JUIN-JUILLET-AOÛT 2019 #42
TEASING
À découvrir dans ce numéro... «LE MEILLEUR CROQUE-MONSIEUR DU MONDE»
TUE-MOUCHE
GWELL TOP CHEF
«SANS TRICHE, SANS ESBROUFE, SANS ARTIFICE»
KOUIGN-AMANN
HOMARD ANDOUILLE
SCOUBIDOU
«IL Y A SEPT ALCOOLS DIFFÉRENTS DEDANS»
ÉDITO
À TAAAAAAAAABLE Pour ce numéro spécial de Bikini consacré à la bouffe (et à la boisson, hihi), on ne va pas vous mentir : on avait envie de se faire plaisir. Alors oui, on en a du coup profité pour faire des articles, mais c’est d’abord la perspective de parcourir la Bretagne à la recherche du meilleur du miam miam et du glou glou qui nous a motivés. Des rencontres dans les champs au milieu des bêtes (« fais gaffe qu’elle te donne pas un coup de corne quand même »), des visites au cœur des cuisines, des dégustations sur un coin de table et des apéros qui se prolongent au comptoir (« j’te remets la petite sœur ? ») : c’est ainsi que nous avons recensé les 100 trucs à manger et à boire dans la région. Un road trip culinaire sans a priori, entre incontournables et nouveautés, allant aussi bien zieuter dans les rayons des supermarchés que du côté des producteurs artisanaux. Un grand pont inéluctable, chacun d’entre nous pouvant jongler au cours d’une même soirée entre vin en biodynamie (fini le mal de tête !) et sandwichs totalement junk (« le gras, c’est la vie »). Pour tous ces produits néanmoins : la recherche d’un certain sens. À une époque où la nourriture est presque devenue un étendard politique, manger ne se résume plus uniquement au fait de s’alimenter. C’est comprendre comment cela a été produit, respecter le vivant, redécouvrir des goûts, s’inscrire dans une Histoire, soutenir des démarches vertueuses... Des réflexions qui, menées à bien, nous permettent d’arriver au plus important : se faire plaisir. Alors, bon app’ ! La rédaction
SOMMAIRE 8à9 10 à 39 40 à 47 48 & 49
WTF : Les festivals fêtent leur 30e, les femmes dans le foot, les rendez-vous insulaires... Miam miam et glou glou : les 100 trucs à manger et à boire en Bretagne RDV : Fontaines D.C, Buck, Namdose, Oktober Lieber, “Liberté, égalité, diversité” Les 10 ans des Beaux Gosses
50 BIKINI recommande 4
juin-juillet-août 2019 #42
Directeur de la publication et de la rédaction : Julien Marchand / Rédacteurs : Régis Delanoë, Brice Miclet, Isabelle Jaffré, Jean-Marc Le Droff / Directeurs artistiques : Julien Zwahlen, Jean-Marie Le Gallou / Consultant : Amar Nafa / Couverture : Guillaume Blot / Relecture : Anaïg Delanoë / Publicité et partenariats : Julien Marchand, contact@bikinimag.fr / Impression par Cloître Imprimeurs (St-Thonan, Finistère) sur du papier PEFC. Remerciements : nos annonceurs, nos partenaires, nos lieux de diffusion, nos abonnés, Émilie Le Gall, Louis Marchand. Contact : BIKINI / Bretagne Presse Médias - 1 bis rue d’Ouessant BP 96241 - 35762 Saint-Grégoire cedex / Téléphone : 02 99 25 03 18 / Email : contact@bikinimag.fr Dépôt légal : à parution. BIKINI “société et pop culture” est édité par Bretagne Presse Médias (BPM), SARL au capital social de 5 500 €. Les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Le magazine décline toute responsabilité quant aux photographies et articles qui lui sont envoyés. Toute reproduction, intégrale ou partielle, est strictement interdite sans autorisation. Magazine édité à 20 000 exemplaires. Ne pas jeter sur la voie publique. © Bretagne Presse Médias 2019.
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FESTIVALS : ET DE 30 !
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C’EST CADEAU
SORTEZ LES BOUGIES. PLUSIEURS RENDEZ-VOUS DANS LA RÉGION FÊTENT LEUR ANNIVERSAIRE CET ÉTÉ. DES FESTIVALS DOYENS ET HISTORIQUES QUI AFFICHENT DÉSORMAIS TROIS DÉCENNIES AU COMPTEUR. BELLE PERF’ !
Mathieu Ezan
Rendez-vous pluridisciplinaire du Théâtre de Poche, le festival Bonus revient pour une 7e édition. Parmi les propositions à retenir : La régressive pièce J’ai écrit une chanson pour MacGyver d’Enora Boëlle ou l’utopie ironique Vacances vacance d’Ondine Cloez. Du 22 au 25 août à Hédé.
AU PONT DU ROCK DR
À PLEINES DENTS
Musical et chorégraphique, Canine est un projet protéiforme. Derrière ce nom mordant, se cache la Parisienne Magali Cotta désireuse de brouiller les pistes. Son premier album Dune aux voix androgynes révèle une soul pop détachée de tout genre et de tout âge. Le 2 août au Bout du Monde.
MORTAL KOBA
fast &furious Âgé de 18 ans, Koba LaD connaît une ascension fulgurante depuis son premier album VII sorti sur la filiale française de Def Jam. Le garçon au flow élastique déboule en live pour un paquet de dates, dont le 5 juillet à Bobital, le 23 août au Roi Arthur à Bréalsous-Montfort, le 31 octobre à La Carène à Brest, le 2 novembre à La Nouvelle Vague à St-Malo... 6
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C’est le plus vieux festoche de rock toujours en activité en Bretagne. Fondé en 1989 par une bande de potes réunis dans l’association Les enfants du Roc’k, le festival Au Pont du Rock tient sa première édition (avec Les Wampas en tête d’affiche) au Roc-Saint-André, dans le Morbihan, avant de s’implanter en 1995 à Malestroit, à dix bornes de là. L’esprit rock alternatif des débuts constitue l’ADN de ce rendez-vous qui, cet été, accueille notamment Le Bal des Enragés (photo). Ça va pogoter sévère. Quand ? Les 2 et 3 août
CHANT DE MARIN
« La puissance du port durable ! » Né il y a 30 ans, le festival du Chant de Marin de Paimpol a traversé les océans pour aujourd’hui afficher un joli rythme de croisière. Fête avant tout maritime à sa création (rassemblement de vieux gréements et concerts de chant de marin, d’où le nom), l’événement s’est depuis enrichi d’une programmation musicale XXL. Cet été, près de 160 artistes se succèderont sur les six scènes, dont Femi Kuti, Idir, Cannibale, Jeanne Added, Les Motivés, Goran Bregovic… Quand ? Du 2 au 4 août
ÉTONNANTS VOYAGEURS
Toujours du très beau monde au festival littéraire Étonnants Voyageurs de Saint-Malo. Lectures, conférences, débats, projections, expositions mais – surtout – des rencontres avec des auteurs, dessinateurs, romanciers et essayistes qui pensent le monde d’aujourd’hui et de demain. Parmi les invités de marque de cette 30e édition : Jean Viard, Mona Ozouf, David Diop, Jean-Luc Reichmann (blague), Alaa El Aswany ou encore Laurent Gaudé qui viendront débattre de la démocratie, de l’Europe, de la francophonie, du voyage, des grands mythes... Quand ? Du 8 au 10 juin
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« LE FOOT, C’EST COMME LES PETITES VOITURES... » ANCIENNE INTERNATIONALE ET JOUEUSE À GUINGAMP, MÉLISSA PLAZA EST ÉGALEMENT TITULAIRE D’UN DOCTORAT EN SCIENCES HUMAINES. « PAS POUR LES FILLES », SA BIOGRAPHIE, DÉZINGUE LE MILIEU ALORS QUE SE PROFILE LA COUPE DU MONDE.
N’y aurait-il pas des comparaisons à faire avec la manière dont on attribue certaines catégories de jouets à des garçons et d’autres à des filles ? On est complètement dans ce même type de représentations genrées en effet. Spontanément, on pense du
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Quels sont les ressorts des inégalités hommes-femmes dans le foot ? Ils sont d’abord historiques : le sport en général et le foot en particulier ont été inventés par et pour les hommes. À partir de là… C’est difficile de combler un tel retard temporel. Si la pratique a finalement été autorisée pour les femmes, on nous donne encore aujourd’hui l’impression d’être seulement tolérées dans une sorte de chasse gardée masculine. foot qu’il est plus adapté aux garçons, comme c’est le cas avec les petites voitures. Or, prendre du plaisir à taper dans un ballon est aussi naturel pour les deux sexes. Et il en va de même pour la danse à l’inverse. On est dans des croyances stéréotypées qui se transmettent de parents à enfants.
Dès lors, comment faire évoluer les mentalités ? Ces mécanismes doivent se déconstruire à la base, en laissant les filles jouer au foot si elles le veulent. En cela, la Coupe du monde organisée en France est positive : cela devrait permettre de décomplexer certaines et les inciter à se faire leur place sur le terrain. Pour autant, il m’est difficile d’être optimiste pour l’avenir car les préjugés sexistes persistent dans le milieu. Même chez les pro ? A part quelques exceptions comme à l’Olympique Lyonnais, où j’ai eu la chance d’évoluer et où les filles ont droit au même respect que les garçons, l’élite en France ne donne pas du tout l’exemple. À Montpellier, autre club par lequel je suis passée, les clichés sexistes étaient tels qu’on en était encore à nous demander de poser en petite tenue pour faire de la pub, sans que jamais personne en interne ne voit le problème. Et à Guingamp, où j’ai été contrainte de finir ma carrière prématurément (en 2016, ndlr), c’était pire encore : on m’a obligé à jouer blessée au détriment de ma santé et les filles sont livrées à elles-mêmes en étant pour la plupart payées au lancepierre. Pour certains déplacements, on devait se faire nos sandwichs, on en est encore là… Recueilli par R.D Pas pour les filles, aux éditions Robert Laffont
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L A TENTATION DE L ’ÎLE
TROIS FESTIVALS ONT LIEU SUR LES ÎLES BRETONNES CET ÉTÉ. PARFAIT POUR MÊLER TOURISME ET CULTURE. BELLE ÎLE ON AIR Très prisée des estivants pour ses plages et son doux climat, Belle-Île propose également son week-end festif avec un festival dédié aux musiques actuelles, organisé comme toujours au Palais sur le site du Bois du Génie. Au programme de cette 12e édition : La Fine Équipe, Kokoko ! (photo), Folamour, Jungle by Night, Atoem… Quand ? Les 9 et 10 août à Belle-Île
FILM INSULAIRE Documentaires, fictions, projections en plein air, concerts, expos et débats : le Festival international du film insulaire de Groix, 19e du nom, met cet été à l’honneur le Chili et ses îles, dont la mystérieuse Rapa Nui (île de Pâques) et ses célèbres Moaï. De quoi voyager à l’autre bout du monde tout en restant en Bretagne. Quand ? Du 21 au 25 août à Groix
ILOPHONE « Le plus à l’ouest des festivals » : c’est ainsi que se présente le rendez-vous ouessantin et il est vrai qu’il n’existe pas plus loin géographiquement, à moins de viser l’Amérique ! No One Is Innocent et La Maison Tellier sont les deux têtes d’affiche de cette nouvelle édition organisée à Mezareun. Quand ? Du 6 au 8 septembre à Ouessant 9
DOSSIER
DU CROUSTILLANT, DU FONDANT, DU MOELLEUX, DU GOUTEUX, DU PÉTILLANT, DU GOULEYANT, DU BON POUR L’ESTOMAC, DU BON POUR LA PLANÈTE... ON EST PARTI À LA RECHERCHE DES 100 TRUCS À MANGER ET À BOIRE EN BRETAGNE. 10
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DOSSIER
Et si le meilleur bistrot de Bretagne se trouvait à Plurien dans les Côtes d’Armor ? Installé face à l’église de ce village de 1 400 habitants, le TueMouche fait à la fois bar et charcuterie, tenu par la famille Hénaff depuis sept générations. Une adresse incontournable pour les locaux, mais qui s’est également imposée comme un passage obligé pour tous les amoureux de rades authentiques. Un succès en grande partie dû à Pierrette, la volubile et gouailleuse patronne (un personnage, vraiment), et à un cocktail mystérieux qui a d’ailleurs donné son nom au bar. « Nous ne sommes que deux à connaître la
LE KOUIGN DE THIERRY LUCAS Pas le temps de niaiser. S’il ne devait en rester qu’un, ce serait lui : le kouign-amann de la boulangerie des Plomarc’h à Douarnenez. Le gâteau confectionné par Thierry Lucas est certainement le meilleur qu’on ait eu l’occasion de goûter : une belle caramélisation, du croquant, du fondant, la juste quantité de beurre suintant. La « véritable » recette est stricte : 40 % de pâte, 30 % de sucre, 30 % de beurre. Vous aussi vous salivez ? 12
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LE FARZ BUAN
Parmi la soixantaine de recettes de fars qui existent en BZH (recensées par Patrick Hervé dans son exhaustif guide Fars de Bretagne), il y en a une plus originale que les autres : le farz buan (aussi appelé pitilig). Un far (de blé ou de sarrasin) cuit à la poêle à la manière des œufs brouillés. Pour un résultat à mi-chemin entre la crêpe et le far. Un des desserts chouchous du chef d’origine bretonne Christophe Adam (Les boutiques L’Éclair de Génie à Paris, c’est lui) qui lui a consacré une double-page dans son recette. Tout ce que je peux dire, dernier ouvrage. c’est qu’il y a sept alcools différents L’ABSINTHE D’AWEN NATURE dedans. À toi de deviner… », se marre la tenancière en nous faisant goûter ce breuvage de couleur noire à la fois sucré et amer. Du Picon ? Du muscadet ? Du Martini ? Pierrette reste muette tout en nous servant un deuxième. « Le record, c’est 18. Un gars d’Erquy, un marin-pêcheur. » On n’ira pas jusque-là mais nous Interdite en 1915 car on l’accusait repartirons tout de même avec une de rendre fou, l’absinthe est de bouteille (20 €). « Chaque été, des nouveau autorisée depuis 2011. touristes qui découvrent le cock- Un alcool à l’image injustement tail passent ici avant de reprendre sulfureuse qu’a voulu réhabiliter la route. Belgique, Ukraine… Le Julien Fanny, 33 ans, de la distillerie Tue-Mouche a voyagé. » Awen Nature, située à La Bouëxière entre Rennes et Vitré. « Pour réaliser mon absinthe, j’utilise une base LE SANDWICH SCOUBIDOU de plantes biologiques de grande Un classique des soirées étudiantes et absinthe (qui poussent à l’Amante des lendemains de cuite. Deux steaks Verte, lire page 30, ndlr), d’anis et de hachés, des frites, de l’emmental, des fenouil que je fais macérer dans de tomates, de la salade, des oignons, l’alcool de blé à 96°, avant de passer le tout arrosé de sauce américaine le tout à l’alambic. J’opère ensuite une et écrasé dans un pain panini : le réduction pour avoir une absinthe qui Scoubidou, proposé par l’échoppe peut titrer entre 40 et 60°. Le volume du même nom à Rennes, combine en d’alcool est un équilibre à trouver un même sandwich tous les plaisirs si on veut sentir le côté herbacé. » de la baraque à frites, du kebab et de Pour la dégustation, privilégiez la la chaîne de fast-food. Totalement méthode traditionnelle : complétée à junk mais tellement réconfortant. l’eau, en goutte à goutte sur un sucre.
