Sens fiction

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Panourgos CC BY-NC-SA 2.0

SENS FICTION Samedi 04 JUIN 2011 Bibliothèque de l’Agglomération de Saint-Omer Sophie CC BY-NC-SA 2.0



La sélec on d’ouvrages proposée autour des 5 sens a globalement plu à notre lectorat avec quelques vrais coups de cœur mais aussi de réels rejets.

Notre exploration sensorielle a débuté par l’ouïe :

La vie en sourdine /D. Lodge « La vie en sourdine » de David Lodge a généré des commentaires retenus. Certains néanmoins l’ont lu avec plaisir goûtant l’humour anglais avec lequel est racontée ce$e histoire, qui pourrait être banale, d’une personne d’une soixantaine d’années et jeune retraitée dont l’audi*on faiblit. On est vraiment immergé dans une famille. Il y a beaucoup de situa*ons comiques mais à aucun moment on ne se moque des personnages. L’auteur les dépeint avec beaucoup de sympathie et d’affec*on. Le début du récit a cependant rebuté une de nos lectrices. « L’oreille de Jeanne » de Jean-François Robin : Jeanne, a$einte de tuberculose, devient sourde à l’issue de son traitement. Elle pra*que cependant toujours le piano et reje$e violemment sa surdité. Le livre a été moyennement apprécié : la simplicité de l’écriture, la lourdeur des ficelles et la fin du roman qualifiée de « par*culière » voire « ridicule » ont scellé son sort aux yeux de notre groupe.

L’histoire pourrait être banale, pourtant on est tenu en haleine jusqu’à la fin. Desmond se trouvera dans beaucoup de situa*ons comiques du fait de sa surdité (où il crée en public une conversa*on privée ; où les gens pensent qu’il comprend ce qu’on lui dit ; ses cours de lecture labiale par exemple), son vieux père avec sa prostate, sa cons*pa*on, ses pertes de mémoire, sa méfiance font rire, ce qui devient tragique avec sa fin de vie à l’hôpital, les interven*ons d’une étudiante mythomane, ses efforts pour maintenir avec sa femme des rela*ons amoureuses et sexuelles. Comique de situa*on avec un humour très bri*sh. G. Melmiesse.


A l’opposé « Entre les bruits » de Belinda Calonne a charmé l’assemblée. La rencontre improbable entre un homme d’une quarantaine d’années et une fille$e de dix ans souffrant tous les deux d’hyperacousie, est vraiment très bien construite. Ce roman d’ini*a*on où l’homme, qui a réussi à se construire malgré son handicap, apprend à la jeune fille à prendre du plaisir à écouter a séduit par son écriture très personnelle. Toute une poésie est créée par la l’inven*on de nouveaux mots pour décrire ce que le personnage entend.

« Diabolus in musica » de Yann Appery qui a pourtant reçu le prix Médicis en 2000 n’a pas convaincu du tout. C’est un roman incompréhensible ; le début ne donne pas envie de lire la suite et le style ne sauve rien.

Entre les bruits / Belinda Calonne Roman, ou plutôt conte où se mêlent la géopoli*que, des faits divers, une intrigue amoureuse, des personnages mystérieux, le contre-espionnage, un criminel de guerre et deux êtres a$eints d’une sorte d’hyperacousie. C’est d’ailleurs ce fil qui relie toute l’histoire. Le lecteur n’a d’autre choix que de se laisser aller au gré de l’imagina*on – débridée- de l’auteur. L’intrigue, aux limites de la vraisemblance (mais est-ce vraiment important ?) est rondement menée. L’idée est ingénieuse, peut-être pouvaitelle être un peu plus exploitée. Enfin, comme dans tout conte qui se respecte, les bons seront récompensés et les méchants punis. Quant à la fille$e, elle pourra, en compagnie de son ami (ces deux-là s’entendent si bien) envisager de capter la rumeur du monde et le chant des étoiles. Rien d’impossible en tout cas pour ces surdoués de l’oreille puisque nous sommes dans un conte. Bien entendu. J. Wintrebert



