Un berger apprend les leçons d'un chien de berger • Phillip Keller (vol. 3)

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Phillip Keller se souviendra toujours de ce chien qui fit preuve d’un amour sans borne et d’une fidélité à toute épreuve envers son maître. Dieu s’est servi de l’exemple touchant de Lass pour enseigner des vérités profondes et enrichir notre marche avec Jésus-Christ, le bon Berger. Ces illustrations tirées de la vie réelle sont frappantes. Des leçons de vie que vous allez dévorer. Et si vous ne connaissez pas encore le bon Berger, elles vous donneront le désir de le rencontrer ! L’auteur, Phillip Keller (1920-2001), a toujours aimé la nature et la vie en plein air. Il a grandi et vécu dans l’Est africain où il a été berger, puis propriétaire et éleveur de moutons. C’est pourquoi sa description de la vie de berger et sa connaissance des brebis se révèlent si vivantes et pertinentes. Conférencier de renom et auteur de plusieurs best-sellers, il a touché par ses écrits des hommes et des femmes de toutes nationalités.

ISBN 978-2-36249-095-8

9 782362 490958

6,50 €

Phillip Keller Un berger apprend Les leçons d’un chien de berger

« Voici l’histoire toute simple de Lass, un chien de berger particulier qui a partagé ma vie dans mon premier ranch d’élevage de moutons. »


Un berger apprend Les leçons d’un chien de berger




Édition originale publiée en langue anglaise sous le titre Lessons From a Sheep Dog • Phillip Keller © 1983 W. Phillip Keller Publié par W. Publishing, a division of Thomas Nelson Inc. 501 Nelson Place • Nashville, TN 37214-1000 • USA Traduit et publié avec permission. Tous droits réservés. Édition en langue française : Un berger apprend les leçons d’un chien de berger • Phillip Keller © 2004 BLF Éditions• www.blfeditions.com Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés. Traduction : Virginie Thémans Couverture et mise en page : BLF Éditions Impression nº XXXXX • IMEAF • 26160 La Bégude de Mazenc • France Les citations bibliques sont tirées de La Nouvelle Version Segond Révisée (dite de la Colombe) © 1978 Société Biblique Française, et de Parole Vivante © 2007 BLF Europe 978-2-36249-095-8  ISBN BLF  Version brochée 978-2-36249-096-5  ISBN BLF  Version ePub 978-2-36249-097-2  ISBN BLF  Version PDF 978-2-36249-098-9  ISBN BLF  Version Mobipocket

Dépôt légal 4e trimestre 2015 Index Dewey (CDD) : 248.4 Mots-clés : 1. Vie chrétienne. Sanctification. 2. Biographie.


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À propos de l’auteur Né dans l’Est africain, Phillip Keller (1920-2001) a toujours aimé la nature et la vie en plein air. Ses études d’agronomie à l’Université de Toronto (Canada) l’ont amené à consacrer de nombreuses années à la recherche dans les domaines de l’agriculture, de l’aménagement du territoire et du développement des fermes d’élevage en Colombie britannique. Plus tard, il poursuivit des études d’écologie dans l’Est africain ; elles le conduisirent à de nouvelles carrières touchant à la conservation de la nature, à la photographie des animaux sauvages et au journalisme ; ces dernières occupations lui firent visiter plus de vingt pays. Phillip Keller a exprimé son amour pour Dieu et pour la nature dans de nombreux best-sellers. Sa passion pour le partage des vérités divines lui a permis d’atteindre des hommes et des femmes de toutes nationalités.


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Les leçons d’un chien de berger

Il est l’auteur des livres suivants : Splendeur des mers, Sous le ciel du désert, Gloire sauvage de l’Afrique, Comme croît un arbre… Il a relaté les leçons spirituelles de son expérience en tant que berger dans les trois livres suivants : Un berger médite le Psaume 23, Un berger contemple le Bon Berger et ses brebis, Un berger apprend les leçons d’un chien de berger.


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En mémoire de Lass par laquelle Dieu m’a appris des leçons pour la vie entière.



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L’histoire

Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande. Jean  15 : 14



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Lass, ce border collie bien-aimé Voici l’histoire toute simple de Lass, un chien très spécial qui a partagé ma vie dans mon premier ranch d’élevage de moutons. Malgré son nom très ordinaire, elle était la chienne la plus extraordinaire qui soit. Je conserve de vibrants souvenirs de la camaraderie, de la loyauté, de l’exubérance et de l’amour dont elle fit preuve durant de nombreuses années. Bien plus importants et précieux encore sont les profonds principes spirituels que Dieu, mon Père, m’a enseignés lors de mon travail avec ce superbe border collie. Certains d’entre nous mettent du temps à comprendre les vérités de base concernant les intentions divines. Nous ne pouvons pas toujours saisir


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avec clarté l’appel que le Christ nous adresse pour Le servir simplement. C’est pourquoi son Esprit utilise souvent les expériences de la vie de tous les jours pour projeter sur notre chemin l’intense lumière de sa vérité. C’est là que réside l’utilité des paraboles issues de notre travail quotidien ; elles nous aident à cerner clairement les plans nobles et majestueux de notre tendre Père. Voilà ce que Lass fit pour moi lorsque je n’étais encore qu’un jeune adulte. Elle entra dans ma vie alors que j’approchais de la trentaine et que mon esprit regorgeait de brûlantes et lancinantes questions auxquelles aucun sermon ni étude biblique n’avaient pu apporter de réponses. Toutefois, Dieu, dans son immense grâce, utilisa ce chien pour me montrer de quelle façon Il se comporte et conduit les choses. Il m’a enseigné quelles étaient pour moi, son coéquipier et ami, ses plus grandes ambitions et ses intentions les meilleures. Car Il fait très clairement savoir à ceux qui Lui appartiennent qu’Il les appelle à Le servir d’une façon particulière. J’ai grandi au contact des bovins. Sur nos terres, en Afrique orientale, mon père avait élevé la fine fleur des races adaptées au climat tropical. Ses bêtes


