Livret de l’exposition
L’exposition vous propose une recherche inédite sur l’histoire des femmes dans la société audomaroise depuis le Moyen Age à travers l’étude de documents d’archives méconnus. Entre mythe, préjugé ou réalité, elle offre un nouvel éclairage sur les différents aspects de leur vie quotidienne mais aussi leur place dans la construction du territoire. L’exposition thématique est présentée au sein de la salle patrimoniale. La bibliothèque souhaitant renforcer les liens avec les établissements scolaires du secondaire a proposé à la section Arts Appliqués du Lycée Saint-Denis de SaintOmer de participer au projet. Conduits par leurs enseignants Gaëtan Macquet, Alice Si Amour et Jean-Baptiste Legrand, les élèves des trois classes de 1ere ont interprété
graphiquement plusieurs portraits de femmes choisies dans les archives : l’objectif étant de leur redonner une image, un corps ou une silhouette. Les créations des élèves vous sont présentées ici.
L’exposition est réalisée en partenariat avec le Musée de l’hôtel Sandelin qui présentera les portraits des grandes personnalités féminines issues des collections. »
Décrétales de Gratien, Abbaye Saint-Bertin, XIVe siècle, mariage, Bibliothèque d’agglomération, ms 434, f. 232v.
...Comparurent en leurs personnes Nicolas Lefebvre jeune home a marier laboureur demeurant au village de Blaringhem, Artois d’une part Marie Anne Flajollet jeune fille à marier demeurante à Rocquestoire … que comme ladite Flajollet se trouve enceinte des œuvres dudist Lefebvre et qu’au refus quil faisoit de l’espouser ou au moins de se charger de l’enfant a naistre sa dotte es payer ses fraix de jesennes es interest de sa defloration, elle estoit intentionné de le traiet en et mettre en cause … nourrie entretenue et de l’envoyer a l’escole e l’entretien des charges de ladite seconde comparante et pardessus ce de mettre icelle flajollet dans une maison bourgeoise de ceste ville pour y faire ses couches
aspergés d'eau bénite, le lit encensé, le couple béni et confié à Dieu ». Au sein des milieux bourgeois et nobles, le mariage permet aux familles de s’enrichir et d’évoluer socialement. Des unions entre les membres de la bourgeoisie urbaine de Saint-Omer pour entrer dans une corporation ou pour devenir mayeurs sont fréquentes. Ainsi, le mayeur Pierre Florent Accord 25 du 30/04/1694 entre Marie Flageolet et marie ses filles Marie et Chrétienne Nicolas Lefebvre ; Gros de St Omer, 4E5/559. respectivement à Philippe David et Jake Drughebrot qui sont rapidement intégrés à Au Moyen Age, l’âge officiel pour le mariage dit la Hanse et à l’échevinage à la fin du XIIIe siècle. « âge nubile » est de 12 ans pour les filles et de Depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539), 14 ans pour les garçons. Dans les faits les curés tiennent les registres des baptêmes cependant, il intervient plus tard, entre 20 et 30 permettant ainsi d’enregistrer à terme les ans. L’union est célébrée dans le cadre religieux données civiles. Il faut attendre l’ordonnance de avec le consentement des parents et après la Blois en 1579 pour qu’ils fassent de même pour publication des bans. les mariages. La description du mariage d’Arnoul, seigneur A partir du XVIe siècle, les unions faisant l’objet d’Ardres et de Béatrix, châtelaine de Bourbourg de contrats et de transactions se multiplient. Les par Lambert d’Ardres dans Les chroniques des contrats de mariages précisent les possessions Comtes de Guînes et des Seigneurs d’Ardres, à des comparants et les modalités en cas de décès. la fin du XIIe siècle, nous renseigne sur les rituels religieux qui entourent l’union : « Au début de la On retrouve également des transactions conclues nuit, lorsque l'époux et l'épouse furent réunis entre des jeunes gens pour le rachat de dans le même lit, le comte, poursuit Lambert, défloraison ayant engendré une naissance et nous appela, un autre prêtre, mes deux fils et n’ayant pas abouti au mariage. moi ; il ordonna que les mariés fussent dûment
soient à nouveau autorisés, en 1884. La dernière grande évolution date de 2006 ; l’âge légal du mariage est de 18 ans et pour la première fois dans l’histoire française, il est identique pour les garçons et les filles.
