un film de Wang Quan'an Mongolie – 2019 – 1h40
LA FEMME DES STEPPES, LE FLIC ET L’ŒUF
N°388 — avril 2020
cinémas Studio — 2 rue des Ursulines — 37000 Tours — www.studiocine.com
Chers lecteurs / lectrices, spectateurs / spectatrices, Le pays tout entier est depuis quelques semaines plongé dans une crise d’une nature et d’une ampleur inédites. Même si elle n’était pas tout à fait inattendue, l’annonce de la fermeture des salles de cinéma a pris de court l’ensemble de la profession : certains distributeurs déprogrammaient encore des films la veille de l’annonce des fermetures… Les Studio s’efforcent de maintenir autant de liens que possible avec leurs spectateurs ainsi qu’avec les lecteurs/abonnés des Carnets en passant principalement par leur site internet. C’est pourquoi nous mettons en ligne une version « allégée » des Carnets qui devaient paraître en avril. Vous y trouverez l’ensemble des articles et comptes rendus de rencontres qui devaient être publiés… ainsi qu’une liste des films qui auraient dû vous être proposés. Nous n’avons hélas pour le moment aucune idée précise du moment où nous pourrons rouvrir nos portes et vous accueillir et ne pouvons que vous conseiller de consulter régulièrement le site internet ou de nous rejoindre sur Facebook. — L’équipe des Studio
N'oubliez pas non plus que nous sommes associés à une plate-forme de vidéo en ligne qui propose un choix intéressant de films liés à notre programmation (ou à notre ancienne programmation... lorsque nous n'avons plus de programmation...). Vous y trouverez des films très divers et toute une sélection de films Jeune Public. Elle s'appelle La Toile et vous y avez accès à partir du site des Studio par un petit onglet situé en haut à droite de la page d'accueil.
www.studiocine.com
S OM M A IRE
02 ÉDITO Exceptions françaises 04 CNP Soirées-débats du CNP La page du CNP 06 ÉVÉNEMENTS Soirée Post-Apocalyptique Cinema Bis Hommage à Rose-Marie Merceron BCAT 21 Soirée courts métrages Hommage à Pedro Almodovar 09 LES FILMS 1 1 AUTOUR DES FILMS Qu'un sang impur / Un vrai bonhomme Le Miracle du saint inconnu Tu mourras à vingt ans / Un divan à Tunis Jojo Rabbit / Histoire d'un regard Sympathie pour le diable 20 RENCONTRE Mariana Otero Stéphane Demoustier Étienne Chaillou 26 JEUNE PUBLIC 28 EN BREF Nouvelles d’ici et d’ailleurs 29 INFOS PRATIQUES 30 FILM DU MOIS La Femme des steppes, le flic et l’œuf
LES ÉDITIONS DU STUDIO DE TOURS 2 RUE DES URSULINES, 37000 TOURS MENSUEL / PRIX DU NUMÉRO 2 € ISSN 0299 - 0342 / CPPAP N° 0224 K 84305 ÉQUIPE DE RÉDACTION : SYLVIE BORDET, ISABELLE GODEAU, JEAN-FRANÇOIS PELLE, DOMINIQUE PLUMECOCQ, ÉRIC RAMBEAU, ROSELYNE SAVARD, MARCELLE SCHOTTE, ANDRÉ WEILL, AVEC LA PARTICIPATION DE LA COMMISSION JEUNE PUBLIC. DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ÉRIC RAMBEAU CONCEPTION GRAPHIQUE : EFIL / WWW.EFIL.FR (TOURS). ÉQUIPE DE RÉALISATION : ÉRIC BESNIER, ROSELYNE GUÉRINEAU – DIRECTEUR : PHILIPPE LECOCQ. IMPRIMÉ PAR PRÉSENCE GRAPHIQUE, MONTS (37).
02
Les Carnets du Studio
Exceptions françaises
Q
uelle surprise d’entendre, sur Canal +, une journaliste américaine s’exclamer, enthousiaste, que la France était magique, unique, et inciter ses auditeurs autochtones : « Continuez à protéger ce système magnifique… ». La longueur du conflit social autour de la réforme des retraites que veut imposer l’exécutif aidant, j’ai cru entendre : « Continuez à protéger un système social magnifique ! » Un système mis en place en 1945 par le Conseil National de la Résistance et auquel la population française semble particulièrement attachée, vu la façon dont elle a majoritairement refusé les arguments de la « pédagogie » gouvernementale. Depuis des années ce système unique, mis en place par les Communistes et les Gaullistes, a été systématiquement attaqué. Denis Kessler (alors second du Medef) le disait sans prendre de gants rhétoriques : « Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork tant elles paraissent variées, d’importance inégale et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité Sociale, paritarisme… À y regarder de plus près, on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. […] Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance. »(1) Destruction méthodique qui s’est poursuivie de Sarkozy à Hollande jusqu’à Macron. La dernière étape, derrière son amateurisme de façade, se singularise par sa brutalité et son cynisme, le Premier ministre allant jusqu’à se réclamer de l’esprit de ce qu’il veut détruire : « En 1945, le système prévoyait la Solidarité. Nous allons au bout de sa logique initiale. »
© VALERY HACHE
ÉDITO
La journaliste américaine s’appelle Lisa Nesselson et est l’actuelle présidente de l’Académie des Lumières(2). Et ce dont elle se félicitait, lors du 25e anniversaire des Prix des Lumières, était de l’existence non de l’exception sociale mais de l’exception culturelle française : « Je suis américaine. Quand on me demande pourquoi j’habite en France, je réponds sincèrement : pour profiter de l’éventail extraordinaire de films projetés en salle. On me regarde bizarrement car nous avons tous tendance à penser que les habitudes sont partout les mêmes. Non. En ce qui concerne le choix des films, la France est magique, la France est unique. 25 % des salles européennes se trouvent ici, en France. En 2019, 306 films français étaient montrés en salle et presque 400 films venus d’autres pays. On peut aller au cinéma chaque jour de l’année… La France a autant de femmes cinéastes en activité que n’importe quel pays au monde… Continuez à défendre un système magnifique pour créer et montrer des films grâce auxquels des dizaines de millions de spectateurs sortent pour voir ensemble des films sur grand écran, en salle. »
Avec son art de la formule choc Emmanuel Todd déclarait récemment que « Ce que nous promet Emmanuel Macron et son gouvernement, c’est l’anxiété économique jusqu’à la mort. » Un appauvrissement qui touchera les actifs et ceux qui subiront les points d’une retraite qui universalisera une mise en commun vers le bas.(3) Comme le notait ici un édito intitulé La Culture à prix fisc(4) : « Que se passe-t-il quand le budget des ménages par la force des choses se resserre ? Le premier poste sur lequel rogner est celui des loisirs : vacances mais aussi fréquentation des lieux culturels : musées, expositions, théâtres, festivals, librairies, cinémas… » Aller au cinéma tous les jours : une possibilité statistique qui se transformera… en inaccessible privilège. — DP (1) Challenges 4 octobre 2007. (2) Fondée par le producteur Daniel Toscan du Plantier, l’Académie regroupe des correspondants de la presse étrangère basés à Paris. (3) François Fillon l’avait déclaré devant le Médef en mars 2016 : « La retraite par points permet de baisser chaque année la valeur des points et de diminuer le montant des pensions. » (4) Carnets des Studio – décembre 2018.
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SOIRÉ ES- D É BATS D U CNP UNE DÉMARCHE D’ÉDUCATION POPULAIRE, UN PARTENARIAT ASSOCIATIF LOCAL DES DOCUMENTAIRES ENGAGÉS, DES DÉBATS CITOYENS
Jeudi 2 avril • 20h
IMPUNITÉ DES MULTINATIONALES, UN ENJEU DÉMOCRATIQUE Attac, CCFD-Terre solidaire 37, Convergence SP 37, Peuples Solidaires, Résistance à l’agression publicitaire et le CNP présentent :
Elles sont plus célèbres pour leurs contributions à la destruction de la planète, à l'exploitation des humains que pour la défense des droits sociaux. Les foules réclament plus de démocratie contre l'emprise de ces géants mondiaux. Les GAFAM refusent l'impôt, les banques financent les énergies fossiles et les multinationales attaquent les états via les tribunaux d'arbitrage. Les états seraient impuissants ou complices ? — FILMS : Multinationale contre État : la loi du plus fort de M. Gangler (France - 2017 - 45'). Les Apports des Multinationales (film du Groupement des Entreprises Multinationales - Suisse - 1h37'). Débat avec un.e intervenant.e qualifié.e.
routières. Malgré les appels au nom du développement durable, les terres agricoles et les fermes familiales ont du mal à résister à la promotion immobilière et aux « projets d’utilité publique ». Comment expliquer cela, malgré les voix qui s’élèvent contre « l’artificialisation des terres agricoles » ? La parole des agriculteurs suffit-elle pour s’opposer à ce fléau ? — FILMS : La Terre en morceaux de A. Doublet (France - 2015 - 55‘). Débat avec J. Serrano, professeur à Polytech Tours.
Pré-annonce Jeudi 7 mai • 20h
A-T-ON ENCORE BESOIN DE LA FONCTION PUBLIQUE... ?
Convergence SP 37, Touraine Data Network et le CNP
Jeudi 9 avril • 20h
NUCLÉAIRE MILITAIRE : UNE ARME POUR LA PAIX ?