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faisaient sa joie : les Africains s’émerveillaient à la vue des splendides taureaux dont nos veaux étaient issus, des bœufs robustes qui tiraient nos chariots et travaillaient dans les champs, et des superbes vaches qui nous approvisionnaient en lait. Quand j’arrivai en Amérique du Nord afin de terminer mes études universitaires d’agronomie, les bovins continuèrent à tenir un rôle important dans ma carrière. Je travaillai dans plusieurs ranchs en attendant impatiemment le jour où je ferais enfin l’acquisition de terres sur lesquelles je pourrais avoir mon propre troupeau. À l’âge de 25 ans environ, j’eus la gestion de l’un des plus beaux ranchs de la région d’élevage bovin de Colombie britannique. Là, on me confia un superbe et courageux chien bouvier nommé Paddy. Il était remarquable d’efficacité avec nos vaches Hereford, et m’évitait ainsi de perdre des heures à rassembler et diriger les troupeaux. Peu après cette période, je découvris un lopin de terre délaissé au sud de l’île de Vancouver. Son triste état le rendait peu attrayant, mais je pouvais voir le potentiel qu’il dissimulait. Puisqu’il s’agissait d’une propriété en vente, il me fallut débourser de l’argent pour en faire l’acquisition. Comme il ne me restait plus assez d’économies pour acheter des bovins, je dus me résoudre à élever d’abord des moutons. Mais je constatai bien vite que


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les moutons déconcertaient et décourageaient complètement ce bon vieux Paddy. Dégoûté et vidé de toute espèce d’enthousiasme, il se résigna à somnoler au soleil et à dormir au coin du feu. Je réalisai alors que mon premier troupeau me créait un sérieux problème. Il fallait vraiment que je trouve un chien de berger capable de m’aider à m’occuper des brebis et des agneaux qui paissaient sur mes pauvres prairies. L’idéal eut été de dénicher un border collie bien éduqué car, de toutes les races de chiens, c’est celle qui produit les meilleurs chiens de berger. J’avoue également que, pendant ces premiers mois passés à Fairwinds – ainsi était appelée notre propriété du bord de mer –, j’en vins à me demander pourquoi je m’étais chargé de ces moutons. Comparés aux bovins, ils paraissaient si stupides, si frêles, si timides et si sujets aux maladies et aux parasites ! Et, de plus, ils étaient des proies si faciles pour les prédateurs ! À cette époque, je ne voyais pas les merveilleux plans de Dieu, ni ses mains à l’œuvre à l’arrièreplan de mes préoccupations. Je ne savais pas qu’Il s’apprêtait à m’enseigner des leçons d’une portée éternelle sur ces étendues balayées par les vents que


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je m’efforçais de transformer en une belle propriété terrienne. Un jour, une courte annonce parut dans le journal local. On y lisait : On recherche

un bon foyer dans la campagne

pour un border collie de pure race.

Ne supporte ni voitures ni vélos.

Je me précipitai vers un ranch voisin pour téléphoner au propriétaire du chien qui vivait dans une ville située à une quarantaine de kilomètres de là. — Oui, me répondit une dame, la chienne est toujours en ma possession. Venez vite, je vous en prie. Personne d’autre ne veut d’elle. » Sa voix avait des accents désespérés. Je sautai dans ma voiture pour emprunter la route de campagne qui me conduisit à un petit pavillon de banlieue. La dame m’attendait à la porte. Avant même que je sorte du véhicule, elle commença à parler avec animation : — Monsieur Keller, je ne peux rien tirer de cet animal. » Il y avait une expression de colère dans ses yeux. « Cette chienne est complètement stupide. Elle est bornée. » En levant les bras au ciel en signe de


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désespoir, la femme ajouta : « Elle ne fait que courir après les enfants, poursuivre les gamins qui roulent à bicyclette, sauter par-dessus les clôtures et faire la chasse à toutes les voitures qui passent. » — Laissez-moi la voir, s’il vous plaît ! » lui demandai-je, en tentant de la calmer. « Peut-être puisje faire quelque chose d’elle. J’ai toujours vécu avec des chiens. » Elle me conduisit à l’arrière de la maison. Alors que nous entrions dans le petit jardin, un tourbillon en forme de chien s’élança dans ma direction, avant de trébucher et de s’affaler en une masse confuse avec un bruit mat. Je découvris aussitôt, avec stupéfaction et horreur, que la chienne était non seulement enchaînée à un piquet de métal, mais qu’elle était aussi entravée par une deuxième chaîne allant de son cou à l’une de ses pattes arrière. Quel spectacle lamentable ! Aplati sur le sol, l’animal me regardait fixement. Ses oreilles étaient plaquées en arrière avec colère. Des grognements gutturaux, sourds et menaçants, s’échappaient de son gosier. — Quel âge a-t-elle ? » demandai-je à la propriétaire pour cacher la pitié et l’amour qui montaient du plus profond de moi-même. « Et quel est son nom ?  »


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La propriétaire me dit que la chienne avait deux ans et qu’elle s’appelait Lassie. Je regardai cette bête avec des sentiments partagés. Elle avait mal tourné, au point qu’il n’y avait, pour ainsi dire, plus aucune chance de pouvoir l’aider. Toutefois, je pouvais voir derrière les apparences. Je décelai dans ses yeux une vive intelligence. Sa tête révélait de grandes capacités d’apprentissage. Elle était d’une magnifique constitution avec sa poitrine ample et profonde, son large dos et ses pattes robustes. L’éleveur avait fait du bon travail en produisant un animal d’une telle beauté. — À l’âge de deux ans, la plupart des chiens ont généralement déjà acquis la totalité de ce qu’ils peuvent assimiler » fis-je remarquer à la femme. « Mais elle est trop belle pour être abattue. Je suis prêt à lui accorder une chance de changer. » La propriétaire ne bougeait pas, tendue, dans l’attente de ce que j’allais ajouter : — Je vais l’emmener à mon ranch à une condition. » Je pesai soigneusement chacun de mes mots. « Si je ne peux rien faire d’elle en l’espace de six semaines, je vous la ramènerai. Je serais incapable d’abattre une si belle bête, alors ce sera à vous de le faire. » La dame accepta ma proposition avec joie. Alors, je détachai Lass (c’est ainsi que je la rebaptisai), la


