Boutographies 2014 catalogue

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b ou t og r a p h ie s201 4

L­ ES MEMBRES ­ DU JURY 2014

Nathalie Giraudeau Présidente du Jury, Directrice du Centre Photographique d’Ile-de-France Jean-Luc Amand Fournier Artiste Photographe Ancien professeur à l’ENSP Arles, intervenant au « 75 » de Bruxelles Hélène Jayet Photographe, collectif Transit Thomas Vanden Driessche Photographe (Boutographies 2013) Christian Maccotta Directeur artistique des Boutographies


DEPUIS 14 ANS, L’ASSOCIATION GRAIN D’IMAGE ORGANISE CHAQUE ANNÉE des rencontres photographiques mettant en valeur la création émergente européenne : les Boutographies. Ce festival, débuté dans le quartier Boutonnet dont il tire son nom, s’inscrit désormais pleinement dans le paysage culturel de notre ville et obtient une reconnaissance solide au niveau national. L’exigence des choix du jury, la diversité des propositions, les événements ­gratuits destinés aux professionnels et amateurs éclairés qui rythment la manifestation en font un rendez-vous très attendu du printemps pour un public de plus en plus nombreux. En 2013, on a compté près de 15 000 visiteurs pour quinze jours d’exposition. La Ville de Montpellier soutient fortement cette manifestation associative à travers l’attribution de financements et la mise à disposition de locaux prestigieux dont, cette année encore, le Pavillon Populaire – espace d’art photographique. Par ailleurs, depuis 2010, la Ville acquiert, pour un montant de 2 500 euros, une sélection d’images choisies dans la série lauréate du Prix du Jury qui récompense un photographe européen émergent entrant ainsi dans une collection publique, souvent pour la première fois. Gageons que cette édition sera une nouvelle fois l’occasion pour les Montpelliérains de découvrir de nouveaux talents en matière de photographie, tout en dégageant les nouvelles tendances de recherches artistiques dans ce domaine en plein développement.

P h i l i p p e S AU R E L Maire de la Ville de Montpellier Président de Montpellier Agglomération C é d r i c DE S A I N T JOU AN Adjoint au Maire de Montpellier, délégué à la culture


S I L’O N D E VA I T Q U A L I F I E R D’ U N M O T C E T T E N O U V E L L E É D I T I O N de la manifestation, ce serait maturité. Tous les travaux qui vous sont présentés témoignent d’un engagement sans concession dans le processus d’expression par la photographie. Ils couvrent, comme c’est la tradition aux Boutographies, un large éventail de représentations des mondes intérieurs et des mondes extérieurs. La photographie est dans son rôle quand elle fait ainsi affleurer, à la surface des êtres et des choses, ce qui les habite en profondeur : inquiétudes et fantasmagories, signaux pour l’avenir, signes de l’époque et sensations indéfinissables. Pays de forte tradition photographique, l’Allemagne est très présente cette année. Trois photographes — Jan Q. Maschinski, Regine Petersen et Ulrike Schmitz — et trois approches très différentes, mais aussi une expo malicieuse et irrévérencieuse envers les icônes de la Nouvelle objectivité allemande — les fameux époux Becher — par le jeune arlésien Swen Renault. Nous donnons également des échos des mondes lointains, mais, comme souvent aux Boutographies, avec des images inattendues. C’est le cas avec l’après-Fukushima de Miho Kajioka, artiste japonaise installée à Barcelone, et le Proche-orient de Sara Munari, auteure italienne à la démarche très personnelle. Du nouveau documentaire aux images puissantes et inspirées montre la Russie des marges (Elena Chernyshova) et le Japon des Yakusas (Anton Kusters). Delphine Burtin, déjà présente aux Boutographies 2013, repérée depuis par la fondation Aperture et tout juste auréolée du prix HSBC, est présente à nouveau avec une installation très élaborée. Marine Lupercale présente ses images folles et magnifiques. Le monde de l’adolescence est présent avec la belle exposition de Titus Simoens, photographe venu d’Anvers, tandis que Marine Lanier, Maria-do-Mar Rêgo et Laura Lafon nous apportent des séries sensibles, marquées par une forte implication personnelle. Enfin, le festival Fotoleggendo vous fait découvrir un jeune auteur italien au travail enthousiasmant, à qui nous avons décerné le prix Echange de l’année : Giuseppe Moccia. Vingt photographes sélectionnés en projection complètent les quinze « accrochés », ainsi qu’une programmation Hors-les-murs qui s’enrichit cette année de nouveaux lieux et de talents de réputation internationale. Cette multiplication d’initiatives associées aux Boutographies donne l’occasion aux montpelliérains — et à tous les autres — d’une très belle balade photographique dans la ville.

Po u r l ’ é q u i p e d e s B o u t o g ra p h i e s, C h r is t i a n MA C C OT TA , d i rec t eu r a r t i s t i q u e


Franco-suisse. 1974. Vit à Lausanne

DELPHINE BURTIN

ENCOUBLE Encouble : n.f. (helvétisme) chose qui dérange, qui importune, qui gêne, qui embarrasse. S’encoubler v. buter, trébucher. J’aime les accidents de la vue. J’aime lorsqu’on imagine voir quelque chose et qu’en réalité c’est autre chose. J’aime lorsque notre cerveau nous joue des tours et qu’il agit comme un trompe-l’œil, nous fait voir et croire ce qui n’est pas. J’aime m’encoubler dans les images du quotidien, capturer ou recomposer des copies d’une réalité à (re)mettre en doute. L’appareil photo devient alors l’outil de mes expérimentations visuelles. En mêlant des images photographiées en studio ou en lumière naturelle, des découpages et des tirages re-photographiés, je tente de m’abstraire de la réalité afin de mieux la questionner. DB Les images d’Encouble nous préservent de la tentation de fonder la présence des choses sur une fonction, une utilité quelconques. Troublés quant à notre capacité à les saisir, à les emporter, à les posséder, nous pouvons enfin les contempler dans leur stricte littéralité formelle. Il en est de même pour les espaces que Delphine Burtin photographie. Ce n’est pas la forme dans le plan, ni la restitution d’un espace dans sa profondeur qui créent l’image mais bien cet entre-deux — purement photographique — qui nous fait osciller entre représentation du lieu, de l’objet, et image mentale. CM

