'agence ATBA P60/ Photographies personnelles prises lors de la visite de chantier GREENOBYL

P62/ Photographie du projet, fournie par l'agence G.Studio, traitement photoshop P63/ Vue Google earth, traitement photoshop P64/ Schémas personnels P66/ Redessin personnel d'après plan fourni par l'agence G.Studio P68/ Redessin personnel d'après plan et coupe fourni par l'agence G.Studio P72/ Photographies fournies par l'agence G.Studio P75/ Photographie fournie par l'agence G.Studio ÉCOLE DE FÉGRÉAC

P76/ Photographie prise sur

http://www. prixnational-boisconstruction.org/panorama-desrealisations-en-pays-de-la-loire/item/769-ecolematernelle-fa-gra-ac

P77/ Vue photoshop

Google

earth,

traitement

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Mémoire MENTION RECHERCHE CONSTRUIRE ENSEMBLE - POULAILLON Bérengère Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - juin 2016

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