jeanne d'arc : personnage historique et figure emblématique

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L’exposition


LES ORIGINES DE LA GUERRE DE CENT ANS En 1152, Henri Plantagenêt, futur roi d’Angleterre, épouse Aliénor d’Aquitaine, précédemment épouse de Louis VII. Leurs descendants deviennent duc d’Aquitaine et de Guyenne. Ces vastes et riches possessions en royaume de France sont source de querelles et conflits. Les rois d’Angleterre souhaitent en effet que ce fief* devienne un alleu*, et gagner ainsi leur indépendance. Les rois de France s’y opposent et interviennent en maintes occasions afin de rétablir leur souveraineté. En 1308, à Boulogne-sur-Mer, Edouard II, roi d’Angleterre, épouse Isabelle de France, la fille de Philippe IV le Bel. En 1328, Charles IV le Bel décède sans héritier mâle, mais son épouse Blanche, la deuxième fille de Mahaut d’Artois, est enceinte. Il faut donc recourir à une régence. Trois candidats s’imposent :

Le régent de France : selon Jean le Bel (Grandes Chroniques de France), Charles IV aurait désigné Philippe de Valois régent de France si la reine donnait le jour à une fille… En fait, les barons et pairs se réunirent et décrétèrent qu’une femme ne pouvait ceindre la couronne en vertu d’une loi salique. Ainsi, le gouvernement ne pouvait échoir entre les mains des Anglais puisque le prétendant Edouard III descendait d’Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel. L’assemblée décida donc de remettre la régence à Charles de Valois, aîné de Philippe d’Evreux.

En effet, Philippe VI soutient - diplomatiquement puis militairement - Edouard Ier, le fils de Robert Bruce, qui s’est proclamé roi d’Ecosse.

Philippe d’Evreux, petit-fils de Philippe III le Hardi, et époux de Jeanne, fille de Louis X.

Philippe de Valois, également petit-fils de Philippe III.

En représailles, le roi d’Angleterre contracte des alliances en Hainaut, en Brabant, de même qu’avec l’empereur Louis IV .

Edouard III, roi d’Angleterre, et petitfils de Philippe IV le Bel, et de fait le plus proche héritier.

En 1337, Edouard III revendique publiquement le royaume de France.

Philippe de Valois devient régent. La reine Blanche accouche d’une fille, et le régent devient le roi Philippe VI. Edouard III fait valoir ses droits à la couronne de France. En vain. En 1329, le roi d’Angleterre rend hommage au nouveau souverain de France. Mais de nombreux sujets de discorde opposent les deux monarques. Parmi ceux-ci, l’Ecosse.

La rupture est officielle et irrémédiable. La guerre – une longue guerre – est déclarée.


En 1380, au décès de Charles V, le royaume de France a repris les provinces concédées vingt ans plus tôt tandis que la population est durement éprouvée par la guerre, la peste, et le pays épuisé par la fiscalité. Charles VI, âgé de douze ans, est sacré roi de France à Reims. Ses oncles les ducs Louis de Bourbon, Louis d’Anjou, Jean de Berry et Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, assurent la régence. Les princes gouvernent le royaume et servent essentiellement leurs intérêts jusqu’en 1388, où le roi Charles VI, majeur, renvoie ses oncles et rappelle les anciens conseillers de son père. Mais en 1392, lors d’une expédition contre le duc de Bretagne, Charles VI le Bien Aimé est victime d’une première crise de folie. Les crises alternent avec des périodes de lucidité pendant lesquelles le roi gouverne avec sagesse et sagacité.

Charles VI meurt. Le dauphin se proclame roi de France. La guerre – la maudite guerre – se poursuit. Dans ce contexte, une jeune fille, qui se prétend investie d’une mission divine, marche vers son destin, bouleversant et renversant l’ordre des choses établies. Au Moyen-Âge, l’Homme ne peut en effet affirmer son individualité. Il est partie intégrante d’une famille, d’une clientèle, d’une classe. Ainsi l’Être existe par ses rapports familiaux, communautaires et religieux. Jeanne endosse des rôles qui correspondent à la fois aux critères féminins et masculins.

Vision de Jeanne - Jeanne d'Arc : 9e édition / Marius Sepet.- Tours : A. Mame et fils, 1880. (frontispice).

Lors des empêchements du roi, la reine Isabeau de Bavière préside un conseil de régence. Or deux factions s’opposent farouchement : les Orléanistes – dénommés plus tard Armagnacs – qui ont à leur tête Louis d’Orléans, frère de Charles VI, et les Bourguignons, parti de Philippe le Hardi. Le conflit va dégénérer en guerre civile.

À l’opposé des femmes du peuple vouées au mariage, à la soumission et à l’obéissance, Jeanne se vêtira en homme, chevauchera parmi des soldats, et prendra parole au conseil royal. Jeanne sera la bergère, la Pucelle, une guerrière, LE sauveur du royaume. Jeanne est et demeure un mythe vivant.


LE MYSTÈRE DE JEANNE Jeanne naît le 6 janvier 1412 à Domrémy. C’est le jour de l’épiphanie, et quelque temps plus tard, Perceval de Boulainvilliers, conseiller et chambellan du roi de France, conta au duc de Milan que le coq chanta deux heures durant, annonçant un sauveur pour le royaume de France… 1412 est la date retenue par les historiens. En effet, le registre paroissial n’existe pas, et à l’époque, l’on connaît approximativement son âge.

Jeanne est la cinquième enfant d’un couple de laboureurs. Son père Jacques d’Arcq, doyen de 1425 à 1427, gère la communauté villageoise. Jacques décède avant 1431. Isabelle Rommée, sa mère, est originaire de Vouthon p r o c h e d e D o m r é my. La famille maternelle semble plus instruite et aisée : un oncle est couvreur-charpentier, un cousin, moine cistercien, et un autre, curé. La fratrie comprend cinq enfants : Jacquemin, Jean, Pierre, Catherine et Jeanne. Jeanne est très pieuse et au fait des tâches domestiques : elle coud, file et jardine. L’école la plus proche de Domrémy se situe à Maxeysur-Meuse. Cet établissement existe depuis 1369 et enseigne les rudiments de lecture et de morale. Mais Jeanne n’a pas fréquenté l’école. Elle affirmera d’ailleurs lors de ses interrogatoires : « Moi je ne sais ni a ni b ». Elle méconnait donc la lecture, et ne sait pas écrire. La fillette grandit pendant une période trouble. Une guerre civile et étrangère sévit.Le traité de Troyes* de 1420 a découpé le royaume : la France du Nord est anglobourguignonne, la France du centre et du Sud delphinale, la Normandie et la Guyenne anglaises.

Le royaume de France est doublement monarchique. Henri V, époux de Catherine de France, sœur du dauphin Charles, est roi d’Angleterre et héritier de France. Mais le vainqueur d’Azincourt meurt le 31 août 1422. Charles VI décède quelques semaines plus tard et le dauphin déshérité - le futur Charles VII - se réfugie à Bourges et Poitiers. Le successeur du roi Henri V est un enfant de dix mois. La régence est alors assurée par le duc de Bedford, Jean de Lancastre, qui épouse la sœur du duc de Bourgogne. Les armées anglo-bourguignonne et delphinale s’affrontent en 1423 à Cravant (Yonne), et en 1424 à Verneuil (Normandie). Le siège du Mont-Saint-Michel débute en 1425. Ce haut-lieu renommé est symbolique. L’archange est en effet le protecteur du royaume. La petite noblesse se rallie à l’un ou l’autre parti selon ses intérêts, ses sympathies, sa parentèle. C’est à cette même époque que Jeanne entend les voix se manifester avec insistance : de 1425 à 1428, les voix incitent plus fortement Jeanne à se rendre en France. La situation du roi est en effet catastrophique. Sans revenus et contraint à dévaluer sa monnaie, Charles VII vit d’expédients. Le roi bénéficie cependant du soutien de sa belle-mère et protectrice Yolande d’Aragon, des ducs d’Anjou et d’Alençon et, en dehors du royaume, de l’Ecosse. Le roitelet de Bourges cherche vainement à casser l’alliance anglo-bourguignonne. Jeanne aurait entendu les voix de l’archange Michel, sainte Marguerite et sainte Catherine depuis l’âge de treize ans environ.