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LE TUE-MOUCHE
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LE POISSON IKÉJIMÉ
« Une pêche où le poisson ne souffre pas. » C’est le principe de l’ikéjimé, une méthode d’abattage du poisson venue du Japon. En Bretagne, une poignée de pêcheurs se sont spécialisés dans cette technique (dont Daniel Kerdavid, l’un des pionniers en la matière). Basé au port de Térénez à l’entrée de la presqu’île de Crozon, François Castineiras (photo), 29 ans, suit également ces préceptes pour éviter l’agonie du poisson. « On provoque sa mort cérébrale en détruisant ses cellules nerveuses avec une aiguille. La mort ne dure ici que dix secondes, contre plusieurs minutes d’ordinaire. » Avant de lui trancher les artères, pour une saignée rapide et intégrale, son cœur battant encore. Pour un intérêt gustatif certain. « Cela retarde et diminue la dégradation des chairs souvent causée par le sang, de même que la rigidité cadavérique. Le poisson est ainsi à la fois ferme et fondant. »
LE CIDRE DU DOMAINE DE KERVÉGUEN Dans sa réjouissante série documentaire À pleines dents !, Gérard Depardieu s’arrête chez Éric Baron, du Domaine de Kervéguen, à Guimaëc dans le Finistère. Si Gégé lui explique aimer les cidres paysans, « qui te donnent la chiasse tout de suite », il n’en est rien avec les bouteilles de cette cidrerie bio. Parmi ses cuvées phare : Carpe Diem prestige 2017 (13,50 € la bouteille), « une véritable vendange tardive » que l’on retrouve sur les tables de l’Élysée. 13
DOSSIER
L’EMBRUN DE GUILLAUME PAPE
C’est quoi le plat qui a marqué ton enfance ? Les crêpes de ma mère, ça reste un truc qui te suit. Étant du NordFinistère, j’ai également de bons souvenirs des artichauts vinaigrette. Des choses assez simples en fait. bon jus et du croustillant pour rappeler la chapelure. Qui t’a fait découvrir la cuisine ? C’est ma mère. Elle cuisinait beau- Comment définirais-tu ton style coup et, très tôt, j’ai commencé de cuisine ? à l’aider. Je faisais les pluches, je À mon âge (26 ans, ndlr), c’est encore taillais les légumes… Mon père difficile de pouvoir le qualifier. Un étant agriculteur, j’allais aussi lui style culinaire, ça se découvre et se donner un coup de main pour ramas- construit avec le temps. Mais si on ser les patates. Au fur et à mesure, devait qualifier mon approche de ça m’a donné envie. la cuisine, disons que je souhaite travailler les produits du terroir, de Le produit que tu préfères cuisiner ? façon brute, linéaire et nette. C’est le Je n’en ai pas vraiment. Je les aime produit que je veux mettre en avant. tous en fait. Je suis content quand une nouvelle saison arrive car de Depuis que tu es cuisinier, y a-t-il nouveaux produits font leur retour. un plat qui te suit ? L’abricot remplace la fraise qui rem- Il y a un dessert que je prends plaisir place les agrumes et ainsi de suite : à mettre à ma carte depuis que je suis j’aime bien ce cycle. chef. C’est un dessert autour du lait où un jeu de textures se met en place. Dans ton aventure Top chef, quel Dans une même assiette, se mélangent est le plat dont tu es le plus fier ? opaline en sucre de lait, confiture de La coquille Saint-Jacques à la bre- lait, glace, mousse riz au lait... tonne. On devait revisiter un plat de notre région. Un plat qui me tenait L’Embrun, 48 rue de Lyon à Brest à cœur. J’ai travaillé la cuisson pour (menu à partir de 22 € le midi, qu’elle soit irréprochable, avec un de 42 € à 75 € le soir) 14
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Année à fond les ballons pour Guillaume Pape : finale de Top Chef sur M6 (perdue contre Samuel Albert) et ouverture de son restaurant L’Embrun à Brest en mars dernier. L’occasion de tailler le bout de gras avec ce garçon originaire de Taulé qui a grandi entre la cuisine de sa mère et les champs de patates de son père. Forcément ça marque.
PIERRE EON, RESTAURANT DE COPAINS Candidat de la saison 2016 de Top Chef (où il termine en quatrième position), le cuisinier Pierre Eon, 29 ans, a ouvert, fin février, son premier restaurant à Rennes. Produits de saison au cœur de sa carte pour des plats oscillant entre cuisine française soignée et inspirations bistronomiques. Menu à partir de 14 € le midi. 33 rue nantaise à Rennes
MAËL DUVAL, L’AUBERGE TIEGEZH C’était le benjamin du concours culinaire de M6 cette année. Après un parcours plutôt remarqué, Maël Duval, 20 ans, a retrouvé la cuisine de l’auberge Tiegezh (1 étoile Michelin) à Guer dans le centre-Morbihan, où il exerce comme second sous les ordres de Baptiste Denieul, chef créatif et prometteur de seulement 28 ans. Menu à partir de 39 € le midi. 7 place de la gare à Guer
L’ANTI GASPI Vous vous rappelez de la pub sur les fruits et légumes moches ? La PME brestoise Babelicot a décidé de s’en occuper en cuisinant ces surplus de producteurs et des invendus de la distribution (problème de calibrage, produits un peu abimés…). « Transformés en tartinables, sauces, soupes... », précise Margaux Deredec de la conserverie. En matière d’anti-gaspi, la Bretagne est également pionnière de la distribution de produits de récup’ (packaging abimé, DLC courte…) via les épiceries NOUS à Melesse et Saint-Jouan-des-Guérets.
LA LIQUEUR BOUCHINOT C’est la plus vieille liqueur de Bretagne. Imaginée en 1835 à Rennes, sa recette appartient aujourd’hui à la cidrerie Le P’tit Fausset à Merdrignac. « Ça s’appelle liqueur, mais ça entre dans la catégorie des spiritueux, précise Morgann Gauchet, son producteur, qui garde secrètement la composition. C’est un mélange de quatre alcools dans lequel on ajoute du caramel, des épices et des infusions de plantes. »
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MEAT COUTURE
Elena et Andriy Maximov sont des gros zinzins de la bidoche. Dans leur boucherie-delicatessen Meat Couture à Brest, ils se sont spécialisés dans les viandes maturées (jusqu’à 120 jours !) et dans les belles pièces issues de producteurs responsables du coin. Pour fêter l’été, ils organisent un barbeuc géant à Saint-Renan le 21 juin. 15
DOSSIER
TOP 5 DES BIÈRES BRETONNES Au dernier recensement, on dénombrerait 124 brasseries en Bretagne. Le choix de bières est tellement exhaustif qu’il s’avère difficile de trancher pour sélectionner les meilleures d’entre elles. Pour avoir un avis d’expert en la matière, on a demandé à Franck Métivier, zythologue (ou biérologue, sorte d’œnologue de la bière) de livrer son top 5 perso des binouzes de la région.
NEIPA, LA DILETTANTE Le monde de la bière n’échappe pas aux acronymes, NEIPA signifiant New England India Pale Ale, soit une IPA née sur la côte Est des États-Unis, à l’amertume moins prononcée. « Cette NEIPA première du genre en Bretagne est bien juicy, avec de beaux houblons parfumés. On est entre la bière et la salade de fruits », savoure Franck Métivier. Une mousse plaisir, création de La Dilletante, basée à Saint-Nolff.
PHILOMENN BLANCHE Commençons avec une classique, accessible dans beaucoup de points de vente, et pas seulement des caves spécialisées : la Philomenn Blanche de la brasserie Touken à Tréguier (création en 2007). « Une bière de froment légère (5,6°) et aux arômes fruités (banane, citron vert). C’est un incontournable en Bretagne qui se déguste avec plaisir, de préférence au soleil. » Une bière de fraîcheur, donc, à la robe jaune paille, ronde en bouche et généreuse en céréales.
EXPORT STOUT, ARVARUS
HOUBLON DU JARDIN, SAINT-GEORGES
Passons à du un peu plus costaud (en goût comme en alcool comme le prouve ce joli 7,5° sur l’étiquette) avec la stout de la brasserie Arvarus, créée en 2018 à Ploumoguer. Un coup d’essai coup de maître pour notre zythologue : « C’est une bière noire corpulente et puissamment torréfiée, aux notes de cacao et de café soutenues par une profonde amertume sous-jacente. » Passez votre chemin les buveurs de Despé.
Lorgnant également vers les îles britanniques, Jérôme Kuntz de la brasserie Saint-Georges a tapé dans l’œil de Franck Métivier avec sa spéciale houblon du jardin qui, comme son nom l’indique, est brassée uniquement avec les houblons de variété Cascade cultivés sur place à Guern. « On est sur une bière blonde facile à boire, florale, aux accents de malt et de résine de houblon. Elle est proche des Bitter anglaises. »
LA COUCOU DE RENNES
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de la réintroduction de la coucou de Rennes à partir de la fin des années 80. Nous sommes aujourd’hui une petite vingtaine d’éleveurs à produire environ 20 000 pièces par an, vendues en circuit court. » Pour un tarif oscillant autour des 10 € le kilo.
Formé au Japon, le chef Xavier Pensec a réussi à faire de Brest la capitale du sushi. Qualité de poissons exceptionnelle, préparation selon les règles nippones et véritable cérémonial : son restaurant Hinoki fait figure de référence. Plutôt reuch mais pour le kif.
LA KERREIZH
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Race de poule conçue génétiquement à la fin du 19e siècle dans la ferme où se trouve l’actuel écomusée du pays de Rennes, la “coucou” a bien failli disparaître dans les années 50, en plein âge d’or de la religion productiviste. Cette volaille au plumage barré gris foncé et blanc n’est effectivement pas la plus rentable, avec sa croissance lente de 150 jours (contre moins de 40 pour poulets industriels !), mais sa chair est hyper appréciée. « Savoureuse, au léger goût de noisette et rendant peu de graisse, présente Paul Renault, éleveur à Louvigné-de-Bais et pionnier
HINOKI SUSHI
Nouveauté : une bière artisanale sans alcool (si si). Brassée à Langonnet, la Kerreizh est une blonde goûtue qui s’avère être une excellente alternative aux pisse-mémés du marché que sont les Buckler et autres Heineken 0%.
