quartier libre

Page 1

QUARTIER LIBRE

CLUB DE LECTURE ETE 2011



QUARTIER LIBRE Cette première séance de la rentrée est toute particulière. Pour la première fois depuis sa création, notre club d’incorrigibles lecteurs a été « sollicité » cet été. La sélection proposée, sans thème particulier, oscillant entre variations amoureuses, récits d’enfance, voyages et grands espaces a globalement ravi nos lecteurs.


DANS UN PREMIER TEMPS, PLACE AUX RUPTURES AMOUREUSES OU AU CHANGEMENT DE CAP À LA SOIXANTAINE…

Dans Un été sans les hommes de Siri Hustvedt, on découvre le portrait de Mia qui tente de se reconstruire en douceur mais avec difficulté après une infidélité de son mari. Un roman, qui au départ « n’a l’air de pas grand-chose mais qui au final est très important pour les femmes ». En effet, de nombreux personnages féminins gravitent autour de l’héroïne, des adolescentes (du club de poésie que Mia anime) aux amies octogénaires de sa maman. Bref, vous l’aurez compris, c’est « un roman 100% féminin ». Très apprécié, sauf par une lectrice qui pense avoir « raté quelque chose » et qui lui redonnera probablement une chance ! Autre petit bémol, une écriture pas très constante, rythmée au hasard des événements qui arrivent à l’héroïne.

Reine de nuit de Stéphane Corvisier, premier roman, a enchanté ceux qui l’ont lu. L’histoire de Reine, professeur de littérature à la Sorbonne, mal dans sa peau, qui parcourt Paris toute une nuit à la recherche d’un livre, a quelque chose de très drôle, quelque fois ridicule, avec des situations invraisemblables. Mais qu’importe, l’envie de suivre les aventures de l’héroïne, est bien présente. Le genre d’histoire qui pourrait faire un film ! C’est un livre «baroque, très bien écrit, vivant », et vivement recommandé !

Ce qui n’est pas le cas de Pas son genre de Philippe Vilain, fortement décrié : l’histoire d’un couple mal assorti, une coiffeuse et un professeur que tout oppose. Dès le départ, le lecteur sait que l’histoire ne marchera pas. Nos lectrices sont unanimes quant à « l’inintérêt du roman, avec une abondance de lieux communs qui n’apportent rien, un style plat ». Seul un avis masculin contredit ces positions, trouvant ce roman « intéressant avec des situations bien étudiées », soulignant une possible identification au personnage à ses 20 ans ! Mais de l’avis général, il s’agit bel et bien « d’un roman de gare ». Nous rebondissons sur un autre roman, hors sélection, contant la même histoire, qui lui est très plaisant : Le mec de la tombe d’à côté de Katarina Mazetti.


UN ÉTÉ SANS LES HOMMES / SIRI HUSTVEDT Incapable de supporter plus longtemps la liaison que son mari entretient avec une femme plus jeune qu'elle, Mia quitte brusquement New York pour se rendre dans le Minnesota et se réfugier quelque temps auprès de sa mère octogénaire. Parcours d'une femme blessée en forme de lecture de soi , ce roman irradie d'une énergie aussi rebelle que stimulante.

Histoire racontée agréablement, le courage de l’héroïne est marqué par l’humour là où il devrait y avoir de la peine. Mme Melmiesse


REINE DE NUIT / STÉPHANE CORVISIER

Ce roman est très bien écrit, les scènes surréalistes et en même temps vraisemblables. Un parcours initiatique passionnant. Beaucoup de questions abordées : qui est vraiment Reine ? Tour à tour abandonnée, une enseignante mal dans sa peau, une femme entre deux âges souffrant de la solitude ?

Reine, personnage principal est enseignante à la Sorbonne et doit corriger 14 copies de ses élèves de licence (en une soirée). Sa meilleure amie Stacey, américaine vit avec son ex-mari. Cette amie, avec son air supérieur lui conseille un livre. Reine mettra tout en œuvre pour se procurer ce livre le soir même ! Les Peu à peu se dégage au cours de cette nuit péripéties commencent et se succèdent dans Paris et mouvementée un portrait riche en couleur et émouvant parfois celui de Reine. jusqu’aux bas-fonds de Pigalle. Des situations drôles, inédites et pathétiques. On comprend que la recherche Un beau style, une histoire baroque qui effrénée de ce roman de quatre sous est en réalité une permettent de passer un très bon moment. fuite puis une libération d’elle-même. Bravo Stéphane Corvisier !

