Guide du visiteur
Brushes, Lexington, 2005
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BO ZAR EX PO
01.02 > 29.04.2012
CY TWOMBLY Photographs 1951 - 2010
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Table, chaise et nappe, Tetuan, 1951. Ed. 3/6 Impression à sec sur carton. 43,1 x 27,9 cm Schirmer/Mosel Verlag – Fondazione Nicola del Roscio
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Table, chaise et nappe, Tetuan, 1951. Ed. 3/6 Impression à sec sur carton. 43,1 x 27,9 cm Schirmer/Mosel Verlag – Fondazione Nicola del Roscio
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Table, chaise et nappe, Tetuan, 1951. Ed. 3/6 Impression à sec sur carton. 43,1 x 27,9 cm Schirmer/Mosel Verlag – Fondazione Nicola del Roscio
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Table, chaise et nappe, Tetuan, 1951. Ed. 3/6 Impression à sec sur carton. 43,1 x 27,9 cm Schirmer/Mosel Verlag – Fondazione Nicola del Roscio
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Table, chaise et nappe, Tetuan, 1951. Ed. 3/6 Impression à sec sur carton. 43,1 x 27,9 cm Schirmer/Mosel Verlag – Fondazione Nicola del Roscio
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… son œuvre ne relève pas d’un concept (trace), mais d’une activité (tracing) ; … Roland Barthes
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Twombly photographe : une œuvre de lumière Fait plutôt rare sur la planète contemporaine, vous allez découvrir l’exceptionnel travail photographique de l’artiste américain, surtout célébré pour sa peinture à la graphie singulière, spontanée, colorée, presque primitive, scandant sur la toile les noms des héros mythologiques et les vers de Sappho, Keats, Mallarmé ou Valéry. Mais il n’y a aucune rupture entre sa peinture et la centaine de polaroïds, retravaillés à la photocopieuse à pigments, qui vous seront présentés dès le 1er février. Vous les retrouverez comme Cy Twombly les avait agencés pour son dernier ouvrage, publié juste avant sa mort, cet été, à Munich. Ils seront confrontés à un film sur Twombly de l’artiste britannique Tacita Dean et à un choix de peintures et de dessins, proposé par Hubertus von Amelunxen. Rencontre avec un passionné.
Au départ sélectionnées pour un livre par Twombly luimême, comment allez-vous agencer ces photographies dans l’exposition et faire vivre ce rapport à l’espace et au temps qui lui était cher ? La base de l’exposition, ici aux Beaux-Arts, est un ouvrage qu’il avait commencé l’année dernière et qui fut présenté très peu avant sa mort, à Munich. Il avait travaillé sur la maquette et j’avais eu le bonheur d’en écrire le texte. Nous en reprendrons la dramaturgie sous-jacente, à la différence près que, dans l’exposition, il y aura également d’autres œuvres – des dessins, des peintures et des sculptures de Twombly. Mais tout revient 8
vers la photographie. Ce qui revient à dire qu’il n’y aura pas de ségrégation entre l’œuvre photographique et l’œuvre picturale ou sculpturale. C’est le même geste, mais dans un autre temps. Voilà le plus important. Nous aurons également le travail d’un autre artiste, la Britannique Tacita Dean, qui présentera son n film – il s’agit d’Edwin Parker, le vrai nom de Twombly. Personnellement, qu’est-ce qui vous marque chez cet artiste ? Pour moi, et je vais reprendre une parole de Roland Barthes, c’est la « rature », ou comment Twombly a pu conserver cette recherche tout au long de son œuvre picturale: pouvoir ou ne pas pouvoir mettre un signe, telle est la question de son œuvre. Très peu d’artistes ont réussi cela : c’est aussi fascinant que la temporalité qu’il donne au mythe. Or, comme vous le savez, le mythe est hors du temps. On rejoint ici son intérêt pour la psychanalyse et l’intemporalité du psychisme. Sur ce plan c’est une œuvre extraordinaire. Elle est d’une diversité rare mais part toujours du même signe. Sur ce problème du temps, n’y a-t-il pas chez Twombly un paradoxe entre l’instantanéité du polaroïd et le lent processus de sa transformation ultérieure ? Twombly n’est pas le seul à procéder ainsi. Mais, très certainement, ce n’est pas un Cartier-Bresson : le « moment décisif » lui importe peu. On ignore le nombre de polaroids dont il s’est débarrassé pour en venir à cette œuvre, qui est importante en photographie. On en est à quatre volumes, 9
comprenant des centaines de clichés qu’il a conservés... S’est-il focalisé sur des séries comme beaucoup d’artistes contemporains ? Non. Twombly a plutôt travaillé sur ses lieux de prédilection – l’Italie, Rome, Lexington, ses ateliers, parfois la plage, surtout les fleurs, extraordinaires ! – Tulips est d’ailleurs la première série exposée à la galerie Matthew Marks de New York en 1993. Il photographie aussi son appartement, la végétation, les légumes… Des objets du quotidien, sauf dans les premières photos, au début des années ‘50. Twombly réalise alors beaucoup de portraits et photographie ses propres œuvres, comme il continuera de le faire pendant un demi-siècle – tout comme Gerhard Richter ou Brancusi. Il a utilisé la photographie comme une manière de traduire sa démarche et, peut-être a-t-il voulu en tirer un autre point de vue sur son œuvre. Pour luimême. La photographie était-elle une base de travail pour son œuvre picturale ? Non. Lorsqu’il utilise le polaroïd, c’est d’une manière spéciale, autofocus débrayé. Il joue ainsi avec le flou. Et lorsqu’il reproduit ses polaroïds, il le fait au moyen d’une photocopieuse à pigments, mettant en avant certaines couleurs ou en les rendant quasi monochromes. De cette manière, il introduit l’espace et le temps dans son travail, qui est sa préoccupation essentielle pour l’ensemble de sa production.