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conduisis à ma voiture et l’installai derrière mon siège pour le long trajet qui nous amènerait à la maison. Tout le long du chemin, je lui parlai d’une voix douce et rassurante. Je n’obtins en réponse que de sourds grognements. De temps en temps, j’essayais de la toucher et de la caresser, mais elle montrait les dents en reculant hargneusement. Je me rendis compte combien les deux années de sa vie citadine avaient dû être éprouvantes, autant pour elle que pour sa propriétaire. En arrivant au ranch, je me sentis envahi par la curieuse certitude que ce chien dénaturé et meurtri serait sauvé. Notre propriété se trouvait tout au bout de la route campagnarde qui menait à la mer. Il n’y avait que des prairies à perte de vue et le rivage rocailleux battu par les flots dans un bruit de tonnerre. Pas de voitures à poursuivre, ni de gamins à bicyclette qui auraient pu la tenter. Mais le plus important pour elle fut d’avoir un nouveau maître. Une niche propre et confortable lui fut attribuée, ainsi qu’un bol d’eau fraîche et une gamelle remplie de nourriture délicieuse. Lass n’y toucha pas. Elle refusa de manger, de boire, et d’entrer dans la niche.


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Elle rejetait toute tentative d’approche et réagissait avec hostilité à l’appel de son nom, et ce, jour après jour. Elle commençait à perdre du poids, au point que j’en vins à craindre pour sa vie. Avec des sentiments mêlés d’espoir et de doute, je me résignai à prendre le risque de la laisser entièrement libre. À l’instant même où je la libérai, elle disparut dans la forêt située derrière notre maison. En quelques secondes, elle était hors de vue et je me demandai si je la reverrais. Pendant plusieurs jours, je parcourus la route dans tous les sens en la cherchant et en demandant aux autres fermiers de la région de me prévenir s’ils l’apercevaient. Mais elle ne donna pas signe de vie, semblant s’être évaporée dans l’air océanique. Un soir, je dirigeai mes regards vers un promontoire rocheux proche de notre logis. Au sommet, recroquevillée tel un puma pourchassé, Lass me regardait. Elle fit demi-tour et s’enfuit lorsque je l’appelai. Ce soir-là, je pris de la nourriture et de l’eau, et j’allai les placer sur le rocher à son intention. À l’aube, tout avait disparu. Je la nourris régulièrement, mais elle ne répondit à aucune de mes avances. Quelques semaines plus tard, un petit groupe de moutons paissaient sous son poste d’observation. Je


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remarquai l’intérêt qu’elle leur portait. Elle levait la tête, redressait ses hanches et les regardait intensément. Ses instincts cachés revenaient à la surface. Dès lors, j’amenai chaque soir quelques brebis accompagnées de leurs agneaux à proximité de l’endroit où elle se tenait. Pendant tout ce temps, et bien qu’aucun contact rapproché n’eût été établi entre nous, je ressentis une profonde compassion envers cette magnifique chienne. Tout mon être languissait de la voir venir à moi, faire ma connaissance, m’accorder sa confiance, travailler avec moi et devenir mon amie. Cependant, semaine après semaine, la date fatidique à laquelle elle devrait être abattue approchait. À cette pensée, le désespoir m’envahissait. Un soir, le soleil se coucha sur l’océan dans une vapeur dorée. Les moutons paissaient paisiblement au bord de l’eau. Je me tenais là plein d’admiration, les mains dans le dos, saisi par la grandeur du spectacle. Je ne pensais pas spécialement à la chienne à ce moment-là. Soudain, je sentis contre mes mains un museau doux et chaud. C’était Lass ! Mon cœur bondit de joie dans ma poitrine. Le contact était établi ! Elle avait enfin trouvé le courage de me laisser entrer dans sa vie.


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Cet événement fut le pas décisif de notre relation. Lass découvrit rapidement qu’elle avait un nouveau maître en qui elle pouvait réellement placer sa confiance. Elle était entre les mains de quelqu’un qui l’aimait vraiment, qui la comprenait et voulait le meilleur pour elle. Elle commença également à réaliser qu’en plus de la comprendre, je connaissais aussi tout ce qu’il fallait savoir sur les moutons, la manière de les garder, et le rôle excitant qu’elle pouvait jouer à mes côtés dans cette entreprise. En m’appuyant sur notre affection et confiance mutuelles, je commençai à lui enseigner les ordres indispensables à notre succès. Grâce à sa grande intelligence et sa vivacité d’esprit, elle les assimila très rapidement. Les ordres tels que « Ici ! Couché ! Assis ! Va chercher ! Reste ! À gauche ! À droite ! » n’eurent bientôt plus de secret pour elle. Un aspect de sa personnalité qui m’impressionna tout spécialement fut le plaisir évident qu’elle retirait à faire ce que j’attendais d’elle. Ses larges yeux bruns pétillaient de joie lorsque je la complimentais pour sa coopération.


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Des ordres vocaux, nous en arrivâmes graduellement aux signaux gestuels, afin qu’elle puisse me comprendre, même de très loin, en dirigeant ses regards vers mon bras droit et ma main tendue. Dès lors, elle fut capable de diriger les moutons avec un talent exceptionnel. La renommée du travail remarquable de ce chien commença à se répandre dans la région, à tel point que des citadins venaient en voiture au ranch pour le simple plaisir d’admirer la collaboration entre ce border collie et son maître. L’un des aspects touchants de notre amitié croissante était l’attachement profond qu’elle me portait. Cette chienne timide, distante et rebelle était à présent devenue mon ombre. Où j’allais, elle allait. C’était dans ma présence qu’elle trouvait plaisir et paix. Elle devint le chien d’un seul maître. Elle ne mangeait ou buvait que ce que je lui donnais en personne. Elle n’appartenait qu’à moi. Cette superbe lignée de chiens de berger – le border collie – est le produit d’habiles éleveurs des régions frontalières d’Angleterre et d’Écosse. Tous les anciens instincts de loyauté et de fidélité sont arrivés à pleine maturité dans une chienne telle