Mme Roussos

Ici, l’aventure n’est pas au coin de la rue, mais dans une suite de gags ubuesques, un enchainement de situations cocasses où l’héroïne a le don de se fourrer. On imagine sans peine le film particulièrement jubilatoire qu’un scénariste pourrait en tirer mais on aurait tort de ne voir dans ce récit que son côté burlesque. Reine souffre en réalité de la solitude, elle se sent vieille, abandonnée, au bout du rouleau. Le ton se fait plus grave, on passe du rire au pathétique, lorsqu’elle rencontre l’étudiant du studio voisin de celui où elle a trouvé refuge. Le jeune homme auquel elle a confié sa mésaventure, lui fera prendre conscience que sa vie n’est pas finie pour autant, qu’elle est encore séduisante et qu’elle est capable de prendre un nouveau départ.

Il faut seulement oser, et comme l’écrivait l’écrivain Patrick Jacottet, un auteur qu’elle avait lu le matin même : « ce sont les légers et les téméraires qui ont raison, ceux qui acceptent de se perdre sans compensation ». Stéphane Corvisier qui manie allégrement le comique de situation, ne se départit jamais d’une écriture un brin précieuse, d’un soupçon d’afféterie, d’un ton pince sans rire, qui par contraste pimente agréablement le récit. Que demander de plus ? Mr Wintrebert


PAS SON GENRE / PHILIPPE VILAIN Un jeune prof de philo est affecté à Arras, une ville où il s’ennuie. Il fait la connaissance de Jennifer, une coiffeuse, divorcée et mère d’un garçonnet. Bien que tout les sépare, les goûts, les origines, l’éducation, l’instruction, quelques années et quelques aventures en plus ou en moins, ils sont irrésistiblement attirés l’un vers l’autre. Une attirance essentiellement charnelle pour lui, un sentiment beaucoup plus tendre pour elle. Un malentendu qui provoquera bientôt la rupture du lien fragile qui les unit. Ce dénouement, prévisible, ne se déroule toutefois pas exactement comme on l’attendait. L’auteur aurait pu se borner à écrire une banale histoire d’amour, une sorte de « roman de gare ». Il évite cet écueil en nous livrant une réflexion très pertinente sur le sentiment amoureux. Pourquoi le professeur veut-il retenir la jeune femme malgré l’absence de goûts communs ? Certes, il y a l’ennui, l’éloignement de la capitale, une certaine tendresse, leur plaisir charnel. Il a cependant conscience de la précarité de leur liaison, des limites d’une entente durable, de l’ennui qui viendrait inévitablement s’ils envisageaient un avenir commun. Et surtout de la gêne qu’il éprouverait en la présentant à sa famille ou ses amis. Bref, il n’est pas fait pour cette femme dont il connaît les qualités morales, la sincérité et la loyauté ; mais, trop indépendant, hostile à toute contrainte, il n’est pas, il ne sera jamais cet homme. Il ne partage rien avec elle, ni ses lectures, ni son manque d’ambition. Peut-être doit-il ressentir une certaine supériorité pour pouvoir l’aimer. Une philosophie qui rejoint sa vie, et la… presse people la sienne. Pourtant il est tiraillé entre la pitié et le remords de lui donner de faux espoirs, alors qu’il n’a rien à lui offrir, sauf en présence intermittente. Mais l’amour peut-il se satisfaire de ces faux semblants ? De son côté, trop instinctive pour ne pas ressentir la peine de le voir s’éloigner et de ne pas être à la hauteur, malgré ses louables efforts, elle souffre de son indifférence et sait n’être pour lui qu’un agréable passe-temps. Et lorsqu’elle s’en ira définitivement, sans laisser de traces, il sera désemparé et souffrira à son tour quelques temps de son absence. « La rencontre de deux êtres est toujours le fruit du hasard et rapproche des partenaires qui ne sont pas notre genre ». C’est l’absurdité de l’amour qui obéit toujours aux mêmes règles et aboutit inévitablement aux mêmes situations. Selon Georges Bataille « Le plaisir des sens est fugitif, le bonheur d’aimer se transforme en peine, seules les joies de l’esprit nous accompagnent tout le long de l’existence ». Le secret de ces couples qui restent unis serait donc d’avoir, en plus, autre chose à partager. Mais on sait bien qu’un sentiment aussi complexe échappe à toute analyse et que, pas plus que le bonheur, nul n’a jamais réussi à mettre l’amour en équation. Mr Wintrebert