À deux reprises (13 mai 1428 et 13 février 1429), Jeanne s’en va trouver Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, forteresse voisine de Domrémy. Enfin convaincu, et rassuré par le curé que le diable n’est pas en elle, Robert de Baudricourt fournit à Jeanne une escorte – Jean de Metz et Bertrand de Poulengy qui lui resteront fidèles - et un messager. Les habitants de Vaucouleurs offrent à la jeune fille des vêtements d’homme. La Pucelle se coupe les cheveux et prend la route. Fin février 1429, après un voyage éprouvant de onze jours, Jeanne arrive à Chinon. Elle reconnaît le gentil dauphin parmi ses conseillers, et là se déroule la scène symbolique décrite différemment selon les chroniques. Geoffroy de Monmouth, Les prophéties de Merlin … « Viendra une Pucelle de la frontière du Bois chenu, qui guérira le royaume. Puis elle ira trouver le roi et les grands, délivrera les notables cités… ».

Charles reçoit cette puella* aux cheveux courts, vêtue d’habits d’homme, et l’écoute. Depuis longtemps déjà circulent des prophéties annonçant la venue d’une vierge guerrière. À l’issue de cette entrevue, le roitelet paraît le visage éclairé… Cependant le dauphin, prudent et circonspect, expédie Jeanne à Poitiers où elle est examinée et interrogée par des théologiens, juristes et conseillers. L’authenticité de sa mission reconnue et admise, Jeanne est équipée. Charles lui offre un harnois (armure) fabriqué à Tours, un statut, des revenus et une petite troupe d’hommes. Jeanne espère une grande bataille qui bouterait les Anglais hors de France.

Or la Pucelle va essentiellement livrer une guerre de siège. Les Anglais refusent en effet l’affrontement malgré leur supériorité démontrée lors des batailles de Poitiers et Azincourt. Autorisée à se joindre à l’armée destinée à secourir Orléans, Jeanne entre secrètement dans la ville et y rencontre Dunois, le bâtard d’Orléans, demi-frère de Charles d’Orléans. Sous le « commandement » de Jeanne, les ribaudes sont renvoyées, les soldats se confessent, communient, et mesurent leurs propos. La présence de La Pucelle galvanise les troupes qui libèrent Orléans* enclose par les Anglais (mai 1429). Jeanne la guerrière accomplit ce que cent mille hommes n’eussent pu faire (Christine de Pisan). Jeanne rêve maintenant à l’accomplissement de sa mission : faire sacrer et couronner le gentil dauphin Charles. Reims est cernée par des possessions anglaises et bourguignonnes. Pourtant, lors de la chevauchée vers le sacre, l’armée royale conquiert Jargeau (12 juin), Meung et Beaugency (15-17 juin), et Patay (18 juin).

Charles d’Orléans est fait prisonnier lors de la débâcle d’Azincourt. Emmené en Angleterre, il y reste 25 ans, faute du règlement de sa rançon, mais aussi à la demande d’Henri V, car Charles est l’héritier présomptif de son cousin germain le dauphin Charles. Lors de sa captivité, le duc compose nombre de rondeaux, ballades, complaintes et chansons. Il est libéré en 1440. À quarante-six ans, il épouse Marie de Clèves, nièce de Philippe le Bon. En 1462, il devient père du futur Louis XII.


LE SACRE DE CHARLES VII L’éclatante victoire de Patay enthousiasme le parti delphinal (rallié au Dauphin Charles d’Orléans). Chevaliers, écuyers, gens de guerre et de communs désirent contribuer et être aux côtés de Jeanne (Perceval de Cagny). Malgré une maigre solde, plusieurs milliers d’hommes répondent à l’appel du dauphin. Mais Reims est à près de trois cents kilom è t r e s d ’ O r l é a n s …

Le lendemain, la cité - où fut signé l’honteux traité - remet officiellement sa soumission. Le 14 juillet, Charles est accueilli à Châlons par l’évêque Jean de Sarrebruck, et des bourgeois. La ville se soumet pareillement. Le dauphin écrit ensuite aux Rémois. Il les informe de ses intentions. Les Rémois s’activent dans la cathédrale, et organisent la cérémonie. Le 17 juillet, très tôt le matin, le Bâtard d’Orléans, le maréchal Jean de Brosse et d’autres compagnons d’armes, se rendent à l’abbaye de Saint-Rémi. L’abbé remet la sainte ampoule à Regnault de Chartes, archevêque. Les regalia, conservées à Saint-Denis, font défaut. On s’en passera.

Le sacre de Charles VII, ill. dans Jeanne d’Arc, F. Funck-Brentano, O.D.V. Guillonnet Paris, C. Boivin et Cie, 1912.(inv. 10252)

L’armée arrive à Auxerre le 2 juillet. La ville négocie et fournit la troupe en vivres. Le 5 juillet, Charles et Jeanne sont aux portes de la puissante et riche cité de Troyes. La ville est défendue par une forte garnison et de bonnes fortifications. Après trois jours au pied des murailles, l’archevêque de Reims suggère au dauphin de rebrousser chemin. On requiert l’avis de Jeanne. La Pucelle annonce que la ville sera rendue par force ou par amour. Le 9, l’armée est prête à donner l’assaut. Les habitants, redoutant un long siège, négocient en dépit du désaccord des capitaines bourguignons.

Sceptre de Charles V - Statuette sommitale en or représentant Charlemagne, posée sur un lys (environ 15 cm.) Anciennement au trésor de Saint-Denis - Musée du Louvre, Inv. n° MS 83


La cérémonie débute à 9 heures et ne s’achève qu’à 14 heures. Le quorum de douze pairs laïcs n’est pas atteint. Le duc de Bourgogne est remplacé par le duc d’Alençon. Les comtes de Clermont, de Vendôme, les sires de La Trémoille, de Laval et de Beaumanoir incarnent les pairs laïcs. Les pairs ecclésiastiques sont représentés par l’archevêque de Reims, les évêques de Laon, Châlons et Orléans. Charles d’Albret, demi-frère de La Trémoille, endosse le rôle de connétable, et portera l’épée durant la cérémonie. Des délégations de Bourgogne, de Tournai et de Metz se sont déplacées. L’assistance est nombreuse. Jeanne, son fidèle écuyer Jean d’Aulon et sa famille sont présents. Jeanne porte fièrement son étendard : Il avait été à la peine, c'était bien raison qu'il fût à l'honneur. En clôture de cérémonie, Charles VII récompense ses fidèles. Et en sortant de la cathédrale, Jeanne est fêtée, voire idolâtrée.