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Russe.1981. Vit près de Toulouse

ELENA CHERNYSHOVA

JOURS DE NUIT – NUITS DE JOUR Nous sommes à

Norilsk, cité minière située à 400 km au nord du cercle polaire, en Sibérie. Avec ses 170 000 habitants, c’est la plus grande ville de l’extrême-nord. La ville, ses mines et ses usines métallurgiques ont été construites par des prisonniers du goulag. 60 % de la population vit aujourd’hui de l’industrie, et Norilsk est l’une des villes les plus polluées de la planète. La température moyenne y est de —10°, et peut atteindre —55° au cœur de l’hiver. Les conditions de vie à Norilsk sont sans équivalent, et ce projet étudie les formes de l’adaptation humaine au climat extrême, au désastre écologique et à l’isolement. EC Cet endroit, depuis longtemps dépourvu des croyances, semble abandonné des dieux. Est-ce à force de galvauder les beaux mots de l’espérance communiste, que toute forme de sens a été perdue ? Les espaces sont vastes, mais ils sont comme clos sur eux-mêmes, enserrés dans une gangue de glace, de ferraille et de fumées opaques. Et lorsqu’une jeune femme regarde par la fenêtre avec son bébé dans les bras, c’est pour ne rien voir du dehors. Rares sont les lieux où les capacités de résistance de l’être humain sont soumises à si rude épreuve, si l’on excepte ceux qui sont frappés par la guerre ou par la famine. De ces combats interminables, quelles forces seront sauvegardées ? Combien de renoncements et combien de révoltes à venir ? Tout semble à reconstruire, et rien ne peut l’être sans ouvrir portes et fenêtres à une jeunesse avide d’un autre monde. CM

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Japonaise. 1973. Vit à Barcelone

MIHO KAJIOKA

AS IT IS Pendant des années, mon travail d’artiste s’est interrompu. Puis la

tragédie m’y a reconduite. Ce sont le tremblement de terre et le tsunami de 2011 qui m’ont ramenée à la photographie. Deux mois après le désastre, alors que j’étais en reportage dans la ville de Kamaishi, où plus de 800 personnes ont péri, j’ai trouvé des rosiers en fleur derrière un immeuble dévasté. Ce mélange de grâce et de destruction a évoqué pour moi ce poème japonais du moine Zen Dogen : Au printemps, les cerisiers en fleur En été, les coucous gris En automne la lune, et en Hiver, la neige, lumineuse et froide Les roses que j’ai vues à Kamaishi fleurissaient simplement parce que c’était le printemps. Cette belle leçon, donnée par ces roses au milieu des ruines, m’a frappée, et ramenée à la photographie. Les fragments de ma vie que j’expose ici en toile de fond, issus de plusieurs périodes que j’ai vécues, ne sont pas si différents les uns des autres, et les contrastes apparents ne sont pas l’essentiel. Bonheur, malheur, beauté et tragédie existent uniquement dans notre esprit. Les choses sont telles qu’elles sont.

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Belge. 1974. Vit à Hasselt (Belgique)

ANTON KUSTERS

YAKUZA Une famille yakuza entre dans un bar-hôtel de Niigata. Mon frère,

qui vit au Japon depuis plusieurs années, et moi-même avons négocié pendant dix mois avant d’obtenir ceci : l’autorisation de les accompagner et de les photographier pendant deux ans. Alors qu’ils pénètrent dans ce lieu, je vois les très subtiles interactions sociales se mettre en œuvre : micro-expressions sur les visages, gestes, voix et intonations, langage des corps. Le respect absolu intimé par le ­danger criminel. Alors que les clients s’écartent silencieusement du bar pour faire place au Parrain, tout semble soudain s’agencer rigoureusement, et ce avec le plus grand naturel. Paradoxalement, je n’ai pas besoin que l’on me dise ce que j’ai à faire, où m’asseoir, quand parler et quand me taire. C’est comme si j’avais déjà intégré les codes et les règles implicites du lieu, sans que la moindre parole ne soit nécessaire. C’est difficile et effrayant. J’apprends lentement, essayant peu à peu de comprendre les comportements. Mais j’ai la sensation que je ne pourrai jamais vraiment saisir ce qui se passe. Assis face à un garde du corps qui me transperce du regard, je bois mon café glacé. Je mets mon appareil photo en marche. Il a commencé. J’éprouve la sensation très nette de marcher sur des œufs.

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Française. 1989. Vit à Bruxelles

LAURA LAFON

JE NE VEUX PLUS VOUS VOIR (MAIS C’EST PROVISOIRE)

On n’utilisait pas d’épluche-légumes. On préférait peler les patates avec un couteau sur le journal de la veille. J’ai découvert ça en quittant la maison pour me mettre en co-location. Quelques jours après mon emménagement, je suis partie une journée à la mer avec celle qui deviendrait rapidement mon amie. Dans la voiture, on est tombé sur France-Culture ; ça parlait de René Char, je me souviens avoir imité le présentateur. Je n’avais évidemment jamais entendu parler de lui et à la maison c’était une culture qui ne nous appartenait pas. On tombait dessus, on écoutait deux-trois phrases, on rigolait avant de zapper. Fanny elle, laissait l’émission. Ce projet est l’aboutissement en images d’un questionnement qui préoccupait déjà l’enfant, qui forge sûrement l’adulte. Le sentiment de trahir son milieu d’origine, et l’angoisse malgré tout d’une disparition inévitable. LL