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Que recherche-t-il en agrandissant les polaroïds ? Le format qu’il a choisi avec la photocopieuse à pigments est environ 2,5 fois plus grand que le carré du polaroïd. On peut partir de l’hypothèse qu’en agrandissant, il élargit aussi le flou – tout comme Sigmar Polke qui a aussi beaucoup travaillé avec la photocopieuse, tirant l’image de manière très particulière, à la manière d’une anamorphose. Twombly ne va pas jusque-là, mais il change les proportions de l’image en l’agrandissant, et en accuse l’abstraction. Comment y reconnaît-on sa patte ? Pour Twombly, l’écriture est fondamentale. Il a sa propre écriture avec laquelle il part constamment à la recherche d’une écriture C’est un travail perpétuel d’écriture et d’oblitération, de rature, comme l’a si bien décrit Roland Barthes. Un travail sur le blanc aussi qui le rend très mallarméen. Dans la photographie de Twombly, il n’y a pas de blanc à proprement parler, pas de vide, sinon dans certaines photos des années ’50 – avec une chaise, une table – très vides, en noir et blanc. Le blanc sur le canevas de Twombly ne sert généralement qu’à introduire une profondeur qui elle-même génère une temporalité. Blanc ou lumière ? Toute œuvre de Twombly est une œuvre de lumière. Il peint la lumière. Même quand il travaille sur le noir, le blanc sur noir ou qu’il pratique la rature, c’est toujours de la lumière. Et la photographie, n’est-ce pas précisément le médium de la lumière ? Propos recueillis par Xavier Flament pour le BOZARMAGAZINE
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De l’écriture, TW garde le geste, non le produit. Même s’il est possible de consommer esthétiquement le résultat de son travail (ce qu’on appelle l’œuvre, la toile), même si les productions de TW rejoignent (elles ne peuvent y échapper) une Histoire et une Théorie de l’Art, ce qui est montré, c’est un geste. Qu’est-ce qu’un geste ? Quelque chose comme le supplément d’un acte. L’acte est transitif, il veut seulement susciter un objet, un résultat ; le geste, c’est la somme indéterminée et inépuisable des raisons, des pulsions, des paresses qui entourent l’acte d’une atmosphère (au sens astronomique du terme). Distinguons donc le message, qui veut produire une information, le signe, qui veut produire une intellection, et le geste qui produit tout le reste (le « supplément »), sans forcément vouloir produire quelque chose. L’artiste (gardons encore ce mot quelque peu kitsch) est par statut un opérateur de gestes : il veut produire un effet, et en même temps ne le veut pas ; les effets qu’il produit, il ne les a pas obligatoirement voulus ; ce sont des effets retournés, renversés, échappés, qui reviennent sur lui et provoquent dès lors des modifications, des déviations, des allègements de la trace. Ainsi, dans le geste s’abolit la distinction entre la cause et l’effet, la
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motivation et la cible, l’expression et la persuasion. Le geste de l’artiste – ou l’artiste comme geste – ne casse pas la chaîne causative des actes, ce que le bouddhiste appelle le karma (ce n’est pas un saint, un ascète), mais il la brouille, il la relance jusqu’à en perdre le sens. Dans le zen (japonais), on appelle cette rupture brusque (parfois très ténue) de notre logique causale (je simplifie) : un satori : par une circonstance infime, voire dérisoire, aberrante, farfelue, le sujet s’éveille à une négativité radicale (qui n’est plus une négation). Je considère les « graphismes » de TW comme autant de petits satoris : partis de l’écriture (champ causal s’il en fut : on écrit, dit-on, pour communiquer), des sortes d’éclats inutiles, qui ne sont même pas des lettres interprétées, viennent suspendre l’être actif de l’écriture, le tissu de ses motivations, même esthétiques : l’écriture n’habite plus nulle part, elle est absolument de trop. N’est-ce pas à cette limite extrême que commence vraiment « l’art », le « texte », tout le « pour rien » de l’homme, sa perversion, sa dépense ? Roland Barthes
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Un des rares textes écrits par Cy Twombly dans lequel il parle de sa peinture. Il a paru dans le numéro d’aout – septembre 1957 du journal L’esperienza moderna. La réalité de la blancheur peut exister dans la dualité des sensations (comme l’anxiété multiple du désir et de la peur). La blancheur peut être l’état classique de l’intellect, ou une aire néoromantique de souvenirs – ou la blancheur symbolique de Mallarmé. L’implication exacte ne sera peut-être jamais analysée, mais que la blancheur persiste comme le paysage de mes actions cela doit signifier qu’il y a plus que sélection. L’homme est le miroir de ce qu’il pense. C’est pourquoi l’action doit être continuellement porteuse de la réalisation de l’existence. Ainsi l’action est le choix fondamental. Dans la peinture, l’action est la formation de l’image ; l’action compulsive de devenir ; les pressions directes et indirectes portées à un point culminant dans l’art précis de formation (par le mot “formation” je n’entends pas “formalisation” - ou dans le sens général l’organisation d’une bonne peinture. Ces problèmes sont facilement accessibles et résolus, et dans de nombreux cas ils ont produit de belles et même d’importantes œuvres d’art). Comme la peinture définit ensuite l’image, elle illustre en grande partie le contenu de l’idée ou du sentiment. C’est dans ce domaine que je romps avec les processus plus généraux de la peinture. La peinture implique une certaine crise, ou du moins un moment crucial de sensation ou de libération; et la notion de crise ne devrait en aucun cas se limiter à un état morbide, mais 14
pourrait tout aussi bien être une impulsion extatique, ou dans le processus de la peinture, l’exécution d’une gamme d’états. Il faut désirer l’essence ultime, même si elle est «contaminée». Chaque ligne est maintenant l’expérience réelle porteuse de sa propre histoire. Elle n’illustre pas – elle est la sensation de sa propre réalisation. La représentation correspond plutôt à ce que l’on s’accorde à soi-même, séparé des autres, qu’à une totalité abstraite de perceptions visuelles. C’est très difficile à décrire, mais c’est une implication dans l’essence (peu importe si elle est privée), dans une synthèse de sentiment, d’intellect et encore beaucoup plus, survenant de façon indissociable dans l’impulsion de l’action. L’idée de tomber dans l’obscurité ou le nihilisme subjectif est absurde - de telles idées ne peuvent être avancées que par un manque de références ou d’expérience. Varnedoe, Kirk, Cy Twombly. A Retrospective, Musée d’Art Moderne de New York, 1994, p. 27.
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Parcourir l’œuvre de TW, des yeux et des lèvres, c’est donc sans cesse décevoir ce dont ça a l’air. Cette œuvre ne demande pas que l’on contredise les mots de la culture (le spontané de l’homme, c’est sa culture), simplement qu’on les déplace, qu’on les déprenne, qu’on leur donne une autre lumière. TW oblige, non à récuser, mais – ce qui est peut-être plus subversif – à traverser le stéréotype esthétique ; bref il provoque en nous un travail de langage (n’est-ce pas précisément ce travail – notre travail – qui fait le prix d’une œuvre ?). Roland Barthes
Comme dans une opération chirurgicale d’une extrême finesse, tout se joue (chez TW) à ce moment infinitésimal où la cire du crayon approche le grain du papier. La cire, substance douce, adhère à de menues aspérités du champ graphique, et c’est la trace de ce vol léger d’abeilles qui fait le trait de TW. Adhérence singulière, car elle contredit l’idée même d’adhérence : c’est comme un attouchement dont le seul souvenir ferait finalement le prix ; mais ce passé du trait peut être aussi défini comme son avenir : le crayon, mi- gras, mi- pointu (on
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ne sait comment il tournera) va toucher le papier : techniquement, l’œuvre de TW semble se conjuguer au passé ou au futur, jamais vraiment au présent ; on dirait qu’il n’y a jamais que le souvenir ou l’annonce du trait : sur le papier – à cause du papier – le temps est en perpétuelle incertitude. Roland Barthes
