Ne suis-je que mon cerveau ? • Sharon Dirckx

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Ne suis-je que mon

cerve u ?

SHARON DIRCKX

Sharon Dirckx est parfaitement qualifiée pour enquêter sur la question qui constitue le titre de son livre. Elle explique la thèse réductionniste largement répandue selon laquelle le cerveau et l'esprit sont confondus, et montre qu'elle ne repose sur aucune preuve scientifique véritable. Ce livre s'adresse aux personnes ouvertes d'esprit et sera enrichissant pour le lecteur, quelle que soit sa vision du monde. Je le recommande chaleureusement

John C. Lennox Professeur émérite de mathématiques (université d'Oxford), auteur de La science peut-elle tout expliquer ? et Coronavirus : Où est Dieu ?

Pourquoi est-ce que vous pensez ? Parce que vos neurones sont actifs. Point final. Vraiment ? C’est tout ? Sharon Dirckx soutient brillamment que ce n'est pas la fin de l'histoire. L'auteure allie son expertise professionnelle à son talent d'enseignante pour expliquer que nous sommes bien plus que des machines. Elle montre comment la question « Ne suis-je que mon cerveau ? » n'est pas simplement destinée aux neuroscientifiques et aux philosophes. Ses implications touchent tout le monde. L’auteure donne des raisons convaincantes pour lesquelles nous devrions prendre le message chrétien au sérieux. Cet ouvrage constitue une excellente nourriture pour l'esprit autant que pour le cœur.

Dans un condensé de réflexions scientifiques, neurobiologiques, philosophiques, psychologiques et éthiques, l’auteure nous invite découvrir la complexité du cerveau dans ses liens avec la foi et la piété. Un « apéritif » pour comprendre l’homme et son fonctionnement, qui donne envie d’aller plus loin et de s’émerveiller de la souveraineté du Dieu créateur.

Psychologue et chargé de cours à l'université Acadia, Canadia

Exposant les arguments dans un style très lisible, Sharon présente de manière convaincante les raisons pour lesquelles la réponse au titre de son livre est… [attention, spoiler !] « Non ». Que vous soyez d'accord ou non avec ses conclusions, ce tour d'horizon des plus grandes questions en neurosciences est un résumé utile, clair et concis des différentes positions philosophiques et théologiques, ainsi que des dernières données scientifiques.

Ne sommes-nous rien de plus que la matière grise qui se trouve entre nos deux oreilles ? Sharon Dirckx s'appuie sur ses travaux de doctorat et sur ses années d'expérience dans l'explication de la foi chrétienne pour aider le lecteur à réfléchir à cette question cruciale. Que vous soyez un chrétien désireux de répondre intelligemment aux nouvelles questions posées par les neurosciences, ou quelqu'un qui soupçonne que le point de vue laïque est insuffisant, Ne suis-je que mon cerveau ? vous aidera à faire le tour de ce sujet fascinant, non seulement avec votre tête, mais aussi avec votre cœur, votre esprit et tout ce qui fait que vous êtes vous.

Conférencier, auteur et directeur du Centre Solas pour le christianisme public, Écosse

Excellente introduction au sujet difficile de la conscience humaine ! Dans ce merveilleux petit livre, Sharon Dirckx aborde les principales questions du sujet, et rend les concepts complexes plus faciles à comprendre. Cet argumentaire solidement présenté prouve que notre esprit est bien plus que notre cerveau physique. L’auteure examine les questions auxquelles les neurosciences ne peuvent répondre, et montre comment cela conduit finalement à la réalité d'un Dieu créateur. Recommandé à 100% !

Australie

Les livres sur ce sujet sont souvent écrits par des experts en philosophie et peuvent être très difficiles à comprendre pour le lecteur moyen. Ce volume est écrit par une neuroscientifique et s'adresse aux non-spécialistes. Le glossaire et les schémas récapitulatifs devraient rendre ce sujet important accessible au plus grand nombre.

Nous avons entre les deux oreilles l’objet le plus complexe de l’univers. La science l’explore soigneusement depuis des décennies et les technologies nous permettent de plus en plus d’en comprendre le fonctionnement. Mais depuis toujours, nous n’avons cessé de chercher à comprendre ce qui nous définit, comment nous fonctionnons et quel est le lien entre le physique et l’immatériel.

L’ouvrage que vous avez entre les mains est tout sauf simpliste. J’ai particulièrement apprécié l’aspect moderne des discussions. Sharon Dirckx aborde de vrais enjeux scientifiques et théologiques qui, finalement, sont peu abordés, notamment dans le monde francophone avec cet angle biologique et expérimental.

À la fin de votre lecture, vous aurez encore plus de questions tellement la discipline est vaste et passionnante. Mais afin de répondre aux scientifiques et à la pensée matérialiste, nous devons développer une vision du monde centrée sur la Bible et comprendre ce qui nous définit.

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SHARON DIRCKX

Les éditeurs remercient chaleureusement tous les relecteurs et relectrices pour leur précieuse collaboration à cet ouvrage : Viviane, Laurence et Véronique.

Édition originale publiée en langue anglaise sous le titre : Am I just my brain? • Sharon Dirckx © 2019 Sharon Dirckx The Good Book Company Limited Blenheim House, 1 Blenheim Road Epsom, Surrey, KT19 9AP, Royaume-Uni Traduit et publié avec permission. Tous droits réservés.