Le Mouvement Utopia 37, les Amis du Monde diplomatique, le Collectif Féminisme et Révolution et le CNP présentent :
« Si vis pacem, para bellum ». « Si tu veux la paix, prépare la guerre ». Vraiment ? Si nous souhaitons tous la paix dans le monde, comment sortir du piège du nucléaire ? Peut-on penser le monde autrement que par la dissuasion nucléaire, équilibre de la terreur détenu par certains pays au nom de la paix ? — FILMS : La Bombe et nous de X.-M. Bonnot (France - 2017 - 1h15'). Débat avec M. Dolot, membre du bureau National du Mouvement de la Paix, pour le désarmement nucléaire et atomique
Jeudi 30 avril • 20h
LES TERRES AGRICOLES : ESPÈCE D’ESPACE EN DANGER Le CNP et le CAUE 37 présentent :
Le territoire français continue de se couvrir de lotissements, de zones commerciales, d’infrastructures
04 Les Carnets du Studio
Dimanche 5 avril • 11h
HOMMAGE À ROSE-MARIE MERCERON, DÉCÉDÉE 13 FÉVRIER 2020
Prendre sa part France - 2011 - 48' – documentaire de Damien Mansion Par un portrait croisé de 3 personnalités, Rose-Marie (de Chrétiens-Migrants), Chantal (de Réseau Éducation sans Frontières), et Jean-Christophe (du Collectif de Soutien aux Demandeurs d'Asile et aux Sans Papiers), le film nous fait pénétrer un réseau de solidarité et nous invite à nous interroger sur les ressorts de la fraternité collective et individuelle, sans laquelle il n'est pas de défense concrète des droits humains. La projection sera suivie d’une rencontre avec le réalisateur et des associations de solidarité : 9 ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ? Un pot de l’amitié suivra.
L A PAGE DU CNP
La Chine à la conquête de l’Ouest La super puissance communiste et capitaliste qu’est devenue la Chine mène une stratégie conquérante qui se manifeste sur tous les fronts : — ÉCONOMIQUE : lancé en 2013 par le président
Xi Jinping, le programme de nouvelles « routes de la soie » a pour objectif de créer un réseau mondial d’infrastructures. Le projet concerne plus de 60 pays pour fluidifier le commerce entre l’Europe et l’Asie et devrait assurer à la Chine un marché gigantesque. — TECHNOLOGIQUE : après la consommation de
masse des produits, l’imitation et les transferts technologiques, la Chine s’est tournée vers des technologies de pointe : secteurs biotechnologiques, énergies « vertes », objets connectés, machines intelligentes, industrie de la défense, télécommunications (c. f. Huawei). — FINANCIER : la Chine investit ou prête des mil-
liards de dollars dans le monde pour construire ou racheter des lignes de train (Kazakhstan), des ports maritimes (Sri Lanka, Grèce…). En 2018 elle contrôle plus de 10 % de l’activité portuaire en Europe. — MILITAIRE : démonstration de force pour les
70 ans du régime communiste, installation de la première base militaire à l’étranger à Djibouti et sur la mer de Chine. — DIPLOMATIQUE : par son soutien à l’Iran, la Syrie,
la Corée du Nord… la Chine affirme sa place sur l’échiquier des négociations et de la diplomatie.
À la tête de l’État depuis 2012, XiI Jinping, le nouveau « Grand Timonier », est parvenu en 2018 à faire supprimer de la Constitution chinoise la limitation de la présidence à deux mandats. Désormais rien ne l’empêche de rester président à vie. Ainsi la Chine construit-elle un nouvel impérialisme économique et expansionniste, défenseur de la mondialisation et du libre-échange. Cependant la croissance économique de la Chine ne doit pas faire oublier les nombreuses atteintes aux droits humains : • Répression systématique de toute opposition, absence de liberté de la presse, procès inéquitables, recours à la torture… • Plus d’un million de musulmans, principalement d’ethnie Ouïghoure, sont en détention dans la région du Xinjiang. • Répression du mouvement de contestation de juin 2019 à Hong-Kong. • Surveillance et contrôle social des citoyens, appelés « crédit social », avec les nouvelles technologies de reconnaissance faciale. S’ajoutent en outre de graves atteintes à l’environnement. Quelle place veut prendre la Chine dans le monde aujourd’hui ? Comment son expansion hors de ses frontières peut-elle évoluer ? Quelles attitudes pouvons-nous adopter face à cette politique chinoise ? — Le CNP Sources : articles du Monde diplomatique et émissions de France Culture.
Nous en reparlerons prochainement lors d’une séance de cinéma suivie d’un débat. Pour nous joindre : contact@lecnpstudio.org N°388 — avril 2020
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É V É NE ME N TS
Vendredi 3 avril • à partir de 19h Radio Béton 93.6 présente : la Soirée Post-Apocalyptique Cinema Bis du festival Aucard de Tours avec nanarland.com 19h00 • Concert cocktail gratuit CHERRY'S ON TOP Hillbilly Cajun Stomp Experience de La Rochelle. Chaque séance sera précédée et suivie des cuts Nanarland
20h15 • Les Guerriers du futur Phillipines - 1985 - 1h26, de Cirio Santiago VF Scénario simplet, acteurs inexpressifs, costumes ridicules… Les Guerriers du futurs résume à lui seul le cinema bis phillipin : faire comme les Américains même si ça se voit qu'on a pas de budget…
22h30 • Les Rats de manhattan Italie - 1984 - 1h37, de Bruno Mattei VF B Mattéi réussit un post apocalyptique d'intérieur, avec des effets non spéciaux à base d'images de rats
Dimanche 5 avril • 11h BCAT 21 - Ciné-Brunch Chers amis cinéphiles, le BCAT est heureux de vous retrouver avec :
Doubout 19 min - de Pierre Le Gall et Sarah Malléon Sur l'île de la Martinique, Joseph, huit ans, refuse que son grand frère parte en métropole. Il est
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Les Carnets du Studio
placides censés attaquer les humains. Les dialogues savoureux et les comédiens en sur-jeu permanent en font un classique du nanar. Le PASS pour les 2 séances : 12,40€ 8,20€ pour les adhérents du studios, en vente à partir du 23 mars. Radio Béton 93.6 présente le vendredi 3 avril 2020.
persuadé que Lentikri, un monstre ancestral, rôde autour de la maison pour attaquer sa famille. Joseph décide de l'affronter.
Désrances 1h36 - de Apolline Traoré Après que ses parents ont été tués par des soldats du régime Francis Désrances a quitté Haïti et vit en Côte d'Ivoire avec son épouse Aissey et sa fille Haïla. Aissey est prête à accoucher quand une guerre civile éclate, mais Francis l 'emmène à l'hôpital. Quelques heures plus tard, son fils nouveau-né et sa femme ont disparu. Il se mettra alors à leur recherche, aidé par Haila déterminée à ne pas abandonner son père seul dans la ville. Nous nous retrouverons autour du brunch africain à la fin de la projection.
Avril 2020
Mercredi 29 avril • 19h45 Soirée courts métrages : Le Cinéma en circuit court Les cinémas Studio et Ciclic ont concocté un programme de courts métrages fabriqués près de chez nous, à Tours et en région Centre-Val de Loire. Cinq talents, 5 regards, 5 écritures. La soirée est placée sous le prisme de l'éclectisme, tant par les genres, les tons que par les thèmes, car le format court permet de passer en quelques minutes d'un univers à un autre. La projection sera suivie d'un échange avec les réalisateurs tourangeaux , Nicolas Aubry, Charlie Rojo, Cyriac Labergère et les comédiens Hélène Stadnicki, et Alex Guéry.
commun et que l'avenir leur réserve de bien belles perspectives… Il a reçu de nombreuses sélections officielles en festivals dont deux prix d’interprétation pour ses acteurs.
Mal Caduc
Mon juke-box
France - 2019 - 30 min, de Jules Follet
France - 2019 - 15 min, de Florentine Grellier J'ai entendu une musique par hasard. Un vieux titre de rock’n’roll... C'est sûrement un morceau qui passait sur un des appareils mécaniques de mon père, l'aventurier, le roi du juke-box... Coproduit
1814. La rencontre de Mathurin Thouars, lieutenant napoléonien, et un jeune conscrit, soupçonné de simuler l’épilepsie pour se dérober à son devoir. L'un, déjà marqué par les batailles, repart pour le front tandis que l’autre, qui n’a jamais connu la guerre, pourrait y échapper.
911 Turbulences France - 2019 - 13 min, de Charlie Rojo Depuis les nuages, un homme se souvient du 11 septembre 2001, de la guerre du Viet Nam et des méduses qui dansaient... Ce film du tourangeau Charlie Rojo a été réalisé à l'occasion des 20 ans du collectif Sans Canal Fixe.
Aux Petits Oignons France - 2018, 7 min, de Cyriac Labergère, avec Justine Thibaudat et Alex Guéry Marius, 29 ans, est secrètement amoureux de sa voisine de palier. Il s'avère qu'ils ont un passé en
par Girelle production, le film a été sélectionné dans de nombreux festivals, dont Sundance (USA) et a gagné le Prix André Martin à Annecy.
Bye Bye Bird France - 2020 - 30 min, de Nicolas Aubry Julie, 27 ans, a pour seul refuge les mots-croisés, et comme complice sa grand-mère, qu'elle visite en cachette dans la maison familiale. C’est au travers d’un road-movie qu’elle va devoir se confronter au monde pour retrouver le chemin de la socialisation. Avec ou sans Mémé. Ce premier film, co-écrit avec l'interprète principale et produit par la société régionale La Ruche, a été tourné à Tours en septembre 2019. N°388 — avril 2020
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É V É NE ME N TS
Lundi 4 & mardi 5 mai Partenariat Cinémathèque/Studio Hommage à Pedro Almodovar C’est un grand bonheur que de revenir sur la carrière de Pedro Almodovar avec trois de ses films les plus emblématiques. L’ex-enfant terrible du cinéma espagnol de l’après-franquisme, le représentant le plus haut en couleurs de la Movida madrilène, est devenu au fil des ans un cinéaste reconnu mondialement mais toujours anticonformiste et farouchement indépendant. De film en film Almodovar, grand conteur d’histoires, nous dévoile ses obsessions dans des œuvres très écrites, aux intrigues à rebondissements. De quoi séduire le public le plus large, d’autant qu’il manie avec un talent inégalé l’humour et l’émotion. Ajoutons que nul autre n’aime autant les femmes et ne les a filmées aussi joliment : les trois films proposés dans cette mini-rétrospective en témoignent. Ils nous permettront aussi de redécouvrir les thèmes récurrents du cinéaste : la filiation, l’identité sexuelle, le mensonge et la vérité sur fonds de secrets de famille, le tout dans des mises en scène aussi sophistiquées qu’inventives. — SB
question de disparition-réapparition, meurtres, trahisons, culpabilité, passion, le tout sur fond de superstitions et de commérages. Rire et larmes sont savamment dosés dans ce film magnifiquement interprété par des femmes à la fois fragiles et fortes. Soirée présentée par Thomas Sotinel, critique de cinéma
Mardi 5 mai • 19h30
Tout sur ma mère 1998 - 1h37, avec Cecilia Roth, Penelope Cruz, Marisa Paredes Après la perte accidentelle de son fils, Manuela, folle de douleur, part à Barcelone sur les traces de son passé. Elle y est accueillie par des femmes admirables qui, comme elles, souffrent de l’iro-
© D.R.
