Microcosme urbain - projet de diplôme d'architecture.

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Blandine Kuntz

MICROCOSME URBAIN Agitateur du champs des possibles, Initiateur d’un nouvel imaginaire mestrien

Diplôme d’Architecture - ENSAS 2018 Atelier Architecture & Complexité dir. D.Coulon - D. Laroche - T. Walther



Blandine Kuntz

MICROCOSME URBAIN Agitateur du champs des possibles, Initiateur d’un nouvel imaginaire mestrien

Diplôme d’Architecture - ENSAS 2018 Atelier Architecture & Complexité dir. D.Coulon - D. Laroche - T. Walther


Vue du microcosme depuis les voies de chemin de fer venant de Venise. Image de l’autrice


microcosme, substantif masculin du latin médiéval microcosmus, lui-même emprunté au grec ancien mikrókosmos (mikrós, «petit», et kosmos, «monde»). 1. Se dit d’un corps considéré dans ses correspondances analogiques avec l’univers (macrocosme) et envisagé comme un monde en réduction. Monde en petit. 2. Ensemble de personnes liées par des activités, des intérêts, des usages communs. (Dictionnaire de l’Académie Française, Neuvième Édition, 2011)

SOMMAIRE Préambule

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1. Approche théorique et contextuelle 1.1. Large scale, Small scale : Le flux, l’échelle et l’entre-deux propice à la création architecturale. 1.2. Un territoire ambivalent et complexe, mais riche en potentialités 1.3. Un programme bicéphale

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2. Du concept au projet 2.1. Posture urbaine 2.2. Expérimentations et évolutions 2.3. Rendu intermédiaire

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Conclusion, ambitions

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Mestre, parvis de la gare. Photo de l’autrice


PRÉAMBULE

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PRÉAMBULE

C’est au cours d’un voyage en Italie, qui m’a menée de Pise à Venise, en passant par Florence, que m’est venue l’idée de travailler sur la ville de Mestre pour mon projet de diplôme. Il ne me fallait que transiter dans cette ville ; sauter d’un train à l’autre pour, enfin, atteindre la gare de Sainte-Lucie et Venise, la ville fantasmée, où se tenait alors la 56ème Biennale d’Architecture. Pourtant, avant même d’arriver sur la ville insulaire, de pouvoir découvrir le site de l’Arsenale et les Giardini, l’exposition d’architecture - ou plutôt de non-architecture, commençait pour moi. Dans cette gare continentale un peu glauque ou j’eus tant de peine à me repérer, malgré la petitesse de l’édifice au regard de son usage. Sur ce parvis étroit offrant une vue en contre-plongée sur les façades défraîchies des immeubles d’habitations qui s’élèvent de l’autre côté de la route, à une quinzaine de mètres à peine, barrant toute tentative d’appréhension de l’espace urbain. Dans ces rues que la curiosité me fit arpenter, une continuité viaire sans respirations, parfois ponctuée d’éléments insoupçonnés (ligne de tramway surgie de nulle-part, piste cyclable, arrêts de bus peu judicieusement placés).