Édition publiée en langue française : Ne suis-je que mon cerveau ? • Sharon Dirckx © 2023 • BLF Éditions

Rue de Maubeuge, 59164 Marpent, France Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Traduction : Claire Romerowski

Couverture : BLF Éditions Design original : André Parker Mise en page : BLF Éditions

Sauf mentions contraires, les citations bibliques sont tirées de la Bible version Segond 21. Texte copyright © 2007 Société biblique de Genève. Avec permission. Les caractères italiques ou gras sont ajoutés par l’auteure de cet ouvrage. Les autres versions employées sont indiquées en lettres abrégées et concernent la Bible en français courant (BFC). Reproduit avec aimable autorisation. Tous droits réservés.

ISBN 978-2-36249-711-7 broché

ISBN 978-2-36249-712-4 numérique

Imprimé en France par Evoluprint

Dépôt légal 1er trimestre 2023

Table des matières

Introduction ................................................................ 11 Glossaire 15 01 • Ne suis-je vraiment que mon cerveau ? ................... 19 02 • L’âme est-elle une croyance dépassée ? 37 03 • Ne suis-je qu’une simple machine ? ....................... 49 04 • Qu’ai-je de plus qu’une machine ? 67 05 • Mon libre arbitre est-il une illusion ? ..................... 89 06 • Suis-je programmé pour croire ? 107 07 • L’expérience religieuse n’est-elle qu’une activité cérébrale ? ................................... 123 08 • Pourquoi est-ce que je pense ? 139

Remerciements .......................................................... 155 Autres ouvrages 157 Dans la même collection ................................................ 161 Notes ...................................................................... 163

À mes parents, Dennis et Pauline. C’est grâce à votre amour et à votre soutien de toute une vie que ce livre a pu voir le jour.

INTRODUCTION

Je me souviens d’un jour où, petite fille, j’étais assise à la fenêtre et je regardais les gouttes de pluie éclabousser la vitre. Comme tous les enfants, je passais le plus clair de mon temps à courir dans tous les sens. Mais ce jour-là, j’étais assise, bien tranquille, et mes pensées vagabondaient librement. Un tas de questions me sont alors venues à l’esprit :

Pourquoi est-ce que je pense ?

Pourquoi est-ce que j’existe ?

Qu’est-ce qui fait que je vis, que je respire, que je suis consciente et que je peux faire l’expérience de la vie ?

Je ne sais pas d’où me sont venues ces interrogations et je ne me rappelle pas non plus l’âge que j’avais. Les questions ont surgi d’un coup, spontanément.

Je ne suis pas la seule à avoir fait ce genre d’expérience. Toutes sortes de pensées percent la surface de notre conscience si nous ralentissons assez pour les y inviter. Les spécialistes de la pleine conscience affirment d’ailleurs qu’être à l’écoute de notre subconscient est une bonne chose. Plus intime est notre relation avec notre vie intérieure (les battements de notre cœur, notre respiration, nos émotions enfouies) et avec notre environnement (le chant des oiseaux, les portes qui claquent dans la pièce voisine), mieux c’est. Il semblerait que

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notre conscience de nous-mêmes et du monde soit en grande partie ce qui fait de nous des êtres humains.

Mais qu’est-ce qu’un être humain, au juste ? Et comment concilier ces « prises de conscience », tel le souvenir que je viens de raconter, avec ce que nous dit la science ? Ne sommesnous qu’une espèce supérieure de primates ? Sommes-nous des machines ? Des âmes prisonnières d’une enveloppe corporelle ? Ou tout cela à la fois ? De nombreuses propositions se font entendre et la voix des neurosciences est l’une de celles qui crient le plus fort : « Vous êtes votre cerveau. Vous êtes vos neurones. Pourquoi est-ce que vous pouvez penser ? Parce que vos neurones sont actifs. Point final. »

Francis Crick est l’un des scientifiques qui a découvert la structure de l’ADN et a reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1962. Au début de son livre L’Hypothèse stupéfiante, il déclare : « Vous », vos joies et vos peines, vos souvenirs et vos ambitions, le sens que vous avez de votre identité et de votre libre arbitre, ne sont rien de plus que le comportement d’un vaste assemblage de cellules nerveuses et des molécules qui y sont associées. Comme l’Alice de Lewis Caroll aurait pu le formuler : « Tu n’es rien d’autre qu’un paquet de neurones. » Cette hypothèse est si contraire aux idées de la plupart de nos contemporains qu’on peut véritablement la qualifier de stupéfiante1.

Cinquante ans plus tard, cette théorie nous est plus que familière. En fait, pour beaucoup, elle n’est même plus à prouver : c’est la vérité, et la seule vérité possible.

Crick a-t-il raison ? Le cerveau seul est-il à l’origine de ce que nous sommes ? Notre réponse à cette question aura des conséquences très importantes.

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Des conséquences dans le domaine du libre arbitre : Si mon cerveau est à l’origine de tout ce que je suis, suis-je vraiment libre de mes choix ? Ou mes décisions dépendent-elles uniquement des phénomènes chimiques à l’intérieur de mon cerveau ? Dans ce cas, au nom de quoi quelqu’un peut-il être tenu responsable de ses actes, bons ou mauvais ?

ӹ Des conséquences dans le domaine de la robotique : Utilisés depuis longtemps dans l’industrie, les robots prennent désormais une place importante dans nos foyers et dans notre quotidien (pensez à l’Assistant Google, à Siri ou à Amazon Alexa). Serons-nous un jour en mesure de fabriquer des robots conscients et intelligents ?