Lundi 4 mai • 19h30
Volver
2006 - 2h01, avec Penelope Cruz, Carmen Maura, Lola Dueñas
nie cruelle du destin mais doivent aller de l’avant. Tout sur ma mère est un superbe hommage aux femmes, toutes les femmes, qu’elles soient lesbiennes, transsexuelles ou religieuses. Sans doute l’œuvre la plus émouvante du réalisateur.
Ça commence par un long travelling dans le cimetière d’un village de la Mancha (région natale d’Almodovar) dont on dit qu’il détient un taux record de folie par habitant. Des femmes y nettoient avec énergie les tombes de leurs proches. S’ensuit l’histoire de 5 d’entre elles liées par de terribles secrets qui se dévoilent petit à petit. Il y sera
Mardi 5 mai • 21h30
Talons aiguilles
© D.R.
1991 - 1h53, avec Victoria Abril, Marisa Paredes
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Les Carnets du Studio
Après des années d’absence une célèbre chanteuse rentre à Madrid, sa ville natale, et y retrouve sa fille mariée à un de ses anciens amants. Les relations sont passionnées et les retrouvailles difficiles entre ces deux femmes que tout oppose. Ce film funambule, à l’esthétique sophistiquée et à la bande son inoubliable, mené par deux actrices éblouissantes, joue sur les tensions et ignore la morale et le politiquement correct. Le résultat est un chef d’œuvre de mélancolie, de tristesse et d’émotion.
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Les films que nous aurions aimé vous montrer 1er > 7 avril Police de Anne Fontaine • Le Cœur du conflit de Judith Cahen & Masayasu Eguchi Poissonnière de Olivier babinet • Dans un jardin qu'on dirait éternel de Tarsushi Omori Ondine de Christian Petzold
8 > 14 avril The perfect candidat de Haïfaa Al Mansour • Le sel des larmes de philippe Garrel De Gaulle de Gabriel le Bomin • Pour l'éternité de Roy Andersosson • Nuestra madres de César Diaz Autonome de Francois Begaudeau (qui devait venir aux studio)
15 > 21 avril Sous les étoiles de Paris de Claus Drexel • Pingouins et goéland et leurs 500 petits de Michel Leclerc (qui devait venir aux studio) • Manip de Obra de David Zonana • Jinpa un conte Tibétain de Peña Tseden Ema de Pablo Larrain
22 > 28 avril Effacer l'historique de Gustave kervern et Benoit Delepine (qui devait venir aux studio) Madre de Rodrigo Sorogoyen • Mine de rien de Mathieu Mlekoz • Voir le jour de Marion Laine Madame de Stephane Riethauser • Hotel by the river de Hong sang soo Monsieur Deligny, vagabond efficace de Richard Copans
29 avril > 5 mai Les apparences de Marc Fitoussi • Milla de Shannon Murphy • La femme des Steppes le flic et l'œuf de Wang Quan'an • Dawson city le temps suspendu • de Bil Morrison • L'envolée de Eva Riley N°388 — avril 2020
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LES FILMS
Dimanche 5 avril • 10h30
L’Auberge rouge
France - 1923 - 1h06, de Jean Epstein
CINÉ-T HÉ ÂTRE
À la manière des bonimenteurs des débuts du cinéma, le comédien Guy Schwitthal s’est emparé du film pour nous offrir une nouvelle et joyeuse expérience cinématographique.
Lundi 13 avril • 19h30
La Forteresse cachée Japon - 1958 - 2h18, d'Akira Kurosawa Présentation par Guy Schwitthal
Lundi 20 avril • 19h30 Sans aucun « temps morts » il raconte, commente, crée des ambiances sonores, donne de la voix aux dialogues ou susurre les apartés que s’échangent les acteurs, transformant en œuvre sonore ce film muet. Un spectacle étonnant !
Lundi 6 avril • 19h30
Dracula, pages tirées du journal d’une vierge
Crépuscule à Tokyo Japon - 1957 - 2h21, de Yasujirö Ozu Présentation par Guy Schwitthal
Lundi 27 avril • 19h30
Elle et lui
États-Unis - 1938 - 1h30, de Leo McCarey Entre comédie et romance, un grand classique du cinéma américain.
Canada - 2002 - 1h15, de Guy Maddin Un poétique et sensuel Dracula porté par la musique de Gustave Mahler. Présentation par Charles Hirschel
Lundi 4 et mardi 5 mai
Deux soirées en Hommage à Pedro Almodovar En partenariat avec les Studio (voir page 08).
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Les Carnets du Studio
AU T OU R D ES F ILMS — À P ROP OS
Du drame à la tragédie
© MARS FILMS
Qu'un sang impur \ un film de Abdel Raouf Dafri
En cette année 1960 la guerre en Algérie s’éternise. Dans un camp militaire français perdu dans les Aurès, la tenteinfirmerie – signalée à l’entrée par un crâne et des tibias entrecroisés ! – sert en réalité de cadre à des interrogatoires et des exécutions de « rebelles ». La scène est intense, glaçante, la pénombre en accentue l’horreur. Soudain les parois bâchées sont piquetées d’une multitude de points lumineux, au milieu du vacarme assourdissant des armes à feu. Le camp est attaqué, tous les soldats français sont tués, les « rebelles » sont délivrés par leurs compagnons. Le drame va cependant bientôt entrer dans une nouvelle dimension, la tragédie. Le fatum latin (dont découlent
fatal, fatalité, fatidique) désigne ce qui est dit ou prédit et dont aucune volonté humaine ne peut empêcher l’accomplissement, en un mot le destin. La mère du colonel Delignières informe Breitner, le personnage principal, que son fils – « une mère sent ces choses-là » – est mort et exige de lui qu’il parte en Algérie en rapporter une preuve. Le colonel est pourtant bien vivant, il a pris la tête d’un groupe d’indépendantistes et combat désormais l’armée française. Mais nul n’échappe au fatum. Ce qui a été dit sera : Delignières est tué. La tragédie s’étend en réalité à tous les personnages. À l’exception de l’engagé volontaire français qui n’est là que pour « tuer
Qu'un sang impur
des bicots », chacun a ses raisons, pas forcément légales mais légitimes : chasser le colonisateur, exécuter les ordres donnés, récupérer un objet en souvenir d’un fils disparu, sauver une compagne ou une mère, éliminer des tueurs d’enfants… Jusqu’où peut-on aller dans la barbarie au nom d’une cause juste ? On est bel et bien dans une tragédie telle que l’a caractérisée Albert Camus(1) : une impasse mortelle parce que s’y s’opposent des enjeux, des mobiles et des dilemmes trop complexes, insolubles, justifiables des deux côtés. Où sont le bien et le mal ? Qui a raison ? Qui a tort ? Personne. Tout le monde. La lutte d’un peuple qui veut se libérer, conquérir son indépendance, ne peut qu’être légitime. Mais il n’y a pas de gentils qui peuvent à la fin se targuer d’avoir tué les méchants, c’est une horreur complexe dont personne ne sort grandi, pas même indemne. Le générique de fin dédie le film aussi bien « au peuple algérien » qu’aux « appelés et rappelés » envoyés là-bas. Sont ainsi réunis ceux qui ont combattu pour leur liberté et ceux à qui on n’a pas demandé leur avis, à l’instar du jeune appelé à lunettes dans la première scène. Le « sang impur » du titre est celui de tous les protagonistes, symboliquement réunis, dans le générique final, par une Marseillaise chantée en arabe… — AW (1) Dans une conférence prononcée à Athènes en 1955.