Ce sont de vrais moments de détente, d’humour, de tendresse qu’offre le roman de Fanny Chesnel : Une jeune fille aux cheveux blancs. Elle nous propose une vraie réflexion sur la retraite grâce à Caroline, la soixantaine, qui s’apprête à goûter à ses joies. De l’avis général, le livre procure beaucoup d’amusement, un roman idéal pour les vacances. L’accueil face à Betty et ses filles de Cathleen Shine est moins consensuel, les avis sont plus mitigés. Au cœur de ce roman : errements du cœur, amours impossibles : la comparaison est faite avec les romans de Jane Austen. C’est un roman « avec beaucoup de rythme, il se passe plein de choses, il s’en dégage un côté spirituel ». L’auteur y décrit le milieu juif aisé américain, milieu décrit par Woody Allen au cinéma : un petit monde qui évolue sans souci. D’autres lecteurs trouvent le roman un peu « nombriliste », « futile », avec un attachement difficile aux personnages.

Enfin, la rencontre amoureuse entre Philippe Langon, 55 ans et Léna, 28 ans, narrée par Franck de Bondt dans Un délicieux naufrage sera très vite oubliée par nos lecteurs. Un roman « qui n’apporte rien, avec un côté racoleur, fort léger ». Un roman qu’il faut lire sous un parasol ou sous la pluie !


UNE JEUNE FILLE AUX CHEVEUX BLANCS / FANNY CHESNEL Caroline, dentiste, fête ses 60 ans et son départ à la retraite. Avec la complicité de son mari, ses filles et beaux-fils lui offrent une adhésion au Club « Nouvel Age » ( le paradis des retraités). Elle pourra bénéficier de toutes les activités prévues : aquagym, marche, informatique, théâtre, poterie et même cours d’œnologie. Elle remercie pour l’intention mais…- « J’ai le sentiment qu’ils m’envoient à l’hospice et j’ai soudain envie de pleurer. Putain, je suis vieille ! Je ne veux pas vieillir. Pas comme ça. J’aimerais que mes journées s’amusent. Je voudrais prendre mon temps sans lui rendre des comptes. » Son passage dans les différentes activités est relaté avec énormément d’humour. Un exemple pour la marche : - « barres énergétiques, bâton, Lafuma…nous avons tous reçu les mêmes cadeaux comme à l’école. » Mais elle désire aussi prendre du bon temps, faire fi des convenances, se sentir libre, suivre ses pulsions : pourquoi ne pas prendre un bain de mer en culotte et soutien-gorge puisque les amoureux dans la voiture voisine sont bien trop occupés pour la regarder ? Oh les voici pourtant qu’ils la rejoignent sur la plage ! - « Merde, ils vont me prendre pour une grand-mère lubrique. »

Des personnages pittoresques et non moins attachants vont croiser sa vie de retraitée :- Roger, ancien menuisier, et assidu au cours d’œnologie.Julien, le prof’ d’informatique qui a perdu son épouse et ses parents dans le même accident de voiture Souffrant de caries, elle le soigne, en remerciement il l’invite au restaurant Elle va alors se laisser entraîner dans une idylle et retrouver ses émois d’adolescente. La conclusion sera inattendue et hilarante …Beaucoup de tendresse et d’émotion quand elle évoque sa grande amitié avec Anne, sa confidente, morte d’un cancer :- « Cela fait deux ans que je suis devenue fille unique. Deux longues années que cette salope de maladie m’a volé mon amie. Je ne décolère pas. Je n’ai pas encore enlevé son numéro de mon répertoire et à chaque qu’il m’arrive un truc j’ai l’envie fugace et irraisonnée de l’appeler. » Ce roman propose une vraie réflexion sur la retraite, sur les retraités qui comptent bien profiter du temps qu’il leur reste et n’hésitent pas à avoir un agenda bien rempli. Beaucoup d’humour mais aussi de nombreuses touches de tendresse, de sensibilité .J’ai pris un réel plaisir à la lecture de ce livre et cela m’a procuré un bon moment de détente tout à fait adapté en cette période des vacances. Mme Bara