Charles VII , ill. dans Le Plutarque français : vie des hommes et femmes illustres de la France, ed. Mennechet, Paris, Imprimerie de Crapelet, 1838, (inv. 5627)


LA MARCHE VERS PARIS À Paris, le greffier Clément de Fauquembergue note que messire Charles de Valois, le dimanche dernièrement passé, 17e jour de ce mois, avait été sacré en l’église de Reims en la manière de son père… Jeanne avait raison. Sacré roi de France, la légitimité de Charles VII est désormais incontestable pour nombre de Français. Le régent anglais organise la défense de Paris. En juin, Bedford envoie des émissaires au château d’Hesdin, l’une des résidences du duc de Bourgogne. Le 10 juillet, Philippe le Bon, accompagné de soldats, entre dans Paris. Le 15, au cours d’une grandiose cérémonie publique, les assistants renouvellent leur serment de fidélité au traité de Troyes. Dès le lendemain, le duc de Bourgogne quitte la capitale. Bedford mobilise la noblesse de Normandie, sans garantie de son loyalisme. Un contingent anglais, initialement levé pour combattre les Hussites de Bohême, est détourné pour renforcer l’armée. Cette troupe fraîche débarque à Calais, oblique vers Rouen pour ensuite rejoindre Paris. Un étendard représente une quenouille et un fuseau, et porte Que vienne la belle. La Pucelle est brocardée. L’armée de Charles VII progresse. Le roi reçoit les clefs et la soumission des cités de Laon, Soissons, Château-Thierry et Provins où René d’Anjou intègre l’armée royale. La Champagne est reconquise. Le 4 août, Bedford part de Paris et marche au devant de l’armée de Charles VII. Le combat n’est pas engagé mais Bedford stoppe néanmoins la progression de l’armée française. Le 17 août, Charles VII réceptionne les clefs de la ville de Compiègne, dans laquelle il entre le lendemain. La Trémoille est nommé capitaine.

Jeanne est fêtée dans chaque cité reconquise. Mais les atermoiements du roi et de ses conseillers l’impatientent. Le 22, la Pucelle mène sa troupe à Senlis, puis à Saint-Denis le 25 août. Par mon martin ! Je veux aller voir Paris de plus près que je ne l’ai vu ! dit-elle au duc d’Alençon. Mais Charles VII tergiverse. Ses conseillers n’apprécient guère l’initiative de Jeanne et proposent de poursuivre les négociations avec le duc de Bourgogne… des négociations entamées depuis juin ! Paris est bourguignonne de cœur. Le chancelier Louis de Luxembourg, le prévôt Simon Mortier et le capitaine Jean de Villiers de l’Isle-Adam coordonnent la défense. Des escarmouches éclatent chaque jour. Le 8 septembre, l’armée royale part à l’assaut de la porte Saint-Honoré. Jeanne est blessée pour la troisième fois. C’est un échec. Le matériel, les ravitaillements faillent. Charles VII annonce la fin de la campagne (13 septembre). Jeanne s’incline : elle dépose en ex-voto son armure à Saint-Denis.


Charles licencie l’armée le 21 septembre. Et ainsi furent rompus le vouloir de la Pucelle et l’armée du roi (Perceval de Cagny). Les combats ne cessent pas pour autant. Les Français consolident leurs possessions et tentent de conquérir la Normandie. L’insécurité règne. Jeanne souhaite rejoindre le duc d’Alençon. Le roi, influencé par ses conseillers, l’envoie combattre Perrinet Gressart à la Charité, place forte en territoire bourguignon, située aux portes du Berry fidèle à Charles VII. Après un mois de siège, les Français abandonnent (mi-décembre). Pendant l’hiver, Jeanne, dépitée par les récents échecs mais toujours combattive, se déplace d’une ville à l’autre : Mehun-sur-Yèvre, Orléans, Sully-sur-Loire. Les relations entre Jeanne et le roi sont tendues. La cohabitation est difficile.

Registre des délibérations du Conseil du Parlement de Paris du 12 novembre 1428 au 18 avril 1436 (Paris, Musée des Archives Nationales, inv. AE/II/447), folio 12 : dans la marge, dessin à la plume figurant Jeanne d'Arc lors de de la délivrance d'Orléans en mai 1429.


L’ULTIME BATAILLE ET LA CAPTURE En ce début d’année 1430, Jeanne est hébergée au château de Sully-sur-Loire, propriété de Georges de La Trémoille. Début avril, la Pucelle quitte Sully, sans prendre congé du roi. Elle reprend la route à la tête d’une petite troupe composée, entre autres, de son frère Pierre, Jean Pasquerel, Jean d’Aulon, et quelques mercenaires italiens. Des compagnons les rejoignent.Le groupe affronte des Bourguignons à Lagny puis gagne Melun, Senlis, Compiègne, Soissons. La volonté et l’ardeur de Jeanne sont contagieuses. Après une vaine tentative contre Pontl’Evêque (14 mai), la troupe – composée à présent de trois à quatre cents soldats – entre dans Compiègne assiégée (nuit du 22 au 23 mai).

Jeanne est ensuite confiée à Jean de Luxembourg qui la mène au château de Beaulieu-les-Fontaines, non loin de Noyon, puis au château de Beaurevoir. Jean de Luxembourg* veut négocier une rançon. Mais rapidement, on lui suggère de livrer la Pucelle aux autorités ecclésiastiques. Depuis l’automne 1429, Jeanne est en effet considérée comme scandaleuse, perturbatrice et hérétique. Fin mai 1430 – soit peu de temps après la capture - le frère Martin Billourin écrit au duc de Bourgogne pour que lui soit remis sans délai Jeanne soupçonnée véhentement de plusieurs crimes sentant l’hérésie…

L’après-midi même, Jeanne, armée comme ferait un home, revêt une huque (manteau), et brandissant son étendard, chevauche un coursier liard moult beau à la tête de cinq cents combattants à pieds et à cheval. Ils rencontrent des Bourguignons, se battent. Jeanne demeure derrière comme chef et comme la plus vaillante du troupeau. Un archer l’attrape par son manteau et la fait choir toute plate à terre. Jeanne donne sa foi à Guillaume, bâtard de Wandonne, écuyer de la compagnie de Jean de Luxembourg. Le bâtard de Wandonne, plus joyeux que s’il avait pris roi, amène sa prisonnière à Margny. Pierre d’Arc et Jean d’Aulon sont également prisonniers. Philippe le Bon écrit à ses bonnes villes pour annoncer la capture de la Pucelle. Les Bourguignons et les Anglais se réjouissent de cette prise. Un Te Deum est chanté à Notre-Dame de Paris.

Jeanne d'Arc est capturée dans Compiègne. Doyle, James William Edmund (1864) "Henry VI " in A Chronicle of England: B.C. 55 – A.D. 1485.


En novembre, la Pucelle est menée à Arras, puis au château de Drugy, et au château du Crotoy, en terre anglaise. Le capitaine de la cité, Ralph Butler, est également bailli de Rouen. Cinquante cavaliers anglais accompagnent Jeanne à SaintValéry-sur-Somme, et finalement à Rouen, siège du gouvernement anglais (23 décembre 1430). Jeanne y est immédiatement incarcérée, entravée ou enchaînée. Les geôliers sont anglais.