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Un vrai bonhomme
A U T OU R D ES F ILMS — À P ROP OS
Mort vivant Un vrai bonhomme \ un film de Benjamin Parent
« Les défunts sont sans défense et dépendent de notre bon vouloir. Ils comptent sur notre initiative, sur la voix en nous qui résiste à l’emportement naturel et qui, au moment de passer à autre chose, proteste et nous commande de rester témoins de l’invisible. »
Des jeunes chargent une voiture à l’aube ou se faufilent nuitamment pour ne pas réveiller leurs parents et, quelques kilomètres de route plus tard, sont plongés dans un dramatique accident de la route. Que ce soit dans Réparer les vivants ou Un vrai bonhomme, l’accident n’est pas filmé frontalement, le spectateur est confronté à la violence du choc par la brutalité d’un son. Katell Quillévéré suit ensuite le corps de Simon, et plus précisément son cœur – le vrai héros de son film – et toute la chaîne humaine qui va permettre le don, la poursuite de la vie. Benjamin Parent, lui, suit Tom, le frère cadet survivant. Après quelques minutes de confusion, le spectateur comprend que son grand frère Léo, le héros de la famille, est mort cette nuit-là et que le seul don qu’a Tom, c’est celui de continuer à le voir, jour après jour, depuis deux ans, à ses côtés. Commence alors le récit extrêmement drôle de leur complicité fantasmée(1) :
© AD VITAM
ALAIN FINKIELKRAUT
Léo est le Jiminy Cricket, désinvolte et insolent, qui doit apprendre à son petit frère la vraie vie. Tom est timide, maladroit, angoissé, et il se trouve confronté à la réalité cruelle de la fin de l’adolescence, où la vie sociale est dominée par des jeunes coqs, stupides et vindicatifs, et des belles, inaccessibles et méprisantes. Le cinéma a investi ces
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Les Carnets du Studio
années de formation des corps et des esprits, dans des films inoubliables, Les Beaux gosses de Riad Sattouf ou Camille redouble, où Noémie Lvovsky se plonge dans son passé pour retrouver la voix de sa mère qui se meurt en gardant son enveloppe corporelle d’adulte. Avec Léo comme (mauvaise) conscience, Tom essaie de survivre et l’on suit ses tentatives d’approche, de séduction, ses combats perdus et ses humiliations… Cependant, peu à peu, la présence de Léo devient envahissante. Et pour grandir, Tom doit s’en éloigner. Petit à petit, la présence fantomatique l’empoisonne, l’asphyxie. Pour devenir lui-même, Tom doit « tuer » son frère, accepter la perte, le laisser mourir en lui. Le réalisateur filme cette difficile et douloureuse libération mentale comme une terrible scène de combat. Je suis sorti de ce film, drôle et poignant, bouleversé. Léo s’est éloigné. Un petit frère est né. Tom va vivre. Avec son bizarre copain dopé au Vidal et sa magnifique sœur basketteuse, avec un père qui a enfin compris qu’il avait un deuxième fils, il va peut-être même avoir droit au bonheur. — DP (1) Si la photographie est l’art de fixer les visages des défunts, le cinéma est décidément, de film en film, celui de convoquer les fantômes.
AU T OU R D ES F ILMS — IN T ERFÉREN CES
Le Miracle du saint inconnu Tu mourras à vingt ans Un divan à Tunis
Films à gratter Ce qui est dit
étouffant – certains diront même castrateur – interdit à son fils Hassan de partir vivre sa vie, de tenter sa chance ailleurs, lui refuse toute initiative, toute possibilité d’évolution : on voit, au-delà de cette situation particulière, la vieille génération enfermant la jeunesse dans un carcan de stagnation et de médiocrité, un des maux dont souffrent les sociétés traditionalistes, celles dont l’immuabilité est le seul horizon. Ce qui ne peut être dit ouvertement peut être suggéré… Dans Un divan à Tunis, au-delà de la satire facile et souriante, apparaissent également quelques critiques un peu plus tranchantes. Qu’il s’agisse de délations entre voisins, d’un imam chassé de sa mosquée
Trois pays : Maroc, Tunisie et Soudan. Trois films, trois façons d’aborder les mêmes thèmes, de dénoncer explicitement les mêmes archaïsmes, les mêmes blocages, les mêmes injustices : toute-puissance de la religion, des rites et des superstitions, infériorisation et oppression de la femme, bureaucratie procédurière, souvent arbitraire, fonctionnaires absents ou je-m’en-foutistes, policiers ignares et corrompus, abus de pouvoir en tous genres, rejet de la science, de l’étranger, de tout ce qui vient d’Occident. Bref, rien que du très classique. Si on s’en tenait là, ces trois films ne nous diraient finalement rien de plus que des dizaines d’autres. La satire est frontale mais émoussée, trop générale pour être dangereuse. Pourtant, au-delà de ces critiques attendues, affleurent parfois des observations un peu moins évidentes, comme par exemple, dans Le Miracle du saint inconnu, deux variantes de patriarcat, l’une où le père frappe régulièrement son fils, qu’il aime infiniment moins que son chien, l’autre où Brahim, le père obtus, absolument
© LE MOINDRE GESTE/ALTAMAR FILMS
Ce qui est presque dit
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AU T OU R D ES F ILMS — IN T ERFÉREN CES
voulu par l’auteur. La porte en tout cas est ouverte à toutes les interprétations. La première image de Tu mourras à vingt ans montre, au premier plan, un cadavre d’animal. Le ton est tout de suite donné : un nouveau-né, Muzamil, fait l’objet d’une prophétie qui le condamne à une mort certaine le jour de ses vingt ans, prophétie qui évidemment pourrit totalement sa vie et celle de ses parents. Les garnements de son âge le surnomment « Fils de la mort », le moquent cruellement, l’ostracisent. Son père, incapable de supporter ce fardeau, disparaît, abandonnant femme et enfant. Devenu adolescent, Muzamil trouve une sorte de père de substitution en la personne de Sulaiman, un vieil homme tout à fait immoral : il boit de l’alcool, vit en concubinage et va jusqu’à pousser le jeune garçon à penser par lui-même, à s’émanciper, à partir : « Ton cerveau doit-il juste te servir à apprendre le Coran
© PYRAMIDE DISTRIBUTION
parce qu’imberbe, ou de la situation générale d’un pays au bord de la rupture, le film parfois soulève quelques instants le couvercle. Aux spectateurs de saisir les allusions, de leur donner la signification et l’importance qu’elles méritent. La dernière séquence est à cet égard la plus intrigante. On y voit Selma, l’héroïne, assise sur un muret en bordure de plage, souriante, regardant le jeune officier de police avec qui s’est noué un lien ambigu, se voyant déjà à ses côtés, heureuse : dénouement ouvert sur une histoire d’amour à venir ? Peut-être… ou peut-être pas. N’est-ce pas suggérer par là même qu’elle rentrerait dans le rang, se plierait aux standards conjugaux et sociaux en vigueur, bref qu’elle n’aurait d’autre choix que d’accepter tout ce dont elle essayait jusque-là de se libérer ? Tel serait le prix de l’amour… Cela n’est pas dit expressément, peut-être n’est-ce pas le sens
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Les Carnets du Studio
par cœur ? » Paroles émanant d’un vieil excentrique marginal, débauché, alcoolique, donc forcément sans grande portée pour les villageois, mais pas forcément pour les spectateurs.
Le non-dit Si on gratte encore un petit peu plus, ces trois films aboutissent finalement, chacun à sa manière, au même constat, à savoir la défaite complète de toute forme de pensée rationnelle, de toute vision à l’occidentale d’un monde en marche vers le progrès. Le médecin du Miracle du saint inconnu se résigne à n’être rien de plus qu’un distributeur automatique de placebo à toutes les commères qui viennent à son cabinet pour passer le temps, pour se distraire, comme elles iraient au hammam. Les vrais malades, eux, continuent à chercher la guérison au mausolée du saint inconnu. Amine lui-même, le voleur, échafaude toute sorte de plans rationnels pour récupérer le sac de billets qu’il avait caché sur la colline dix ans auparavant, mais en pure perte : nouveau Sisyphe, il escalade et réescalade la colline sans répit, mais toujours en vain, toujours empêché pas les hasards, les mauvais pressentiments, l’absence de rationalité de toute chose. Ce qui triomphe ici, comme dans les deux autres films, c’est la pensée magique. Hassan, le fils de Brahim, fait sauter le mausolée du saint inconnu, symbole
© KAZAK PRODUCTIONS
Le Miracle du saint inconnu Tu mourras à vingt ans Un divan à Tunis
de toutes les oppressions. Et c’est là que cette drolatique histoire de voleur sans butin, de chien à dents en or et de miracle ordinaire prend toute sa dimension : l’explosion fait sortir de terre le fameux sac de billets. Il n’y a là évidemment aucun mystère mais la pensée magique triomphe : avec l’argent récupéré Hassan fait reconstruire le mausolée, dorénavant dédié à Saint Brahim, feu son père borné et castrateur ! Les villageois reviennent, plus convaincus que jamais des pouvoirs surnaturels du saint, des touristes même arrivent. La superstition a éliminé toute forme de pensée rationnelle… sauf une : la marchandisation est en marche. Tu mourras à vingt ans est encore plus pessimiste. Le film n’a strictement rien de fantastique ou de tragique. Il décrit au contraire, de façon très sobre et réaliste, le processus d’écrasement conscient, systématique,
d’une famille. Non seulement chaque instant de la vie de Muzamil est empoisonné par la prédiction, mais en plus, à l’approche de la date fatidique, le voilà obligé de participer à la préparation d’une cérémonie des adieux, qui aura lieu en sa présence ! La prophétie est une véritable condamnation qui créé les conditions mêmes d’une mort prématurée : Muzamil songe à se tuer, parfait exemple d’une prédiction devenant autoréalisatrice. La croyance est si forte, si indiscutable, qu’elle plie la réalité, la contraint, la façonne. Ce que nous voyons ici, c’est la preuve qu’une superstition peut être mortelle, qu’elle peut détruire familles et individus. Le seul des trois films à être un tout petit peu optimiste est Un divan à Tunis : Selma arrive, à force d’énergie, de patience, d’obstination, à obtenir son autorisation d’exercer le métier de psychanalyste, son oncle Mourad redécouvre sa