Mariage dans le marais, reproduction ancienne du tableau de d'Henry Jacquet présenté à l'occasion du salon de Paris en 1909 c. Bernard Ponseel
Le mariage étant un sacrement de l’Eglise, il ne peut être dissout. Dans de très rares cas, la séparation de corps et de biens, signée devant notaire, offre un recours ultime aux femmes victimes de mauvais traitements ou d’abandon. Si le mariage religieux conserve les mêmes dispositions après la Révolution, la Constitution par la Loi du 20 septembre 1792 instaure le mariage civil. Il est enregistré devant le Maire ou son représentant après la publication des bans sur la porte de la mairie. Cette même loi institue le divorce par consentement mutuel pour abandon du domicile, mauvais traitements ou folie. Les registres de Saint-Omer de cette époque présentent quelques cas de divorce même s’ils restent fortement réprouvés (11 divorces recensés pour les années 1793-1794). Quelques années plus tard, en 1804, le Code civil de Napoléon, en réaction aux acquis de la Révolution, modifie la loi sur le divorce, qui reste autorisé mais le consentement mutuel disparait. Le Code place la femme sous la tutelle financière et administrative de son mari ; elle est maintenue à l’état de mineure ; seule la famille légitime est protégée. Lors de la Restauration de la Monarchie, le divorce est interdit en 1816 (Loi Bonald), pour en revenir au dispositif de la séparation de biens. Il faudra attendre la IIIe république pour que le divorce et la séparation par consentement mutuel
Tables de divorces en 1794, registre d’état civil, BASO
En ce qui concerne la tenue de la mariée, la traditionnelle robe blanche ne se généralise qu’à partir du XIXe siècle. Sous l’Ancien Régime, il n’y a pas de règle ou d’usage à l’exception du costume traditionnel régional, les femmes portent plus facilement une robe de couleur garance, une teinte qui conservait longtemps sa vivacité.
Acte du divorce n°116 d’Albert Hubert Clochet et Marie Madeleine Michel pour absence sans nouvelle depuis 7 ans ; Registre des mariages et des divorces, Saint-Omer, 1793-1794.
Jeu de cartes illustré par les acquis de la Révolution, Ms ville 1746, BASO
Summa Confessorum, XIVe siècle, ms. 136, f. 49r © BASO.
La Vierge au chat, sculpture en albâtre, attribuée à Jacques Dubroeucq, Cathédrale Notre-Dame de Saint-Omer c. Carl Peterolff.
François MAURICEAU, Traité des maladies des femmes grosses et celles qui sont accouchées, Paris, 1721 ; Bibliothèque d’agglomération, FA-1681.
Jusqu’à une période très récente, procréer reste la principale vocation de la femme dans le cadre du mariage. Taboue et entourée de secrets, c’est une affaire de femmes… Au Moyen Age, la maternité est peu médicalisée. Le terme gessenne ou gésine désigne la période des couches qui a lieu principalement au domicile avec l’aide d’autres femmes expérimentées que l’on nomme mère alleresse, sagefemme, matrone ou ventrière. Elles sont assermentées et ont l’obligation de faire connaître la naissance de l’enfant au prêtre de la paroisse. La « profession » est encadrée puisque dès le XVIe siècle le Magistrat de Saint-Omer, composé du mayeur et des échevins, se charge de les faire recruter pour les hôpitaux. Si elles ne suivent aucune formation, elles doivent cependant être certifiées par lesmédecins de la ville.
Face à l’augmentation de la pauvreté à SaintOmer au XVIIIe siècle, l’hôpital général met à disposition le tour d’abandon. L’enfant est déposé avec un petit mot donnant parfois son âge et son prénom dans une niche tournante. La suppression de ce tour en 1846 entrainera d’ailleurs l’augmentation des cas d’infanticides.
Au début du XIXe siècle, les hospices de SaintOmer offrent à quelques sages-femmes la possibilité de suivre les cours d’accouchement de l’école de la maternité de Paris, mis en place par Mme de Coudray. Mais il faut attendre la fin du siècle pour qu’un service de maternité soit créé à l’hôpital Saint-Louis, rue des béguines. Transféré rue Saint -Sépulcre en 1943 après les bombardements, il sera modernisé en 1973.
Outre les sages-femmes, le diagnostic de la grossesse peut également être établi par des mireurs d’urine, sorte de médecins populaires connus jusqu’au XVIIe siècle. Le Regimen sanitatis Salernitanum, livre de médecine et de remèdes (c. 1500) indique « quand tu verras en l'urine de petites flammettes et petites estincelles … en la femme signifie engrossement ». La méconnaissance des mécanismes du corps féminin empêche le contrôle des grossesses. Dans le cas de maternité non souhaitée, les femmes pouvaient avoir recours à des poisons abortifs dangereux. En 1637 d’ailleurs, le Magistrat interdit aux sages-femmes l’utilisation de ces « breuvages criminels ». Marrie Holland meralleresse. Le 11 mars 1544. Pour et affin que les femmes grosses denffant qui doresenavant seront es maisons contagieuses et suspectz de peste puissent estre aidees et secourues à leurs travailz et enfantemens en sorte que dangier ou inconvenient ne adviengne […] ont retenu et retiennent ladite Marrie a meralleresse de la dite ville aux gaiges de vingt florins carolus d’or par chascun an
Registre H Délibérations du magistrat de 1544 à 1550, f. 18, Saint-Omer, Bibliothèque d’agglomération de SaintOmer.
