Eboulis

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Christian Sabas


En couverture : Éboulis, acrylique sur papier, 2009


EBOULIS Proses et peintures

Christian Sabas

2012

y a une trace ya eu parole ya eu du corps y l’ont eu au cœur…


Fallut le faire, acrylique sur papier, 2009 Spasme, acrylique sur papier, 2009


penses-y avec beaucoup de mal… il régla son âme… et là, poétique et bon, il avance d’un cran… bondit… écrasant le silence

étonnant… ce petit bout d’homme… comme ça il se lève un matin… un bref coup d’œil au miroir et v’lan… sans crier gare il passe à l’attaque… il met nos sens en émoi… peut-être nos vies en danger… nous y voilà… c’est là que ça recommence… Pourtant ça fut si drôle de le voir attendre, toucher, caresser et des fois pleurer… on l’a eu soutenu… il m’en vient comme une larme, poussée par une lame de fond… sûrement… je lui fis mille fois crédit… quand il eut le débit étroit… nous fûmes proches d’une rupture plusieurs fois… y a toujours eu ce quelque chose de doux et d’insistant dans son regard qui me parla… oui je me suis fait tout petit quand je dus comprendre et faire du chemin avec lui… y a eu comme une violence en son cœur et du déchet posé là sur son âme… oui ça a pas été la tasse de thé tous les matins…

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y a une trace ya eu parole ya eu du corps y l’ont eu au cœur Pourtant d’effroi, de l’entendre gémir un immense mal-être, j’ai dû m’armer de courage et d’amour à tenter de redonner du sens à l’instant… et c’est y là qu’on se retrouva à évoquer l’amer, un sujet bouillonnant au père brûlant, battant l’enfant opérant en des instants sordides… en des lieux dégradés aux odeurs sales et si datées alors que tellement décriées… ça fut ainsi qu’une forme de folie bâtit un nid en lui… un mur entre nous, une manière à travers l’étant… je l’ai vu fondre des fois… il partait sur un coup et comment revenir… quel fil pour le rattraper, le retenir, le retrouver… quel clé pour pénétrer son âme, ses tourments…

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Étreinte-contrainte, acrylique sur papier, 2009



Hypertexte ou la difficulté de traduire en mots avariés cette séquence que voilà, acrylique sur papier, 2009


y a une trace ya eu parole ya eu du corps y l’ont eu au cœur Pourtant… oui une fois j’ai vu ou cru que les choses avaient bougé, que son cœur était plein et que ses gestes Irait-il jusqu’à l’amour… lui parlerait-il, acrylique sur papier, 2009 disaient un bel entrain… qu’il nous sentait tous et qu’on était bien vivant à ses yeux… il avait osé des mots de joie, d’une immense tendresse… le vif l’habiterait-il indéfiniment pensais-je ? il fit ses courses, se trouva un loger, se jouait de l’habiller, je l’ai vu courir, monter dans le bus… irait-il jusqu’à prendre l’avion… il disait un jour j’aimerais des vacances et pas qu’un jour… j’ai vu un immense éclat dans ses yeux… irait-il jusqu’à l’amour… lui parlerait-il…

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y a une trace ya eu parole ya eu du corps y l’ont eu au cœur pourtant… le grand format tout là-bas, d’où incessamment il accumule et compresse ses démêlés avec son intérieur… laisse entendre en des rouges bruyants et désordonnés que tout n’est pas réglé… que le jaune d’or ne porte pas jusqu’où il le souhaiterait la lumière sur son propos principal… que des noirs importants trouaient sa pensée ou du moins ce qu’il en restait et que le blanc persistant lui imposait presque de crier, d’écrire en quelque sorte ses travers d’une relation impossible…

Que des noirs importants trouaient sa pensée, acrylique sur papier, 2009


Transformation, acrylique sur papier, 2009 Danse… tant qu’il est encore temps, acrylique sur papier, 2009

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Éboulis, acrylique sur papier, 2009