Exposition réalisée avec le soutien d’Atelier Voies Off

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On se regarde comme des étrangers devenus. Nous, on hésite à faire de leurs manières quelque chose de noble, quelque chose de très beau, là où eux jugent sûrement qu’on les juge de haut. Ni l’un ni l’autre, nous sommes coincés exactement là, entre ceux qui nous ont construits et ce que nous devenons. Entre ce que nous fûmes et ce que nous serons. La honte, la dénonciation, la pitié, l’admiration. Il faudra apprendre à ne pas tomber dans le piège si l’on veut observer. Maintenant ils acceptent qu’on les photographie. Ils acceptent même qu’on fasse quelque chose d’artistique, ou quelque chose comme ça. Sylvain Duthu



Française. 1981. Vit à Crest (Drôme)

MARINE LANIER

LA VIE DANGEREUSE Nourrie par le cinéma, et plus particulière-

ment par celui de Tarkovski, Herzog, Angelopoulos, Cimino ou Boorman, j’explore la dimension lyrique de la nature, en questionnant la puissance du sauvage qui nous entoure. Il s’agit d’approcher la manière dont le bestial, le spontané, la violence traversent la mémoire collective ; leur résurgence obsessionnelle contenue dans le monde depuis l’origine, dans l’affrontement entre cycle et impermanence. Le titre La vie dangereuse est emprunté à l’œuvre éponyme de Blaise Cendrars. ML Froid, glacé, brûlé, ça pique et ça reste, ça se fendille, ça sèche, mort, peut être, pas encore, mais le chaos ; la marée qui emporte tout, c’est foncé, bleu ou vert, toujours vers le noir, la peau est sale, comme brûlée, encore, le feu est là, entre chien et loup, Jean Genet qui écrit dans Le Captif Amoureux : « l’heure des métamorphoses, quand le chien sera loup », voilà, on y est ; l’angoisse, la trace, les piqûres, la déchirure, la pourriture, l’aveuglement, les os, le temps qui s’arrête, l’accident, l’enlisement, la noyade, l’éboulement, la faille, le trou, la mort, mais la vie, la vie, la vie, même si elle est dangereuse. Jean-Luc Amand Fournier

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Française. 1974. Vit à Aussillon (Tarn)

MARINE LUPERCALE

CHIMÈRES Absurdités, atrocités, répulsions, surprises et enchantements, la nature est un terreau fertile de cauchemars et de rêveries. Composant mes images avec des germes disparates, je tente de faire éclore un paysage mental spéculatif, un nouvel univers fait de collisions et d’amalgames fantasques.

« L’art est de la nature greffée. C’est la greffe qui peut donner vraiment à l’imagination matérielle l’exubérance des formes. » Gaston Bachelard, L’Eau et les Rêves En imagination, je regarde sous la peau, dans les veines, dans la terre, dans l’eau. Je me glisse dans d’autres corps et perçois avec d’autres sens des formes de vie insolites. J’observe l’inaccessible, l’infiniment petit et le très grand, les mues secrètes, les éclosions, les décompositions. C’est ma manière d’explorer cette altérité paradoxale du monde vivant, notre difficulté à l’habiter, si contradictoire avec la proximité de toute vie, de toute matière organique, avec l’intimité de l’écorce charnue du monde. Voilà mon invitation : aimer la nature autant que la craindre, rêver d’elle et s’y perdre, animal savant, pensant et rêvant, se fondre « dans le monde comme de l’eau dans de l’eau » 1. ML 1. « Tout animal est dans le monde comme de l’eau à l’intérieur de l’eau. » Georges Bataille, Théorie de la religion.

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Allemand. 1983. Vit à Bielefeld (Allemagne)

JAN Q. MASCHINSKI

VORTEX La série Vortex met en connexion des moments introspectifs et les

regards spécifiques qui leur sont associés. En évitant les histoires personnelles — le travail ne concerne pas les expériences intimes des individus en particulier — je peux révéler des sentiments refoulés et des étrangetés intangibles, qui sont le vrai propos de mes images. L’esthétique morbide des « scènes de crime » est accentuée par une mise en scène assumée et l’utilisation de fonds très colorés. Le spectateur découvre ainsi une image à la fois hyper-réaliste et improbable, qui fait référence à un passé mis à distance, tout en laissant place à ses propres évocations. JQM Jan Q. Maschinski saisit ce que l’extase fait du corps, et n’en fait pas mystère. L’instant est d’une intensité sourde et douloureuse, mais n’invoque ni pardon ni élévation. Ici, la mort n’est pas le chemin unique et obligé vers un au-delà où tout serait racheté, mais la petite mort impardonnable, celle de la répétition voulue à l’infini. Cet instant-là ne prétend pas à la transcendance, il accepte le corps comme seul refuge de l’émotion, sous peine de n’en retenir — sous les cieux vides, dans l’absence des regards — que la chair, les veines, la peau… la stricte matérialité de sa présence au moment, à la lumière, à la couleur. CM

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Italien. 1978. Vit à Milan

P RI X E C HA NG E F O T O L EG G EN D O / B OU TOG R A P H I ES 2014

GIUSEPPE MOCCIA

UN JARDIN SUR MESURE

A bespoke garden. En 1939, l­’ouverture d’une usine FIAT à Mirafiori, dans la banlieue sud de Turin, suscita un important mouvement de migration interne à l’Italie. Entre 1953 et 1965, l’augmentation de la population nécessita la construction d’un nouveau quartier-dortoir appelé Mirafiori Sud. Ces néo-ouvriers venus des régions rurales du Sud durent adopter, de gré ou de force, un mode de vie urbain. En forme de compensation, beaucoup d’entre eux se mirent a exploiter de petits lots de terrains agricoles, du domaine public ou du domaine privé. Saison après saison, ils modifièrent ces interstices de la ville pour les conformer aux pratiques culturales. Aujourd’hui, on recense plus de 700 jardins ouvriers « spontanés », expression de la créativité, de la détermination et de l’identité de leur propriétaire. Dans le contexte d’un intérêt renouvellé pour les espaces verts en milieu urbain, ce secteur fait désormais l’objet d’un projet de requalification urbanistique et environnementale. Ces jardins ouvriers sont désormais entrés dans un processus de pérennisation, avec des conséquences diverses et parfois contradictoires.