ӹ

Des conséquences dans le domaine de l’éthique : Si notre cerveau détermine ce que nous sommes, notre statut d’être humain dépend du fait que nous possédons un cerveau fonctionnel. Alors, qu’en est-il de ceux dont le cerveau est encore en développement, comme les nouveau-nés ou les prématurés ? Ou des personnes dont le cerveau ne fonctionne pas au maximum de ses capacités, comme celles qui souffrent de troubles de l’apprentissage ? Ou encore de ceux dont le cerveau fonctionnait correctement, mais qui voient leurs capacités diminuer à cause d’Alzheimer ou suite à un AVC ? À dire vrai, ni vous ni moi n’y échapperons. Dès l’âge de 18 ans, même une personne en parfaite santé commence à perdre des neurones à une vitesse alarmante. Le cerveau décline avec l’âge. La vieillesse pourrait-elle alors nous faire perdre notre statut d’être humain ?

ӹ Des conséquences dans le domaine de la religion : Si, comme nous le savons, le cerveau joue un rôle important dans nos croyances et dans nos expériences religieuses, les neurosciences sont-elles désormais capables de balayer

Introduction 13

Ne suis-je que mon cerveau ?

la religion d’un revers de main ? La foi ne dépend-elle que des dispositions de notre cerveau ? N’est-elle réservée qu’à ceux qui possèdent la configuration cérébrale adéquate ?

La question « Ne suis-je que mon cerveau ? » ne relève pas uniquement du domaine scientifique. C’est une question d’ordre identitaire à laquelle la science seule n’est pas en mesure de répondre. Se lancer dans une telle réflexion nécessite de faire appel à la philosophie et à la théologie, ainsi qu’aux neurosciences.

La notion d’esprit constitue le cœur de notre débat. Possédons-nous un esprit qui fait de nous plus qu’un paquet de neurones ? L’être humain ne fait pas que sécréter des substances chimiques dans son cerveau ; il pense. Or, nous ne pensons pas avec notre cerveau, mais avec notre esprit. Mais qu’est-ce que l’esprit et quel lien existe-t-il entre lui et le cerveau ? C’est là que se situe notre problème. La relation entre l’esprit et le cerveau fait l’objet d’un véritable débat. Dans son livre Absence of mind [Absence de l’esprit], l’essayiste Marilynne Robinson propose une analyse pertinente de la situation :

Quiconque a le pouvoir de définir ce qu’est l’esprit peut définir ce qu’est l’être humain2.

La question « Ne suis-je que mon cerveau ? » ne concerne pas uniquement les neuroscientifiques et les philosophes. La réponse que nous lui donnerons aura des répercussions pour chacun d’entre nous.

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Au vu de notre sujet, l’emploi de nombreux termes spécialisés est inévitable. J’ai fait mon possible pour limiter au maximum le vocabulaire technique de la biologie, mais certains termes philosophiques vous paraîtront peut-être tout aussi déroutants. J’espère que ce glossaire vous aidera à naviguer plus facilement à travers les réflexions, les questions et les réponses présentées dans ce livre.

Causalité descendante : Principe selon lequel l’esprit exerce une influence « descendante » sur le cerveau et peut causer des changements à l’intérieur de celui-ci.

Compatibilisme : Opinion qui admet le déterminisme et le considère également compatible avec le libre arbitre. Pour les compatibilistes, nous sommes déterminés par des conditions initiales, mais nous pouvons également agir librement lorsque nous ne sommes pas soumis à des contraintes ou lorsque nous cherchons à satisfaire nos désirs.

On parle aussi de déterminisme « doux ».

Conscience : Propriété de l’esprit par laquelle transitent nos pensées, nos sentiments, nos désirs et toutes nos expériences subjectives.

Déterminisme  : Thèse selon laquelle des conditions initiales données garantissent un résultat particulier. Chaque événement est ainsi déterminé par une cause.

Déterminisme dur : Thèse selon laquelle des conditions initiales

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données garantissent entièrement un résultat particulier, sans variations possibles. En neurosciences, cela implique que notre cerveau et nos décisions sont entièrement déterminés, et ce sur tous les plans, ce qui signifie que nous ne disposons d’aucun libre arbitre.

Dispositif hypersensible de détection d’agent  : Dispositif qui, d’après les sciences cognitives de la religion, serait intégré à l’esprit humain et nous permettrait de détecter des signaux, des schémas et d’autres agents provenant de notre environnement.

Dualisme de substance (neurosciences) : Thèse selon laquelle l’esprit et le cerveau sont composés de deux substances distinctes. Notre cerveau serait matériel et notre esprit immatériel. Ainsi, bien que tous deux travaillent ensemble chez l’être humain, l’esprit peut subsister sans le cerveau. L’esprit est indépendant du cerveau. Incompatibilisme : Thèse selon laquelle déterminisme et libre arbitre sont incompatibles. Déterministes durs comme libertariens adoptent ce point de vue, mais pour des raisons différentes. Les déterministes durs affirment que la nature invariable

du cerveau exclut toute forme de libre arbitre. Les libertariens pensent que, notre volonté étant libre de toutes contraintes, notre cerveau ne peut être déterminé sur tous les plans.

Libertarianisme  : Thèse qui soutient que l’agent (ici, l’être humain) est capable de prendre librement ses propres décisions sans qu’elles soient déterminées. Ce point de vue soutient l’existence d’un libre arbitre.

Matérialisme  : Théorie selon laquelle il n’existe rien d’autre que la matière dans le temps et dans l’espace. Dans ce livre, les termes « matérialisme » et « physicalisme » sont utilisés comme des synonymes.

Neurochirurgien  : Médecin spécialisé dans les opérations chirurgicales des maladies du cerveau et du système nerveux.

Neurologue  : Médecin spécialisé dans le diagnostic et le traitement des troubles du cerveau et du système nerveux.

Neuroscientifique : Scientifique qui étudie le cerveau et son fonctionnement.

