HANS HARTUNG
HORS CHAMP L E S A N N É E S 1970
GALERIE BERTHET-AITTOUARES GALERIE AITTOUARES
HANS HARTUNG HORS CHAMP L E S A N N É E S 19 7 0
G A L E R I E B E R T H E T- A I T T O U A R E S
GALERIE AITTOUARES
Hors champ, le renouveau
Le choix d’œuvres de cette exposition témoigne d’un moment important du parcours artistique de Hans Hartung. Toutes ces œuvres réalisées sur carton ou carte barytée marouflés sur toile, à partir de 1973, révèlent une nouvelle orientation de l’artiste. Cette année là : Hans Hartung pratique la gravure (...) la lithographie, et le “dessin”, en réalité des encres et acryliques sur carton baryté, un support qu’il affectionne pour sa blancheur inaltérable et sa surface exceptionnellement lisse et brillante... Anne Pontégnie1. Chez Hartung, moyens et but sont intimement liés, on sait son goût pour les instruments de la création - brosses, rouleaux à litho, pinceaux chinois, végétaux, pistolets, taloches d’empreinte de maçon, pulvérisateur agricole, tyrolienne, papier, toile, carton, et, enfin, la carte barytée ; lui-même dit : ...Il faut se laisser guider par le matériau quand il vous convient et surtout savoir le chercher avec insistance quand il vous devient nécessaire... La dynamique induite par ces derniers supports a-t-elle engagé l’artiste dans une voie nouvelle ou a-t-elle servi une nécessité expressive qui mûrissait déjà ? A partir de cette époque, celle où il entreprit la construction de sa maison d’Antibes, une spécificité de ces œuvres est que le motif n’est plus centré, assujetti au cadre du tableau, mais devient “passant”, traversant le champ pictural, se poursuivant à l’extérieur, évoquant un hors champ qui, comme dit Deleuze : renvoie à ce qu’on n’entend ni ne voit mais est parfaitement présent. … Ces dernières années s’est donc développée une nouvelle peinture qui est, dans un certain sens, le fruit de mes longues recherches en lithographie. Celle-ci m’a inspiré des constructions massives et m'a libéré de la dépendance du trait qui m’a été coutumier presque toute ma vie… Ces nouveaux accords entre la peinture et moi correspondent à une sorte de renouveau (…) Peindre a donc toujours supposé pour moi l’existence de la réalité, cette réalité qui est résistance, élan, rythme, poussée, mais que je n’appréhende totalement qu’autant que je la saisis, que je la cerne, que je l’immobilise pour un instant que je voudrais voir durer toujours (...) Et puis les fenêtres me servent de tableau, à travers elles s’inscrit le paysage immuable mais pourtant toujours différent d’un ciel frémissant à travers les feuilles argentées des oliviers… Hans Hartung2.
JF Aittouarès
1 HANS HARTUNG X3, Editions EC - Fondation Hans Hartung Anna-Eva Bergman, 2003. 2 AUTOPORTRAIT - Récit recueilli par Monique Lefebvre, Editions Bernard Grasset, 1976.
