La porte des reves

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LA PORTE DES REVES

LA PORTE DES REVES




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En couverture Romaine Brooks Le Printemps (dĂŠtail) 1911-1913

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LA PORTE DES REVES

Un regard symboliste

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Remerciements Olivier Clodong Maire de Yerres Conseiller départemental de l’Essonne Nicolas Dupont-Aignan Député de l’Essonne Maire Honoraire Dominique Renonciat Conseillère municipale déléguée à la culture Conseillère communautaire Le service culturel de la ville de Yerres Bertrand Piraux, son directeur Nicolas Loubrieu Stéphane Melard Les services techniques Le service des parcs et jardins Valérie Dupont-Aignan Présidente du Fonds de dotation Les amis de la Propriété Caillebotte Coordinatrice de l’exposition Jacqueline Guisset Historienne d’art Pour la médiation culturelle Le commissaire de l’exposition souhaite remercier plus particulièrement : La collectionneuse qui a préféré conserver l’anonymat pour sa confiance et son soutien constant Thomas Hennocque, Bruno Cigoi et Miroslav Datzov pour leur enthousiasme et leur professionnalisme

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Ce catalogue a été publié à l’occasion de l’exposition La Porte des rêves. Un regard symboliste Yerres, Propriété Caillebotte 7 avril-29 juillet 2018

Commissariat Jérôme Merceron

Catalogue Cet ouvrage est le fruit d’une direction collégiale

Auteurs Jean Clair, de l’Académie française Annie Le Brun Ecrivain

Edwin Becker Directeur des expositions du Musée Van Gogh, Amsterdam Xavier Deryng Historien d’art, Université de Rennes 2 Denis Laoureux Historien d’art, Université libre de Bruxelles Jérôme Merceron Historien d’art

Notices biographiques Véronique Dumas Historienne d’art Traduction Françoise Werner

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Carlos Schwabe Affiche pour l’audition d’œuvres de Guillaume Lekeu 1894

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Après vingt années de travaux de réaménagement et de restauration, la Propriété Caillebotte a enfin retrouvé sa physionomie d’origine. L’ouverture au public en juin dernier de la maison de l’artiste restitue l’ambiance de villégiature d’une famille bourgeoise du XIXème siècle. La municipalité n’a eu de cesse de rendre hommage à Gustave Caillebotte, le peintre mais aussi le mécène qui avait le goût des œuvres et avait réuni un ensemble d’une grande cohérence. La vocation de la Propriété Caillebotte est aujourd’hui d’accueillir d’autres collections et d’autrescollectionneurs, pour faire découvrir au plus grand nombre l’art de la seconde moitié du XIXème dans toute sa diversité. Après l’impressionnisme, elle vivra ce printemps à l’heure du symbolisme. La Porte des rêves s’ouvre sur quelques 200 œuvres issues d’une collection particulière française, étonnante et d’une qualité exceptionnelle. Peintures, pastels, dessins, sculptures réunis au fil des ans grâce aux choix exigeants et au soin particulier porté au moindre détail par une esthète de caractère qui nous fait partager avec générosité son regard symboliste.

Olivier Clodong

Nicolas Dupont-Aignan

Maire de Yerres Conseiller Départemental

Député de l’Essonne Maire Honoraire

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Edmond Aman-Jean Affiche du second Salon de la Rose+Croix 1893

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Avant-propos de la collectionneuse La Porte des rêves emprunte son titre au recueil de contes de Marcel Schwob « imagé » par Georges de Feure en 1899. L’artiste avait conçu un frontispice original qui se déployait en triptyque dévoilant le monde des légendes, des rêves et des cauchemars, le triptyque symboliste. En près de deux cents œuvres provenant de ma collection personnelle, cette exposition poursuit le même dessein. Depuis les débuts, j’ai eu la volonté de faire partager cette collection au plus grand nombre. Un projet ambitieux et indépendant à vu le jour, Les Peintres de l’âme, qui a voyagé pendant une dizaine d’années dans onze pays et dix-sept musées jusqu’en 2008. Il était accompagné par un catalogue, rédigé par Jean-David Jumeau-Lafond, considéré dès sa sortie comme un ouvrage de référence sur l’époque, essentiel dans la connaissance de ces artistes, qui fait encore référence aujourd’hui. A dix années de distance, La Porte des rêves poursuit un but sensiblement différent ; la collection s’est enrichie et de nouvelles œuvres sont intégrées à l’exposition qui s’affranchit volontairement des limites chronologiques du symbolisme pour offrir au public un regard symboliste. Cette exposition est aussi le fruit d’une rencontre. Sensible à l’investissement de Nicolas Dupont-Aignan dont l’énergie et la volonté ont permis de sauver la Propriété Caillebotte, j’ai accueilli avec enthousiasme l’idée d’y présenter ma collection. Que la ville de Yerres, son maire Olivier Clodong, Dominique Renonciat, conseillère municipale déléguée à la culture et l’ensemble des personnes du service culturel soient remerciés pour leur engagement et plus particulièrement Valérie Dupont-Aignan pour son implication constante. Mes remerciements les plus chaleureux s’adressent également à Jérôme Merceron qui a accepté d’en assurer le commissariat et aux auteurs du catalogue, Jean Clair, de l’Académie française, Annie Le Brun, Edwin Becker, Xavier Deryng et Denis Laoureux, qui ont accepté par amitié d’apporter leur regard sur la collection, sur une œuvre ou sur un ensemble d’œuvres. Je souhaite de tout cœur que cette rencontre avec les œuvres symbolistes vous apporte toutes les joies que j’ai éprouvées à les réunir et que j’éprouve moi-même à les contempler. Maurice Denis nous le dit : « L’objet essentiel de la peinture est l’expression, l’émotion, la délectation ». Le monde d’aujourd’hui comme celui d’hier a besoin d’apaisement, d’enchantement et de rêve. Cette exposition doit être ressentie comme l’entrée dans un monde idéal, de sérénité et de parfaite harmonie, c’est cela l’univers des symbolistes. Ne boudez pas votre plaisir, laissez-vous porter par vos impressions et vos sentiments, regardez, rêvez, évadez-vous et soyez heureux.

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Carlos Schwabe Affiche du premier Salon de la Rose+Croix 1892

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Sommaire Le domaine enchanté Jean Clair, de l’Académie française

p. 013

Les contes et les légendes

p. 016

Les mythes et les apparitions

p. 036

Une collection d’affinités électives Annie Le Brun

p. 049

Les égéries symbolistes

p. 052

Couleurs et tonalités. Symbolisme et musique vers 1900 Edwin Becker

p. 079

Le paysage idéal

p. 084

La vie silencieuse

p. 112

Charles-Marie Dulac. Les mots de Huysmans Jérôme Merceron

p. 141

Le paysage mystique, Charles-Marie Dulac

p. 144

Le symbolisme noir et fantastique

p. 164

Henry de Groux, peintre de la Divine Comédie Denis Laoureux

p. 191

La descente aux enfers

p. 196

Les rêves de Boleslas Biegas Xavier Deryng

p. 205

Vers l’idéal

p. 210

Biographies des artistes

p. 000

Annexes

p. 000

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Romaine Brooks Portrait de la marquise Casati 1920

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Le domaine enchanté

Jean Clair, de l’Académie française Une « profession de choses muettes », disait Poussin de son art. Malraux parlera des « Voix du silence ». La peinture est un art qui se place du côté de la stupeur émerveillée, comme la musique – ou du côté de l’exercice de ces médecines de l’âme qui sont à l’écoute et qui dressent des « tableaux » des diverses affections. Elle se comprend sans interrompre. Et pourtant, elle dit les choses, mieux parfois que ne disent les paroles ou que n’expriment les sons : des sentiments, des passions, des élans, des effondrements, voire des idées et des systèmes. Avec le temps, ces humeurs se sont ordonnées, on les reconnaît sous la forme de ce que qu’on appelle l’iconographie, voire l’iconologie. Un même geste renvoie à un même sentiment, une même humeur, on dresse des vocabulaires des traits du visage, des grammaires des postures, des traités des passions. « La main à la maisselle », soit la main gauche posée sous la mâchoire, la tête baissée, sera ainsi toujours interprétée comme le signe de la mélancolie. Dürer dans son Ange à la face noire en a donné le plus émouvant et plus bel exemple. Mais il y a aussi, pareillement codifiés, des gestes violents, illustrant des combats, des batailles, des meurtres, et aussi des jeux érotiques. Warburg en a dressé un inventaire patient, sous forme de tableaux – des tableaux à leur tour disposés, comme dans son Atlas Mnémosyne. Il était proche ainsi de la psychanalyse qui tenta elle aussi de dresser des « tableaux cliniques ». Il fut le premier à lire sérieusement Ernst Kris et Otto Kurz, des historiens d’art, des disciples de Wickhoff et de Schlosser. Freud en revanche, lui, si profondément intrigué par les œuvres d’art, se montra souvent singulièrement aveugle à leur lecture, comprenant mal les gestes du Moïse fracassant les Tables de la Loi, et moins encore le jeu de main des deux Maries autour de l’Enfant. L’auteur de La Science des rêves, en 1900, le praticien du regard ou du mot flottant, le détective des détails imprévus qui révèlent le sens général, toujours, en quête de signes et de symptômes, a été l’exact contemporain du Symbolisme. L’eut-il mieux regardé, outre Boecklin qui le fascinait, il y eût retrouvé les aspects de sa quête. Le Symbolisme fut sans doute la dernière école de peinture à savoir à la fois écouter le silence, respecter le silence et, par une syntaxe rigoureuse des gestes du corps et des mimiques du visage, à donner des formes aux sentiments les plus éphémères, aux plus rares, aux plus fugitifs, aux plus insaisissables. La dernière école à savoir aussi donner présence charnelle, dans un cinéma muet, aux mythes, aux légendes, aux démons et aux saints tonitruants des temps passés, qui avaient disparu peu à peu avec le déclin des religions. Mais il fut le dernier feu d’artifice de notre civilisation. Après, c‘est-à-dire à partir de la Grande Guerre, une culture allait sombrer, la nôtre – la culture de l’Europe, la seule peut-être qui mérite le nom de « culture » – dans un abîme d’où elle ne semble pas être revenue. Le symbolisme a sombré avec elle, et souffre encore aujourd’hui d’une ignorance et souvent d’un mépris singulier. Jamais la peinture pourtant n’était allée aussi loin dans sa « profession », un métier, des techniques, mais aussi profession de foi, un élan, une croyance – ce qu’on l’occurrence on appellera « l’art pour l’art » : avec le Symbolisme, l’esthétique est devenue la dernière religion, comme le dernier lien avec le monde, ses formes, ses couleurs et ses drames – voire sous ses formes étranges, néo-mysticisme, occultisme, spiritisme, Sâr Péladan et autres magies. Une sorte d’immense récapitulation peinte et sculptée, pour orner des temples qui avaient disparu, de nos légendes, de nos histoires, de nos fées et de nos héros, de nos peurs et de nos élans, de nos anges et de nos sphinges, nos gorgones et nos démons, un immense répertoire, réétudié, réécrit, recomposé, un immense inventaire – avant liquidation. Après, au nom du « Réalisme » ou au nom du « sens de l’Histoire » – point n’est besoin d’en appeler à Nietzsche – ce sera le nihilisme, le début du massacre, et la fin de « la profession ». Le cubisme gèlera les formes et les craquera, les cristallisera, sans qu’on puisse plus les reconnaître, les aimer ni les craindre, et moins encore leur donner un sens. L’expressionnisme les déchirera avec fureur. L’abstraction les détruira enfin, ou les recouvrira d’un uniforme badigeon. Le monde est devenu inhumain, déshumanisé, et les figures du Symbolisme, déités, anges, chevaliers, femmes à la longue

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chevelure, abandonnées ou menaçantes, pâmés ou refusées, nous font peur désormais, bien plus que les démons, succubes et incubes, des anciens retables. Non, nous n’avons jamais beaucoup aimé cet art, qui nous renvoie à notre déclin. Personne aujourd’hui ne s’occupe plus guère de symbolisme, on ne comprend plus guère ce mot qui voulait dire « réunir » au contraire du diabolisme qui divise… Et la psychanalyse elle – même n’est plus guère qu’une technique du corps, en excluant toute maïeutique de la parole. En immobilisant le patient dans une pose canonique, allongé sur le divan et en disposant le thérapeute de sorte qu’on ne puisse le voir, la psychanalyse a validé le processus : plus un geste, plus un mot, vous êtes comme dans un état, non d’arrestation mais d’arrêt sur image, et vous n’en savez ni ne saurez rien de ce que la gesticulation, les poses, ses contractures, ses positions, voulaient dire autrefois, dans l’épaisseur du temps, des mythes, des histoires et des légendes… Pourtant, il serait temps de rouvrir ce grand album des symbolismes pour, oubliant la tyrannie de Chronos, retrouver les tableaux de la douce Mnémosyne. D’autres gestes, au long de notre histoire, aujourd’hui oubliés ou désuets, comme sortis d’un théâtre d’ombres, sont contenus ou dressés, esquissés selon un code à peu près invariable. S’il y a eu la main à la maisselle, il y a eu aussi la main dressée de MacBeth, avec son poignard, ou les deux mains dressées à l’horizontale, avançant les yeux clos, de la Somnambule, ou bien encore, pour ne nous tenir qu’à la physiognomonie, la bouche ouverte et les yeux hallucinés du Cri de Munch, de l’autoportrait de Spilliaert, de La Vague de Carlos Schwabe, ou de la Noyée de Klinger. Le symbolisme est d’essence opératique. Wagner bien sûr. Mais d’autant plus prenant que la musique symboliste est silencieuse, et que sa gestuelle est grandiose, comme à l’Opéra : Debussy et son Pelléas, mais aussi Bellini, et vers la fin, Korngold et sa Ville morte, Alban Berg et son Wozzeck. C’est là que s’est dit, une dernière fois, et grandiosement, l’effondrement de notre temps. Parmi toutes ces postures que le Symbolisme, si précieusement, nous remet en mémoire, il en est une qui m’arrête plus que d’autres. C’est celle que représente le portrait de la Marquise Casati peint par Romaine Brooks. Une posture entre la prostration et le refus, quelque geste figé entre le bras levé de Macbeth et l’abandon d’un corps qui s’effondre. Un affaissement et une tétanie à la fois. C’est devenu, comme on dit, un topos. Mais il est intéressant de tenter d’en retrouver les sources et les variations. La pose, en fait, puisque l’on a parlé de Freud, reprend exactement, la pose de la malheureuse Blanche Wittmann, sujet d’expérience, et malade chronique, bien connue des Folles de la Salpêtrière, tenue dans les bras du psychiatre Babinski, sous le regard du Professeur Charcot. C’est ainsi qu’on la voit dans la fameuse toile de Brouillet. Mais Brouillet lui-même, à qui avait-il emprunté sa figure inoubliable ? A Delacroix, quand il avait peint le couple de Roméo et Juliette, la femme pâmée dans les bras du héros, poitrine découverte, les deux bras pendant dans le vide. La passion romantique est devenue trente ans plus tard, névrose hystérique. Figure figée dans une attitude indéfiniment répétée. Une série de « poses » va défiler, sous le regard du médecin et sous le regard du peintre, toujours les mêmes, si bien qu’on en dressera des inventaires, comme un alphabet. La plus connue sera la figure de Klimt qui va la dresser au centre de son immense fresque de La Médecine à Vienne, celle qui sera détruite par les bombardements de 1944. Giovanni Segantini lui aussi, reprendra cette pose hystérisée en peignant les Mauvaises mères, le corps arqué pris aux branches d’un arbre desséché. Romaine Brooks avait-elle eu connaissance de cette figure debout de Klimt, si étonnamment proche de la pose de la Casati ? Les salons viennois étaient semblables aux salons vénitiens, et souvent les mêmes figures s’y croisaient, femmes damnées ou données, condamnées ou pardonnées, précieuses, élégantes, poètes raffinés à la Henri de Régnier, esthètes à la Fortuny… Un monde infiniment cultivé se survivait, en prenant la pose. Elstir à Rivebelle, croisant les jeunes filles et Marcel Proust… Le tableau, un chef d’œuvre, se trouve comme il se doit, à l’abri des regards trop profanes, dans un petit château perdu au fond d’un parc dans un recoin perdu de la région parisienne, comme d’autres de cette étonnante collection symboliste, trésor caché dans les bois inconnus des banlieues. Trois grands chiens noirs, sortis des enfers ou des élysées – tour à tour affectueux ou grondant, affectueux ou menaçants, comme les divinités peintes et sculptées sur lesquelles ils veillent – vous accueilleront et vous guident.

Romaine Brooks Le Printemps 1911-1913

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Les contes et les légendes

Andhré des Gachons Au Seuil d’un rêve 1894

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Rogelio de Egusquiza Sigmund et Sieglinde 1892

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Armand Point Eros 1896

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Armand Point Avril 1896

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Edgard Maxence Les Fleurs du lac 1900

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Eugène Grasset Les Musiciennes Ca. 1890

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Henry Cros La ChevauchĂŠe 1878

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AndhrĂŠ des Gachons Petits contes des bois 1895

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Eugène Grasset Décors pour Esclarmonde 1889

Car voici qu’un cerf blanc On court Des clameurs soudaines

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Armand Point Parfum de mimosa 1898

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Carlos Schwabe A la mĂŠmoire de Guillaume Lekeu 1894

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Armand Point Androgyne florentin Ca. 1896

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Armand Point La Dame à l’anémone (portrait d’Hélène Linder) 1894


Armand Point Psyché

1898

Andhré des Gachons Hélène 1894

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Armand Point Princesse Ă la licorne 1896

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Armand Point Princesse Ă la licorne

Ca. 1896

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Carlos Schwabe PellĂŠas et MĂŠlisande 1923

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Armand Point Princesse de lĂŠgende

1895

Armand Point Princesse des lacs 1898

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Les mythes et les apparitions

Edgard Maxence TĂŞte divine (Mercure ?) Ca. 1907

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Armand Point Persée 1894

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Gustave Moreau Etude pour Les Prétendants Ca. 1865


Pierre-Amédée Marcel-Beronneau La Méduse Ca. 1900

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George Desvallières Narcisse 1893

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Ary Renan Pandore 1895-1900

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Lucien LĂŠvy-Dhurmer Portrait de la princesse Soutzo 1908

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Charles Sellier Initiation Ca. 1880

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Emile Fabry SalomĂŠ Ca. 1907

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Henry Cros La Tête de Méduse Ca. 1905

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Camille Claudel PersĂŠe 1905

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Une collection d’affinités électives Annie Le Brun

Il est des enfants qui, passionnés par un livre, en retardent la lecture jusqu’à l’extrême, afin de ne surtout pas quitter le monde qu’ils sont en train d’y découvrir. Plus tard, même devenus de grands lecteurs, presque tous oublient ces étranges manœuvres avec le plaisir de s’y perdre et de s’y retrouver. Ils se sont fait une raison, comme on dit. Oui, celle qui les dissuade de poursuivre leur rêve. La collectionneuse n’a jamais été de ceux-là. Le monde des « contes et légendes » que, petite fille, elle a tout de suite su être le sien, elle s’est donné tous les moyens de continuer à y vivre et, en même temps, de le faire vivre. Car, si elle est connue pour être une grande collectionneuse, elle est avant tout en quête des invisibles liens entre les êtres et les choses, au gré desquels la vie réinvente ses imprévisibles couleurs, elle est une collectionneuse d’« affinités électives ». Sa rencontre avec le symbolisme s’en éclaire d’autant. Elle y a reconnu l’univers, où tout se répond. Plus exactement où tout se correspond, pour provoquer ces « états de l’âme presque surnaturels » évoqués par Baudelaire et à travers lesquels « la vie se révèle toute entière dans le spectacle, si ordinaire qu’il soit, qu’on a sous les yeux. Il en devient le symbole1 ». Telle est une des clefs du symbolisme et sûrement celle de l’attrait que ce mouvement a exercé au mépris des frontières, se propageant sous la barrière des langues, pour remonter à la source des mythes comme des particularités souterraines des peuples et, du coup, inciter chacun à trouver le chemin singulier qui ouvre la « forêt des symboles ». Ainsi le symbolisme serait d’abord cette qualité de regard qui, s’apparentant à la « poétique nouvelle » que Verhaeren cherchait à préciser en 1909, « supprime les formes fixes, confère à l’idée-image le droit de recréer sa forme, comme le droit de créer la forme en se développant, comme le fleuve crée son lit2 ». J’avancerais même qu’il est dans l’essence du symbolisme d’être ce regard qui se crée avec ce qu’il révèle. Pour avoir eu l’occasion de voir la collectionneuse contempler à Venise les peintures de Carpaccio à la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni, je ne suis pas loin de croire que cette façon de commencer à être intensément par le regard l’a d’emblée rapprochée des artistes symbolistes. Elle partage en effet avec eux cette certitude que « tout art est à la fois surface et symbole3 ». En témoigne l’importance du nombre et de la qualité des paysages dans sa collection. Entre les multiples sortilèges des toiles de Lacoste, Ménard, Loup, Montald…, elle sait toujours déceler celle qu’un imperceptible tremblé de la lumière désigne comme la « porte des rêves », à l’instant même qui précède l’apparition. Comme si la collectionneuse mettait son point d’honneur à en vérifier l’existence toujours susceptible de se manifester à qui sait voir. Son goût pour les admirables horizons de Dulac dit ce qu’elle attend de cette sérénité en suspens. Quel que soit le lieu, quelle que soit la saison, quelle que soit la perspective, la transparence de leur lumière laisse à penser qu’il suffit d’un rien — un coup de vent, un frémissement de l’eau, un battement d’aile — pour que tout change. C’est d’être aussi attentive à la subtilité de ces signes, que la collectionneuse sait cette subtilité directement proportionnelle à la violence que ceux-ci annoncent comme le retour implacable de ce qui a été oublié, enfoui ou occulté.