Il s’agit donc de faire apparaître, toujours, en toutes circonstances (en n’importe quelle œuvre), la matière comme un fait (pragma). Pour cela, Twombly a, sinon des procédés (et quand bien même en aurait-il, en art, le procédé noble), du moins des habitudes. Ne nous demandons pas si ces habitudes, d’autres peintres les ont eues : c’est, de toute manière, leur combinaison, leur répartition, leur dosage qui font l’art original de Twombly. Les mots, eux aussi, appartiennent à tout le monde ; mais la phrase, elle, appartient à l’écrivain : les « phrases » de Twombly sont inimitables. Roland Barthes
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L’œuvre incomparable de Cy Twombly se fonde sur un art de la lumière. Son art est porteur de lumière. Dans ses peintures et ses dessins, la lumière fait disparaître toute autre signification dans le fond, dans la couleur et dans le mouvement qui ouvre, elle foule et épaissit des doutes, « pour que sorte une splendeur définitive simple ». On pourrait donc dire que la photographie se trouve déjà pensée, de fait, dans l’œuvre de Twombly, avant même qu’il ait tendu sa main vers l’appareil photo. Mais à quel regard est-il fait appel quand un peintre et dessinateur équipe son propre regard d’une boîte, d’un appareil photo, quand il se fait cyclope et se met à photographier ? En photographiant, le regard de Cy Twombly opère dans un autre temps. Le voir et le nonvoir se cherchent dans ses photographies autrement que dans ses peintures et ses dessins. Dans l’art de Twombly, l’invisible se dispose toujours dans le visible, mais pas de façon qu’on puisse l’identifier et encore moins le séparer. Son art est essentiellement animé par un aveuglement, par un punctum caecum, dans l’acte de voir comme dans celui de passer sans voir. C’est d’une cécité librement choisie qu’il s’agit, du « désir de la main », dirigé contre l’évidence de l’œil, de l’enténèbrement résolu et délibéré du geste pictural, aux fins de s’éloigner de l’imitation et de la « rationalité répressive » à laquelle Roland Barthes pensait que la peinture s’est trouvée assujettie en tant qu’« art exclusif de la vision ». La main précède l’œil et elle est plus proche que l’œil de la toile,
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du papier, du fond de peinture. Twombly « dessine sans lumière1 ». Et dans le geste du corps, il trace gauchement des signes sur le support, s’inscrit et se désinscrit, écrit puis rature et, raturant, écrit encore. Dans sa peinture, l’instance de l’inscription est inséparable de celle de l’extinction – ou de la disparition, disons –, dans la mesure où ce qui a disparu reste conservé dans le tableau même, recouvert d’écritures ou passé au blanc, visiblement invisible. Hubertus von Amelunxen Tyché, en grec, c’est l’événement en ce qu’il survient par hasard. Les toiles de Twombly semblent toujours comporter une certaine force de hasard, une Bonne Chance. Peu importe que l’œuvre soit, en fait, le résultat d’un calcul minutieux. Ce qui compte, c’est l’effet du hasard, ou, pour le dire plus subtilement (car l’art de Twombly n’est pas aléatoire) : d’inspiration, cette force créative qui est comme le bonheur par hasard. Deux mouvements et un état rendent compte de cet effet. Roland Barthes P. 7, 12, 13, 16, 17 : Barthes, Roland, « Cy Twombly ou Non multa sed multum ». L’obvie et l’obtus. Essais critiques III, Paris, Seuil, 1982. P. 17, 19 : Barthes, Roland, « Sagesse de l’art ». L’obvie et l’obtus. Essais critiques III, Paris, Seuil, 1982. P. 18, 19 : von Amelunxen, Hubertus, « Cette rose ne l’interromps / Qu’à verser un silence pire » - Photographies de Cy Twombly, Cy Twombly, Photographs III 1951-2010, Munich, Schirmer/Mosel, 2011.
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Edwin Parker Pourquoi devenons-nous ce que nous devenons, pourquoi faisons-nous ce que nous faisons, pourquoi sommes-nous nés avec des facilités dans un domaine que d’autres n’ont pas ? Nous n’arrivons pas souvent à deviner quel incident ou quelle influence ont modelé notre vie telle qu’elle est, ou si en fait il s’agissait de quelque chose de plus profond. Et ce qui est le plus mystérieux, c’est pourquoi les artistes deviennent artistes, et pourquoi ils deviennent les artistes qu’ils sont. J’ai toujours aimé le travail de Cy Twombly. Son œuvre m’a immédiatement touché et je n’ai cessé de l’être, bien que j’aie grandi et changé considérablement depuis. Peu importe où je la rencontrais, je n’ai jamais été déçu. Son travail a été une constante dans ma vie, mais jusqu’il y a peu, j’ignorais qui il était et à quoi il ressemblait, et je n’avais pas cherché à le savoir. Il appartenait simultanément à une autre génération, un autre lieu, un autre monde. D’une certaine manière, l’artiste m’était aussi lointain que Michel-Ange. Et puis je l’ai rencontré. Lexington est une petite ville, fière de son histoire, située dans l’État méridional de Virginie. Son centre est un treillis de deux ou trois rues bordées de maisons du XVIIIe et XIXe siècles, des locaux de confréries estudiantines, et, au milieu des beaux arbres et des pelouses bien tondues, sont implantés un campus universitaire et une académie militaire. C’est un endroit vieillot, une petite ville accueillante, avec des avis insolites collés sur les fenêtres des magasins qui proposent tout aussi bien des friandises pour vos animaux domestiques que des conseils sur des moyens faciles d’accéder au paradis. C’est dans l’une de ces humbles demeures que Cy Twombly loue son studio. C’est 20
derrière les stores de sa petite vitrine qu’il pense et travaille, mais c’est surtout là qu’il est assis, heureux de regarder ses voisins se garer, acheter des gâteaux ou leurs journaux juste à côté, puis repartir. Pour Cy, la peinture n’est que comportement et c’est pourquoi il n’en parle pas. Je lui ai demandé s’il travaillait par à-coups et il a répondu qu’il n’était pas un homme « de neuf à cinq ». Il peint de façon instinctive ; cela lui vient de loin, de quelque chose de plus profond que la conscience, ce qui est rare. Une grande partie de son temps de travail est consacré à atteindre cette profondeur. Il n’y a pas de préparation, ou plutôt sa préparation est sédentaire, vouée à la lecture, la réflexion et l’être. Il ne se cache pas derrière un processus, parce que dans un sens, il n’a pas de processus, seule l’interaction du moment propice, là où elle existe. Le retour à Lexington, chaque année à l’automne, permet à Cy de revenir chez lui : chez lui, là où il est tout simplement « du coin ». Ceci est réconfortant et l’affection qu’il y porte évidente. Lexington avec son architecture néo-classique et la fierté de son histoire a contribué à faire de Cy un artiste. Dans l’enceinte de l’Institut militaire de Virginie, il nous a montré un monument célébrant l’emplacement d’un arbre disparu. Les toiles de Cy Twombly possèdent un langage universel, mais à Lexington, il est chez lui. Il est lui-même, ou du moins son luimême américain, et c’est pourquoi j’ai donné au film le véritable nom de l’artiste. Tacita Dean
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Biographies Cy Twombly, né à Lexington, en Virginie, en 1928, et décédé à Rome le 5 juillet 2011, a suivi des cours à l’école du Museum of Fine Arts de Boston (1947-1949), à l’Art Students League de New York (1950-1951) et au Black Mountain College en Caroline du Nord (1951-1952). Au milieu des années 50, après un voyage en Europe et en Afrique du Nord, il devient la figure emblématique d’un groupe d’artistes new-yorkais, dont Robert Rauschenberg et Jasper Johns faisaient également partie. En 1957, il déménage en Italie. Il y développe son style personnel par le biais d’un expressionisme abstrait et de l’action painting, jusqu’à obtenir une sorte de calligraphie qui lui permet d’explorer le potentiel et l’expressivité des lignes. La frontière entre la peinture et le dessin est souvent très fine. Cy Twombly trouve l’inspiration dans la poésie, la mythologie, l’histoire et les paysages de la région. En 1995, la Cy Twombly Gallery ouvre ses portes à la Menil Collection de Houston, au Texas. Elle est conçue par le célèbre architecte Reneo Piano, d’après des plans de Cy Twombly luimême. Elle abrite une rétrospective permanente sur l’artiste. L’œuvre de Cy Twombly occupe une place de choix dans tous les grands musées et a déjà fait l’objet de plusieurs expositions à travers le monde, comme à Bruxelles (Palais des Beaux-Arts, 1965), New York (MoMa, 1994-1995), Berlin (Neue Nationalgalerie, 1995), Saint-Pétersbourg (State Hermitage Museum, 2003), Houston (Museum of Fine Arts, 2005) et Londres (Tate Modern, 2008).