femme, sa nièce Olfa passe enfin son bac, le boulanger finit par accepter sa féminité et s’épanouir. Petites victoires ponctuelles, isolées, finalement très limitées. Sur le fond en réalité rien n’a changé. Obscurantisme, ignorance, préjugés de toute sorte, immobilisme d’une société où l’individu est sujet passif et non citoyen pensant, où la soumission aveugle aux diktats et aux tabous est de règle, tout cela a encore de beaux jours devant soi. Quand on voit à quel point il est difficile de progresser ne serait-ce que d’un tout petit iota, on se dit que le chemin est encore long, très très long, avant que la superstition cède la place à l’esprit critique, la crédulité à la raison raisonnante, avant qu’on choisisse de penser plutôt que de croire. Cela dit, nous-mêmes, avant de prétendre jouer les donneurs de leçons, nous ferions sûrement bien de balayer devant notre porte, et pas qu’un peu… — AW N°388 — avril 2020
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A U T OU R D ES F ILMS — COU RT S LET T RAGES
Jojo Rabbit États-Unis • 2020 • 1h48 Un film de Taika Waititi Avec Roman Griffin Davis, Thomasin McKenzie, Scarlett Johansson
Fade Le film est dénué de toute ambiguïté mais peut-on traiter du nazisme dans une comédie ? Oui, et cela a déjà été fait (Chaplin, Lubitsch, Benigni). Problème : l’horreur ici certes apparaît, mais reléguée au second plan derrière le distrayant spectacle de ces petits garçons rigolos, d’un Hitler ridicule mais presque sympathique, d’une jeune juive pleine de sang-froid et d’esprit, d’une belle résistante très glamour et de SS bien inoffensifs. Le film est parfois amusant, souvent bon enfant. Il y a humour et humour. Celui-ci, trop gentillet, n’est vraiment pas à la hauteur. — AW
Oui, mais... Ce Jojo Rabbit n’est pas sans évoquer Le Dictateur de Chaplin, Le Tambour de Volker Schlöndorff mais aussi le Wes Anderson de Moonrise Kingdom et de The Grand Budapest Hotel : des références remarquables assurément ! Au bénéfice du film on pourrait aussi ajouter l’interprétation bluffante du jeune Roman
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Les Carnets du Studio
Griffin Davis, le fameux Jojo. Pourtant, malgré ces qualités manifestes, quelque chose dans cette fable empêche une adhésion sans restriction : le choix d’avoir rendu Hitler presque sympathique ? — IG
Glaçante loufoquerie Je n’ai pas réussi à rire à ce film qui joue avec les tabous de la seconde guerre mondiale. Je n’ai pas aimé voir des nazillons représentés comme des scouts débiles et la loufoquerie du propos m’a glacé. Dois-je avouer qu’après la pendaison brutale de la mère, la violence de cette comédie familiale m’a moins déplu ? Question subsidiaire : peut-on vraiment s’amuser à représenter Hitler comme un pantin grotesque et sans pouvoir ? — DP
Dérision et nazisme La bande annonce m’avait mise mal à l’aise. Était-il possible de rire de deux personnages aussi monstrueux et fanatiques qu’un jeune nazi et Adolf Hitler lui-même ? Mais derrière la comédie se cachaient une satire et un drame qui m’ont émue plus que je ne l’aurais pensé. — MS
Jojo Rabbit
Soyons sérieux : avec un rejeton aussi bête et méchant que cet (affreux) Jojo, on ne saurait en vouloir à une mère de se résoudre à aller noyer sa progéniture. Il y a plus d'héroïsme pour elle à continuer à aimer ce fils qu'à entrer en résistance contre l'oppresseur. — ER
Éloge de la fuite Entre références à Charlot et à Anne Frank, T. Waititi imprime un style propre et décalé à l'aune d'un grand écart osé. Malgré une dimension absurde dominante, la gravité n'est pas exempte. Ainsi, la moquerie humiliante d'un cheffailon des Jeunesses Hitlériennes à l'égard de Jojo, qui ne se résout pas à tordre le cou du lapin pour le tuer, contamine d'emblée les camarades de la colo. Le contexte est ainsi rappelé : la soumission à l'autorité peut s'exercer aux dépens de sa propre part d'humanité. Se conformer permet alors de trouver un abri, bien que totalement illusoire. Cette scène, loin d'être anodine, est révélatrice de quelques-uns des leviers transformant l'être par le groupe et le pouvoir. Adviendra ensuite la part de responsabilité à assumer
Équilibrisme burlesque Si T. Waititi, n’est pas le premier à faire cohabiter humour et Adolf Hitler, chaque fois l’exercice relève du numéro d’équilibriste. Et le réalisateur y excelle : dans un film vu à hauteur d’enfant, il dynamite par le burlesque la gravité du propos pour dénoncer les pratiques insidieuses exercées sur une génération crédule et innocente. Le ton loufoque et décalé jusqu’au délire, la mise en scène pleine d’imagination, les dialogues cinglants, font de Jojo Rabbit un film d’une grande originalité, qui nous promène de l’humour le plus noir à l’émotion la plus intense. — SB
© 2019 TWENTIETH CENTURY FOX
Solution finale
par chacun… En attendant, Jojo, lui, a fui, avec raison. Un autre cheminement l'attend, une rencontre sensible sous son propre toit. Très belle. — RS
Ofni Film de studio hollywoodien, certes, mais assez inclassable. Jojo Rabbit est réalisé par Taika Waititi, Néo-zélandais né d'un père maori et d'une mère d'ascendance juive ashkénaze russe. Et qui joue le rôle de l'ami imaginaire du héros, à savoir, Adolf Hitler ? Le réalisateur lui-même. Ofni du mois. — JF N°388 — avril 2020
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Histoire d'un regard
AU T OU R D ES F ILMS — À P ROP OS
Le pouvoir du fixe Il peut être tentant d'imaginer que l'image « vraie », prise sur le vif, garante à 100 % de la réalité, de l'authenticité, transmettrait mieux ou plus l'émotion du moment de vie qu'elle saisit et représente. De la même manière, on pourrait aussi se dire (il s'agit bien sûr du point de vue d'un cinéphile/cinéphage, mais si vous lisez ces lignes, il y a des chances que vous soyez vous aussi peu ou prou membre de la secte…) que l'image en mouvement, l'image filmée, saura mieux et plus transmettre la vérité du moment filmé que ne le ferait une image fixe. L'idée, en gros, c'est que plus « ça ressemble », plus ça « a l'air vrai » et plus ce serait susceptible de faire passer de l'émotion. Le très beau (exemplaire, même) film de M. Otero sur le travail et la vie du photographe Gilles Caron, Histoire d'un regard, nous offre ce qui m'a semblé être un puissant exemple… du contraire ! Une scène du film, en effet, m'a posé quelques questions ET touché comme rarement. Biafra, 1968. Gilles Caron, comme de nombreux autres photographes de presse, saisit des images de combattants, d'hommes et de femmes faméliques, d'enfants mourant de faim… Il photographie aussi un enfant mort et deux adultes (ses parents ?) qui s'apprêtent à l'inhumer en l'enveloppant dans une natte qui servira de linceul.
Laisser du vide Gilles Caron bien sûr ne filme pas mais prend plusieurs photos très rapprochées que Mariana Otero fait apparaître successivement à l'écran. Il n'y a donc ni son d'origine ni mouvement et pourtant, à cet instant précis, le fractionnement même du mouvement, son découpage, me sont apparus plus émouvants que ne l'auraient été les quelques minutes ou secondes qu'a dû durer l'action. Ce découpage m'a je crois plus frappé au cœur qu'aucun enterrement filmé n'aurait pu le faire.
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Les Carnets du Studio
© DIAPHANA DISTRIBUTION
Histoire d'un regard \ Mariana Otero
Alors quoi ? Alors, tout se passe comme si c'était dans les interstices vides laissés entre les images fixes que s'est projetée mon émotion. Les images ne s'enchaînaient pas de manière fluide à raison de 24 par seconde(1) mais fixaient autant d'instants de douleur là où la même scène filmée n'aurait peut-être généré qu'UN seul moment poignant. Il n'y a aucune généralité à tirer de cette observation mais j'y vois comme un parallèle avec certains films (Valse avec Bachir en étant sûrement le meilleur exemple) dans lesquels la légère déréalisation induite par le caractère dessiné de l'image me rendait plus sensible l'univers du film ainsi porté sous mes yeux. Mais il y a encore autre chose : ce que nous voyons à ce moment du film de Mariana Otero, ce ne sont pas QUE des images fixes… ce sont des images fixes mises en scène par le processus filmique… Le cinéphile est soulagé de retrouver intacte sa passion pour les images qui bougent… Ouf… — ER (1) Il y aurait beaucoup à redire sur l'aphorisme godardien qui veut que « la photographie c'est la vérité et le cinéma c'est 24 fois la vérité par seconde… »
AU T OU R D ES F ILMS — IN T ERFÉREN CES
Histoire d’un regard Sympathie pour le diable
Portraits d’un disparu Dans la mythologie contemporaine le correspondant de guerre tient une place à part, entre le héros qui brave la mort pour l’édification des foules et le paria contaminé par les horreurs qu’il a vues, décrites, photographiées. Deux films récents nous proposaient deux portraits cinématographiques radicalement différents.
À la 2e personne À l’origine du superbe Histoire d’un regard de Mariana Otero il y a une coïncidence biographique. Feuilletant un livre sur le photographe Gilles Caron, elle est tombée sur les dernières pages qui racontaient sa disparition au Cambodge en 1970. Sur son dernier rouleau, au milieu « des images de reportage, deux petites filles en bonnet dans un jardin en hiver, ses deux filles Marjolaine et Clémentine. J’étais saisie. Je retrouvais, comme en miroir, les dessins que ma mère peintre, Clotilde Vautier, avait faits de ma sœur et de moi-même enfants, peu avant sa mort en 1968, alors qu’elle aussi avait à peine trente ans. » Elle a été traversée par le même désir que celui qui avait donné naissance
à Histoire d’un secret en 2003 : « Faire revivre un artiste à partir des images qu’il laisse et exclusivement à partir d’elles. » Dialoguant avec l’absent, elle part à la découverte des 100 000 photos qu’a laissées Caron et les questionne, les dispose dans l’espace, tente de retrouver le parcours d’un homme, sa façon de regarder le monde. Et c’est passionnant de bout en bout, parce que dans ce travail d’une archéologie sensible, elle parvient à retrouver « une dimension narrative, romanesque et cinématographique » aigüe.