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Charles Baudelaire, Fusées. Emile Verhaeren, Réponse à une enquête sur le vers libre. Oscar Wilde, Portrait de Dorian Gray.

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La plupart, afin d’échapper à la tension diffuse qui en résulte, a tôt fait d’insister sur l’esthétisme, dont l’expression symboliste ne saurait être dissociée. Subterfuge pour ne pas voir que les apparences ne disparaissent jamais, mais qu’elles glissent, s’estompent pour finalement toujours révéler ce dont elles sont porteuses jusque dans leur immatérialité supposée. Ne suffit-il pas de voir cette femme portraiturée par Khnopff, pour imaginer tout ce qui va dépendre du moindre mouvement de ses « lèvres rouges » ? Il se pourrait même que la gloire du symbolisme est d’avoir fait de l’apparence sa matière palpitante, infiniment changeante, infiniment mouvante, et, par là-même, seule capable de nous entraîner à l’origine des couleurs. Couleurs d’aube, couleurs de désespoir, couleurs d’abîme…, infinies couleurs de l’infini, dont le silence garantit la plus totale liberté de mouvement à ce qui cherche à prendre forme et ne cesse justement de changer d’apparence. C’est ainsi que tout naturellement affleurent, s’évanouissent, émergent, disparaissent pour réapparaître toujours autres, Chimères, Gorgones, Méduses, Salomés, Vampires, Dryades, Sirènes… À leur égard, la collectionneuse est d’une insatiable curiosité, telle Pandore qui la fascine. Elle sait que les monstres nous habitent aussi bien que le printemps ou les crépuscules et même que ceux-ci ne sont souvent que les occurrences de celles-là. C’est sans doute pourquoi, depuis toujours, elle porte une attention soutenue aux égéries symbolistes. Elle sait que le secret de leur charme fatal est d’incarner cette contradiction, jusqu’à y trouver la source de tous les prestiges pour en faire une arme de séduction absolue. Car, au-delà de la nécessité de se reconnaître dans une forme, elles sont agies par le désir de donner corps à ce qui est censé n’en pas avoir. Toucher l’impalpable jusqu’à s’y perdre, ce désir fou hante le symbolisme. Et ce n’est pas par hasard que la lecture d’À Rebours a été si décisive pour la collectionneuse. Pourtant, habitée pareillement à Des Esseintes, le héros de Huysmans, par le sentiment d’urgence à atteindre l’essence des choses, elle va choisir d’y parvenir par le chemin inverse. Là où lui s’engage corps et biens dans la spécialisation obsessionnelle, se jetant tour à tour sur la voie du parfum, des fleurs, des étoffes, de la bibliophilie… qui l’épuisent autant que ses passions érotiques successivement déçues, elle mise, au contraire, sur les chemins détournés la plupart du temps inconnus, presque toujours invisibles qui relient les êtres aux êtres à travers les choses. Et voilà qu’en naît un tout autre monde. Ainsi importe-t-il à la collectionneuse de découvrir que la splendide Chevauchée d’Henry Cros a appartenu au docteur Charcot, que tel pastel de Lévy-Dhurmer à Marie Bonaparte…, comme de précieux indices objectifs venant conforter l’aura de l’œuvre. De la même façon, quand elle apporte le plus grand soin au choix des cadres, elle signifie par là quelle valeur structurante elle attribue à telle ou telle œuvre dans l’élaboration de ce nouveau monde. Et sa prédilection pour la sculpture participe de la même quête. Si elle s’est enthousiasmée pour le Pressentiment de Biegas, La Nuit de Bourdelle, La Valse de Camille Claudel, La Douleur de Ville Vallgren…, c’est d’y reconnaître à chaque fois le précipité d’énergie passionnelle susceptible de transfigurer l’espace, avec lequel se confond le pari fou de la sculpture symboliste de s’affirmer en victoire contre l’indicible. Je dirais que ce pari, inconsciemment ou non, la collectionneuse en a fait le principe de sa collection, qui est d’abord le lieu où elle vit. Autour d’elle, elle a su réunir des œuvres, des meubles, des objets, qui se répondent, s’exaltent les uns les autres, pour chaque jour confirmer la splendide réalité de son rêve : habiter l’indicible.

Alexandre Séon Le Désespoir de la chimère 1890

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Les égéries symbolistes

Jeanne Jacquemin La Douloureuse et glorieuse couronne 1892

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Alexandre Séon La Pensée Ca. 1899

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Lucien LĂŠvy-Dhurmer Marguerite Moreno, dans le rĂ´le du Voile de Georges Rodenbach 1896

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Lucien Lévy-Dhurmer Hélène de Troie 1899

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Lucien Lévy-Dhurmer Nu orange Ca. 1906

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Lucien LĂŠvy-Dhurmer Harmonie en bleu - Variation sur la Sonate au clair de lune Ca. 1906

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Lucien LĂŠvy-Dhurmer OphĂŠlie (portrait de Suzanne Reichenberg) 1900

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Louis-Maurice Boutet de Monvel Sirène 1895

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Lucien Lévy-Dhurmer Nocturne sur le Bosphore (Aziyadé ?)

Ca. 1897

Armand Point Baigneuse au laurier 1892-1895

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Edmond Aman-Jean La Muse Ca. 1892

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Henri Martin ClĂŠmence Isaure 1894

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Henri Gervex OphĂŠlie (portrait de Nellie Melba) 1889-1892

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Fernand Khnopff Les Lèvres rouges 1897

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Alexandre Séon La Sirène de la mer

1897

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Alexandre SĂŠon Femme pensive Ca. 1900

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Alexandre Séon La Nymphe de la Seine ou Au Bord de la Seine Ca. 1900

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Henri Martin Femme au lys Ca. 1892

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Henri Martin Le Silence

1894-1897

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Gustave Moreau SalomĂŠ au jardin 1871

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Fernand Khnopff Des fleurs de rêve Ca. 1895

Alexandre Séon La Passante Ca. 1895

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Maurice Denis La Marche des fianรงailles 1892

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Carlos Schwabe Printemps 1900

Fernand Khnopff Un geste d’offrande 1900

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Lucien Lévy-Dhurmer Eden « Emoi, passion, regret » Ca. 1899

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Maurice Denis L’ Imitation de N.S. Jésus-Christ 1893-1899


Camille Claudel La Valse 1905

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Couleurs et tonalités. Symbolisme et musique vers 1900 Edwin Becker

Traduit de l’anglais par Françoise Werner

Il existe de nombreux parallèles entre l’art du symbolisme et la musique, surtout dans les paysages. Plusieurs d’entre eux, de la fin du romantisme sentimental d’Arnold Böcklin aux compositions abstraites de Wassily Kandinsky ont inspiré des compositeurs de musique et vice-versa. De nombreux paysages de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, ne reproduisent pas seulement la réalité, ils sont le reflet, le miroir d’une image de l’esprit, un détachement de la réalité aux nombreux liens avec l’abstraction de la musique. Dès le romantisme, les bases de l’esprit du symbolisme imprégnaient déjà non seulement la littérature et la peinture, mais aussi la musique – la musique qui permet « d’entr’apercevoir un instant, l’infini de l’âme profonde ». Ce sont les mots de Ludwig Tieck, l’auteur romantique allemand qui a travaillé étroitement avec Wilhelm Heinrich Wackenroder. Tous deux croyaient dans le caractère infini et transcendant de la musique qui pouvait faire atteindre l’extase. Ils considéraient Beethoven comme le plus grand compositeur romantique. E.T.A. Hoffmann lui-même auteur et compositeur, affirmait en 1810, dans son compte-rendu de la Cinquième Symphonie de Beethoven (on peut y voir un penchant macabre) « La musique de Beethoven appuie sur tous les leviers de la terreur, de la peur, de la mort et éveille le désir infini contenu dans la nature du romantisme. Beethoven est un compositeur purement romantique, et en raison de cela un vrai musicien, ce qui peut expliquer un succès moindre dans la musique vocale qui ne permet pas le désir infini1 ».

Le thème de la mort

L’Ile des Morts, le chef-d’œuvre d’Arnold Böcklin est un des tableaux les plus représentatifs et vibrants du XIXe siècle et de l’esprit romantique. Né à Bâle, Böcklin mena sa carrière dans sa Suisse natale, en Allemagne et en Italie. En 1880, à Florence, Marie Berna, future comtesse d’Oriola, lui commanda une toile en hommage à son défunt mari2. Avec sa représentation aussi marquante d’un sujet universel, L’Ile des morts devint rapidement un des tableaux les plus célèbres d’Europe. En voyant une des versions du Musée royal des Arts, à Berlin en 1886, le poète symboliste, Jules Laforgue y vit une « étrange vision d’un pays inconnu et ses rites inconnus3 ». C’est aussi dans le paysage Le Vent du Cantique des Créatures de Charles-Marie Dulac qu’apparaît un paysage aussi inquiétant : la nature rigoureuse, la bourrasque de vent qui tournoie autour des arbres de la terrasse. Le compositeur Serguei Rachmaninov n’avait vu qu’une reproduction en noir et blanc de L’Ile des Morts, à Paris en 1907. Plus tard, c’est le tableau du musée de Leipzig qu’il vit, mais la reproduction l’avait plus fasciné. Il fut frappé par la représentation d’un petit bateau portant un cercueil et la silhouette fantomatique d’un rameur poussant son embarcation vers une île inquiétante. Rachmaninov s’inspira du tableau pour composer un poème symphonique (opus 29) qu’il acheva en 1909. Cette composition occupe une place unique dans l’œuvre de Rachmaninov, c’est le premier morceau qui mette au premier plan le thème de l’existence et de la mort inévitable. Le prélude répétitif des cordes assourdies évoque le doux mouvement continu de l’enflure de la mer et les sombres accords viennent marquer l’imposante présence de l’île immobile, cela commence par le cor français après un long prélude pianissimo qui rappelle le soulèvement de la mer. De cette manière, Rachmaninov reste fidèle aux éléments du tableau : l’eau est rendue par les notes légères et sinueuses au début du morceau,

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Edward Lockspeiser, Music and Painting: A Study in Comparative Ideas from Turner to Schoenberg, Londres, 1973. p.69. Rolf Andree, Arnold Böcklin: Die Gemälde, Basel / Munich, 1977, p.418-423. Cité par Henri Dorra, Symbolist Art Theories / A Critical Anthology, Berkeley / Los Angeles / Londres 1994, p.71.

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un mouvement du Dies Irae indiquent le cercueil et les funérailles et l’arrivée sur l’île est la partie la plus dramatique. A ce moment, la musique se fixe sur l’émotion du chagrin du deuil et en fin, de la résignation alors que les notes sont de plus en sourdes et le morceau se termine avec les mêmes notes paisibles du début. En pensant à la composition de Rachmaninov, nous pouvons admettre que le tableau l’ait inspiré. À l’aide des éléments du tableau, il a jeté les bases de son morceau et les éléments du deuil, de la catharsis (libération) et de l’acceptation y sont exprimés par les accents et le rythme de la musique sans être un simple lien littéraire. Des nocturnes enveloppés de brumes

Si nous nous tournons vers Claude Debussy, nous voyons le même désir d’éviter de trop se référer aux thèmes littéraires en musique mais une volonté d’associer les harmonies de couleurs et les émotions. On le rattache souvent, à tort, à l’impressionnisme alors qu’il se sentait des liens avec les artistes symbolistes qui donnent vie à une idée et suggèrent une réflexion intrinsèque au lieu de se concentrer sur l'apparence extérieure. Debussy était incroyablement attaché à la peinture. Après sa visite à la National Gallery, lors d’un séjour à Londres, en 1903, où il avait admiré des douzaines de tableaux de J.M. William Turner, il confia à son ami le pianiste Ricardo Viñes, que les œuvres du peintre anglais l’inspiraient pour ses Estampes. Cela semble logique : dans les œuvres de Turner, presque tout aspire à l’état musical : les folles perspectives, le double, le mélange d’une forme dans l’autre et la sensation générale d’instabilité4. Les nocturnes de 1889 de Debussy sont aussi nées du désir du compositeur de créer des harmonies de couleurs, empreintes de liberté et de perspectives neuves. Lorsque nous les écoutons, les tableaux de l’anglo-américain James McNeill Whistler jaillissent immédiatement dans notre esprit. Debussy a été présenté à Whistler au début des années 1890 lors d’une réunion organisée par le poète Stéphane Mallarmé. Dans sa célèbre Ten O’Clock Lecture traduite en français par Mallarmé dans La Revue Indépendante de 1888, l’artiste excentrique se réfère constamment à la musique : « La nature contient les éléments, en couleur et forme, de toute peinture, comme le clavier contient les notes de toute musique. Mais l’artiste est né d’en sortir, et choisir, et grouper les éléments, afin que le résultat en soit beau – comme le musicien assemble ses notes et forme des accords – jusqu’à ce qu’il éveille du chaos la glorieuse harmonie5 ». Le poète belge, Georges Rodenbach, qualifiait Whistler de compositeur de symphonies en demiteintes en raison du voile gris et de l’atmosphère brumeuse qu’il créait dans nombre de ses œuvres, surtout ces vues embrumées des rives de la Tamise. Brumes et brouillard présentés avec un tel lyrisme par des peintres, des poètes et des écrivains n’étaient néanmoins que de l’air vicié et du brouillard sur la ville. L’admiration de Debussy pour Whistler son aîné de 30 ans était connue, mais le biographe de Whistler, Théodore Duret, mit ce respect en question au cours d’un entretien avec le peintre en 1903 : « Avez-vous entendu parler de Debussy et de ses nocturnes ? Après qu'on vous a tant reproché d'avoir emprunté la langue musicale pour l'appliquer à la peinture, voilà maintenant la musique qui vient s'inspirer de votre peinture. Quel retour des choses d'ici-bas !6 » Debussy écrivit que pour Nuages, il s‘inspirait de plusieurs nocturnes et l’atmosphère du pont de Solférino la nuit tombée : tard le soir, une ambiance tranquille, la surface lisse de la Seine, un miroir.

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Jean-Michel Nectoux, Harmonie en bleu et or. Debussy, la musique et les arts, Paris, 2008. Stéphane Mallarmé, « Le «Ten o’clock » de M. Whistler », La Revue indépendante, 1888, p14.


Si nous devions penser à un accompagnement, nous pourrions nous tourner vers les nocturnes de Whistler, mais aussi de Le Pont de Solférino le soir de Charles Lacoste enveloppé de mystère, qui reflète la même mélancolie que Le Lac, la nuit, de Lucien Lévy-Dhurmer. Les artistes recouraient au minimum de détails descriptifs pour rehausser les espaces et les harmonies raffinées de couleurs et de tonalités. On peut noter que la simplicité apparente et le rejet de contrastes trop violents sont partagés par ces tableaux et la musique de Debussy. Alors que Rachmaninov fait une référence claire à la peinture de Böcklin qui lui avait servi de point de départ et de source d’inspiration, chez Debussy et Whistler l’influence est partagée. Un arcadien silencieux

C’est en 1891 que Debussy a fait la connaissance du jeune pianiste compositeur Erik Satie, un garçon bohême qui passait beaucoup de temps seul dans sa chambre à Montmartre, travaillant à son œuvre unique et innovante. Satie et Debussy s’étaient rencontrés à l’Auberge du Clou à Montmartre. En évoquant leur rencontre, Satie disait qu’il avait été attiré au premier coup d’œil et qu’il appréciait toujours sa compagnie7. Debussy lui, voyait en Satie un bon musicien, moyenâgeux qui s’était trompé de siècle. Leur amitié connut des hauts et des bas mais ils partagèrent un grand nombre d’idées. Vers 1890, tous deux partageaient la même fascination pour Joséphin Péladan et l’Ordre Mystique de la Rose+Croix qu’il avait fondé l’année précédente. En 1892, Péladan organisa le premier Salon de la Rose+Croix pour lequel il avait eu recours à la peinture et à la musique pour élever le public à une plus grande hauteur spirituelle. Péladan méprisait les œuvres superficielles des impressionnistes et les tableaux des réalistes et des naturalistes. Il prônait l’art dans une perspective mystique, souvent un retour au Moyen-Âge et à la Renaissance. Son apparence flamboyante, ses longues robes sacerdotales et ses livres distinctement ésotériques faisaient de Péladan un personnage aussi admiré que méprisé. Pourtant ses Salons de la Rose+Croix, surtout le premier en 1892, présenté à la Galerie Durand-Ruel, furent un succès. Partout en ville, on pouvait voir les affiches de Carlos Schwabe. Elles montraient une silhouette perdue dans des bas-fonds fangeux ; en haut de l’affiche, les silhouettes de la Pureté et de la Foi brisaient leurs chaînes pour s’envoler vers les cieux. Satie attiré par le mélange spirituel de religion, de mysticisme et de culte remontant au Moyen-Âge, devint le compositeur-maison des Salons de la Rose+Croix. Il avait le titre officiel de Maître de Chapelle de la Rose+Croix. Dans ce rôle, il composa ainsi ses Trois Sonneries de la Rose+Croix pour le premier Salon. La collaboration prit fin en 1893 lorsque Satie fonda sa propre « église », même s’il en resta membre quelque temps encore. Satie croyait fermement que la musique et la peinture sauvaient la Société. Santiago Rusiñol, un artiste catalan qui vivait lui aussi à Montmartre l’a rapporté. En janvier 1894, Rusiñol avait vu Satie en transe devant deux tableaux du Greco, que l’on menait en procession vers la résidence de Rusiñol à Sitges (Cau Ferrat). Pour Satie, ces deux œuvres, Marie Madeleine et Saint Pierre, personnifiaient l’idéal des Lumières par l’art. Il y avait aussi un lien direct avec l’œuvre de Rusiñol et celle de son maître Puvis de Chavannes. La simplification, la facilité, l’économie de moyens : selon Rusiñol, c’étaient les qualités des œuvres de Puvis que Satie voulait égaler. Tout aussi importants était le partage des thèmes : Rusiñol et son cercle appelaient Satie leur musicien grec et parlaient de ses compositions du nom grec d’harmonie. Les morceaux de Satie dans lesquels il avait élaboré une échelle chromatique grecque, ont été conservés. Les œuvres du peintre français Alphonse Osbert ont souvent été exposées dans les Salons de la Rose+Croix de Péladan, où l‘on pouvait souvent entendre la musique de Satie8. Au cours des années

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Théodore Duret, Histoire de J. Mc. N. Whistler et de son œuvre, Paris 1914, p.133. Lettre de Duret à Whistler du 30 juin 1903, The Correspondance of James Mc Neill Whistler, University of Glasgow, online edition, MS Whistler D208. Ornella Volta, Erik Satie. Ecrits, Paris, 1977.

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1880, il abandonna son style académique, naturaliste sous l’influence du Symbolisme. Il adorait Puvis de Chavannes considéré comme un précurseur du symbolisme. Osbert imitait Puvis de Chavannes avec des femmes comme des muses mystérieusement éclairées, des paysages arcadiens. Ses silhouettes semblent perdues dans la contemplation, toutes semblables, unies au paysage intemporel qui les entoure. Le Mystère de la nuit est typique de son œuvre. Ses personnages sont vêtus de tuniques blanches, et semblent des statues de marbre dans un paysage de soir mélancolique. Le tableau évoque un sentiment dont le bleu serait la mélancolie. Cette harmonie de couleurs a permis aux critiques d’interpréter l’œuvre d’Osbert en termes musicaux. En 1895, le critique Soulier écrivit que l’art d’Osbert, « évoque une sensation musicale des thèmes savamment orchestrés ; les bleus chantent auprès des ors, qui résonnent comme des cuivres9 ».