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que Lass. C’était le but précis pour lequel elle avait été créée. Elle s’épanouissait avec exubérance dans cette existence active. Aussi étrange que cela puisse paraître, l’ordre auquel elle avait le plus de difficulté à obéir était « Reste ! » Il arrivait qu’elle eût à retenir un groupe d’agneaux dans le coin d’un pré, à monter la garde près d’une barrière ou à garder un œil sur quelques béliers récalcitrants pendant que je vaquais à une autre tâche. Il était très difficile pour elle de me voir disparaître de sa vue. Elle était impatiente d’être au cœur de l’action. Parfois, la tentation était grande de trahir ma confiance pour courir vers d’autres aventures. Parmi celles-ci, deux m’auraient semblé assez amusantes si elles n’avaient pas causé de sérieux problèmes lorsque nous rassemblions les troupeaux. Il y avait, tout d’abord, la tribu de corbeaux qui avait élu domicile dans les arbres d’un îlot rocheux proche du rivage. Ces noirs scélérats venaient survoler nos prairies avant de plonger vers Lass d’un air provocateur, en la taquinant de leurs cris rauques. Incapable de résister, elle bondissait sur ses pattes et se lançait à la poursuite de ses persécuteurs. Elle semblait voler par-dessus les prés, son corps souple et gracieux paraissant défier les lois de la


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pesanteur. Si cette démonstration était spectaculaire, elle ne servait toutefois en rien les moutons, le ranch, ou moi-même. Les grands feux de prairie que nous connaissions durant l’hiver constituaient sa deuxième cause de frustration. Parfois, les flammèches et les scories rougeoyantes emportées par le vent l’amusaient au point qu’elle partait bondir et gambader pour les rattraper. De temps en temps, l’une d’elles se prenait dans ses longs poils et les brûlait en dégageant une odeur âcre. Lass se roulait alors vivement dans l’herbe avant de se secouer et de revenir vers moi en courant, en ayant l’air de me demander : « N’était-ce pas spectaculaire, maître ? » Oui, ce l’était effectivement, mais cela ne servait qu’à gaspiller son énergie et à la vider de ses forces tout en altérant la confiance que j’avais en elle. Bien vite, elle se rendait compte de la déception qu’elle m’avait causée. Elle sentait qu’un froid s’était installé entre nous à cause de son mauvais comportement. Elle méritait une sévère réprimande si elle voulait regagner ma confiance. Ces épisodes étaient pénibles pour chacun de nous. Ils étaient pourtant indispensables à son bienêtre et au mien. Le travail du ranch et notre efficacité


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avec les moutons dépendaient en grande partie de son obéissance. Après l’avoir disciplinée, je la prenais dans mes bras, lui caressais la tête, frictionnais son poitrail et lui murmurais à l’oreille : « C’est oublié, ma fille ! » Ses yeux retrouvaient alors leur éclat. La réconciliation et le rétablissement étaient complets. Pleine de joie, elle s’échappait de mon étreinte pour courir sur l’herbe autour de moi en un large cercle avant de revenir se blottir contre moi. C’était sa manière de me dire : « Je suis tout à toi, maître ! » Le plus vif souvenir qu’il me reste de cette magnifique chienne est peut-être son désir croissant de faire ce que je lui demandais. Elle était immédiatement et entièrement disponible pour n’importe quelle tâche, quelle que fût la difficulté de celle-ci. Dans le ranch se trouvaient des terres en friche irrégulières et broussailleuses. Les moutons se dispersaient parmi les rochers, les buissons d’aubépine, les troncs et autres débris abattus par le vent, à la recherche de touffes d’herbe tendre jusque-là préservées. Grâce à ma haute taille, je pouvais toujours voir où se tenaient les brebis et les agneaux dans ces lieux accidentés. Lass en était incapable. Il me fallait l’envoyer au milieu de ces obstacles naturels, afin


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qu’elle rassemble et ramène tout le troupeau. Elle devait y aller pratiquement à l’aveuglette en me faisant confiance. « Ramène-les, Lass, ramène-les ! » lui commandais-je. « N’en laisse aucun en arrière ! » Elle s’en allait en bondissant par-dessus les rochers, entre les débris, à travers les buissons d’aubépine. Lorsqu’elle ramenait enfin le troupeau, sa tête était souvent couverte d’égratignures, son pelage parsemé d’épines, ses coussinets entaillés ou déchirés. Elle avait néanmoins obéi, sans regarder à la souffrance que cela pouvait lui occasionner. La confiance et l’affection avaient grandi entre nous grâce à son dévouement et à sa fidélité. Lorsque je repense à ces précieuses années passées à Fairwinds, je réalise qu’à travers Lass, j’ai appris ce que Christ, mon Bon Berger, voulait accomplir sur ses terres en me prenant comme coéquipier.




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Leçon 1

Dans de mauvaises mains En tant que propriétaire de Fairwinds, je ne tardai pas à réaliser que j’aurais besoin d’aide pour faire fonctionner le ranch et gérer efficacement le troupeau. Cette assistance devait venir d’un fidèle et loyal border collie, élevé et éduqué spécialement en vue de ce travail particulier. Malgré ma jeunesse et mon énergie, j’étais tout simplement incapable de regrouper les moutons tout seul. Le troupeau s’éparpillait souvent dans toutes les directions. La vitesse à laquelle je courais et la puissance de ma voix ne faisaient aucun effet, car les moutons poursuivaient obstinément leur chemin.