Physicalisme  : Théorie soutenant qu’il n’existe rien d’autre que le monde physique que nous pouvons observer. Dans ce livre,

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les termes « physicalisme » et « matérialisme » sont utilisés comme des synonymes.

Physicalisme non réductionniste : Thèse selon laquelle l’esprit est le produit du cerveau. Lorsqu’un certain nombre de composants s’assemblent de façon particulièrement complexe, une nouvelle entité (l’esprit) voit le jour. L’esprit est matériel, mais ne peut être réduit uniquement à des processus physiques.

Physicalisme réductionniste  : Thèse qui affirme que l’esprit peut être réduit aux phénomènes physiques qui ont lieu dans le cerveau. Par conséquent, l’esprit et le cerveau sont une seule et même entité, et donc l’esprit n’existe pas en tant que tel.

Psychiatre : Médecin spécialisé dans le diagnostic et le traitement des troubles mentaux. Le psychiatre est habilité à prescrire des médicaments à ses patients.

Psychologue  : Professionnel spécialisé dans le traitement des troubles mentaux, mais n’appartenant pas à la catégorie des médecins. Le psychologue n’est pas habilité à prescrire des médicaments et traite en général ses patients par des exercices mentaux.

Glossaire 17

Ne suis-je vraiment que mon cerveau ?

Je n’oublierai jamais le jour où j’ai assisté à l’extraction d’un cerveau humain. J’avais passé plusieurs années à étudier le cerveau et à en faire des clichés d’imagerie ; je le connaissais donc déjà très bien. Pourtant, cette expérience était pour moi complètement nouvelle.

Nous étions tout un groupe rassemblé dans le laboratoire de dissection d’une école de médecine, vêtus de blouses vertes et de chaussures en plastique bleu. L’ambiance solennelle qui régnait s’accordait parfaitement à la température glaciale de la pièce. L’odeur âcre du formaldéhyde employé pour conserver les tissus humains envahissait nos narines. Et sur la table devant nous était étendu le corps d’une vieille dame.

J’avais déjà eu l’occasion de voir un cadavre, mais ce jour-là, le contexte était quelque peu différent. Cette femme avait légué son corps à la recherche médicale. Nous étions là pour étudier l’anatomie du cerveau humain, et la première étape consistait à observer son extraction. Notre professeur d’anatomie a commencé la procédure. Il n’y a pas eu de sang, car la femme était décédée depuis déjà un certain temps. Mais il a fallu beaucoup

19 CHAPITRE
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de coups de scie et parfois un peu de force brute pour découper le crâne et réussir à dégager le cerveau. Malgré la technique un peu brusque, cette expérience nous a donné à réfléchir et nous a remplis de respect pour cette inconnue qui avait fait don de son corps afin que d’autres puissent apprendre.

Quelques minutes plus tard, il était là devant nos yeux, masse d’eau et de graisse d’à peine un kilo et demi. J’ai alors arrêté de penser à la personne pour me concentrer sur l’anatomie du cerveau. Pourtant, c’était indéniable : sur la table devant nous se trouvait le médiateur des pensées, des émotions, des aspirations et des expériences de cette femme anonyme. ***

L’aspect et la consistance du cerveau humain sont assez similaires à ceux d’un champignon. Mais heureusement, nous avons bien plus qu’un champignon entre nos deux oreilles ! Cet organe extraordinaire composé de presque 75 % d’eau ne constitue que 2 % du poids total du corps humain et, pourtant, il consomme 20 % de notre énergie. Le cerveau humain abrite environ 86 milliards de cellules nerveuses appelées neurones. Chacune d’elles est capable d’envoyer un millier de signaux nerveux par seconde à destination de dizaines de milliers d’autres cellules, et ce jusqu’à une vitesse de 430 km/h1. Au moment où vous lisez ces lignes, votre cerveau produit assez d’électricité pour alimenter une ampoule LED et, toutes les 60 secondes, il circule dans votre tête assez de sang pour remplir une bouteille de vin. Le cerveau de l’être humain est plus développé que celui de n’importe quelle autre espèce, même si le trophée du plus gros cerveau revient au cachalot, écrasant celui de toute autre créature avec ses 7,5 kg.

Tous nos souvenirs, nos pensées, nos émotions et nos décisions passent par notre cerveau. Chaque modification

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physiologique ou chimique qui s’opère dans notre cerveau a des conséquences sur notre capacité à raisonner. Une faible déshydratation, par exemple, affectera sérieusement notre concentration, notre mémoire ou notre lucidité. Et beaucoup d’entre nous savent qu’une bonne dose de caféine le matin est essentielle pour stimuler notre réflexion au début d’une nouvelle journée de travail.

Nous savons aujourd’hui que l’inverse est aussi vrai et que tout changement dans notre façon de penser affecte notre cerveau. Les scientifiques croyaient autrefois le cerveau figé et rigide, mais nous sommes désormais conscients de son extraordinaire « plasticité ». Notre cerveau ne cesse de se transformer et d’établir de nouvelles connexions et de nouveaux chemins tout au long de notre vie. Les changements au sein de notre cerveau affectent notre pensée. Mais nos pensées, notre mode de vie et nos habitudes ont eux aussi un impact sur la croissance et le développement de notre cerveau.

Étudier le cerveau

Déjà toute petite, je voulais devenir scientifique. J’ai travaillé dur à l’école (peut-être même un peu trop) et à peine entrée dans l’adolescence, je rêvais de faire un doctorat. Après ma scolarité à Durham, je suis entrée à l’université de Bristol pour étudier la biochimie.