Le penchant pour la pureté et la beauté de l’Antiquité classique qui imprègne l’œuvre d’Osbert se retrouve aussi dans les Gymnopédies de Satie. Elles allaient devenir incroyablement célèbres, Satie les avait conçues dès 1888. Le mot « gymnopédie » devint vite un sujet de spéculations. Mais il relève de l’anecdote. En septembre 1887, Satie était venu pour la première fois au célèbre cabaret du Chat Noir. Lorsque son propriétaire Rodolphe Salis lui demanda sa profession, il répondit « gymnopédiste ». Satie avait découvert le mot dans Les Antiques, un poème de son ami J.P. Contamine de Latour. Le mot désignait une danse de Sparte en l’honneur d’Apollon, le lien entre la nudité et la pureté fondamentale de la danse et des danseurs se retrouve dans la musique de Satie. La véritable innovation des 3 gymnopédies, réside dans leur forme. Satie prend un thème musical et le regarde brièvement de trois directions différentes. Il varie les notes de la mélodie mais pas son mouvement général, les accords de l’accompagnement mais pas le ton dominant. Cet accent particulier sur la perspective plus que sur la continuité, une variation nuancée plus qu’un développement, tout cela est indiqué dans les données d’interprétation pour chacune des Gymnopédies : lent et douloureux, lent et triste, lent et grave. Il en résulte une musique éthérée et fluide. On retrouve la même simplification, sobriété et calme répétition de motifs dont se sert Satie mêlés à une atmosphère mélancolique, ésotérique dans les dessins et les tableaux d’artistes comme Puvis de Chavannes et Osbert. Pourtant, nous pourrions causer un tort à Osbert et son lien avec la musique si nous négligions de dire que dès 1887, cet artiste était de plus en plus attiré par les théories de Chevreul. On peut le voir dans l’œuvre de Seurat et de Signac, tous deux ont eu recours aux petits coups de pinceaux, aux contrastes de couleurs même s’ils n’agissaient pas selon les fondements scientifiques des néo-impressionnistes. Osbert est le premier à le faire d’après Séon qui voyait la valeur symbolique des couleurs comme le bleu irréel, un symbole d’éternité : la couleur de l’esprit et de la pensée. Il est étonnant que dans le Symbolisme, de nombreux artistes de différents pays et une grande variété de styles, aient tous essayé d’explorer leur état d’âmes. Ils l’ont fait par les paysages. Le paysage est le genre idéal pour user de l’abstraction des couleurs et des formes, pour évoquer des associations, des sentiments et des préoccupations spirituelles. Et la diversité du sujet, qu'il s'agisse de paysages arcadiens idylliques, de tempêtes sauvages, de rivières poétiques couvertes de brouillard ou de montagnes et de vallées expressives aux couleurs vives, signifie que tout le monde peut s'identifier à l'une des catégories. Il en est de même avec la musique. Une personne peut se délecter de la musique profonde et mystérieuse de Rachmaninov ; une autre peut apprécier le calme de Debussy et Satie. Mais que cela se produise avec des notes ou des coups de pinceaux, la musique et la peinture ont l’indéniable capacité de toucher l’auditeur ou le spectateur. Si la musique peut être directement liée à la peinture, une parfaite symbiose existe entre les deux formes d’art et offre finalement un double plaisir.

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Véronique Dumas, Le Peintre symboliste Alphonse Osbert, 1857-1939, Paris, 2005. Gustave Soulier, « Les artistes de l’âme. Alphonse Osbert », L’Art et la Vie, n° 42, octobre 1895, p.505.


Alphonse Osbert Inceste d’âmes 1896

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Le paysage idĂŠal

Alphonse Osbert Le Calme de l'eau 1895

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Alphonse Osbert Le Mystère de la nuit 1897

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Alphonse Osbert Les Voix du crĂŠpuscule 1897

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Alphonse Osbert Harmonie du matin 1902

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Alphonse Osbert Chanson de l’aurore 1894

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Alphonse Osbert Un Coin de rêve 1905

Alphonse Osbert Etude pour Sérénité

1901

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Maurice Chabas Paysage Ca. 1895

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Maurice Chabas Transmigration Ca. 1900

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Charles Lacoste Paysage des Pyrénées 1899

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Charles Lacoste Londres, Hyde Park 1894

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Charles Guilloux L’arbre 1892

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Charles Lacoste Les Collines d’Orthez

1894

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Charles Lacoste Le Pont de SolfĂŠrino le soir 1901

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Charles Guilloux Paysage fluvial Ca. 1893

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Emile-René Ménard Le Crépuscule sur le canal 1894

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Charles Lacoste Docks de Londres, un dimanche 1901

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Charles Guilloux La Seine (nocturne) 1894

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Charles Guilloux La Seine à Saint-Denis 1894

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Charles Lacoste La Grande roue 1899

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Edmond Aman-Jean Le Miroir champĂŞtre Ca. 1900

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Lucien Lévy-Dhurmer Le Lac, la nuit Ca. 1897

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Eugène Loup Forêt de Fontainebleau Ca. 1900

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Constant Montald Paysage hivernal 1917

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La vie silencieuse

Henri Le Sidaner Les Lys obscurs 1897

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Emile-René Ménard Nymphe au crépuscule Ca. 1910

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Emile-René Ménard La Baigneuse Ca. 1913

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Emile-René Ménard Les Dryades 1913

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Lucien LĂŠvy-Dhurmer Bruges, effet de neige Ca. 1900

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Lucien Lévy-Dhurmer Pont de Bruges Ca. 1900

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Emile-René Ménard La Baie d’Ermones 1903-1904

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Emile-René Ménard Le Nuage Ca. 1896

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Henri Le Sidaner Les Cygnes (Bruges) 1900

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Edmond Aman-Jean La Place des Vosges Ca. 1895

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Louis Welden Hawkins Procession des âmes ou Noël, toile mystique 1893

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Henri Le Sidaner Bruges. La Chapelle Ca. 1900

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Emile-Antoine Bourdelle RĂŞve de pastoure Ca. 1888-1890

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Emile-Antoine Bourdelle Aether, Lumière céleste - Héméra, Lumière terreste Ca. 1911

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Hugo Höppener dit Fidus L’Esprit de la nuit 1898

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Alexandre Charpentier La Fuite de l’heure 1899

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Bohumil Kafka Les Etoiles éteintes Ca. 1906

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Camille Claudel La Profonde pensĂŠe 1905

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Ville Vallgren Vase des larmes Ca. 1892

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Franรงois Pompon Sainte Catherine 1886-1888

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Ville Vallgren Douleur Ca. 1893

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Gustave-Adolphe Mossa La Lune Ca. 1912

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Ville Vallgren La Vague 1894

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Charles-Marie Dulac. Les mots de Huysmans Jérôme Merceron

Atteint d'une maladie incurable liée à l'utilisation de la céruse contractée dans l’atelier d’un peintre décorateur, se sachant condamné, Charles-Marie Dulac se convertit à la foi catholique et s’engage dans la communauté franciscaine. Son ami Huysmans le décrit ainsi : « Converti, Dulac devint un saint et cette sainteté rehaussa sa dignité naturelle qui était fort grande, mais ne changea pas le caractère de sa physionomie ; il resta toujours en lui quelque chose qui ne peut guère s’exprimer que par le mot de rapin, et ce n’était pas sans marquer d’une jolie note originale sa figure de saint. Je le vois encore avec son air bon enfant : sa figure un peu ronde au front large, était restée très jeune, malicieuse et cependant toute radieuse de bonté ; deux yeux l’éclairaient qui suivaient non pas un rêve, mais leur vision, - deux yeux très doux, très clairs, et qui, sans se perdre dans le vague, voyaient au-delà de ce que nous apercevons, et jusqu’à l’âme des choses1 ». L’écrivain Georges Guyau note encore : « une agonie physique, alors, commença pour lui, qui l’amena vers la foi, et de ce jour date son prestige d’artiste2 ». S’il expose dès 1890 au Salon, c’est en 1896 qu’il est remarqué à l’occasion de l’exposition de ses deux cycles gravés réunis pour la première fois à la galerie Le Barc de Boutteville. Le premier album intitulé sobrement Paysages est imprimé en 1893 et décrit par Dulac lui-même sur la feuille d’en-tête : « Ces quelques planches sont le résultat modeste de mes premières recherches. Elles inaugurent une suite de paysages dans lesquels je cherche à exprimer les émotions fugitives que donnent les divers aspects de la nature. Idéaliser le plus possible, sans pourtant dénaturer les formes réelles, tel est mon but ». Les critiques sont élogieuses, Auguste Marguillier écrit dans la Gazette des Beaux-Arts : « Dulac joue en virtuose consommé des multiples ressources que lui offre… le procédé lithographique : avec seulement deux ou trois tons, généralement très discrets, presque assourdis, il tire de chaque motif cent harmonies diverses, dont la réunion forme une merveilleuse et très douce symphonie3 ». Le second cycle est une suite de lithographies en neuf planches soulignées de devises mystiques édité en 1894, Le Cantique des créatures, « des gloses de prières et des stades d’âme » pour Huysmans qui font « chanter aux éléments un hymne superbe d’adoration ». Comme « il avait fait de Des Esseintes un fervent de Redon et de Moreau dans A Rebours, Huysmans donne à Durtal le goût de Dulac dans La Cathédrale4 ». On y lit « La définition un peu fatigué que le paysage est un état d’âme s’adaptait cependant très justement à cette œuvre ; l’artiste avait imprégné de sa foi ces sites, copiés sans doute sur nature, mais vu surtout, en dehors des yeux, par une âme éprise...5 » La mort de Dulac l’empêche de mener à bien un autre cycle consacré au Credo dont trois compositions seulement sont achevées et où « Dulac fait un pas de plus, s’évade complètement de la réalité et s’avance aussi loin qu’il est permis à la peinture d’aller ; il s’efforce de traduire avec des fééries d’eaux et de fleurs, des versets d’Isaïe et du Cantique des Cantiques, et rien n’est plus étrangement indoue que cette flore qui tient du lotus et du nénuphar, rien n’est plus enfantinement simple que ces lagunes, que ces longs bassins qui rappellent ceux de Rambouillet, que cette végétation d’âmes en fleurs qui palpitent sous l’infini d’un ciel ». Huysmans décrit aussi cette « avenue de palmiers fantastiques, couleur de sang, au bout de laquelle jaillit, en une explosion, une croix de feu6 ». En peinture, les trois dernières années de la vie de l’artiste seront les plus intenses et les plus créatives. C'est en 1895 qu’il médite un voyage en Italie : « J’ai pensé à une chose : je vais écrire à M. E. [Henry Cochin] puisque je suis maintenant désœuvré, avec le peu d’argent que j’avais amassé pour cet ouvrage, je vais lui demander qu’il me trace un itinéraire pour l’Italie, qu’il me dise s’il est possible à un français ne sachant pas l’italien de se débrouiller à bon marché. Ce que je veux surtout, c’est de voir ce qu’il y a de plus important, rapidement, et de rester dans un coin à travailler à la figure, au paysage peut-être7 ». Depuis sa conversion, le paysage est au cœur de l’art de Dulac. Et partant sur

C.-M. Dulac, 1905, p.VIII. G. Guyau, « Un peintre mystique : Dulac », Autour du catholicisme social, Paris, 1909, cité par J.-D. Jumeau-Lafond, « Land scapes of the Soul and Painted Landscapes », Mystical Landscapes. From Vincent van, Gogh to Emily Carr, 2016-2017, p. 123. 2 Spécialiste de l’artiste, Jean-David Jumeau-Lafond prépare actuellement le catalogue raisonné de son œuvre. 3 « Charles Dulac » Gazette des Beaux-Arts, avril 1899, p.330. 4 J.-D. Jumeau-Lafond, 1999, p.57. 5 Edition de 1898, p.383. 6 H. Cochin et J-K. Huysmans, 1899, p.19. 7 C.-M. Dulac, 1905, p.34. 1 2 2

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les pas de Saint François, ce sont les paysages de l’Ombrie qui lui inspirent ces œuvres les plus intenses, les plus mystiques : « Ce pays tout nu, sans arbres, plein de côtes, qui vous montrent partout l’horizon et le soleil est bien fait pour chanter avec saint François le cantique de Mon frère le soleil8 ». Les effets de lumière sur les monts environnants, le jeu de l'air dans les nuages au-dessus du Tibre, traduisent le sentiment de transcendance ressenti par l'artiste et sont des variations d'un même thème : celui du lien entre l'homme, la création et Dieu : « La nature, n’importe quoi, n’importe où, exprime toujours quelque chose qui vous charme… Je ne demande qu’une chose, c’est qu’il me soit permis de faire sentir ce que je suis. - Ce que je suis, c’est quelque chose qui me vient de quelque part et qui veut aller quelque part : je suis un intermédiaire bienheureux9 ». Maurice Denis éclaire la démarche de l’artiste : « Pour nous, écrit-il, avec le recul du temps, être franciscain, c’est posséder la jeunesse de l’âme, le don de l’enfance, la bienheureuse naïveté : c’est aimer la nature comme dans l’Évangile, les bêtes comme dans les Fioretti, chanter le cantique des créatures, goûter le miracle du quotidien d’une vie cachée dans quelques petites villes d’Ombrie10 ». André Hallays, qui inaugure en 1898 la rubrique En flânant, feuilleton hebdomadaire du Journal des débats, n’écrit pas autre chose : « Il y a entre l’esprit franciscain, la douceur franciscaine, la paix franciscaine, et les paysage parmi lesquels se défile la miraculeuse existence de François d’Assise une harmonie si intime et si profonde qu’aucun des biographes du saint n’a pu se dispenser de mêler à son récit la description de l’Ombrie11 ». Dulac mène en Italie une « existence nomade de moine en mission, à Assise, à Fiesole, dans les endroits mêmes où résida le saint ». Il vit « dans des couvents de son observance, comme ces artistes du Moyen-Âge qui séjournaient chez des religieux et avaient leur écot en décorant des chapelles » 12. A Assise, il séjourne dans le petit couvent solitaire des Carceri, perché dans une gorge du Mont Subiaso, le premier monastère fondé par saint François, là où il prêchait aux oiseaux. Ses promenades solitaires sont l’occasion de peindre de nombreux « petits yeux 13 », avec parfois, des moments d’abattement « On n’est pas toujours ému comme on veut devant la nature. Il y a des jours ou les arbres sont des bûches14 ». Deux éléments s’imposent : l’audace des couleurs, dont Dulac fait un usage symbolique « à tel sentiment, comme à telle vertu, correspond une couleur donnée15 », et une synthétisation des formes remarquées par Huysmans qui décrit en des lignes magnifiques : « la vallée du Tibre sous un grand ciel tourmenté rayé de nuées en cuivre qui verdissent », ou encore les « études bizarres d’une forêt de pins qui le hanta à Fiesole ; et ces arbres surgissent sur ses panneaux, à toutes les heures, sous toutes les formes, dans des couchants qui ensanglantent leurs troncs, dans des après-midi qui enflamment le vert de leurs fûts et chauffent jusqu’au rouge cerise les aiguilles sèches étendues en tapis sur le sol ; dans d’autres visions de temps plus sombre ou de brume, ces pins se dressent, couleur de cirage, avec des cimes acérées comme des regrets, des faîtes s’arrondissant, puis s’effilant, tels que des larmes qui monteraient au lieu de tomber, des arbres aux feuillage de résipiscence et de deuil servant, en quelque sorte, de truchement aux contritions et aux plaintes de l’homme », et plus loin, « une étude de ciel, d’un ciel zébrant d’un jet de vermillon des nuées d’un jaune souffre, un firmament aux tons splendides, précipitant vers le Seigneur, ainsi que d’un encensoir en feu, les hommages et les louanges et , dans un paysage de Ravenne, un ciel bleu et rose se mirant en des eaux, un paysage de sourire quiet et de pardon…16 » Vuillard le notait en 1890 « plus les peintres sont mystiques, plus leurs couleurs sont vives ». Huysmans comptait beaucoup sur Dulac pour fonder à Ligugé une colonie chrétienne d’artistes. La mort brutale de l’artiste à l’âge de 33 ans ne lui permit pas d’entrer dans la vie religieuse comme il en avait l’intention et mit fin aux espoirs de ce rassemblement d’artistes. Mais il avait permis à l’iconographie franciscaine de retrouver « son charme et son pouvoir, c’est-à-dire sa naïveté17 » avec toute la sincérité de sa ferveur spirituelle.

Op. Cit., p.99. Op. Cit., p.41. M. Denis, Charmes et leçons de l’Italie, Paris, 1933, cité par B. Foucart, 1984, p.159. 11 Cité par Tedor de Wyzewa dans l’avant-propos de sa traduction des Pèlerinages franciscains de Johannes Joergensen, Paris, Perrin, 1911, p.10. 12 H. Cochin et J-K. Huysmans, 1899, p.15. 13 C.-M. Dulac, 1905, p.71. 14 Op. Cit., p.63. 15 Op. Cit., p.XX. 16 H. Cochin et J-K. Huysmans, 1899, p.20. 17 B. Foucart, 1984, p.159. 80 90 10

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Charles-Marie Dulac La Pineta Ă Ravenne 1897

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Le paysage mystique Charles-Marie Dulac

Charles-Marie Dulac La VallĂŠe du Tibre Ă Assise 1898

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Charles-Marie Dulac Lever de soleil Ă Assise 1897

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Charles-Marie Dulac Coucher de soleil Ă Assise

1897

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Charles-Marie Dulac Rayons de soleil Ă Assise 1897

148


Charles-Marie Dulac Rivière à l’aube à Assise 1897

149


Charles-Marie Dulac Sous-Bois 1896

150



Charles-Marie Dulac La Divine palmeraie (Le Credo) Ca. 1894

152


Charles-Marie Dulac Le Jardin du Seigneur (Le Credo) Ca. 1894

153


Charles-Marie Dulac Le Cantique des crĂŠatures 1894

154

Le Feu et l‘Eau (Jesu, puritas Virginum. Jesu, lux vera) La Mort corporelle (Auxilium Christianorum, Jesu, refugium nostrum)


Le Vent (Spiritus Sancte, Deus) La Terre (Jesu, via et vita nostra, Jesu, thesaurus fidelium)

155


Charles-Marie Dulac Le Cantique des crĂŠatures 1894

156

Le Soleil (Jesu, sol justitiae)

Le Commencement (Sancta Trinitas Deus) Le Chant final (Jesu, candor lucis aeterna, Causa nostra laetitiae)


La Voie bĂŠnie (Jesu, corona Sanctorum omnium. Jesu, sapienta aeterna) La Lune (Stella matutina)

157


Charles-Marie Dulac Paysages 1893

158

Chauve-souris Le Poisson


Les Etoiles du matin Le Lys

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Charles-Marie Dulac Paysages 1893

160

Les Epis Le Serpent


Les PensĂŠes Le Pavot

161


George Minne Le Petit agenouillĂŠ 1896

162


George Minne La Douleur (Mère pleurant ses deux enfants) 1888

163


Le symbolisme noir et fantastique

Georges de Feure La Femme au chapeau noir Ca. 1898-1900

164



Emile Fabry Les Parques 1895

166



Andhré des Gachons La Légende d’Almanzor 1897

168


Hugo Höppener dit Fidus Le Désespoir 1898

169


Carlos Schwabe Etude pour La Vague 1907

170


171


Boleslas Biegas Le Vampire sous-marin Ca. 1915-1916

172


Boleslas Biegas Le Vampire Pandore Ca. 1915-1916

173


Valère Bernard Le Sphinx 1896

174


Valère Bernard Cauchemar

1895

175


Odilon Redon Les Fleurs du mal 1890

176

Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs / Du ciel, où turègnas, et dans les profondeurs / De l’Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence !


Titre-frontispice

Si ,par une nuit lourde et sombre, / Un bon chrétien, par charité, Derrière quelque vieux décombre / Enterre vôtre corps vanté

177


Odilon Redon Les Fleurs du mal 1890

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Cul-de-lampe


Frantisek Kupka Le Défi (L'Idole noire) Ca. 1900-1903

179


Carlos Schwabe Vignettes et lettrines pour l’illustration des Paroles d’un croyant de Félicité de Lamennais 1906-1908

180

Chapitres V, XXXIII, XIX


Chapitres XXVIII, XIII, XXX

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Carlos Schwabe L’Ange de la mort 1893

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Valère Bernard Satan Ca. 1897

183


Carlos Schwabe Encadrement pour L’Enfer 1894

184


185


Carlos Schwabe Souvenir funĂŠraire 1894

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Carlos Schwabe Perfidie

1899

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Jean-Joseph Carriès Masque grotesque pour la Porte de Parcifal Ca. 1891

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Jean-Joseph Carriès Masque grotesque pour la Porte de Parcifal Ca. 1891

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Jean-Joseph Carriès Masque grotesque pour la Porte de Parcifal Ca. 1891

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Jean-Joseph Carriès Tête de faune Ca. 1885

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Henry De Groux, peintre de la Divine Comédie Denis Laoureux

Une large part de la production picturale d’Henry De Groux est organisée en cycles de tableaux consacrés à des figures historiques1. L’homme était domicilié dans les orages et sans doute a-t-il trouvé dans cette approche sérielle de la pratique artistique une méthode pour discipliner une inspiration que tous les témoins de l’époque décrivent comme débridée, fiévreuse, volcanique, impétueuse sinon incontrôlable. « Il travaillait avec fougue, avec emportement. Il était capable de tout renverser, de briser tous les obstacles ! Je l’ai quelque fois surpris qu’il était comme une furie, ses cheveux semblaient se redresser sur sa tête2 ». Dans ce témoignage tardif laissé par un ami intime, Charles Doudelet, on trouve également l’image d’un esthète illuminant ses interlocuteurs par une prodigieuse érudition. Il faut dire que De Groux n’a cessé de s’intéresser à la destinée de grands hommes ayant marqué l’histoire, la peinture et la littérature d’une empreinte indélébile. Notre homme s’est ainsi constitué une sorte de panthéon personnel qu’il va chercher à transposer picturalement. De Groux en compagnie

Certains de ces grands hommes font simplement l’objet de portraits, comme Beethoven, Balzac, Charles le Téméraire, Baudelaire, Rops, Zola. D’autres en revanche, comme Richard Wagner, Napoléon, Jésus de Nazareth, bien qu’également portraiturés, constituent, par leur œuvre ou par leur biographie, autant de modèles qui vont inspirer à De Groux le sujet de nombreux tableaux. Si De Groux se tourne vers ces êtres d’exception, ce n’est pas pour illustrer un épisode de leur vie ou une séquence de leurs textes, comme pourrait le faire un peintre d’histoire ou un illustrateur de métier. Il n’est pas question non plus, pour De Groux, de prétendre être l’équivalent contemporain de ses modèles. Sa démarche consiste plutôt à puiser dans la destinée de ces derniers ce qui lui permet de peindre la nature humaine à travers le prisme dans lequel il se reconnaît le plus : l’héroïsme qui fait de l’homme un individu solitaire et le sacrifice qui le transforme en réprouvé. Dans la galerie de ce panthéon intime se trouve la figure de Dante. Le récit de la Divine Comédie, à l’instar de la Passion du Christ, de l’épopée napoléonienne et de la tétralogie de Wagner, offre à De Groux un univers thématique dominé par le sens de la tragédie héroïque et de la descente aux enfers. Le rapport que De Groux entretient avec la Divine Comédie ne consiste pas à chercher dans le texte un prétexte iconographique : il s’agit plutôt de « penser et de creuser le sens de ses mystères », ainsi qu’il l’écrit dans son journal en date du 8 juin 18923. La fascination éprouvée par De Groux pour de telles figures historiques dépasse l’argument iconographique. Tout indique en effet que l’homme a pu se sentir, en son siècle, aussi tragiquement isolé et violemment conspué que ceux dont les œuvres et les actes l’inspirent. L’élément moteur de ce travail sériel, c’est le fait que De Groux s’identifie, en tant qu’artiste, à la destinée tragique de ses modèles. Nous rejoignons ici Bertrand Tillier dans son interprétation du cycle napoléonien4. De Groux se tourne principalement vers des hommes dont la contribution à l’histoire de l’humanité lui renvoie l’écho amplifié de son vécu personnel, celui d’un artiste incompris voire méprisé, isolé et même écarté, conspué sinon martyrisé.

Faisant suite aux indications formulées dans une lettre à Octave Maus écrite le 22 janvier 1888, on propose d’orthographier ainsi le nom du peintre : De Groux. Voir Henry De Groux, lettre à Octave Maus, Bruxelles, 22 janvier 1888. Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l’Art contemporain, inv° 5.034. 2 Charles Doudelet, Henry De Groux, manuscrit, novembre 1934. Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l’art contemporain, AACB 7828. 3 Sans doute est-ce sur ce point précis que la démarche de De Groux diffère des tableaux de la Divine comédie peints par Eugène Le Marcis et 1 exposés à titre posthume au Salon des Indépendants en 1901. 4 Bertrand Tillier, « Henry De Groux (1866-1930) peintre symboliste de l’épopée napoléonienne », in Sociétés & Représentations, n°23, 2007, p.283-295. 1 1 1

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Les années 1898 – 1900 On sait par les archives que De Groux réalise les pastels de la Divine Comédie à partir de 1898. La Barque de Charon et La Pluie de feu semblent avoir inauguré la série5. L’artiste met la dernière main au cycle vers août 1900. Ce faisant, De Groux arrive au terme d’un projet qui le taraudait depuis le début des années 1890. « Il n’y a pas à dire », écrit-il le 26 janvier 1892, « je ne sors plus de la Divine Comédie. De l’Enfer surtout. On dirait vraiment que les inexorables portes de bronze se sont refermées sur moi comme sur la plupart des pèlerins (…) avec cette différence que c’est là précisément que je vais chercher mon espérance6 ». La réalisation des pastels suit directement les tableaux de la série napoléonienne qui a occupé l’artiste de 1895 et 1900. Les deux séries s’enchainent et se superposent donc au tournant du siècle. La représentation des visions hallucinées que Dante et Virgile font au fil de leur périple infernal prolonge ainsi les tableaux d’une épopée militaire marqués par la débâcle, l’ambition brisée, les charniers et la solitude du chef entouré de ses troupes abattues. Dans la vie artistique et privée de De Groux, le tournant du siècle correspond à un changement de cap. D’une part, la série dantesque est entamée juste après le numéro spécial de la Plume qui paraît en avril 1899. Avec son « catalogue raisonné » de l’œuvre en cours établi par Paul Ferniot, cette publication fait office de rétrospective de papier. D’autre part, les pastels qui nous intéressent ici sont réalisés juste avant l’entrée en scène de Germaine Lievens, sa nièce par alliance, avec laquelle De Groux va entretenir une relation amoureuse qui sonnera le glas de sa vie avec Marie Engel rencontrée en 1889. En 1903, après plusieurs années de déboires multiples et variés, et alors que la série dantesque est exposée à Paris chez Siegfried Bing, De Groux part à Florence où il sera rejoint par sa jeune amante. Quelques années plus tard, en 1908, De Groux écrit une note dans son journal qui indique que Dante sort de son horizon de référence. Entretemps, l’artiste a provisoirement délaissé la peinture pour la sculpture. On peut donc considérer que la réalisation et la médiation des pastels dantesques se situent entre la parution du numéro spécial de la Plume en 1899 et le départ en Italie en 1903, et que par ailleurs ces dessins accomplissent un projet né vers 1892. Durant cet intervalle, le cycle de la Divine Comédie a été présenté au public à deux reprises. De Groux expose dans la galerie de Georges Petit à partir du 25 octobre 1901. Cet événement réunissant 60 pièces aurait dû être le couronnement de dix années de présence sur la scène parisienne, mais l’exposition est boudée par le public7. En tous cas, plusieurs pastels issus du cycle de la Divine Comédie sont présentés pour la première fois à cette occasion. Le cycle sera également exposé en 1903 à la galerie de Siegfried Bing. Nous disposons de deux sources pour éclairer et documenter le projet que De Groux poursuit avec ses pastels dantesques. Il s’agit tout d’abord des mémoires que l’artiste a rédigés, recopiés et transportés avec lui au fil de ses innombrables déménagements. Ces volumineux mémoires ont été partiellement publiés dans un volume qui constitue une source primaire incontournable8. Nous possédons également un témoignage précieux : la correspondance entretenue par le peintre Armand Seguin avec Roderic O’Connor9. Il se trouve que De Groux a hébergé Seguin à partir de mars 1899, c’est-à-dire

Henry de Groux, Journal, édition établie et annotée par Pierre Pinchon, Rodolphe Rapetti, Thomas Schlesser et Pierre Wat, Paris, Editions Kimé, 2007, p.264. Ibid., p.112. André Fontainas, “L’Exposition Henry De Groux”, in L’Art moderne, 3 novembre 1901, p.365. 8 Henry De Groux, Journal, édition établie et annotée par Pierre Pinchon, Rodolphe Rapetti, Thomas Schlesser et Pierre Wat,Paris, Editions Kimé, 2007. 9 Armand Seguin, Une vie de bohème. Lettres du peintre Armand Seguin à Roderic O’Connor, 1895-1903, édition établie par Denys Sutton, Lausanne, 1Promedia, 1989. Je tiens à remercier ici cordialement Jérôme Descamps d’avoir attiré mon attention sur l’importance de cette correspondance 1pour l’étude du cycle des pastels dantesques de De Groux. 5 6 7

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quand il commence son cycle dantesque. Les lettres que Séguin écrit à O’Connor contiennent de nombreuses informations – hélas invérifiables – sur le processus d’élaboration des pastels, mais également sur un projet d’édition illustrée que les deux peintres tentent de mettre en œuvre. Les emblèmes symbolistes de la Divine Comédie

Si l’on en croit la lettre écrite par Seguin le 12 mai 1900, le cycle de la Divine Comédie se composerait de 50 pastels10. Cette information est malheureusement difficile à vérifier. L’ensemble a vraisemblablement été dispersé11. De Groux opère sans document. Il ne cherche pas le détail, ni la stricte mise en image d’une séquence textuelle. Son rapport avec le texte de Dante n’est pas celui d’un illustrateur. La disjonction entre le texte et l’image est typique du rapport que les symbolistes entretiennent avec la littérature qui les inspire. Pour cette raison, il n’est pas aisé de préciser avec certitude les détails de l’iconographie des pastels retrouvés. L’Enfer est la partie qui a le plus captivé De Groux. Le pastel dans lequel une Harpie fixe Dante et Virgile placés tous deux dans l’angle supérieur droit évoque le Chant XIII de L’Enfer. Une autre scène montre les mêmes personnages observant du haut d’une colline une vallée peuplée de corps embourbés : cette vision nous ramène vers le marais du Styx décrit dans le Chant VII de l’Enfer. La figure féminine entourée de lumière se rapporte peut-être au Chant XXX du Purgatoire où Dante assiste à l’apparition de Béatrice sous un « angélique apparat ». Le mouvement qu’elle exécute avec son bras droit donne à penser qu’elle montre en effet aux deux protagonistes la voie de sortie du purgatoire. Les deux autres dessins sont plus difficiles à mettre en lien avec un des Chants de la Divine Comédie. Tous deux mettent en scène un paysage cauchemardesque peuplé d’animaux fantastiques et hostiles. Dans la démarche de De Groux, le lien à Dante est doublement lié à un de ses modèles picturaux : Eugène Delacroix. D’une part, ce dernier est le peintre de Dante et Virgile aux Enfers qui constitue presque une sorte de matrice pour les peintres qui se tournent vers l’écrivain florentin. Depuis le Jugement Dernier de Michel-Ange que De Groux associe à Dante, Delacroix serait le seul peintre « qui fut un interprète vraiment inspiré12 » de la Divine Comédie. Sans prétendre égaler Delacroix, De Groux entend bien combler cette lacune. D’autre part, notre artiste trouve chez le maître du romantisme une approche de la palette et du coup de pinceau qui libère la couleur de toute fonction descriptive. Ses accords chromatiques sont conçus en termes d’expressivité, de férocité pourrait-on dire. De Groux privilégie en effet des associations chromatiques étrangères aux règles physiologiques de la perception visuelle. Le rapprochement du vert et du jaune qui domine le cycle dantesque, par exemple, déroge à la loi des contrastes simultanés. Peut-être est-ce là ce qui a poussé Gauguin à citer De Groux parmi les peintres les plus importants de la seconde moitié du XIXe siècle13 ? De Groux applique cette polychromie décomplexée avec un mouvement de la main qui fait fi de la primauté accordée au dessin. Tout se passe comme si, pour De Groux, le déchaînement de puissances surnaturelles auquel Dante et Virgile assistent devait se traduire visuellement par une approche de la surface picturale où la couleur se trouve dotée d’une énergie incandescente qui brûle le contour des formes et allume des brasiers dans le paysage. Le trait de pastel se rapproche d’une flamme en mouvement.

Ibid., p.141. Les cinq pastels rassemblés par la colectionneuse dans le cadre de la présente exposition constituent en cela un rassemblement unique. Henry De Groux, Journal, op.cit., p.55. 13 Dans les Racontars de Rapin publiés à titre posthume en 1951. 10 11 12

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Des accents bleus, roses, oranges tracés à la hâte, viennent embraser l’atmosphère jaune et verte dans laquelle le paysage baigne. « Mon rêve », écrivait De Groux à Camille Lemonnier au début du XXe siècle, « est de faire des choses qui se meuvent (…), c’est d’arriver à l’énonciation plastique la plus puissante du mouvement14 ». Henry De Groux et Armand Seguin

Dans ses lettres à Roderic O’Connor, le peintre Armand Seguin prétend avoir travaillé pour De Groux à la réalisation des paysages du cycle de Dante. Ce témoignage pose une question qu’on ne peut éluder : la série de pastels dantesques est-elle une œuvre à quatre mains ? Le 26 août 1900, Seguin écrit ceci à O’Connor : « Nous sommes toujours en plein Dante. Je suis passé maître dans l’art de composer et de peindre des rochers titaniques, des forêts inhabitables et des mers furieuses. Cette recherche, faite d’après des photographies de maîtres ou de la nature m’intéresse. Tous ces documents (ils sont légion) m’expliquent l’Art de De Groux15 ». Ce témoignage qui décrit un travail méticuleux, documenté et construit, est à l’opposé de ce que nous savons de l’empressement fiévreux, impulsif, spontané auquel De Groux cède lorsqu’il est à l’œuvre. Et en effet, quelques semaines plus tôt, le 2 mai 1900 précisément, le même Seguin signalait par une belle formule que De Groux travaille « de grand souffle », sans le moindre document, ce qui correspond davantage à ce que nous connaissons des manières de notre homme16. Cette contradiction entre les lettres du 2 mai et du 26 août tend à infirmer la thèse de l’œuvre commune. Que Seguin ait travaillé à ses propres tableaux dans l’atelier de De Groux est assez facile à admettre17. Rien cependant ne vient recouper le fait que les pastels dantesques seraient aussi de sa main. Imagine-t-on Henry De Groux, que l’on sait excessivement absorbé par son art et sa propre personne, qui assimile l’accomplissement de sa destinée à la poursuite de son œuvre, laisser à d’autres le soin de réaliser ce qu’il entend léguer à la postérité ? En tous cas, le nom de Seguin n’apparaît pas dans le compte rendu de l’exposition de 1901 par André Fontainas. La proximité stylistique du cycle de la Divine Comédie avec des pastels de 1895 tend à infirmer le rôle artistique que Seguin s’attribue dans sa correspondance. Ce dernier, fortement isolé, cherche-t-il à se faire valoir auprès de son interlocuteur ? Seguin est aussi dans la détresse financière. Il se peut qu’il se donne un rôle avec l’espoir de se voir rétrocéder une part des ventes éventuelles de l’exposition à la galerie de Georges Petit. Ce qui ressort des lettres de manière plausible, par contre, c’est l’existence d’un projet d’édition né dans le contexte de l’exposition Petit. Seguin espère trouver la somme énorme de 15.000 francs par souscription pour éditer la Divine Comédie avec l’ensemble des pastels18. Il imagine de mettre un comité d’honneur sur pied, qui aurait dû comprendre des écrivains (José-Maria de Heredia, Henri de Régnier, Emile Verhaeren, Camille Lemonnier), des acteurs culturels (Léonce Bénédite, Octave Maus), des critiques d’art (Edmond Picard, Roger Marx, Arsène Alexandre), des collectionneurs prestigieux bien connus de la vie parisienne (Philippe Berthelot, Olivier Sainsère, Charles Hayem19, Gavari). Le Mercure de France est pressenti pour l’édition du volume. Dans le projet de Seguin, les souscripteurs récupèreraient leur mise avec les recettes et recevraient une lithographie. Tony Beltrand aurait été en charge de la gravure. Le projet ne verra jamais le jour, ce qui est curieux au regard de la somme considérable de 12.000 francs que Seguin prétend avoir trouvée20.

Camille Lemonnier, L’école belge de peinture 1830-1905, (1906), Bruxelles, Labor (Espace Nord), 1991, p.198. Armand Seguin, Une vie de bohème, op. cit., p.154 ; voir également p.148. Ibid., p.153. 17 L’atelier occupé à ce moment par De Groux est situé boulevard du Port Royal à Paris. 18 Ibid., p.156. 19 Il se trouve que le collectionneur et mécène Charles Hayem est un habitué de la galerie de Georges Petit où le cycle dantesque est exposé 19 pour la première fois en 1901, et il est surtout proche de Léon Bloy, lui-même ami intime de De Groux chez qui il séjourne dans le contexte de 19 la création du cycle dantesque. Sur la personne de Charles Hayem, voir l’excellent article de Benjamin Foudral, « Charles Hayem (1839-1902), 19 un collectionneur mécène à la recherche d’une légitimation sociale », in Les Cahiers d’histoire de l’art, 2013, p.99-109. 20 Dans sa lettre du 9 novembre 1900. Ibid., p.160. 14 15 16

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Henry de Groux La Divine Comédie. Béatrice

Ca. 1898-1900

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La descente aux enfers

Henry de Groux La Divine ComĂŠdie. Marais du Styx Ca. 1898-1900

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Henry de Groux La Divine ComĂŠdie. Harpie Ca. 1898-1900

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Henry de Groux La Divine ComĂŠdie. Lucifer Ca. 1898-1900

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Henry de Groux La Divine ComĂŠdie. Voleurs en proie aux serpents Ca. 1898-1900

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Emile-Antoine Bourdelle La Nuit 1904

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Boleslas Biegas Pressentiment 1903

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Les rêves de Boleslas Biegas Xavier Deryng

Gustave Kahn fut l’un des plus fervents admirateurs de Boleslas Biegas1. Dans les textes qu’il lui avait consacrés, le poète soulignait la dimension onirique de ses peintures et de ses sculptures, en particulier, dans la préface du catalogue de son exposition à la galerie Seligmann au mois de novembre 1925. Biegas présentait par la première fois au public parisien, rue du Faubourg-Saint-Honoré, ses peintures de la Mystique de l’Infini, dans lesquelles il rendait un hommage prolongé à L’Ile des Morts d’Arnold Böcklin. Gustave Kahn écrivait ainsi : « De ces images, il en est où glisse un rayon de Jules Laforgue, à d’autres la couleur d’une rêverie de Maeterlinck ou d’une rêverie sur Maeterlinck livre refermé2 ». A la fin de sa préface, Gustave Kahn rappelait l’importance du rêve dans les créations de Biegas dès son installation à Paris : « La première fois que je le vis, peu après son arrivée, son petit atelier de la rue Falguière s’emplissait de ses rêveries palpables si foncièrement à lui qu’on a pas su les démasquer. Depuis il a sans cesse accru par la sculpture et la peinture son musée de rêves3 ». Dans ses développements analytiques, Gustave Kahn insistait aussi sur la « solidité de son métier » : « Mais pour peindre du songe, il s’est créé le métier approprié, le procédé qu’il lui fallait pour opposer les densités et les fluidités de ses évocations4 ». Gustave Kahn effectuait également une approche identique pour ses sculptures : « Dans l’œuvre de sculpteur de Biegas, toute palpitante de figuration de l’irréel aux volumes si singulièrement simplifiés par une pensée personnelle, à côté des images de rêves, Biegas par intervalle place des bustes à la fois exacts et puissants. N’a-t-il pas donné les effigies les plus vraies en même temps que les plus intuitives de Verhaeren et de Fontainas5 ». Gustave Kahn ne fut pas le seul poète à placer les créations de Biegas sous l’égide du rêve. Dans sa contribution pour l’Album édité par Louis Theveny en 1906, Emile Verhaeren définissait l’art de Biegas comme un art poétique et onirique : « Oui, vous êtes un poète, mon très cher Biegas. Vous contemplez le monde avec naïveté et profondeur ; votre personnalité s’affirme avec intransigeance, votre regard est différent de celui des autres : les choses, les éléments, les saisons, les nuages vous apparaissent comme des volontés ; vous peuplez la nature entière du songe que vous faites, vous expliquez par elle votre âme tendre, vibrante. Vous avez écrit maint drame, mais vous avez écrit aussi maint bas-relief et mainte statue. Vos œuvres plastiques sont des poèmes6 ». André Fontainas, dans le même Album, écrivait : « Sa pose devant lui n’est point une contrainte, on suit ses mouvements, c’est une incantation : on rêve, on s’abandonne au sortilège délicat7 ». Guillaume Apollinaire n’avait pas participé à l’Album, mais la même année, il estimait que les peintures de Biegas étaient « ce qu’il y avait de plus profond » au 22ème Salon des Indépendants, alors que Matisse exposait « Le Bonheur de vivre » qui l’avait fort peu inspiré. Biegas lui-même accordait au rêve une place dominante au sein de ses créations. Dans l’Album, il avait rédigé un manifeste dans lequel il précisait ses convictions. Traduit du polonais par Marya Cheliga et titré Le criterium de l’art, ce texte, fortement marqué par les thèses esthétiques de Stanislas Przybyszewski, comporte des formulations significatives. Biegas définissait ainsi « l’art comme une entité qui renferme en elle la perfection des rêves8 ». Il convoquait également Juliusz Słowacki qui l’avait fortement inspiré : « Słowacki pénètre l’espace de l’univers, de l’être créateur, il ouvre le portrait du mystère des mondes il devient l’Esprit du Roi de la puissance ; transmet les pensées terrestres sur