BETTY ET SES FILLES / CATHLEEN SCHINE Betty, 75 ans, apprend brutalement que son mari veut divorcer. Ses filles Annie et Miranda la soutiennent ; et toutes les 3 vont s’installer à Westport dans une villa de « cousin Lou », un vague parent riche et généreux. Annie, un peu plus que la cinquantaine, bibliothécaire est divorcée, elle a 2 grands garçons qui font leurs études. Miranda, la cinquantaine, est éditrice, toujours très occupée, ayant eu pas mal d’aventures. Sa maison d’édition vient de faire faillite. Elle va rencontrer Kay un séduisant trentenaire accompagné d’Henri, son petit garçon. Coup de foudre, mais sans prévenir, Kay s’envole vers la côte ouest ayant trouvé un rôle (il est acteur) .Miranda est désespérée. Elle retrouvera son joli coeur en compagnie d’une actrice qu’il présentera comme sa fiancée. Annie aime Frederik Barrow, un écrivain qui vit entouré de ses enfants et qui va se trouver piégé dans une aventure avec une jeune fille, au grand désespoir d’Annie. Il y a aussi Joseph , le mari de Betty qui veut « se montrer généreux » lors du divorce et qui vit avec Félicity ( la soeur de Fredérik). Bref tout ce petit monde évolue dans un milieu juif aisé. J’ai trouvé que c’était un roman futile un peu drôle parfois, je n’ai commencé à m’attacher aux personnages qu’ à la moitié du livre. Mme Derisbourg


UN DÉLICIEUX NAUFRAGE / FRANK DE BONDT Philippe Langon, 55 ans, professeur à l'université et intellectuel reconnu, s'ennuie dans sa vie aux côtés de sa femme Babette et de ses 4 enfants. Sa rencontre avec Lena, 28 ans, qu'il va séduire, lui apporte la bouffée d'oxygène dont il a besoin. Jusqu'au moment où cette parenthèse ludique se transforme en véritable passion qu'il finit par ne plus maîtriser du tout. Ce n’est pas la première fois qu’on traite du sujet. Frank de Bondt en a tiré un roman d’une lecture agréable où il ne s’est pas contenté de relater les états d’âme et les illusions d’un homme vieillissant. Il décrit également les affres de la création, très souvent incompatibles avec la passion, ainsi que le fiasco d’un livre, qui n’est pas étranger à sa rupture avec Léna. La crise du capitalisme financier –greffée habilement sur le récit – tombe on ne peut plus mal pour son héros, dont les prises de positions, qui avaient fait sa renommée, sont très mal reçues à l’heur e où le libéralisme est battu en brèche. Ironie du sort, Léna vient d’épouser un altermondialiste qui, lui aussi, prend pour cible ce provocateur has been dont les propos sont une insulte à la misère. Reconnaissons à l’auteur de l’imagination, une grande facilité d’écriture, un style alerte, voire un peu clinquant. Les réactions des personnages et les réflexions sur les dégâts de l’âge sont bien étudiées, même si elles restent superficielles. Au final, un roman à lire, l’été, sous un parasol et sans doute l’auteur n’avait-il pas d’autre ambition. Il a cru indispensable d’ajouter ça et là des détails physiques très intimes qui n’ajoutent rien à la compréhension du texte et qui donnent au roman un petit côté racoleur, mais quoi il faut bien sacrifier à la tendance actuelle. Mr Wintrebert


L’enfance a également fait partie de notre sélection avec en particulier La fausse porte de Xavier Houssin relatant l’entrée d’un petit garçon dans un collège religieux de Senlis au cours des années 1960. La première réaction d’une de nos lectrices a été de le qualifier de « gentil », n’appréciant que moyennement les récits d’histoires personnelles. En outre le thème n’est pas accrocheur, trop classique jusqu’à manquer d’originalité. Une autre lectrice, quant à elle, nous a fait partager son goût pour ce roman qui est écrit avec beaucoup de tact alors que les clichés dans une telle histoire auraient pu foisonner. A la lecture il peut même faire remonter quelques souvenirs d’enfance. C’est ainsi la rupture entre l’enfance et le début de l’âge adulte qui est bien rendu : « C’est vraiment le roman d’un apprentissage ».

Sur le même sujet, les Trois lumières de Claire Keegan, a été très apprécié. C’est une grande nouvelle où tout est du point de vue de la fille, une fille confiée par ses parents chez des amis, les Kinsella, en raison de la grossesse de la mère. Tout est au ras de ses perceptions et de ses incompréhensions. Le lecteur est ainsi obligé de deviner plein de choses, son âge par exemple. C’est un livre qui touche beaucoup, où la fin toute en nuance laisse le lecteur imaginer tout ce qu’il veut.