J’étais passionnée par les cours magistraux, mais un peu moins par les travaux pratiques au laboratoire. À mon époque, les labos de biochimie étaient souvent surchauffés et sentaient un peu le moisi. Les étudiants en blouse blanche passaient leur temps à mélanger, touiller ou diluer d’étranges concoctions, à transvaser de minuscules gouttes de liquide d’un tube à un autre ou encore à observer, le regard inquiet, leurs fioles de

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verre plongées dans un bain fumant. Il fallait parfois attendre des semaines ou même des mois avant de savoir si une expérience avait fonctionné. Et si ce n’était pas le cas, il fallait tout recommencer. Voilà comment cela se passait dans les années 90. Les choses ont bien changé depuis.

C’est à Bristol que j’ai entendu parler d’imagerie cérébrale pour la première fois. Au bout du couloir dans lequel se trouvait mon laboratoire de recherche, des amis étudiants en physique tentaient de faire fonctionner une vieille machine rafistolée avec du scotch. La technologie qu’ils employaient était toute nouvelle pour l’époque et permettait d’observer l’intérieur du corps sans faire la moindre incision : l’imagerie par résonnance magnétique (IRM). J’ai vite été attirée par ce procédé et, deux ans plus tard, je débutai un doctorat à l’université de Cambridge. Je me souviens très bien du jour où la fille de l’un des chercheurs, âgée de quatre ans, nous a rappelé l’incontestable supériorité de l’IRM sur les autres techniques : « Papa, ça ne lui fait pas mal, au monsieur, quand on lui découpe le cerveau comme ça ? » Sur l’écran, la petite fille pouvait voir la tête d’un homme à 360 degrés, dont les coupes successives révélaient peu à peu l’intérieur du cerveau. Est-ce que ça fait mal ? Pas le moins du monde. Avec l’IRM, la découpe est exclusivement électronique.

L’un des avantages les plus remarquables de l’imagerie cérébrale est qu’elle permet aux scientifiques d’étudier des cerveaux de personnes en bonne santé. Au début du XXe siècle, le seul outil pour voir à l’intérieur d’un cerveau était le scalpel. Les seuls sujets qui se prêtaient à l’étude étaient donc les patients atteints d’une maladie incurable ou suffisamment pénible pour qu’ils soient prêts à tout essayer. Sans oublier ceux qui avaient déjà dépassé la phase terminale. L’apparition

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de l’imagerie cérébrale permettait désormais de comparer des cerveaux malades et des cerveaux sains.

Un petit saut jusque dans les années 90 et l’IRM fonctionnelle nous emmène encore plus loin en nous permettant non plus seulement d’étudier la structure du cerveau par l’observation d’images fixes, mais également d’examiner l’activité cérébrale. Imaginez que vous montiez au sommet d’une tour. Arrivé en haut, une vue magnifique récompense vos efforts. Vous concentrez d’abord votre regard sur les éléments imposants, immobiles et facilement reconnaissables tels que les routes et les bâtiments. Ce n’est que dans un second temps que vous remarquez le mouvement des piétons, des voitures et des bus. L’IRM permet surtout d’observer les éléments fixes de l’anatomie, que ce soit celle du cerveau, du genou ou des articulations de l’épaule. L’IRM fonctionnelle, elle, mesure les mouvements qui s’opèrent à l’intérieur du cerveau, notamment la circulation du sang. Lorsqu’une zone du cerveau est particulièrement sollicitée, une plus grande quantité de sang y circule afin de lui apporter l’oxygène et le sucre dont elle a besoin. En mesurant cet afflux sanguin, l’IRM fonctionnelle peut nous dire quelle partie du cerveau est en train de travailler. Son développement à la fin des

L’imagerie par résonance magnétique, qui permet d’observer L’intérieur du cerveau humain

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années 80 a été déterminant dans la pratique des neurosciences, qui bénéficient encore aujourd’hui de son héritage.

J’ai eu le privilège de passer onze ans dans la recherche en IRM fonctionnelle et de travailler avec de brillants neuroscientifiques qui ont apporté d’inestimables contributions à ce domaine. Cette technique d’imagerie nous a permis d’étudier comment le cerveau parvient à se réorganiser à l’apparition d’une tumeur ou comment une substance addictive prend peu à peu le contrôle du cerveau. Mes premières recherches portaient sur des volontaires en bonne santé, mais par la suite, j’ai travaillé avec des patients cancéreux et des accros à la cocaïne. Ne sommes-nous que nos cerveaux ?

Quand je repense à ce corps dans la salle de dissection, qui était auparavant une femme bien vivante, je ne peux m’empêcher de me poser cette question : « Qu’est-ce qui fait de moi une personne ? » Ce ne sont pas les propositions qui manquent. L’industrie de la mode affirme : « Vous êtes votre corps. » La sphère financière proclame : « Vous êtes ce que vous gagnez. » Les politiques nous disent : « Vous êtes l’influence que vous exercez », et le monde académique : « Vous êtes ce que vous publiez. » Depuis quelques temps, la voix des neuroscientifiques se fait elle aussi entendre : « Vous êtes votre cerveau. » Comprendre quelqu’un, c’est comprendre son cerveau. Et comprendre le cerveau de quelqu’un, c’est comprendre cette personne.

Que faut-il penser de cela ? Si effectivement « nous sommes notre cerveau », alors les neurosciences ont aujourd’hui l’autorité légitime pour traiter de la grande question de l’identité humaine. Pour certains, elles sont devenues les lunettes qui

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nous permettent d’appréhender tous les domaines de notre vie. Des cartes cérébrales ont déjà été utilisées pour prendre des décisions marketing, économiques et même juridiques. Plus besoin de demander à quelqu’un son avis, il suffit de scanner son cerveau ! Le professeur Raymond Tallis, clinicien et neuroscientifique retraité de l’université de Manchester, appelle cela la « neuromanie2 ». Les neurosciences ont réalisé d’incroyables découvertes qui ont fait progresser notre connaissance des maladies ainsi que nos capacités à les diagnostiquer et à les guérir. Mais serions-nous maintenant obnubilés par l’idée qu’elles pourraient répondre à toutes nos questions ?