Commissaire d'exposition Annalisa D'Angelo

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Ces jardins étaient pour ces nouveaux prolétaires une façon de garder un lien avec leur mode de vie précédent, déjà considéré comme un archaïsme en voie de disparition. Par une sorte de retournement de l'histoire, ils sont devenus une forme d'alternative pour le futur, au moment où le modèle de développement productiviste s'essouffle et montre ses limites. La façon dont Giuseppe Moccia photographie ces espaces souligne cette hésitation de l'histoire, ce moment dont on ne sait au juste s'il précède un retour à la « sylva », à la sauvagerie originaire, ou bien s'il ouvre une perspective vers de nouveaux équilibres entre la nature et l'homme, vers de nouveaux modèles économiques et urbains. CM



Italienne. 1972. Vit à Lecco (Italie)

SARA MUNARI

I PLACE I PLANNER I PROJECT I Si vous parcourez à pied

certaines villes d’Israël ou de Palestine, vous changerez totalement d’univers en l’espace de quelques mètres. Nulle part ailleurs je n’ai vu se côtoyer de la sorte des traditions aussi différentes et aussi ancrées. Chacun de ces microcosmes culturels est à lui seul une expérience de vie tout-à-fait spécifique. J’ai concentré mon projet photographique sur la notion d’espace. Je n’ai ni la capacité ni l’intention d’aborder la question sous l’angle politique ou religieux. Ma série est simplement une façon de considérer le rapport des individus à leur espace. L’espace où l’on vit est un lieu chargé symboliquement, dans lequel chacun évolue, choisit ses comportements et prend ses décisions. Chaque élément de notre identité est construit dans un espace donné. Lorsque vous franchissez les limites d’un espace vital, vous prenez déjà le risque d’attenter à la liberté de l’autre. Mais voyager ici c’est aussi ressentir puissamment l’imbrication des différents espaces, en dépit des frontières physiques et imaginaires qui parcourent le ­territoire. SM Le photographe n’a nul besoin d’appliquer les lois de la perspective pour restituer un espace de façon plausible. On peut même affirmer que la capacité à rendre l’espace fait partie des caractères essentiels de la photographie. Cette « tentation de réalité » est ici contredite par des formes surajoutées, qui, curieusement, rabattent la profondeur perspective dans le plan à deux dimensions. Le décor urbain photographié par Sara Munari devient alors ce qui le constitue en réalité, au-delà de sa présence physique : un lieu de représentation entièrement codifié, parcouru en tous sens par les lignes de démarcation architecturales et symboliques, au sein duquel l’humain construit et reconstruit sans cesse des points de vue provisoires au cours de ses déplacements physiques et mentaux. Les images de Sara Munari nous disent à la fois le poids des structures inscrites dans l’histoire longue et leur perméabilité aux imaginaires, aux transgressions, pour peu qu’on parvienne à les habiter depuis son propre regard. CM

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Allemande. 1976. Vit à Hambourg

REGINE PETERSEN

FIND A FALLING STAR, CHAPTER 1: STARS FELL ON ALABAMA

Les météorites portent témoignage de la première formation de matière dans notre système solaire. Elles préservent, inaltéré, ce qui s’est formé dans la poussière de la naissance du soleil, emportant avec elles la mémoire des commencements, pour des billions d’années. Regarder une météorite n’est pas sans rapport avec regarder une photographie : dans les deux cas, nous sommes en présence d’un objet qui instaure une relation particulière au temps et à l’espace. En tant que représentation du passé, il porte une fonction symbolique et indicielle, mais qui résiste à l’interprétation. Cette sélection d’images intrdoduit une trilogie consacrée aux chutes de météorites ayant fait l’objet de témoignages. Elle prend pour origine l’incident qui vit une femme de l’Alabama frappée par la chute d’une météorite en 1954. La série est devenue au fil du temps une investigation sur des questions de mémoire, de relations humaines, de religion, de race et d’esclavage. Je suis intéressée par la façon dont l’impact d’un objet venu d’un autre temps et d’une origine lointaine souligne la fragilité de la vie humaine et des interactions sociales, et par les questions existentielles que peut soulever l’irruption d’évènements purement dus au hasard. Les images et documents présentés ici sont des sortes d’images mentales collectées sur les lieux mêmes des chutes de météorites. Bien qu’ils ne prétendent pas à la reconstitution des évènements, ils proposent un éclairage sur la vie des témoins oculaires et celle de leurs descendants. RP

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Portugaise. 1983. Vit à Berlin

MARIA-DO-MAR RÊGO

L’AMOUR N’EST PAS AVEUGLE Cette série a commencé en 2011. Son début coïncide avec mon emménagement à Berlin, en raison d’une rencontre « transformatrice » dans ma vie. À partir de ce moment-là je n’ai pas arrêté d’essayer de transcrire les émotions ressenties découlant de cette rencontre amoureuse. Il s’agit ici d’un éloge à l’amour, principe qui doit inspirer le destin des hommes. Les photographies qui composent cet ensemble sont des observations des relations entre les corps et les gestes, l’attitude, les grimaces, les pitreries, les mouvements expressifs de l’amour. Il y a aussi parmi ces photographies celles dont le registre est celui d’un regard plein d’amour déposé sur le monde, nous transportant dans des lieux déjà connus — déjà-vus (vieilles idées, souvenirs ou même notre propre enfance). Une observation de la vie quotidienne où son propre sentiment s’applique à toute chose. MDMR

Il y a l’instant, et il y a l’éternité. Quelque chose qui traverse et puis quelque chose qui dure : une ligne, une profusion, une statue, un tableau. Nous sommes à l’essence du photographique, qui fait d’une image à peine perçue par la conscience une forme ineffaçable. L’amour est peut-être cela aussi, un don qui fait d’une fraction de temps à mille autres pareille une raison d’être jusqu’à la fin des mondes. Comme la relation amoureuse, la photographie engage les corps : comment bien photographier là où l’on ne serait pas entièrement, avec les yeux et la peau, pour recevoir la lumière et l’ombre de l’autre ? CM