LA FAUSSE PORTE/ XAVIER HOUSSIN Le « jardin clos » et « L’ombre du cloître » forment les 2 parties de ce très beau roman. Nous sommes à Senlis dans les années 1960. Un jeune garçon s’apprête à rentrer en 6ème dans un collège religieux. Il vit seul avec sa mère professeur de mathématiques, son père, officier ayant refait sa vie ailleurs. Il dit adieu à son meilleur ami et repense à l’école, aux promenades en forêt avec son chien, aux parties de pêche, aux séjours chez ses grands-parents dans le Nord. L’entrée au collège va mettre à bas cet univers ! Les réprimandes, les humiliations par ses camarades, les punitions absurdes de ses professeurs vont endurcir son cœur. La fausse porte était une ouverture cachée dans les vieux remparts de Senlis. Elle n’était connue que des habitués du quartier. L’auteur nous propose de la pousser afin de partager ses souvenirs. Le monde des adultes abîme les jardins d’enfants. L’amitié pour Régis se perd dans les couloirs gris du collège où la rêverie est interdite. A la veille de la profession de foi, l’auteur entend : « vous n’êtes plus des enfants ». La religion tient une grave responsabilité dans le processus d’éducation comme s’il fallait se décontaminer de l’enfance, de l’innocence. Dans ce livre, sont évoqués les thèmes de l’absence du père, de l’amitié, des premiers émois, du passage à l’âge adulte, des souvenirs d’enfance, de l’éducation religieuse, de la poésie, de l’enfance. C’est le roman d’un apprentissage : l’apprentissage de la vie, le tout baigné dans une douce nostalgie. Mme Roussos


LES

TROIS LUMIÈRES DE CLAIRE KEEGAN

Les trois Lumières est un court roman qui se déroule dans une Irlande rurale où l’on évite de s’épancher. Débordés par l’arrivée d’un nouveauné, des parents peu fortunés confient une de leurs filles au couple Kinsella. La jeune narratrice d’abord désorientée, grandit s’épanouit, découvre l’affection du couple devine par quelques détails intrigants qu’il s’est passé quelque chose. A partir de son séjour chez les Kinsella, la fillette prendra conscience que sa vie aura une autre dimension. L’auteur éveille son lecteur an sachant attirer son attention sur les réactions subtiles des personnages. Le monde mystérieux des adultes apparait à l’enfant, leur vie secrète est suggérée par la description d’un geste tendre, d’une promenade, l’achat d’un vêtement ou d’une poignée de bonbons… La chape de silence est toujours là et empêche de nommer les sentiments. Le récit est envoûtant et tout en nuances. Très beau roman de Claire Keegan, agréable à lire. Mme Roussos


Maintenant partons en voyage avec C’est moi qui éteins les lumières de Zoya Pirzad à travers l’histoire de Clarisse, vivant au Liban, dont le quotidien va être bouleversé par l’arrivée de nouveaux voisins arméniens. La première réaction à l’énoncé du titre a été « ah oui c’est un livre très bizarre » donnant l’impression d’avoir déjà été écrit à maintes reprises dans la littérature de terroir. C’est surtout l’absence de contexte qui déstabilise ; l’action pourrait se passer n’importe où. En effet aucun élément extérieur n’y apparaît, aucun portrait physique. De plus, l’auteur iranienne Zoya Pirzad, écrit un roman qui paraît tout à fait déconnecté du fait de cette absence de références à la situation de la femme iranienne. Cela est même qualifié de « gênant ». On a l’impression que ces femmes pourraient vivre n’importe où, on les fait vivre comme des européennes, des américaines. « Il est quand même gênant que la banalité des faits racontés fassent oublier l’obscurantisme de ce pays », finalement « un livre qui n’est pas à prendre au premier degré. ». Une autre lectrice rétorque que c’est un livre sur l’intériorité, ce qui explique ce manque de descriptions sur l’Iran. Un livre de la vie quotidienne dans un milieu très fermé. Le plaisir ne saurait attendre de Tishani Doshi nous raconte l’histoire de Babo Patel s’envolant pour Londres afin d’y poursuivre ses études. Il y fait la rencontre de Sian, une belle Galloise et oublie qu’un mariage arrangé l’attend en Inde. Un livre plaisant mais qui semble long. Il s’agit d’une bonne approche de la vie en Inde notamment avec le personnage de la grand-mère qui est très attachante. Une belle histoire d’amour en somme. Les grands espaces s’ouvrent à nous avec Oiseau de malheur de Johanna Sinisalo. Un livre que notre lectorat a adoré. Le périple de militants écologistes au cours d’une randonnée est enrichi de très belles descriptions de la nature, très complètes, magnifiques ; une nature très belle qui se révèle cependant très peu accueillante pour les hommes voire hostile. L’auteur réussit très bien à restituer ce sentiment de nulle part. Le lecteur n’est jamais en situation de confiance, tout peut arriver au court de cette excursion. Le propos n’est pas du tout édulcoré, on vit les différents aspects, positifs et négatifs, d’une véritable randonnée dans un milieu comme celui-ci. Un personnage se greffe au cours du roman et impose sa loi aux randonneurs. Il s’agit d’un oiseau et c’est lui qui aura le dernier mot. Finalement ce roman est une fable qui montre le rôle négatif de l’Homme sur la nature.