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PRÉAMBULE

Ce sentiment d’incohérence et d’anarchie urbaine se poursuit pendant les quelques minutes que prend le train pour nous faire quitter le continent. La ville de Mestre s’efface brutalement au profit d’une succession de hangars immenses, de grues portuaires, de ponts autoroutiers, et soudain, nous voilà sur la lagune vénitienne, dans cette traversée vers l’insulaire, tant de fois mise en scène, l’introduction à l’imaginaire vénitien. Ce qui frappe, ce n’est pas tant cette transition brutale entre la ville servante et son faire-valoir, mais plutôt de réaliser que je viens de quitter la «vraie» ville, et que je me rends dans une sorte d’hétérotopie1 bourgeoise. Que des milliers de personnes ont suivi la même route que moi, avec probablement moins d’intérêt, pas même un regard pour la terra ferma, et que d’autres continueront à l’emprunter, ce grand corridor mono-orienté, dont la fonction n’est que de déverser des hordes de personnes au large de la baie vénitienne. C’est en réfléchissant à cette situation que se sont imposées à moi les deux questions qui constituent la clé de voûte de ce travail. Tout d’abord, une interrogation sur le décalage fonctionnel des infrastructures existantes, leur état absolument caduque, le manque d’intermodalité, de clarté et surtout de statut pour cette gare et ses réseaux sous-jacents. Ce sont quand même 500 trains et 85 000 voyageurs en moyenne qui y transitent chaque jour2. Puis, en découvrant par la suite que près de 200 000 personnes, dont de nombreux pendulaires, peuplaient Mestre, contre seulement 50 000 Venise : comment une ville grande comme les deux tiers de Strasbourg peut-elle être à ce point carencée en équipements de divertissement, de loisir, de culture, et surtout en espace public ; là où les liens s’opèrent ? Comment y remédier, sachant que c’est une ville qui ne cesse de dépasser ses propres limites, et qu’à mesure qu’elle croît, 1  Concept énoncé par Michel Foucault en 1967, au cours d’une conférence intitulée «Des espaces autres», et qu’il définit comme la localisation physique de l’utopie. 2 Données récoltées par la société Grandi Stazioni qui gère les très grandes gares italiennes. Consultables en ligne sur le site de la société : http://www.grandistazioni.it/cms/v/index. jsp?vgnextoid=14104cb9ff09a110VgnVCM1000003f16f90aRCRD


PRÉAMBULE

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ces manques seront de plus en plus évidents et sources de problèmes. Autant de questionnements issus d’une réalité vécue, que j’ai décidé de placer au coeur de ma réflexion de projet. Ce travail aura connu une longue gestation, et de nombreux imprévus. Je suis heureuse qu’aujourd’hui une tentative de réponse convaincante à ces interrogations commence timidement à émerger, et j’espère qu’elle saura s’épanouir et s’étoffer tout au long de ces deux mois qu’il me reste afin de parfaire ma proposition en vue de la soutenance finale.


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APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

Mestre

Venise

Mestre et Venise. En noir : l’axe reliant continent et ville insulaire. Document de l’autrice


APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

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APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

1.1. Large scale, Small scale : Le flux, l’échelle et l’entre-deux propice à la création architecturale. De cette expérimentation in situ, qui m’a menée vers les interrogations encore très indéfinies, plus intuitives que raisonnées - exposées dans le préambule de ce document, ressortent de grands axes théoriques dans lesquels je souhaite voir s’inscrire mon travail. En effet, ma réflexion porte sur les moyens à disposition de l’architecte qui permettraient d’orienter le développement d’une ville en devenir ; afin que celle-ci réponde à la fois aux enjeux territoriaux qui lui sont intrinsèques étant donnée sa position dans les réseaux de transports et de tourisme, ainsi qu’aux besoins bien plus localisés de ses habitants en terme d’environnement de vie. Faire de la réponse architecturale une entité omnipotente, mais sensiblement axée sur ces deux enjeux principaux. Ce postulat fait donc intervenir deux échelles majeures, placées sur un même pied d’égalité : d’un côté la large scale1, échelle du territoire et des flux, de la société contemporaine ; inscrite dans un mouvement

1  Deux anglicismes que je me suis permise d’utiliser, car je souhaite les mettre en corrélation avec l’idée de Bigness décrite par Rem Koolhaas dans son ouvrage Junkspace (Payot & Rivages, Paris 2011 pour la traduction française par Daniel Agacinski), dont je parlerai avec plus de précision un peu plus loin dans le texte.


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APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