Quand cela a-t-il commencé ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est utile de se demander d’où vient ce point de vue. La théorie selon laquelle notre cerveau est à l’origine de tout ce que nous sommes peut paraître très récente. Nous pourrions croire qu’elle est apparue à mesure que se sont développées les neurosciences. Pourtant, en y regardant de plus près, on constate que cette croyance remonte à la Grèce antique, en particulier au Ve siècle avant Jésus-Christ. Le médecin Hippocrate (460-377 av. J.-C.) est surtout connu pour son célèbre serment, par lequel les nouveaux médecins promettent de ne pas nuire à leurs patients, mais il a aussi étudié l’épilepsie. Dans son traité De la maladie sacrée, Hippocrate écrit :

Il faut qu’on sache qu’il ne nous vient ni plaisir, ni gaieté, ni joie, ni amusement, si ce n’est du cerveau. Par lui aussi nous viennent la tristesse, le chagrin, l’abattement et les pleurs3.

L’objectif d’Hippocrate était de prouver que l’épilepsie, contrairement à ce que les gens croyaient à l’époque, n’est pas la manifestation d’une possession démoniaque, mais une

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maladie du cerveau. Cette citation aura cependant participé à façonner l’opinion moderne selon laquelle esprit et cerveau sont en tout point équivalents.

Dans le monde académique, cette opinion s’est exprimée ces dernières années par le biais de scientifiques comme Colin Blakemore, professeur en neurosciences à Oxford, qui déclarait en 1976 :

Le cerveau humain est une machine qui, à elle seule, rend compte de toutes nos actions, de nos pensées les plus intimes et de nos croyances. Chacun de nos actes est le produit de notre activité cérébrale4.

Or, les opinions répandues au sein de la sphère académique finissent souvent par pénétrer la culture populaire. Le film d’animation Disney Vice-Versa en donne un bon exemple. Il illustre avec beaucoup de créativité la complexité du cerveau humain et l’importance des émotions (Joie, Tristesse, Colère, Peur et Dégoût sont d’ailleurs des personnages du film). À l’intérieur du cerveau de l’héroïne, Riley, des « îles » s’effondrent puis se reforment, illustrant ainsi la plasticité cérébrale. Mais le scénario suggère que l’identité de Riley lui vient exclusivement des phénomènes physiques qui ont lieu dans sa tête. Tant que les îles et la « mémoire centrale » de Riley (c’est-à-dire ses souvenirs les plus importants) demeurent intacts, celle-ci adopte un comportement équilibré. Toute variation à l’intérieur de son cerveau chamboule le monde extérieur de la petite fille, tandis que les actions de Riley n’ont aucune incidence sur son monde intérieur.

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Par où commencer ?

« Ne suis-je que mon cerveau ? » : comment devons-nous aborder une telle question ? Pour commencer, il serait peutêtre sage d’envisager que les neurosciences seules ne soient pas en mesure d’apporter une réponse satisfaisante. À première vue, cette question semble relever du domaine scientifique, avant tout parce qu’elle est posée par des scientifiques et qu’elle concerne un organe de notre corps. Mais en réalité, il s’agit d’une question philosophique à propos de l’identité humaine. Si vous vous demandez ce qu’est le cerveau et comment il fonctionne, c’est bien sûr vers les neurosciences qu’il faut vous tourner. En revanche, comprendre ce qu’est une personne est une question tout à fait différente. Pour y répondre, il nous faut aller au-delà de la méthode scientifique et interroger la philosophie, l’éthique et, beaucoup diront, la théologie.

L’être humain possède plusieurs types de mémoires, dont la mémoire de travail. Il s’agit en quelque sorte du bloc-notes de votre cerveau. C’est la partie de votre cerveau que vous utilisez, par exemple, quand vous essayez de vous rappeler votre liste de courses oubliée à la maison. Imaginez qu’un neuroscientifique décide d’étudier la mémoire de travail en exploitant uniquement l’IRM fonctionnelle, ignorant ainsi les autres disciplines pertinentes que sont, par exemple, la physiologie, l’anatomie ou la pharmacologie. Honnêtement, une telle démarche n’aurait pas grand-chose de scientifique et mènerait à une compréhension incomplète de la mémoire de travail. Un bon scientifique use de tous les outils disponibles et cherche à obtenir des résultats qui concordent avec ceux des autres disciplines. De même, tenter de répondre à des questions d’ordre identitaire en se limitant au domaine neuroscientifique reviendrait à sous-estimer la complexité

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Ne suis-je que mon cerveau ?

de la nature humaine. Nos investigations doivent dépasser cette seule discipline. La chimie du cerveau et l’étude des neurones ne nous fourniront pas toutes les réponses ; nous limiter à ces domaines ne nous conduira qu’à une compréhension incomplète de l’être humain. « Ne suis-je que mon cerveau ? » n’est pas qu’une question scientifique, c’est aussi une question philosophique. C’est pourquoi nous parcourrons aussi bien le terrain de la philosophie que celui de la science du cerveau.