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PALE ALE, SKUMENN Terminons ce tour d’horizon avec un dernier détour vers l’Ille-et-Vilaine et une autre institution : la Pale Ale classique des Rennais de Skumenn, l’une des plus belles réussites brassicoles de ces dernières années en BZH. « Dans l’énorme valse des Pale Ale, celle-ci est réellement plaisante et se distingue de la concurrence, apprécie Franck Métivier. Elle fait la différence avec ses arômes caramélisés. » Il se fait soif, non ?
LE BURGER “BARA KIGER” Le meilleur burger breton est quimpérois. C’est le jury de la 4e édition d’un concours national qui en a décidé ainsi dernièrement, classant le “Bara Kiger” (pain du boucher en breton) du restaurant Le Bistrot d’Lao dans le top 20 français. Conçu par le chef trentenaire Quentin Louarn, il est composé d’un pain boulanger de Kerfeunteun, de viande angus bio séchée, d’une tranche de Brehanais (un fromage morbihannais), d’une sauce au cidre et au bacon fermier, d’une tuile de crêpe de blé noir, d’une compotée d’oignons de Roscoff et d’une tomate confite. Plus canaille, tu meurs. Dispo à la carte pour 16 €. 17
DOSSIER
LA BUVETTE DU MOUSTOIR Burger au poulet avec petits légumes frais et frites croustillantes, bière alcoolisée Lancelot et vin chaud à la cannelle en hiver : la buvette du stade du Moustoir à Lorient est « la meilleure de France », estime Loïc, fameux supporter du club d’Ajaccio faisant partager ses nombreux déplacements sur les réseaux sociaux. « L’ordinaire c’est le pauvre sandwich jambon avec le pain tout mou et le verre de coca. Chez les Merlus on a le sens de l’hospitalité ! » 18
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LE PAIN DES ABERS
On l’appelle le pain des marins. Créé par Michel Izard, boulanger à Lannilis, le pain des Abers est un pain à la conservation longue prisé des skippers (Cammas et Kersauson notamment). Une longévité (estimée à trois semaines) rendue possible par Il y a andouille et andouille. Celle de l’utilisation de farines bio et de levain Guéméné n’échappe pas à la règle. naturel, une maturation longue et Si les rayons des supermarchés et – c’est là l’astuce – une cuisson en les étals de nombreuses charcuteries trois fois dans un four à bois jusqu’à abritent des andouilles loin d’être l’obtention d’une croute épaisse. folichonnes, celle de la maison Rivalan-Quidu à Guéméné-surScorff (forcément) constitue un must. Un savoir-faire artisanal qui dure depuis trois générations pour des andouilles incroyablement peu grasses et un fumage (au hêtre) qui envoie littéralement du bois.
TOP 3 DES URBAN FARMERS LES FARM BOX DE FABIEN PERSICO
LES CHAMPI DE CHRISTOPHE HÉBERT
Faire pousser des herbes aromatiques dans un container de 13 m2 transformé en ferme hydroponique. Le projet du Rennais Fabien Persico semblait un peu dingo, il l’a pourtant concrétisé. Depuis 2011, il développe ses Farm Box dont il contrôle toutes les conditions : luminosité, température et humidité en fonction des besoins de chaque plante. Une culture intérieure économe en ressources qui séduit quelques grandes surfaces, en attendant d’être directement intégrée aux habitations.
Installée depuis 2017 dans le sous-sol d'un immeuble de la place des Lices à Rennes, la champignonnière urbaine de Christophe Hébert produit « une centaine de kilos par mois » de shiitakés qui prennent racine dans un substrat à base de marc de café. Ce champi asiatique se vend 16 € le kilo.
LE MIEL DE DENIS JAFFRÉ Incroyable mais vrai, à Brest même on produit du miel ! Depuis 7 ans, Denis Jaffré a posé quatre de ses ruches sur le toit de l’hôtel de ville. « J’en tire une vingtaine de kilos de miel par an, vendus à l’office de tourisme et chez Histoire de Chocolat. Le miel de ville est généralement de qualité car les jardins urbains ont une biodiversité que n’ont plus les zones rurales où prime la monoculture. »
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Depuis la loi de libéralisation des droits de plantation décidée par l’U.E en 2016, il est de nouveau permis de cultiver du vin au-dessus de la Loire et donc en Bretagne. Une première depuis près d’un siècle. Quelques projets professionnels se mettent en place du côté de Groix, Sarzeau ou encore de Saint-Jouan-des-Guérets, sur les bords de Rance, où Edouard Cazals vient tout juste de planter ses premières vignes de cépage chardonnay, pinot noir et grolleau sur deux hectares de terrain. « Pour goûter mes premiers vins, il va falloir attendre trois ans », prévient le jeune vigneron de 29 ans. Si aucun vin breton n’est jusqu’à présent commercialisé, quelques particuliers et associations ont devancé le dispositif légal en produisant dans la discrétion. C’est le cas notamment à Saint-Suliac, où une quarantaine d’amateurs éclairés produisent un blanc chenin et un rouge rondo. La cuvée 2018 sera, comme d’habitude, consommée entre membres de l’asso. On l’a goûtée, elle s’avère sacrément prometteuse, avec notamment un blanc sec à la jolie rondeur.
L’ANDOUILLE DE GUÉMÉNÉ DE LA MAISON RIVALAN-QUIDU
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LE VIN BRETON
LE MIEL D’OUESSANT C’est l’or jaune de l’île au large du Finistère. Le miel d’abeilles noires d’Ouessant occupe une place à part dans la production apicole artisanale. Par son territoire déjà, « un sanctuaire pour les abeilles, l’île étant indemne de toutes maladies comme le varroa (un poux parasitaire), du frelon asiatique qui n’y est pas présent, et de tout pesticide, le seul agriculteur d’Ouessant étant bio », situe Christophe Orlach, de la société La Ruche Noire, qui possède une cinquantaine de ruches à proximité de fleurs de ronce et de bruyère. « Cela nous permet de réaliser deux récoltes : le miel de printemps (ronce) qui est plutôt doux, et le miel d’été (bruyère), plus piquant et plus fort. Les deux sont naturellement fruités et certains clients lui trouvent même un petit goût de sel. » À environ 48 € le kilo, le miel d’abeilles noires d’Ouessant est deux à trois fois plus cher que sur celui du continent, rareté oblige. « L’île ne peut pas s’agrandir et la floraison reste limitée : l’offre ne peut malheureusement suivre la demande », concède Christophe qui vend la quasi-majorité de sa production en direct sur Ouessant. Une bonne occas’ d’aller faire un tour sur la plus sauvage des îles bretonnes.
LE MACKA Le Lorand Barre est un étonnant lieu situé dans le hameau des Ponts-Neufs à Morieux. Une adresse qu’on se passe entre initiés. Ce troquet en forme de salle à manger n’est ouvert que sur réservation et ne propose qu’une boissoin : le Macka, furieux mélange de liqueurs (vermouth, Noilly Prat, Cinzano, gin, crème de cassis et quelques autres mystérieux ingrédients), servi dans un grand verre pour 13 €. Et on vous assure qu’un seul suffit à se mettre bien bien bien. 19
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WHISKY TEIR GWECH
Basée à Larmor-Pleubian, la distillerie Glann ar Mor (connue pour son whisky Kornog) vient tout juste d’embouteiller Teir Gwech, le premier whisky “triple distillation” produit en France. Un procédé qui, selon la méthode traditionnelle irlanTendance healthy oblige, les bois- daise, permet d’obtenir des spiritueux sons fermentées sont dans une grosse aux arômes typés et fruités. À ne pas hype depuis quelques mois. À côté mélanger avec du Coca donc, surtout du populaire kéfir (de l’eau ou du à 98 € la bouteille. lait fermenté aux grains de kéfir), on trouve le kombucha qui – pour LA CHILGIK faire simple – est une sorte de thé pétillant fermenté grâces à des levures et bactéries. Riche en antioxydants et en probiotiques, ce soda 100 % naturel fait le succès de Biogroupe, une PME basée à Erquy dans les Côtes d’Armor. Le kombucha de sa gamme Karma (dispo dans les épiceries et supermarchés bio) lui assure même Moins connue que celle de Molène, près de la moitié de son chiffre d’af- la saucisse d’Ouessant (aussi appelée faires, surfant sur ses vertus santé chilgik) garde néanmoins une place présumées. Une légende urbaine particulière pour de nombreux bouraconte même que Ronald Reagan chers-charcutiers de l’Ouest breton. aurait “soigné” son cancer du colon Depuis le continent, au Conquet, en buvant du kombucha… Harold Le Meur, boss des Fumaisons d’Iroise, fait perdurer cette tradition LE CROISSANT ancestrale des îles du Ponant. DE JÉRÔME BRARD Sa recette ? De la viande de porc breton coupée au couteau en gros morceaux, 15 % de gras, du sel, du poivre, quelques épices dont il garde le secret… Et, c’est là tout le twist, une fumaison pendant 24 heures à la tourbe venue désormais d’Irlande mais aux mêmes propriétés gustatives que celle d’Ouessant, désormais proBrillance impeccable, feuilletage de tégée. Ses conseils de dégustation ? ouf et cœur soyeux : le croissant au « En été, je les fais à la plancha avec beurre de Jérôme Brard de la bou- des légumes de saison, et l’hiver je les langerie Aux Saveurs du moulin à cuisine en potée avec des pommes Melesse défonce tout. On comprend de terre, des choux, des carottes et mieux son sacre au concours du meil- du panais. » Bon, c’est quand qu’il leur croissant de Bretagne. fait froid ?
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LE KOMBUCHA
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LA FRITERIE SERKEN Si les frites ont souvent été le parent pauvre de la restauration, il existe une adresse où elles occupent le devant de la scène : la friterie Serken. Prisé des connaisseurs, le camion de Servane et Kenny Tratsaert silionne depuis 14 ans les routes du Finistère avec son produit star, la « véritable » frite belge. « Elle requiert un savoirfaire, précise Kenny, originaire de Vilvoorde en région flamande. Il faut cuire les frites dans deux bains d’huile : d’abord une pré-cuisson entre 120 et 140°, puis on les replonge à 170°. Cela permet ainsi de jouer sur les textures : moelleux à l’intérieur, croustillant à l’extérieur. Et pour le goût, on utilise de la graisse animale, de bœuf notamment. » Épluchées et coupées sur place, les patates sont cultivées à Saint-Urbain, près de Landerneau. « J’utilise de la bintje, la meilleure variété pour faire des frites. » Si Kenny propose plus de 38 sauces, mangez-les juste nature.
LES LANGOUSTINES DU PAYS BIGOUDEN C’est l’un des plaisirs simples des beaux jours : au printemps et en avril (sa pleine saison), acheter des langoustines extra-fraîches et frétillantes à l’arrivée des bateaux, aux alentours de 16 h, dans l’un des ports du pays bigouden. Parmi les capitales de ce crustacé divin : Le Guilvinec, Loctudy (et ses fameuses “demoiselles”), Saint-Guénolé ou encore Plobannalec-Lesconil qui chaque année organise une grosse nouba en son honneur. Cet été, cela se passe le 10 août et les organisateurs annoncent déjà une « dégustation géante ». Faites péter la mayo, on arrive.