Trajet de Jeanne d'Arc en captivité , 1923. Géographia. R; Quémy

Jeanne est enfermée au château de Beaurevoir jusqu’en octobre. Trois autres Jeanne y résident. L’aînée, Jeanne de Luxembourg, tante de Jean, est l’une des marraines de Charles VII. Elle décède en novembre 1430. Jeanne de Béthune, vicomtesse de Meaux, est l’épouse de Jean de Luxembourg. La benjamine, Jeanne de Bar, est la fille issue du premier mariage de Jeanne de Béthune avec Robert de Bar, mort à Azincourt. Les dames de Beaurevoir visitent la Pucelle et s’attachent à cette jeune femme de caractère qui refuse de quitter les habits d’homme pour se vêtir décemment en femme. Les trois Jeanne, par leur présence et leurs attentions, adoucissent le quotidien de la prisonnière. Mais la Pucelle se doute qu’elle sera livrée aux Anglais : elle saute d’une tour. Elle est légèrement blessée. Son évasion a échoué.

Aussitôt, le procès, sous la gouverne de Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, est initié.


JEANNE L’HÉRÉSIARQUE intenses et épuisants, se poursuivent dans la salle de parement du château de Rouen. Les questions insidieuses fusent, et Jeanne s’enferre parfois dans ses réponses. Le procès préparatoire s’achève le 24 mars. Un registre comporte l’ensemble des questions et les réponses apportées. Les écrits sont confrontés aux textes de référence faisant autorité en matière théologique et canonique.

Jeanne d'Arc malade est interrogée dans sa prison par le cardinal de Winchester . Paul Delaroche ; 1824.-Musée des Beaux-Arts de Rouen .

La procédure judicaire est longue, complexe, et produit des volumes nombreux et variés en français et en latin, en minutes et en grosse. Toutes les informations - interrogations, témoignages, faits, rumeurs, ragots – composent les mémoires des notaires et experts. Des habitants de Domrémy, Rouen, Orléans, sont questionnés… Mais l’enquête est favorable à Jeanne ! Un procès en matière de foi est instauré. Une lettre de Pierre Cauchon, datée du 9 janvier 1431, déclare Jeanne suspecte d’incantations, d’invocations et de sortilèges. Le 21 février, lorsque les interrogatoires de la première séance publique du procès inquisitorial débutent, Jeanne prête serment mais refuse de justifier ou d’expliquer quoi que ce soit au sujet de ses révélations. De plus, elle souhaite se référer à son conseil avant de répondre à certaines questions. Les juges soupçonnent l’hérésie. Cinq séances publiques se succèdent jusqu’au 3 mars. Mais les interrogatoires,

Soixante-dix articles d’accusation sont rédigés. Jeanne est dite sorcière, fausse prophétesse, conjuratrice de malins esprits, schismatique, séditieuse… Jeanne réagit avec assurance à la lecture des articles : elle répond à chaque grief, réfute des objections, apporte des précisions, refuse des formulations insidieuses. Douze assertions sont alors retenues. Des théologiens se réunissent, se concertent et conviennent que les révélations de Jeanne ne furent point de Dieu par les anges et les saintes. Le 2 mai, Pierre Cauchon convoque seigneurs et prêtres. L’archidiacre d’Evreux, Jean de Châtillon, admoneste Jeanne et l’invite à se soumettre au pape, à l’Èglise, à renoncer aux vêtements d’homme, aux blasphèmes… La Pucelle refuse de s’amender. Elle ne reconnaît et n’admet qu’un seul juge, le Roi du ciel. Le mercredi 9 mai, Jeanne est amenée dans la tour du château. On l’interroge en présence du bourreau Mauger Leparmentier et de ses instruments de torture. Jeanne, impavide, réplique si vous deviez me faire arracher les membres et faire partir l’âme du corps, je ne vous dirai pas autre chose…


Cauchon et les juges renoncent à lui infliger la torture.

fille en prison où elle subit une tentative de viol.

Le procès se prolonge. L’université de Paris écrit au roi d’Angleterre et de France pour le féliciter du procès judiciaire contre la Pucelle, ses offenses et ses crimes.

Elle revêt à nouveau des vêtements masculins. Des fers entravent ses mouvements et elle ne peut ouïr messe.

Mais il importe maintenant d’agir : si Jeanne persiste dans l’erreur, qu’elle soit remise au bras séculier.

Le 28, Jeanne annonce que les saintes lui sont apparues dans la nuit su 24 au 25 et lui ont reproché la grande pitié de la trahison, son abjuration pour sauver sa vie. La Pucelle est qualifiée de relapse et d’hérétique. Le matin du 30 mai, Jeanne se confesse, communie, et sort de prison entourée d’une troupe d’hommes armés. Installée sur un échafaud, place du Vieux -Marché, elle écoute la sentence. Elle est livrée au bourreau Geoffroy Thérage. Les cendres sont recueillies puis jetées depuis le pont de la Seine. Henri VI s’empresse d’informer l’empereur, les rois, ducs et princes de la chrétienté : la trompeuse divinatrice a reçu une juste punition. Il écrit également au duc de Bourgogne, son très cher et très aimé oncle, auquel il relate l’arrestation et l’exécution de Jeanne la Pucelle de France. Il enjoint au duc de publier cette exécution de justice. L’université de Paris avise le pape et les cardinaux du supplice de la superstitieuse, divinatrice, invocatrice d’esprits malins… et en bien des manières péchant contre la foi.

Le 24 mai, par crainte d’une sentence par le feu, Jeanne aurait abjuré ses fautes et prononcé de tous mes dits et faits qui sont contre l’Eglise, je me révoque et veux demeurer en l’union de l’Eglise. Des soldats anglais reconduisent la jeune

La propagande anglo-française est en œuvre.


LA RÉHABILITATION Charles VII n’a – apparemment - pas réagi à la condamnation de Jeanne au bûcher. Le pape s’est tût. Il semblerait pourtant que le roi de France ait fait parvenir force menace aux Anglais selon des lettres contemporaines rédigées par des marchands vénitiens. La responsabilité de la mort de Jeanne pèse sur les Anglais. Et la guerre francoanglaise se poursuit. Orléans reste fidèle à Jeanne, sa libératrice. Dès 1432, la cité célèbre l’anniversaire de la mort de la Pucelle Jeanne dans l’église de Saint-Samson. Une fête de la libération est instituée. Les récits et missives diffusent les actions de Jeanne. Les écrits – entre autres – de Jean Gerson*, Perceval de Boulainvilliers, Alain Chartier, et même les annotations de Clément de Fauquembergue restituent l’épopée johannique. En 1441, Le champion des dames, composé par Martin Le Franc, atteste d’une certaine perception des actes et valeurs de Jeanne. Ce long poème défend les dames hardies et chevalereuses contre Malebouche et ses comparses dénommés Dépit le cruel, Vilain penser, Lourd entendement et Trop cuider. Les strophes consacrées à la Pucelle vente ses gestes : ce fut elle qui recouvra l’honneur des Français tellement que par raison elle aura renom perpétuellement. Le procès en nullité de la condamnation de Jeanne d’Arc commence au début de l’année 1450 et s’achève en 1456. Cette procédure inquisitoriale est inaccoutumée. Il s’agit de laver l’infamia qui salit la Pucelle et sa famille. Il est probable que le roi Charles VII suggéra à la famille d’intenter ce procès de réhabilitation, la procédure étant longue et dispendieuse. L’honneur du très chrétien roi de France ne pouvait en effet accepter la sentence

inique, scandaleuse, injurieuse envers la couronne royale… (Mémoire de Guillaume Bouillé, 1452). Mais pourquoi entamer cette démarche auprès du pape Calixte III si tardivement ? Depuis l’exécution de Jeanne, des rumeurs entachent le procès de condamnation. On remet en cause la partialité des juges et l’on reconnaît la pieuse fin de la Pucelle. De plus, le mémoire – instrumentum – est désormais consultable. Trois des notaires du procès de condamnation sont encore vivants. Ainsi, vingt ans après le supplice de Jeanne, peut-on envisager la réouverture du dossier.