permanent et effréné, elle est insaisissable, sa traduction dans le paysage relève avant tout du réseau et de son infrastructure. D’un autre côté la small scale , l’échelle de la ville, de l’espace vécu, plus architecturée, reflet des différentes personnes qui la pratiquent ; dont le rythme est moins rapide, plutôt lié à une sorte de permanence. Ces échelles permettent non seulement de proposer une lecture du territoire, mais également de me positionner idéologiquement par rapport aux intuitions qui m’ont traversée lors de mon passage. La dualité qu’entretiennent ces deux rapports d’échelle l’un par rapport à l’autre et la tension qu’il en résulte m’ont permis de préciser les premiers éléments de ma réflexion afin d’en affiner les contours et de faire émerger un questionnement problématisé qui correspond au fil rouge de mon travail ; et que l’on pourrait formuler de la manière suivante : Il s’agit en vérité de créer une nouvelle polarité au sein de l’espace urbain mestrien. Ce geste permettrait un action sur la large scale, en catalysant au sein d’un même espace les différents flux qui traversent le territoire, et en positionnant l’édifice comme une interface physique majeure du maillage italien en termes de transports et de tourisme - comme son usage le présuppose, l’exige. De plus, la réponse se veut également orientée en direction de la small scale, notamment dans sa construction programmatique, pour devenir un creusot où les habitants de Mestre et des environs pourront avoir accès, dans un espace totalement libre, à des activités foncièrement protéiformes, culturelles, de loisirs, sportives, du ressort des relations sociales. Des éléments aujourd’hui absents du quotidien des habitants de la ville. Créer une sorte d’anti-lieu à Venise, une nouvelle hétérotopie, qui pourrait même devenir une fin en soi ; un microcosme en dérivation où se développerait un nouvel imaginaire contemporain propre aux Mestrini, une tentative de «saisir et fixer la réalité d’un mirage»2. Une perturbation dans un système réglé.

2  Koolhaas, R. New York Délire, Parenthèse, Marseille 2002, p.29.


APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

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Le projet se positionne dans la lignée de plusieurs pensées architecturales contemporaines : dans un premier temps, il est fortement imprégné du concept de Bigness3 théorisé par Rem Koolhaas. Par évidence, les enjeux du projet et ce dialogue entre grande échelle et échelle gigantesque lui imposent de se parer des théorèmes qui définissent le «Grand Bâtiment». L’idée de dissociation de l’extérieur et de l’intérieur, qui permettrait au projet de remplir ses différents rôles selon les échelles et les référentiels dans lesquels on le place, ainsi que le principe selon lequel seule la Bigness peut «supporter une prolifération confuse d’évènements multiples dans un seul contenant»4 {le projet}, permettent d’essentialiser certains aspects de ce travail, notamment la création d’un microcosme (small) au sein d’une mégastructure (large). Cependant, dans un souci de qualité, le projet se doit également d’explorer l’entre-deux, l’espace issu de la confrontation de ces deux échelles, lieu de toutes les tensions et de toutes les disruptions, expression du «caractère ouvert et en devenir [de cette architecture], se donnant dans la fluence du temps»5. Ce qui implique, selon mon interprétation de cette notion de plissement, l’abandon d’une pensée architecturée au profit d’éléments immatériels, modelés par les flux qui transiteront inévitablement par le projet, l’imprimeront de leurs passages. C’est cette rencontre entre le dur et le léger, l’immobile et le glissant, qui permettra au projet de s’épanouir et de réaliser les attentes que j’y place. Laisser, ainsi, une grande place, dans le processus de projet, à la dimension conceptuelle qui lui est inhérente, qui personnellement me permet de transcender mes connaissances et me jeter dans l’inconnu, avec pour 3 Voir Koolhaas, R., «Bigness ou le problème de la grande dimension», Junkspace, Payot & Rivages, Paris 2011, p.32. 4  Ibidem, p.39 5  L’«entre-deux» selon Bernard Tschumi. Migayrou, F., « Vecteurs d’un évènement programmé », in Migayrou, F. (dir.), Bernard Tschumi, Architecture : concept & notation, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2014, p. 34.


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APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

motto l’application d’«une dynamique du concept toujours soumise à l’épreuve du contexte, avec la scrupuleuse exigence de maintenir les deux pôles de cet antagonisme en tension»6. Explorer des antagonismes, des dualités, et les espaces intersticiels qui les définissent.

«Au plaisir du texte, je substitue le plaisir de l’architecture, absolu celui-là : plaisir des sens, je marche, j’entends, je vois.»7

6  Ibidem, p.36. 7 Tschumi, B., « Le jardin de Don Juan ou la Ville Masquée », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°187, octobre / novembre 1976.


APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

Ambiances industrialo-chaotiques au sortir de la ville. Photos de l’autrice

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APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

1.2. Un territoire ambivalent et complexe, mais riche en potentialités La ville de Mestre se situe sur la terra ferma, face à la Sérénissime. Elle est le dernier point de passage avant d’atteindre la légendaire cité lagunaire. Constituée d’abord par l’étalement des villages continentaux, elle a rapidement joué le rôle de «ville servante» de la Vénétie ; accueillant les infrastructures portuaires vénitienne (commerce et industrie) au début du 20ème siècle, puis une zone industrielle orientée vers la chimie, et se développant en conséquence, de manière totalement incontrôlée, jusqu’à notre époque. Aujourd’hui, la ville compte 180 000 habitants (contre 50 000 pour Venise)1, et est devenu un point de transit important en terme de transports, avec l’axe majeur reliant, par voies viaire et ferroviaire, le continent à Venise, avec un passage par la gare TGV. Aussi, de plus en plus de vénitiens quittent la ville historique, trop chère et trop «disneylandisée», pour s’y installer, alors que les hébergements touristiques pour petits budgets s’y multiplient. La zone industrielle se cherche un nouveau destin, et le port de Marghera se maintient, avec 25 millions de tonnes de marchandises qui y ont transité en 2016, contre 30 millions en 20062. Le tourisme vénitien explose pourtant, et le port de tourisme greffé à la ville historique voit déferler des vagues de touristes des paquebots immenses, créant une skyline peu ordinaire et déteriorant un peu plus les fondations de la ville sur l’eau. Le paysage urbain qui résulte de la conjonction de toutes ces données est pour le moins hétéroclite. Saturé, entaillé d’infrastructures hors échelle, datées, usées par le temps et le passage des flux. La ville est ceinte de limites physique, dont les tracés ont été dessinés par pur pragmatisme -

1 Recensement 2017. Données consultables : http://nuovavenezia.gelocal.it/venezia/cronaca/2016/01/14/ news/popolazione-giu-cresce-solo-mestre-centro-1.12775735 2  Statistiques 2016 du Port de Venise : https://www.port.venice.it/files/page/portofvenice12-2016_0.pdf


APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

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fonctionnalisme même, sans aucune considération ni pour les typologies urbaines existantes, ni pour les orientations de développement à venir. Pourtant Mestre croît sans cesse, elle s’étoffe et s’étale au gré des arrivées de populations attirées par le bassin d’emploi que la Vénétie offre. Orienter cette évolution en pensant à la réappropriation des territoires industriels en reconversion qui séparent Mestre de ses rives lagunaires n’est donc pas une hérésie. À mon sens, ce patrimoine et ces qualités paysagères uniques doivent au contraire apporter à la composition d’une vraie identité mestrienne, lui conférant un statut dans la big scale ; lui offrant une image dans la small scale. Pour concrétiser ces intentions, il s’agira d’utiliser le geste architectural pour créer une concentration mentale à un endroit stratégique du tissu urbain, où les ruptures d’échelles et la fragmentation urbaine qui en résulte sont particulièrement visibles. Cet emplacement stratégique servira de site de projet pour accueillir un dispositif qui assurera la gestion et la catalyse des flux existants, circulant sur les réseaux viaires, de transports urbains et ferroviaires. Des connexions avec les nouveaux flux générés par ces évolutions infrastructurelles seront également mises en places, notamment grâce à la reconquête de l’eau comme élément du nouvel imaginaire et support de mouvement et de flux ; avec la création d’une ligne de bateau vers Venise. Cette nouvelle centralité aura également vocation à agir sur ces flux, ces mouvements, notamment leur célérité ; et offrira des variations à la constance des flux, par des temporisations. Le geste architectural permettra également d’offrir des vues et des interactions avec le paysage industriel si caractéristique, et son insertion dans l’espace urbain appellera à une composition construite forte, porteuse d’identité pour une ville en devenir.