On trouvera dans le catalogue de l’exposition organisée par la Société Historique et Littéraire Polonaise de Paris, Boleslas Biegas. Sculptures-Peintures, Paris, Trianon de Bagatelle, 1992, une chronologie détaillée, une anthologie de textes sur Biegas, la liste de ses expositions de 1896 à 1995, et une bibliographie. Paris, Trianon de Bagatelle, 1992, une chronologie détaillée, une anthologie de textes sur Biegas, la liste de ses expositions de 1896 à 1995, et une bibliographie. 2 Gustave Kahn, Boleslas Biegas – Les nuits mystiques, préface au catalogue de l’Exposition des Œuvres de Charles Hetherington le célèbre peintre 2 américain, et de Boleslas Biegas, peintre polonais, Galerie André Seligmann, Paris, 1925, p.10. 3 Ibidem, p.11. 4 Ibidem, p.11. 5 Ibidem, p.11. 6 Emile Verhaeren, Boleslas Biegas in Boleslas Biegas. Sculpteur et peintre. Album, Paris, Louis Theuveny (s.d., 1906), p.11. 7 André Fontainas, Boleslas Biegas in Boleslas Biegas. Sculpteur et peintre. Album,, op.cit., p.16. 8 Boleslas Biegas, Le criterium de l’art, in Boleslas Biegas. Sculpteur et peintre. Album, op.cit., p.6. 1 1 1

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le sein des rêves éternels9 ». Enfin, la puissance du rêve résonne singulièrement dans les dernières lignes du Criterium de l’art : « Les fils délicats des impressions de ma pensée, tels des fils d’eau issus d’un nuage, ont pénétré à travers le sombre brouillard étendu sur l’espace mystérieux de l’énigme de l’Etre. Le désir de mon rêve est de disparaître corps et âme, dans les limbes d’éternelles rêveries, jamais troublées ni par la lutte de la vie, nie par la tristesse, sous l’abri du ciel pur10 ». Contrairement à ce qu’affirmait Gustave Kahn : « Pour ce grand rêveur, le détail biographique est sans grande importance11 », l’enfance tragique de Biegas a manqué la tonalité morbide d’une grande partie de ses sculptures. Né à Mazovie, tout comme Chopin, il perd très tôt ses parents, d’abord son père, puis sa mère12. Orphelin, il garde des troupeaux tout en sculptant des bâtons de berger. Il attire ainsi l’attention du curé de sa paroisse, l’abbé Alexandre Rzewnicki, et de plusieurs notables : un aristocrate, le comte Adam Krasiński, un médecin, le docteur Franciszek Rajkowski, et un philosophe, Alexandre Świętochowski, qui organise une souscription publique auprès de l’intelligentsia varsovienne, pour lui permettre de s’inscrire à l’Ecole des Beaux-Arts de Cracovie en 1897. Grâce à Stanislas Przybyszewski il découvre les peintures de Munch et les sculptures de Vigeland. En 1901, il est chassé de l’Ecole des Beaux-Arts de Cracovie, mais devient membre de la Sécession Viennoise, et il s’installe à la fin de l’année à Paris où il résidera jusqu’à sa mort en 1954. En 1902, Biegas avait exposé pour la première fois sa sculpture au Salon des Indépendants. Elle avait rapidement attiré l’attention des milieux symbolistes parisiens. La revue La Plume lui consacre ainsi une exposition et un numéro spécial13, privilège qui ne fut accordé en sculpture qu’à Rodin et Constantin Meunier. Parmi les collaborateurs de ce numéro spécial, André Fontainas et Marcel Rejà marquèrent un intérêt prononcé pour son haut-relief, Chopin. André Fontainas consacrait ainsi la plus grande partie de sa contribution au Chopin. Le poète définit d’abord la sculpture comme « une flamme », puis il retient les « chevelures » qui « plongent au courant tumultueux des musiques », et s’attarde sur les doigts : « Des milliers de doigts se crispent parmi le flot, les doigts des apeurés, les doigts qui ont provoqué l’épouvante et la mort, les doigts qui ont appelé la dévoratrice angoisse en qui la noblesse charnelle s’est dévêtue de toute beauté d’apparat pour ne montrer plus que la sécheresse en feu d’un réseau de muscles asservis et de nervures distendues14 ». André Fontainas n’oubliait pas de retenir les qualités plastiques de l’œuvre modelée par Biegas : « Et ce n’est pas l’horreur de ces faces convulsées, tordues par le mal et l’inquiétude, ce n’est pas tant la fébrilité multiple de tous ces doigts en action, ce n’est pas tant même l’échevellement de cette femme entêtée à tomber au fond du gouffre et close à tous les appels extérieurs, ce n’est pas tant tout le détail, varié, harmonieux, précis, qui produit l’extase, que l’ordonnance d’ensemble, selon laquelle un fleuve de feu circule, se courbe, sinue et s’exalte, embrassant toute chose partout où il passe, entraînant tout jusqu’à une suprême torsion où, lui-même, d’un profond effort, il se donne tout entier, et cesse, épuisé15 ». Marcel Reja, qui fut à la fois le praticien littéraire de Strindberg, l’ami et l’un des rares défenseurs de Munch en France, et l’un de tous premiers à se pencher sur « l’art des fous », fut tout aussi enthousiaste qu’André Fontainas devant le Chopin : « Chez lui, point de ces froides allégories qui écœurent en la prétention des médiocres ; le symbole trouve presque toujours sa formule immédiate, vivante et vraiment ce n’est pas une froide cérébralité que cette composition du Chopin échevelé sur un clavier de sanglots humains, parmi l’atmosphère où s’échelonnent, épars, les masques divers de la souffrance16 ». Pour représenter Chopin, comme l’ont souligné en 1979, Wiesław Juszczak17, puis Piotr Szubert en 199718, Biegas s’est inspiré d’un dessin de Wojciech Weiss de 1899 dans lequel il avait multiplié les mains et

Ibidem, p.9. Ibidem, p.10. Gustave Kahn, Boleslas Biegas – Les nuits mystiques, op.cit., p.11. 12 Pour une biographie approfondie voir notre monographie (en polonais), Boleslas Biegas, 2011. 13 Boleslas Biegas. Sculpteur, Paris, Editions de La Plume, 1902. 14 André Fontainas, Boleslas Biegas, in Boleslas Biegas. Sculpteur, op.cit., p.20. 15 Ibidem. 16 Marcel Reja, Biegas, sculpteur in Boleslas Biegas. Sculpteur, op. cit., p.23. 17 Wiesław Juszczak, Młody Weiss (Le jeune Weiss), Warszawa 1979, pp. 66-78. 18 Piotr Szubert, Geniusz i Fatum, in Koniec Wieku. Sztuka Polskiego Modernizmu 1890-1914 (Fin de siècle. L’art du modernisme polonais), Warszawie, 18 Krakowie, 1996, p. 61. 90 10 11

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les bras du pianiste. Biegas a, en effet, repris ces multiplications dans le clavier transformé en marée digitale. Ces procédés étonnants, « symbolistes », annonçaient déjà ceux des futuristes. On pense ainsi aux pattes et à la queue du chien de Giacomo Balla, dans son célèbre tableau, Dynamisme d’un chien en laisse de 1912, conservé au Museum of Modern Art de New York. Biegas a également retenu le visage de profil du dessin de Weiss qui réapparaissait dans sa gravure imprimée dans le livre de Stanislas Przybyszewski, Sur les chemins de l’âme, en 190020, Dans le relief de Biegas, les auditeurs de Chopin ont soit des visages qui hurlent, soit des visages grimaçants, qui renvoient au Cri de Munch et aux sculptures de Vigeland, comme L’effroi de 1899. Si l’on aime pratiquer la chasse aux sources, comme certains universitaires, on peut convoquer le sculpteur Auguste Préault qui occupe une place privilégiée dans l’histoire de l’émigration polonaise en France. Il conçut en effet le tombeau d’Adam Mickiewicz au cimetière de Montmorency20. Inspiré du masque mortuaire, le médaillon qui orne la stèle funéraire, représente le visage du poète, les yeux clos, la bouche entrouverte. Préault cultivait la morbidité. Son Christ expirant, de 1846, de l’église Saint-Gervais, Saint-Protais, avait scandalisé ses contemporains, car c’était un Christ « hurleur », « la tête ivre de douleur » comme le définissait Théophile Gautier qui ajoutait : « La bouche crie ce formidable Iama Sabactani qui fit fendre le voile du temple, blêmir le soleil et jaillir les morts du sein de la terre épouvantée21 ». Cependant, l’œuvre qui interpelle le plus le Chopin de Biegas est La Tuerie de 1834. La chevelure, emportée par la bourrasque, de la mère éplorée, détermine des sinuosités très proches de celle de Chopin22. L’enfant mort qui se blottit contre sa poitrine rappelle aussi les trois figures endormies, aux yeux clos, près de la main droite de Chopin. En 1996, lors de l’exposition Fin de siècle, présentée au Musée national de Varsovie, et au Musée national de Cracovie, le plâtre original du Chopin de 1902 occupait une place significative parmi les sculptures de la Jeune Pologne. Piotr Szubert l’avait baptisé, La marche funèbre de Chopin et la considérait comme l’illustration parfaite de l’esthétique de Stanislas Przybyszewski : « Biegas a littéralement appliqué les préceptes de l’auteur Sur les chemins de l’âme, pour donner à l’art la sensation, les pensées, les impressions, le rêve, les visions immédiates tels qu’ils se manifestent dans les recoins de l’âme et tous ses méandres23 ». Piotr Szubert pensait que Biegas avait modelé son Chopin en une seule séance « en pleine folie créatrice et sans aucune interruption du début à la fin24 ». Il voyait aussi dans cette œuvre un autoportrait de Biegas. La marée digitale qui constitue le clavier, ne concernait plus le pianiste (Chopin) mais le modeleur (Biegas). Cette thèse est assez séduisante au premier abord mais elle ne correspond pas à la réalité. Biegas a effectivement modelé rapidement sa sculpture, mais en plusieurs séances, comme le prouve une photographie de son atelier prise par A. Emile en février 1902, où l’on relève que la main droite, volante, du compositeur est absente. Biegas avait également précisé la source de son inspiration à Laurence Jerrold, qui lui consacrera un article important dans la revue anglaise The Artist25. La main droite de Chopin, modelé par Biegas, évoque non pas les accords de la Marche funèbre, mais la partie médiane en ut dièse mineur du prélude intitulé la « Goutte d’eau » de l’opus 28. C’était l’une des œuvres de Chopin que Biegas vénérait : elle apparaît dans sa pièce du théâtre autobiographique, Owczarek (Le petit pâtre) dans la troisième scène du troisième tableau : « (…) on entend la goutte d’eau de Chopin. Le petit pâtre se blottit conte la fenêtre. Quand arrive la tonalité qui soi-disant reproduit les coups de tonnerre, le petit pâtre entre en transe, jette sa flûte, et s’arrache les cheveux. Son visage prend une expression douloureuse. Progressivement, il est inondé de larmes26 ».

Stanisław Przybyszewski, Na drogach duszy (Sur les chemins de l’âme), Kraków, L. Zwolinski i S-ka, 1900, p.87. Cf. le catalogue de l’exposition du Musée d’Orsay, Auguste Préault. Sculpteur romantique 1809-1879, Paris, Gallimard / Rmn, 1997, n° 144, pp.217-218. Ibidem, n° 70, pp. 147-149. 22 Ibidem, n° 31, pp. 131-133. 23 Piotr Szubert, Geniusz i Fatum, op.cit., p. 62. 24 Ibidem, p. 62. 25 Laurence Jerrold, Paris, in The Artist, Londres, numéro de mai 1902, p. 29. 26 Bolesław Biegas, Owczarek. Lechit. Dwa obrazy dramatyczne (Le petit pâtre. Lechit. Deux tableaux dramatiques), Varsovie, 1906, p.30. 19 20 21

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Piotr Szubert avait sans doute été profondément marqué par une légende rapportée par Adolphe Basler dans le numéro spécial de La Plume : « (…) dans le village circulèrent des récits singuliers sur les images qui surgissaient sous les doigts habiles de Biegas. L’imagination populaire, prêtant des ailes à la réalité, créa une légende autour du pâtre, qui frayait avec le diable. L’enfant – prétendait-on – lançait en l’air des boules de glaise qui retombaient façonnées par le malin esprit en figurines diverses27 ». Przybyszewski aurait sans doute fort apprécié l’interprétation de Piotr Szubert qui faisait de Biegas un précurseur non pas de l’« action painting » mais de l’« action sculpture » : un lanceur nocturne de mottes de glaise, transformées au petit matin en Marche funèbre dédiée à Chopin. Contrairement au Chopin de Weiss, le Chopin de Biegas connut une large diffusion. C’était sa première sculpture tirée en bronze, grâce au soutien de la baronne Jadwiga Trutschel. Après avoir été exposée au Salon des Indépendants de 1902, Biegas avait envoyé l’œuvre au Salon de Krywult à Varsovie. L’année suivante, le plâtre original sera exposé à Saint Pétersbourg. L’exposition de Biegas fit beaucoup de bruit dans la capitale de l’Empire Russe, car son Christ28 avait offensé les censeurs religieux, en particulier l’Archimandrite Antoine. L’exposition fut finalement ouverte au public, mais le directeur de la galerie polonaise du Nievski Passage dut choisir entre une amende d’un rouble ou une journée de prison. L’amende fut payée ! Biegas connut ainsi en Russie une notoriété qui surpassait même celle qu’il avait acquise à Paris et qui se limitait aux milieux artistiques. Des reproductions du Chopin furent éditées par la galerie du Nievski Passage sous forme d’affiche. La sculpture fut reproduite également dans plusieurs journaux. Dans un plébiscite organisé par la Gazette de Saint-Pétersbourg, auprès de ses lecteurs, au sujet des dix personnalités russes les plus célèbres, Biegas avait obtenu 51 voix parmi les 1217 personnes qui avaient répondu. Léon Tolstoï avait obtenu 977 voix, Anton Tchekov 613 voix, Ilia Repine 432 voix, Fedor Chaliapine 314 voix, Ivan Pavlov 219 voix, Henryk Sienkiewicz 10 voix. La rédaction du Kraj, l’hebdomadaire polonais du Saint-Pétersbourg ironisait sur la présence de l’auteur de Quo Vadis et de Biegas au sein de ce panthéon russe qui reflétait néanmoins leur réelle notoriété29. En 1903, à Saint-Pétersbourg, Biegas était considéré alors comme un sculpteur majeur. Le correspondant parisien de Kraj l’avait déjà présenté en 1902 comme le « successeur » de Rodin30. Sergiej Solomine sera encore plus enthousiasme par les sculptures de Biegas. Après avoir vu l’exposition à la galerie du Nievski Passage, il lui consacre un long essai intitulé Une sculpture de la pensée. Pour Solomine, les sculptures de Biegas manquent le début d’une nouvelle ère, la naissance de la sculpture moderne. Même chez les plus fervents admirateurs parisiens de Biegas, il est difficile de trouver un credo comparable à celui du critique russe. Solomine écrivait notamment : « La sculpture de Biegas témoigne de la qualité de la pensée de cet artiste, des hauteurs vertigineuses où s’élève son esprit. Voilà pourquoi ces sculptures fascinent ceux qui les regardent et qui, devant elles, restent muets de stupéfaction et ne peuvent s’en détacher. Tellement nous paraissons tous si minuscules à côté de ces nouveaux sphinx grandioses. Je prédis à cette sculpture un immense avenir. Comment dire les pensées qu’ont suscité en moi ces formes auréolées d’idées universelles ? Il me faudrait pour cela écrire tout un livre ! (…) Et je ne trouve pas de mots pour traduire tout ce que mon esprit a ressenti au milieu de ces pensées incarnées, de ces symboles sculptés du présent et du futur, tracés par le ciseau de Biegas et voués grâce à lui à une existence immortelle31 ». Sergiej Solomine n’a finalement pas rédigé de livre sur Boleslas Biegas, mais ses sculptures ont provoqué des rêves esthétiques qui reflètent la puissance du Symbolisme au début du XXème siècle.