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y a une trace ya eu parole ya eu du corps y l’ont eu au cœur pourtant… quand il eut fixé le tableau et qu’en un point plus bas que le milieu… qu’il installe son raisonnement… il tance le beau aussi magique qu’il le peut… on sut qu’il pouvait épurer la forme et qu’il s’enquérait encore et fort de la personne… il avait l’œil et ne le perdrait pas on en convint… il brutalisait le dit art sans trop d’orgueil Il était peiné aussi des fois pour nous, acrylique sur papier, 2009 donc il n’y développait pas trop ce qu’on entend comme sa maladie… il jouait plutôt l’enfant qui hérite d’une histoire, d’un passé qui l’encombre, le retarde… ou l’anéantit… et du tableau il s’en fit une arme… le grand format eut déformé ses propos quelque peu il nous en voulait pas de le prendre pour un dingue… vu que nos sens, nos regards, notre entendement était ainsi habitué… il était peiné aussi des fois pour nous… de cette incompréhension… de la valeur qu’on accordât aux choses et du trop peu de considérations pour l’homme… il laissa poindre comme une jalousie à l’endroit du dit artiste… cet homme reconnu… et pas si nu… et tellement limité… quand si cher…


enfin la peinture fit son boulot de nous révéler l’humain qui s’abreuve dans l’homme et que ce dernier finit un jour par vomir ou cracher

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c’est selon son besoin…

Acrylique sur papier, 2009


y a une trace ya eu parole ya eu du corps y l’ont eu au cœur

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pourtant… il nous conte un jour… que du traitement il en a eu marre et qu’il arrêta tout… et quelque temps plus tard… il monte dans l’atelier ruminant des pensées folles, que le monde court à sa perte et qu’il devra le sauver… que dieu va venir faut qu’on soit prêt pour l’accueillir… voit des choses et entend surtout d’autres choses, qu’il est poursuivi par des hommes du KGB, du FBI… qu’une femme sublime le hante… mais saura-t-il la tenir… qu’il y a plus d’issue et que tout va sauter… qu’il y a plus de pain alors que le vin est si loin…


Suppôt, acrylique sur papier, 2009 Et nous convie donc à l’écouter, acrylique sur papier, 2009

et ne voilà-t-il pas qu’il commet un fait immense qu’il nous confie… et nous convie donc à l’écouter… il sait pas comment, comprend pas quand, pourquoi le tableau est fait d’excréments, de son excrément… qu’il a du sûrement se baisser, peut-être faire caca et… avec ses doigts travailler toute la surface du tableau… cette pourriture qu’il admit… il aura surtout écrit comment il bafouille sa vie, qu’il se vide de sa substance… En dégoulinures, critures, souillures, salissures, coulures…


il admet comme une régression… enfant il a rejoué à jouer ce jeu de la mère absente et qu’il remplit le temps et l’espace de ses productions corporelles… il fallut donc qu’il se passât quelque chose pour tromper l’absence… qui le propulsa dans l’ab-sens… les limites du sens donc… il dit que c’est un véritable tableau… faudrait-y un véritable regardeur pour témoigner de l’exactitude de la chose ainsi montrée… l’œuvre d’art à son début est-elle concernée par cette décharge… de sens, d’amour… de construction… enfin cette présence… pré-sens

Mères présentes, acrylique sur papier, 2009 Elle proposa une autre écriture, acrylique sur papier, 2009

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y a une trace ya eu parole ya eu du corps y l’ont eu au cœur douche pas de si tôt les prétentions à peine invoquées de notre ami… n’oublie pas les pâles mises en bouches de mots couverts… touille pas ainsi dans le creux de mâchoires démontées, usées… déroule pas le film si fin de ta vie devant cet auditoire… sur cet autel et comment qu’à cette heure où les frileux se couvrent tu te reposes les questions d’un sens… où va le monde et qu’y tiens tu de ce monde-là… pourquoi avoir raté la dernière marche celle qui soigne la démarche, quand d’autres raturent et surlignent, tu danserais sur la ligne…

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La dernière sorcière, acrylique sur papier, 2009



y a une trace ya eu parole ya eu du corps y l’ont eu au cœur

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Brin d’îles, acrylique sur papier, 2009 Évasion, acrylique sur papier, 2009