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APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

Photo aérienne du site : friction entre ville, industrie et infrastructure Images Google, 2016


APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

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1.3. Un programme bicéphale Afin de fixer la double orientation conceptuelle du projet, et son action sur les différentes échelles et espaces intersticiels précédemment mis en lumière, j’ai réfléchi à mettre en place qui cristalliserait les différentes interactions attendues. Il est en cela bicéphale - selon moi - qu’il répond aux deux échelles complémentaires et l’espace tendu entre celles-ci sy’ perçoit également. Le premier grand axe programmatique s’oriente vers la large scale : il gravite autour de la construction d’un nouveau pôle multimodal, centré sur les réseaux ferroviaires, qui viendra supplanter l’actuelle gare dont le fonctionnement est obsolète et l’architecture vieillissante et inadaptée. Cette nouvelle organisation de l’intermodalité permettra aux voyageurs et aux pendulaires de naviguer - c’est le terme - efficacement entre les différents modes de transports, les différentes échelles. Ainsi, les bus, les tramways et les voitures seront regroupées à proximité de la gare. À l’extrémité du parc, un arrêt de vaporetto1 sera accessible en moins de 10 minutes de marche. Pour compléter ce programme, un grand parking relais de 1200 places ainsi qu’un hôtel et une auberge de jeunesse permettront de fixer les voyageurs dans le projet, inciteront à la pratique de ce nouveau point névralgique continental. Le second axe programmatique, complémentaire au premier, agit sur la small scale. Il propose, sans imposer, du loisir, du divertissement, de la culture rendue accessible. Par la mixité programmatique et la densité évènementielle, il s’affranchit des limites intrinsèques de ces programmes. On y retrouve un conservatoire de musique avec un auditorium de représentation, une médiathèque, un gymnase, un centre aquatique et un cinéma. Les programmes rayonnent localement en complétant une

1  bateau-bus utilisé sur Venise et les îles de la lagune comme mode de transport urbain.


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APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

timide offre culturelle déjà présente ; tout en contribuant au nouveau statut de Mestre (le programme du conservatoire, notamment, permet de concentrer un public plus large, issu d’un territoire qui s’étend au-delà des limites de la ville). L’enjeu du projet est de créer des glissements, à la fois à l’intérieur de ces programmes (s’affranchir d’une organisation traditionnelle cloisonnée), mais également entre eux (gommer les limites entre programmes pour inciter à la transversalité et la porosité des espaces, des usages). Le fourmillement qui résulte de la densité des programmes et de la diversité des usages permet une acton sur les différents sens de l’usager. Par cet artifice, le projet ne devient pas un énième diffuseur de culture de masse, il incite à la découverte, propose du loisir et de la culture sans contraintes ; permet la curiosité et la flânerie, s’adapte à l’usage qu’on en fait. Le programme, son organisation, ses espaces ne sont pas figés : ils évoluent au gré des besoins et envies des usagers, aussi différents soient-ils ; créent des failles dans les trajectoires, des disruptions dans l’ordre établi. Le parc se veut la continuité du projet, de sorte que la limite entre intérieur et extérieur devienne floue, insaisissable, imperceptible. Il est constitué de séquences paysagères offrant des ambiances variées, faisant appel aux sens, dégageant des vues, des aperçus. Le but étant de ne pas se rendre compte qu’on a marché pendant 10 minutes pour rejoindre le vaporetto, et même de faire en sorte que ces 10 minutes soient augmentées d’un temps dédié à l’assouvissement de la curiosité pour les éléments paysagers qui se dévoilent au fur et à mesure de la déambulation. L’ensemble du projet permet d’offrir de l’espace public, vecteur de lien social, dans un lieu que l’on pourra presque préférer à Venise, tant il a à offrir à ses usagers.


APPROCHE THÉORIQUE ET CONTEXTUELLE

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PARC 80 000 m2

HÔTELS 12 000 m2

LOGEMENTS ÉTUDIANTS 3 500 m2

CONSERVATOIRE 4 200 m2

LOISIRS PROGRAMMES INFORMELS

PÔLE SPORTIF PISCINE 9 000 m2

PARKING 30 000 m2

GARE INTERMODALE 4 500 m2

MÉDIATHÈQUE 7 000 m2 CINÉMA 5 000 m2

POROSITÉ

Contemplation Hébergement Logement Loisirs Spaces with a view

Effervescence Culture Loisirs Divertissement Espaces publics

Pragmatisme réseaux croisement des flux Temporalités échelles

VILLE

MICROCOSME TRANSITOIRE

PARC

Fonctionnement programmatique en diagramme et en coupe Documents de l’autrice.