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Français. 1990. Vit à Paris et Arles

SWEN RENAULT

KILLING BECHER s’inscrit dans un questionnement global du médium photogra-

phique, de l’image, de son institution, de ses écoles... Le recyclage, la récupération venant du flux d’images internet nourrit une partie de mes travaux, liés à une réflexion plus globale sur l’histoire de l’art, ses artistes, les mouvements artistiques qui ont défini une période de la création. Je copie rigoureusement le protocole du couple Becher : typologie reprenant le château d’eau comme icône la plus représentative de leur travail, même recherche formelle et sculpturale, même format, encadrement, mise en exposition... Cette installation photographique pose, de façon humoristique et irrespecteuse, la question de la destruction de la nouvelle objectivité Allemande, de ce qu’il en reste aujourd’hui. SR Pour nombre de photographes d’aujourd’hui, l'œuvre des époux Becher a représenté une sorte de passage obligé. Bon gré, mal gré, beaucoup d'entre eux ont eu à se définir par rapport à cette nouvelle façon de photographier apparue au début des années soixante, et désignée par l'appellation « nouvelle objectivité allemande ». Icônes d'un mouvement puissant de redéfinition des fonctions de la photographie, puis d'un dogme archi-copié, parfois mal compris et mal interprété, ces monuments de l'histoire du jeune art photographique attendaient patiemment qu'un attentat vienne les faire vaciller sur leur piédestal. C'est chose faite avec Killing Becher, installation qui contient par ailleurs le meilleur hommage que l'on puisse rendre à ces deux auteurs : la reconnaissance immédiate d'une esthétique qui a fait date pour la photographie contemporaine. Il est piquant de constater que les images utilisées dans cette référence aux Becher proviennent toutes d'internet, c'est-à-dire du lieu d'un rapport à l'image antinomique avec celui que pratiquaient les deux auteurs allemands. D'un côté, celui d'internet, une profusion d'images sans repères ni hiérarchie, et son effet de nivellement des valeurs, des enjeux, des contenus idéologiques... De l'autre, des photographies patiemment réalisées à la chambre grand format, un constat lent et systématique ancré dans une histoire sociale et économique, qui témoigne des grandes évolutions industrielles et techniques de l'Europe du xxe siècle1. De leurs observations des paysages, les Becher extraient des éléments construits remarquables qu'ils mettent en exergue par leurs installations photographiques. Il ne s'agit pas pour eux d'ériger de nouvelles divinités à adorer, mais au contraire de rendre ces formes à une mémoire distanciée, elles qui évoquent à la fois les avancées et les tragédies qui ont accompagné la ferveur industrielle et civilisatrice européenne. A cette observation sélective et à cette verticalité, on pourrait opposer aujourd'hui ce que proposent Google, Google Earth et aussi, d'une certaine façon, les images d'Arthus-Bertrand : des fenêtres s'ouvrant sur un monde dont la visibilité est continue et horizontale, et sur lequel il n'y a pas de points de vue car tous les points de vue se valent. Ces dispositifs sont sans doute les systèmes de « mise à plat » du monde les plus aboutis, les plus proches du moment où, 1. Il faut rappeler ici que les Becher ont fait l'inventaire minutieux, au-delà des châteaux d'eau, de constructions industrielles de toutes sortes : gazomètres, usines, silos à grain...

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comme l'imaginait Luis Borgès, la carte coïncidera avec le territoire, l'image avec son référent, sans écart ni distance. L'apparente neutralité des images des Becher n'est pas du même registre : elle est sans cesse le fruit de choix extrêmement précis quant à ce qui travaille la mémoire longue des européens d'aujourd'hui. Tout le contraire d'un raz de marée d'images électroniques sans passé ni avenir. Le travail ironique de Swen Renault, en confrontant la démarche des Becher au flux d'images d'internet, n'en est que plus pertinent. CM


Allemande. 1975. Vit à Berlin

ULRIKE SCHMITZ

MUSEUM OF YOUR MEMORY En octobre 1946, plusieurs milliers de spécia-

listes allemands de l’industrie aéronautique furent déplacés de force en Union Soviétique, pour y travailler au service de l’aviation locale. Ce dispositif faisait partie des réparations exigées de l’Allemagne après la deuxième guerre mondiale. Les déplacés vécurent avec leurs familles près de Moscou pendant de longues années, avant de pouvoir rentrer chez eux. Certains n’y sont jamais retournés. Mes grands-parents vécurent pendant huit ans, avec leurs quatre enfants, dans le ­village de Podberezye ( Подберезье ). Je suis partie à la recherche de leur mémoire. Ce que j’ai trouvé était ma propre réalité, séparée du passé, influencée par la succession des récits, mais détenant sans doute sa propre part de vérité. Dans Museum of your Memory, j’ai assemblé mes propres images du Podberezye moderne avec des photogrammes tirés des films de propagande russe de l’ère stalinienne. Dans mon travail, j’essaie de rendre visibles et de comprendre, ensemble, les circonstances historiques dans leur globalité et la condition faite à chacun, dans cette situation d’isolement et d’incertitude perpétuelle. Cette démarche n’a pas d’intention documentaire. Elle doit plutôt être comprise comme une interprétation visuelle inscrite sur un récit historique, requérant le spectateur pour qu’il crée sa propre interprétation du passé.