Trois exemplaires à la BNF Le ms lat. 5970 a appartenu à Louis XII et était conservé à Blois. L’exemplaire de Guillaume Chartier – légué en 1472 au Chapitre de NotreDame de Paris – porte la référence ms lat. 17013. Une copie de l’exemplaire de Chartier, réalisée pour l’abbaye de Saint-Victor, est répertoriée ms lat. 14665. Y sont compilées des copies du Journal du siège et du Procès de condamnation. Au début du Procès de réhabilitation, une lettre E enluminée représente une femme en cotte, coiffée à la paysanne, portant des chausses rouges et armée d’une épée et d’une hallebarde.


Le 15 février 1450, Charles VII demande à son aimé et féal conseiller Guillaume Bouillé, doyen du chapitre de Noyon et maître en théologie, de diligenter une enquête au sujet de la Pucelle. Les témoins, unanimes, reconnaissent l’impressionnante et saisissante ferveur de Jeanne. Six volumes sont copiés et rédigés par deux notaires. Deux exemplaires sont destinés au roi, les quatre autres aux juges : Jean Juvénal des Ursins (archevêque de Reims), Richard Olivier de Longeuil (évêque de Coutances), Guillaume Chartier (docteur en droit canon et conseiller au Parlement), et Jean Bréhal (Maître en théologie et inquisiteur). Guillaume Bouillé ne peut critiquer ouvertement ses collègues de l’Université de Paris. Il va donc argumenter pour invalider le procès de condamnation. Il insiste sur des faits importants : l’âge, la virginité avérée de Jeanne, son éducation, sa condition sociale, son comportement et ses paroles. Les douze articles de Cauchon sont réfutés car les réponses de Jeanne sont falsifiées. En 1452, le cardinal et légat du pape Guillaume d’Estouville ouvre une enquête, secondé en cette tâche par son secrétaire et juriste Paul Pontanus et le théologien Jean Bréhal. Des témoins, cités à comparaître, déposent en faveur de Jeanne. Malgré la fatigue, la pression, les questions insidieuses, la Pucelle a toujours soutenu sa foi. Elle a récusé l’évêque Cauchon, et s’est soumise au pape et à l’Église. Jeanne fut donc catholique jusqu’à sa mort. En 1455, le pape Calixte III Borgia succède à Nicolas V, décédé le 25 mars. Le 17 novembre de la même année, Guillaume Bouillé, Guillaume Chartier, Jean

Juvénal et les abbés des communautés alentours se réunissent dans la salle de l’évêché de Paris. Isabelle Romée, Pierre et Jean d’Arc comparaissent. Ils s’en remettent au pape pour reconnaître les vertus, la foi de Jeanne, et l’infamie qui pèse sur la mémoire de la Pucelle et sa famille. Le procès se déroule à huit-clos. Les enquêtes - diligentées à Paris, Rouen, Orléans, et autres cités et lieux - rassemblent moult informations et renseignements sur l’enfance de Jeanne, sa famille, sa piété, ses agissements et le déroulement du procès de condamnation. Enfin, le 7 juillet 1456, la sentence est rendue devant une nombreuse assistance. Les juges ont pris en considération la demande et la plainte de la famille. Ils ont étudié les livres originaux, instruments, pièces à l’appui, actes minutes du procès de condamnation, et le procès préparatoire de 1452. Les actions de Jeanne sont jugées admirables, et les douze articles de Cauchon condamnés à être lacérés. La sentence du procès de condamnation est cassée.


LA CANONISATION Depuis le supplice de Jeanne d’Arc, la cité d’Orléans commémore les exploits de la Pucelle, sa libératrice.

mens médicaux constatent les miracles, et le 18 mars 1919, la Sainte-Église valide deux des miracles proposés.

Le 8 mai 1869, lors de la fête johannique, Monseigneur Dupanloup, évêque d’Orléans, intervient : il honore les vertus et la sainteté de Jeanne. Suite à cette élocution, une requête est adressée au pape Pie IX. On sollicite les honneurs de l’Église pour Jeanne.

La canonisation est votée à l’unanimité. L’annonce officielle sera faite le 16 mai 1920.

L’évêque constitue un tribunal en 1876, et ouvre un procès. Cette introduction à la cause donne le titre de Vénérable à la Pucelle (27 mai 1894). Le procès de béatification débute en 1897 et se clôt en 1909.

La France désigne un ambassadeur extraordinaire en la personne de Gabriel Hanotaux, ancien ministre des Affaires étrangères. L’académicien reçoit une soixantaine de descendants de la famille de Jeanne d’Arc.

Après la proclamation de l’héroïcité des vertus de Jeanne, le Saint-Siège étudie les faits prodigieux attribués à l’intercession de Jeanne, telles les trois guérisons des diocèses d’Arras, d’Evreux et d’Orléans.

Son altesse royale le duc de Vendôme, son épouse et leur fille se déplacent.

La béatification est proclamée le 18 avril 1909. Quarante mille français assistent à la cérémonie où le pape déclare bienheureuse la vénérable servante de Dieu Jeanne d’Arc, vierge, surnommée la Pucelle d’Orléans. De la Lorraine à l’Aquitaine, de la Bretagne au Roussillon, de l’Auvergne à l’Artois, nombre régions de France honorent et fêtent la Pucelle. Quarante-cinq évêques assistent aux splendides manifestations d’Orléans. Dès janvier 1910, Monseigneur Touchet, évêque d’Orléans, écrit au Pape Pie X une lettre postulatoire en vue de la canonisation de Jeanne d’Arc. L’étude et l’examen des miracles commencent. Les rapports, les travaux, les réunions s’échelonnent de 1910 à 1920. Les exa-

Les Français – archevêques, évêques et pèlerins - affluent vers l’Italie, malgré les grèves qui bloquent les communications entre Paris et Rome.

Le Canada diligente le cardinal Begin, archevêque du Québec, accompagné de plusieurs archevêques, évêques et prêtres. La Belgique est représentée par le cardinal Mercier. Le jour de la canonisation, une multitude se presse sur la place et dans la basilique. Le pape Benoit XV officie et déclare […] qu’après une mûre délibération et ayant souvent imploré le secours divin, de l’avis de nos Vénérables Frères les cardinaux de la Sainte-Eglise romaine… Nous décrétons et définissons sainte et Nous inscrivons au catalogue des saints la bienheureuse Jeanne d’Arc, statuant que sa mémoire devra être célébrée tous les ans le 30 mai dans l’Eglise universelle. Jeanne est déclarée patronne secondaire de la France en 1922.


agréable de remplir le vœu de notre très regretté prédécesseur et, par notre autorité suprême, de décréter ce qui pourra devenir pour la France une cause de bien, de prospérité et de bonheur […]

Signature Jeanne d'Arc dans une lettre adressée aux habitants de Reims le 16 mars, Archives municipales de la Ville de Reims .