C’EST MOI QUI ÉTEINS LES LUMIÈRES / ZOYA PIRZAD Zoya Pirzad est une magnifique conteuse du quotidien. Comme dans une miniature persane, ce sont des symboles minuscules qui ne font que suggérer les sentiments. Les pois de senteurs et les papillons symbolisent le sentiment amoureux, l’invasion des sauterelles la révolution intérieure. C’est simple, drôle, touchant et poétique à la fois. Le lecteur observe jour après jour le petit cercle vivant à Abadan (ville natale de l’auteur) avec la vie de voisinage, l’école, le travail du père, les contrariétés d’une sœur en mal de mariage. La cuisine prend toute la place d’une communication stéréotypée au gré des recettes arméniennes ou perses. L’arrivée de nouveaux voisins révèle la nature de Clarisse, personnage de Tchekhov romanesque et désarmant. Qui sont ces gens ? Leur description est passionnante ! Clarisse femme d’intérieur et d’intériorité nous fait penser que la romancière est un très beau personnage : l’Arménienne d’Iran. Mme Roussos La première réaction à la lecture de cette histoire est de dire que c’est plat et sans intérêt et que ce genre de roman a déjà été écrit 100 fois dans notre littérature de terroir. En effet, une femme au foyer gentille, attentive s’est laissé étouffer par son rôle, sa mère et sa sœur. Il faut l’arrivée de voisins originaux pour qu’elle prenne conscience de cet étouffement et de l’attitude distante et peu coopérative de son mari, peut-être à cause de la présence de son nouveau voisin. L’histoire se termine en tout bien tout honneur : le voisin déménage, elle reprend sa vie en main dans un bonheur familial retrouvé.La deuxième réaction est quand même l’étonnement devant une absence totale de contexte ; ce roman aurait pu se passer en Alaska, en Tasmanie ou en Europe ; seuls les noms de Téhéran et de Abadan, l’absence totale de références au corps et de description physique des personnages, nous rappellent que nous sommes en Iran, même si l’auteur a situé son roman dans le groupe des Arméniens d’Iran.Mais quid des Tchadors, quid de la pression religieuse ? Finalement le lecteur se dit que c’est certainement tout ce que les Iraniennes peuvent écrire et publier compte –tenu justement de la censure qui s’exerce et que c’est déjà un exploit qu’une femme puisse devenir écrivaine reconnue dans un pays où officiellement la femme est quand même soumise. Même si on peut y voir un espoir d’ouverture par cette affirmation de l’écrivaine et par cette référence aux Arméniennes plus libres que les Iraniennes, il est néanmoins gênant que la banalité des faits racontés fasse totalement oublier l’obscurantisme de ce pays. Un livre à ne pas prendre au premier degré, mais il est vrai que l’auteur ne nous fait pas imaginer un deuxième degré et on peut lui reprocher. Mme Fillebeen C’est un livre, quelque peu déprimant, car tellement proche d’une certaine réalité et l’aveuglement (volontaire ?) de Clarisse est un peu le nôtre. L’auteur nous fait partager l’ennui, le sentiment de passer à côté de la vie de son héroïne et nous laisse un goût amer dans la bouche. La seule note positive est qu’elle semble prendre conscience qu’il dépend peut-être aussi d’elle d’être un être vivant (cf sa relation vis-à-vis de son fils) mais n’est-ce pas une illusion supplémentaire ? Ecriture simple, limpide. Le style adopté est en parfaite harmonie avec le fond, c’est-à-dire plat, « rétréci », avec un vocabulaire réduit comme sa vie à sa fonction de mère de famille. Mme Perin