P3-1977-E10
22,9 x 18,7 cm
Un lyrisme altéré
En 1973, Hans Hartung, alors âgé de soixante-neuf ans, s’installe avec Anna-Eva Bergman au-dessus d’Antibes, dans la grande maison-atelier (aujourd’hui la fondation) où il va passer les dernières années de sa vie. Lui-même en a dessiné les plans, et c’est peut-être à cette occasion qu’il découvrit les qualités d’un support dont il n’avait pas encore fait usage, le carton baryté (dit aussi carte à gratter), souvent utilisé par les architectes, les illustrateurs et les graphistes. Ce carton épais, qui présente une surface très lisse et légèrement satinée, d’une blancheur dure, invite à l’atteinte vive et décidée : on sent que rien ne s’opposera au glissement du pinceau ou du crayon sur la feuille, qui pourra supporter aussi, sans se froisser, les éraflures d’une plume ou d’une pointe - tout le contraire donc de ces papiers grenés d’un blanc crémeux dont, un siècle plus tôt, des artistes comme Millet et Seurat utilisaient savamment les fines aspérités pour créer certains effets de profondeur et de lumière. Sur le carton baryté, le motif - traits et couleurs - vient au-devant du regard, comme repoussé par un fond d’allure inaltérable, ou, pour le dire autrement, ne s’y enfonce pas, ne s’y complait pas. On peut imaginer que cette neutralité et cette froideur du support plut à Hartung dont on connaît le goût prononcé pour les expériences techniques les plus diverses. Toujours est-il qu’entre 1973 et 1979, il l’utilisa pour réaliser à l’encre, au pastel, à l’acrylique ou à l’huile, un grand nombre d’œuvres de petits et de moyens formats, dont cette exposition réunit une sélection très représentative. Quant à savoir si les plus petites de ces œuvres sont ou non des études préparatoires pour des toiles de grands formats, la question est oiseuse en ce sens qu’une réponse sûre n’apprendrait pas grand-chose sur le processus de création du peintre puisque, quand Hartung reprend un motif (comme il le fait dès les années 30), il s’agit exactement du même motif qu’il agrandit ou réduit, de sorte qu’il n’y a pas d’évolution à constater entre les deux œuvres de formats différents. Et l’on ne peut même pas soutenir, tant elles sont soignées et abouties, que les plus petites peintures seraient ce qu’est un carnet d’esquisses pour un artiste figuratif. Non, il faut accepter décidément que le format des œuvres n’implique pour Hartung aucune différence essentielle entre elles. Ce qui signifie que le motif est pour lui le tout de la peinture, que si le motif tient, il doit tenir par sa propre force intérieure, indépendamment de ses dimensions extérieures. Aussi bien ne doit-il emprunter aucun prestige particulier à son support, ce qui est une autre raison de choisir cette très anodine carte à gratter.
Mais le motif ? Des zones de couleurs ou de noir tantôt lissées en aplats ou brossées, tantôt délicatement peignées ou râtelées, dirait-on, sur lesquelles passent presque toujours des réseaux de traits nerveux, erratiques, plus ou moins épais, plus ou moins enchevêtrés. Des traits qui viennent biffer ou oblitérer un bel accord de couleurs - souvent de bleu et de jaune, ou de noir et de brun - établi avant leur immixtion, et ce faisant, tout à la fois l’abîment et l’avivent, le rendent plus désirable. Ainsi, de même que l’on peut discerner trois niveaux dans la plupart de ces peintures : celui du support blanc, écran indifférent mais indispensable à la projection du motif, celui des nappes de couleurs ou de noir et celui des traits, de même chacune d’entre elles rend-elle sensible une succession temporelle, qui va de l’origine au chaos en passant par une harmonie «possible. Car Hartung sait faire séduisant ou élégant, on le voit bien, par exemple, dans les trois petites œuvres à l’acrylique bleues et roses notées CP P5-1975 H24, H25 et H26, qui évoquent des sillages, comme s’il sacrifiait ici à un plaisir qu’il exclut partout ailleurs. Parce qu’elles font figures d’exception, ces trois petites peintures aident grandement à “comprendre”» les autres œuvres, en éclairant le sens des traits cursifs qui les surchargent. Plutôt que d’endormir l’attention ou de fasciner le regard par d’heureux ou savants accords de lignes et de couleurs (l’abstraction lyrique et l’abstraction géométrique font très bien cela), Hartung crée des tensions entre elles, des dissonances et des heurts, des rythmes saccadés, et le motif lui-même, décentré, semble souvent de passage dans le cadre qui l’accueille, et le tableau lui-même semble parfois le fragment d’un motif qui le déborde de toutes parts. Sans l’annuler, le peintre altère ainsi l’ordre de la peinture, comme s’il voulait libérer notre regard de toutes les llusions et réveiller notre attention à la seule poésie que serait la réalité matérielle de son support, de ses couleurs et de ses traits.