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Belge. 1985. Vit à Gand

TITUS SIMOENS

BLUE, SEE Je documente des univers de solitude. Mon regard laisse entrevoir des modes

de vie reclus, difficiles à appréhender de l’extérieur. Mes images montrent un état d’isolement d’une manière intimiste, et révèlent ainsi ce qui est universellement humain dans un cadre unique et spécifique. Je passe de longs moments dans les mêmes endroits, ce qui me permet de me connecter à mes sujets, même à distance. Je m’intéresse surtout à la relation que les gens entretiennent avec leur milieu de vie et leur environnement. Leur langage du corps, leurs gestes, ne cessent de me fasciner. La série Blue, see montre des enfants de l’école « Ibis » d’Ostende, en Belgique. Dans cet internat sont placés des enfants en difficulté familiale ou présentant des problèmes de comportement. Ils y sont formés pour devenir pêcheur ou marin. Cet accompagnement est conçu pour les aider à se discipliner et à structurer leur vie. J’ai porté principalement mon attention sur les relations entre ces garçons, sur la façon dont cette expérience les rapproche les uns des autres, recrée une forme familiale. TS En peu d’images, Titus Simoens saisit ce qui se joue chez ces êtres en devenir, enfants déjà confrontés aux difficultés trop grandes pour eux qui les ont conduits dans cet internat. Au moment où il leur est demandé de se hisser à la hauteur d’un comportement et d’un métier d’adulte, il montre ce qui reste du besoin de protection, de la fragilité de ces enfants, et ce qui les éloigne du droit à la peur et aux fantaisies. Toutes les images contiennent ces ambivalences : rigidité des cadres de vie et corps maladroits, rigueur des conditions d’apprentissage et préoccupation d’être digne, de bien faire. Composées avec une précision extrême, ces images donnent sans cesse à penser l’écart qui sépare ces petits d’homme du projet que l’on construit pour eux, et la bonne volonté avec laquelle ils s’emploient malgré tout à y atteindre. CM

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L E S PRO J EC T ION S DU J U RY SUSAN BARNETT

CÉCILE BURBAN

SANDRA CALLIGARO

Etats-Unis

France

France

MARGHERITA CROCCO

CHARLES DELCOURT

COLIN DELFOSSE

Suisse/Italie

France

Belgique

Tout in haut deu'ch terril

Les sorciers du ring

CORENTIN FOHLEN

AURÉLIA FREY

JULIA FULLERTON-BATTEN

France

France

Royaume-Uni

HORTENSE LE CALVEZ & MATHIEU GOUSSIN

DOUGLAS MANDRY

IORGIS MATYASSY

Suisse

France

Not in your face

Points de vues et malentendus

War is over

France

Mutants

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Dernières séances

Variations

Promised land

Afghan dream

Tokyo

Poz


PAUL O’LEARY

STÉPHANIE PETY DE THOZÉE

VIRGINIE REBETEZ

Irlande

Belgique

Suisse

JÉRÉMY SAINT-PEYRE

DELPHINE SCHACHER

MARLOUS VAN DER SLOOT

France

Suisse

Pays-Bas

VASANTHA YOGANANTHAN

LUCA ZANIER

France

Suisse

We’ll live and die in these towns

La Route

Piémanson

Terres innues

Petite robe de fée

Corridors of power

INSTITUTE OF CREATIVE PHOTOGRAPHY

ÉCOLE­ EUROPÉENNE INVITÉE EN PROJECTION

Université de Silésie, Opava, République tchèque

Tokoloshe

Le corps vécu


Qu’est-ce qui s’est passé entre vous et la   photographie ? DELPHINE BURTIN

La photographie est pour moi cette fenêtre qui per-

met de voir le monde. Le monde qui m’intrigue ou le monde que je voudrais voir. Elle me permet de capter ces moments magiques, que j’appelle accidents de la vue, quand je crois voir quelque chose qui n’est pas. Elle me permet de jouer avec nos sens et de bricoler mes propres énigmes. Elle me questionne et me permet de questionner. ❚

CHERNYSHOVA

ELENA

La photographie est venue dans ma vie comme un jeu d’en-

fant. En regardant le monde à travers le viseur d’un appareil vide j’ai été fascinée par ses côtés magiques – ne voir qu’un morceau d’un vaste monde, transformer un volume en deux dimensions, arrêter le temps et donner une vie visuelle à un moment précis. La photographie a envahi mon monde, mon temps libre, mes pensées... Elle a déplacé mon métier d’architecte et m’a poussé à lancer le défi de ne vivre qu’avec elle. En échange de ma passion et de ma fidélité, elle a développé ma vision, est devenue une clé d’entrée dans des endroits et des communautés divers, un outil d’investigation de la vie. Inséparables, nous rencon-

❚ MIHO K AJIOK A J’ai rencontré la photographie pour la première fois à l’âge de 19 ans, trons des histoires et partageons l’expérience de l’interaction avec le monde.

alors que j’étais étudiante aux Beaux-arts à San Francisco. Je me suis inscrite, sans projet particulier, dans un cours d’initiation à la photographie. Mais je me rappelle encore de l’excitation qui fut la mienne lorsque pour la première fois, sous la lumière rouge, j’ai plongé une feuille de papier photo dans le révélateur. Une vague image commença d’apparaître. Comme par magie, elle se révéla peu à peu entièrement. Je suis toujours sous l’emprise de cette magie. ❚

ANTON KUSTERS

J’ai toujours avec moi la petite image pola-

roïd d’un ciel ensoleillé, juste pour la regarder quand le temps est pluvieux. C’est étonnant, la façon dont une simple image peut influer sur mon humeur, modifier mes sensations. Et ce n’est pas seulement d’images dont j’ai besoin, mais d’un million de petits artefacts qui n’ont pas d’autres fonctions que de soutenir ma mémoire. Des artefacts qui ne font rien d’autre que m’aider à ressentir les choses. Une personne sage m’a dit un jour que toute chose ou toute personne dont il était bon de se souvenir restait dans notre cœur, quelle qu’elle soit... et que nous n’avions besoin d’aucun élément tangible pour se la remémorer... C’est

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tellement vrai. Mais pour le moment, je me sens mieux quand j’ai dans ma poche un minuscule avion en bois, un gland, une pièce de monnaie, un bout de ficelle et un noyau de cerise. Et un appareil photo pour faire des images. Pour me souvenir. Pour sentir. Pour raconter des histoires. Jusqu’à lâcher prise.