CHENAL


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DU CONCEPT AU PROJET

DU CONCEPT AU PROJET 2.1. Posture urbaine Considérons dans un premier temps les enjeux du site : il se situe le long de l’axe Est-Ouest reliant le continent à Venise et est, de ce fait, fortement imprégné du caractère infrastructurel de cet axe : voies ferrées venant affluer sur l’axe ferroviaire principal depuis le Sud (port), voie rapide parallèle à cet axe, sur piliers, surélevée à 7m, avec une division vers le Nord qui connecte l’axe au centre de Mestre, passage proche du tramway. De plus, on y trouve un large terrain vague offrant un panorama sur le paysage industriel environnant, les chenaux portuaires et le pont à haubans au Sud. Enfin, il se situe à la lisière du tissu urbain traditionnel et de la nappe industrielle, ce qui en fait un lieu extrêmement hétéroclite. Il me parut très vite évident que seule une posture urbaine radicale pourrait exprimer justement les enjeux conceptuels cités en première partie par rapport aux contraintes du lieu. La notion de franchissement, évidente pour prendre le contrepied de l’orientation dominante Est-Ouest, m’a rapidement dirigée vers le langage du bâtiment-pont. J’ai alors testé plusieurs volumes qui pourraient le définir, soit dans l’horizontalité, soit dans la verticalité.


DU CONCEPT AU PROJET

Dualité des échelles, postures testées Documents de l’autrice.

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DU CONCEPT AU PROJET

Posture horizontale, retenue.


DU CONCEPT AU PROJET

Posture verticale, non retenue.

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DU CONCEPT AU PROJET

Nouvelle esplanade Nouvelle gare

Mestre Axe routier et ferroviaire

Axonométrie montrant les grands principes d’implantation du projet dans son contexte. Document de l’autrice.


DU CONCEPT AU PROJET

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Parc ouvert sur l’eau prolongement du projet

Embarcadère

Vers Venise

Marghera Industries et port


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DU CONCEPT AU PROJET

La partie architecturée du projet s’inscrit donc dans un gabarit massif, tout en horizontalité, de 280 mètres de long et de 160 mètres de large (la largeur du chenal au Sud) pour 20 mètres de haut. Il vient se décoller du sol afin d’offrir une continuité visuelle aux passants venant des différentes polarités environnantes. La gare se situe au niveau 0 ; ainsi que des parkings. L’édifice, flottant, absorbe les infrastructures existantes, telles que l’axe routier et les voies de chemin de fer, pour en permettre à la fois l’utilisation et le franchissement. Le parc quant à lui se déploie au Sud sur une longueur de 450 mètres, et fait une couture paysagère entre le projet et l’eau. Cette implantation permet non seulement de profiter des infrastructures pour le volet large scale, mais également de s’affranchir de la coupure créée par celles-ci pour relier Mestre à Venise, qui n’est actuellement franchissable qu’en deux points sur une longueur de plus de 4 kilomètres. La ville et son terrain d’extension sont ainsi réunis symboliquement. De plus, le bâtiment, par son échelle XL et son volume pur et géométrique, permet de créer un évènement1 marquant dans le tissu urbain de la ville, concentrant les attentions et les regards issus de toutes les directions. Son positionnement sur le glacis créé par l’infrastructure le met d’autant plus en avant. Une posture radicale, mais qui répond subtilement aux différents enjeux conceptuels exposés. Ville Infrastructures Rapidité Rythme effréné

RALENTISSEMENT

Paysage, eau Déambulation Flânerie Contemplation

Schémas d’implantation urbaine, de captage des flux. 1  Selon les mots de B.Tschumi : «(…) le projet s’annonce tout à la fois comme sens et comme évènement.» Migayrou, F., « Vecteurs d’un évènement programmé », in Migayrou, F. (dir.), Bernard Tschumi, Architecture : concept & notation, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2014, p. 34.