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En 2010, Cy Twombly a créé une œuvre permanente pour le Musée du Louvre, à Paris : un plafond peint pour la Salle des Bronzes.
Née en 1965 à Canterbury, Grande-Bretagne, Tacita Dean a étudié l’art à l’École d’art de Falmouth en Angleterre, ensuite à l’École Supérieure des Beaux-Arts à Athènes, et à la Slade School of Fine Art à Londres. En 1998, elle a été nominée pour le Prix Turner et reçu une bourse du DAAD à Berlin, Allemagne, en 2000. Elle a obtenu les prix suivants: Prix d’Art de Aix - la Chapelle (2002); Fondazione Sandretto Re Rebaudengo, Turin, Italie (2004), le sixième Benesse Prize lors de la 51e Biennale de Venise (2005) et le Hugo Boss Prize au Musée Solomon R. Guggenheim, New York (2006). Dean a également participé à la Biennale de Venise en 2003 et 2005. Les films, dessins et autres œuvres de Tacita Dean sont extrêmement originaux. Ses récents portraits filmiques expriment ce que ni la peinture, ni la photographie ne peuvent capter. Ils sont purement cinématographiques. Tandis que Dean peut apprécier le passé, son art évite tout type d’approche académique. Son art est porté par un sens de l’histoire, du temps et du lieu, de la qualité de la lumière et de l’essence du film même. L’accent de ce travail subtil mais néanmoins ambitieux est mis sur la vérité de l’instant, sur le film en tant que moyen, et sur la sensibilité de l’individu.
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Liste des œuvres Schirmer/Mosel Verlag - Fondazione Nicola del Roscio Impressions à sec sur carton Table, chaise et nappe, Tetuan, 1951 Table, chaise et nappe, Tetuan, 1951 Table, chaise et nappe, Tetuan , 1951 Table, chaise et nappe, Tetuan, 1951 Table, chaise et nappe, Tetuan, 1951 Temple, Agrigente, 1951 Temple, Agrigente, 1951 Temple, Agrigente, 1951 Détail de tableau, Rome, 1986 Tulipes, Rome, 1985 Tulipes, Rome, 1985 Tulipes, Rome, 1985 Tulipes, Rome, 1985 Sans titre, Gaeta, 2008 Sans titre, Gaeta 2008 Coucher de soleil, Gaeta 2009 Détail de tableau (Roses), Gaeta 2009 Détail de tableau (Roses), Gaeta, 2009 Détail de tableau (Roses), Gaeta, 2009 Détail de tableau (Roses), Gaeta, 2009 Détail de tableau (Roses), Gaeta, 2009 Détail de tableau (Roses), Gaeta, 2009 Détail de tableau (Roses), Gaeta, 2009 Sans titre, Lexington, 2008 Brocante, Lexington, 2008 Brocante, Lexington, 2008 Brocante, Lexington, 2008 Brocante, Lexington, 2008 Brocante, Lexington, 2008 Brocante, Lexington, 2008 Brocante, Lexington, 2008 Brocante, Lexington, 2008 Fleurs, Gaeta, 2005 Fleurs, Gaeta, 2005 Fleurs, Gaeta, 2005
Fleurs, Gaeta, 2005 Fleurs, Gaeta, 2005 Feuilles, Lexington, 2005 Feuilles, Lexington, 2005 Sans titre, Gaeta, 1994 Sans titre, Gaeta, 1994 Sans titre, Gaeta, 1994 Citron, Gaeta, 2008 Citron, Gaeta, 2008 Citron, Gaeta, 2008 Citron, Gaeta, 2008 Citron, Gaeta, 2008 Citron, Gaeta, 2008 Citron, Gaeta, 2008 Citron, Gaeta, 2008 Citron, Gaeta, 2008 Feuilles, Gaeta, 2008 Les chaussures de l’artiste, Lexington, 2005 Pinceaux, Lexington, 2005 Pinceaux, Lexington, 2005 Brosses, Gaeta, 2009 Studio, Lexington, 2009 Studio, Lexington, 2009 Studio, Lexington, 2009 Studio, Lexington, 2009 Studio, Lexington, 2009 Studio, Lexington, 2009 Studio, Lexington, 2009 Studio, Lexington, 2009 Choux, Gaeta, 1998 Choux, Gaeta, 1998 Choux, Gaeta, 1998 Sans titre, Gaeta, 1997 Sans titre, Gaeta, 1997 Paysage, Lexington, 2007 Paysage, Lexington, 2007 Paysage, Lexington, 2007 Paysage, Lexington, 2007
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Paysage, Lexington, 2007 Paysage, Lexington, 2007 Fonderie, Rome, 2000 Fonderie, Rome, 2000 Studio, Gaeta, 2000 Studio, Gaeta, 2009 Intérieur, Rome, 2003 Intérieur, Rome, 2003 Intérieur, Bassano in Teverina, 1980 Sculpture de Pan, Bassano in Teverina, 1980 Intérieur, Bassano in Teverina, 1980 Intérieur, Rome, 1980 Intérieur (Picasso), Rome, 1980 Intérieur (Picasso), Bassano in Teverina, 1985
Détail de tableau et sculpture “Près de la mer Ionienne”, Bassano in Teverina, 1992 Détail de tableau, Bassano in Teverina, 1985 Datura, Gaeta, 1990 Datura, Gaeta, 1990 Datura, Gaeta, 1990 Forêt, Lexington, 2000 Forêt, Lexington, 2000 Forêt, Lexington, 2000 Arbre, Passo Godi, 2008 Paysage, Villetta Barrea, 2008 Paysage, Villetta Barrea, 2008 Paysage, Villetta Barrea, 2008 La baie de Gaeta, Gaeta, 2005
Sammlung Lambrecht-Schadeberg / Rubenspreisträger der Stadt Siegen im Museum für Gegenwartskunst Sans titre (Rome), 1966 Huile, peinture pour mur, crayon gras sur toile
Collection Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean, Mudam Luxembourg Donation Melva Bucksbaum en l’honneur de M. Raymond Learsy J. Histoire naturelle Partie II, Quelques arbres d’Italie, 1975 – 1976 Ensemble de 8 lithographies
Bayerische Staatsgemäldesammlungen – Udo und Anette Brandhorst Stiftung Sans titre (New York), 2002 Bronze coulé de: Sans titre, 1955 (New York), bois, tissue, corde, huile, peinture
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Collection Marzona, Berlin Sans titre, 1959 Crayon sur papier 8 Odes d’Horace, 1968 Ensemble de 16 lithographies
Collection Speck, Cologne Sans titre , 1957 Huile, crayon gras, crayon et feutre, papier monté sur toile
Collection privée, Munich Impressions à sec sur carton Fulton St. Studio (New York), 1954 Fulton St. Studio (New York), 1954 Fulton St. Studio (New York), 1954 Fulton St. Studio (New York), 1954 Cy Twombly avec boîte à peinture + parapluie de Charles Woodburry, Oqunquit, MN, 1944 Tulipes, Rome, 1985
Collection privée, Gand La tristesse qui jette une ombre sur son cœur, 1961 Crayon de couleur, graphite et cire d’huile sur papier
Tacita Dean/ Firth Street Gallery, London / Marian Goodman Gallery, New York and Paris Edwin Parker, 2011 16 mm, couleur, 29 min.
