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Avant-propos

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Étude stylistique

Étude stylistique

De tous les arts de la couleur, la peinture murale, à la différence de l’enluminure, des tableaux, des vitraux ou des tapisseries, voit son corpus évoluer à ses deux extrémités, suscitant la désolation ou l’enthousiasme : des œuvres disparaissent par la dégradation de leur support ou l’incurie des hommes, d’autres sont continûment découvertes sous un badigeon, restaurées ou protégées par un cadre administratif très réglementé. Le phénomène est ancien, déjà séculaire. Dès 1840, la Commission des monuments historiques, à peine créée, déplorant la disparition des peintures dégagées de leur badigeon faute de mesures conservatoires efficaces, demanda régulièrement aux artistes d’effectuer des relevés de peintures murales, les sachant vulnérables, plus périssables que les monuments eux-mêmes. Ce sont ainsi plus de 36 000 relevés qui nous sont parvenus 1

Cet effort s’accompagna d’une prise de conscience progressive de la notion de patrimoine qui profita d’abord aux édifices majeurs puis, pas à pas, à tous les monuments anciens et provinciaux, enfin à leur décor, même rustique, même partiel. Le xixe siècle connut les premiers classements, les études d’érudits locaux, la science des archéologues, l’empirisme des peintres restaurateurs. Mais la conscience véritablement partagée d’un patrimoine commun à préserver, national et régional, fut prise au xxe siècle, scandée par quelques expositions où l’orgueil national n’était pas absent.

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Dans l’exposition consacrée aux Primitifs français de 1904 2 qui constitue un point de départ de l’étude des peintures gothiques, douze relevés de peintures des xive et xve siècles avaient été présentés. Peu après Frantz Marcou, inspecteur général des Monuments historiques qui reprit l’idée de Prosper Mérimée 3 d’établir un corpus systématique des peintures murales françaises 4, dirigea en 1918 l’exposition des relevés des peintures murales de France au musée des Arts décoratifs à Paris. Dans le catalogue de l’exposition, Marcou écrivit : « Depuis plus d’un demi-siècle, des relevés ont par mes soins été exécutés, qui, peut-on le craindre, prendront un jour la valeur d’originaux et dont on souhaiterait voir se constituer le Corpus de la peinture monumentale en France. Grâce à eux, grâce aux comparaisons qu’ils faciliteront entre des œuvres dont la dissémination rend l’examen laborieux et incomplet, pourront se poursuivre l’enquête commencée et s’éclairer les débuts de l’histoire encore à faire de la peinture française qui, antérieurement au xve siècle, n’a connu que ces deux expressions extrêmes de la miniature et de la peinture monumentale 5 . »

Les copies de la Crucifixion et du Couronnement de la Vierge de Saint-Bonnet-le-Château étaient exposées au musée du Trocadéro aux dires de Paul Durrieu qui les signale en 1907 6. Il s’agissait des relevés faits par Louis-Joseph Yperman en 1895, actuellement conservés à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine sous la cote 1996/089.

En 1937, Paul Deschamps créa un département des Primitifs français qui exposait à l’attention du public du musée des Monuments français des relevés des peintures murales au format des originaux. Dans un premier temps, on ouvrit les salles de peintures romanes et préromanes, puis dans un second temps, en 1955, furent inaugurés les espaces consacrés aux peintures gothiques. Cette forme d’art gagna en visibilité. Les publications suivirent mais avec un temps de retard.

Paul Deschamps et Marc Thibout, tous deux conservateurs au musée des Monuments français, publièrent le fruit de leur enquête à propos des peintures murales pour Le haut Moyen Âge et l’époque romane en 1951 7, puis en 1963 pour le gothique 8. Dans l’intervalle, Yves Bonnefoy publia un ouvrage général sur les Peintures murales de la France gothique (Paris, 1954). Ce livre présentait de nombreux décors muraux alors peu connus et négligés, accompagnés de belles photographies de Pierre Devinoy. Les peintures de Saint-Bonnet y étaient jugées « plus intéressantes que belles 9 ». C’est dans cet ouvrage que nous découvririons plus tard les premières images des peintures de Saint-Bonnet.

En 1961, Marguerite Roques publia Les peintures murales du Sud-Est de la France, xiiie au xvie siècle (Paris). À travers les résultats de quinze années d’enquête, l’auteur présenta les peintures murales exécutées au cours de quatre siècles dans les régions du Sud-Est de la France : la Savoie, le Dauphiné, le Comtat Venaissin et le comté de Nice, la Provence, Villeneuve-lès-Avignon et Tournon, la Ligurie occidentale, le Val d’Aoste, le Piémont et le Valais. Le répertoire d’un grand nombre d’œuvres accompagne de reproductions et de relevés était précédé d’une synthèse sur les techniques, les thèmes iconographiques ou ornementaux, l’apport des documents et la question du style. Ce livre demeure à ce jour une somme, mais il ignorait les peintures murales de Saint-Bonnet.

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