Adolphe Basler, Boleslas Biegas. Sculpteur, in Boleslas Biegas. Sculpteur, op. cit., p.4. Le Christ, 1901, plâtre. La sculpture se trouve au Musée National de Varsovie. Cf. le commentaire, paru dans le Kraj, Saint-Pétersbourg, 1903, n° 16, p. 22, qui ironise sur la présence de Boleslas Biegas et d’Henryk Sienkiewicz, 30 considérés par certains lecteurs de la Gazette de Saint-Pétersbourg comme des « célébrités russes ». 31 Nemo, “Feljeton Paryzki” (Feuilleton parisien) in Kraj, Saint–Pétersbourg, 1902, p.312. 32 Sergej Solomine, Rze ba My li (Une sculpture de la pensée), article de mars 1903, conservé à la Bibliothèque Polonaise de Paris dans les archives 30 Biegas. Ce texte a été traduit par Gérard Conio, dans L’avant-garde russe et la synthèse des arts, Lausanne, L’Age d’Homme, 1990, p.159-160. 28 29 30

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Boleslas Biegas Chopin 1902

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Vers l’idéal

Constant Montald L’Eden Ca. 1900

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HĂŠlie Brasilier Adam et Eve 1913

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Emile Fabry Le Printemps 1893

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Henri Martin La Muse 1892

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Carlos Schwabe Les Noces du poète et de la muse ou L'IdÊal 1902

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Edmond Aman-Jean La Poésie mystique (projet de décoration) Ca. 1894

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Carlos Schwabe Les Noces du poète et de la muse ou L'IdÊal 1913

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Victor Rousseau Cantique d’Amour 1896

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Boleslas Biegas La Sagesse 1905

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Paul Landowski Figure pour le Temple de l’Homme Ca. 1925

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Séraphin Soudbinine Vers la lumière 1908

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Biographies des artistes

Edmond Aman-Jean Chevry-Cossigny 1858 - Paris 1936 Aman-Jean commence en 1878 sa formation d’artiste à l’Ecole des beaux-arts de Paris, où il est l’élève d’Henri Lehmann, aux côtés de Georges Seurat, d’Alphonse Osbert et d’Alexandre Séon. Il quitte l’Ecole en 1880 et ouvre un atelier 32, rue de l’Arbalète où il accueille ses anciens camarades d’école. En autodidacte, il étudie au Louvre et à partir de 1883, il reçoit des conseils du célèbre décorateur Puvis de Chavannes et devient même son assistant. Il travaille notamment à la mise au carreau du Bois sacré exposé au Salon de 1884. En 1885, il obtient une bourse d’étude pour étudier en Italie où il se rend en 1886, en compagnie de ses amis Henri Martin et Ernest Laurent. C’est alors la découverte des Primitifs italiens qui vont influencer son esthétique pour le reste de sa carrière. Après des débuts au traditionnel Salon des Artistes français (dès 1883), il rejoint la Société nationale des Beaux-Arts à partir de 1892. Invité par Péladan à rejoindre les artistes de la Rose+Croix, il participe au premier et au second Salon pour lequel il réalise l’affiche sur le thème de Dante et Béatrice : dans une arcade italienne séparée par une colonne se trouve Béatrix dont le nom est écrit sur la colonne qui semble flotter dans les airs. Elle tourne le dos à un ange qui la conduit et tend une lyre à un personnage qu’elle ne voit pas, probablement Dante. Hormis l’iconographie, Aman-Jean subit ici l’influence préraphaélite et peut-être plus encore celle de Puvis de Chavannes. On est proche en effet de sa fresque pour la bibliothèque de Boston. Très introduit dans les milieux littéraires et lui-même critique d’art, il participe notamment aux « Mardis » de Mallarmé où il rencontre Maurice Denis, André Gide et Paul Claudel. À noter qu’Aman-Jean est encore un ami proche de Verlaine dont il réalise le portrait en 1892. D’un point de vue esthétique, l’artiste se caractérise par une peinture à la fois intimiste et décorative, dont témoigne La Poésie mystique (vers 1894), une œuvre à caractère religieux, qui était destinée à servir de carton de tapisserie pour la Manufacture des Gobelins. En 1900, Aman-Jean reçoit sa première commande d’Etat, pour quatre panneaux destinés au Louvre et en 1912, il réalise des panneaux décoratifs, Les Quatre éléments, pour l’Amphithéâtre de chimie de la Nouvelle Sorbonne. En tant que décorateur, notons encore La Confidence et L’Attente pour la salle 1900 des Arts décoratifs. Valère Bernard Marseille 1860 - 1936 Originaire d’Avignon, Valère Bernard débute à l’Ecole des beaux-arts de Marseille et entre ensuite à l’Ecole de beaux-arts de Paris en 1882, dans l’atelier de Cabanel. Il travaillera également avec Rodin et surtout avec Puvis de Chavannes qui lui donnera des conseils. En 1895, il rencontre également Félicien Rops qui influence son esthétique, notamment ses gravures. Valère Bernard est en effet surtout connu pour son œuvre gravé, qui se caractérise par une esthétique proche de celle de Goya, quelque peu tourmentée et d’un noir absolu. Dans cet esprit, se situent Cauchemar exposé, entre autres, à La Plume en 1895 et Le Sphinx (1896), une gravure appartenant à une série de six eaux-fortes et deux vignettes publiées en 1896 par la revue de L’Ymagier de Rémy de Gourmont, réalisés dans un style à la fois proche de Séon, et de sa Chimère, et de Gustave Moreau. Outre la gravure, Bernard se distingue aussi par son œuvre peint et chaque année expose à la Société nationale des beaux-arts et dans de nombreuses autres expositions. L’artiste poursuit des recherches sur l’optique des couleurs

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qui aboutissent à la mise au point du Piano des couleurs (1913) avec la participation du compositeur Karol Bérard qui écrit une musique dont les sons s’harmonisent avec les différentes teintes du prisme. Cet adepte du symbolisme se partage ainsi entre des estampes d’un romantisme noir et des peintures plus colorées plus caractéristiques du Midi de la France, révélant son intérêt pour la lumière. En cela, Bernard est l’une des figures les plus originales de cette génération fin-de-siècle. Boleslas Biegas Koziczyn (Pologne) 1877 - Paris 1954 Dès l’âge de sept ans, Biegas modèle des figurines en terre et développe un véritable don pour la sculpture et se fait remarquer pour son sens de l’imaginaire qu’il gardera durant toute sa carrière. Apparaissant comme un génie et un espoir de la sculpture polonaise auprès d’Alexandre Swietochowski, écrivain et philosophe, ce dernier organise en 1896 une première exposition des œuvres de Biegas, à la librairie Wende à Varsovie, et fait paraître plusieurs articles élogieux sur l’artiste. De 1891 à 1900, Biegas poursuit des études à l’Ecole des beaux-arts de Cracovie, d’abord dans l’atelier du sculpteur Alfred Daun, puis dans celui de Konstanty Laszczka. Grâce à de nouvelles rencontres, Biegas découvre la littérature et la philosophie, Schopenhauer, Nietszche et s’initie à la musique, plus particulièrement au piano, d’où son attirance pour Chopin. Les goûts de Biegas se portent très vite sur l’univers satanique et d’un point de vue technique, ses sculptures apparaissent dès lors comme des hauts-reliefs qui vont déterminer le reste de sa production. En 1901, Biegas participe à la Sécession viennoise avec Le langage de la Pensée et La fin du monde, suscitant des comptes-rendus favorables dans la presse. Désormais totalement détaché des conventions, il se fait renvoyer de l’Ecole de Cracovie et entre à l’Ecole des beaux-arts de Paris, dans l’atelier du sculpteur Paul Dubois. Il s’installe dans le quartier de Vaugirard, où il trouve de nouveaux protecteurs. Ses œuvres attirent l’attention des critiques, notamment son Chopin. C’est une vision monumentale que choisit l’artiste pour rendre hommage au compositeur romantique. Les formes sont traitées avec une sinuosité des lignes, proche de l’Art nouveau. Semblables à des esprits qui surgissent de la matière, des visages et des mains environnent le pianiste dans une sorte de tourmente circulaire. Biegas fréquente le milieu de La Plume et son directeur Karl Boès organise une exposition de ses sculptures en juin 1902. D’aspect totalement avant-gardiste, géométrique et synthétique, ses œuvres sont très remarquées et cette reconnaissance l’amène à rencontrer Rodin. En 1906, une exposition personnelle fait découvrir un autre talent de Biegas : celui de peintre. D’inspiration symboliste, ses compositions picturales attirent par leur côté étrange et mystérieux qui attestent de l’influence de William Degouve de Nuncques et de Jan Toorop. Biegas expose dans de nombreux Salons parisiens, notamment à Nationale des beaux-arts, aux Indépendants, puis au Salon d’Automne. Vers 1913, il donne une orientation cosmogonique et mystique à ses sculptures qui attirent l’attention d’Apollinaire et de Louis Vauxcelles, entre autres, et dès 1916, l’artiste peindra ses premières peintures du cycle des Vampires de guerre auquel appartient Le Vampire Pandore. Emile-Antoine Bourdelle Montauban 1861 - Le Vésinet 1929 Parmi les sculpteurs qui vont marquer la sculpture contemporaine, Antoine Bourdelle occupe une

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place importante. Ancien élève de Rodin, qu’il rencontre en 1893, Bourdelle commence par suivre son exemple, principalement dans la recherche de style, dans la conception de figures isolées comme La nuit ou dans de grands ensembles monumentaux, notamment avec les bas-reliefs du Théâtre des Champs-Elysées, pour lequel il réalise encore un projet de fresques, auquel appartient Lumière. A l’instar du maître, il commence par se distinguer en usant d’un expressionnisme, qui révèle son goût pour l’étrange et le mystérieux, avant d’évoluer vers une esthétique fondée sur des principes de simplification archaïsante des formes, dont témoigne notamment le célèbre Héraclès archer. Sculpteur, Bourdelle se distingue aussi par ses talents de dessinateur. Dès l’âge de sept ans, il suit les cours à l’Ecole municipale de dessin, sous l’autorité d’un professeur photographe. Il est d’abord très influencé par le maniérisme florentin puis évoluera très vite vers un art plus suggestif, inspiré par le mouvement symboliste. Il fréquente alors Moréas et Verlaine. De 1892 à 1893, il expose aux célèbres Salons de la Rose+Croix un nombre important de dessins dont Rêve de pastoure, traité dans un style idéaliste et mystique qui correspond parfaitement aux idées du Sâr. Louis-Maurice Boutet de Monvel Orléans 1851 - Paris 1913 Issu d’une famille d’artistes, il est autorisé après son baccalauréat à suivre des études de peinture auprès de Louis-Henri de Rudder avant d’entrer en 1870 à l’Ecole des beaux-arts dans l’atelier d’Alexandre Cabanel. Il suit ensuite les cours de l’Académie Julian et expose son premier tableau au Salon de 1873. Il devient ensuite l’élève de Carolus-Duran qui va largement influencer sa palette, puis après plusieurs voyages en Algérie (1876, 1878 et 1880) qui lui révèlent la lumière, il se met à peindre en plein-air et adopte des couleurs plus vives et plus contrastées. Il se basera essentiellement sur le contraste de deux couleurs complémentaires, notamment le bleu et l’orangé, comme en atteste sa Sirène, peinte en 1895 dans un style japonisant et très symboliste, proche des Préraphaélites. Il pratique encore l’illustration, notamment pour des livres d’enfants, et aussi l’aquarelle. Il participe d’ailleurs à divers Salons de la Société des aquarellistes français où il remporte un grand succès avec des portraits qui confirme sa réputation. Il publie chez Plon des albums d’images, notamment en 1888, son fameux recueil de vingt-deux Fables de La Fontaine qui comme ses Chansons de France, est encore édité à ce jour. En 1896, paraît encore l’album, Jeanne d’Arc, très influencé par Fra Angelico, et dont les aquarelles sont reproduites en zincotypie, une technique à l’eau-forte avec des encres de couleur. Il devient très vite reconnu internationalement et expose à la Sécession viennoise de 1899, consacrée au graphisme européen. S’intéressant au grand décor monumental, il conçoit un projet (inachevé) pour la basilique du Bois-Chenu à Domrémy, dont Jeanne à la Cour de Chinon, un panneau qui lui vaut une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1900. Hélie Brasilier 1885 - 1970 Peintre rare, Hélie Brasilier fut l’élève de Jean-Paul Laurens. Avec son frère Jacques, peintre également, il voyage en Italie. Ils séjournent chez Armand Point à Fiesole pendant deux ans qui les initie à la peinture à l'œuf dans la tradition des maîtres du Quattrocento et de Cennino Cennini. Ils fréquenteront également

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les ateliers de Haute Claire. A Rome, Hélie Brasilier est envouté par Michel Ange tandis que son frère est profondément marqué par les Primitifs. Il expose aux salons, notamment au Salon des Artistes français à partir de 1900 et régulièrement jusqu’en 1914. En mars 1907, il présente un portrait de Péladan à la sanguine (collection privée) à l’Exposition des peintres et des sculpteurs idéalistes organisée par Paul Vulliaud, fondateurs de la revue Les entretiens idéalistes qui tentait ainsi de donner une suite aux Salons de la Rose+Croix. Cette tentative unique donnera naissance à la Confrérie de la Rosace, fondée en mars 1908 par son frère Jacques, dit frère Angel, qui organisera trois expositions d’art chrétien idéaliste dans son atelier impasse de l’Astrolabe, rue de Vaugirard. Après la guerre les Salons de La Rosace deviendront les Salons de La Rose précieuse où exposeront outre Jacques et Hélie Brasilier, Armand Point et Alexandre Séon. Adam et Eve résume de manière exemplaire les ambitions artistiques de l’artiste et l’influence de Michel Ange dans la posture du personnage féminin qui évoque autant la figure de La Nuit du tombeau de Jules de Médicis, que celle des esclaves. De graves problèmes oculaires qui le rendront presqu’aveugle le contraindront à mettre un terme à sa carrière de manière prématurée. Romaine Brooks Rome 1874 - Nice 1870 C’est en Italie, où elle fuit l’enfer familial, lié aux troubles psychologiques de sa mère et à la folie de son frère, que débute la carrière de peintre de Romaine Brooks. Après un bref passage à la Scuola Nazionale et au Circolo Artistico de Rome, c’est à Capri en 1899 que commence réellement son œuvre de portraitiste. Elle y fréquente les artistes et les intellectuels les plus « libres » de son époque. A la mort de sa mère au début du siècle, elle entre en possession d’une grande fortune. Libre et autonome, c’est à Londres qu’elle s’installe en 1904 et c’est à Saint Ives en Cornouailles qu’elle trouve enfin la lumière et la couleur de sa palette. Le peintre y fait l’expérience des « gris harmonieux » et de l’art subtil des nuances qui caractériseront toute son œuvre. Finalement installée à Paris, elle devient une figure de la société mondaine mais principalement liée aux personnalités les plus avant-gardistes, proche de Gabrielle d’Annunzio, d’Ida Rubinstein ou de Natalie Barney dont elle fut la compagne. L’artiste expose dans des lieux prestigieux : la Galerie Durand-Ruel en 1910, la Sécession viennoise de 1910 à 1914 à l’invitation de l’Union des femmes peintres, à la Sécession italienne à Rome en 1913 ou la Galerie Wildenstein à New York en 1925. Jean-Joseph Carriès Lyon 1855 - Paris 1894 Apprenti dans l’atelier de statuaire religieuse de Pierre Vermare à Lyon autour de 1868, il travaille parallèlement en autodidacte jusqu’en 1873 et étudie l’art gothique qu’il découvre à la fois dans les musées et dans les églises. En 1874, il s’installe à Paris où il devient l’élève d’Auguste Dumont et reçoit encore des conseils d’Alexandre Falguière et d’Henri Lehmann. Il fait la rencontre de Jean-Alexandre Pézieux avec qui il collabore en 1874 dans la réalisation des bas-reliefs d’un fronton pour le château du comte de Brimont à Meslay-le-Vidame. L’intérêt de Carriès pour le grès émaillé et la céramique

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date de l’Exposition universelle de 1878 à Paris où il voit des exemples d’œuvres japonaises réalisées dans cette matière. Il est encore encouragé dans cette démarche par Paul Gauguin lui-même initié par Ernest Chaplet. Carriès réalise de nombreux autoportraits, des animaux étranges et des masques fantastiques inspirés par la sculpture gothique et l’art japonais. Ceci le mène vers une esthétique de la distorsion et de la déformation et finalement au grotesque. Inspiré par le symbolisme, le motif de la tête coupée est récurrent dans son œuvre, à la manière de Gauguin. Son œuvre majeure est incontestablement la Porte de Parsifal commandée autour de 1890 par la future princesse Edmond de Polignac, à partir d’un dessin d’Eugène Grasset, ami de Carriès, et comparable à La Porte de l’Enfer de Rodin. Cette porte monumentale en grès émaillé est décorée de masques à la fois Moyen-Ageux et Chinois : des animaux, des grenouilles, des crapauds, des légumes, des courges, des aubergines, des coloquintes donnent vie à cet encadrement, ainsi que des masques grotesques. Maurice Chabas Nantes 1862 - Versailles 1947 D’abord élève de l’Académie Jullian, il étudie ensuite sous la direction de William Bouguereau et de Tony Robert-Fleury. Il expose au Salon des Artistes français en 1885, 1887 et 1889 puis au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1891 à 1896. Il rejoint de nouveau les Artistes français en 1898 auxquels il reste fidèle jusqu’en 1913 puis retourne à la Nationale. Il expose encore à Nantes de 1890 à 1907 ainsi qu’à divers Salons d’inspiration chrétienne. Il participe par exemple à tous les Salons de la Rose+Croix qui se déroulent de 1892 à 1897. Il reçoit une médaille de bronze à l’Exposition universelle de 1900. D’un point de vue stylistique, Chabas use d’un symbolisme issu de Puvis de Chavannes, en passant par une esthétique cosmique inspirée des idées spirituelles avant d’évoluer vers une abstraction totale autour de 1920. Le paysage exposé, datant de 1895, est symboliste, tant par le sujet puisqu’il s’agit d’un paysage purement imaginaire et mystique, que par son traitement qui donne une impression de brume, traitée dans un camaïeu rose violacé, très dilué. Le dessin est également absent, tout comme les personnages sur la gauche qui présentent des contours imprécis. Ce paysage par sa volonté de simplification tend déjà vers l’abstraction. Attiré par la décoration murale, Chabas réalise de nombreux décors pour des bâtiments publics : mairie de Montrouge, Hôtel de ville de Vincennes, mairie du XIVe arrondissement et gare de Lyon-Perrache à Lyon. Alexandre Charpentier Paris 1856 - Neuilly 1909 Peintre, sculpteur et ébéniste, Alexandre Charpentier fait d’abord son apprentissage chez un graveur-bijoutier du Marais ; il se forme ensuite à la sculpture à l’Ecole des beaux-arts, ainsi qu’à la gravure dans l’atelier d’Hubert Ponscarme, de 1871 à 1876. Ami de Constantin Meunier et collaborateur de Rodin, Charpentier fréquente les milieux littéraires. En 1890, il expose au célèbre Salon des Cent initié par la revue La Plume. Il collabore au Théâtre libre d’Antoine pour lequel il dessine des programmes et réalise encore le décor sculpté du cabaret Le Chat noir. Il était un ami intime de Claude Debussy qui lui a dédié l’une des pièces du deuxième livre des Images pour piano, « Cloches à travers les feuilles ».

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Georges Petit organise une exposition personnelle de l’artiste dans sa célèbre galerie en 1896. Charpentier expose aux Salons des XX entre 1890 et 1893 et fait encore partie des sélections du Salon de la Libre esthétique de 1894 à 1903, de 1908 à 1909, année de sa disparition. Il est présent dans de nombreux autres Salons et expositions, à la Nationale des beaux-arts, à la Rose+Croix où il expose en 1892, mais aussi chez Samuel Bing dans sa galerie de l’Art nouveau. Sensible aux arts décoratifs, il adhère en 1896 à un groupe d’artistes dénommés « Les Cinq », qui prend la forme d’un mouvement en 1898, L’Art dans tout, considérant que chaque objet utile se doit d’être beau et accessible à tous. En tant qu’ébéniste, il participe à plusieurs projets de décoration, comme la villa Majorelle à Nancy. En cela, il doit être considéré comme le rénovateur des arts décoratifs, un des maîtres français de l’Art nouveau, à l’instar de Gallé, Guimard ou Gaudi. Charpentier s’adonne à la fois à la ronde-bosse et à la sculpture appliquée aux arts décoratifs travaillant le bronze mais aussi le bois, l’étain, la terre cuite. La fuite de l’heure, un bronze, exécuté en 1899, représente un homme qui tente de retenir l’Heure qui fuit en repoussant le Temps. Le recours à un groupe de trois personnages dont les destins sont contradictoires créent une dynamique et une tension qui rappelle L’Âge mûr de Camille Claudel qu’elle exposa au même Salon de 1899, à la Nationale des Beaux-Arts. Camille Claudel Fère-en-Tardenois 1856 - Montdevergues 1943 Collaboratrice, modèle et compagne de Rodin et sœur du poète et diplomate Paul Claudel, Camille Claudel mène une carrière vouée à sa passion : la sculpture. Elle suit d’abord les cours de l’Académie Colarossi avant de louer en 1882 un atelier 117 rue Notre Dame-des-Champs avec d’autres femmes sculpteurs. C’est Alfred Boucher, un ami de la famille, qui vient leur donner des conseils ; à son départ en Italie, il sera remplacé, à sa demande, par Auguste Rodin. Ce dernier reconnaît immédiatement le talent de son élève et l’intègre rapidement dans son atelier parisien au Dépôt des marbres de l’Etat, rue de l’Université. Naîtra de cette collaboration et union, une extraordinaire communauté de sentiments et d’inspiration. En 1882 et 1883 et de 1883 à 1889, Claudel expose au Salon des artistes français, surtout des bustes comme celui de son frère et de sa sœur, qui révèlent déjà sa faculté d’exprimer des sentiments. Elle se fait très vite remarquer, notamment par le critique et marchand Léon Gauchez qui encourage la jeune artiste et suscite l’intérêt de riches mécènes comme le baron Alphonse de Rothschild. C’est ainsi qu’elle bénéficie du soutien de la presse, de critiques très influents comme Gustave Geffroy et Octave Mirbeau. Elle expose encore régulièrement à la Société nationale des beaux-arts et aussi à Bruxelles à la Libre esthétique. Plus encore que Rodin, son œuvre tend vers une esthétique symboliste. Artiste géniale et originale, Claudel exerce une certaine influence sur son maître et lui inspire Le baiser et la Porte de l’enfer à laquelle elle collabore. Un chef d’œuvre telle que La Valse, qu’elle offre à Claude Debussy qui conserve la sculpture dans son cabinet de travail toute sa vie, révèle la puissance expressive de son art. Contemporain des séjours de Camille au château de l’Islette, ce groupe apparaît comme le symbole de la première partie de sa carrière, et peut être interprété comme le reflet direct de l’union physique du couple. Celui-ci était alors en parfaite harmonie et l’œuvre en est la pure expression. Amour des corps et des âmes, image du destin et réflexion métaphysique se rejoignent dans cette envolée tournoyante, plus proche de la pensée symboliste que de la sinuosité simplement stylistique de l’Art nouveau. À la suite de sa rupture avec Rodin en 1898, la santé de Camille se détériore nettement ; elle s’effacera peu à peu de la scène artistique.