Pour être un bon scientifique, il faut être ouvert aux idées nouvelles et aux résultats inattendus. La définition de la démarche scientifique implique généralement la formulation d’une hypothèse, la collecte de données et l’interprétation de ces données. L’hypothèse, c’est ce que nous nous attendons à observer ; c’est notre théorie. Si nos données semblent confirmer notre hypothèse, c’est que nous tenons sans doute quelque chose. Il faut ensuite répéter notre expérience dans l’espoir d’obtenir le même résultat. Si nous y parvenons à plusieurs reprises, c’est que notre hypothèse, à première vue, tient la route. Si, au contraire, les données obtenues ne concordent pas avec notre hypothèse, il nous faut envisager qu’elle soit fausse et doive être rectifiée.

Certains scientifiques sont parfois tentés de « trafiquer » les données pour soutenir leur hypothèse. Pourtant, d’importants progrès scientifiques sont nés de résultats inattendus et de la courageuse remise en question de théories bien établies, malgré les critiques. L’ouverture d’esprit est une qualité essentielle d’un bon scientifique. Je vous invite à faire preuve de cette même ouverture d’esprit pendant votre lecture.

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Ne suis-je vraiment que mon cerveau ?

Une énigme à vous faire perdre la tête

Jusqu’ici, nous n’avons parlé que du cerveau, l’organe champignonnesque situé entre nos deux oreilles et constitué de millions de neurones connectés les uns aux autres, regorgeant de substances chimiques, d’hormones et d’activité électrique. Or, il y a plus que des neurones dans notre tête, il y a aussi des pensées. Il semblerait que nous ayons également un esprit. Mais qu’est-ce que l’esprit, au juste ?

Le Merriam Webster medical dictionary donne du mot « esprit » la définition suivante :

La partie ou l’ensemble des parties d’un individu qui ressent, perçoit, pense, désire et, surtout, raisonne.

Les neurones , briques de notre cerveau

Les neurones se connectent les uns aux autres par une synapse.

neurone synapse

Gaine de myéline Axone Noyau Corps cellulaire

Fente synaptique Mitochondries

Récepteurs

Neurotransmetteurs

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Ne suis-je que mon cerveau ?

L’Oxford english dictionary le définit ainsi :

Siège de la conscience, de la pensée, de la volonté, des sentiments et de la mémoire5.

En d’autres termes, l’esprit est le véhicule de la vie intérieure et invisible d’un individu, qui se manifeste par les pensées, les sentiments, les émotions et les souvenirs. Votre esprit est sollicité lorsque vous choisissez de la musique sur votre téléphone, que vous vous remémorez une conversation de la veille ou lisez un commentaire blessant sur les réseaux sociaux.

Mais quel est donc le lien entre le cerveau et l’esprit, entre les neurones et les pensées, entre les synapses et les sensations ? Comment une simple décharge électrique peut-elle donner naissance à une pensée comme « J’ai envie de jouer au tennis » ?

L’esprit et le cerveau sont manifestement reliés. Mais comment ? Voilà la question à un million ! La question au cœur de ce livre ! Cette énigme occupe les philosophes, les éthiciens et les théologiens depuis des siècles. De nombreuses réponses différentes ont été proposées à ce que l’on appelle « le problème esprit-cerveau ».

L a reL ation esprit- cerveau

Quel chemin existe-t-il entre les neurones et les pensées ?

J’ai passé une journée difficile. J’aimerais bien faire une partie de tennis avant le dîner. Je me demande ce qu’elle pense de moi.

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Ne suis-je vraiment que mon cerveau ?

Quelles options s’offrent à nous ?

Une opinion très populaire de nos jours (celle qui est examinée dans ce livre) soutient que l’esprit est le cerveau. Selon cette opinion, l’esprit et le cerveau sont une seule et même entité. Pensées, souvenirs et émotions ne sont que le produit de neurones en action. Ni plus ni moins. Cette thèse est connue sous le nom de « physicalisme réductionniste ». L’esprit est ainsi réduit (d’où le terme « réductionniste ») à une activité physique du cerveau (d’où « physicalisme »). Autrement dit, l’esprit n’existe pas vraiment. Il ne s’agit que d’activité cérébrale.

L’esprit est Le cerveau Physicalisme réductionniste

Les partisans de cette théorie sont peut-être parmi ceux qui crient le plus fort, mais ils ne sont pas les seuls à essayer de se faire entendre. Plusieurs autres descriptions de la relation esprit-cerveau, tout à fait plausibles et convaincantes, se répandent aujourd’hui dans la sphère intellectuelle. Elles défendent un esprit distinct qui peut interagir avec le cerveau, sans toutefois être sous son contrôle. Ce livre a pour but de démontrer que « Vous êtes votre cerveau » est loin d’être la seule option.

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ESPRIT

Une autre théorie soutient que l’esprit est le produit du cerveau. Lorsque les composants du cerveau s’allient de façon particulièrement complexe, une nouvelle entité indépendante voit le jour : l’esprit. C’est la théorie du « physicalisme non réductionniste ». L’esprit naît du cerveau physique (d’où « physicalisme »), mais une fois formé, il ne peut plus être réduit aux simples éléments qui lui ont donné naissance (donc « non réductionniste »). Cependant, si ses composants d’origine sont amenés à être séparés les uns des autres, l’esprit disparaît.

L’esprit est Le produit du cerveau Physicalisme non réductionniste

Nous pourrions résumer cette thèse ainsi : « Le tout est plus grand que la somme de ses parties6. » L’esprit est par conséquent plus que le cerveau, bien qu’il lui soit indissociablement lié. Cela soulève une question inévitable : qu’advient-il de l’esprit lorsque le cerveau meurt ?