Mimétiquement votre Le film de Guillaume de Fontenay, intitulé Sympathie pour le diable, nous plonge brutalement dans l’enfer du siège de Sarajevo en 1992, avec comme guide, excessif et à fleur de peau, Paul Marchand, reporter français, avec lequel le réalisateur a signé le scénario en 2009, à partir de son roman éponyme, avant qu’il ne se suicide quelques mois plus tard. C’est l’acteur Niels Schneider qui est chargé de faire revivre Marchand, sa démesure, ses fanfaronnades provocatrices, ses coursespoursuites suicidaires sur
Sniper Alley ; et il le fait avec un éblouissant panache. Pendant des années personne n’a voulu financer ce film. Sarajevo n’intéressait plus, cet enfer où Serbes et Croates ont commis des crimes atroces, tout ça sous l’œil impassible de la communauté internationale », comme l’affirmait à chaque fin de reportage le mercenaire de l’information qui avouait au réalisateur : « J’ai marché en terre contaminée, je ne suis plus apte à vivre… Je suis vieux de milliers de morts. » Le réalisateur n’a ni voulu faire le portrait d’un héros, ni glorifier ses méthodes, mais « faire un film à hauteur d’homme » à l’heure où l’histoire se répète en Syrie, au Soudan, au Yémen, en Irak, avec la même apathie collective qui le révulse. Il voulait retrouver sur grand écran la force désespérée des cris d’alarme de Paul Marchand. — DP N°388 — avril 2020
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RENCONTRE
Le 31 janvier, pour la troisième fois, Mariana Otero a présenté Histoire d’un regard, un documentaire intense à la recherche de Gilles Caron, grand reporter disparu brutalement en 1970 au Cambodge.
La genèse du film fait partie du film
© NICOLE JOULIN
« C’est l’histoire du regard de Gilles Caron et l’histoire de mon regard sur Gilles Caron ». La réalisatrice considère son documentaire comme le second volet d’une œuvre antérieure et intime, Histoire d’un secret (2003), consacrée à sa mère, artiste-peintre décédée suite à un avortement. M. Otero considère Gilles Caron aussi comme un artiste. En 2013, alors que M. Otero terminait À ciel ouvert, elle reçoit un ouvrage sur G. Caron. En voyant les dernières pellicules du reporter sur des photos du Cambodge et de sa famille, elle fait le lien avec des dessins de sa mère la représentant avec sa sœur. « Ça a fonctionné comme un signe ».
100 000 photos ! Mariana Otero accède ensuite à la totalité des pellicules de G. Caron : « c’est un vrai cadeau », toutes ces photos numérisées. Marianne Caron, « pendant des années, n’avait plus voulu en entendre parler. C’était il y a dix ans qu’ils ont ressorti les photos, fait la Fondation, des expositions ». C’est parce que Marianne Caron avait beaucoup aimé Histoire d’un secret qu’elle a accepté. Avec une stagiaire, M. Otero a mis six mois pour ranger les rouleaux. Elle s’est renseignée pour croiser les pellicules, repérer qui est qui : première étape d’un « travail archéologique » !
« Après ça, il a fallu construire le film » Avec l’avance sur recettes, il a fallu cinq ans de travail avec, au milieu, le documentaire L’Assemblée en 2017. « Les évènements qu’a
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Les Carnets du Studio
racontés G. Caron à travers ses photos ont encore des résonances ». Concernant la célèbre photo de Cohn-Bendit pendant les évènements de 68, la réalisatrice s’aperçoit que des photos ont été inversées. Elle se rend compte de l’intention de G. Caron : « il a envie de faire cette photo, envie de faire le tour, de prendre le policier. […] Je peux redonner un corps, une présence à Gilles Caron, la possibilité d’interpréter Gilles Caron à travers ses photos ». Pour construire le documentaire, M. Otero a conservé les reportages les plus importants présentés dans l’ordre chronologique : Jérusalem et la guerre des Six Jours, Vietnam, guerre civile au Biafra, manifestations catholiques à Londonderry, Printemps de Prague, le Tibesti tchadien avec Raymond Depardon, etc.
Mariana Otero
Dialogue... « Ce qui m’a guidée aussi, je voulais utiliser un dispositif différent pour chacun des reportages, l’objectif étant de faire émerger quelque chose d’important. […] C’est comme une enquête, donc je dis “je” ». G. Caron, elle le tutoie parce que « pendant six mois, j’ai travaillé sur ses photos ». C’est « extirper aussi le sujet de celui qui photographie. “Tu”, c’est une manière de le convoquer, il est là, c’est l’émergence de sa présence, ce n’est pas un biopic ! C’est un récit très subjectif ». « Il y a plein d’autres photos magnifiques. Le film n’est pas une exposition des photos de Gilles Caron. C’est une interprétation, un récit et aussi ses réflexions sur la photographie ».
« C’était de la broderie ! »
BIO EXPRESS Après des études de cinéma à l'IDHEC, Mariana Otero se tourne vers le documentaire. Cette télévision est la vôtre (1997) fera polémique au Portugal. Membre de l’ACID et enseignante à la FEMIS, ses documentaires sont remarquables : La Loi du collège (1994), Entre nos mains (2010)...
Au montage, il s’agissait de conserver le cadre de G. Caron. « J’avais l’impression qu’il photographiait comme il filmerait, avec des gros plans, des plans rapprochés, comme des scènes de cinéma…. D’où l’hypothèse qu’il allait aller vers le cinéma ». « Pour la bande-son, on a fait venir un musicien qui nous a proposé plein de sons. Ça a été très vivant avec le montage. Il y a aussi du silence et du silence avec du souffle. C’était très important ». Il fallait aussi trouver la durée juste de la photo. D’où un travail très minutieux. « Il y a une forme de mélancolie, c’est un film sur la disparition, sur ceux qui ne sont plus là ». Gilles Caron, c’était un jeune homme qui, pendant la guerre d’Algérie, suite à un refus de combattre, a été emprisonné deux mois. Il rentre profondément blessé et devient photo reporter. « G. Caron avait trois appareils photo, dont un avec une pellicule couleur pour faire les couvertures. Il avait une grande culture artistique et ses photographies sont habitées d’un grand imaginaire. Il n’est pas juste habité par le réel. Il photographie toujours des gens, ce n’est pas seulement un évènement. Quand il photographie cet enfant [au Biafra], la position de son corps, ce n’est pas un enfant, c’est CET enfant-là. Ça donne une singularité, une puissance émotive, un aspect cinématographique ». Et si « évidemment, il manque les dernières » pellicules de Gilles Caron, Mariana Otero nous a offert une œuvre remarquable pleine d’humanité pour une soirée d’une très grande richesse. — RS N°388 — avril 2020
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RENCONTRE
Un film judiciaire passionnant, intelligent, et percutant ; le débat qui suivit la projection en avant-première le 10 janvier dernier le fut tout autant.
Le doute au cœur (du film) Un fait divers glaçant
sera évoqué par la suite au cours du procès, il servira de déclencheur à l’interrogation des parents : que pensait leur fille quand les policiers ont investi le lieu pour l’arrêter ?
Le scénario écrit en moins d’un an s’inspire d’un fait divers qui marqua l’Argentine : alors qu’une étudiante a été sauvagement assassinée, tout accuse sa meilleure amie, dont la victime venait de mettre en ligne sans son consentement une sextape sur les réseaux sociaux. Si le film argentin Accusada de Gonzalo Tobal traite de ce sujet, les deux réalisations sont radicalement différentes. Stéphane Demoustier se concentre sur la famille et le procès. Celui-ci devient le prisme grossissant des rapports entre des parents et leur fille.
Un procès d’assises
Une introduction tout en douceur
© NICOLE JOULIN
La scène de plage tournée à la Bernerie qui ouvre le film a tout de l’image d’Épinal : une famille réunie – il y a là les parents, la fille adolescente et son jeune frère –, la mer et un horizon dégagé. Le plan est large, harmonieux, aéré, propice à l’apaisement. Ce sera le seul de tout le film ! Et quand il
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Les Carnets du Studio
Hormis quelques séquences tournées dans la maison moderne de la famille, le jeune réalisateur nous enferme dans le tribunal à l’architecture très contemporaine de Nantes, et plus précisément dans la salle d’audience où se tient le procès : 100 figurants, 40 techniciens et un plan de tournage contraint par la disponibilité du lieu entre deux procès. Il y a l’avocate générale, rôle difficile tenu avec précision et talent par Anaïs Demoustier, sœur de Stéphane. Elle doit porter l’accusation et, comme il n’y a pas de preuves flagrantes, elle tente de convaincre en dérivant sur le plan moral. Le procédé est habituel dans ce genre de cas. Aux côtés de l’accusée son avocate, Anne Mercier, la plus âgée et la plus sereine de l’assemblée. Elle se montre ouverte et en paix face à l’attitude déroutante de la prévenue. Nous ne verrons pas l’intervention du psychiatre qui dresse le portrait psychologique de Lise, ni les jurés qui resteront hors champ. La configuration de l’espace fait que nous sommes à leur place. Nous voilà donc convoqués pour prendre parti. Et ça marche ! Aucune improvisation : réquisitoire et plaidoirie ont été écrits par le réalisateur, cette dernière
Stéphane Demoustier
revue par Pascal-Pierre Garbarini, avocat pénaliste qui tient le rôle du président du tribunal. Le procès structure le film : sa dramaturgie sert de fil rouge. Stéphane Demoustier, qui a beaucoup fréquenté les tribunaux avant et pendant l’écriture, a recherché la rigueur : il fallait que ce soit plausible mais pas documentaire, trouver le difficile équilibre afin de privilégier la fiction. Le résultat est prodigieux : nous sommes captivés de bout en bout.
Ces adolescents qui nous échappent Pendant tout le film-procès l’attitude de Lise se prête à toutes les interprétations. Personnalité complexe, elle parle peu, refuse de se justifier même si son attitude peut se retourner contre elle. Nous sommes désemparés face à ses silences qui peuvent être autant synonymes d’innocence que de culpabilité, comme nous le sommes par la sexualité d’adolescents dépourvue d’affect. Ses parents, qui découvrent que leur enfant est une étrangère, après être passés par une suite d’émotions très fortes le sont tout autant que nous. Mais jusqu’où connaît-on ses enfants ? jusqu’où les aime-t-on ? accepte-t-on ce qu’ils sont ?