C’est par la vue que se poursuit la découverte littéraire des 5 sens. Nous débutons par l’examen d’un roman exigeant : « L’aveuglement » de José Saramago, décrit comme une parabole sur l’individualisme et la cruauté des hommes. C’est le roman de la noirceur. L’auteur rentre tout le temps dans les détails du déchaînement de tout ce qu’il y a de plus horrible en l’homme ; on ne respire jamais, c’est très éprouvant. C’est un roman très difficile à lire aussi en raison de l’absence de paragraphes (ponctua*on déroutante) une des techniques d’écriture de Saramago. Ce roman contraste vraiment avec un autre roman de Saramago « le voyage de l’éléphant » que l’on nous conseille. Dans le même registre « Des aveugles » d’Hervé Guibert, provoque un rejet total du groupe de lecteur. La noirceur de ce court récit où on ne trouve aucune bonté est perçue comme malsaine. Ce roman noir et provocateur, ne suscite qu’un énorme malaise.

La « le#re sur les aveugles » écrit par Diderot en 1749 est pour le philosophe prétexte à une réflexion sur le jugement fondé par un sens différent et ouvre la discussion sur l’existence de Dieu pour un homme qui ne voit pas. A travers la le$re sur les aveugles il remet en ques*on beaucoup de choses : le fondement de la morale, le rôle de la science par rapport à d’autres croyances. Le livre est à replacer dans le contexte du 18e siècle, Diderot est le symbole d’une pensée forte, originale.

Restant dans les classiques, nous avons soumis à notre assemblée la relecture de « La symphonie pastorale » d’André Gide. Ce roman a été relu avec plaisir et peut être résumé par la phrase de Saint Paul: « Si vous é*ez aveugles vous n’auriez point de péchés ».

Lettre sur les aveugles / D. Diderot La Le$re est adressée à une dame inconnue. Il se rend chez un aveugle à Puiseaux dans le Ga*nais qui lit les le$res ne relief à la mode de l’époque. Son toucher lui permet de dis*nguer les distances et les formes. Il a la no*on de ligne droite, courbe, il a une capacité d’abstrac*on supérieure au bien-voyant. Son jugement moral est différent : le vol est le pire des vices pour un aveugle et la pudeur lui est inconnue. Il ne fait pas de différence entre un homme qui urine et celui qui perd son sang donc il n’a de compassion pour personne. Ensuite, il raconte le cas de Saunderson, mathéma*cien aveugle qui a inventé une machine à calculer avec des pe*tes et grosses épingles qu’il place différemment aux sommets ou au milieu des côtes de carrés suivants la valeur qu’il veut leur donner. Avant la mort de ce mathéma*cien on fit venir près de lui le ministre Gervaise Homes, ils discutèrent de l’existence de Dieu. G. Melmiesse


C’est en ouvrant la porte du « Café de l’Excelsior » de Philippe Claudel, que nous nousdirigeons vers l’odorat. Voilà véritablement un coup de cœur pour nos par*cipants, le sourire leur vient aux lèvres à l’évoca*on de ce *tre. Ce récit d’un enfant orphelin évoquant les trois ans passés dans le café de son grand-père mobilise tous les sens. On est pris au piège car ce roman est très bien écrit, dans une langue très simple, sans aucun ar*fice mais qui laisse apparaître une certaine poésie. Un véritable régal à la lecture avec une fin poignante voire bouleversante. « Un pe*t chefd’œuvre en 100 pages », l’auteur a un talent formidable pour toucher à tous les genres ; il fait remonter en surface le merveilleux de notre enfance, des scènes authen*ques de la vie quo*dienne.

Café de l’Excelsior / Philippe Claudel C’est un pe*t livre poé*que, drôle, nostalgique qui se dévore vite mais que je sais que je relirai. J’ai ressen* tout le bonheur de l’enfant, tout l’amour maladroit du grand père et aussi malheureusement l’injus*ce de la sépara*on du pe*t fils et de son grand-père. Le sens évoqué est surtout la vue avec, par exemple la descrip*on du bistrot : « "Mon grand-père tenait le Café de L’Excelsior, un bistro étriqué dont les mauvaises chaises et les quatre tables de pin rongées par les coups d’éponge composaient un décor en demiteintes violines. L’endroit formait une enclave oubliée contre laquelle les rumeurs du monde, et ses agita*ons, paraissaient se rompre à la façon des hautes vagues sur l’étrave d’un navire. » Le livre est très bien écrit (évidemment), j’ai beaucoup aimé. M.T Derisbourg