❚ L AURA L AFON

D’abord la découverte naïve,

le monde se passe comme ça. Puis la lucidité, alors ce serait comme ça, questions infinies. Et la révolte. Pas de réponse possible. Alors le retrait, allez tous vous faire foutre, blasée, personne. Revenir. Je me réintroduis par la création. Photographier pour parler. Parler des choses, parler des gens. Photographier le monde, auquel j’appartiens. Et moi dans ce monde qui m’appartient. Forcément. ❚

MARINE L ANIER

Ce sont des tâches brunes

sur des veines bleues. Sans cesse, je la vois chercher les lueurs. Se mettre près de la vitre. Toucher les carreaux de la pièce tournée vers le sud. Mettre de la pression dans ses doigts. Laisser ses empreintes digitales sur le verre. Son regard alors, n’est autre qu’une peau ayant recouvert le vrai regard. Elle me raconte l’histoire du lac gelé. La glace qui se brise. La matière qui se fissure après leur passage. Elle me dit d’aller voir sous le lac. Je commence la photographie le 22 juillet de cette même année.

❚ MARINE LUPERCALE

Ma première expérience photographique marquante était une séance avec une amie que j’ai prise nue. Son abandon, sa confiance, m’ont émue. Elle s’est livrée, prêtée à mes explorations, flexible, puissante. J’ai vu son corps se transformer, devenir l’invocation d’un archétype féminin oublié. Une beauté hybride et improbable qui a transparu sur les tirages noir et blanc. Comme le souvenir, la photo est une recréation du réel. C’est pour moi un contact profond, immédiat, et l’incarnation des rêves et des fantasmes. C’est dans l’imagination que je souhaite trouver une force, la force de mettre les pieds sur terre et de dévorer le monde avec mes yeux.

❚ JAN Q. MASCHINSKI

La photographie me permet de

représenter rapidement ce que je visualise ou construit mentalement. L’acte de photographier et la mise en scène même m’aident à visualiser des expériences psychiques et mentales. Mais je peux imaginer travailler avec n’importe quel média, si je poursuis ce processus de visualisation des expériences accumulées pendant toute ma vie.

MOCCIA

❚ GIUSEPPE

En 1989, je fis un voyage en famille aux Etats-Unis et avant de partir mon

père m’offrit un compact 35mm. Avec son boîtier ergonomique et son bouton rouge il me semblait être un bijou de technologie ! Tous les matins du séjour j’enfilais mon short, je faisais glisser ma ceinture dans le passant de l’étui et je me sentais fin prêt pour affronter la journée. Je m’allongeais sur les trottoirs de New York pour tenter de faire rentrer dans le cadre des gratte-ciels entiers. ❚

SARA MUNARI

La photographie, tu t’y

attèles pendant des années, tu travailles, tu étudies et tu parles par le biais des images.


Et finalement ce qui m’inquiète, si jamais on venait à se souvenir de moi, c’est qu’on ne garde que cette collection d’instantantanés photographiques. Qu’est-ce que ça voudrait dire ? Ça signifierait que j’aurais travaillé toute une vie pour que les gens retiennent de moi une seule seconde, en tout et pour tout : 1/125ème plus 1/60ème plus 1/500ème... Quelle blague ! ❚

REGINE PETERSEN

La photographie est un véhicule

de ma pensée. Ma méthode de travail m’offre un espace de réflexion constante, ce qui en retour permet à mon travail de prendre des directions nouvelles et imprévues. Mon intérêt pour les différentes formes de l’ambiguïté – comme la présence simultanée d’intimité et de distance – sous-tend mon œuvre. Ces paradoxes sont contenus dans l’image photographique : une image fixe contient nombre de contradictions, tout en étant entièrement opaque et n’offrant pas des réponses claires. On ne peut pas regarder derrière l’image pour « comprendre ». ❚

MARIA-DO-MAR RÊGO

À mes 17 ans j’ai eu la chance

de recevoir mon premier appareil photo. Dans les années qui suivirent ce sont des amis et des professeurs qui m’ont donné le goût de cette discipline. Mais c’est le travail dans la chambre noire, ce lieu encore magique, qui me l'a fait aimer pour toujours. De la photographie tout m’a séduit. D’abord le goût transmis, ensuite l’exigeante méthode au laboratoire et enfin le fait que la photographie soit inépuisable car tout est possible : fantaisies, preuves, pièges, témoignages, fictions. ❚

ULRIKE SCHMITZ

La photographie

est un langage qui me fascine. A travers elle, je m’approche de ce qui reste inaccessible à la parole. Elle me permet de rendre visible et peut-être, intelligible, ma propre perception du monde. En retour, elle m’ouvre l’accès aux univers des autres, ne serait-ce que par fragments. ❚

TITUS SIMOENS

Dad isn’t with us anymore. I don’t know why.

I can’t know why, because I was already asleep. ❚

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INDISPENSABLE !

COMPRENDRE S’INSPIRER CRÉER ●

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LES BOUTOGRAPHIES SONT ORGANISÉES EN COLLABORATION AVEC TRANSIT / COLLECTIF PHOTOGRAPHIQUE 3, rue Ranchin 34000 Montpellier +33(0) 467.60.85.81 postmaster@transit-photo.com www.transit-photo.com Depuis sa création en 2002, la volonté de l’équipe de Transit est de mieux faire connaître la photographie documentaire et la démarche de ses auteurs. Elle invite ainsi chaque année des photographes à présenter leur travail dans son espace d’exposition, organise des rencontres photographiques et des soirées projections. Elle collabore également avec d’autres structures sur des projets culturels et éducatifs. En parallèle, les photographes du collectif travaillent régulièrement avec la presse nationale et internationale, répondent à des commandes institutionnelles, diffusent des expositions en France et à l’étranger. L’équipe se compose de six photographes – quatre à Montpellier et deux à Marseille – et d’une chargée de projets culturels. Depuis l’arrivée du festival au cœur de la ville, Transit s’associe à l’équipe des Boutographies en participant à la programmation et en faisant de l’Espace Transit un des lieux de rencontres de la manifestation. L’Espace Transit est soutenu tout au long de l’année pour sa programmation ­artistique, par la Ville de Montpellier et la Région Languedoc-Roussillon.