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Poésie pour Cy Twombly Alfred Schaffer Monika Rinck Stéphane Lambert Roland Jooris Bernard Dewulf Antoine Wauters
Dans ses programmes, BOZAR LITERATURE part souvent à la recherche des points communs entre la littérature et les beauxarts. Ainsi, la saison dernière, nous avions demandé à des auteurs tels que Stefan Hertmans, Caroline Lamarche et Yves Petry de se laisser inspirer par les tableaux de Lucas Cranach ou les photographies de Jeff Wall. Le public a pu lire le résultat dans un guide du visiteur et l’écouter via les audioguides. Depuis, près d’une vingtaine d’auteurs ont contribué d’une façon unique aux expositions de Bozar en se confrontant à l’une des œuvres exposées. « Poésie pour Cy Twombly » constitue un nouveau chapitre des interventions littéraires de Bozar. Toute une série d’auteurs, jeunes talents et valeurs sûres, belges et étrangers, ont démontré qu’ils avaient un lien particulier avec l’œuvre énigmatique de Cy Twombly. Bernard Dewulf, Roland Jooris, Stéphane Lambert, Monika Rinck, Alfred Schaffer et Antoine Wauters ont sélectionné une ou plusieurs photos de Cy Twombly et l’ont mise en poésie. Vous pouvez lire ces textes dans ce guide du visiteur ou les écouter via le site web ou les audioguides. Bien que les six auteurs soient des poètes, nous les avons laissés libres de choisir le genre qui convenait le mieux à Cy Twombly. Étonnamment, aucun n’a opté pour un poème lyrique classique. Toutes les contributions sont des formes hybrides de poésie. Les auteurs ont en quelque sorte trouvé une clé de l’œuvre de Cy Twombly dans le côté poétique de la prose et de l’essai, de l’extrait et de l’énoncé, du rêve et de l’élégie, de la chanson et de l’épopée. Les polaroïds de Cy Twombly, par leur fragile fugacité, sont peut-être eux-mêmes des « poèmes » : une réponse lyrique devient donc superflue et les poètes sont contraints de de sonder les frontières de leur art. Cy Twombly aussi brouille 1
les pistes en présentant la photographie comme une sorte de peinture. Un autre élément frappant se dégage de ces textes : malgré un support aussi « réaliste » que la photographie, Cy Twombly parvient à éveiller l’imagination du spectateur. En effet, presque tous les auteurs évoquent ce que l’on ne voit pas sur la photo, plutôt que ce que l’on y voit. Ils préfèrent imaginer l’invisible plutôt que de décrire le visible. Comme s’ils souhaitaient raconter un rêve. Peut-être est-ce là le secret des polaroïds de Cy Twombly : il se souvient de ses rêves et, une fois réveillé, photographie les éléments qui les lui rappellent. Les six auteurs de « Poésie pour Cy Twombly » ont tenté, avec succès, de nous aider à nous souvenir de ces rêves, non seulement pour comprendre les œuvres de l’artiste, mais aussi pour revivre ses rêves. Tom Van de Voorde
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Alfred Schaffer Alfred Schaffer (1973) a sorti son premier recueil de poèmes, Zijn opkomst in de voorstad, en 2000 et en a publié cinq autres depuis. Sa poésie est tantôt sobre et tantôt humoristique, tout en tout en faisant la part belle à l’absurde. Très influencé par la poésie américaine contemporaine, il est considéré comme l’un des plus grands talents de sa génération. Ses œuvres ont été nominés aux plus prestigieux prix de poésie et certaines en ont été couronnées : prix C. Buddingh, prix de la poésie VSB, prix Hugues C. Pernath, prix Jan-Campert, prix de la poésie Ida Gerhardt, etc. Alfred Schaffer vit en Afrique du Sud, où il enseigne à l’Université de Stellenbosch. À vue d’œil le jour s’est levé / À vue d’œil le jour tombe à été écrit à propos de Painting Detail (Rome, 1986), numéro 10 dans le catalogue.
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À vue d’œil le jour s’est levé Tout propre je saute dans l’ombre et hors de l’ombre de colonnes plusieurs kilomètres de haut on les dirait de pierre. Il manque selon moi une entrée au temple ou une sortie me suis retrouvé à l’intérieur avant d’y être, ainsi fonctionne l’esprit. C’est partout le même refrain, des oh ! des ah ! comme au fond de la mer rien que des algues qui ondulent et l’obscurité impossible ou presque d’approcher quoi que ce soit comme on approche hommes et animaux. Eau silence moteurs qui tournent vent qui se couche dans l’herbe, tous ces bruits se mélangent la plus belle musique du monde. Il y a peu je me suis téléphoné, au milieu de la journée j’ai reconnu tout de suite ma voix même si je n’ai pas parlé j’ai crié écoute c’est pas croyable. Au bout du fil un rire, un hoquet farfelu – en moins de rien la communication a été coupée.
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À vue d’œil le jour tombe Me voici à grelotter de froid quel grand quel immense édifice. À l’angle j’ai pris à droite puis à gauche et encore à gauche empruntant une galerie assez longue pour établir un nouveau record, arrivant à chaque fois autre part. On dirait que chaque heure dure plus longtemps ça se disloque de partout, l’humidité imprègne les murs colonnes escaliers tableaux dans mon angle mort je vois scintiller une chose aussi inconcevable qu’une mer de verre. Je lance un cri histoire d’entendre une voix. Où est mon sillage de petits cailloux remontant au départ où sont passés mes péchés – je n’arriverai pas à sortir d’ici. J’espère une fois dehors que je n’aurai oublié ce que j’étais venu y faire.
Traduit du néerlandais par Daniel Cunin
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Monika Rinck Monika Rinck (1969) a étudié la théologie, l’histoire et la linguistique comparée à Bochum, Berlin et Yale. Elle est connue pour son Begriffsstudio, un travail d’archivage des néologismes étranges et autres formations de mots insolites découverts dans les médias. Un premier extrait de ce travail a été publié en 2001 dans un livre intitulé Begriffsstudio. Monika Rinck a reçu plusieurs prix littéraires, dont le ErnstMeister-Preis für Lyrik 2008 et le Georg-K.-Glaser-Preis 2010. Elle est considérée comme l’une des figures de proue de la nouvelle génération des poètes allemands. Plus d’infos: www.begriffsstudio.de La peau extérieure usée des objets a été écrit à propos de la série Yard sale (Lexington, 2008), et en particulier les numéros 27, 28, 29 dans le catalogue.