Messire Josse de Damhoudere, Practique judiciaire es causes criminelles, tres utile et nĂŠcessaire Ă tous Ballisz Prevostz... , Anvers, chez Jehan Bellere, 1564, f. 001r.
…
Quittance pour les frais d’emprisonnement à la Salpêtrière de Marie-Barbe Febvin , maquerelle en 1762, ; Saint-Omer, archives communales, BB 284 n°26
Jan Steen, La ribaude, Pays-Bas, 3equart du 17e siècle, huile sur toile, Saint-Omer, musée de l’hôtel Sandelin, inv. 0279 CM © Musées de Saint-Omer, Ph. Beurtheret
Si la prostitution a quasiment toujours été officiellement interdite à Saint-Omer, elle était dans les faits, tolérée. Plusieurs termes « fleuris » s’y rapportent : prestresse, ribaude, femme et fille de joie ou de mauvaise vie, travaillant dans des maisons de tolérance, mauvais hôtel, cloaque, puteau, garni …. La toponymie ancienne à Saint-Omer nous renseigne sur ces lieux : la porte du putain pont en 1320, derrière le château, la rue du con près de l’abbaye Saint-Bertin (devenue rue du Coq en 1559 !).
Au Moyen Age, pour « vendre l’amour à détail », les femmes s’offraient dans les étuves, sortes de bains publics. En 1452 d’ailleurs, le Magistrat intervient pour leur en interdire l’accès et leur impose le port d’un signe distinctif. Le délit est fortement réprimé : les filles et leurs souteneurs sont condamnés au « bannissement sur l’oreille » qui signifie qu’ils seront essorillés en cas de récidive (littéralement, couper l’oreille).
En 1658, pour contrôler les rues, Louis XIV ordonne l’emprisonnement à la Salpêtrière de Paris, des femmes coupables de prostitution et de la tenue de maisons. Marie Barbe Febvin, maquerelle, sœur d’un chanoine de la cathédrale de Saint-Omer y sera enfermée en 1765.
Au XIXe siècle, les pouvoirs publics tentent d’encadrer l’activité, notamment pour enrayer la syphilis, maladie honteuse qui finit par toucher toutes les couches de la population. Les filles publiques doivent être déclarées à la mairie et si elles sont atteintes, sont soignées à l’hôpital général. En 1946, une maison de tolérance est encore citée dans les registres de délibérations pour l’organisation de ces visites médicales avant de disparaître définitivement par application de la loi Marthe Richard sur l’interdiction des maisons closes (mars 1946).
Plan de Saint-Omer, détail du Jardin Notre-Dame, XVIIe siècle ; CPE 564-11bis Bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer.
Marque d’Anne DANEL sur son acte de mariage avec François Joseph MONBAILLY, paroisse Saint-Denis, le 5 avril 1769 ; E 417, Bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer.
Sous l’Ancien Régime, l’éducation des femmes dépend surtout de leur condition sociale. Les filles de la noblesse et de la haute bourgeoisie ont un précepteur, fréquentent les écoles des monastères ou entrent au couvent, où elles décident d’y rester ou d’en sortir pour se marier. C’est différent pour la majorité des jeunes filles de milieu modeste. Chez les artisans et paysans, elles restent avec leurs parents et effectuent les tâches domestiques. L’apprentissage concerne surtout des métiers liés au textile (couture, blanchisserie, tissage). Un grand nombre d’épouses d’artisans sait lire, écrire et compter afin d’aider leur mari.
C’est au début du XVIIe siècle que la ville de Saint -Omer connaît ses premières maisons d’instruction pour les filles. Marie Aubron, qui avait réuni dans sa maison des filles pauvres pour leur dispenser un enseignement, se voit confier la direction d’un établissement laïc pour jeunes filles
offert par l’évêque Jacques Blaseus à la ville : la maison du Jardin Notre-Dame. A partir de 1612, les Pères du collège des Jésuites anglais dirigent une maison de jeunes filles catholiques anglaises persécutées dans la Grosse Rue. A la veille de la Révolution française à Saint-Omer, l’enseignement des filles est à la fois laïc et religieux. L’enseignement religieux est dispensé surtout par les Ursulines et les Franciscaines. La maison du jardin Notre-Dame et les écoles de l’Hôpital Général assurent un enseignement laïc.