Il existe une autre théorie selon laquelle l’esprit est indépendant du cerveau. L’esprit et le cerveau seraient deux substances distinctes, capables de fonctionner ensemble et séparément. Cette thèse se nomme le « dualisme de substance » car deux types de substances sont impliqués dans la relation esprit-cerveau : une matérielle (le cerveau) et une immatérielle (l’esprit).

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Ne suis-je que mon cerveau ?
ESPRIT CERVEAU

Ne suis-je vraiment que mon cerveau ?

L’esprit est indépendant du cerveau Dualisme de substance

Cette théorie pose, elle aussi, une question importante : comment un esprit immatériel peut-il entrer en relation avec un cerveau matériel ? Cette question est d’autant plus pertinente que les neurosciences ont montré une étroite connexion entre l’esprit et le cerveau.

Dans les chapitres trois et quatre, nous évaluerons ces trois descriptions de la relation entre l'esprit et le cerveau, sous l’angle de la conscience humaine. Toutefois la méthode scientifique ne suffira pas. Nous devrons considérer les croyances qui influencent la pratique scientifique et tous les autres domaines de la vie. Car tout le monde a des croyances, même les scientifiques. Nous devons comprendre d’où viennent ces croyances si nous voulons parvenir à une vision du monde intègre et cohérente7. Pour évaluer une croyance, nous pouvons nous poser les trois questions suivantes8.

1. Est-elle intrinsèquement cohérente ?

L’affirmation « vous n’êtes que votre cerveau » est-elle cohérente avec ses propres critères ? Est-elle solide ou présente-t-elle des failles internes ? D’après Aristote (384-322 av. J.-C.), une croyance excluant toute réalité immatérielle discrédite la méthode scientifique9. La mission du scientifique est de comprendre le monde physique. Mais si nous sommes

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ESPRIT

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simplement composés de la même matière que le monde que nous étudions, sans rien de plus, comment pouvons-nous affirmer quoi que ce soit avec objectivité ? L’affirmation « vous n’êtes que votre cerveau » est-elle cohérente avec elle-même ? Absolument pas. Au contraire, elle discrédite complètement la discipline que ses adeptes pratiquent et applaudissent : la science. Cette vision du monde va même jusqu’à remettre en question l’intégrité de l’esprit humain.

2. Apporte-t-elle une explication ?

L’affirmation « vous n’êtes que votre cerveau » participe-t-elle à expliquer le monde qui nous entoure ? Donne-t-elle un sens à ce que nous vivons ? Toute vérité, plutôt que de nous embrouiller, doit nous aider à mieux comprendre le monde. Est-ce le cas de la théorie qui affirme que toute personne n’est rien de plus que son cerveau ? Lorsque je me demande ce qui fait de moi ce que je suis, mes neurones ne me paraissent pas une réponse très satisfaisante.

Une grande partie de ce que je suis vient d’une vie intérieure invisible composée de pensées, de souvenirs, d’émotions et de décisions. Rien de tout cela n’est contenu dans l’activité électrique des neurones, dans les neurotransmetteurs, ou dans les variations de flux sanguin. Instinctivement, « vous n’êtes que votre cerveau » ne parvient pas à expliquer le « moi » intérieur.

3. Pouvons-nous la vivre ?

En 1955, Francis Schaeffer (1912-1984) a créé l’Abri, une communauté chrétienne dans les Alpes suisses, un refuge pour ceux qui se posent des questions existentielles. Schaeffer était convaincu que si une croyance peut être vécue avec

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authenticité et concorde avec notre expérience de la vie et du monde, c’est qu’elle est vraie.

Quelle est donc notre expérience ? Nous vivons comme si c’était nous qui pensions, pas notre cerveau, n’est-ce pas ? Les neurones n’ont pas de pensées, ce sont les êtres humains qui pensent. Nous vivons en permanence convaincus que nous expérimentons le monde à la première personne.

La pleine conscience, le développement personnel, la psychothérapie, les autobiographies, les scandales de pédophilie et toute démarche d’introspection partent du principe que nous vivons bel et bien à la première personne. Nous vivons comme si nous étions beaucoup plus que juste notre cerveau.

Ne suis-je que mon cerveau ? Si la réponse est « non », alors que suis-je de plus ? Autrefois, on donnait à l’essence d’une personne le nom d’« âme ». L’âme existe-t-elle et, si oui, cela nous aide-t-il à répondre aux grandes questions identitaires de l’être humain ? Pour certains, il est évident que les neurosciences sont désormais capables de réfuter l’existence de l’âme. L’âme ne serait qu’une superstition dépassée. Vraiment ? C’est ce que nous allons voir maintenant.

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Le médecin américain Duncan MacDougall (18861920) est surnommé « l’homme qui voulait peser l’âme humaine1 ». Lorsque ses patients atteints de la tuberculose étaient sur le point de mourir, il les allongeait sur des balances et se préparait à récolter les données de son expérience. Voici ce qu’il a écrit plus tard :

Au moment précis de la mort, le second plateau de la balance est tombé avec une rapidité surprenante, comme si quelque chose avait d’un seul coup quitté le corps. Nous en avons immédiatement déduit le poids que toute personne perd habituellement au trépas et découvert qu’il restait une bonne once que nous ne pouvions expliquer 2 .

MacDougall en vint à la conclusion que ses patients étaient plus légers d’une once, c’est-à-dire 21 grammes, après leur mort et que cela devait donc correspondre au poids de leur âme. Ses résultats furent par la suite mis en doute3, bien que l’idée ait continué à se perpétuer à travers le roman de Dan Brown Le symbole perdu (2009) ou encore le film 21 grammes (2003)4.

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CHAPITRE
L’âme est-elle une croyance dépassée ?

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