OISEAU DE MALHEUR / JOANNA SINISALO Un fondamentaliste de l’écologie d’origine finlandaise et sa copine récemment rencontrée décident de partir randonner à l’autre bout du monde. Ils parcourent la South coast de Tasmanie. Le récit est celui de leur périple à pied, tantôt raconté par l’un, et tantôt par l’autre, au milieu d’une nature sûrement belle mais peu accueillante pour l’homme, voire même hostile : humidité, fortes pentes, temps variable et pluvieux, sols détrempés et un sentiment de nulle part et d’isolement qui ne rassure ni le lecteur ni les protagonistes. Tout l’art de l’auteur est de nous faire vivre cette randonnée d’une semaine comme si nous y participions et de nous faire ressentir le sentiment d’insécurité qui jalonne tout le livre. On ne sait pas ce qui va se passer, mais le lecteur sent que quelque chose va arriver. L’auteur n’a pas édulcoré son propos et nous fait voir la randonnée de l’intérieur avec toutes les difficultés et les désagréments qu’impose ce genre d’exercice. Ce n’est pas une aventure au sens où nos deux randonneurs ont tout préparé et l’Australie a tout prévu pour permettre aux randonneurs d’effectuer ce périple. Rien n’a été laissé au hasard, même si tout est plus compliqué parce que Mary randonne avec un fondamentaliste de l’écologie qui choisit de faire passer le respect de la nature avant le confort. Et pourtant un tiers s’insinue dans le roman et impose sa loi à nos randonneurs. Une belle fable moderne sur le rôle négatif de l’homme, dont un spécimen nous accompagne, dans des pages off, tout au long du roman, sur l’environnement. C’est l’oiseau de malheur qui a finalement le dernier mot comme s’il était écrit que le prédateur nommé homme sera chassé du paradis qu’il a contribué à détruire par l’oiseau devenu intelligent. Mme Fillebeen


Enfin, quelques romans inclassables de notre sélection !

Mensonges de Valérie Zenatti est perçu comme « déroutant ». L’auteur balade le lecteur entre mensonges et vérités, entre ses propres souvenirs d’enfance et d’adolescence en Israël et une fiction mettant en scène deux enfants perdus dans une forêt pendant la seconde guerre mondiale. De l’avis général de nos lectrices : c’est « compliqué », il est difficile d’appréhender la démarche de l’auteur. Reste que le livre est très bien écrit, sans doute fautil le relire pour mieux cerner cette quête d’identité de l’écrivain. Nation Pigalle d’Anne Plantagenet nous plonge en immersion dans le dit quartier suite à l’incendie volontaire de son appartement par une vieille dame. On découvre ainsi le quartier Pigalle, aux multiples facettes, où l’on croise bourgeois, sans domicile fixe… L’étude sociologique dressée est très bien faite. « J’ai aimé ce contexte Pigalle assez plaisant », nous dit une lectrice. Le problème soulevé : « la longueur des phrases, une phrase allant jusqu’à une page ». « Noir, malsain, horrible… » clament en cœur les lecteurs à l’annonce du dernier ouvrage de la sélection : Darling river de Sara Stridsberg. A partir du thème de Lolita de Nabokov, Sara Stridsberg raconte aux lecteurs quatre histoires sur fond d’alcoolisme, d’inceste, d’abandon maternel, tout y est noir. Une seule lectrice en a terminé la lecture, s’interrogeant sur la démarche de l’écrivain à reprendre le thème de ce livre ? (Lolita de Nabokov faisant partie des 100 Livres du siècle dans une liste proposée par le Monde).