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J’étais donc obligé de me trouver un assistant, une sorte de « sous-berger », sous la forme d’un chien qui transmettrait ma volonté à l’ensemble du troupeau. En travaillant en harmonie, avec bonne volonté et plaisir mutuel, le chien et moi pourrions en faire autant que cinq hommes de main. Ce même principe se vérifie de façon touchante dans la manière dont Dieu agit avec les hommes et les femmes qui Lui appartiennent. Le Seigneur s’est Lui-même qualifié de Bon Berger. Il a illustré la façon dont Il s’occupe de chacun de nous comme d’une « brebis perdue ». Il a soigneusement instruit ses disciples afin qu’ils soient ses collaborateurs, qu’ils prennent soin de ses brebis et de ses agneaux, et les nourrissent. Il est bon de rappeler comment, après sa résurrection, Jésus est venu à la rencontre de ses amis au bord du lac de Galilée et leur a préparé un déjeuner de galettes et de poisson. Une fois le repas terminé, Il s’est tourné vers Pierre, ce robuste pêcheur, et lui a demandé à trois reprises : « Pierre, m’aimes-tu vraiment ? Es-tu vraiment mon ami ? » Lorsque ce rude gaillard réaffirma à son Maître l’amour et la loyauté qu’il Lui portait, Jésus lui répondit en répétant trois fois :


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« Pierre, prends soin de mes agneaux. » « Pierre, pais mes brebis. » « Pierre, nourris mes moutons. » C’était là l’œuvre particulière et unique qui lui était assignée. Quelqu’un a dit à juste titre que « Dieu n’a pas de mains dans ce monde si ce ne sont les nôtres, qu’Il n’a pas de pieds sinon les nôtres, et qu’Il n’a pas de lèvres à part les nôtres. » Voilà qui exprime bien comment notre Père céleste choisit d’accomplir ses desseins sur notre planète au moyen de gens ordinaires et faillibles. Il est capable d’intervenir dans les situations humaines par des moyens surnaturels, et il Lui arrive effectivement de le faire. Cependant, Il préfère généralement utiliser les simples individus que nous sommes pour accomplir ses plans grandioses. C’est dans cette perspective que nous commençons à voir l’immense honneur qu’Il nous fait en faisant de nous ses coéquipiers. Très souvent, comme ce fut mon cas lors de ma première rencontre avec Lass, Il nous découvre pris au piège d’un mauvais rôle, de liens créés par notre propre intransigeance ou maltraités et mal utilisés dans les mains d’un mauvais maître.


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Cette vérité me frappa brusquement le jour où, tandis que j’avançais vers la porte de la propriétaire, j’entendis cette dernière maugréer et pester au sujet de son « stupide collie ». De façon évidente, les deux longues années que cette dame et son chien avaient passées ensemble avaient dû être un supplice. Elle n’avait pas la moindre idée de la marche à suivre pour éduquer un si bel animal, élevé pour une tâche aussi spécifique. Elle ne semblait pas davantage s’inquiéter de ce que l’immense potentiel enfoui dans ce chien avait été mal dirigé. Il s’agissait là du parfait portrait de beaucoup d’entre nous, et cela me faisait presque pleurer. Car, dans ce chien tout crotté et entravé par des chaînes, je discernais l’image du triste sort des hommes et des femmes qui, malgré leurs aptitudes innées à rendre de nobles services, sont tombés dans de mauvaises mains. Ils croupissent à présent dans le désespoir des années gâchées et perdues. Les talentueux éleveurs des régions frontalières d’Angleterre ont produit des chiens de berger d’une vive intelligence et remplis d’énergie. Un aussi beau spécimen que Lass portait en lui les capacités requises pour accomplir un travail remarquable. Mais – et je pèse mes mots – cette chienne devait se trouver dans des mains adéquates ! Il fallait qu’un


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bon berger prenne soin d’elle. Ses anciennes habitudes devaient être perdues et ses instincts redirigés vers les tâches pour lesquelles elle était née. Le même principe peut nous être appliqué. Nous avons été créés par la généreuse souveraineté de Dieu afin d’accomplir de grandes choses avec Lui. Lorsque nous travaillons ensemble sous sa responsabilité, Il nous fournit les capacités dont nous avons besoin pour faire sa volonté et ses œuvres dans le monde. Son désir est que nous touchions des vies, que nous enrichissions des esprits et que nous amenions d’autres âmes à ses soins et sous ses ordres. Pour accomplir ces tâches, il faut que nous soyons libérés de la tyrannie du mauvais maître. Nous devons être délivrés de la servitude du péché, de nous-mêmes et du sinistre maître de l’esclavage, Satan. Lorsqu’une personne est détachée des entraves qui la lient à un maître, elle va nécessairement être placée sous la direction d’un autre propriétaire. La liberté absolue n’existe pas. En dépit de la liberté qu’affichent les humains, ceux-ci se trouvent sous l’influence de forces qui les dépassent. Souvent, les jeunes gens se vantent d’être libres de faire ce que bon leur semble, d’aller où ils veulent,


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et de devenir tout ce qu’ils désirent être. Cela n’est vrai qu’en partie car, qu’ils s’en rendent compte ou non, leurs décisions, leur comportement, leur style de vie, ne sont pas le produit de leur volonté. Au contraire, ils sont conditionnés, formés et dirigés par les mains qui les gouvernent. Malheureusement, Lass était tombée entre de mauvaises mains. Les manières impropres de l’ancien maître avaient dénaturé et distordu ses talents. Lass gaspillait sa vitalité et ses instincts par la poursuite de gamins à bicyclette. Sa capacité à fournir un travail digne de ce nom se perdait en de folles courses derrière les voitures. Au bout du compte, Lass forgeait elle-même, jour après jour et sans le savoir, les maillons d’acier qui l’entravaient. Nous faisons exactement la même chose. Jésus a clairement affirmé : « Quiconque se livre au péché est esclave du péché » (Jean 8 : 34). Ceux qui s’enorgueillissent de leur liberté réalisent rarement qu’ils sont en fait inexorablement enchaînés par leur propre mode de vie destructeur. Ils sont pris au piège dans la toile de leurs décisions et de leurs désirs dévastateurs. Ils ne peuvent être libérés, détachés que par les mains pleines d’amour du Bon Berger.