GALERIE « A LA BARAK » 10, rue de la Petite Loge 34000 Montpellier 04 67 86 98 21 alabarak@gmail.com www.alabarak.com La Barak est un espace dédié à la photographie où se mêlent expositions, installations en libre service, cours pratiques et ludiques. La combinaison atelier/espace d’expo propose de considérer la discipline sous de multiples facettes, de cultiver la diversité des techniques et des travaux photographiques, de favoriser les échanges entre les photographes, leurs œuvres et les publics. C’est dans cet esprit éclectique que La Barak soutient très fort les auteurs photographes et propose en moyenne une exposition par mois, choisie au gré du vent parmi la niche locale, à l’autre bout de la France ou à Brooklyn ; parfois documentaire, contemporaine ou alternative. La Barak est un lieu de photographie ouvert à tous, pensé pour expérimenter, partager ses connaissances, enrichir sa culture de l’image, où la photographie de chacun circule, s’échange et s’expose…

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EN PARTENARIAT AVEC FESTIVAL FOTOLEGGENDO www.fotoleggendo.it Le partenariat entre FotoLeggendo et les Boutographies est l’histoire d’une amitié née en 2005 et qui ne s’est jamais démentie depuis. Organisé par l’association Officine Fotografiche et présidé par Emilio d’Itri, le festival FotoLeggendo est aujourd’hui l’un des principaux rendez-vous de la photographie à Rome et en Italie. La manifestation expose à la fois des noms reconnus de la photographie internationale et de jeunes auteurs qu’elle choisit de soutenir. Les principaux critiques, éditeurs et directeurs d’agence du pays s’y rencontrent au cours de séminaires, de lectures de portfolios et de workshops qui attirent un public venu de toute la péninsule. Chaque année en octobre (en juin à partir de cette année !), FotoLeggendo expose parmi sa sélection une série issue de la sélection en cours des Boutographies, et nous faisons de même avec un photographe remarqué à Rome. La vocation des deux festivals à faire circuler la jeune photographie européenne sous des cieux divers et dans les meilleures conditions de visibilité est ainsi affirmée.

LE L AC GELÉ Lieu de phénomènes photographiques Nîmes www.lelacgele.org Avec Le lac gelé -galerie, lieu de rencontres photographiques et artistiques emblématique de chez nos voisins nîmois- les Boutographies ont trouvé un partenaire avec qui partager un même engagement pour la photographie d'aujourd'hui. Le prix du jury délivré aux Boutographies est exposé chaque année à Nîmes, et nous donnons place en retour à un photographe soutenu par le Lac gelé dans notre propre galerie, le Mur rouge.

FOCALE Association, librairie et galerie photographiques Nyon (Suisse) www.focale.ch FOCALE est l'un des plus anciens lieux entièrement dédiés à la photographie en Suisse. Au cours des années, la galerie s’est forgé un label de qualité, devenant un espace de réunion convivial, un carrefour dédié à la photographie, dont la réputation dépasse peu à peu les frontières suisses. La galerie FOCALE accueille en ses murs des photographes venus de toute l’Europe mais aussi des USA, du Mexique, du Paraguay, de Cuba et de Russie. Des photographes de renom tels que Robert Frank, Leonard Freed, Mario Giacomelli ou encore Gilbert Garcin y ont présenté leurs œuvres. La galerie ouvre également ses cimaises à des professionnels encore peu connus ou en voie de reconnaissance. Un échange annuel est dorénavant mis en place avec les Boutographies, pour donner une meilleure visibilité aux photographes soutenus par les deux structures.


CE CATALOGUE EST PUBLIÉ­ À L’OCCASION DES 14e BOUTOGRAPHIES­ RENCONTRES PHOTOGRAPHIQUES­ DE MONTPELLIER DU 17 MAI AU 1 JUIN 2014 15 EXPOSITIONS­ AU PAVILLON POPULAIRE PHOTOGRAPHES EXPOSANTS Delphine Burtin Elena Chernyshova Miho Kajioka Anton Kusters Laura Lafon Marine Lanier Marine Lupercale Jan Q. Maschinski Giuseppe Moccia Sara Munari Regine Petersen Maria-do-Mar Rêgo Swen Renault Ulrike Schmitz Titus Simoens

LES BOUTOGRAPHIES SONT SOUTENUES PAR

PARTENAIRES 2014

Les Boutographies sont organisées par l’association GRAIN D’IMAGE 06 19 29 17 84 l 09 54 48 07 46 contact@boutographies.com www.boutographies.com L’ÉQUIPE DES BOUTOGRAPHIES Peter Vass Arnaud Laroche Christian Maccotta Susanne Klein Fanny Dombre-Coste Brigitte Pertoldi Christopher Sly Lucie Anton Sylvie Suire Tina Lehmann Anne Mandron Maxime Mollard Rachele Ceccarelli Les stagiaires Nawelle Dehas Manon Poujol Ganidel Alice Gianesini Noémie Di Franco Egle Maceinaite Lilly Dos Santos

ISBN 978-2-9539017-3-3 EAN 9782953901733 Dépôt légal mai 2014 Tous les droits de traduction, reproduction, adaptation, réservés pour tous pays © Grain d’Image 2014 textes catalogue (sauf mention contraire) Christian Maccotta conception graphique Susanne Klein couverture visuel Émile Loreaux I graphisme Karine Chapelle impression Imp’Act Imprimerie, Saint-Gély-du-Fesc, France prix ttc 5 euros



Montpellier

Opéra, Agora, Hôtels particuliers, Secrets de luthiers, Centre historique, Quartiers contemporains... découvrez la ville et 1000 ans d’histoire.

Prix : 5 € ISBN 978-2-9539017-3-3


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