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La peau extérieure usée des objets Vous observez les images des objets, vous observez, en guise d’exemple, trois bouteilles qui baignent. Elles ne baignent pas, ou si quand même ? Lucrèce écrit : Nous appelons images des objets des structures qui « pèlent de la surface des corps comme de petites peaux, pour flotter tantôt vers ici tantôt vers là dans les airs. Ce sont les mêmes structures qui viennent vers nous la nuit dans le rêve, comme éveillés également, et effrayent. »1. Elles hantent. Les petites peaux des objets hantent comme des images auto-mouvantes. La nuit dans le rêve tout comme éveillés également. Des objets marbrés, striés de temps, qui ont survécu à beaucoup d’humains, usés dans les rêves qu’ils traversèrent, ils sont ici de nouveau édifiés pour vous. Les objets traversèrent l’espace dans le rêve qui est une scène pour un événement dans lequel vous n’êtes impliqué seulement dans la mesure qu’il se produit à l’intérieur de vous, mais en dehors de votre responsabilité. Ces objets rêvent à vous. Des objets qui ont été rêvés de fond en comble changent leur structure moléculaire. La structure moléculaire change encore plus radicalement chez des objets dont la perte est chose décidée. Ha. Ceci d’ailleurs, excusez-moi, est mon étalage de cloches. Ah, votre collection de cloches. Donc pas la vôtre mais aussitôt celle de tous les autres qui éventuellement les veulent, entières. Y a-t-il aussi des godemichets ? En outre, vous les possédez mais vous n’êtes pas leur propriétaire. Parce que s’il y en avait un ou une qui venait, vous en seriez dépouillé. Allez, faites pas semblant.
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Partagez s’il vous plaît avec Lucrèce et avec moi l’idée que les objets s’adonnent à la perte – déclenchée par le regard qui tombe sur eux. Ils ne vont par contre pas devenir plus légers. Ils s’imposent, même s’ils se détachent, en soi, de soi, qui sait. Il n’y a pas d’exemple ici. D’un autre côté : Là où il s’agit d’objets, tout devient exemple. Observons par exemple la râpe. Rêver d’une râpe serait oisif. Tout un chacun voit à travers elle. Observons plutôt la pièce partielle melon avec laquelle j’avais coutume de faire le repassage. C’était quand ? Là où quelque-chose est finalisé, tout devient objet. Devenir-objet – et ça ce sont les objets qui vont survivre à moi, ici, cette collection de cloches. Bergson a dit, quand il parlait du rire : Le comique est ce côté de la personne par lequel elle ressemble à une chose.2 Nous disons : Le tragique est ce côté de l’objet par lequel il ressemble à une personne. C’est ça le tragique véritable pour les objets. (Hé, nous avions déjà fixé que nous ne dirions pas une chose pareille.) Nous déclarons : Ici le devenir-objet est tout aussi sentimentaliste que l’est la personnification. Revenons aux bouteilles jaunes qui baignent par là. Barbotent. Faire quelque-chose de très dérangeant. IIIiiih ! Déjà quand quelque-chose se forme sur le lait chauffé – est-ce alors sa structure ? Est-ce son objet ? Et se détache et virevolte comme un petit drap à travers la cuisine ? Laisse ça, ça me dégoûte. Ou mon amant, je le regardais jusqu’à ce qu’il soit devenu transparent ? Ou ma bien-aimée, je la regardais jusqu’à ce qu’elle soit devenue transparente ? C’était quand ?
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Laissez-moi, s’il vous plaît, vous transmettre l’anecdote suivante : Il y a quelques années, j’ai expérimenté lors d’un retour tardif en train de Leipzig à Berlin, comment un serveur de wagon-restaurant très élégant, confronté à une remarque pénible d’une personne ivre, est devenu transparent. Plus tard il est revenu, son contour s’est formé en premier, comme hachuré, encore perméable, hésitant devant l’œil zélé, ne se remplissait que progressivement. Revenait l’uniforme, la veste, le pantalon, les cheveux, le front et tout à la fin quelques traits. Bizarre : Ses yeux étaient déjà là au préalable, avant l’achèvement du visage. Il n’était pas aimable, ni envers moi, ni envers d’autres, mais il était tellement immensément précis, les objets glissaient prudemment à pas de loup vers lui. Fin de l’anecdote. Nous les avons tissés dans nos affects, les objets, jusqu’à leur transparence. Mais la plupart du temps nous ne les voulons déjà plus avant ça. Alors ils sont devenus granuleux et se sont groupés en une armée qui ne sert à rien. Chœur incarcéré des objets. On n’a pas le droit de dire ça de la sorte, c’est frivole. Ne participez s’il vous plaît pas au faux en donnant aux objets la caractéristique de victimes. Ne dites pas quelque-chose comme par exemple : La Pauvre Petite Chose. Ne dites pas ça. Dites plutôt : Monsieur, avec cette pièce partielle melon j’avais coutume de faire le repassage dans ma jeunesse. O, madame, ça doit remonter à il y a très longtemps. Oui, monsieur, tout à fait. Toute créature a besoin de l’aide de tous. Nous aurions ici toute une palette de possibilités d’occupation.
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S’il vous plaît étudiez avec nous : LA CHANSON DU META-REALISME DE LA BROCANTE PRIVEE. Chéris, regardez, ça c’est le fourbi de mon génitif. C’était posé jadis, par-ci par-là, voilà que c’est posé de travers. Aouh Euph Aouh Amour où est ton verseur ? O Objet Objet Objet où est ton vengeur ? Dans la jeune chambre perdue de ma jeunesse j’empile Illusion sur râpe sur vertu sur gland sur illusion. Puisque l’objet, objet, objet, objet est son propre vengeur. Et ça s’est enlevé de la cloche comme si c’était un son juste une nouvelle petite peau. Ça traverse le monde très longtemps, de façon flottante. Là. Là ça flotte là. « La fatalité n’est pas seulement distribuée entre les personnes, elle agit de manière similaire dans les objets » affirme Walter Benjamin dans son livre des drames.3 La somme des parties supérieures perdues divisée par les masques oculaires de Zorro – donne la profondeur noire encre d’une chambre remplie d’objets inutilisables. Voir signifie ici : Perdre. Voir signifie ici : Perdre. Voir signifie ici : Perdre. Voir signifie ici : Perdre. Voir signifie ici : Perdre. Voir signifie ici : Perdre. Traduit de l’allemand par Tom Nisse 1. Lucrèce, De la nature. IV. Livre 30. Gallimard, 2011 2. Bergson: Le comique est ce côté de la personne par lequel elle ressemble à une chose, cet aspect des événements humains qui imite, par sa raideur d’un genre tout particulier, le mécanisme pur et simple, l’automatisme, enfin le mouvement sans la vie. 3. Walter Benjamin, Origine du drame baroque allemand. Flammarion, 2009
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Stéphane Lambert Stéphane Lambert (1974) est licencié en langues et littératures françaises et romanes de l’Université Libre de Bruxelles. Il écrit des romans, des nouvelles, des livres documentaires et rédige des textes documentaires ou fictionnels pour la radio. Au fil du temps, l’art et les artistes se sont imposés comme ses thèmes de prédilection. Il est l’auteur de L’Adieu au paysage, un livre très remarqué sur les nymphéas de Claude Monet (la Différence, 2008). En 2011, il a publié Mark Rothko Rêver de ne pas être (Les impressions nouvelles, 2011) et a dédié un essai à Cy Twombly dans l’illustre revue La Règle du jeu. Il a été auteur en résidence à Rome, Berlin, Vilnius, Winterthur et Paris. Il vit à Bruxelles où il se partage entre la nécessité d’enracinement et le besoin d’être ailleurs. Plus d’infos: www.stephanelambert.com Metamorphosis a été écrit à propos de la série Lemon (Gaeta, 2008), numéro 46 dans le catalogue.