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Henry Cros Narbonne 1840 - Sèvres 1907 Peintre, sculpteur, céramiste et maître-verrier, Henri Cross suit d’abord l’enseignement des sculpteurs François Jouffroy et d’Antoine Etex et du peintre Jules Valadon. Il débute au Salon de 1861 puis expose au Salon des Refusés en 1863. Il cherche à concilier le relief et la couleur et exploite les procédés anciens de la peinture à la cire. Il publie en 1884, en collaboration avec Charles Henry, L’encaustique et les autres procédés de peinture chez les anciens, histoire et technique. A partir de ses observations sur les collections d’Antiques du musée du Louvre, il met au point un procédé de moulage en pâte de verre et réalise de nombreux médaillons dans ce matériau, illustrant des thèmes antiquisants, dans un style original, entre symbolisme et art nouveau. Vénéré par les écrivains les plus illustres de la fin du XIXe siècle tels que Huysmans ou Henri de Régnier, Cross inspire les maîtres verriers de l’Art nouveau. En 1891, la manufacture de Sèvres met à sa disposition un atelier indépendant et encourage ses recherches. Sa peinture à la cire évoque des scènes de la vie médiévale empruntées aux enluminures des anciens livres d’Heures. A partir de 1893, Cross accorde plus d’importance aux sujets allégoriques et symbolistes, en poursuivant inlassablement ses recherches sur la polychromie. Maurice Denis Granville 1870 - Paris 1943 Il fait d’abord des études classiques au lycée Condorcet à Paris où il rencontre Vuillard et Roussel et suit ensuite les cours de l’Académie Julian qui prépare à l’Ecole des beaux-arts. Il y fait, entre autres, la connaissance de Sérusier et de Bonnard, avec qui il va bientôt former le groupe des Nabis. Il entre ensuite à l’Ecole des beaux-arts dans l’atelier de Lefebvre. Une rencontre importante va déterminer son esthétique : celle de l’œuvre de Gauguin exposée chez Volpini en 1889. En 1890, il publie le Manifeste du mouvement nabi (« Définition du néo-traditionnisme » avec une phrase célèbre : « Se rappeler qu’un tableau - avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote - est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ») qui affirme en peinture la supériorité de la forme sur l’idée. Les années 1890 sont marquées par sa participation à de nombreux Salons : aux Artistes français, chez Le Barc de Boutteville, aux Indépendants ainsi qu’à la Société nationale des beaux-arts. L’année 1895 va marquer le début de nombreux voyages en Italie où il découvre les peintres italiens, notamment les fresques de Pierro della Francesca. Ces peintures sont pour lui le reflet d’un climat spirituel particulier, un mélange de douceur et de sérénité qu’il réinterprète par des tonalités pâles. Professeur, il enseigne encore à l’Académie Ranson de 1909 à 1919, année de fondation des Ateliers d’Art sacré, avec Georges Desvallières. En tant que décorateur, il travaille à la fois pour des édifices religieux (Le Vésinet, Vincennes) et des bâtiments publics (coupole du Théâtre des Champs-Elysées) ou des particuliers (maison d’Ernest Chausson, celle du Comte Kessler à Weimar et de Morosov à Moscou, entre autres). Maurice Denis est un peintre religieux dont la spiritualité se ressent jusque dans ses portraits de figures féminines, totalement idéalisés et intemporels, traités à la manière de Fra Angelico. Avril, réalisée en 1892, témoigne également de l’emprunt aux peintres italiens du Quattrocento, traitée à la manière des prédelles. L’œuvre se rapproche encore du synthétisme de Gauguin et de l’esthétique de Puvis de

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Chavannes dont la composition, basée sur les orthogonales, est rythmée par les positions et le nombre de personnages. Maurice Denis est aussi écrivain et théoricien du symbolisme ; il a publié Théories (1912) puis Nouvelles théories (1922). Georges Desvallières Paris 1861 - 1950 C’est le grand-père de Desvallières, Gabriel Legouvé, homme de lettres et mélomane, qui assure l’éducation du jeune homme jusqu’en 1876, recevant les personnalités les plus importantes du monde artistique et littéraire. Il confie ensuite sa formation au peintre Jules-Elie Delaunay qui présente son élève à Gustave Moreau. Desvallières étudie à l’Académie Julian où il se lie aux peintres René Ménard et René-Xavier Prinet. Il entre en 1879 à l’Ecole des beaux-arts dans l’atelier d’Alexandre Cabanel, qu’il quitte en 1880. Il débute sa carrière aux Artistes français en 1883 où il expose jusqu’en 1901, puis il rejoint la Société nationale des beaux-arts avec des œuvres symbolistes, largement inspirées par Gustave Moreau dont témoigne Narcisse. En 1903, il est nommé président de la section peinture au premier Salon d’automne. Il rencontre Léon Bloy qui exerce sur lui une forte influence spirituelle. Il fait encore la rencontre de Jacques Rouché, polytechnicien, passionné de théâtre qui devient son ami et son mécène et lui commande des panneaux décoratifs pour le salon de musique de son hôtel particulier. Albert Besnard réalise la salle à manger et Maurice Denis le vestibule. En 1911, Desvallières participe à la première Exposition internationale de l’Art chrétien, organisée par la Société de Saint-Jean au Pavillon de Marsan. Artiste pluridisciplinaire, il réalise le décor et les costumes pour Istar de Vincent d’Indy, créé au Théâtre du Châtelet pour les Ballets russes. En 1919, grâce au soutien de Gabriel Thomas, il fonde avec Maurice Denis les Ateliers d’art sacré afin de former des artistes et des artisans à la pratique de l’art chrétien et fournir aux églises des œuvres religieuses d’un caractère à la fois traditionnel et moderne. Desvallières rédige la préface du catalogue de l’exposition « Gustave Moreau et quelques-uns de ses élèves », organisée en 1926 à la galerie Georges Petit. Il succède à Georges Rouault en tant que conservateur du musée Gustave Moreau et à la suite du décès de l’architecte Frantz Jourdain, Desvallières est nommé président du Salon d’automne. En 1943, il devient président de la Société de Saint-Jean, à la suite du décès de Maurice Denis. Charles-Marie Dulac Paris 1866 - 1898 Atteint d'une maladie incurable liée à l'utilisation de la céruse contractée dans l’atelier d’un décorateur de théâtre, Charles-Marie Dulac se convertit à la foi catholique et s’engage dans la communauté franciscaine. S’il expose dès 1890 au Salon, c’est en 1896 qu’il est remarqué à l’occasion de l’exposition de ses deux cycles gravés réunis pour la première fois à la galerie Le Barc de Boutteville. Les trois dernières années de la vie de l’artiste seront les plus intenses et les plus créatives. Dulac voyage en Italie, sur les pas de saint François, et ce sont les paysages de l’Ombrie qui lui inspirent ses œuvres les plus intenses et les plus mystiques. Les effets de lumière sur les collines, le jeu de l'air dans les nuages au-dessus du Tibre, traduisent le sentiment de transcendance ressenti par l'artiste et sont des variations d'un même thème : celui du lien entre l'homme, la création et Dieu. Deux éléments s’imposent dans son œuvre, l’audace des couleurs, dont Dulac fait un usage symbolique et une

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synthétisation des formes. Son ami Huysmans comptait beaucoup sur Dulac pour fonder à Ligugé une colonie chrétienne d’artistes. La mort brutale de l’artiste à l’âge de 33 ans ne lui permit pas d’entrer dans la vie religieuse comme il en avait l’intention et mit fin aux espoirs de ce rassemblements d’artistes. Rogelio de Egusquiza Santander (Espagne) 1845 - Madrid 1915 Peintre, sculpteur et graveur espagnol, il se forme à Paris, auprès de Léon Bonnat. Parfait mélomane, Egusquiza connaissait personnellement Richard Wagner et lui vouait une grande admiration. Il découvre la musique du célèbre compositeur en 1876 à un moment où il résidait à Paris, ce qui l’incite à se rendre à Munich pour entendre l’Anneau des Nibelungen en 1879. La rencontre avec Wagner marque un tournant décisif dans la carrière d’Egusquiza qui va désormais illustrer les grands thèmes wagnériens, en réalisant dans un style symboliste des portraits de ses héros ainsi que des scènes plus spécifiques. Siegmund et Sieglinde réalisée en 1892 et qu’il expose la même année à la Rose +Croix, illustre La Walkyrie, le deuxième des drames lyriques qui constitue l’Anneau des Nibelungen, traité dans un style théâtral et dramatique où les gestes et l’attitude des personnages jouent un rôle important, destinés à communiquer la profondeur des sentiments. L’artiste est présent à presque tous les Salons de la Rose+Croix (1892, 1893, 1896 et 1897) ; il suscite l’admiration de Péladan, wagnérien convaincu, qui écrit ceci : « Seul, R. de Egusquiza a compris comment Wagner et ses leitmotivs pouvaient compléter l’art passionné de Delacroix : c’est un des rares personnages avec qui ma rencontre dans une admiration commune ait été harmonieuse dès l’abord. Il idolâtre Wagner et je l’adore […] Son œuvre de grand peintre s’est décidée à Bayreuth comme son œuvre de tragédiste » (1890). Egusquiza présente encore des gravures sur le thème de Parsifal à l’Exposition universelle de 1900. D’une manière générale, son œuvre synthétise les différentes influences reçues au cours de ses voyages en France, en Allemagne et en Angleterre. Emile Fabry Verviers (Belgique) 1865 - Woluwe-Saint-Pierre 1966 Peintre et décorateur belge, Emile Fabry fait ses études dans l’atelier de Jean-François Portaels à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles. Très influencé par la poésie et le théâtre de cette fin-de-siècle, son style se rapproche très nettement de Blake et de Füssli. Il est encore un fervent admirateur des Primitifs italiens et de Puvis de Chavannes. En 1892, il fonde avec Jean Delville et Xavier Mellery le cercle Pour l’Art, pour lequel il réalise des affiches. Il expose ensuite aux Salons de la Rose+Croix (en 1893 et 1895) et aux Salons d’art idéaliste fondé par Jean Delville en 1896. Il se caractérise alors par une esthétique très proche des théories de Joséphin Péladan et représente des figures féminines, énigmatiques ou hallucinées, à l’esthétique étrange et quelque peu tourmentée. Son style se caractérise encore par son intérêt pour la lumière qui se rapproche des théories de Delville. Comme ce dernier également, il utilise la peinture à l’œuf et a tempera dont il tire des effets chromatiques qui accentuent le symbolisme de ses œuvres. En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Bruxelles où il enseigne jusqu’en 1939. En 1914, il effectue un voyage en Angleterre et découvre les Préraphaélites. En 1919, il revient en Belgique et s’adonne surtout à l’art monumental. Son intérêt pour l’art décoratif l’amène à collaborer avec les

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architectes Victor Horta et Paul Hankar. Il reçoit de nombreuses commandes pour des bâtiments privés et publics (villa de son ami Philippe Wolfers à la Hulpe, Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, Hôtels de ville de Saint-Gilles, Woluwe-Saint-Pierre, Laeken). Georges de Feure Paris 1868 - 1943 Peintre d’origine néerlandaise, il est admis en 1886 à l’Académie royale des beaux-arts d’Amsterdam qu’il abandonne au bout de deux ans et vient s’établir à Paris en 1889. Il commence alors par créer des affiches de cabaret dans un style proche de Jules Chéret. Ami intime des musiciens Debussy, Ravel et Eric Satie, son œuvre s’inspire des poèmes de Charles Baudelaire et des romans de Guy Rodenbach. Dans les années 1890, il est reconnu comme l’un des peintres les plus importants du mouvement symboliste. Son œuvre, très décorative, se caractérise par des représentations de la femme fatale, typique de l’Art nouveau et dont témoigne La femme au chapeau. Sinuosité de la ligne, traitement japonisant de la surface, stylisation du dessin, sont autant d’éléments caractéristiques de l’esthétique fin-de-siècle, entre symbolisme et art nouveau. De Feure apparaît comme l’héritier de Beardsley mariant la femme sophistiquée du Paris 1900 à un érotisme subtil et délicat. Il travaille au décor du cabaret Le Chat noir, collabore à diverses revues et produit un nombre important d’affiches, de lithographies en couleurs et d’illustrations de livres qui comptent parmi les réussites de l’Art nouveau. Présent en 1892 chez Le Barc de Boutteville, il participe encore au Salon de la Rose+Croix en 1893 et 1894, au Salon des Cent à La Plume, à la Société nationale des beaux-arts à partir de 1894, et à la Sécession de Munich en 1896. Son exposition à la galerie des Artistes modernes, dont le catalogue est préfacé par Paul Adam est un véritable succès. En 1890, il collabore avec Bing à la décoration de son pavillon de l’Art nouveau à l’Exposition universelle. Il réalise le décor de la façade avec des panneaux ornés de figures féminines grandeur nature vêtues de longues robes aux motifs de plume de paon. De Feure se caractérise par un style graphique particulier, comparable à celui de Mucha par le choix des couleurs, le tracé des contours et l’élégance des figures. Il réalise encore des meubles qui décorent les pièces avec des sièges recouverts de soie brodée et des meubles dorés dans la pure tradition du XVIIIe siècle, ciselés de motifs floraux stylisés. L’artiste réalise aussi des textiles, des tapisseries, des vitraux, des papiers peints. Hugo Höppener dit Fidus Lübeck (Allemagne) 1868 - Woltersdorf 1948 Ce peintre et illustrateur allemand, inspiré par l’Art déco, le Jugendstil et les anciennes traditions germaniques, célèbre à la fois le corps et la nature. Il fréquente l’Ecole professionnelle de Lübeck puis entre à l’Ecole des beaux-arts de Munich en 1887. Jusqu’en 1889, il devient l’élève de Diefenbach, un peintre qui va beaucoup l’influencer et le dénomme « Fidus ». Ce dernier prône le retour à la nature et vénère le soleil comme un véritable Dieu, véritable expérience religieuse et spirituelle, inspirée de Darwin. Il cherche une synthèse entre l’art et la religion et se veut le précurseur d’une nouvelle culture religieuse de la beauté qui entend retrouver le sublime et le mystérieux. Ces idées font de lui un visionnaire qui s’exprime par des œuvres ésotériques. Imprégné de mysticisme, Fidus affiche des idées théosophiques et se fait un nom en tant qu’illustrateur

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de livres ; il exécute aussi des dessins pour les revues Jugend et Pan. Fidus organise à Munich sa première exposition. Il déménage à Berlin en 1892 et cette même année, il dessine les plans de son premier temple, premier d’une longue série. Il travaillait alors comme illustrateur pour la revue ésotérique Die Sphinx, fortement inspirée par la Société théosophique d’Héléna Blavatsky. L’art de Fidus est encore influencé par le paysage nordique. Ainsi, au symbolisme théosophique déjà présent s’ajoutent ruines et mythologies du Nord. La lumière et le soleil prennent alors une place prépondérante, ce qui explique une série de toiles consacrée à l’ange de lumière : Lucifer, l’archange saint Michel et saint Georges. A travers les figures religieuses et mythologiques que Fidus représente, c’est toujours le même idéal héroïque, solaire, traditionnel et panthéiste qui est symbolisé. Andhré des Gachons Ardentes 1871 - La Chaussée-sur-Marne 1951 Elève de Bouguereau et de Tony-Fleury à l’Académie Julian, il s’impose sur la scène artistique autour des années 1890 avec une peinture à la fois fantastique et mystique. Il débute officiellement au Salon du Champ-de-Mars en 1892. Péladan, à propos de ce dernier envoi évoque déjà son influence préraphaélite, en particulier celle de Burne-Jones. Il ajoute : « Si le grand maître veut bien, en 1893, faire au second Salon de la Rose+Croix l’honneur de quelqu’une de ses œuvres, je lui promets quelque invention digne de l’Ordre et de lui, et qu’il sera traité avec d’autres honneurs qu’en ce Champ-de-Mars, où on le mêle à tout le monde ». Fidèle participant aux Salons de la Rose+Croix, de 1892 à 1897, il se démarque très nettement du reste du groupe et s’affirme par un style quelque peu inspiré d’Eugène Grasset et de Carlos Schwabe, notamment par son goût prononcé pour le mysticisme, les légendes inspirées du Moyen-Age et la figure féminine. Léon Maillard dans un article élogieux paru dans La Plume en 1892, à propos de son envoi à la Rose+Croix en 1892, situe encore l’artiste entre Botticelli et Puvis de Chavannes. Des Gachons expose encore à La Plume notamment Au seuil d’un rêve en 1894. Léon Deschamps apprécie particulièrement l’artiste. Il sera d’ailleurs le seul à bénéficier de deux expositions particulières au Salon des Cent, en 1895 et en 1898, qui lui valent d’élogieux articles. Jean Lorrain, dans un compte-rendu de la revue en 1895, parle d’un art à la fois « naïf » et « intellectuel » ; il décrit une nature vue à travers « un prisme de vitrail, et toute la flore gothique des flamboyantes cathédrales jaillit en hampes fuselées ou s’épanouit en rosaces sur la robe de ses héroïnes et dans l’herbe de ses paysages ». André Mellerio l’intègre en 1896 dans son ouvrage sur l’art idéaliste en peinture, aux côtés d’Alphonse Osbert, Henri de Groux, Alexandre Séon, Carlos Schwabe et Armand Point. Cette même année, il figure encore à l’exposition des Peintres de l’âme, initié par Gustave Soulier, qui lui consacre encore un bel article. Andhré des Gachons était un ami d’Alphonse Osbert, rencontré aux Mercredis de l’Ermitage d’Henri Mazel et fondateur avec son frère Jacques de l’Album des légendes en 1894, qui devient Le Livre des légendes en 1895. Des Gachons illustre divers ouvrages dont Lourdes d’Emile Zola et Salammbô de Gustave Flaubert. Des Gachons se plaira plus tard à traduire la lumière fugitive des aurores et des soleils couchants. Henri Gervex Paris 1852 - 1929 Henri Gervex fait d’abord son apprentissage avec le peintre Pierre Brisset et en 1871, il est reçu à l’Ecole des beaux-arts de Paris dans l’atelier d’Alexandre Cabanel où il suit son enseignement pendant

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cinq ans. Son premier envoi au Salon, en 1873 est couronné de succès et acquis par l’Etat. Son deuxième envoi est également récompensé l’année suivante. Il connaît alors une brillante carrière avec des œuvres qui relèvent davantage de l’académisme. Ami de Degas et de Renoir, il fait la connaissance d’Edouard Manet en 1876 et fréquente les peintres impressionnistes qui vont influencer sa palette. C’est en 1878 qu’il fait scandale en exposant Rolla, considéré comme son chef d’œuvre. En 1882, il effectue son premier voyage en Angleterre avec Rodin. En 1884, il est invité aux XX de Bruxelles où il expose son Job. La toile Ophélie, exposée au Salon de la Société nationale des beaux-arts, thème shakespearien, en rapport étroit avec la musique, témoigne encore de ses recherches sur la lumière. Eugène Grasset Lausanne 1841 - Paris 1917 Après des études d’architecture à Zurich, à partir de 1871, Eugène Grasset poursuit sa formation sous la direction de Viollet-le-Duc avant de se consacrer surtout aux arts graphiques. Il va en effet très vite se spécialiser dans la typographie, l’affiche et l’illustration de livres. On lui doit la figure de la maison Larousse Je sème à tout vent, dont le dessin est très influencé par les Préraphaélites. Il excelle encore dans des domaines très divers : vitrail, mobilier, tissu, papier peint. Dans ses œuvres, il s’inspire à la fois de la femme et de la fleur, typiques de l’Art nouveau. En 1889, il réalise une série de huit aquarelles destinées à être projetées pendant les représentations d’Esclarmonde, un opéra de Jules Massenet dont la création eut lieu le 14 mai 1889, pendant l’Exposition universelle, dans la salle du Châtelet. Révélé par La Plume, ami de Léon Deschamps, il en devient un des piliers. Un numéro exceptionnel lui est entièrement dédié avec des reproductions d’œuvres inédites, puis un second en 1900. En 1892, il participe au premier Salon de la Rose+Croix et expose à Bruxelles à la Libre Esthétique (1894, 1895 et 1897). Cet amoureux de la nature est proche de Gallé et publie en 1897 La plante et ses applications ornementales qui révèle la plante comme élément essentiel de l’Art nouveau. Après 1900, Grasset écrit plusieurs livres scolaires et se voit offrir une chaire à l’Ecole normale d’enseignement du dessin à Paris. Henry de Groux Saint-Josse-Ten-Noode (Belgique) 1866 - Marseille 1930 Peintre, sculpteur et lithographe, Henry de Groux suit les cours de Portaels à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles mais s’en détourne et préfère les conseils ponctuels de Constantin Meunier, Félicien Rops, Xavier Mellery et Alfred Stevens. Il expose en 1886 à l’Essor et à partir de 1887 est élu au sein des XX fondé à Bruxelles par Octave Maus, jusqu’à son exclusion en 1890, pour avoir été désobligeant envers Henry de Toulouse-Lautrec et Vincent Van Gogh qui exposaient également. En 1889, il partage un atelier avec son ami Degouve de Nuncques et la même année, il peint le Christ aux outrages qui rencontre à la fois un grand succès et des attaques virulentes. D’abord exposé à Bruxelles en 1890 au Salon triennal, ce tableau est refusé en 1892 à la Société nationale des beaux-arts, malgré le soutien de Puvis de Chavannes ; il sera ensuite présenté rue Alain Chartier chez Alphonse Osbert où viennent l’admirer de nombreux artistes et écrivains. De Groux fait alors la connaissance de Léon Bloy avec qui il partage des aspirations communes qui marque le début d’une longue amitié. L’artiste expose à la Libre Esthétique de Bruxelles de 1895 à 1897 et en 1908 et 1909. Il participe encore à différents Salons parisiens, à la Nationale, en 1893, 1895 et 1901 et la galerie Georges Petit