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LE BLINSKAYA
Au port du Légué, à Plérin, se trouve Le Blinskaya, l’unique restaurant russe de la région. Parmi les plats traditionnels préparés par Olga Sokolova (originaire de Saint-Pétersbourg), on a testé le koulibiak, une sorte de pâté en croute farci de poissons (flétan et saumon), d’œufs durs et de choucroute aux champignons. Ça change des Pasta Box, c’est sûr. 21
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LES BIÈRES D’ISTRIBILH
Si le nombre de brasseries a explosé en BZH ces quinze dernières années, passant d’une vingtaine à plus d’une centaine aujourd’hui, est-on cependant sûr de boire une bière totalement bretonne ? Comment savoir d’où viennent orge, malt et houblon ? Pas toujours simple. Dans la région, rares sont les brasseurs à assurer eux-mêmes l’ensemble de la chaîne de production et à porter la triple casquette de « paysan-malteur-brasseur ». C’est le cas de Gwenolé Ollivier, créateur en 2013 de la brasserie D’Istribilh à Plouider dans le Nord-Finistère. « Pour faire du vin, un vigneron fait pousser son propre raisin. Ici, c’est pareil. C’est un engagement à la fois éthique, philosophique et environnemental. Dans une démarche proche du mouvement “Slow Food” duquel je me sens proche, situe le garçon de 33 ans qui, sur ce projet, s’est associé avec le maraîcher Benoit Barantal qui fait 22
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pousser l’orge à Sizun, à quelques dizaines kilomètres de là. L’idée est d’avoir la main sur chaque étape de fabrication. On part de la terre pour aller jusqu’à l’embouteillage. Avec cette volonté de produire une bière 100 % faite maison. » Une perspective rendue possible depuis 2017 avec la construction de sa propre malterie au sein de la brasserie. Deux grandes dalles de béton sur lesquelles l’orge est étalé puis imbibé d’eau afin qu’il germe. Une opération qui prend 4 à 5 jours, avant l’étape cruciale de dessiccation où les grains sont dorés au four à 70, 80, 90 ou 95 ° en fonction du type de bière souhaité. « Je produis ainsi vingt tonnes de malt. L’objectif est d’arriver prochainement à trente », espère Gwenolé. Sur les quatre bières qu’il produit, l’une d’elle sort du lot : la Mehodall, une blonde dorée de style Pale Ale, qui vient concrétiser son parcours de paysan-malteur-brasseur. « Sur
cette gamme, toutes les matières premières sont entièrement locales, le houblon venant de Loperhet à 30 bornes d’ici. » Le résultat ? « Une belle vivacité, un côté fermier au nez et des notes légères de fruits rouges en fin de bouche. »
LA BAMBELLE Avec D’Istribilh, c’est la seule brasserie en Bretagne à faire partie du cercle très fermé des “paysans-malteursbrasseurs”. Installée à Saint-Gravé, dans le Morbihan, La Bambelle produit son houblon (400 pieds) et son orge malté (30 tonnes par an). Des matières premières pas encore totalement suffisantes (côté houblon notamment) pour tout produire ellemême, mais quasiment. Parmi les beaux bébés nés dans cette exploitation certifiée bio, « la Chervad, une blonde de repas, peu amère » ou encore « La Gargante, une bière dorée houblonnée à cru ». Ça se glougloute très bien.
LE GOCHTIAL Le 22 janvier, jour du pardon du village du Hézo dans la presqu’île de Rhuys, les paysans apportaient au boulanger de quoi confectionner un gâteau de fête. C’est ainsi que perdure depuis plus d’un siècle la légende du gochtial (gâteau en breton), pain brioché cuit dans un four à bois sur des briques chaudes. Une viennoiserie désormais en vente tous les jours dans la commune de Saint-Armel, à la boulangerie-bistrot Le Moulin à Café, référence en la matière. Il vous en coûtera 5,70 € tout de même mais on vous jure que ça les vaut.
LA TARTIFLETTE DES CHARRUES Ce plat est devenu un classique du festival (depuis la disparition des patates au lard au profit de ces saletés de ribs). D’autant qu’on n’a pas fait mieux que ce mélange de patates-lardons-fromage pour remettre son estomac à l’endroit après une journée passée au bar 8.
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LE HOMARD-FRITES
Le mélange peut sembler saugrenu, il est pourtant heureux. Répandue dans les pays anglo-saxons, cette association trouve sa place en BZH. Au resto An Atoll au Guilvinec (39 € le homard entier + frites maison + mayo. Shooter de rhum offert en fin de repas. Wéééé), au Bistrot de l’écailler à Névez et au bien nommé Homard-frites à Vannes (qui tiendra même un stand à la prochaine édition du Hellfest !). 23
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TOP 3 DES BEURRES
Si chaque bar a son shooter secret à la carte, la P’tite Fessée a notre préférence. Né de l’imagination de Théo, l’actuel co-gérant du bar La Cour à Rennes, ce mélange de trois alcools LE BEURRE BORDIER AU SARRASIN (du Baileys pour son côté crémeux, Attention, c’est une drogue ce on vous laisse goûter pour deviner truc. Conçu par Jean-Yves Bordier, le reste) est également disponible au “maître beurrier” depuis 1985 à Petit Bar, où ce même Théo a traSaint-Malo, ce beurre de baratte vaillé un temps. C’est bon comme La vache Froment du Léon fait partie (travaillé dans un malaxeur en un Werther’s Original pour adultes. de ces animaux d’élevage sacrifiés sur bois) est pétri avec des graines de le temple de la productivité après- blé noir torréfiées et concassées. Un LES LÉGUMES DE VINCENT PICHON guerre. Une poignée d’éleveurs ont résultat explosif où le gras, le sel et décidé depuis quelques années de ré- les graines croustillantes viennent habiliter cette race rustique bretonne réveiller chaque coin de la bouche. qui, si elle produit trois fois moins 3,30 € les 250 grammes. que des vaches laitières classiques, a la particularité de fournir un lait LE BEURRE LE PONCLET très riche en matière grasse. « Il fixe Il est considéré par beaucoup comme naturellement le bêtacarotène, ce qui un Graal beurrier. Fabriqué par permet d’obtenir un beurre jaune David Akpamagbo, à Locmélar « Pour un ancien marin-pêcheur, virant même au orange », précise l’un dans les Monts d’Arrée, le beurre cultiver en mer c’est assez formide ces paysans militants, Stéphane Le Ponclet est l’un des plus cotés. dable », plaisante Vincent Pichon. Terlet, installé à Maël-Pestivien. Plébiscité par les grands chefs pour Depuis trois ans, ce quinquagénaire Soixante kilos de beurre “Couleur son gras et son parfum, il est produit originaire de Morlaix est en train de Froment” (considéré comme « le à partir de vaches en mono-traite, gagner son pari : faire revivre l’agrimeilleur beurre du monde », par le pour un lait plus concentré, avant culture sur Molène, île où les terres le chef étoilé de La Vieille Tour, à d’être transformé à cru. n’avaient plus été cultivées par un maraîcher professionnel depuis un LES RESTAURANTS demi-siècle. Un terroir unique qui, MÉLANIE ROUAT D’APPLICATION comme pour le vin, confère à ses Au panthéon de la gastronomie On entre dans la catégorie bon plan. légumes une saveur toute particulière. bretonne : Mélanie Rouat. Cette Pour bien manger pour pas trop cher, « Mes produits sont très prononcés cuisinière et patronne de restaurants les restaurants d’application des lycées en goût car je les cultive à la main et à Riec-sur-Belon était une des plus hôteliers constituent des bons spots. sans chimie : ils puisent tout ce dont courues dans la première moitié du Ici, les futurs chefs et cuisiniers se for- ils ont besoin dans la terre qui est 20e siècle. Parmi ses invités réguliers : ment dans les conditions du réel, met- chargée d’embruns », résume celui René Coty (« un grand président, tant en pratique ce qu’ils ont appris qui a reçu un prix de l’Unesco pour il marquera l’Histoire »), Vincent en cours. Parmi les établissements son travail en faveur de la biodiverAuriol, Georges Pompidou… Tous réputés de la région, ceux de Dinard sité. Ses produits, on les retrouve dans venaient déguster ses recettes géné- et de Saint-Quay Portrieux. Les for- les épiceries des îles, mais aussi sur reuses naturellement portées vers la mules entrée/plat/dessert dépassent le marché de Saint-Louis, à Brest. mer, comme son fameux homard rarement les 20 € pour une qualité Prochain défi : transposer ce modèle à à la crème et ses palourdes farcies rarement atteinte à ce prix-là dans Ouessant pour, là encore, ressusciter au beurre. beaucoup de “vrais” restaurants. l’agriculture de l’île sentinelle. 24
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Saint-Brieuc) sortent ainsi de sa ferme chaque semaine. Un délice gustatif vendu autour de 25 € le kilo.
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LE BEURRE FROMENT DU LÉON
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LA P’TITE FESSÉE
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LE PORC BLANC DE L’OUEST
La côte de porc qui arrive sur la table du restaurant le Ruffé à Brest a de quoi surprendre le client novice. Yeux souvent écarquillés, il voit arriver une énorme tranche de viande, épaisse et grasse. « Rien à voir avec celles vendues en supermarchés !, sourit Jean-Michel Faijean, le chef (photo). Ça peut rebuter certains mais les connaisseurs savent reconnaître la qualité de cette viande. » Avec son cousin Thierry Beauvy, à la tête du Ruffé depuis 2007, ils font revivre le terroir breton, dont le porc blanc de l’Ouest, une race rustique locale de cochon qui avait failli disparaître dans les années 1970. « Il n’intéressait pas l’industrie : trop gras, trop long à arriver à maturité (18 mois) », explique Michel Kerangueven, le président du syndicat des éleveurs du Porc blanc de l’Ouest. Ironie de l’histoire, c’est pour son gras généreux qu’il est aujourd’hui recherché. « Sa graisse qui ne fond pas à la cuisson, c’est ce qui fait sa qualité, son goût incomparable », poursuit l’éleveur. « Une saveur particulière qui reste en bouche », renchérit le chef. Un mets rare également : seuls trente éleveurs font aujourd’hui vivre cette race, qui demande un savoir-faire à la fois pour l’élevage mais aussi à la transformation. Au Ruffé, la bête est travaillée entière. « Une viande idéale pour le jambon, les rillettes, les pâtés, les saucissons à l’ail… » À la carte en permanence, une assiette de cochonnailles lui rend hommage. À base de po-po-po-porc ! 25
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TOP 3 DES COFFEE-SHOPS CAFÉ 1802
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N’allez pas demander « un simple café » à Renaud Le Duc et Frédéric Sauvaget. Dans leur coffee-shop “Café 1802” à Rennes, les deux garçons de 37 ans ont décidé de se consacrer aux “cafés de spécialité”. Une vision pointue du kawa où toutes les étapes font l’objet d’attention. « Un café, ce n’est pas juste “du” café, c’est plus complexe que ça. C’est une variété, une provenance, un sol, une altitude, un producteur, une filière, une torréfaction, un mode d’extraction… », énumère Renaud pour qui tous ces facteurs permettent de cibler le café qui plaira le plus à chaque client. Un discours finalement assez proche de celui de l’œnologie. Plutôt fan des cafés fruités et complexes ? Optez pour un Mundo novo de la région du Cajamarca au Pérou cultivé à 1 850 mètres d’altitude. Vous préférez les cafés vifs aux notes citronnées ? Goûtez donc le Caturra qui a poussé entre 1 200 et 1 500 mètres
OTANTIK Trouver un bon “sala-toma-toignon” relève du parcours du combattant. Valeur sûre brestoise : le restaurant Otantik. Pour sa broche kebab faite maison « 100 % veau français ». Le seul du Finistère à notre connaissance.
LE P’TIT RUNGIS
Il a existé jusqu’à il y a peu à Brest Le Feu Follet, un restaurant ouvert la nuit pour accueillir à toutes heures les noctambules affamés. Une époque révolue mais Rennes a tout de même encore aujourd’hui son auberge aux horaires atypiques : le P’tit Rungis, ouvert en semaine dès 4 h du matin ! YAKAMOZ Situé au cœur du Marché d’intérêt Situé avenue Janvier à Rennes, Yaka- régional, avec son activité de marmoz a lui aussi dit non aux broches chandage des produits alimentaires, industrielles d’ordinaire légion dans ce resto sert essentiellement une clience type d’établissement. « C’est un tèle de pros mais « est ouvert à tous » mélange veau-dinde qu’on prépare assure le patron Pierrick Gautier. Au nous-mêmes. Ça nous prend entre menu, une cuisine de routier pour trois et quatre heures. » Merci chef ! une formule complète à 15 €. 26
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d’altitude dans la région du Dipilto au Nicaragua. « Nous sommes dans une logique de terroir où toutes les caractéristiques entrent en jeu. Prenons l’altitude : plus tu montes, plus ton café sera concentré en arômes. » En tout, une dizaine de variétés différentes sont proposées en permanence à la carte. Des cafés que Renaud torréfie lui-même. « On reçoit le grain encore vert. En faisant la torréfaction par nos soins, cela permet de maîtriser toute la chaîne et ainsi de produire le style de café que l’on souhaite. J’ai tendance par exemple à préférer les torréfactions light car elles permettent de ne pas perdre la typicité. » Des particularités qui s’expriment également selon le mode d’extraction. Espresso, siphon, Aeropress, V60… « Cela joue sur l’arôme et le corps. Si l’espresso (à partir de 1,70 €, ndlr) est souvent plébiscité, j’essaie d’ailleurs de réhabiliter le filtre. Notamment la méthode Chemex qui permet d’avoir les cafés les plus aromatiques. »
LE POMMÉ Recette ancestrale du pays gallo, le pommé est une réduction de pommes et de cidre que l’on fait compoter pendant des heures et des heures (cela peut aller jusqu’à 24 heures !) pour obtenir une pâte à tartiner à la couleur brune très foncée avec un goût qui rappelle le caramel. La fabrication demeure toujours dans les campagnes d’Illeet-Vilaine, du côté de Fougères, Bazouges-la-Pérouse et Redon notamment. Aussi appelée “beurre du pauvre”, cette préparation se rapproche du fameux “black butter”, spécialité de l’île de Jersey.