Le 2 mars 1922, Sa Sainteté le pape Pie XI proclame Notre-Dame de l’Assomption patronne principale de la France, et sainte Jeanne d’Arc, patronne secondaire. : « Les pontifes romains nos prédécesseurs ont toujours, au cours, des siècles, comblé des marques particulières de leur paternelle affection la France, justement appelée la fille aînée de l’Eglise. Notre prédécesseur de sainte mémoire le Pape Benoît XV, qui eut profondément à cœur le bien spirituel de la France, a pensé à donner à cette nation noble entre toutes, un gage spécial de sa bienveillance. En effet, lorsque, récemment, nos vénérables frères les cardinaux, archevêques et évêques de France, d’un consentement unanime, lui eurent transmis par notre vénérable Frère Stanislas Touchet, évêque d’Orléans, des supplications ardentes et ferventes pour qu’il daignât proclamer patronne principale de la nation française la bienheureuse Vierge Marie reçue au ciel, et seconde, patronne céleste sainte Jeanne, pucelle d’Orléans, notre prédécesseur fut d’avis de répondre avec bienveillance à ces pieuses requêtes. Empêché par la mort, il ne put réaliser le dessein qu’il avait conçu. Mais à Nous, qui venons d’être élevé par la grâce divine sur la chaire sublime du Prince des apôtres, il nous est doux et

En ce qui concerne la Pucelle d’Orléans, que notre prédécesseur a élevée aux suprêmes honneurs des saints, personne ne peut mettre en doute que ce soit sous les auspices de la Vierge qu’elle ait reçu et remplit mission de sauver la France. Car d’abord, c’est sous le patronage de Notre-Dame de Bermont, puis sous celui de la Vierge d’Orléans, enfin de la Vierge de Reims, qu’elle entreprit d’un cœur viril, une si grande œuvre, qu’elle demeura sans peur en face des épées dégainées et sans tache au milieu de la licence des camps, qu’elle délivra sa patrie du suprême péril et rétablit le sort de la France. C’est après en avoir reçu le conseil de ses voix célestes qu’elle ajouta sur son glorieux étendard le nom de Marie à celui de Jésus, vrai Roi de France. Montée sur le bûcher, c’est en murmurant au milieu des flammes, en un cri suprême, les noms de Jésus et de Marie, qu’elle s’envola au ciel. Ayant donc éprouvé le secours évident de la Pucelle d’Orléans, que la France reçoive la faveur de cette seconde patronne céleste : c’est ce que réclament le clergé et le peuple, ce qui fut déjà agréable à notre prédécesseur et qui nous plaît à nousmême […] ».

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 2 du mois de mars de l’année 1922, la première de Notre pontificat.


UNE FEMME PARMI TANT D’AUTRES ? Très tôt les historiens qui se sont penchés sur cet épisode de la guerre de cent ans ont relevé un grand nombre de problèmes et d’incohérences dans les récits, tant officiels qu’officieux, des évènements historiques impliquant la Pucelle. À ces incohérences textuelles s’ajoutèrent bientôt les problèmes sociologiques soulevés par son comportement qui se présente d’emblée comme hors norme au vu de ce que l’on connait de la société médiévale du XVe siècle. C’est ainsi qu’est né le « mystère », l’« affaire », la « controverse » – et la liste des substantifs éditoriaux accrocheurs pourrait se poursuivre encore longtemps – autour de Jeanne d’Arc. Mais finalement à quoi est dû un tel engouement pour ce personnage ? Après tout, ce n’est pas la seule figure féminine hors du commun de l’histoire du Moyen Âge occidental. Il y eut d’autres messagères de Dieu telle Jeanne-Marie de Maillé, qui fut visitée par le roi Charles VI, Marie Robine dont l’une des prophéties aurait annoncé la Pucelle, ou encore Piéronne la Bretonne, compagne de Jeanne qu'elle rencontra à la fin vers 1430, et qui déclara elle aussi recevoir des visions de Dieu. Ce ne fut pas non plus la seule femme guerrière puisque l’on peut aussi citer, entre autre, Kenuwefa, plus connue sous le nom de Geneviève, qui joua un rôle important dans la résistance de Paris face à l’invasion de Huns, et qui sera d’ailleurs régulièrement associée à la Jeanne dans l’iconographie populaire dès la fin

du XV siècle, mais aussi Mathilde l’Emperesse (1102-1167), petite fille de Guillaume le conquérant et Mathilde de Bourgogne (11061152), qui menèrent sur le terrain leurs armées l’une contre l’autre et dans le conflit qui opposa le mari de la seconde, Etienne d’Angleterre, contre la première. Ou encore Jeanne Fourquet dite « Jeanne Hachette », qui défendit la ville de Beauvais contre les assauts de Charles le Téméraire. Sans compter les grandes reines et politiciennes, qui certes appartiennent à un autre rang (quoi que pour jeanne nous allons voir que certains ne sont pas d’accord sur ses origines) mais n’en sont pas moins femmes : Brunehilde, la première femme à avoir gouverné le royaume Franc (de 566 à 613) avant d’être jugée et condamnée à mort, Aliénor d’Aquitaine, qui participa à la seconde croisade et sa petite fille Blanche de Castille qui sera régente deux fois, qui auront toutes deux un rôle majeur dans la politique du Royaume, ou encore Mahaut d’Artois qui régenta deux des plus grands fiefs de France durant plusieurs années… ou encore femmes de lettres: la comtesse carolingienne Duhoda, Marie de France ou encore Christine de Pizan*, contemporaine de Jeanne et qui écrivit un poème à la gloire de celle-ci. .


Ce qui donne à Jeanne une position particulière au sein de ce prestigieux gynécée, c’est à la fois son rôle prééminent au sein d’un conflit éminemment politique, dont les tenants et aboutissants ont été exposés ci-avant, mais aussi et probablement surtout la coloration fortement religieuse de son épopée. Or, si sous l’Ancien Régime, politique et religion sont étroitement imbriquées, il y a des limites à ce que l’on peut accepter de l’ingérence divine dans les affaires humaines. L ’une des questions qui revient le plus souvent est celle de la raison pour laquelle Dieu aurait décidé de soutenir les prétentions orléanaises plutôt qu’anglo-bourguignonnes au trône de France ! Comment imaginer en effet que saint Michel puisse dire à Jeanne que Dieu aime « particulièrement » la France… l’archange protecteur du Royaume de France, était-il en froid avec saint George, patron de l’Angleterre ? Bref, on a rapidement cherché d’autres raisons que l’appel divin à l’apparition de cette jeune femme dans la guerre de cent ans, des raisons plus « terrestres », et on a aussi remis en cause ses origines modestes.

Jeanne d’Arc , 15ème siècle. Hermitage of Notre-Dame de Bermont, France.


L’AUTRE LECTURE DE L’HISTOIRE… De nombreux éléments du dossier historique rendent la thèse de la « pauvre bergère » très difficile à maintenir… Jeanne elle-même aurait nié durant son procès avoir « jamais gardé les moutons et autres bêtes ». L’argument est éculé mais intéressant tout de même, car il met en évidence une première façon de modeler l’histoire et de faire coïncider l’image de la jeune femme avec la mode des « vierges pastourelles » qui se développe à la fin du XVIIIe siècle, mais connait quelques précédents dans la littérature du XVe siècle tel le Dis de la Pasture de Christine de Pisan. Quant à la simplicité de sa condition elle est toute relative. En effet, ses parents appartenaient à une ancienne chevalerie désargentée et tombée de ce fait en dérogeance car contrainte de vivre des revenus de la terre. Mais son père avait le statut d’un riche paysan, un « laboureur », terme qui désigne à cette époque un paysan qui possède la terre qu'il cultive et au moins un attelage et une charrue. Jacques d’Arc était un notable dans sa région. Il occupait une place dominante dans la communauté de Domrémy dont il était le doyen (ou sergent), c’est-à-dire l’officier de justice local qui prend rang juste après le maire et l’échevin, le bailleur des terres cultivables du roi dans la région, et le procureur général du Capitaine de Vaucouleurs – ce qui explique notamment que ce dernier ait offert finalement assez facilement une escorte à Jeanne jusque Chinon.