Un film sur le doute
BIO EXPRESS Diplômé d’HEC, féru d’architecture, de cinéma et de tennis qu’il pratiqua à un haut niveau, Stéphane Demoustier, 43 ans, signe avec La Fille au bracelet son deuxième long métrage, après Terre battue (2014 avec Olivier Gourmet et Valéria Bruni-Tedeschi).
Au cœur du film, une scène contribue à accentuer notre désarroi et à nous déstabiliser un peu plus : le couteau manquant – qu’on ne peut s’empêcher d’associer au crime – est retrouvé dans la maison de la Bernerie par le jeune frère. On sent alors les parents de Lise vaciller. L’innocence de leur fille semble irrémédiablement mise à mal. C’est à ce moment que se révèle le doute qu’ils essayaient de contenir : et si leur attitude n’était qu’une posture ?
Coupable ou innocente Nous aurons d’autant moins de certitudes que le réalisateur lui-même nous avoue qu’il ne sait pas si Lise est coupable ou innocente… Et il sème le trouble jusqu’au bout : le bracelet qu’elle passe à son pied à la fin du film marque-t-il l’attachement de la jeune fille à sa victime ou remplace-t-il le bracelet électronique, symbole de culpabilité, dont elle vient d’être libérée ? L’intérêt du film est aussi de questionner sur les différentes formes que la vérité peut revêtir ; enfermés avec tous les protagonistes dans le huis clos du tribunal, nous ne pouvons échapper à ce questionnement… La Fille au bracelet est un grand film dont on ne sort pas indemne ! — SB N°388 — avril 2020
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RENCONTRE
Le 7 février dernier le tourangeau Étienne Chaillou était de retour aux Studio, sa « salle de cœur », pour présenter son deuxième long métrage, La Cravate, réalisé comme le précédent (La Sociologue et l’ourson) avec son comparse Mathias Théry. Le débat passionné qui a suivi la projection devant une salle archi-comble a confirmé que le film, passionnant à bien des égards, ne laisse pas indifférent.
La juste distance Bastien
© ROSELYNE GUÉRINEAU
Quelques mois avant les élections présidentielles de 2017, France 3 décide de s’intéresser à des jeunes qui vont voter pour la première fois. La chaîne commande un reportage à Étienne Chaillou et Mathias Théry. Tandis que le premier coordonne le projet, le second part en quête de « jeunes » dans les Hauts-de-France. Il y rencontre Bastien Régnier, 20 ans, jeune homme assez mystérieux, militant du Front National, adepte de Marine Le Pen, dont il a accroché le poster au-dessus de son lit. Rien ne semblait pourtant le prédisposer à suivre cette orientation : issu d’un milieu aisé, sa famille est éloignée de tout engagement politique et sa petite amie se dit proche de Jean-Luc Mélenchon.
Un long apprivoisement Les cinéastes et le militant vont progressivement se découvrir, jusqu’à partager une forme de complicité. Bastien prend plaisir à discuter avec les deux réalisateurs, qui le rencontrent régulièrement et ne lui cachent rien de leurs opinions opposées aux siennes. Il a envie de montrer le côté acceptable du Front National, aime visiblement se raconter, semble sincère et fier de se prêter au jeu de l’interviewé. Pourtant les non-dits et les omissions volontaires dans son parcours vont pousser les réalisateurs à mener un véritable travail d’enquêteurs. Ils réussiront à reconstituer les pièces manquantes ou obscures de sa vie d’avant
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Les Carnets du Studio
le FN – ses liens avec les groupes d’extrême droite violents, la mouvance skinhead, un évènement dramatique de son adolescence… Toutes ces clés donnent peut-être les raisons de son engagement extrême : et s’il avait adhéré au FN parce qu’il avait peur ? Si c’était la conséquence d’évènements subis et d’une succession de choix inappropriés ?
Le choix du romanesque Les documentaires, comme toute œuvre cinématographique, sont construits, ont un côté artificiel, induisent une façon de voir. Partant de
Étienne Chaillou
BIO EXPRESS Après des études de cinéma à l'IDHEC, Mariana Otero se tourne vers le documentaire. Cette télévision est la vôtre (1997) fera polémique au Portugal. Membre de l’ACID et enseignante à la FEMIS, ses documentaires sont remarquables : La Loi du collège (1994), Entre nos mains (2010)...
ce constat, les deux réalisateurs ont une nouvelle fois fait un choix d’une grande originalité : après les marionnettes de La Sociologue et l’ourson, ils nous montrent un documentaire sur un film en train de se faire et dont le héros est un personnage qui pourrait être celui d’un roman. Ils ont d’abord tourné des séquences de Bastien en action au sein du Front National et dans sa vie privée, en même temps qu’ils l’interviewaient hors caméra. Ces entretiens très libres ont servi ensuite à écrire un texte de forme « littéraire » qu’ils présentent à Bastien après l’avoir joliment mis en page. Ils le filment alors réagissant à ces écrits qui seront, avec son accord, la voix off du film. Le résultat, formidable, nous donne à voir deux styles de séquences. Soit on suit Bastien devenu le héros de sa propre vie, distribuant des tracts, se faisant insulter, gravissant les échelons en accédant à quelques responsabilités. C’est un gars droit, un brave petit soldat, mais on comprend vite qu’il n’atteindra pas les sommets d’une formation pleine d’ambitieux qui le méprisent. Soit il est filmé face caméra en train de lire le texte écrit à la troisième personne et réagissant à sa vie, son histoire, jusqu’à révéler des moments cachés que le FN l’obligeait à taire. Cette forme avec une voix off qui efface quasiment toutes les autres offre en outre des moments savoureux : on voit ainsi les cadres du parti à la tribune de meetings ou au milieu des ouvriers de l’usine Whirlpool mais on ne les entend pas. Le décalage est époustouflant ! La même prise de distance est induite par les morceaux de musique des années 80 qui ponctuent le film ou par l’emploi de l’imparfait ou du passé simple dans le texte narratif…
Aller au fond des choses En usant de ces artifices, Étienne Chaillou et Mathias Théry réussissent l’exploit d’analyser avec finesse le fonctionnement d’un parti politique en général et du Front National (devenu RN) en particulier. Ils soulignent le poids de la communication qui détruit le politique, l’aisance des cadres du parti et la place dévolue aux simples militants, mettent en garde face au mépris dont sont victimes les votants du parti d’extrême droite… C’est très fort. — SB N°388 — avril 2020
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atelier
Mercredi 22, après la séance de 16h, atelier Gloutons, gloutonnes. Inscriptions auprès de Jérémie Monmarché (monmarche@studiocine.com)
© GEBEKA FILMS
© EUROZOOM
JE U NE P UBLIC
Les Mondes parallèles TOUT PUBLIC À PARTIR DE 12 ANS - 1H33 VO
VF
Japon - 2018, film d'animation de Yuhei Sakuragi
Les Ours gloutons À PARTIR DE 4 ANS - 45 MIN VF
Shin et Kotori sont deux adolescents de Tokyo. Ils rencontrent un jour Jin, un garçon sosie de Shin. Il prétend venir d'un Japon parallèle où la vie des siens est mise en danger par une princesse malfaisante, sosie de Kotori. Pour sauver son peuple, il doit donc la pourchasser… Comme les deux adolescents du film, laissez-vous bouleverser par ces mondes parallèles. Un beau récit initiatique dans ce premier film qui plaira aux amateurs de science-fiction.
Nico et Mika sont deux ours bruns très amis qui vivent dans une belle maison en plein cœur de la forêt. Ils partagent une passion commune pour les bons petits plats. Prêts à tout pour s’en procurer sans effort, ils bravent les risques pour leurs papilles ! Un film tout en bonne humeur et en chansons, une jolie entrée au cinéma pour les petits !
© CINÉMA PUBLIC FILMS
République Tchèque - 2019, film d’animation d’Alexandra Hetmerová & Katerina Karhankova
Le Prince serpent TOUT PUBLIC À PARTIR DE 10 ANS - 59 MIN
école et cinéma Mercredi 1er avril à 14h, séance tout public ouverte aux enseignants du cycle 3 inscrits à École et Cinéma.
Venez découvrir trois fabuleuses histoires qui vous entraîneront du bord d’une mare jusqu’en Arctique au pays des Inuits en passant par l’antique Mésopotamie. Trois contes pour s’interroger sur l’intelligence, la tolérance et la simplicité… © EUROZOOM
© CINÉ TAMARIS
France - 2013/2019, programme de 3 courts métrages d’animation de Fabrice Luang-Vija & Anna Khmelevskaya
Jacquot de Nantes TOUT PUBLIC À PARTIR DE 8 ANS - 1H58 France - 1991, film d’Agnès Varda
En 1939, Jacquot, 8 ans, fils d’un garagiste, vit à Nantes au-dessus du garage paternel. Mais alors que son père voudrait faire de lui un mécanicien, Jacquot ne rêve que de réaliser des films, et finit par s’acheter une petite caméra… Cet hommage pudique d’Agnès Varda à son mari saura émouvoir et enchanter les adultes comme les enfants.
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Les Carnets du Studio
Les Nouvelles Aventures de Rita et Machin sortie À PARTIR DE 4 ANS - 47 MIN VF
nationale
France/Japon - 2019, programme de 10 courts métrages de Pon Kozutsumi et Jun Takagi
Rita a 5 ans, une robe à fleurs et des idées plein la tête. Machin, son chien, a une tache sur l’œil et un petit bout de queue. Ils reviennent pour de nouvelles aventures où tout se termine toujours par un câlin.
En avant
© FUTURIKON FILMS
animation Après la séance unique de mercredi 8, animation Quiz.