LE CAFÉ QUI FUME Une traçabilité totale de l’arbre à la tasse : ce coffee-shop basé à Auray fait également de la transparence sa marque de fabrique. Férus de cafés de spécialité, Nolwenn et Julien Blaudeau offrent même la possibilité d’assister à la torréfaction. Toujours un kiff olfactif.
LE BEAJ KAFÉ C’est l’une des adresses préférées des étudiants qui souhaitent bûcher avec une bonne tasse de latte à portée de main. Derrière le Beaj Kafé, se cache Romain Guerizec, un Lorientais d’origine qui, après des séjours prolongés en Allemagne et Australie, a décidé de s’installer à Brest pour y monter son coffee-shop. Un lieu où le patron endosse aussi la casquette de torréfacteur. « Une étape que je fais en moyenne une fois par semaine. J’essaie d’avoir des torréfactions plutôt légères, ce qui donne des cafés plus acidulés », explique celui qui s’est formé à la Caféothèque à Paris et qui achète tous ses cafés par micro-lots.
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LE COOKIE DE LA RUE VASSELOT
Tous les jours à l’heure du goûter, dans la rue Vasselot à Rennes, lycéens et étudiants font la queue à la boulangerie de Raphaël Roy pour son cookie. Un biscuit au succès incroyable (plus de 1 000 vendus quotidiennement) qui s’explique par sa texture croquante sur les bords et fondante au cœur dûe à une légère sous-cuisson. Un plaisir régressif à 1 €. 27
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ROCK’N TOQUES Offrir au public de festivals la possibilité d’un repas gastronomique. Depuis plusieurs années, musique et bonne bouffe se sont enfin réconciliées dans plusieurs festoches bretons où s’invitent des chefs étoilés ou montants. C’était le cas à Mythos en avril dernier à Rennes, ça le sera à nouveau à Art Rock en juin à Saint-Brieuc avec la 12e édition de Rock’n Toques. Parmi les chefs programmés : Nicolas Adam, Baptiste Denieul, Mathieu Aumont… Pas vraiment des gros nullos.
LA GALETTE-SAUCISSE La galette-saucisse, l’en-cas des champions ? L’abnégation des supporters du Stade Rennais a en tout cas fini par payer, avec enfin une nouvelle ligne au palmarès (la troisième coupe de France de l’histoire du club) et un joli parcours européen. De quoi offrir encore un peu plus de lumière à la galette-saucisse mangée en masse aux alentours du Roazhon Park les soirs de match. Parmi les bons spots : Le Plaisir du Breton, valeur sûre.
LE RELAIS DE BEG AR C’HRA
L’an passé, les Charrues à Carhaix ont également lancé leur espace gastro. Lors de l’édition 2018, le Jardin des chefs avait accueilli les étoilés Yvon Morvan, Nicolas Conraux ou encore Laurent Bacquer qui avaient proposé des snacks de high level. Cet été, on retrouvera notamment derrière les fourneaux : Jean-Marie Baudic, Loïc Le Bail, Alain Chartier...
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LE JARDIN DES CHEFS
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Si vous empruntez souvent la RN12, n’hésitez pas à faire une halte au Relais de Beg Ar C’hra, à Plounévez-Moëdec sur le bord de la quatre voies. Y a pas meilleur plan bouffe LE SAFRAN BRETON avec le couscous maison trois viandes à 11,50 €, fromages et vin inclus. Si la culture du safran est embléL’OIGNON DE ROSCOFF Incontournable depuis 1870, c’est matique de l’Asie centrale, on reIl fait partie du patrimoine culinaire le plus vieux routier de Bretagne. cense également une petite dizaine breton : l’oignon de Roscoff, reconde safranières en Bretagne, dont naissable à sa couleur rosée. Parmi celle d’Anne-Sophie Le Cam à la LA MOUSSETTE ses grands défenseurs, l’asso Onion ferme de Kérampéru à Concarneau. Jack qui depuis 2015 perpétue la tra- C’est l’araignée de mer juvénile. Si « C’est l’une des productions les dition des Johnnies, ces producteurs les côtes normandes constituent son plus exigeantes et les plus fragiles qui traversaient la Manche à voile territoire principal (c’est là que les au monde, présente-t-elle. Pour pour vendre en vélo leurs oignons araignées s’arrêtent pour se repro- obtenir 1 kilo de safran, il faut aux Anglais. « En octobre prochain, duire), on en trouve également non récolter et préparer à la main enviune trentaine de vélos parcourront loin de Saint-Malo et Saint-Brieuc. ron 200 000 fleurs, une par une ! la ville de West Bay et le comté du Chair d’une extrême finesse et saveur D’où son prix : environ 40 € le Dorset, annonce Charlotte Jacob, méga iodée : un bijou de la mer qui gramme. » Épice réputée, colorant la coordinatrice. Nous sommes tou- a de quoi faire rougir le homard. Un et exhausteur de goût aux vertus jours accueillis comme des rois par crustacé dont la saison débute géné- médicinales, le safran breton se les Britanniques, les Johnnies étant ralement début avril pour se terminer trouve en épiceries fines et dans presque plus connus là-bas qu’ici. » fin juin. Ne tardez pas trop donc. les marchés de producteurs.
LES PIZZAS D’ALI GHANI S’il a remporté en 2017 le titre de vice-champion du monde de pizza, Ali Ghani l’avoue : il y a encore cinq ans, il n’y connaissait pas grand-chose. Arrivé dans la restauration après une reconversion, il a vite appris, faisant du “Temps qu’il faut”, le restaurant qu’il tient avec sa compagne Sonia à Piré-surSeiche, l’une des meilleures adresses de pizzas traditionnelles italiennes. Parmi ses points forts : la pâte. Il la fait maturer pendant cinq jours à 2°. « Durant ce temps, la pâte travaille doucement et va développer des arômes. À la cuisson (très rapide : environ 2 minutes 30 à 350°), ça permet d’obtenir une pâte croustillante à l’extérieur et moelleuse à l’intérieur », explique Ali qui, pour sa garniture, travaille avec des producteurs locaux mais aussi italiens, comme « la fior di latte (une mozza au lait de vache, ndlr), la mozzarella di bufala et la sauce tomate : le seul moyen d’en avoir de qualité toute l’année. »
LE QUICK DE RENNES Rachetés par Burger King en 2015, les restaurants Quick ont depuis tous été remplacés par l’enseigne au Whopper. Tous, sauf un. En Bretagne, le Quick de République à Rennes résiste et s’est installé comme le dernier bastion pour tous les amoureux du Giant et de sa sauce si addictive.
LE PATÉ HÉNAFF BIO C’est l’une des bonnes surprises au rayon agro-alimentaire des derniers mois. Depuis la fin de l’année 2018, Hénaff propose désormais une version biologique de son pâté légendaire, produit à partir de cochons élevés dans la région. Gruiiiiiik ! 29
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L’AMANTE VERTE
Si pour vous les infusions se limitent aux tisanes “Nuit Calme” de votre mémé, il est grand temps de la pousser dans les orties. Direction Sixt-sur-Aff, à la frontière entre l’Ille-et-Vilaine et le Morbihan, chez Claire et Adrien Poirrier. Dans leur ferme bio, les deux créateurs de l’Amante Verte ont réussi le pari de faire de l’infusion un « produit gastronomique » et une « réelle expérience gustative » dans un marché dominé à 95 % par les sachets aux compositions déjà toutes faites (et pas toujours claires). Dans leur champ de deux hectares où se côtoient une cinquantaine de variétés de plantes toutes cultivées sans serre, en pleine terre, sans ajout de souffre et de cuivre (« on se forme à la biodynamie »), les deux trentenaires travaillent de la façon la plus respectueuse, aussi bien pour le sol que pour les végétaux. Quitte à bosser comme des tarés : désherbage et récolte manuelle, tri feuille à feuille, avant l’étape du séchage à basse température à moins de 40°. 30
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« Cela permet de garder tout le spectre aromatique et de ne pas perdre certaines notes qui pourraient se volatiliser à une température trop élevée. Par ce séchage délicat, on conserve ainsi toute l’année les saveurs optimales d’une plante qui, en général, ne dure que quelques jours à l’état naturel. » C’est là que la conception des tisanes commence. « Mélanger différentes plantes, c’est comme concevoir un parfum. Il y a la note de tête : la première impression lorsqu’on a le nez au-dessus de la tasse. La note de cœur qui va s’épanouir à la dégustation. Et la note de force qui va rester en bouche. » Comme sur leur tisane signature “L’Ardente” où le basilic, l’angélique et la sarriette donnent corps à l’infusion. « Souvent les idées d’assemblages naissent dans le champ quand on manipule les plantes. De la terre à la tasse. » Un travail artisanal et précautionneux qui séduit de jolies tables, dont celle de Romain Meder au Plaza Athénée
(3 étoiles) qui a intégré L’Amante Verte à son chariot d’infusions (la classe). Un savoir-faire qui a un certain prix. « Oui, c’est un produit de luxe, mais il reste accessible. Une boîte de 15 à 20 grammes coûte entre 7 et 12 €. Mais cela permet de faire jusqu’à 9 litres de tisane, les plantes pouvant être infusées jusqu’à deux ou trois fois. En soit, on est moins cher au litre que le Coca. »
LE SOBACHA S’il fallait trouver une tisane pour faire le pont entre la Bretagne et le Japon, ça serait le sobacha. Cette boisson traditionnelle nippone est une infusion aux graines de sarrasin grillées ou torréfiées. Quelques entrepreneurs (Krazan à NoyalPontivy, L’Orgé à Yffiniac, Mademoiselle Breizh à Theix…) se sont même lancés dans cette production, s’appuyant sur la culture du “blé noir” qui depuis la fin des années 80 connaît un nouvel élan en Bretagne.
UN SANDWICH TRIANGLE Incontournable des aires d’autoroutes, le sandwich triangle est né à… Guingamp. Un casse-croûte géométrique que l’on doit à Jean-Claude Daunat, ancien coureur cycliste reconverti dans la restauration rapide. En 1976, dans le sous-sol de sa maison de Pabu, voisine de Guingamp, il réalise ses snacks, qu’il coupe en deux dans la diagonale et qu’il commercialise dans les bars, avant de signer un partenariat avec les stations-services Total en 1988. Jusqu’à devenir aujourd’hui un poids lourd du sandwich.
LYOPHILISE & CO La base de sous-marins de Lorient possède un magasin d’alimentation un peu particulier : Lyophilise & Co qui, comme son nom l’indique, propose une large gamme de nourriture lyophilisée. « C’est une technique de séchage par le froid qui, contrairement à la déshydratation, permet de conserver un maximum de saveurs et de nutriments», éclaire sa responsable Ariane Pehrson. On a testé le bœuf Stroganoff (9,80 €), ça se prépare un peu comme des noodles mais c’est vrai que c’est presque aussi bon que du frais. Si n’importe qui peut s’approvisionner sur place, la boutique est surtout réservée aux skippers, montagnards, aventuriers et survivalistes.
LE KARI GOSSE La Bretagne n’a pas attendu Olivier Roellinger pour découvrir les épices. Rendant hommage au comptoir des Indes du port lorientais, un pharmacien de la ville – le dénommé monsieur Gosse – composa au 19e siècle un subtil mélange de gingembre, curcuma, girofle, piment rouge, cannelle... Encore aujourd’hui vendu dans quelques pharmacies de Lorient et Auray à 6,30 €. 31
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Face aux géants du cidre et à leurs breuvages trafiqués (la législation les autorise à utiliser jusqu’à 50 % d’ingrédients autres que la pomme), une solution : les “cidres nature”, conçus uniquement à partir de pommes issues de l’agriculture bio. Du verger à la bouteille, zéro intrant. Co-créateur du bar à cidres Le Sistrot à Quimper, Ronan Gire précise : « Cela veut dire qu’aucune levure n’a été ajoutée pour la fermentation, celle-ci étant assurée par les levures naturellement présentes sur la peau de la pomme ; pas d’ajout de souffre ; une prise de mousse naturelle et non une gazéification au C02. » En BZH, quelques producteurs défendent cette démarche vertueuse. Voici notre top 5.
LE GWELL
La Bretagne est une grande région de laitages. Il y a le beurre et le lait ribot bien sûr, mais le plus typique – bien que méconnu – s’appelle le gwell. « Un nom pas très vendeur mais qui signifie pourtant “le bon” en breton, précise Gurvan Bourvellec de la ferme de Suscinio à Sarzeau, qui fait partie de la petite vingtaine de producteurs dans le coin. C’est le produit de la bonne matière du lait d’une race de vache emblématique de la région : la pie noire. » Un lait porté à ébullition après la traite puis refroidi et ensemencé avec des ferments d’une LA CIDRERIE DU LÉGUER précédente production. Ce gros lait Sur ses quatre hectares de vergers bio est agréable en bouche (texture de à Lannion, Cédric Le Bloas travaille fromage blanc, très légère acidité) une vingtaine de variétés de pommes. et bon pour la santé car « constitué Une diversité qui lui permet de créer d’une flore microbienne très riche ». des assemblages équilibrés. Votre bidou vous dit merci.