Sa famille vit dès 1419 dans le châtea u de l’île qu’il loue aux seigneurs de Bourlemont. Bref, Jeanne n’est vraisemblablement pas celle que l’imagerie romanticonationaliste du XIXe siècle nous a dépeint, mais cela ne veut pas dire pour autant que le contexte de son irruption sur la scène politique soit nécessairement le fruit d’une instrumentation ourdie dans les plus hautes sphères du pouvoir et camouflée par ce choix incongru d’une quasi inconnue à la Cour. Pourtant, l’idée qu’une personne d’aussi basse extraction, et une femme d’à peine vingt ans de surcroît, ait pu jouer un tel rôle, est resté inadmissible pour certains. Il est vrai que, pour les médiévistes, la chose paraît peu probable.

Jeanne d'Arc l'épée de Dieu, ouvrage posthume de M. Alexandre Guillemin, revu et complété par A. Rastoul et illustré par S. Langlois [Texte imprimé].- Paris : C. Dillet, 1875.- In-4o, VIII-579 p., fig


Plusieurs théories sont donc proposées concernant une possible origine royale de Jeanne, qui aurait expliqué la relative facilité avec laquelle on la laisse approcher le Dauphin, puis diriger les armées françaises. Ce sont ce que l’on a appelé les thèses « bâtardisantes », défendues par une kyrielle d’historiens et d’amateurs férus d’histoire parmi lesquels on peut citer : Pierre Caze (1802), Pierre Aléonard, Paul et Jean Jacoby (1932), Gaston Save, Jean Grimod (1952), Edouard Schneider (1952), Jean de SaintJean, André Guérin, Etienne Weil-Raynal, Gerard Pesme (1965), Pierre de Sermoise (1970), Jean Bancal (1971), Maurice DavidDarnac, Micheline Peyrebonne (2003), Roger Senzing et Marcel Gay (2007).

Une autre version suggère que la Pucelle échappe au bucher, se marie et vit encore de nombreuses années sans cesser non plus de jouer un rôle dans la politique internationale de l’époque. Cette thèse relègue les nombreuses rumeurs qui se propagent en France sur le fait que Jeanne ne serait pas morte. Rien de bien surprenant, la tradition populaire se plait à ressusciter les personnages ayant marqué l’histoire d’une manière ou d’une autre (saints, roi, guerriers, etc.). L’apparition de cette Jeanne est notamment inscrite dans la Chronique du curé de Saint-Eucaire de Metz, dite du doyen de SaintThiébaut (Paris, BNF, ms. nouvelle acquisition française 6699), qui relate que le 20 mai 1436 « la Pucelle Jehanne qui avait été en France… fut amenée là pour parler avec les seigneurs de Metz. Elle se faisait appeler Claude ». Ses frères venus la voir l’auraient formellement reconnue… mais le curé réfute lui-même cette thèse et parle de « fausse Jeanne d’Arc » et qu’il préfère croire les versions officielles…

Miniature de présentation avec Christine de Pisan présentant son livre à la reine Isabeau de Bavière. 1410-1415 ca. London, British Library, Harley 4431, t. 1, fol. 3

Les plus fameuses font de la Pucelle une fille de Charles VI et de sa maîtresse Odette de Champdivers, ou de Charles d’Orléans et Isabelle de France ou encore d’Isabeau de Bavière et de Louis d’Orléans…

D’autres chroniques de ce temps relateront le même évènement (Jacomin Husson, Phillippe de Vigneulles ou Jean Praillon), autant de textes qui seront étudiés eux aussi par nombre d’enquêteurs qui accréditent la thèse de la survivance de Jeanne et de son mariage en 1436 avec Roger des Armoises : Symphorien Guyon (1650), Jérôme Vigner (1683), Dom Calmet (1738) ou Jean-François Huguenin (1838), Sergueï Gorbenko (20012003), ou encore plus récemment Roger Senzig sous la plume de Marcel Gay (2007).


DU PERSONNAGE À LA FIGURE…L’INFLUENCE DU XIXE SIÈCLE.

C’est d’abord Jules Michelet, puis son élève Jules Quicherat, qui contribue largement à faire de Jeanne une véritable héroïne nationale dans le livre qu’il lui dédie en 1853, et dans l’introduction duquel il écrit la célèbre phrase citée en frontispice du Jeanne d’Arc de Max Gallo : « Souvenons-nous toujours, Français, que la patrie chez nous est née du cœur d’une femme, de sa tendresse et de ses larmes, du sang qu’elle a donné pour nous ».

Jeanne d’Arc , 15ème siècle. Hermitage of Notre-Dame de Bermont, France.

De manière générale, Jeanne d’Arc est d’abord emblématique du goût pour le Moyen Âge qui se développe au XIXe siècle, issu d’un courant romantique mâtiné de nationalisme alimenté par une volonté de trouver à la France des origines affranchies de l’influence gréco-latine et germanique. C’est de ce courant qu’est née l’esthétique néo-gothique développée par Viollet-LeDuc qui est d’ailleurs chargé en 1868 de remettre en état la Tour Jeanne d’Arc à Rouen. Finalement, au-delà des controverses et de la vérité historique, ce que l’on a le plus retenu de cette épopée c’est, du côté laïc, l’engagement patriotique de cette jeune femme « du peuple », et du côté religieux, par la foi galvanisante qu’elle incarne aux yeux des chrétiens.

La gauche progressiste en fera une véritable martyre du pouvoir, abandonnée par le roi et l’église, et ira jusqu’à « démocratiser » l’orthographe de son nom en supprimant la particule : Jeanne d’Arc devient Jeanne Darc (J. Michelet, L’histoire de France, tome V, chap. III, Paris, 1841). C’est pour contrer ce qui est alors perçu comme une récupération laïque du personnage que les catholiques, menés par l’évêque d’Orléans, lancent le processus de canonisation en 1869, qui aboutira à la béatification 40 ans plus tard et à la canonisation en 1920. Ce n’est que plus tard que la droite nationaliste s’accapare petit à petit la Pucelle, au point que les autres mouvements politiques finiront par cesser de s’en réclamer. C’est ainsi qu’en 1914, Maurice Barrès, écrivain et homme politique de droite, connu pour ses prises de positions antidreyfusards, nationalistes et traditionalistes, dépose une proposition de loi pour l’institution d’une fête nationale en faveur de Jeanne d’Arc.