L’enseignement dure deux à trois ans. Il a pour vocation d’apprendre un métier à ces jeunes filles pour leur permettre de gagner leur vie. Le décret du 18 août 1792 supprime les congrégations religieuses. Seul l’enseignement laïc peut perdurer, mais il connaît lui aussi des difficultés.
Porche du couvent des Ursulines Album Boitel 43252-6,
Couvent des Ursulines / Chanoine COOLEN BSAM n°17, page 402, BASO
Prospectus des demoiselles Podevin, ms 1263 pièce 32, Bibliothèque d'Agglomération de Saint-Omer
Feuille de Saint-Omer 31 janvier 1818 n°616 (recrutement d’institutrices pour l’hôpital général)
Classe enfantine de Mme GRODECOEUR ( Photographies de groupe– planche 4 recto archives départementales du Pas-de-Calais, AD 3Fi 772)
Au XIXe siècle, l’éducation des femmes bénéficie de grandes avancées. Le 15 décembre 1805, Napoléon Ier crée par décret les maisons d’éducation de la Légion d’Honneur (internats publics de filles). C’est l’âge d’or des pensionnats particuliers publics à Saint-Omer : en 1810, près de 600 jeunes filles y sont scolarisées. Parmi les plus prospères, on trouve l’établissement de Marie-Françoise Podevin, rue du Commandant et celui de Marie-Anne Feutrel, rue de Dunkerque. Les écoles de l’Hôpital Général continuent de fonctionner en ce début de siècle.
aux communes de plus de 800 habitants d’ouvrir une école pour filles. Sous l’impulsion de Jules Ferry, les lois scolaires de 1881-1882 transforment l’école publique (laïcité, gratuité, école obligatoire pour les filles et les garçons de 6 à 13 ans).
A partir de 1819, Saint-Omer voit apparaître l’installation d’établissements de congrégations religieuses notamment avec les Ursulines, de retour en ville après leur expulsion à la Révolution, les Clarisses et les Sœurs de Saint-Vincent-dePaul.
Dans le domaine de l’enseignement, la première guerre mondiale permet aux femmes de s’implanter plus durablement et c’est d’ailleurs les institutrices qui auront les premières, un salaire équivalent à celui des instituteurs.
En 1830, dans l’Audomarois, peu de villes à l’exception d’Arques et de Saint-Omer ont une école publique pour filles. Les filles peuvent donc être scolarisées dans des écoles de garçons sur dérogation. En mars 1850, la Loi Falloux impose
La première école publique laïque pour les filles ouvre au n°27 de la rue Robert Le Frison en 1876. En 1882, apparaissent les cours secondaires pour jeunes filles au pensionnat Saint-Denis mais ils sont supprimés en 1900.
La première bachelière française se nomme Julie -Victoire Daubié : elle obtient son baccalauréat en 1861. Avant 1880, seuls les lycées de garçons permettent de préparer le baccalauréat. La loi de Camille Sée du 21 décembre 1880 institue des lycées de jeunes filles (mais ne préparant pas au baccalauréat). Le premier lycée de filles ouvre à Montpellier en 1882. Il faut attendre 1924 pour que les lycées de jeunes filles aient l’autorisation de préparer au baccalauréat. C’est en 1906 que la ville de Saint-Omer connaît sa première bachelière : il s’agit de Gabrielle CANTRAINNE, 17 ans, qui obtient le baccalauréat de langues vivantes à la Faculté de Lettres de Lille.
Portrait de Julie-Victoire Daubié par Pierre Petit.
Mémorial artésien du 20 octobre 1906 (Bibliothèque d'Agglomération de Saint-Omer)
Gabrielle CANTRAINNE est née à Robecq (Pas- de-Calais) le 2 février 1889. Son père, Diomède Désiré Jean Baptiste Cantrainne, né à Haverskerque, a 46 ans lors de sa naissance et est cultivateur à Robecq. Sa mère, Clara Anasthasie Thullier (ou Thulliez), née à Lillers, est cultivatrice et a 44 ans à la naissance de sa fille. Elle a une sœur, Marie Clara Joséphine, née le 24 mars 1884 à Robecq. En 1906, elle habite avec ses parents et sa sœur Marie au 9, rue des Faiseurs de Bateaux à Saint-Omer. Ils ont également une servante qui habite avec eux.