MENSONGES / VALÉRIE ZENATTI « Menteuse » Valérie Zenatti l’est dès la première ligne puisqu’elle prétend être Aharon Appelfeld jusque ce qu’elle dévoile sa propre identité : « Cette histore repose sur quelques mensonges » (p. 14). Cet aveu lui permet de parler de son enfance à Nice, de sa fascination pour les fêtes juives, de la révélation que fut pour elle le film « Holocauste », de son adolescence en Israël avec sa famille, se sa rencontre avec Aharon Appelfeld l’écrivain dont elle devient la traductrice et l’amie. L’auteur utilise le mensonge pour se trouver, se détacher d’elle-même ce qui la conduira dans quelques années à la fiction. Elle s’invente des histoires pour exister mais pour le lecteur cela est déroutant et le plonge dans une atmosphère ambiguë au pays des mensonges. Je n’ai pas tellement apprécié ce livre, la vérité est toujours masquée et je n’ai pas compris la démarche de Valérie Zenatti … Mme Roussos


DARLING RIVER / SARA STRIDSBERG

NATION PIGALLE /ANNE PLANTAGENET Tout se passe à Pigalle à notre époque. Une dame âgée Yvette Perez rapatriée d’Algérie met volontairement le feu à son appartement. Cela dérègle la vie de plusieurs voisins, de son fils unique Tymothée qui s’apprêtait à quitter son épouse Sandrine pour Gaïa. Parallèlement un autre couple Louisa et Vincent sont déstabilisés également. Femme de ménage de la vieille dame et autres personnes de cet environnement perdent leurs repères. Nous pénétrons dans leur vie quotidienne, leur intimité, leur parcours professionnel et social, leur vie familiale sur fond de descriptions du quartier Pigalle aux multiples facettes.

Darling River part du personnage initial Dolores (Lolita) créé par Nabakov. Elle est une des narratrices. Ensuite arrive « Lo » qui prend le surnom de Darling River. Elle est le personnage fictif de Sara Stridsberg sa Lolita qui répond à celle de Nabokov. Elle a treize ans et, avec son père, elle parcourt les routes à bord d’une vieille Jaguar, sous les lueurs d’incendies de forêts et à travers un paysage apocalyptique. Dolorès Haze, elle, est la créature même de Nabokov, dont Sara s’empare pour imaginer son destin jusqu’à sa mort, en Alaska, alors qu’elle donne naissance à un enfant. Une autre héroïne est la femelle chimpanzé à laquelle un scientifique français du Jardin des Plantes aurait cherché à apprendre le dessin. Nabokov a confié qu’il s’était inspiré de cette histoire pour écrire sa Lolita. Le dernier personnage enfin est une mère anonyme errant sur les autoroutes qui entourent la ville.

Ce roman se lit facilement car on s’intéresse très vite aux personnages mis en scène. Un inconvénient concernant le style : les phrases sont d’une longueur démentielle. Une seule Je me suis forcée à lire ce roman. La phrase peut s’étendre sur plusieurs pages et cela description de l’accouchement d’un fœtus de Dolores m’a écœurée. L’auteur se complet à devient lassant. décrire le sordide et le laid. Alcoolisme La description du quartier de Pigalle est infantile, inceste, pédophilie, homicide, remarquable de vie authentique et sonne juste à maltraitance sont des thèmes disséqués. Le notre époque. C’est une étude sociologique style est cru et incisif. Pourquoi tant de noirceur ? C’est le choix de Sara Stridsberg. minutieuse et cela m’a beaucoup plu. « Nation Pigalle » permet au lecteur de croiser Je n’ai pas apprécié ce roman car j’ai ressenti des bourgeois, des SDF, des enfants, des une forte tension à cause de l’ambivalence des adolescents, des Pieds-noirs, une France en liens entre les personnages. quête d’identité révélant les questions qui Madame Roussos agitent l’actualité d’aujourd’hui … Mme Roussos


ENFIN,

RENDEZ-VOUS EST DONNÉ À NOS INCORRIGIBLES LECTEURS, LE

SAMEDI 3 DÉCEMBRE À 14 H 30 POUR UNE SÉANCE TRÈS DRÔLE ! ENFIN, ESPÉRONS-LE !


LES « INCORRIGIBLES LECTEURS » SONT LES MEMBRES DU CLUB DE LECTURE ORGANISÉ PAR LA SECTION ADULTES, LE SAMEDI TOUTES LES 6 SEMAINES À LA BIBLIOTHÈQUE D’AGGLOMÉRATION DE SAINT-OMER. POUR TOUT RENSEIGNEMENT, ADRESSEZ-VOUS À LA BANQUE DE PRÊT DU 1 ER ÉTAGE OU CONTACTEZ-NOUS : ADULTES@BIBLIOTHÈQUE-ST-OMER.FR

BIBLIOTHÈQUE D'AGGLOMÉRATION DE SAINT-OMER - SECTION ADULTES - OCTOBRE 2011


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.