CHISTR MENEZ HOM Fervent défenseur du pressage sur paille, Kevin Guermeur de la cidrerie « expérimentale » Chistr Menez Hom, installée à l’entrée de la presqu’île de Crozon, s’autorise des joyeuses digressions, comme sur sa cuvée rosée à la betterave.
LA CIDRERIE DU GOLFE
LA SPIRULINE
Ce serait, d’après les scientifiques l’ayant étudié, « l’élément naturel le plus complet après le lait maternel » : la spiruline contient plus de 50 % de protéines, des vitamines de toutes les LA FERME DE KERMARZIN lettres, ainsi que du fer et des antioxyInstallés à Argol dans le Finistère, dants. On compte environ 180 proBaptiste Rollo et Hélène Gibiat font ducteurs en France, dont quelques-uns du cidre nature, « sans triche, sans LES CHANTIERS D’AUTOMNE en BZH. À la tête de Spiru’Breizh à esbroufe, sans artifice. » Dans leur Implantée à Concoret, dans le pays de Sarzeau, Marie-Gabrielle Capodano verger, une dizaine de variétés de Brocéliande, cette cidrerie associative développe la seule spiruline 100 % eau pommes rustiques et locales donnent s’efforce de valoriser des pommes de mer : « concentrés liquides, perles vie à des cidres typés gentiment astrin- traditionnelles qui lui permettent chocolatées, caramels iodés, macarons gents (la cuvée “Bordel Amer”) ou de produire quatre cuvées comme et cocktails proposés à la carte de la portés sur le fruit (“Ar Maout Ruz”). la gouleyante “Chom Teu”. thalasso Miramar d’Arzon. » 32
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Si elle a dernièrement accueilli un concert du DJ Blutch en partenariat avec L’Échonova, cette cidrerie basée à Arradon produit surtout huit cidres nature, allant de l’acidulé à l’extra-brut.
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TOP 5 DES CIDRES NATURE
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LES ALGUES DE SCARLETTE
Seule femme marin pêcheur au port du Guilvinec, Scarlette Le Corre est également pionnière dans l’algue. Cueillette à la main dans la baie de Men Meur d’espèces sauvages (haricots de mer, dulse, kombu, nori…) et culture de wakamé : depuis près de 30 ans, Scarlette bataille pour faire connaître l’algue comme un aliment à part entière. Qu’elle soit fraîche, sèche ou en tartare, l’algue (qu’elle prépare elle-même) n’aurait selon elle que des vertus. « C’est un exhausteur de goût. On peut l’utiliser comme condiment, mais je recommande d’en faire plutôt un véritable accompagnement, explique Scarlette qui affirme ne jamais tomber malade. J’ai 64 ans, mais mon médecin m’a dit que mon corps en avait 15 de moins. C’est grâce aux algues que je mange tous les matins, c’est tellement riche en antioxydants et oligo-éléments. »
LES GLACES JAMPI Les Brestois ne jurent que par les glaces Jampi et ils ont raison. Une entreprise familiale née en 1923 qui s’est fait un nom avec les crèmes glacées. Un savoir-faire artisanal qui perdure (malgré ses volumes de production) et qui s’observe notamment dans le choix de ses fournisseurs locaux : la ferme de la Légende à Plouzévédé pour le lait bio, l’exploitation Le Pépin et la Plume à La Roche-Maurice pour les œufs bio… Good news : des bars à glaces Jampi seront présents aux Vieilles Charrues et au Bout du Monde cet été. 33
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LES SEMENCES PAYSANNES
Nous sommes à Plouescat, à l’extrême nord du Finistère. Au milieu de ses 2,5 hectares de cultures, on retrouve Gwenolé Le Roy en train de s’occuper de ses patates. Dans cette région maraîchère estampillée Prince de Bretagne (le leader européen du légume), le garçon de 39 ans fait figure d’hurluberlu, comme il aime se définir.
Pratiquant une agriculture biologique (« la terre n’est pas un simple substrat, c’est un outil de travail vivant »), fonctionnant essentiellement en circuit court (via les paniers de légumes “Voisins bio”), limitant au maximum les engins motorisés (ses deux ânes l’aident à travailler le sol), Gwenolé a également choisi d’aller au bout de cette démarche précautionneuse de
LA MOZZA BRETONNE
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Dans la campagne costarmoricaine de Plédéliac, ces bêtes détonnent. Ici pas de Prim’Holstein ou de Limousine, mais des bufflonnes. Costaudes, noires, avec leurs imposantes cornes recourbées. « Elles ont leur caractère, mais elles sont sympa ! », assure Fan-
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ny Bertrand de la Ferme biologique du Clos du Val qui élève ce troupeau aujourd’hui composé de 28 mères. Une activité laitière qui lui permet de produire depuis l’été dernier de la mozzarella di bufala 100 % locale. La seule de la région avec celle de Marisa et Fred Thomas à Tréguennec dans le Finistère. « Pour réaliser une boule de mozza de 125 grammes, il me faut 0,8 litre de lait, indique Fanny. L’avantage du lait de bufflonne, c’est qu’il est jusqu’à trois fois plus concentré en gras et en crème que celui d’une vache classique. Cela donne des fromages plus goûteux. »
l’environnement en ne faisant pousser que des légumes issus de semences paysannes. « La très grande majorité des légumiers achètent d’une année sur l’autre leurs semences (dites hybrides) auprès de grands groupes qui ont un droit de propriété sur telle ou telle variété. Avec les semences paysannes, c’est tout l’inverse puisqu’elles sont libres de droit et, surtout, reproductibles. À chaque récolte, je choisis en effet moi-même les légumes qui produiront les graines de mes prochaines récoltes », explique celui qui fait partie de Kaol Kozh, une association de sauvegarde et de partage des semences paysannes. Président de ce collectif, Marc Sire poursuit : « C’est la même logique qu’en informatique avec les logiciels libres. Les semences représentent un bien commun ancestral appartenant à tous. Notre association est d’ailleurs ouverte aussi bien aux agriculteurs qu’aux simples jardiniers. L’important
LA POUTINE La hype du Québec s’étend désormais sur le plan culinaire. La poutine – plat traditionnel constitué de frites, d’une sauce brune et d’un fromage caoutchouteux (« qui fait skouitch-skouitch » selon un morceau de TTC) – se mange à Rennes depuis 2014 et l’ouverture de l’enseigne Poutine Bros. La barquette de 400 grammes à 6,90 € cartonne et laisse présager « un développement prochain en franchises dans d’autres villes de France ». La place est déjà prise à Brest avec le resto Station Saint-Louis qui propose également ce mets frito-fromager.
est de faire vivre des variétés anciennes, à l’image du chou de Lorient ou de l’oignon d’Erdeven, qui ont failli disparaître car jugées pas intéressantes par les industriels. » Une démarche favorisant la biodiversité que suit Gwenolé en cultivant à l’année 150 variétés différentes sur une trentaine d’espèces. Parmi cellesci, la tomate Blush qu’il prend plaisir à faire pousser depuis près de six ans. « Une tomate assez petite, allongée, de couleur jaune striée de rouge. C’est une variété originaire des États-Unis qui est naturellement très résistante aux maladies. Et gustativement, elle n’a pas d’équivalent sur le marché. » Si les semences paysannes ne représentent encore qu’une goutte d’eau dans la mer légumière (2 000 hectares sur les 18 millions cultivés en France, soit 0,0001 % des surfaces), elles peuvent néanmoins compter sur quelques ambassadeurs de choix, comme Nicolas Conraux, chef du restaurant étoilé La Butte à Plouider et l’un des premiers clients de Gwenolé.
LE GALWAY INN
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Le pub irlandais de la rue de Belgique est une institution lorientaise. Derrière le comptoir, on trouve Padraig Larkin qui, après avoir quitté Galway en 1982, a ouvert le premier pub de Bretagne à Guern, avant de le déménager à Lorient. Déco boisée, cheminée où fume de la tourbe du Connemara et Guinness tirée à la perfection : Sláinte !
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DOSSIER
Cultiver du riz en Bretagne. « Quand j’ai soumis l’idée, on m’a pris pour un fou, reconnaît Alexandre Reis, ancien professionnel de la haute couture reconverti dans les projets agricoles originaux (safran et piments en plus du riz) dans sa ferme du domaine du Triskell Rouge, à Sevran. Ayant des terres humides sur mon exploitation, je me suis dit que ça valait la peine de tenter le coup. » La première expérimentation échoue (« l’eau n’est pas assez chaude pour reproduire ce mode de culture asiatique ») mais la seconde porte ses fruits en s’inspirant du modèle… africain : « J’ai fait pousser mes semences italiennes en pleine terre, comme du blé, et obtenu de très gros rendements, de l’ordre de 1,3 tonne à l’hectare pour 7 kg de semences. C’est dix fois plus que ce qu’on trouve en Camargue en culture immergée. » Surtout, l’alliance entre la technique africaine, la semence italienne et la terre bretonne a permis d’obtenir un riz unique au monde, de couleur verte. « C’est une grande surprise et une énigme. Il a la texture du quinoa avec des saveurs de châtaigne, de noisette et de vanille. L’INRA s’y intéresse, de même que quelques grands chefs. » Si Alexandre Reis n’en est encore qu’à la phase expérimentale, il espère bientôt faire certifier son riz d’un nouveau genre, ce qui lui permettra de le commercialiser. 36
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LES CREVETTES AGRILOOPS Manger des crevettes n’est pas le geste le plus écolo. Sur nos étals, près de 80 % d’entre elles proviennent d’Asie ou d’Amérique centrale. Face à ce constat pas tip-top, Jérémie Cognard et Romain Vandame, de la start-up rennaise Agriloops, ont décidé de produire une crevette 100 % locale. Comment ? Grâce à une ferme aquaponique en eau salée qui verra le jour d’ici fin 2020 en BZH. Ce sera une première en France. En plus d’une partie maraîchère (tomates cerises, roquette…), l’élevage de crevettes « de type gambas, fraîches, nourries avec de l’alimentation bio et un objectif de zéro antibiotique » devrait permettre d’atteindre une production de 20 tonnes qui intéresse déjà les chefs et épiceries fines de la région.
LE SEL DU MORBIHAN Petit frère du sel de Guérande, le sel du Morbihan est nettement plus confidentiel, avec ses trois salines basées à La Trinité-sur-Mer, Sarzeau et Saint-Armel. Installée sur cette dernière, la paludière Nathalie Krone évolue sur un site de 30 hectares « pour environ 25 tonnes de sel produit chaque année selon les méthodes ancestrales » Gros sel, sel fin, fleur de sel... une gamme dispo dans quelques boutiques autour du golfe (20 € le kilo de fleur de sel).
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LE RIZ DU TRISKELL ROUGE
LES HUÎTRES NATURELLES En cet après-midi, on prend le goûter chez Yvonnick Jégat. Il est à peine 16 h mais c’est bien des huîtres que l’ostréiculteur d’Arradon, dans le golfe du Morbihan, s’apprête à dégoupiller. « Tiens goûte-moi ça, d’abord une plate, ensuite une creuse. Celle-ci est bien charnue, presque croquante. » On s’exécute aussi sec et on prend notre quota d’iode, avec la certitude d’avoir dégusté ce mollusque dans ce qu’il a de plus authentique. Et pour cause : Yvonnick est un défenseur hardcore de l’huître naturelle. Dans ses 50 hectares de parcs, aucune huître d’écloserie et encore moins d’huître triploïde, chromosomiquement modifiée pour la rendre stérile (et donc non laiteuse). « Chez moi, il n’y a que de la naturelle. C’est-à-dire une huître née et élevée
en mer. Une huître sauvage que l’on va faire grandir. » Une idée finalement très simple du produit, mais qui dénote dans un marché où la triploïde et l’huître d’écloserie représentent la grande majorité. Membre de l’association des ostréiculteurs traditionnels (qui compte une centaine d’adhérents sur les 3 000 ostréiculteurs français), Yvonnick poursuit : « Nos détracteurs nous qualifient souvent de pêcheurs-cueilleurs. Même si je n’aime pas ce sobriquet, il y a tout de même une philosophie derrière dans laquelle je me retrouve. On se rapproche de l’esprit de l’agriculture paysanne. On est sur des considérations éthiques, mais cela me semble important, surtout sur un produit comme l’huître qui a une image naturelle auprès des consommateurs. »
CHEZ MO Equivalent du food truck mais en version glou glou, le drink truck est un concept assez génial mais reste un marché de niche. Dans la région, un seul a réussi à s’implanter : Chez Mo, ouvert il y a près de trois ans par Morgan Dupart et qui circule pas mal autour de son pied-à-terre de Quimperlé, avec à la pression de bonne bières locales.