Danses dernières, acrylique sur papier, 2009


dis pas le mot phrasant le désordre de cette cabane… réveiller le mort, le faire parler dans la voix de l’autre… le faire être et le crier fort, traversons les consciences vaporeuses… évasées… casse pas le rythme sinon la music, celle-là si démente elle s’en ira toujours lentement déchirer l’entendement aux tympans écrasés… elle dilatera le son d’un vif de ses biffures, en ses écarts bigarrés… le vivant de ses crasses, éparpillera sur le plus proche son discours tenu… et pourtant quand de nos histoires sur le jour d’aujourd’hui une ombre plane… en réminiscences aigües… aux mémoires à jamais remontées… le grand instant demeure…

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les clichés compressés ont laissé couler le parfum de films déjà parés, pas surfaits… pas d’idées périmées, sur les bandes déprimées… sur la pellicule lentement s’opacifiait ses aspirations… qu’il fallut comme de bien entendu décortiquer et rendre au vif... le blafard défit subtilement les liens qui lui enserraient la taille… il se retrouva frêle jusqu’à demain, petit point dans l’étendue… solo devant le sort… nu devant son sexe à maintenir les colonnes de son histoire… délimitant l’encore… il fit une ruade, comme une bête coincée, un homme inachevé qu’on achève…. il eut un mouvement de colère… un cri animal, un cœur aimant sans nul doute… il tomba… un mince filet de mort s’étendit, prit possession des hommes amorçant un retrait par petits coups… le néant menaça… fallait pourtant rentrer dans le temps souffrir une place dans la lumière… vas-y donc soulever la dépouille et y trouver de la mémoire… et de ce qu’elle en contient, conte nous en un peu… nous y voilons donc

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…


y a une trace ya eu parole ya eu du corps y l’ont eu au cœur j’ai vu la chute du monde prévint l’intrus… et de sa lente agonie je prépare un tableau, fait de visages d’anges et de pelures d’âmes, fait de poussières d’amour et de cheveux de morts…


retentit un cri… on eut pu s’empêtrer en considérations fangeuses… ça fut drôle… ils ont pointé une carence dans la description qu’il fit de son rapport au mot mur… son lire sur l’amour s’en trouva contrarié… il cherchait depuis si longtemps… il n’était pas le plus apte à répondre à une telle demande… c’est évident qu’il finit par s’en mordre les doigts… se désavouant quelque peu…

Double danse sinon dédanser, acrylique sur papier, 2009

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on ouvrit une boîte à musique… la plus petite, celle du milieu… elle eut été détériorée et la bande passante ôtée… avec un peu de patience l’on vit la peur s’installer et glisser à travers un lent filet de figure comme l’instant me laissa dévisager… cette peur qui glissait si doucement sur la nuit… dut-il s’en apercevoir il exécuta une moue en demi teinte… et là des pensées lui vinrent… on lui dirait qu’il ne put être pris au sérieux… il s’était questionné maintes fois… et là encore il revit ces hommes, ces êtres passés là devant lui pressés en travers lui… si collés à lui… il ne comprenait toujours pas… cette chaleur des corps… il n’en demandait pas tant… il s’était questionné maintes fois

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il n’eut jamais de réponse…


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il en convint donc… l’amour c’était poli… un peu pas pour lui… jusqu’ici… un peu là… il se retint un matin plus qu’un autre où il dut cocher la bonne case… à cacher la blessure en quelque sorte… on lui demanderait simplement de réécrire son pas, c’y serait tout de même réducteur… comme si ça fut pas assez… c’en devint poignant, délicat, difficile dut-on en convenir… y avait de quoi, oui il s’en souvient il avait été terrassé par l’amer… et maintenant quelle mouche pour le piquer cet après-midi là… et c’est bien de là que des hommes l’interpellent, hagards, les yeux perdus, les mains liées, le cœur serré… la langue nouée… il suit… qu’on le regarde partir… l’effroi reste… seul maître à bord…

Mr sorry vous rappelez-vous avoir dit à l’enfant… blanche… boule bleue…


Conception graphique frederique.francillette@gmail.com Avec la collaboration de Guylaine Masini Cet ouvrage a été achevé d’imprimer en deux mille treize dans les ateliers de Fast Edit à Paris (75011) France

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Christian Sabas

81, rue Robespierre 93100 Montreuil bolokomoko@hotmail.fr



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