Entrée du couvent Sainte-Colombe de Blendecques © Carl Peterolff
Sœur Françoise de Saint-Omer, (BASO, 34262 84-4)
Recluserie de Notre-Dame de Saint-Omer, Bulletin de la société des antiquaires de la Morinie, 18, p. 492.
Dans le cercle privé, la religion tient une place fondamentale. Quotidiennement, les femmes consacrent un temps important au culte et à la prière ; ce sont elles qui enseignent la religion aux enfants.
Les archives de Saint-Omer conservent la trace de quelques recluses, des femmes vivant volontairement enfermées et que l’on distinguait des religieuses. Elles sont mentionnées durant les XVe et XVIe siècles à Saint-Martin, église paroissiale située à côté de l’abbatiale de Saint-Bertin et à Saint-Denis. Cette pratique est restée assez mystérieuse mais les sources indiquent qu’elles restaient dans le giron de l’église et qu’elles vivaient d’aumônes. Une pièce située dans la tour occidentale de la cathédrale aurait eu cette vocation comme le suggèrent ses dispositions intérieures. La révolution française entraîne la dissolution des ordres religieux et la fermeture des couvents. Dans l’Audomarois, l’abbaye Notre-Dame de Wisques, fondée par les moniales de l’abbaye Sainte-Cécile de Solesmes (Sarthe) ouvre en 1889. En 2013, la communauté comptait 22 moniales.
Collectarium Ghisnense ms 101 folio 2, Bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer.
Sous l’Ancien Régime, l’entrée dans les ordres est très fréquente. C’est le plus souvent sur décision paternelle que la jeune fille est cloîtrée, souvent très jeune, parfois même avant 7 ans. L’entrée n’est ni gratuite ni ouverte à toutes les classes sociales. Les critères de sélection peuvent y être élevés et la dot est obligatoire. Les filles d’origine modeste sont vouées aux tâches secondaires (travaux d’entretien, jardin). De nombreuses congrégations religieuses féminines voient le jour dans l’Audomarois. Elles ont souvent une vocation d’enseignement ou hospitalière. La première sera d’obédience cistercienne, à l’abbaye Sainte-Colombe de Blendecques (1182). D’autres congrégations suivent rapidement : les religieuses du Tiers-Ordre de Saint-François qui fondent le couvent SainteMarguerite, les Ursulines, les Carmélites, les Clarisses, les Capucines dirigées par Sœur Françoise de Saint-Omer, etc.
Abbaye Notre-Dame de Wisques © Carl Peterolff.
Le Livre d'or de Notre-Dame des Miracles à Saint-Omer, Lille, LefèbvreDucrocq, 1909, enluminé par les sœurs de Notre-Dame de Wisques ; ms ville 1861.
Ernesta Mérignac par Jules Joets, BASO, Joets, dossier 2 pièce 145.
Troupe de théâtre féminine jouant Esther de Racine, vers 1860-1880, Fonds Pagart d’Hermansart, Bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer.
Si dans les bonnes familles, la pratique d’un art a longtemps été considérée comme un domaine « féminin », force est de constater que peu d’entre elles ont pu s’illustrer avant le XIXe siècle.
Françoise de Heuchin (1549-1567), religieuse au couvent des sœurs grises à Lillers et enlumineresse suggère qu’il s’agit seulement d’une activité complémentaire.
Dans le domaine du théâtre et de la musique, le constat est analogue. La pratique reste majoritairement cantonnée au cercle privé. C’est davantage au XIXe que les femmes parviennent à s’imposer dans la création artistique.
Plan de Saint-Omer, détail du couvent de SainteClaire Saint-Omer, XVIIe siècle, Bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer.
Comme toutes les femmes de la noblesse, la comtesse Mahaut d’Artois (1268-1329) s’intéresse à la littérature. Elle encourage l’enluminure mais elle incite aussi la création littéraire. Ainsi, localement, elle commande à Guyard des Moulins, chanoine de Saint-Pierre d’Aire, en vue de son élection à la charge de doyen, l’édition de la bible historiale (vers 1297), une bible traduite en français et ornée de grands cycles de miniatures qui connaitra une immense postérité. Egalement mécène dans le domaine monumental, à partir de 1322, elle fait décorer le couvent de Sainte-Claire à Saint-Omer par des artistes locaux. Peu de femmes artistes sont connues pour cette période. Dans la région de Saint-Omer, le cas de
Si l’école des Beaux-arts de Saint-Omer (créée dès 1764) ne semble avoir accueilli de femmes, quelques audomaroises élèves du peintre Alexandre Lebour, professeur aux Beaux-arts présentent des œuvres au salon des Arts de Saint -Omer, ainsi Henriette et Clarisse Defrance, Coralie Ferey ou encore Héléna Robelet… Deux femmes cependant auront une renommée nationale et internationale : Ernesta RobertMérignac qui fut sculpteur et médailleur dont les œuvres sont conservées dans les plus grands musées du monde ou encore Germaine Acremant, romancière à succès rendue célèbre par Ces Dames aux Chapeaux Verts.