Café de l’Excelsior / Philippe Claudel Beaucoup d’émo*ons, de nostalgie. Beaucoup d’humour ! Des scènes authen*ques inoubliables d’une vie simple. Episodes pathé*ques ! L’écriture de Philippe Claudel est limpide, belle, précise. Elle relate merveilleusement la vie quo*dienne dans un bistrot populaire d’une ville industrielle de l’Est de la France. On s’iden*fie à cet enfant de 8 ans à tel point que son grand-père est à peu près le nôtre. Un très beau livre ! F. ROUSSOS

Café de l’Excelsior / Philippe Claudel C’est tout ? Pas d’ac*on, ni de suspense. En revanche, les cinq sens sont fortement sollicités pour évoquer ce$e vie humble faite « d’un grand pan de douceur ». L’odeur et le goût du café du pe*t déjeuner à laquelle succèdent les odeurs du café « l’Excelsior » dans la journée, mélange d’alcool, de sueur, de vieille laine, des mégots expirant dans les cendriers, du gibier braconné, des girolles de sous-bois, et du menu fre*n visqueux relevé dans les nasses ou le chevesne pêché dans le canal, et qui glissaient des doigts. Les couleurs délavées du bistrot, la pa*ne du comptoir, la trogne des clients, le bleu-gris du ciel. Le goût âcre de l’affreuse soupe de poisson pompeusement bap*sée Corbeille d’eau douce, le parfum de la glace ou de la gaufre offerte par le grand-père lorsqu’ils se rendaient à la ville … Les conversa*ons inachevées, les chansons fredonnées, le clique*s des verres. Joies simples, personnages insignifiants. Sans doute. Mais aussi quelle densité d’émo*ons dans ce court récit (84 pages) qui se termine par l’évoca*on de ce grand-père qu’il ne reverra jamais, dernière image de « ceux qui s’endorment pour toujours dans nos mémoires ». Bien plus tard, lorsque le notaire lui reme$ra les le$res de son aïeul qui ne lui sont jamais parvenues, ainsi que la clé de l’Excelsior, l’auteur retournera au pays, mais n’oser pas pousser la porte aux souvenirs. Avec une économie de moyens remarquable, avec des mots courants, Philippe Claudel réussit à nous faire partager son émo*on sans jamais tomber dans le pathos. D’une prose élégante, mais toujours empreinte de simplicité, naît une poésie qui glisse en sourdine sur les tessons de sa mémoire. J. Wintrebert


« Je n’ai pas dansé depuis longtemps » de Boris Hugo est évoqué rapidement C’est un livre très bien documenté mais aux termes très techniques. Le personnage souffre de ne plus voir l’herbe verte, la couleur, les odeurs ; il est frustré de ne plus être s*mulé par ses sens.

« L’odeur » de Jha , n’a pas été apprécié. Dans une grande par*e du roman il ne se passe pas d’évènements importants. C’est un livre trop long, « une héroïne sans épaisseur », l’odeur semble être plaquée sur l’histoire du roman.

JE N’AI PAS DANSE DEPUIS LONGTEMPS / Boris Hugo

Histoire sans intérêt, j’ai eu du mal à finir le livre. Ivan est russe, marié 2 enfants, médecin. Il est désigné pour rester 400 jours dans l’espace pour ba$re le record et étudier les réac*ons du corps humain sur l’apesanteur. Pendant son séjour il a vécu avec trois équipes de cosmonautes qui restent six mois. Avec le premier groupe Nicolas et Victor il a eu l’impression d’être laissé de côté – il a un moment de folie – il perd le contrôle de lui-même, va à droite à gauche. Il a peur que Victor le dénonce ce qui me$rait fin à son expérience mais il se tait. Avec le deuxième groupe, celui de Georgy et Nikita, tout se passe bien. Quant au troisième groupe c’est difficile car le commandant est un jeune ingénieur inexpérimenté, et Sacha une femme laquelle il a une aventure. G. Demeocq

L’odeur / Radikha Jha Un livre qui se lit bien mais qui n’a pas beaucoup d’épaisseur. L’héroïne n’est finalement pas très intéressante : elle n’a rien à dire, ne fait rien, elle a$end, se prostre quand l’odeur arrive mais sait bien profiter des situa*ons qui se présentent. La construc*on du livre est totalement ar*ficielle : quel est le rôle de l’odeur ? Son interven*on, en par*culier dans la 2° par*e du livre, semble complètement plaquée sur l’histoire pour jus*fier le *tre ; l’histoire n’aurait pas été différente si elle n’avait pas existé. Finalement, une histoire qui n’apporte pas grand-chose et ne me laissera pas un souvenir impérissable. F. Fillebeen