Alain Madeleine-Perdrillat
P1974-36
52,2 x 75 cm
7
8
P5-1975-H20
37,5 x 26,2 cm
P20-1977-H5
52,4 x 74,7 cm
9
10
P3-1977-H1
26,2 x 18,9 cm
P20-1977-H4
52,2 x 74,7 cm
11
12
P5-1975-H7
37,4 x 26,2 cm
P25-1976-H15
59,8 x 79 cm
13
14
P5-1975-H2
37,4 x 26,1 cm
P25-1976-H16
59,8 x 79 cm
15
16
P10-1975-H16
52,4 x 37,6 cm
P1974-A26
74,8 x 104,5 cm
17
18
P5-1975-H11
37,5 x 26,2 cm
P50-1975-H6
78,8 x 118,5 cm
19
20
P3-1977-E3
23 x 18,8 cm
P1974-A49
74,5 x 104 cm
21
22
P1973-Z23
52,5 x 74,8 cm
-
P25-1976-H13
79 x 59,7 cm ->
23
24
P5-1975-H24
37,5 x 26 cm
P5-1975-H25
37,6 x 26,2 cm
25
26
P1970-A8
72 x 100 cm
P50-1975-H10
79 x 118,5 cm
27
28
P3-1977-H2
26,2 x 18,8 cm
P1974-30
52,4 x 74,89 cm
29
30
P5-1975-H9
37,5 x 26,5 cm
P10-1975-H3
37,5 x 52,2 cm
31
32
P5-1975-H26
37,5 x 26,1 cm
P1974-A27
74,8 x 104,5 cm
33
34
P5-1975-H4
26,5 x 37,5 cm
-
P1974-A6
104,5 x 74,8 cm ->
35
36
P5-1975-H10
37,5 x 26,2 cm
P3-1977-H41
18,7 x 22,9 cm
37
… Je pense que pour la compréhension de ma peinture il y a plusieurs éléments qui jouent des rôles primordiaux. C’est d’abord le temps, le temps d’exécution, le temps senti par le spectateur. Le temps d’exécution d’un trait, les ralentissements, les accélérations ; le temps lent, spécialement pour les grandes taches, le temps ”intempestif” d’action1.
Hans Hartung
38
1 AUTOPORTRAIT - Récit recueilli par Monique Lefebvre. Edition Bernard Grasset, 1976.
P40-1974-A2
104,5 x 74,5 cm ->
39
40
P5-1975-H8
37,4 x 26,2 cm
P1974-26
52,4 x 75 cm
41
42
P5-1975-H13
37,5 x 26,2 cm
P1974-A36
74,8 x 104,5 cm
43
44
P5-1979-H7
37,4 x 26,2 cm
-
P20-1975-H18
74,7 x 52,2 cm ->
45
46
P3-1977-H22
18,7 x 26,2 cm
P1974-6
52,5 x 75 cm
47
48
P10-1975-H18
52,6 x 37,6 cm
P20-1975-H27
74,8 x 52,5 cm
49
50
P3-1978-H25
18,6 x 26,3 cm
P1973-Z17
74,8 x 52,5 cm
51
52
P5-1975-H16
37,5 x 26,2 cm
P3-1977-H21
18,7 x 26,2 cm
53
54
P10-1977-H3
37,5 x 52,5 cm
-
P25-1976-H21
79,1 x 59 cm ->
55
56
P5-1979-H4
26,1 x 37,3 cm
P5-1979-H8
37,3 x 26,3 cm
57
58
P5-1975-H1
37,5 x 26,3 cm
P3-1977-E15
18,7 x 22,9 cm
59
60
P5-1975-H5
26,2 x 37,5 cm
P5-1975-H22
37,5 x 26,3 cm
61
62
P5-1977-H13
26,2 x 37,6 cm
Ce catalogue a été réalisé à l’occasion de l’exposition HANS HARTUNG Hors champ Les Années 1970 Portrait photographique de Hans Hartung : John Craven. Photographies des œuvres : Yves Breton et Bertrand Hugues. Conception graphique : Bruno Cigoi et Maïwenn Cudennec.
Achevé d’imprimer sur les presses de Stella Arti Grafiche, Italie, en avril 2006 Contact Paris : 01 40 59 83 27
© Fondation Hans Hartung - Anna-Eva Bergman © 2006 Galerie Berthet-Aittouarès et Galerie Aittouarès, Paris
ISBN 2-95-14-51-3-7-7
GALERIE 29,
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