DU CONCEPT AU PROJET

Maquette au 1:1000 en plexiglas, reprĂŠsentant les diffĂŠrents plateaux et un premier placement de programmes.

Concept architectural

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DU CONCEPT AU PROJET

2.2. Expérimentations et évolutions

Concept - mai 2018

Maquette du projet - mai 2018

Coupe d’intentions

9.

GSEducationalVersion

Coupe espace libre

1:500


DU CONCEPT AU PROJET

Maquettes présentant les différentes variantes d’organisation des espaces formels et informels et des évènements - 1:1000

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DU CONCEPT AU PROJET

Recherches et croquis sur l’organisation en strates - l’affranchissement de la tramela matérialisation de l’espace transitoire, faille dans le projet.


DU CONCEPT AU PROJET

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CONCEPT ARCHITECTURAL RETENU : 1ère strate : ESPACE. Ingrédient de base de l’architecture, il se matérialise dans le projet par les dalles superposées, garnies d’une nappe dense de programmes, dont les principes d’organisation proposent de rompre avec l’imaginaire traditionnel. Espaces informels, disparition progressives de la trame et des limites entre les différents usages, mais aussi rigueur et réalisme car le principe ne doit pas entraver le fonctionnement du projet. 2nde strate : ÉVÈNEMENT Intimement liés à la nappe programmatique, ces lieux sont des repères dans la densité, il s’offre sous de nouveaux jorus selon l’angle avec lequel on les approche, se déploient dans toutes les dimensions du projet. Leurs volumes purs intriguent, appellent le regard, les sens. Ils viennent jalonner la pratique du projet tout en drainant du flux. 3ème strate : MOUVEMENT La plus immatérielle, elle est la résultante du passage des flux dans le projet. De forme mouvante, par essence organique, elle confère au projet son caractère vivant et évolutif, transformant le microcosme figé en machine complexe, dont les espaces s’évident, se dilatent, se creusent ou se contractent au gré des passages. Cette strate lie le sol au projet, l’infrastructure à l’architecture, l’intérieur à l’extérieur, les usagers aux usages, la large scale à la small scale.


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DU CONCEPT AU PROJET

Plan de situation - 1:10 000e MICROCOSME URBAIN Blandine Kuntz Architecture & Complexité - Diplôme 2018


DU CONCEPT AU PROJET

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MICROCOSME URBAIN Blandine Kuntz Domaine « Architecture & Complexité » - Diplôme 2018 D. Coulon - D. Laroche - T. Walter

Repenser le chaos, agiter le vide. Vers un nouvel imaginaire mestrien. Ville Infrastructures Rapidité Rythme effréné

RALENTISSEMENT

PARC 80 000 m2

HÔTELS 12 000 m2

POROSITÉ

Contemplation Hébergement Logement Loisirs Spaces with a view

Effervescence Culture Loisirs Divertissement Espaces publics

LOGEMENTS ÉTUDIANTS 3 500 m2

CONSERVATOIRE 4 200 m2

Paysage, eau Déambulation Flânerie Contemplation

LOISIRS PROGRAMMES INFORMELS

PÔLE SPORTIF PISCINE 9 000 m2

GARE INTERMODALE 4 500 m2

PARKING 30 000 m2

MÉDIATHÈQUE 7 000 m2

Pragmatisme réseaux croisement des flux Temporalités échelles

CINÉMA 5 000 m2

VILLE

PARC

MICROCOSME TRANSITOIRE

CHENAL

Diagrammes : intentions et répartitions programmatiques

Axonométrie : Le microcosme catalyse les flux

Parc ouvert sur l’eau prolongement du projet

Nouvelle esplanade Nouvelle gare

Mestre Axe routier et ferroviaire

Embarcadère

Vers Venise

Marghera Industries et port

Axonométrie : principes d’implantation MICROCOSME URBAIN Blandine Kuntz Architecture & Complexité - Diplôme 2018