LE BRASTIS
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Les leaders sudistes de l’apéritif anisé sont désormais concurrencés par un nouvel arrivant breton : le Brastis. Dans « un marché qui roupille », Laurent Jouffe, de la société éponyme de liqueurs installée à Dinan, s’est dit qu’il y avait une place pour son petit jaune « produit localement et fort en goût ». 29 € la bouteille de 70 cl.
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LE BŒUF WAGYU
Un bout de Japon se trouve à Brielles, au sud-est de l’Ille-et-Vilaine. Dans la ferme de Sébastien et Masami Chérel, on élève des bœufs Wagyu, l’une des plus emblématiques races nippones, celle du fameux bœuf de Kobé. Une jolie robe noire, une encolure prononcée et un caractère plutôt facile : si la bête est cool à élever, elle l’est surtout à manger. Avec son persillage marqué, la viande de Wagyu apparaît pour beaucoup comme la meilleure au monde. « Ce gras intramusculaire est une prédisposition naturelle qu’on optimise grâce à l’alimentation : foin, orge, maïs… Sans oublier le lin qui va apporter des
LE CROQUE-MONSIEUR DU CAFE DE LA POISSONNERIE Plat de brasserie de base d’ordinaire bâclé, le croque-monsieur a trouvé un lieu pour s’épanouir : le Café de la Poissonnerie à Vannes, institution en la matière (et même autoproclamée « meilleur croque-monsieur du monde » depuis les nombreux avis de gastronomes et chefs réputés de passage dans l’estaminet). Que des produits locaux (jambon et fromage du marché, pain au levain...) posés sur un généreux lit de verdure. À taaaaaaable. 38
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LES BIÈRES TÉRÉNEZ
En pleine bourre ces dernières années, la brasserie du Bout du Monde, basée à Rosnoën, produit depuis 2013 les bières Térénez qui se déclinent en quatre gammes : blonde, blanche, triple et brune (on vous recommande cette dernière). Des breuvages produits à 20 mètres de profondeur dans d’anciens tunnels de l’OTAN où étaient entreposés des missiles. Un lieu inédit qui surtout offre de bonnes conditions de fabrication : une température stable et oméga-3. Résultat : nous sommes sur une hygrométrie idéale. du bon gras qui fond quasiment à température ambiante. Avec un goût ANGELLO incomparable de beurre fondu », vante Sébastien qui a créé la marque Un incontournable. Pâte impeccable Miyabi, regroupant aujourd’hui treize et garniture au top : les pizzas d’Anéleveurs en France, dont six en BZH. gello, le restaurant de Yann Dayer, Cela représente une trentaine de bêtes champion de France 2014, sont sans commercialisées chaque année. Cela surprise les meilleures de Rennes. reste des petits volumes. » Des pièces haut de gamme (« en moyenne quatre LA BÉCHAMEL fois plus chères qu’une Limousine ») que l’on retrouve principalement dans Selon l’autrice locale Simone Moles restaurants (Ima à Rennes, Breizh rand, la célèbre sauce serait née à Café à Cancale…). En attendant Rennes en 1740. Une invention – c’est en pourparlers – une boucherie d’Antinoüs de Bechameil, un intendu centre-ville rennais. dant royal alors en poste en BZH.
CHEZ JAFFREDO C’est l’une des plus belles légendes du centre-Bretagne. À Guern, le bistrot “Chez Jaffredo” jure avoir eu Mick Jagger comme client. Cela remonterait aux années 80, époque où le chanteur des Stones était pote avec Paddy Moloney, leader du groupe irlandais The Chieftains, qui possédait une baraque dans le coin. Pour entendre cette histoire de vive voix, pensez cependant à passer un petit coup de fil avant de vous y rendre, le rade n’étant pas ouvert tous les jours.
UNE COREFF AU TY COZ C’est au Ty Coz, institution morlaisienne, qu’a été tirée la première Coreff à la pression en 1985. Quoi de mieux alors que ce bar pour savourer une ambrée (l’historique) et ainsi célébrer la brasserie, née à Morlaix et aujourd’hui installée à Carhaix, pionnière du renouveau des bières artisanales en France. Julien Marchand, Régis Delanoë, Isabelle Jaffré et Jean-Marc Le Droff
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ROCKY ROAD TO DUBLIN
POST-PUNK FIÉVREUX, ACCENT IRLANDAIS À COUPER AU COUTEAU ET FURIEUSE ENVIE DE SE PRENDRE UNE MURGE : VOICI LES CINQ GARS DE FONTAINES D.C, AUTEURS DE « DOGREL », LE PLUS REMARQUÉ DES ALBUMS ROCK DE CETTE ANNÉE. ’avantage lorsqu’on grandit à Dublin et qu’on rêve de devenir une rock star, c’est que les modèles ne manquent pas. Shane MacGowan des Pogues, Ronnie Drew et Luke Kelly des Dubliners, Phil Lynott de Thin Lizzy… Des musiciens, considérés aujourd’hui comme des trésors nationaux (on a volontairement oublié Bono), pour qui la capitale irlandaise a toujours été au cœur de leur vie et de leur art. 40
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En découvrant Dogrel, le premier album des fougueux garçons de Fontaines D.C sorti au printemps, on n’est donc finalement pas si étonné de se retrouver directement plongé dans les rues dublinoises un jour de pluie. Sur Big, le morceau inaugural, Grian Chatten et son accent aussi épais que le brouillard sur la Liffey, scande frénétiquement le nom de sa ville avec l’entrain et la vigueur que nous donne la quatrième pinte de la soirée. « Cet album est une célébration
de la beauté de Dublin et de ses habitants, mais aussi une reconnaissance de ses nombreux défauts, pose Tom Coll, le batteur. C’est une ville où il faut à la fois accepter le mauvais et le bon, le grotesque et le beau. » On penche forcément dans la deuxième catégorie avec ceux qui, il y a encore cinq ans, ne se connaissaient pas. « C’est à la fac de musique qu’on s’est tous rencontrés. Moi je venais du comté de Mayo à l’ouest du pays, les autres des Liberties, un quartier
populaire de Dublin. Mais on s’est tous réunis par amour du rock’n roll. Notre envie de créer un groupe part de là, en réaction aux musiciens très – trop – talentueux qui nous entouraient à l’université. Nous, ce qui nous intéressait, c’était de jouer trois accords et de se poser dans les bars. » Une envie spontanée et impulsive de faire de la musique qui, très vite, débouche sur un post-punk que n’aurait pas renié The Fall et qui, dans l’esprit, fait penser aux zinzins britanniques de Shame (ils ont d’ailleurs tourné ensemble l’année dernière). « Le fait que la scène rock dublinoise soit en plein essor depuis quelques années a aussi fait qu’on ne s’est pas posé de questions. Je pense notamment à Girl Band (qui a sorti son premier album en 2015 chez Rough Trade et jouit d’une bonne cote, ndlr) dont le parcours a encouragé de nombreux groupes à se lancer. Et ça continue aujourd’hui : Just Mustard, Melts ou encore The Murder Capital viennent grossir les rangs, expose Tom qui avec ses potes ont participé l’an passé à la campagne pour légaliser le droit à l’avortement en donnant des concerts de soutien. Nous avons aidé à notre manière ce mouvement très largement porté par la jeunesse de notre pays. C’est une cause qui nous tenait à cœur, tout comme celle actuelle pour le droit au logement pour tous. » Des revendications qui traversent en filigrane leurs morceaux. « Faire du rock, cela révèle un esprit politique. Mais ça ne veut pas dire pour autant que notre musique l’est directement. Nos paroles touchent davantage au commentaire social. » Julien Marchand Le 7 juin à Art Rock, le 20 juillet aux Vieilles Charrues et le 15 août à La Route du Rock 41
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BRIOCHINS DORÉS Ne comptez pas sur Clément Palant et Xavier Soulabail de Buck pour ajouter de nouvelles critiques au Saint-Brieuc bashing que la capitale costarmoricaine a l’habitude de subir. « L’autre jour encore, on entendait Miossec chier dessus… Pfff, c’est trop facile. En vrai, c’est une ville plutôt cool. » Bien que mal réputée il s’y passe de belles choses, notamment musicalement assurent-ils. « Mais pendant longtemps les groupes d’ici ont été obligés de s’exporter pour exister : SBRBS à Rennes, Skopitone Sisko à Brest… Heureusement c’est en train de changer. » Grâce à un soutien
accru de la salle de concert locale, La Citrouille, qui les a accueillis en résidence au printemps. Avec cette aide nouvelle, Buck compte bien continuer à se professionnaliser, le groupe étant né en 2016 d’un simple pari : jouer du blues rock sans guitare, façon Royal Blood, avec Clément à la batterie (ex-Camadule Gredin) et Xavier à la basse. « On a vite sorti un album live et fait quelques dates, dont le festival de Binic qui nous réinvite cet été. » Auparavant, ce sera à domicile à Art Rock sur la petite scène Poulain Corbion et juste
Vincent Paulic
UNE DATE À ART ROCK, UNE AUTRE À BINIC, UN ACCOMPAGNEMENT DE LA CITROUILLE : LES GAZIERS DE BUCK JOUENT CET ÉTÉ LE PORTE-ÉTENDARD MUSICAL DE LA BAIE DE SAINT-BRIEUC.
après le passage de The Good The Bad and The Queen (classe !) que le duo – enrichi sur scène de deux autres musiciens – présentera son nouvel album. Un vrai celui-là, sorti chez Beast Records et alternant les morceaux garage, blues et cold wave. Un souhait, disent-ils, « d’élargir la palette ». R.D Le 7 juin à Art Rock à Saint-Brieuc et le 28 juillet au Binic Folks Blues Festival
Tony Guillou
LÂCHE TA GALETTE
Pas de vacances pour vos disquaires avec dans leurs bacs quelques belles sorties locales : My Over Soul, troisième album de We Only Said (post-rock), le bluegrass des Morbihannais de The Blue Butter Pot (photo) avec Let Them Talk, le nouvel opus de The Celtic Social Club baptisé From Babylon To Avalon, le noise rap de Bienveillance avec un premier album éponyme, l’électro polymorphe du Morlaisien d’origine Tepr avec Technosensible, l’album live You’re here, now what ? de Matmatah … en attendant la sortie très attendue à la rentrée du troisième LP des voisins nantais de Von Pariahs. 42
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Sacha Vernaeve
1+1=1
ROPOPOROSE + BRNS = NAMDOSE. TELLE EST L’ÉQUATION GAGNANTE DE CE NOUVEAU PROJET MUSICAL. On avait quitté Belges et Français quelque peu fâchés par une sombre histoire de demi-finale de Coupe du monde en Russie (le seuuuuuuuum). On les retrouve réconciliés autour de la célébration de ce bon vieux rock, avec l’alliance réussie entre les Bruxellois de BRNS et les Vendômois de Ropoporose. « On avait déjà croisé les BRNS sur quelques dates et on avait bien sympathisé, jusqu’à ce que le festival Les Nuits Botaniques nous propose de monter un projet commun, explique Romain, de Ropoporose. On a eu douze jours seulement pour apprendre à jouer de la musique ensemble : c’était pas mal déroutant mais pas mal excitant. » Et pas mal réussi, à tel point que ce one shot aboutit finalement à un projet durable de groupe ayant pour nom Namdose et pour premier album le très réussi S/T, sorti en février. Le résultat est un post-rock joué à même le sol au cœur du public, hyper énergique (deux batteries) et sophistiqué juste comme il faut, avec pour références assumées les Flaming Lips, Clues, Blonde Redhead et Animal Collective. « On ne fait ni du Ropoporose ni du BRNS mais du Namdose», appuie Romain. La mise en application du célèbre théorème de Jean-Claude Van Damme : « Un plus un égale ? Un, et ça c’est beau. » Le 8 juin à Art Rock à St-Brieuc et le 18 juillet aux Charrues à Carhaix 43
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PAROLE À LA DÉFONCE BOOM BOOM DANS LES OREILLES : AVEC SON ÉLECTRO-PUNK TRASHOS DE FIN DE SOIRÉE, OKTOBER LIEBER RÉUSSIT À COUCHER TOUT LE MONDE. FAITES DE BEAUX RÊVES MALGRÉ LES ACOUPHÈNES. Que font une musicienne issue de la scène rock (Charlotte Boisselier, du groupe synth-punk Ambeyance) et une autre biberonnée à l’électro (Marion Camy-Palou, du projet techno indus Deeat Palace) lorsqu’elles décident d’unir leurs compétences et affinités ? Un hybride électro-punk addictif que les deux filles installées à Montreuil présentent ainsi : « On a une musique un peu en lévitation qui peut parfois aller vers le psyché mais aussi vers l’électro vintage et
la minimum wave, avec des beats répétitifs et saccadés. C’est pas mal protéiforme en fait ! » Une musique de dancefloor pour zombies calibrée pour les derniers solides encore debout les fins de soirée (« merde elle est où ma tente ?»). « On joue souvent tard, c’est vrai, et même plutôt en clôture des soirées. Au festival Panoramas à Morlaix, on jouait seulement à 23 h (sic) mais le public était déjà complètement défoncé. Dans leur tête il était déjà 4 h du mat’ (rires) » Charlotte et
Marion ne tardent pas à revenir dans la région avec deux belles dates programmées, l’une dans le très électro festival Astropolis, puis l’autre à La Route du Rock, Mecque de l’indé. Pas sûr qu’il y ait déjà eu des artistes à se produire dans les deux lieux le même été, les univers paraissant a priori très éloignés. « On fait la jonction entre les deux, s’amuse le duo, formé il y a seulement un an
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SUPRÊME
Des adieux… définitifs cette fois ? Après deux premières séparations en 2001 et 2010, JoeyStarr et Kool Shen ont annoncé vouloir clore l’aventure NTM, 30 ans après les débuts. Une fin sans anicroche cette fois, assurent-ils, L’ultime tournée de 14 dates passe par la Bretagne et le festival du Roi Arthur à Bréal-sous-Montfort le 23 août.