La ferveur populaire nourrit encore une véritable passion pour cette figure devenue emblématique de nombreuses vertus et idéaux tant éthiques que politique ou religieux. Tout le monde a fait, et continue de faire son miel du destin hors du commun de cette femme. En témoignent les nombreux documents mémoriaux autour de sa personne depuis les dédicaces de bâtiments publics jusqu’aux panégyriques religieux en passant par les poèmes, les pièces de théâtres, les opérettes, et une multitude d’objets d’art ou d’artisanat. Mais comme souvent quand l’histoire devient légende, la vérité historique cède largement le pas aux fantasmes, l’objectivité à la passion et le bon sens à l’absurdité. C’est par exemple ce qui fera souligner par Micheline Peyrebonne, avec une naïveté déconcertante (p. 56) : « Jean Bancal remarque que les saintes Marguerite et Catherine étaient des saintes orientales n’ayant eu, leur vie durant, aucun rapport avec le royaume de France et dont certains historiographes disent d’ailleurs qu’elles n’ont jamais existé. L’église a en effet elle-même remit en doute leur existence entre 1961 et 2002]. J’ajoute qu’il est assez extraordinaire que ces deux saintes qui (si elles ont existé) n’avaient certainement jamais eu l’occasion de parler notre langue de toute leur vie, aient pu ainsi s’adresser à Jeanne d’Arc ‘en excellent français’ ! » En fait madame Peyrebonne ne prend absolument pas en compte le caractère d’emblée surnaturel de l’évènement ! En effet, si l’on croit que deux femmes mortes depuis plus d’un millénaire s’adressent à Jeanne en vertu de leur sainteté et de la grâce divine, en quoi serait-il plus inconcevable de considérer

qu’elles aient reçu à cet effet le dont des langues comme les apôtres lors de la Pentecôte ? Bref, il apparaît qu’entre bigoterie, récupération politique, emphase littéraire (et souvent commerciale), et absence de formation en recherches historiques des auteurs, au sein de la littérature pléthorique qui a été produite sur Jeanne d’Arc, bien peu d’ouvrages peuvent se prévaloir d’une réelle caution scientifique… Mais finalement est-ce si important ? Devenue emblème, Jeanne a-t-elle encore besoin d’un ancrage historique ? Qu’elle ait été fille de chevalier-paysan ou bâtarde royale, lettrée ou inculte, brûlée ou substituée avant le supplice, visionnaire ou manipulatrice, c’est le modèle, l’idéal qu’elle incarne qui reste dans la mémoire collective.

(Jeanne d'Arc (1412-1431) , Cornay—Eglise (CC BY-SA 3.0)- Renardeau -


QUELQUES CONSIDÉRATIONS ICONOGRAPHIQUES Il n’existe qu’une seule représentation de Jeanne d’Arc qui lui soit réellement contemporaine, il s’agit d’un croquis à la plume réalisé par Clément de Fauquembergue, descendant à la 5e génération Guillaume VIII, châtelain de Saint-Omer, alors greffier au Parlement de Paris dont il rédigeait chaque jour la minute des séances. Le 10 mai 1429, jour de la nouvelle de la libération d’Orléans, il dessine à la plume, dans la marge du manuscrit, une jeune fille aux cheveux longs, vêtue d’une robe et portant un gonfanon (étendard) et une épée. Mais ce « portrait » n’en est pas un puisqu’il ne fut pas réalisé en présence de l’intéressée. Par la suite, plusieurs miniatures la représentant sont produites au XVe siècle. Parmi les plus fameuses, il y a celles du manuscrit des Vigiles de Charles VII, rédigées par le procureur parisien Martial d'Auvergne (Paris vers 1430-1508), actuellement conservé à Paris (BNF, ms. Français 5054). Il s’agit d’un long poème à la gloire du défunt roi, construit sur la structure de l’office (vigiles) des morts et versifié entre 1477 et 1483.

Un autre texte du XVe siècle régulièrement illustré mentionne Jeanne, il s’agit du Champion des Dames de Martin Le Franc, dédié en 1142 au Duc de Bourgogne, et qui constitue un véritable plaidoyer en l’honneur du sexe faible. L’un des plus beau manuscrits enluminés de ce texte est actuellement conservé à Paris (BNF, ms. Français 12476 – qui fait l’objet d’une étude dans le n° 40 de la revue Art de l’Enluminure disponible à la Bibliothèque . La Pucelle y est associée à Judith, l’héroïne biblique qui brisa le siège de la ville de Béthanie par les Assyriens en tuant leur général Holopherne. Un manuscrit des Poèmes de Charles d’Orléans, enluminé vers 1481 et actuellement conservé au Centre historique des Archives Nationales à l’Hôtel de Soubise à Paris (inv. AE II 447), comprend lui-aussi une fameuse représentation de Jeanne d’Arc (f. 12) cheveux longs, en armure et tenant une épée et sont fameux étendard.

Les psaumes constituent une véritable biographie épique de la vie de Charles VII, rédigée à partir des chroniques du Héraut de Berry et de Jean Chartier, du Livre des bonnes mœurs de Jacques Legrand et des Echecs moralisés de Jacques de Cessoles. Le manuscrit de Paris fut offert à Charles VIII, et reçut, à ce titre une riche illustration dont plusieurs miniatures font figurer la pucelle.

Charles d’Orléans, Poèmes, vers 1481 (Paris, Centre historique des archives nationales, inv. AE II 447), f. 12 : lettre L historiée figurant Jeanne d’Arc.


Il faut aussi citer la représentation de la Pucelle que l’on trouve dans la lettre historiée qui ouvre l’une des recensions manuscrites du procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc, copiée à la fin du XVe siècle et faisant partie du fonds de l’Abbaye de Saint-Victor, actuellement conservée à Paris (BNF, ms. latin 14665, f. 350).

Ce choix iconographique stigmatise en fait la contradiction sociale qu’elle incarnait pour l’époque et qui lui valut sa condamnation définitive lors de son procès : une femme (cheveux longs), mais qui s’arroge les attributs vestimentaires plutôt masculins (armure). Il est aussi intéressant de remarquer qu’occasionnellement les artistes transigent en ne la revêtant que d’un plastron mais en lui laissant la robe. Elle sera peu représentée durant les siècles suivants, jusqu’aux XIXe et XXe siècles, pendant lesquels les œuvres d’art à son effigie vont se démultiplier. Son iconographie peut être définie par trois grands types de critères. - Le type physique : cheveux long ou courts.

Procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, Paris fin du XVe siècle (Paris, BNF, ms. latin 14665), f. 350 (détail) : lettre C historiée figurant Jeanne d’Arc.

Enfin, mais il en existe d’autres, un peu plus tard, au tout début du XVIe siècle (1506), l’enlumineur parisien Jean Pichore vit confier à son atelier la réalisation de l’illustration de l’unique exemplaire de La vie des femmes célèbres composé pour Anne de Bretagne par le dominicain Antoine Dufour. Ce manuscrit, actuellement conservé au musée Dobrée de Nantes (Ms. 17), comprend lui aussi (f. 76v.) une représentation souvent reproduite de la Pucelle à cheval et en armure devant Orléans. Ce que l’on peut remarquer, c’est que dans chacune de ces représentations médiévales, l’héroïne est presque systématiquement représentée avec les cheveux longs et en armure.

- Le type social/vestimentaire : guerrière ou bergère. - Le type d’action : orante (en prière) ou combattante. L’ensemble de ces critères pouvant déterminer deux grands groupes de figurations : la Jeanne guerrière en armure aux cheveux courts et combattante, et la bergère aux cheveux long et figurée en prière (ou écoutant ses voix). Bien entendu, il existe aussi d’autres types fondés sur des emprunts aux deux groupes, parmi lesquels le plus important est certainement celui de la guerrière en prière. Et une catégorie à part qui la montre lors de ce que l’on pourrait appeler sa « passion » en parallèle avec celle du Christ, c’est-à-dire les images de la jeune fille lors de son tribunal ou sur le bûcher.


Exposition préparée par l’équipe de la section patrimoniale de la Bibliothèque d’Agglomération de Saint-Omer Juillet / Août 2012.


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