Antiphonaire de la chartreuse Sainte-Aldegonde de Longuenesse, enluminée par Françoise de Heuchin, XVIe siècle, ms. 55.
Le marché aux Bestiaux de Saint-Omer, carte postale, Bibliothèque d’Agglomération de Saint-Omer, collection Richard Gracia.
« Marchande de Modes », gravure du XVIIIe siècle. Diderot (Denis) et D’Alembert, L'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Suite du recueil de planches, sur les sciences, les arts libéraux et les arts méchaniques, avec leur explication, Paris, 1777, p. 144. Bibliothèque d'Agglomération de Saint-Omer, inv. 4487.
Les femmes ont toujours travaillé. Cette affirmation pourfend l’idée reçue selon laquelle la Première Guerre Mondiale a mis les femmes au travail. Elles n’ont cependant pas toujours exercé de « métier », notion qui est relativement contemporaine et ambiguë. Sous l’Ancien Régime, outre les domestiques et journalières agricoles, le travail féminin revêt de multiples formes. Les femmes des milieux populaires concourent à la survie quotidienne, comme les épouses d’artisan aident leur conjoint. La femme essaie ainsi de concilier les tâches domestiques, l’éducation des enfants, et un travail rémunéré qui complète le salaire masculin souvent insuffisant. Le commerce et l’un de leurs terrains : les paysannes et femmes audomaroises commercialisent elles-mêmes la production, approvisionnant le marché alimentaire. Nombreuses sont aussi les hôtesses des cabaretiers et des aubergistes. Au XIVe siècle, sur les 28 hôtelleries audomaroises, sept sont tenues par des femmes. On peut citer entre autre la demoiselle Philippe de Furnes, hôtelière en 1322. Dans les années 1760-1761, sur près de 60 cabaretiers que compte la ville de Saint-Omer, cinq sont des femmes comme la Veuve Leroux (l’enseigne A la Grande Vignette). Les cabaretières sur Saint-Omer et ses environs en 1760-1762. Sur près de 60 cabaretiers, 5 cabarets étaient tenus par des femmes. Cabaretiers ville de Saint-Omer 17601761 : La Veuve Vigreux, à la ville de Dunkerque. La Veuve Vaast Gavrel, aux Trois Rois. La Veuve Caron, à la Conciergerie de l’Hôtel de Ville. La Veuve Leroux, à la Grande Vignette La Veuve Vigoureux, au Dauphin La Veuve Lemaire, cabaretière à Zutkerque 1760-1761. La Veuve Hochart, cabaretière à Moulle 1760-1761. Thérèse Dewevre, cabaretière à Eperlecques 1760-1761.
Quittance d’Olive Lemaire, cavière ou concierge de la cave du chapitre de Saint-Omer, en 1737. Bibliothèque d’Agglomération de Saint-Omer, Archives du chapitre de la cathédrale, 2G1202, comptes de la cave.
Le soussigné a reçu d’Olive lemaire, cavière du chapitre, les six pots de vin scavoir dix bouteilles de champagne de vin de Mascon rouge et quatre bouteilles de demi pot de Mascon blanc, fait à St-Omer ce 15 7bre 1738. C. wallart, pretre, pour Mr. Wallart absent.
Les femmes tiennent avant tout leur place en tant qu’épouse ou veuve, ce qui leur permet de perpétuer l’exercice d’un défunt mari et de préparer la succession au bénéfice du fils. L’épouse « fait marcher l’atelier » quand l’artisan s’absente et il n’est pas rare qu’elle tienne les livres de comptes. Même sans qualification, son autorité est reconnue par la réglementation des communautés professionnelles, du fait de son mariage. C’est ainsi que Jeanne, veuve de Charles Boscard imprimeur à Saint-Omer, est autorisée à lui succéder en 1629, et imprime jusqu’en 1652 sous l’enseigne « Au nom de Jésus». La production textile, dont l’importance économique croît, emploie des femmes toujours plus nombreuses. Préfigurant l’industrie, les manufactures font appel à des ouvrières peu qualifiées comme les fileuses. Des marchandes de modes, mercières…tiennent aussi boutique ou échoppe en ville.
Mademoiselle Grosdecoeur et mademoiselle Devoghel, institutrices au Lycée de Saint-Omer . 3 Fi 772.Lycée de Saint-Omer, année scolaire 1915-1916 [photographie de groupe de l’administration et des enseignants]. Plance 5 recto— Archives départementales du Pas-de-Calais.