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Metamorphosis I Gaeta. Le feu de la langue. Nomme ce qui n’a pas de nom. Là où tout est parti. N’est que ruine. Nature apparemment. Pas tout à fait morte. Paysage sans âge. Image sans pays. Gorgé du rire des demi-dieux – et du sommeil des pierres. D’antiques floraisons vont et viennent. Épluchant la forme jusqu’à sa forme première. Mer étouffant sous le son d’un souffle uni. Noyé dans l’écran de lumière. Qui parle de massacre ? II Le jaune est dans l’œuf et l’œil est ouvert. Gaeta. J’évoque ton nom. Ta lumière. Ta terre. Ce qui a fait de moi ce que je suis. Ces jours où je me dorais sous le chaud soleil, puisant dans ton sol le souvenir d’Enée tétant le sein de sa nourrisse. / ah ! passé béni / Puis je suis tombée de l’arbre. Cueillie par vos yeux. Attirée par vos lèvres. En vérité : arrachée de la branche par les soins du poète. Paradis perdu. Pur artifice. Je ne sais. Si c’est moi ou son regard qu’il aime. III Nue. Exposée. Sur fond dénaturé. La gorge tranchée. Sans jardin, ni secret. Utopie de poète. Jaune est mon armure. Le seul voile entre nous. Alors que mon ombre dessine hors de moi un autre moi sombre. Que mes feuilles sèchent – panne d’idée. Que mes pétales fanent, faute au vent. Que ce qui me donnait le nom de fleur se décompose à votre vue. Sic morieris, est-il écrit dans les livres. S’il t’est donné de mûrir, fleur, défunte tu seras fruit.
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IV Comme si ma mort n’était pas un tableau réaliste. Comme si elle recelait une autre vie. Corps étranger que je porterais tel un astre sorti de la nuit. Cela aurait pu être une peinture ancienne. Réinventer la mémoire d’un petit maître hollandais passionné d’agrumes, qui cherchait patiemment le cœur oublié de la matière. J’envie le faux sommeil des étoiles de mer. Empreintes célestes nichées au fond des océans. Reflets nocturnes d’une image sans fin. Rêveur. V L’humiliation de perdre sa féminité ! Comprenez que cela laisse un certain goût amer. Je suis une pomme qui dit la vérité. Petit soleil piquant et parfumé à l’écorce épaisse. Mon jus rappellera d’où je viens. Mutilée et saignée par vos mains, je porte en moi le goût de votre voracité. Le travail de la lumière m’est témoin : le feu de la langue finira par vous brûler les yeux. VI langue en feu / mémorial / vivrons de ce qui a été /
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Roland Jooris Roland Jooris (1936) a publié ses premiers poèmes il y a plus d’un demi-siècle. Aujourd’hui, il est l’un des plus grands poètes flamands. Sa poésie se caractérise par une formidable force d’expression et par une grande pureté des lignes et du discours. En plus de son travail de poète, Roland Jooris est aussi un critique d’art réputé. Ses poèmes font souvent allusion aux artistes. Il a ainsi écrit sur l’œuvre des peintres Raoul De Keyser, Gust De Smet, Eugène Leroy, Dan Van Severen et Roger Raveel. Jusqu’en 2005, il était le conservateur du musée Roger Raveel à Machelen-aan-de-Leie. Cy Twombly : studio a été écrit à propos de Studio (Lexington, 2009), numéro 59 dans le catalogue.
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CY TWOMBLY : atelier Cohérence du chaos rigide tassée sur le côté tout d’un tenant comme entre le piédestal antique de colonnes le monumental grommelant l’indéterminable silence le vague qui est un oubli poussé au balai dans sa chambre noire aux suppositions les choses font une place
Traduit du néerlandais par Daniel Cunin
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Bernard Dewulf Le poète Bernard Dewulf (1960) s’est fait connaître avec son premier recueil de poèmes, Waar de egel gaat (1995), qui a reçu le Debuutprijs. Mais Bernard Dewulf est surtout connu pour les billets qu’il a rédigés pendant plusieurs années en une du De Morgen. Une partie a été publiée dans le recueil Kleine dagen, qui a reçu le prix de littérature Libris en 2010. Bernard Dewulf est l’un des meilleurs essayistes sur les beaux-arts de Flandre. Bijlichtingen (2001), l’un de ses recueils les plus connus, comprend des réflexions personnelles sur des artistes tels que Pierre Bonnard, Edouard Vuillard, Léon Spilliaert, Edward Hopper, etc. Bernard Dewulf est également dramaturge au NTGent. Regarde a été écrit à propos de Interior (Basano in Teverina, 1980), numéro 86 dans le catalogue.
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Regarde J’ai vu tout de suite : le chartreux regarde. Le chartreux s’est retiré dans un couvent dans une cellule. Où avant tout il prie. Où il « lit », comme on dit dans certaines contrées. Il a un petit jardin. Où il se promène. Je crois que le chartreux passe aussi beaucoup de temps à regarder. Des heures, des années par la même fenêtre de la même cellule. Regarder : forme de lecture qui peut devenir une sorte de prière. Je ne suis pas chartreux. Je ne saurais pas même être chaste. Mais pour ce qui est de regarder, il est probable que lui et moi nous rapprochons parfois. Le plus souvent, regarder consiste bien entendu à voir. Voir d’un coup d’œil, d’un œil posé, d’un œil perçant. Voir, c’est le but ; regarder, le moyen. Regarder, c’est l’attitude ; voir, le résultat. Voir, c’est l’histoire ; regarder, son écriture. Le chartreux ne regarde pas forcément pour voir quelque chose. Bien entendu, sauf à être aveugle, il « voit » quelque chose. Mais de préférence, il regarde jour après jour la même chose. Ce qui s’offre à sa vue, il y a longtemps qu’il l’a vu. Il n’y a de toute façon pas grand-chose à voir, tout au plus regarde-t-il un millimètre du monde. Tout comme moi, il croit qu’il y a beaucoup à voir à dans cet interstice – tout, certains jours – à condition de regarder avec persistance. Dans un certain sens, il nous faut sans cesse 17
remonter du voir au regarder. De l’histoire à son écriture. Au fond, pour l’un et l’autre prime la compassion. La croyance que dans le regard réside une certaine grâce. Et que le regardé en retire une certaine grâce. Nous regardons de préférence par une fenêtre. C’est se trouver à la fois dedans et dehors. Cela a quelque chose de rassurant et nous ne dérangeons rien. La fenêtre regarde avec nous, elle nous aide à garder une bonne vision des choses. Elle a choisi pour nous un champ visuel dont nous nous satisfaisons. Je n’ai pas des yeux de chartreux. Le chartreux cherche Dieu. Ce que je ne fais pas. Cela veut-il dire que nos regards, si semblables par l’attitude, sont foncièrement différents ? Imaginons que nous puissions regarder l’un et l’autre depuis le même endroit, par la même fenêtre, la même parcelle du monde. Regarderions-nous quelque chose de très différent ? Regarderait-il pour sa part une fraternité spirituelle et moi un isolement ici-bas ? Lui l’approche, moi l’éloignement ? Lui l’union, moi la division ? Ou est-il possible de concilier cette différence par le regard lui-même ? Regardant, je l’espère. Lui aussi peut-être.