À PARTIR DE 6 ANS - 1H40 VF États-Unis - 2020, film d'animation de Dan Scanlon
Dans la banlieue d'un monde imaginaire, deux frères elfes partent à l'aventure pour ramener à la vie leur papa pendant une journée. Une quête qui va les amener à quitter le confort matériel de leur vie moderne et à retrouver la magie qui règne en eux. Les créateurs de Toy story, Coco et Les Indestructibles vous embarquent dans un nouvel univers. Partez cette fois en quête de la magie qui règne en chacun de vous…
Minuscules 2 : les Mandibules du Bout du Monde À PARTIR DE 5 ANS - 1H32 France - 2019, film d’animation de Thomas Szabo & Hélène Giraud
L’Appel de la forêt TOUT PUBLIC À PARTIR DE 9 ANS - 1H40 VF
Lorsque les premières neiges tombent dans la vallée, nos petits héros doivent préparer des réserves pour l’hiver. Mais durant l’opération, la coccinelle se retrouve piégée dans une boîte… destination les Caraïbes ! L’équipe de choc reprend donc du service, dans un tout nouveau décor…
États-Unis - 2020, film d’aventure de Chris Sanders
© 2020 - PRELUDE - PATHE - STUDIOCANAL - TF1 FILMS PRODUCTION - BELGA FILMS PRODUCTIONS - KOROKORO
© 2019 DISNEY/PIXAR. ALL RIGHTS RESERVED © TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
Avril 2020
© CARLOTTA FILMS
La vie paisible du chien Buck bascule lorsqu’il est brusquement arraché à sa maison et devient chien de traîneau dans les étendues sauvages du Yukon canadien. Buck va devoir lutter pour survivre, jusqu’à finalement devenir son propre maître.
Le Prince oublié TOUT PUBLIC À PARTIR DE 9 ANS - 1H41
Dark crystal TOUT PUBLIC À PARTIR DE 8 ANS - 1H33 VF États-Unis - 1983, film d’animation de Jim Henson & Frank Oz
Un autre monde, un autre temps… Jen et Kira, seuls survivants de la race des Gelfings, partent à la recherche d'un éclat de cristal gigantesque, qui donne force et puissance au peuple Mystiques. Ils doivent affronter les terribles et cruels Skekses qui tiennent ces derniers en esclavage.
France - 2020, film de Michel Hazanavicius, avec Omar Sy, Bérénice Bejo, François Damiens…
Sofia vit seule avec son père qui tous les soirs lui invente une histoire pour l’endormir. Ses récits extraordinaires prennent vie dans un monde imaginaire. Mais trois ans plus tard, son père va devoir accepter que sa fille grandisse… Un film qui plaira à toute la famille et qui séduira par son originalité en mêlant images réelles et film d’animation. N°388 — avril 2020
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EN B RE F — NOUVEL L E S D’ ICI ET D’AILLEU RS
DE BÂLE À LONDRES
DE WIM WENDERS À EDWARD HOPPER Dans le cadre d'une exposition consacrée à Edward Hopper à la fondation Beyeler de Bâle, le cinéaste allemand a réalisé un film ovni d'une quinzaine de minutes intitulé Deux ou trois choses que je sais sur Edward Hopper. On y découvre quelques-uns des plus grands tableaux du maître américain, incarnés par des acteurs en chair et en os dans des décors réels. Tout y est : la lumière, l’ambiance… et le mystère si propre aux œuvres de Hopper. Wim Wenders a toujours indiqué que les tableaux de Hopper ont, depuis le début de sa carrière, nourri les décors, la lumière et les couleurs, mais aussi la place des personnages dans le cadre de ses films. Il déclarait récemment sur France Inter : « La lumière chez Hopper est très cinématographique. Il fait des cadrages que l’on ne connaît pas dans la peinture, même le format c’est du cinémascope ! »
DE L’ÉCRITURE À L’ÉCRAN C’est Guillaume Nicloux qui réalisera l’adaptation du roman à succès Soumission de Michel Houellebecq ; quant à Mélanie Laurent, elle s’attaque à celle du Goncourt des lycéens, Le Bal des folles de Victoria Mas.
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Les Carnets du Studio
C’est à la Tate Gallery que Steve McQueen (Hunger, 12 Years a Slave) expose ses films d’art, une série d’œuvres invitant à une exploration sensorielle, souvent liées à l’identité noire. « Je me souviens de ma première visite à la Tate quand j'étais un tout jeune écolier de 8 ans, c'est vraiment le moment où j'ai commencé à comprendre que tout était possible », a souligné le réalisateur. La différence entre ses films d'art et ses longs métrages : « Les uns sont de la poésie, les autres des romans. La poésie est condensée, concise, fragmentée. Le roman est une longue histoire. »
DE LONDRES À BERLIN Exit Alfred Bauer : après des révélations fracassantes sur le passé nazi du premier directeur du festival de Berlin (de 1951 à 1976), les organisateurs ont retiré le prix qui portait son nom et qui récompensait un film ouvrant de nouvelles perspectives dans l'art cinématographique. Selon Die Zeit, qui s'appuie sur des recherches minutieuses, Alfred Bauer (1911-1986) a été un haut responsable de l'organisme cinématographique de propagande mis en place par le ministre d'Adolf Hitler Joseph Goebbels. Membre du parti nazi NSDAP, il fut aussi « un fervent SA », selon des documents rédigés par les nazis euxmêmes. Ce monsieur a joué un rôle de premier plan dans la surveillance des acteurs, des réalisateurs et d'autres membres de l'industrie du film sous le Troisième Reich. Il en aura fallu du temps pour révéler un passé aussi compromettant… — SB
INFOS P RATIQU ES
Bienvenue dans le premier cinéma Art & Essai d’Europe, avec 7 salles et chaque semaine plus de 20 films de tous les horizons en V.O. sous-titrée ! Les cinémas Studio sont membres de ces associations professionnelles :
Bibliothèque
Horaires d’ouverture : Lundi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi : 15h30 à 19h30. Fermeture pendant les vacances scolaires et jours fériés.
Cafétéria
EUROPA CINÉMA Regroupement des salles pour la promotion du cinéma européen.
AFCAE
Association française des cinémas d’art et essai. Association des cinémas de l’Ouest pour la recherche (membre co-fondateur).
Gérée par l’association d’insertion AIR, la cafétéria des Studio accueille les abonnés sur présentation de leur carte de 15h30 à 21h30 (vendredi et samedi : 15h30 à 21h45). Tél. : 02 47 20 85 77.
GNCR
Abonnements
ACOR
Groupement national des cinémas de recherche.
Valable 1 an, l’abonnement permet de bénéficier d’un plein tarif à 5,50 ¤ au lieu de 9,50 ¤, tous les jours et à toutes les séances. Abonnement amorti en moins de 5 séances ! Informations à l’accueil des Studio ou auprès de votre correspondant.
ACC
Association des cinémas du Centre (membre co-fondateur).
Réabonnez-vous !
Cinémas Studio 2 rue des Ursulines 37000 Tours www.studiocine.com suivez-nous !
PRIX DE L’APF 1998
Votre abonnement est valable 1 an, à partir du jour où vous le prenez. La date d’expiration de la carte est inscrite sur votre ticket d’entrée. Pour vous réabonner : • À l’accueil des Studio. Ne pas oublier d’apporter sa carte (elle est rechargeable). • Auprès de votre correspondant ou de votre CE (avec mon ancienne carte). • Par internet, (excepté en cas de changement de statut, ou tarif réduit à 10 euros). Règlement : carte bancaire, chèques, espèces, chèques vacances. N°388 — avril 2020
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film du mois
© WANG QUAN AN
La Femme des steppes, le flic et l’œuf
Mongolie • 2019 • 1h40, un film de Wang Quan'an avec Aorigeletu, Gangtemuer Arild, Dulamjav Enkhtaivan...
Au beau milieu de la steppe mongole, dans un espace gigantesque et désert, loin de tout, est retrouvé le corps d'une femme assassinée. Une équipe de policiers arrive pour enquêter. Comme il faut que l'un de ses membres reste sur place pour monter la garde sur les lieux du crime toute la nuit, c'est, bien sûr, le plus jeune qui est désigné. Le soir venu, une jeune bergère étrangement surnommée Dinosaure le rejoint pour lui apporter à manger, mais aussi pour l'aider à se protéger du froid et des loups. Elle restera toute la nuit et ne repartira que le lendemain matin. Mais quelque chose aura changé pour elle comme pour lui… Et ce n'est que le début des surprenantes péripéties vécues par les personnages, car, comme le dit l'un d'entre eux, « Ce que voit l'œil humain n'est pas toujours la réalité ». La Femme des steppes, le flic et l'œuf, est aussi dépaysant que malicieux et joueur. Non seulement il mêle habilement amour,
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crime passionnel, naissance, préhistoire, mais il est aussi un véritable régal pour les yeux. Les lumières de l'aurore ou du crépuscule sur ces paysages à l'horizon infini et où le ciel occupe les deux tiers de l'écran, sont éblouissantes. Wang Quan'an n'est pas tout à fait un inconnu : habitué aux récompenses, on a déjà pu apprécier son talent grâce à La Tisseuse, Le Mariage de Tuya (Ours d'or au Festival de Berlin) ou Apart Together (Ours d'argent, toujours à Berlin), La Femme des steppes, le flic et l'œuf a, quant à lui, reçu la Mongolfière d'or au dernier Festival des trois continents de Nantes. Si, jusque-là, son nom était plutôt synonyme de drame, ce changement de registre est une réussite. Aussi léger que profond, porteur d'une poésie étrange, presque décalée lorsqu'il se lance sur des pistes cosmiques, il ne fait jamais preuve d'un sérieux lourdingue sur des questionnements métaphysiques, au contraire, son regard simple sur le temps et son écoulement reste toujours à hauteur humaine. Ce conte, coproduction entre la Mongolie et la Chine, est un vrai délice qui a tout pour séduire. — JF
Les Carnets du Studio N° 388 — 2 rue des Ursulines 37000 Tours