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Lorsque je m’approchai de Lass, en ce jour où je la trouvai dans de si pitoyables conditions, je fus accueilli par ses yeux étincelants, ses grondements sourds et ses dents découvertes. Elle ne voulait même pas que je la touche. Elle tremblait au son inconnu de ma voix. Il n’y avait là rien de surprenant. Elle avait été mal élevée, brimée, déformée et déchirée dans son esprit. Comment et pourquoi aurait-elle encore fait confiance à quelqu’un ? Et c’est précisément cette attitude que nous adoptons lorsque nous voyons le Bon Berger venir à notre rencontre pour la première fois. Il vient vers nous les mains tendues, plein d’amour et de compréhension. Nous Lui résistons. Nous nous rebellons quand sa voix nous appelle. Nous reculons précipitamment et avec frayeur à ses approches pleines de douceur. Les doutes et les soupçons envahissent notre esprit et nos émotions. Nous battons en retraite à sa venue. Nous nous sentons menacés. Notre volonté se rebiffe. Nous sommes convaincus que nous allons souffrir entre ses mains. Mais il n’y a que la main de Dieu qui puisse nous rendre libres ! Ce sont ses mains puissantes qui peuvent nous entraîner à avancer dans de nouvelles directions,


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nous manier avec talent, amour et force. Ses mains peuvent transformer notre caractère, notre conduite, et nous confier ensuite de grandes et nobles tâches dans la société. Le premier maître de Lass ne comprenait rien aux chiens. Cette personne ne se souciait pas du grand potentiel de cette superbe créature. Sa seule préoccupation était de se débarrasser de Lass au plus vite. Peu de gens réfléchissent sérieusement au caractère menaçant et destructeur de Satan. Pour beaucoup d’êtres humains, il n’est pas réel ; il est tout au plus un personnage de superstition ou le produit de l’imagination de l’homme. La terrible vérité est qu’il est bien réel, très actif, et à la source d’immenses désillusions. Lorsqu’il nous fait croire que nous sommes libres de faire ce que nous voulons, au gré de notre égoïsme inné ou de notre nature pécheresse, c’est pour nous regarder devenir esclaves et nous autodétruire. Dans le cas de Lass, si un nouveau maître n’était pas intervenu au dernier moment, elle aurait été détruite. Heureusement, ce ne fut pas le cas. Un étranger fit son apparition dans son jardin. Sa venue allait radicalement changer son existence. Cet homme re-


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garda avec amour dans ses beaux yeux bruns remplis de crainte et de haine. Il porta ses regards plus loin que la boue et la poussière qui maculaient son pelage emmêlé. Il vit sa tête superbe, sa forte constitution, son corps magnifiquement proportionné. Il se rendit compte qu’une grande capacité à faire ce qui est bien se cachait dans cette créature tourmentée. Alors, avec bravoure, sans crainte, il détacha ses chaînes et désentrava ses pattes. Il lui passa un collier souple et doux autour du cou et l’emmena chez lui. Lass avait changé de mains. À ce moment, c’était terrifiant pour elle. Mais un jour, elle comprendrait que ce qui lui arrivait était, en réalité, magnifique. Beaucoup d’êtres humains ont été entre de mauvaises mains durant une grande partie de leur vie. Nous avons été tellement maltraités que toutes les belles et bonnes choses pour lesquelles nous avions été créés ont été distordues et mal utilisées. Nous sommes esclaves du péché, de nous-mêmes, et de Satan. Mais l’Étranger de Galilée fait alors son apparition dans nos vies. Il nous regarde avec amour et porte ses yeux au-delà de notre péché. Il étend ses mains et nous prend sous sa protection.


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Nous ne sommes pas toujours volontaires. La vie avec notre ancien maître nous a rendus méfiants. Dans notre ignorance humaine, nous sommes convaincus que venir à Christ peut être un esclavage pire que le précédent. Au moment où j’installai Lass dans ma vieille voiture et empruntai le chemin qui conduisait à Fairwinds, elle était certaine que quelque chose de terrible était sur le point de se produire. Elle se recroquevilla sur le plancher derrière mon siège, toute tremblante et pleine d’appréhension. J’avançai la main pour toucher sa tête, et lui parlai doucement pour la rassurer, mais elle recula, terrorisée, en grognant hargneusement. Cette chienne triste et stressée était loin de se douter qu’un jour elle chérirait ces mains et répondrait à cette voix avec un dévouement sans faille. Mais cela prendrait du temps. Il faudra des semaines et des mois avant qu’elle se rende pleinement compte que son nouveau maître désirait le meilleur pour elle. Pour certains d’entre nous, il faut parfois le temps d’une vie tout entière pour apprendre que Christ, notre Bon Berger, sait exactement ce qu’Il fait de nous. Il nous comprend à la perfection et nous dirige par


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son incomparable sagesse et son amour, et ce, tant à notre avantage qu’au sien. Que son nom soit béni !



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Libérée, afin de suivre Bien avant de ramener définitivement Lass à la maison, j’avais pris grand soin de préparer une toute nouvelle niche pour le chien très spécial qui partagerait notre vie à Fairwinds. Dans mon esprit, je m’étais imaginé un border collie travaillant avec moi dans le ranch, m’assistant dans les soins à procurer aux moutons, et devenant un membre à part entière de notre famille. Une nouvelle laisse était prête, ainsi que des gamelles propres pour l’eau et la nourriture. Tout était fin prêt pour le chien qui serait choisi pour devenir mon compagnon et coéquipier. Ce choix revêtait une grande importance, car le bon développement du ranch dépendrait de la


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qualité du chien. Son aptitude à bien entourer les moutons était indissociable de la capacité qu’aurait cet animal à obéir. La satisfaction que je ressentirais en dirigeant le troupeau reposait sur son potentiel à répondre à mes ordres. Tous ces espoirs, ces rêves et ces désirs se bousculaient dans ma tête alors que je rentrais en voiture au ranch avec Lass. Nous atteignîmes finalement le portail. Je l’ouvris avec précaution, avant de continuer mon chemin en direction de notre cottage rustique, perché sur une crête dominant la mer. Là, dans nos campagnes, tout était tranquille. Le silence n’était brisé que par le vent dans les arbres, les flots battant les rochers, les mouettes et les corbeaux longeant le rivage en tournoyant et en criant dans la brise. Il n’y aurait aucun gamin faisant la course à bicyclette. Pas une voiture pétaradante sur le chemin. Aucun bruit de trafic ni de bruit de fond urbain qui puisse distraire et déranger la chienne. Lass faisait son entrée dans un nouvel univers fait de paisible sérénité. Elle entrait dans la vie d’un nouveau maître. Quelle allait être sa réaction ? Son premier réflexe fut de s’écarter loin de moi, aplatie dans l’herbe, dans un mélange de frayeur et de soumission. Sans la longue laisse qui la retenait,