Avec la Révolution industrielle du XIXe siècle, les ouvrières affluent dans les usines et fabriques notamment dans le secteur du textile. Elles sont lingères, blanchisseuses, lessiveuses, repasseuses, couturières ou encore brodeuses. En 1882, 25 fabricants emploient environ 1500 ouvrières. La main d’œuvre féminine y perçoit des salaires inférieurs à ceux des hommes pour des journées de travail équivalentes.
Broderies de la famille Bernard-Machin de Saint-Omer. Bibliothèque d'Agglomération de Saint-Omer, série 4Z, fonds Bernard-Machin.
En dehors de l’usine, elles travaillent seules ou en famille, sur les marchés, dans les estaminets, hôtels, magasins alimentaires ou de détail. Au cours du XXe siècle des progrès lents mais considérables ont été accomplis. C'est avec la Première Guerre Mondiale qu'elles remplacent les hommes partis combattre, au sein des industries converties dans la production de guerre. Les infirmières servent dans les hôpitaux civils et militaires auprès des nombreux blessés. L’implication des femmes pendant le conflit leur vaudra une nouvelle considération durant l’entre-deux-guerres et lancera les prémices de nouveaux droits. En 1920, les institutrices sont les premières à obtenir l'égalité de rémunération avec les hommes. Il faut cependant attendre les années 1960 pour que les femmes obtiennent le droit d'exercer une activité professionnelle sans l'autorisation de leur mari. Le 22 décembre 1972, une loi pose le principe de l'égalité de rémunération pour les travaux de valeur égale entre les hommes et les femmes. Mais ces lois peinent à se concrétiser, si bien qu'en 2013 l'écart moyen des rémunérations entre les hommes et les femmes reste de 16 %.
Les femmes travaillent aussi dans les manufactures de pipes (Duméril, Fiolet), une des plus grandes industries de Saint-Omer.
La manufacture de pipes Audebert-Fiolet. Photographie, vers 1900. Bibliothèque d'Agglomération de Saint-Omer, Albums Boitel.
Cette photographie donne un aperçu du quartier des pipiers à la fin du XIXe siècle, situé à proximité de la place Perpignan (Anciennement marché aux bestiaux, à gauche de la photographie). La manufacture de pipes Audebert-Fiolet se compose d’un ensemble des bâtiments surmontés de grandes cheminées, au centre de la photographie. La manufacture employait en 1890 près de 700 ouvriers. Le quartier des « pipes » devenu insalubre a été détruit dans les années 19601970 et remplacé par des immeubles H.L.M.
Sceau de Mahaut, comtesse d’Artois, appendu à une lettre autorisant les habitants de St-Omer à se cotiser pour payer les dettes et rentes dues par la ville (1310). Bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer, Archives communales, CXI n°3.
Julie Darras (1910-2001) première femme député du Pas-de-Calais en 1947. Françoise Henneron, conseillère générale et première sénatrice du Pas-de-Calais en 2001. Dominique Rembotte, conseillère régionale du Pas-de-Calais depuis 2004.
Sous l’Ancien Régime, si les femmes vivent dans la dépendance de leur père ou mari, elles disposent néanmoins de certains droits. Elles peuvent ainsi hériter de terres, gérer les affaires lorsque leur mari est absent et saisir des tribunaux. Les lois entourant la succession des enfants royaux condamnent les femmes à un rôle non politique. En effet, les princesses royales sont exclues du trône par la loi Salique, même si certaines femmes accèdent néanmoins à la régence du royaume telle Marie de Médicis entre 1610 et 1617 pour Louis XIII. D’un point de vue local, la princesse Mahaut (1268-1329) hérite du comté d’Artois à la mort de son père, puisque les lois de succession du comté d'Artois donnaient priorité, quel que soit leur sexe, aux enfants du comte décédé, au détriment des éventuels petits enfants.
Après la Première Guerre Mondiale, de nombreux pays leur reconnaissent ce droit et la France fait figure d’exception. C’est seulement par l’ordonnance du 21 avril 1944 les Françaises auront le droit de vote et la possibilité d’être élues. Le premier vote des Françaises fut pour élire les maires et les conseillers municipaux, en avril 1945. A Saint-Omer, sur les 27 conseillers municipaux, on ne compte que trois femmes : Mme Deligny Duflos, Madame Roye et Madame Lugez. C’est pourtant Christine Roye qui devient la première femme Maire de Saint-Omer lors de l’élection du 20 mai 1945. Avec Mme Leborgne-Macheur, élue maire de Blendecques, elles sont les deux premières femmes élues maires de la Région Nord Pas-de-Calais.