Il est maintenant temps de passer à table,

« Gargantua » de Rabelais

au menu :

En guise de dessert, un classique qui plaît toujours par son côté amusant avec de belles descrip*ons pour décrire les repas ingurgités. Les termes choisis sont assez amusants notamment les jurons qui sont inventés et qui font par*e intégrante de notre quo*dien contemporain. Derrière tout cela se cache une cri*que poli*que.

« De bouches à bouche » Chantal Pelle*er Un livre très américain, très agréable à lire au style très personnel. Pour une lectrice, le *tre évoque le sauvetage : c’est un sauvetage par une quête de bonheur, de vie que l’auteure essaie de faire partager. On retrouve toutes ces odeurs d’épices, de marché, on imagine les couleurs. Mais le livre dérape un peu quand elle évoque sa rela*on ambigüe avec le jeune garçon, un passage peu apprécié. En revanche tous les sens sont sollicités que ce soit l’odorat (quand elle sent les aliments), la vue (couleurs des épices), le toucher (elle tâte les aliments) ou encore le goût bien que l’héroïne ait perdu le sien. « Le voyage de cent pas » Richard C. Morais est un voyage au cœur de la gastronomie bien agréable. De l’Inde à Lumière, pe*t village au cœur du Jura, nous suivons Hassan et progressons avec lui dans l’appren*ssage de l’équilibre des saveurs. Ce livre nous nourrit sub*lement sans plomber notre estomac. « Le fes n de Babe#e » de Karen Blixen Livre magnifique où les descrip*ons de l’environnement, de l’ambiance, les ressen*s son très agréables.

De bouche à bouches / Chantal Pelletier Le *tre évoque le sauvetage : c’est un sauvetage par une quête de bonheur, de vie que l’auteure essaie de nous faire partager. Quand j’ai lu le livre, j’ai ressen* toutes ses odeurs d’épices, de marché, j’ai imaginé toutes les couleurs. Où je trouve que le livre dérape un peu c’est quand elle évoque sa rela*on ambiguë avec le jeune garçon, je n’ai pas apprécié ce passage. J’ai bien aimé les descrip*ons : « J :'ai foue$é des oeufs jusqu'à les enfler en écume blanche et compacte. Une boue de chocolat l'a assombrie en tabac mousseux qui a englou* un hachis de gingembre »… « Les feuilles des endives brillaient de tous les châtains d'un caramel muscade-cannelle »

« Histoire de bouches » de Noëlle Chatelet Sont sollicités : Un florilège de nouvelles distrayantes, amusantes, originales. Une lectrice nous décrit cet ouvrage comme étant « parfois drôle parfois tragique mais très agréable à lire ».

- l’odorat quand elle sent les aliments - la vue : les couleurs des épices - le toucher : elle tâte ses aliments pour ne pas être empoisonnée ; - le goût bien que l’héroïne ait perdu le sien. M.T. Derisbourg


Enfin, nous terminons notre sélec on d’ouvrages en quête de sens par deux inclassables :

« A contre-sens » de Noëlle Chatelet est un livre qui reste assez scolaire avec cependant un rapport au corps assez intéressant. On a l’impression d’un travail de commande.

La discussion s’achève par la redécouverte d’un trésor nippon : « Les belles endormies » de Kawabata. La première remarque d’une lectrice à l’évoca*on de ce *tre a été « C’est magnifique, c’est de toute beauté ». On retrouve toutes les qualités de la li$érature japonaise à savoir la sensibilité, la délicatesse, la sub*lité. Malgré le sujet (de vieux messieurs vont dans une maison pour dormir aux côtés de jeunes filles) on ne tombe jamais dans le graveleux, ni dans le pornographique . Cela reste une jouissance intellectuelle, axée sur le fantasme. Sur un sujet simple on ne plonge jamais dans l’ennui.


chelseagirl CC BY-ND 2.0

Sens (iction Club de lecture de juin 2011

Sec on Adultes Bibliothèque de l’ Aggloméra on de Saint-Omer


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