MUSIC FOR ALL Après deux passages remarqués en 2008 et 2012 aux Charrues, Gossip revient en BZH pour une des dates de sa tournée de reformation. Le trio disco-punk emmené par Beth Ditto s’était séparé il y a trois ans mais fait son retour pour célébrer les dix ans de son plus fameux album, Music For Men. Le 10 août à Fête du Bruit à Landerneau. 44
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mais qui cartonne déjà pas mal et qui reviendra en novembre à La Citrouille à Saint-Brieuc. C’est assez fou de varier autant les publics mais ça nous va très bien. » N’oubliez pas vos bouchons d’oreilles. R.D Le 6 juillet à Astropolis à Brest, le 17 août à La Route du Rock à Saint-Malo et le 2 novembre à La Citrouille à Saint-Brieuc
20/20 Nos voisins mayennais du festival « éthique et éclectique » Au Foin de la Rue fêtent leur 20 ans. Un anniversaire sous le signe d’un joyeux mélange des genres avec : Svinkels Kompromat, Calypso Rose, Carpenter Brut, Super Parquet, Systema Solar, ATOEM… Les 5 et 6 juillet à Saint-Denis-de-Gastines.
La Pluie - HeeWon Lee
PLEIN LES MIRETTES
Memory of Time, l’installation multimédia de la Coréenne HeeWon Lee s’annonce comme l’une des belles claques numériques de cet été. Vidéo, graphisme, son : l’artiste nous plonge dans un univers à la fois réaliste et surnaturel, redéfinissant notre rapport aux éléments et à la nature, pour une expérience on ne peut plus immersive. Du 5 juin au 1er septembre aux Champs Libres à Rennes. 45
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C’EST QUOI LA FRANCE ? DANS SON EXPO « LIBERTÉ, ÉGALITÉ, DIVERSITÉ », L’ABBAYE DE DAOULAS S’INTERROGE SUR LA NATION FRANÇAISE. UN QUESTIONNEMENT QUI N’A RIEN D’ANODIN, COMME L’EXPLIQUE ÉDITH JOSEPH, LA COMMISSAIRE. de vivre ensemble. Pour poser les bases de l’exposition, on s’est penché sur l’Histoire et la géographie. Nous avons notamment travaillé sur des cartes animées permettant de voir l’évolution des frontières et des mouvements de population dans le temps et dans l’espace. Comment les Bretons sont-ils devenus des Français ? Ça a été très dur. Les témoignages d’anciens que l’on a recueillis pour l’exposition parlent tous de l’abandon de la langue bretonne. Pour avoir un modèle unique et une appartenance entière à la République, on a fait taire certains particularismes. Mais ça a aussi été le cas au Pays basque, en Corse, en Provence…
Shepard Fairey
Comment peut-on définir la nation française ? Notre premier axe, c’est celui de la France en tant que pays. On fait le constat de la diversité française, et on tente de savoir ce qui fait cadre dans ce territoire, à savoir l’Étatnation. Les critères qui définissent la France ne relèvent pas d’un paysage ou d’habitudes sociales, mais d’une structure juridique et administrative. Puis, il faut s’intéresser aux Français, bien sûr. On explore la façon dont la France a été un lieu de mouvements. On s’interroge sur ce qui unifie, sur ce qui est de l’ordre commun entre tous ces citoyens. C’est là qu’on aborde l’adhésion à des principes républicains et la façon dont ils se transmettent pour créer une possibilité
Et qu’en est-il aujourd’hui ? En Bretagne, les considérations territoriales restent fortes. Pour autant, un attachement à la région, que ce soit par la langue ou la culture, peut très bien s’articuler avec la transmission des valeurs de la République. Il y a en Bretagne une grande pluralité d’appartenances à des communautés. Et si on s’intéresse à l’immigration récente, peut-on retrouver des processus d’intégration similaires ? Il y a quelque chose qui ne change pas, c’est l’idée que pour être Français, il faut parler le français. Toute personne étrangère prétendant à obtenir la nationalité passe des tests de langue et de culture française. La France est une nation, la nation fait le peuple, et le peuple c’est la nation. En France, il y a un grand attachement à la culture publique. La langue en fait partie, ce qui n’empêche pas d’agir comme on l’entend dans la sphère privée. Mais il faut des références communes. Recueilli par Brice Miclet Du 14 juin au 5 janvier à l’Abbaye de Daoulas
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VTS
LES 10 ANS DES BEAUX GOSSES LE 10 JUIN 2009, SORTAIT LES BEAUX GOSSES, LE TEEN MOVIE LE PLUS COOL DU CINÉMA FRANÇAIS. UN FILM CRU, RAFRAÎCHISSANT ET SANS FILTRE SUR UNE BANDE D’ADOLESCENTS RENNAIS QUE L’ON DOIT AU DESSINATEUR RIAD SATTOUF, QUI A PASSÉ SES ANNÉES COLLÈGE ET LYCÉE EN BRETAGNE.
Photos : DR
SATTOUF : RETOUR EN BRETAGNE
Né d’un père syrien et d’une mère bretonne, Riad Sattouf (ici sur le tournage du film), aujourd’hui âgé de 41 ans, a passé les premières années de sa vie en Syrie avant d’atterrir en Bretagne. De la 6e à la 3e au collège des Ormeaux à Rennes, puis trois années au lycée Zola (où il croisera Louise Bourgoin) : pas étonnant du coup que l’intrigue des Beaux Gosses se déroule dans la capitale bretonne. On y suit Hervé (interprété par Vincent Lacoste, pour son premier rôle) et Kamel (Anthony Sonigo et sa pure dégaine), âgés de 14 ans, tous les deux obnubilés par les filles, le roulage de pelles et la branlette. La vie, quoi. 48
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UN TOURNAGE (EN PARTIE) À RENNES Si Rennes constitue le décor de cette comédie, peu de scènes y ont été filmées en réalité. On aperçoit quelques plans sur la place du parlement, la tour des Horizons, le mur de la prison des femmes, la rue derrière le lycée Zola… Mais c’est tout. « Quand on a tourné à Rennes (pendant une dizaine de jours seulement, ndlr), on a eu beaucoup de souci car la municipalité a limité les autorisations. On nous a juste donné un bout de rue, c’était assez galère », racontait Riad Sattouf dans la version commentée du film. Le collège Éric Tabarly dans lequel Hervé et Kamel sont inscrits est en réalité un établissement de Gagny
en Seine-Saint-Denis. Des difficultés de tournage qui expliquent la faible visibilité de Rennes au cinéma ? Peutêtre, car force est de constater que la capitale bretonne apparaît peu dans les longs métrages. « Déjà, il faut rappeler que le cinéma français est très parisiano-centré, situe Antonin Moreau, de l’excellente émission Le Cinéma est mort sur la radio Canal B. Mais il est vrai que Rennes est particulièrement peu présente sur grand écran. Dernièrement, il y a eu Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré et Suite armoricaine de Pascale Breton. Mais c’est globalement tout. »
UN HOMMAGE À SA GRAND-MÈRE
À son arrivée de Syrie, l’auteur de L’Arabe du futur a habité dans un premier temps au Cap Fréhel, sur la commune de Plévenon, chez sa grand-mère. Un village auquel il fera un clin d’œil dans Les Beaux Gosses en nommant le prof de français (interprété par le talentueux Nicolas Maury), Bastien Plévenon.
LA CRITIQUE D’OUEST-FRANCE Ironie de l’histoire, c’est Ouest-France qui donnera la plus mauvaise critique au film malgré son ancrage rennais. « Écriture, mise en scène, musique et même interprétation (…), Riad Sattouf a tout fait dans ce premier film et cette gourmandise se traduit dans le manque de rythme d’une chronique filmée très plan-plan. » Un avis que ne suivra pas l’Académie des César puisqu’elle sacrera Les Beaux Gosses comme meilleur premier film.
« L’ANTI LA BOUM »
Si le film avait été l’une des belles surprises de 2009 en frôlant le million d’entrées, a-t-il bien vieilli ? « Dix ans après, j’avais peur de m’y replonger, mais il n’a rien perdu de son charme, affirme Antonin Moreau. Certes, ce n’est plus la mode des teen movies à la Judd Apatow et les geeks ont depuis pris le pouvoir mais Les Beaux Gosses occupe une place à part car les jeunes sont filmés à leur hauteur et non par le prisme du regard adulte. C’est l’anti La Boum. Nous sommes sur une représentation tendre, cruelle et juste de l’adolescence. » J.M 49
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CABINETS DE CURIOSITÉS
Non non, vous ne rêvez pas. C’est bien le “duc de Boulogne” que l’on vous encourage à aller voir pour son tout premier live en BZH. Au-delà de la curiosité et en dépit de son actuelle culture du buzz, il faut reconnaître que ses premiers albums (Ouest Side, Panthéon, Lunatic…) déboîtent toujours autant.
Le plus ancien festival électro de France célèbre son quart de siècle cet été. Et la fête organisée par la team de Sonic Floor s’annonce déjà bien fat puisqu’elle accueillera : le projet X-102 réunissant Jeff Miles et Mike Banks, Paula Temple (photo), Apparat, Max Cooper, Kap Bambino…
Après les magnifiques Infinity et Eusa, Yann Tiersen est revenu en début d’année avec son nouvel album ALL. Installé depuis quelques années à Ouessant, le musicien y a conforté sa relation avec la nature, élément central de tous ses derniers disques. Une musique résolument insulaire.
Populaires jusqu’au 18e siècle, les cabinets de curiosités étaient ces collections privées de bizarreries en forme de mini-musées : animaux empaillés, momies égyptiennes, fossiles préhistoriques… Pour sa prochaine expo, le Fonds Leclerc revisite cette mode de l’étrange.
Le 26 juillet au festival Cornouaille Le 3 août au Chant de Marin
Au Fonds Leclerc de Landerneau Du 23 juin au 3 novembre
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David Gallard
À Brest Du 3 au 7 juillet
Marine Truite
Aux Vieilles Charrues à Carhaix Le 18 juillet
GOD SAVE THE KOUIGN
HOCUS POCUS
BINIC FOLKS BLUES FESTIVAL
TAME IMPALA
Petit festival (d’un jour) mais belle affiche pour cette 2e édition du God Save the Kouign (ce nom !), avec au programme Kadavar, Équipe de Foot (photo) Steve’n’Seagulls, Ko Ko Mo... Un moment psyché et festif impeccable pour démarrer la saison des festivals.
Au milieu des années 2000, les Nantais de Hocus Pocus avaient réussi à s’imposer dans le paysage rap français avec leur hip-hop teinté de jazz et de funk. Après une pause de six ans, le groupe est de retour sur scène pour une tournée de 20 dates, dont une en Bretagne.
Le festival de Binic rameute toujours du monde en pays briochin pour sa grandmesse estivale du garage. À l’affiche de ce rendezvous gratos, des habitués (Go!Zilla, King Khan), du local (Buck, Valderama’s) et une tête d’affiche : les zinzins de Sleaford Mods.
Après leur passage en 2013 à La Route du Rock, les Australiens de Tame Impala reviennent quelque peu transformés, leur rock psyché des origines ayant muté en une sorte de soft rock 70’s à la Fleetwood Mac et Cat Stevens. On est bien curieux de voir ça en live.
À Penmarc’h Le 15 juin
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Au Bout du Monde à Crozon Le 2 août
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À Binic Du 26 au 28 juillet
À La Route du Rock à Saint-Malo Le 15 août