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elle aurait fui dans la forêt toute proche de notre maison. Tout en lui parlant doucement et en la caressant gentiment, je la conduisis à la niche située à l’ombre d’un chêne majestueux. Elle la regarda, mais refusa d’y pénétrer, et se recroquevilla obstinément à l’entrée en me défiant du regard. Ma femme, toute excitée à la vue de cette belle chienne, apporta une gamelle remplie de nourriture. Pour ma part, j’allai chercher un grand bol d’eau. Lass ignora royalement nos offrandes. Elle refusa de toucher tant à la nourriture qu’à la boisson. Cette situation dura plusieurs jours. J’étais on ne peut plus découragé. Il n’y avait aucune amélioration en vue. Lass commença à s’étioler et ses rondeurs disparurent un peu plus jour après jour. La peine et le découragement m’amenèrent finalement à détacher la laisse et à rendre à Lass sa liberté. En un clin d’œil, elle disparut. Tel un spectre, elle s’évanouit dans les bois. Je me demandais si je la reverrais jamais. Pendant plusieurs jours, je parcourus notre chemin de terre en tous sens dans l’espoir de la retrouver. Je contactai les ranchs voisins. Je quadrillai les prés et le rivage océanique. Pas de Lass en vue.


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Au cœur de l’angoisse dans laquelle me plongeaient mes recherches, je commençai à comprendre un peu la peine que ressent Dieu, notre Père, au cours des multiples tentatives par lesquelles Il veut nous attirer à Lui. Encore et toujours, nous refusons les présents qu’Il nous offre. Nous rejetons hargneusement son amour et sa sollicitude. Pourtant, en dépit de son indifférence et de la résistance qu’elle m’opposait, je ressentais une profonde sympathie à l’égard de cette chienne. Je voulais la sauver. Je brûlais du désir de la transformer en une compagne loyale et aimante. Je désirais la voir enfin développer le potentiel qui dormait en elle. Tous ces espoirs semblaient s’être envolés jusqu’au soir où, alors que je portais mon regard vers un promontoire rocheux situé derrière notre maison, je la vis ! Tapie tel un puma aux aguets, elle me regardait fixement. Il existait donc une chance d’établir un contact entre nous ! Je décidai de mettre là-haut de l’eau et de la nourriture à sa disposition. Chaque matin, tout avait disparu. Et chaque soir, elle revenait. Mais, pour peu que je m’approche, que je l’appelle par son nom ou que je siffle, elle disparaissait telle la fumée que le vent dissipe. De sombres doutes commencèrent à envahir mon esprit. Je commençai à me demander si cette chienne


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craintive serait mienne un jour. Elle ne se gênait pas pour manger la nourriture mise à sa disposition, elle buvait l’eau que je lui versais ; elle profitait pleinement de la liberté qui lui avait été rendue. Mais elle ne m’appartenait pas. Et je ne lui appartenais pas davantage ! Au milieu de cette impasse, le doux Esprit de Dieu me mit à cœur, avec une grande clarté, la situation dans laquelle se placent les hommes par rapport à Dieu. Lorsque nous sommes dans les difficultés, le Maître vient à nous. Il nous propose d’entrer dans sa famille. Il ne ménage pas ses efforts pour nous procurer tout ce qui est nécessaire à notre bien-être et à notre satisfaction. Il nous rassure. Il nous appelle par notre nom. Il nous rend totalement libres. Cependant, la réaction personnelle de la plupart des gens est de s’écarter de Lui. Ils Le rejettent. Ils refusent de répondre lorsqu’Il leur témoigne sa profonde compassion. Ils fuient pour Lui échapper. Là où ce comportement est paradoxal, c’est qu’en même temps ces personnes ne se gênent pas pour profiter de tous les avantages offerts en Christ, mais uniquement quand et comme ils le désirent.


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Dieu est venu en Christ pour délivrer l’humanité. Il a placé devant les hommes les avantages et les joies qui découlent de l’appartenance à sa famille. Sans compter, Il a mis à leur disposition son amour, ses bienfaits et l’intérêt qu’Il leur porte. Malgré cela, ses créatures utilisent leur liberté et leur libre arbitre à des fins égoïstes. Ils tiennent à faire ce qu’ils veulent, comme ils le veulent, et quand ils le veulent. Ils ne sont d’aucune utilité pour le Maître. Ils se tiennent à distance et refusent de se soumettre à Lui. Leur capacité à bien faire reste stérile. Une nuit, quelques brebis accompagnées de leurs agneaux paissaient à proximité du rocher où Lass aimait s’allonger. Je la vis s’asseoir, redresser la tête, et les fixer avec une attention soutenue. Peut-être ses instincts latents de chien de berger revenaient-ils à la surface ? Chaque soir, après avoir achevé de faire les corvées quotidiennes, j’envoyais quelques moutons en direction de Lass, avec l’espoir qu’ils puissent aider à établir un contact entre elle et moi. Mais rien ne semblait pouvoir susciter une réponse positive de sa part. Je commençai à me demander si mes approches pleines d’amour allaient rester vaines. La perspective de devoir éliminer Lass se profilait sur un ciel de plus en plus sombre.