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DU CONCEPT AU PROJET

Toiture +25m

R+3 +20m

R+2 +15m

R+1,5 +10,75m

R+1 +7m

RDC +0,00m

Plan de masses - 1:2000e

Toiture +25m

R+3 +20m

R+2 +15m

R+1,5 +10,75m

R+1 +7m

RDC +0,00m

Coupe A - 1:500e MICROCOSME URBAIN Blandine Kuntz Architecture & Complexité - Diplôme 2018


DU CONCEPT AU PROJET

A

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B

C Foyer bas

C

Auditorium

Foyer bas

Café Arrière-scène

A

B

Plan du niveau +7m - 1:500e

GSEducationalVersion

Toiture +25m

R+3 +20m

R+2 +15m

R+1,5 +10,75m

R+1 +7m

RDC +0,00m

Coupe B - 1:500e MICROCOSME URBAIN Blandine Kuntz Architecture & Complexité - Diplôme 2018

Toiture +25m

R+3 +20m

R+2 +15m

R+1,5 +10,75m

R+1 +7m

RDC +0,00m


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DU CONCEPT AU PROJET

A

B

Beaux-Arts

Jeunesse/ enfance

Bande-dessinée

LOGEMENTS

Ludothèque

Littérature

MÉDIATHÈQUE

ÉCRAN 7,8m * 4,7m

ÉCRAN 7,8m * 4,7m

Accueil / Foyer

CINÉMA

ÉCRAN 7,8m * 4,7m

Diffusion / Médiation

Restauration

HÔTEL

ÉCRAN 7,8m * 4,7m

Cuivres Cinémathèque

Percussions ÉCRAN 7,8m * 4,7m

Café

CONSERVATOIRE

Business / Conférences Cordes Restauration

Administration

Accueil

Orgue Accueil / Lobby

HÔTEL Musicothèque

Bois

Accueil

Instruments polyphoniques

Vestiaires pro Culture musicale

GYMNASE Accueil/Lobby Accompagnement Vide sur rampe vers R+0m Éveil Restauration

C

Café

HOSTEL

Plongeon Foyer haut Vide sur R+7m Vide sur rampe vers R+7m

C

Auditorium

Plateaux d'orchestre Détente

Amphithéâtre

Restauration

HOSTEL

Café

A

B

Plan du niveau +15m - 1:500e GSEducationalVersion

Toiture +25m

R+20m

R+15m

R+10,75m

R+7m

RDC +0,00m

Coupe C - 1:500e MICROCOSME URBAIN Blandine Kuntz Architecture & Complexité - Diplôme 2018


CONCLUSION, AMBITIONS

33

Bien que l’idée d’arriver au terme d’un projet, n’avoir plus rien à y ajouter, me déplaît assez, j’ai tout de même certains aspects que je souhaite voir fixés le plus possible afin de les présenter lors de ma soutenance de diplôme. Dans cette idée, je vais m’attacher à travailler les points suivants: - Le dessin du projet, en plan et en coupe, doit être parfaitement réaliste au regard des enjeux infrastructurels qu’il présente et de la complexité de son implantation. Ainsi, un long de travail sur le plan de la gare TGV et les programmes qui gravitent autour, notamment les parkings et les programmes d’hébèrgement touristique me semble indispensable. - Le parc, loin d’être une entité mono-orientée et résiduelle, est un élément à part entière du projet. À ce titre, il doit témoigner d’une idée d’aménagement fort, en résonance avec le projet ; et d’un dessin juste, dans la continuité de l’architecture que je mets en place dans le bâtiment. Son dessin doit être travaillé. - Les évènements doivent ressortir sans artifices de couleurs, et être mis en valeur au sein du projet, par un jeu d’espaces, de vides, de doubles-hauteurs. Les séquences d’approches doivent être presque scénographiées afin de faire apparaître une cohérence du projet par rapport au propos. - l’espace transitoire, en mouvement, doit devenir la strate principale du projet, puisque c’est par elle qu’il se constitue. Son tracé, sa forme doivent se complexifier pour exprimer au mieux le caractère hétérogène des flux qui le composent. Il doit encore davantage déformer la linéarité du projet en coupe, être plus généreux et plus ample.



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