Traduit du néerlandais par Daniel Cunin
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Antoine Wauters Antoine Wauters est philosophe de formation, spécialiste en bioéthique américaine. Il a publié plusieurs livres de poésie, notamment Debout sur la langue qui lui a valu le prix Polak de l’Académie de langue et littérature françaises en 2008. Il fait régulièrement des lectures de ses textes, à Bruxelles, Paris, Nyon, Berlin, Beyrouth… Il travaille comme scénariste pour le cinéma et dans le domaine de l’édition. Ali si on veut, son dernier livre, est paru aux éditions Cheyne en 2010. Deux récits sont à paraître chez le même éditeur. Plus d’infos: http://antoinewauters.eklablog.com/ Premiers symptômes a été écrit à propos de la série Forest (Lexington, 2000), en particulier le numéro 96 dans le catalogue.
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Premiers symptômes Nous n’étions déjà plus nous-mêmes. Nous n’étions déjà plus que le souvenir de nous-mêmes. Verticaux de solitude. Voilà ce que nous étions. Nous n’étions déjà plus que perdus au milieu de nulle part – voyez nos corps si lointains et proches. Nous n’étions déjà plus – regardez-nous - qu’une craquelure branche à branche, l’étiolement d’une famille qui, en un siècle chien loup, se perd, s’éloigne et n’existe plus - voyez l’air cesser de vivre entre nous, voyez même l’air cesser de vivre. Seuls devant et derrière, seuls à gauche et à droite, partout et de plus en plus seuls, nous n’étions déjà plus que perdus entre hier et demain, et il fallait se rendre à l’évidence : probablement n’y avait-il personne en train de songer à nous, et nos mots étaient des chimères. Nous n’étions déjà plus que des centaines, debout et droits dans une attente sans fin, le crépuscule ou l’aube - difficile d’être sûrs - avec autour de nous l’éternel bruit de balle du temps qui passe, et la peur et l’angoisse : disparaître sans même avoir paru. Au vrai, nous n’étions déjà plus que trop nombreux pour pouvoir nous toucher, et le soir et la nuit nous parler en penchant de côté nos corps les uns contre les autres. Doucement, violemment, amoureusement. Le noir et la méfiance aveugle, la méfiance et la peur du loup, la peur et l’humidité montant du sol avec les sombres spores non germés de nos désirs. Voilà où nous vivions, et nous avions si peur. Vous n’étiez déjà plus que tellement mélancoliques et tellement pessimistes et bornés, riaient de temps en temps 20
quelques-uns d’entre nous. Mais nous ne les écoutions plus, bien sûr. Où était le vent ? Où la lumière ? Nous n’étions déjà plus ni le vent ni la lumière. N’étions déjà plus ni dans le vent ni dans la lumière. Probablement y avait-il eu - en ce lieu nul - des êtres qui s’étaient émus, avaient ri et pleuré. Mais c’était là un vocabulaire ancien, l’émotion, le rire et les larmes, auquel nous n’entendions plus rien. Nous n’étions déjà plus que dans le silence des bois à nous hurler, sans cesse ou presque, qu’on s’aime, s’embrasse, s’aime et s’embrasse, mais c’était là une manœuvre triste : plus grandchose ne passait entre nous - voyez l’air cesser de vivre entre nous, voyez même l’air cesser de vivre, répétions-nous sans fin. N’allait-il plus rester, au bout du compte, que les virus et les maladies pour nous donner l’illusion d’être ensemble ? N’allait-il déjà plus y avoir que ça, comme passerelles ou passages entre nous ? Voilà ce que nous pensions alors, verticaux de solitude. Et guettant comme des morts de faim l’arrivée des premiers symptômes…
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Écoutez également l’auteur déclamer ses textes via l’audioguide, les codes QR ci-dessous ou la page Facebook de BOZAR LITERATURE. Bernard Dewulf
Roland Jooris
Stéphane Lambert
Monika Rinck
Alfred Schaffer
Antoine Wauters
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Poésie pour Cy Twombly Nocturne littéraire Venez découvrir les poètes à l’œuvre lors d’une nocturne littéraire au cœur de l’exposition. Le 24 avril, les poètes viendront réciter les textes qu’ils ont écrits sur Cy Twombly. Le public pourra se promener à travers l’exposition et s’arrêter tour à tour devant un poète et « sa » photo. Pour cet événement exclusif et intime, l’exposition sur Cy Twombly ouvrira exceptionnellement ses portes en soirée. Après la représentation, le public aura encore le temps de visiter le reste de l’expo. Avec : Bernard Dewulf, Roland Jooris, Stéphane Lambert, Monika Rinck, Alfred Schaffer & Antoine Wauters. Mardi 24 avril 2012, 20 h 30 Palais des Beaux-Arts, Bruxelles (entrée rue Royale) Entrée : € 8,00 Langues : néerlandais, anglais et français
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Colophon Poésie pour Cy Twombly est un projet de BOZAR LITERATURE présenté en février 2012 à titre d’intervention littéraire dans l’exposition Cy Twombly - Photographs 1951-2010. Composition, rédaction et préface : Tom Van de Voorde Production et coordination : Frederik Vandewiele Enregistrements : Yves Gervais Lay-out : Olivier Rouxhet Partenaires : Goethe-Institut Brüssel, Service de la Promotion des Lettres, Poeziecentrum Gent. Merci aux auteurs, aux traducteurs et à Laura Bacquelaine, Mélissa Henry, Anita Lampaert, Literaturwerkstatt Berlin, Laurent Moosen, Heiko Strunk, Christel Tsilibaris, Willy Tibergien, Sieglinde Vanhaezebrouck et Gerd Van Looy.
BO ZAR LITERA TURE
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Entrée
10 rue Royale, 1000 Bruxelles Mar > Dim 10:00 > 18:00 Jeu 10:00 > 21:00 € 10,00 - 8,00 - 5,00 - 3,50 COMBI: Cy Twombly + Per Kirkeby: € 16,00 +32 (0)2 507 82 00 – www.bozar.be – www.fnac.be
Visites guidées
Groupes sur demande: +32 (0)70 344 577 - groups@bozar.be
Catalogue
€ 34,90 - nl | fr - (bozarbooks & Ludion) au BOZAR SHOP
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Cette exposition est une production de BOZAR EXPO en collaboration avec Schirmer/Mosel Verlag et la Fondation Nicola del Roscio. SELECTION OF DRYPRINTS Cy Twombly
CURATOR
Hubertus von Amelunxen
BOZAR EXPO
CEO – Artistic Director : Paul Dujardin Deputy Artistic Director : Adinda Van Geystelen Deputy Exhibitions Director : Sophie Lauwers Exhibition Coordination : Christel Tsilibaris Assistant Deputy Director Exhibitions : Axelle Ancion Publication Coordination : Elizabeth Vandeweghe
BOZAR TECHNICS
Director Technics : Stéphane Vanreppelen Technical Coordination : Nicolas Bernus, David Roels
CONSTRUCTION
CMVD - Christoph Van Damme
ART HANDLING Aorta
GUIDE DU VISITEUR Édition finale
Helena Bussers, Christel Tsilibaris, Elizabeth Vandeweghe
Traductions
Stavros Avdoulos, Emiliano Battista, Inge Braeckman, Rokus Hofstede, Wouter Meeus
Mise en page Olivier Rouxhet
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