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Ce fut la leçon la plus poignante que j’appris de Lass. La décision finale de venir ou non à moi, de déposer sa vie entre mes mains et de m’autoriser à la diriger, devait venir d’elle. À ce point de ma propre marche avec Dieu, j’avais été fort dérouté par les théories conflictuelles et les doctrines divergentes débattues au sein de la chrétienté. Les discussions entre certains prêchant la souveraineté absolue de Dieu et d’autres enseignant la responsabilité cruciale de l’homme, m’avaient toujours déconcerté. En définitive, il restait toujours la grande question du destin final de l’homme. Est-il maître de sa destinée ? Décide-t-il son propre anéantissement ? Prend-il conscience que le choix d’aller au ciel ou en enfer est entre ses propres mains, et non dans celles de Dieu ? Au sein de mes tentatives désespérées et des appels que je lançais vers Lass, je compris avec une intense clarté que ces deux courants de pensée étaient corrects, complémentaires, et que ces deux points de vue se rejoignaient au sein même de la réponse volontaire d’une personne. En tant que nouveau maître de Lass, j’avais accompli tout ce que mon pouvoir et mon amour étaient capables de faire pour elle. À présent, c’était elle qui, en réponse à ma compassion, devait choisir de venir


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à moi de son propre gré, attirée par le témoignage de ma bienveillance. La mort de Lass était la dernière chose au monde que je souhaitais. Cette seule pensée suffisait à me remplir de tristesse. Je frémissais à l’idée de perdre cette adorable créature. La Parole de Dieu est très claire à ce sujet. Il ne vient pas pour nous condamner. Il ne veut pas nous détruire. Nous choisissons nous-mêmes la fin qui sera la nôtre. Nous sommes libres de suivre nos piètres chemins insensés ou de Le suivre, Lui qui est venu pour nous délivrer du désespoir de notre propre dilemme. C’est avec ce genre de pensées à l’esprit que je sortais au crépuscule pour essayer d’amener à moi cette créature rebelle. Je perdais progressivement espoir. La période d’essai de six semaines touchait à sa fin. L’heure de la décision finale sonnerait bientôt. Je ne pouvais pas lutter indéfiniment contre Lass. Ses chances devenaient de plus en plus minces. Un soir d’été, le soleil se couchait à l’horizon dans un flamboiement glorieux tandis que la mer se parait de reflets roses, lavande, pourpre et or. Au premier plan, mon troupeau paissait paisiblement en bordure de l’océan. C’était un spectacle à couper le


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souffle, capable de faire naître en quiconque une sérénité incomparable. Je ne pensais pas particulièrement à Lass à ce moment-là lorsque je fus doucement, presque imperceptiblement, tiré de ma rêverie par le toucher hésitant, le premier contact timide d’un chaud et doux museau contre mes mains croisées derrière le dos. Une décharge électrique me parcourut. Un frisson de pur bonheur me submergea. Lass était venue ! Elle avait pris contact ! La distance qui nous séparait avait été franchie ! Une joie sans borne se déversa sur moi par vagues successives. L’espoir revint en moi. Tout irait bien ! Je pouvais maintenant clairement voir pourquoi Christ déclare qu’il y a une immense joie dans le ciel lorsqu’un être égaré retrouve le chemin de la maison ! Je pouvais comprendre pourquoi l’accomplissement de tous les espoirs, les désirs et les rêves de Dieu envers son peuple fait chanter les anges. Je pouvais saisir d’une manière toute spéciale pourquoi la réponse d’une seule âme à l’appel de l’amour de Dieu est célébrée dans les lieux célestes. Sans vouloir paraître présomptueux, je peux dire que je me suis tenu où se tient Christ et que j’ai ressenti ce qu’Il ressent, à cet instant précis où une personne perdue revient finalement à Lui.


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Lass découvrit, à son grand plaisir, qu’elle n’était pas venue se livrer à un nouvel esclavage et à des mauvais traitements. Chez nous, elle avait trouvé la chaleur, la compréhension, l’affection et l’excitante liberté de pouvoir mener à bien les objectifs pour lesquels elle avait été conçue. Tout ce qu’elle avait à faire, c’était de me suivre ! C’est moi qui allais la faire entrer dans une relation basée sur la confiance mutuelle, une loyauté sans faille, une camaraderie heureuse, de joyeuses aventures et un travail digne d’intérêt, choses qu’elle n’avait jamais connues auparavant. Alors que mes mains caressaient sa belle tête et son large poitrail, et que ma voix lui parlait avec des intonations tendres et rassurantes, elle sut qu’elle avait enfin trouvé l’endroit auquel elle appartenait vraiment. Elle avait trouvé en elle le courage de se mettre entre les mains du maître. Ce choix lui avait procuré une liberté sans limite, la liberté d’être une servante aimée et aimante. Ce fut un soir rempli d’émotion, un moment précieux de ma vie, que jamais je n’oublierai. À la tombée de la nuit, elle me suivit jusqu’à la maison, entra calmement dans sa niche et se coucha avec bonheur et dans la paix.


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Cette leçon est si claire, si puissante et si profonde, qu’elle parle d’elle-même. C’est entre nos mains que repose le choix d’accepter ou non Christ comme Bon Berger. Celui qui L’accepte découvrira son amour sans limite, sa volonté bonne et parfaite, ses soins généreux, sa merveilleuse capacité à diriger nos vies, l’acceptation au sein de sa famille. Au cœur de tout cela reposent la liberté, la satisfaction, et un total sentiment de plénitude.



Phillip Keller se souviendra toujours de ce chien qui fit preuve d’un amour sans borne et d’une fidélité à toute épreuve envers son maître. Dieu s’est servi de l’exemple touchant de Lass pour enseigner des vérités profondes et enrichir notre marche avec Jésus-Christ, le bon Berger. Ces illustrations tirées de la vie réelle sont frappantes. Des leçons de vie que vous allez dévorer. Et si vous ne connaissez pas encore le bon Berger, elles vous donneront le désir de le rencontrer ! L’auteur, Phillip Keller (1920-2001), a toujours aimé la nature et la vie en plein air. Il a grandi et vécu dans l’Est africain où il a été berger, puis propriétaire et éleveur de moutons. C’est pourquoi sa description de la vie de berger et sa connaissance des brebis se révèlent si vivantes et pertinentes. Conférencier de renom et auteur de plusieurs best-sellers, il a touché par ses écrits des hommes et des femmes de toutes nationalités.

ISBN 978-2-36249-095-8

9 782362 490958

6,50 €

Phillip Keller Un berger apprend Les leçons d’un chien de berger

« Voici l’histoire toute simple de Lass, un chien de berger particulier qui a partagé ma vie dans mon premier ranch d’élevage de moutons. »


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