Christine Roye, maire de Saint-Omer, après la Guerre, en bas au centre. Journal L’indépendant, 1er octobre 1983.
Les premières revendications pour le droit des femmes naissent durant la période révolutionnaire avec notamment Olympe de Gouges, auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791). Si les femmes sont totalement absentes de la vie politique, l’histoire a conservé la mémoire d’un épisode de la période révolutionnaire. Le 18 novembre 1791, une insurrection contre la hausse des prix du blé est conduite par les femmes et la dame Vandenbossche, originaire des faubourgs de Saint -Omer. Le combat des femmes est poursuivi par les féministes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle telles Louise Weiss. Sous la République et jusqu’en 1945, les femmes ne figurent pas sur les listes électorales.
Les femmes vont poursuivre leur combat pour la parité et un accès aux mandats locaux ou nationaux. Julie Darras (1910-2001), devient en 1947 la première femme député du Pas-de-Calais. Françoise Henneron, Maire de Roquetoire, est élue conseillère générale (canton d’Aire sur-la-Lys) et la première sénatrice du Pas-de-Calais en 2001. Dominique Rembotte est élue quant à elle, conseillère régionale du Pas-de-Calais en 2004.
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les élèves des trois classes de 1ere de section Arts Appliqués du Lycée SaintDenis de Saint-Omer ont interprété graphiquement plusieurs portraits de femmes choisies dans les archives : l’objectif étant de leur redonner une image, un corps ou une silhouette.
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Princesse de la maison capétienne d'Artois, comtesse d’Artois, elle est aussi comtesse de Bourgogne par son mariage avec Othon IV de Bourgogne, et belle-mère des rois Philippe V de France et Charles IV de France par les mariages de ses deux filles. Souvent montrée comme autoritaire, Mahaut d’Artois était une excellente gestionnaire, n’intervenant qu’à bon escient dans la vie communale. Elle s’est également montrée généreuse dans ses dons aux pauvres, aux monastères et aux hôpitaux. Enfin, elle a manifesté sa volonté de protéger les arts et d’encourager la création artistique. A Saint-Omer, elle organisa notamment les travaux d’embellissement du couvent de Sainte-Claire.
Le bouclier de la vie / Rowan
Mahaut une double personnalité / Antoine
Mahaut l’autorité / Jody
Anne Danel et son mari François Montbailly sont accusés du meurtre de la mère Montbailly, retrouvée morte dans sa chambre, le lendemain d’une dispute avec ses enfants. L’affaire est saisie par le Conseil d’Artois qui condamne les époux pour parricide : le mari à avoir le poing tranché et à mourir sur la roue, la femme à être pendue et brulée. L’exécution d’Anne qui était enceinte fut ajournée mais François Montbailly est exécuté sur la Grand place. Son agonie dure deux heures. Entre-temps, l’avocat Alexandre Louis Muchembled réussit à retourner l’opinion publique. Il reste à sauver Mme Montbailly. L’affaire sera reprise par Voltaire dans La méprise d’Arras qui y voit un nouvel abus de pouvoir. Le Roi est informé et le procès est révisé par décision du Conseil d’Etat. Le 10 avril 1772, Anne Danel est libérée et accueillie triomphalement à Saint-Omer.
Accueil triomphal / Camille.
L'oeuvre inconnue / Maxime
L'innocente Anne Danel / Valentine.
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Née à Verchocq en 1750, elle est Supérieure et pharmacienne de l’hôpital de la maladrerie de Saint-Omer. Le 22 avril 1794, elle est dénoncée à Saint-Omer pour vols de biens de l’hôpital et pour mauvais propos à l’encontre des pauvres malades. Elle est emprisonnée à Arras et doit faire face à l’accusateur public Joseph Lebon. Elle tente de se défendre puisque le 14 juin 1794, le conseil général de la commune de SaintOmer fait lecture de deux lettres de Marie Dominique demandant qu’on lui envoie des pièces et papiers personnels pour affirmer son innocence. Mais les procès expéditifs sont monnaie courante suite à la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794) dite la loi du sang. Le terrible Joseph Lebon la condamne à être guillotinée sur la place de la République, davantage parce qu’elle était sœur hospitalière que pour ses propos ou ses prétendus vols de préparations. L’annonce de la condamnation à mort sera placardée dans toutes les parties de la république.
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Le livret de l’exposition a été réalisé par l’équipe du pôle Archives— fonds local de la bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer.
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Bibliothèque d’agglomération de Saint-Omer—Fevrier 2015