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lui consacre une importante exposition en octobre 1901. Henri de Groux participe encore aux festives rencontres de Haute Claire à Marlotte, initiées par Armand Point. Les thèmes iconographiques de sa peinture s’inspirent de ses connaissances littéraires comme la Divine comédie de Dante que l’exposition met en lumière, des pastels traités dans un style romantique et quelque peu tourmenté. Également sculpteur, De Groux réalise, autour de 1910, les bustes de Baudelaire et de Wagner, qu’il admire. En 1919, l’artiste illustre les Trois contes de Villiers de l’Isle Adam et Le Livre secret de Péladan. En 1922, il s’installe dans le midi et réalise des panneaux pour l’Opéra de Marseille. Charles Guilloux Paris 1866 - 1949 Artiste autodidacte, Charles Guilloux se fait surtout remarquer aux expositions de la Société des Artistes indépendants, puis chez Le Barc de Boutteville, aux expositions impressionnistes et symbolistes. Il peint des paysages poétiques, à forte connotation musicale. Il expose au Salon de la Société nationale des beaux-arts en 1905 puis aux Indépendants, entre 1911 et 1914. Charles Guilloux étudie les écrits de Delacroix, de Chevreul et de Charles Henry sur le contraste simultané des couleurs et le mélange optique. Comme les impressionnistes, il crée des séries de paysages, peints en Bretagne, en Normandie et sur les bords de Seine, des paysages qui présentent un caractère expérimental, peints à des heures différentes de la journée, dans des atmosphères vaporeuses, typiques du paysage symboliste. Lumière et couleur sont utilisées comme chez Osbert pour transcrire des émotions et un état d’âme. Les titres de ses œuvres font par ailleurs écho à la musique et à la poésie. En 1891, Charles Guilloux expose pour la première fois aux Indépendants où il est immédiatement remarqué par Roger Marx. Le Barc de Boutteville lui consacre une exposition personnelle en avril 1894. En 1896, André Mellerio dans son ouvrage sur le mouvement idéaliste en peinture relève tout particulièrement la pratique décorative de l’artiste. Louis Welden Hawkins Esslingen (Allemagne) 1849 - Paris 1910 Né près de Stuttgart de parents anglais, naturalisé français en 1895, Hawkins se forme d’abord à l’Académie Julian, de 1873 à 1876, où il rencontre l’écrivain Georges Moore. Il entre à l’Ecole des beaux-arts en 1876 où il est l’élève de Bouguereau, Jules Lefebvre et Gustave Boulanger. Il expose au Salon des artistes français de 1881 à 1891, participe aux Indépendants à partir de 1892 et 1893 ainsi qu’au Salon de la Rose+Croix en 1894 et 1895, puis envoie des toiles à la Société nationale des beaux-arts, de 1894 à sa mort, en 1910. Il est encore présent à la Libre esthétique à Bruxelles en 1894, 1896 et 1898. Très lié avec le milieu littéraire de l’époque, il fait notamment la rencontre de Mallarmé, Jean Lorrain, Robert de Montesquiou. Il est encore ami de Carrière, Rodin et de Puvis de Chavannes, pour ne citer qu’eux. Il se caractérise par un style décoratif, d’inspiration préraphaélite, dont témoigne ses nombreux portraits. Procession des âmes ou Noël, toile mystique (1893) qui aurait du être exposée au Salon de la Rose+Croix mais qui figure néanmoins au Champ de Mars, appartient à la période de conversion de Hawkins au symbolisme. L’artiste imite ici la fresque de Puvis de Chavannes, par la verticalité des arbres qui rythme l’espace de la toile. Des saintes cheminent dans un bois après être descendues

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d’une barque conduite par d’étranges figures encapuchonnées. S’agit-il de la résurrection des âmes tandis que l’église de l’arrière-plan est éclairée pour la célébration de la messe de Noël ? Cette œuvre a appartenu à Alexandre Charpentier, ami de l’artiste et auteur d’un masque le eprésentant (1893, musée d’Orsay), attestant les liens étroits qui unissent alors les participants des différents Salons idéalistes. Jeanne Jacquemin Paris 1863 - 1938 Artiste autodidacte, Jeanne Jacquemin eut une enfance et une adolescence mouvementée à Paris. Elle devient une figure de la bohème après son mariage avec Edouard Jacquemin, un habitué du Chat Noir. Elle fréquente Mallarmé, Verlaine, Huysmans, et la plupart des poètes symbolistes qui lui dédient des poèmes. Elle est aussi une figure qui défraye régulièrement la chronique et les frères Goncourt commentent sa vie dans leur Journal. C’est Rémy de Gourmont qui résume le mieux l’œuvre de Jeanne Jacquemin : « Mélange de catholicisme et de perversité ; son œuvre semble faite pour illustrer Baudelaire et Barbey d'Aurevilly, et j'y sens quelque chose d'encore plus maladif, une exquise putréfaction qui va jusqu'à devenir somptueuse, une immoralité charmante qui se préoccupe très peu de préciser les sexes et qui laisse le doute des androgynats flotter comme une buée de désirs malsains et adorable autour des têtes infi¬niment lasses de vivre qu'elle précise en des pastels d'une science technique très rare chez une femme ». Elle expose pour la première fois en 1889 à l’Union des femmes peintres et sculpteurs. Ne pouvant pas exposer à la Rose+Croix en sa qualité de femme, elle participe aux expositions des peintres impressionnistes et symbolistes de la galerie Le Barc de Boutteville à Paris de 1892 à 1897. A l’hiver 1892, elle expose son autoportrait (n° 68) dans lequel elle se met en scène en Christ. Albert Samain décrit « une tête de Christ couronnée d'épines posée de face sur un ciborium, avec des yeux poignants sous l'éplorement des cheveux », tandis que Jean Lorrain lui consacrera un poème : C’était un grand bois calme aux troncs baignés d’azurs. Une tête d’angoisse aux yeux d’illuminée Flambants et bleus, pensive et de pleurs ravinée, S’y dressait, fleur de songe, au fond du clair-obscur. Tête de sainte errante ou de suppliciée… Une énorme couronne au bois piquant et dur, La couronne du Christ étreignait ce front pur Et doux, striait de sang la face extasiée. Et tandis que les yeux allumés de ferveur Défaillaient et brûlaient, à la fois fous et vides, Entre ses pauvres mains de bleus chardons rigides. S’écrasaient sur sa robe à la place du cœur. Oh ! ces yeux suppliants, enivrés et livides, De femme au front saignant d’épines, ô Douleur ! Jean Lorrain, L’Ombre ardente, 1897

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Bohumil Kafka Nova Paka (actuelle République tchèque) 1878 - Prague 1942 Bohumil Kafka travaille d’abord comme tailleur de pierre, stucateur et ornemaniste à Dresde. En 1895, il entre à l'Ecole supérieure des Arts et Métiers de Prague puis en 1898 à l'Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts où il est l’élève du sculpteur Josef Václav Myslbek. Il découvre l’art de Rodin à Prague en 1902 à l’occasion d’une exposition consacré au sculpteur organisée par la Société artistique Manès ; c’est une véritable révélation. La même année, il visite l’atelier du maître à Paris. Kafka s’installe à Paris en 1904 et pour quatre années jusqu’en 1908. Ses années parisiennes sont les plus fécondes. Il est proche de Rodin qui l'invitera à passer des vacances dans sa villa des Brillants à Meudon en 1906. C’est aussi l’année de sa première exposition personnelle dans la galerie de son fondeur Adrien Hébrard, rue Royale. Le catalogue est préfacé par Camille Mauclair qui entretenait des liens avec la Société artistique Manès, dont Kafka fut un membre actif. Il expose également et avec succès au Salon d'Automne à Paris à partir de 1905. Il y présente en 1908 Les Etoiles (n° 1033), bronze qui appartient au fondeur Adrian Hébrard. Kafka voyage ensuite quelques années avant de rentrer définitivement à Prague en 1916 où il est nommé professeur à l'Ecole des arts appliqués et en 1925 à l’Ecole des Beaux-Arts. Son œuvre s'engage alors sur la voie du « retour à l'ordre ». Fernand Khnopff Grembergen-Termonde (Belgique) 1858 - Bruxelles 1921 Peintre, dessinateur, sculpteur, photographe et écrivain, Fernand Khnopff est considéré comme une figure les plus marquante du mouvement symboliste belge. Né à Bruges dans une famille aristocratique, il débute des études de droit pour suivre la volonté de son père, magistrat, mais qu’il abandonne rapidement pour l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles où il est l’élève de Xavier Mellery. Il a pour condisciple James Ensor et Jean Delville. Il découvre les Prérafaélites anglais à l’Exposition universelle de 1878 mais aussi la peinture de Gustave Moreau et de Delacroix pour qui il a une grande admiration. Il développe un art très personnel, d’une grande densité poétique dans lequel sa sœur Marguerite, tiendra un rôle capital, celui d’une véritable muse. A Paris, il est présent aux Salons de la Rose+Croix de 1892 à 1894 puis en 1897 où il expose Les Lèvres rouges qui sera également exposé l’année suivante en 1898 à Vienne où il est l'un des invités d'honneur de la première Sécession. Artiste d’obsession, ses œuvres sont peuplées de femmes androgynes à l’identité sexuelle trouble ; le silence, la solitude, la méditation, les paysages déserts les caractérisent. Il utilise plus volontiers le pastel, la sanguine et l’aquarelle, techniques propres au mystère et à l’indétermination. Il affectionne les formats hauts et étroits et des cadrages resserrés qui attestent son intérêt pour la photographie. « Le peintre des paupières closes » influencera des artistes comme Edvard Munch ou Gustav Klimt. Frantisek Kupka Opocno (actuelle République tchèque) 1871 - Puteaux 1957 Kupka débute sa formation artistique à l’Académie des beaux-arts de Prague en 1887. Il découvre

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Vienne et Londres avant de s’installer à Paris au milieu des années 1890. Il commence à gagner sa vie comme dessinateur pour la presse satirique, et créé des affiches pour les cabarets. Il s’initie à l’occultisme et au spiritisme ce qui aura une grande influence sur sa créativité. Il développe une œuvre symboliste très personnelle et d’une grande inventivité avant de se tourner vers l’abstraction, très tôt, dès les années 1909-1910. Il s’inspirera à plusieurs reprises des œuvres d’Egar Allan Poe que Baudelaire dès 1848 puis Mallarmé avaient contribué à faire connaitre en France. Est-ce pour un projet d’illustration des Poèmes d’Edgar Poe que L'Idole noire est réalisée ? Quoiqu’il en soit, c’est bien le poème Terre de songe qui inspire à Kupka cette statue colossale qui se dresse à contre-jour dans la pénombre d'un paysage désolé : Par une sombre route déserte, Hantée de mauvais anges seuls, Où une Idole, nommée Nuit, Sur un trône noir règne debout, Je ne suis arrivé en ces terres-ci que nouvellement, D’une extrême et vague Thulé, D’un étrange et fatidique climat qui gît, sublime, Hors de l’Espace, hors du Temps. Charles Lacoste Floirac 1870 - Paris 1959 Autodidacte, Charles Lacoste expose pour la première fois à Paris en 1898 au Salon des Cent organisé par la revue La Plume qui vient de publier son article : « La Simplicité en peinture » dans lequel il revendique la beauté du quotidien. En 1905, il présente ses œuvres à la galerie Druet ; son ami de lycée, le poète Francis Jammes, rédige un article pour L’Art Moderne, avec ces mots qui résument parfaitement la peinture de l’artiste : « Charles Lacoste habite le pays de la discrète harmonie. Là règne un goût si parfait que jamais un cri discordant ne trouble le paysage. Nulle tendance aux effets. Cette peinture est naturellement simple et distinguée sans effort (…) Jamais ici ne manque de tenue. C’est une noblesse naturelle, transposée à tout, d’une âme passionnée, mais qui hait le tumulte, d’une âme qui ne sourit qu’à la façon des collines, c’est-à-dire dans l’ombre apaisée ». Aux paysages ensoleillés du sud, il préfère ceux de Londres ou du sud-ouest où il réside fréquemment, plus propices aux atmosphères brumeuses, rêveuses et parfois inquiétantes. Paul Landowski Paris 1875 - Boulogne-Billancourt 1961 En 1893, Paul Landowsky entre à l’Académie Jullian où il est l’élève de Jules Lefebvre. Parallèlement, il suit des cours à l’École de médecine où il assiste quotidiennement aux dissections. Il entre en 1895 à l’École des beaux-arts dans l’atelier du sculpteur Barrias. En 1900, son David combattant lui vaut le Premier Grand Prix de Rome de sculpture et il part passer quatre années à la villa Médicis. Il voyage également en Tunisie.

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Il expose en 1906 au Salon des Artistes français. C’est l’année de ses premiers succès et des premières commandes publiques, qui se multiplieront après la guerre. En 1926, Landowski entre à l’Institut. En 1933, il est nommé directeur de l’Académie de France à Rome, puis directeur de l’Ecole des beaux-arts en 1937. Très tôt, il pense à un « grand-œuvre », un temple dédié à la gloire de l’homme. Paul Valéry, ami du sculpteur, lui donne un nom : Le Temple de l’homme. L’ambition est à la mesure de l’idéal. En 1925, à l’Exposition des Arts Décoratifs, Landowski en expose plans et maquettes : quatre murs entièrement sculptés qui content l’histoire de l’humanité. A Prométhée enchaîné, répond le Christ crucifié. Aux luttes et victoires du Héros, s’oppose l’apaisement des chants sacrés : les Védas hindous de l’Hymne à l’aurore ou encore le Cantique des créatures de saint François. Le Temple rêvé par l’artiste ne verra jamais le jour mais des œuvres comme cette figure attestent la permanence des idéaux symbolistes jusque dans les années 1920. Lucien Lévy-Dhurmer Alger 1865 - Le Vésinet 1953 Lucien Lévy débute sa formation dans le domaine des arts décoratifs. Il fait son apprentissage dans l’atelier du céramiste Clément Massier à Golfe Juan. Il pratique parallèlement et en autodidacte la peinture de chevalet et le dessin. Il expose pour la première fois en 1894, à la salle du Théâtre d’application de La Bodinière à Paris, pour l’exposition d’artistes idéalistes organisée par la revue L’Art et la vie. L’année suivante, il rencontre le poète Georges Rodenbach dont il réalise le portrait. Ce dernier l’aide à organiser sa première exposition monographique à la galerie George Petit qui lui apporte une certaine notoriété. A cette occasion, il ajoute à son nom le patronyme de sa mère et expose pour la première fois comme Lévy-Dhurmer qui deviendra son nom d’artiste. Il participe la même année aux Peintres de l’âme mais jamais aux Salons de la Rose+Croix malgré l’invitation de Péladan. Peintre de la suggestion et du mystère, sa technique de prédilection est le pastel qu’il pratique de manière virtuose, notamment dans ses portraits ou cette matière de l’étrange rappelle parfois la céramique. Même lorsqu’ils s’accompagnent d’un traitement réaliste du visage, les portraits de Lévy-Dhurmer sont idéalisés et spiritualisés par les costumes, la mise en scène spectaculaire aidé par l’usage de la couleur et la technique frémissante du pastel. A cet égard, sont exemplaires le grand portrait en pied de la princesse Soutzo qui fut aussi madame Paul Morand exposé pour la première fois depuis l’exposition Proust de 1971 au Musée Jacquemart-André et qui se dresse telle une apparition quasi magique dans un halo de lumière ou celui de Marguerite Moreno dans le rôle de sœur Gudule, le visage cerné d’un voile blanc qui se découpe sur un fond sombre rehaussé d’or telle une icône, et que Fagus décrit dans la Revue Blanche en janvier 1900 « Le Buste de Mlle Moreno, dans son rôle du Voile, s’étale, mat et blanc, tout en surface, ainsi qu’une hostie ». A l’inverse, frontale, incandescente et inaccessible, son Hélène de Troie, un pastel inédit, s’impose dans une explosion de couleurs de feu ; l’héroïne laisse derrière elle la ville en flammes dont elle semble l’émanation. Ses yeux bleus fixent le spectateur et le provoquent intensément. Eugène Loup Rodez 1867 - Paris 1948 Elève de Gustave Boulanger, Benjamin Constant et de Jules Lefebvre à l’Ecole des beaux-arts, Eugène Loup expose pour la première fois à la Société nationale des beaux-arts en 1892.Comme Lévy-Dhurmer,

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sa technique de prédilection est le pastel qui convient parfaitement à son œuvre sensible et intimiste. Il sera d’ailleurs membre de la Société des pastellistes. Il est surtout reconnu pour ses portraits méditatifs et rêveurs, d’une sérénité énigmatique, mais il réalisera aussi des paysages emprunts de mystère comme cette Forêt de Fontainebleau qui rappelle les peintures scandinaves. Pierre-Amédée Marcel-Beronneau Bordeaux 1869 - La Seyne-sur-Mer 1937 Marcel-Beronneau étudie à l’Ecole des beaux-arts de Bordeaux avant de rejoindre Paris pour intégrer l’Ecole des Arts Décoratifs et enfin l’Ecole des beaux-arts, en 1892, dans l’atelier de Gustave Moreau. Il y rencontre Georges Rouault, avec qui il partagera un atelier boulevard du Montparnasse. Il remporte le 1er Grand Prix des Arts Décoratifs en 1893 et en 1894, il est désigné premier au concours Chenavard. Dès 1895, il expose au Salon des Artistes français. Il est remarqué et le critique Arsène Alexandre écrira qu’il est un « grand artiste raffiné », un « peintre délicat, sérieux, souvent profond, qui joint une parfaite probité aux aspirations de pensées les plus élevées ». Digne élève de Moreau, proche du milieu des Rose-Croix, sensible au mouvement Préraphaélite, il forge son style propre, illustrant plus particulièrement des personnages mythiques et bibliques féminins : Léda, Sapho, Judith, Gorgone, Méduse et surtout, Salomé. Hanté par ces figures à la sensualité exacerbée et réinterprétant sans cesse les mythes, il les met en scène dans des compositions fantasmagoriques, théâtrales et toujours avec une dimension monumentale. Henri Martin Toulouse 1860 - La Bastide du Vert 1943 Henri Martin entre en 1877 à l’École des beaux-arts de Toulouse dans l’atelier du peintre Jules Garipuy. Une bourse municipale lui permet de poursuivre son apprentissage à Paris dans l’atelier du peintre Jean-Paul Laurens. Il expose dès 1880 au Salon et remporte un succès au Salon de 1883 avec Francesca da Rimini. En 1885, un voyage en Italie en compagnie d’Aman Jean et d’Ernest Laurent marque un tournant dans sa vie d’artiste. Il découvre les Primitifs et la lumière du sud qui orientent l’artiste vers des scènes idéalisées baignant dans une atmosphère onirique et vers une technique nouvelle faites de touches courtes, des couleurs vives et lumineuses qui le rapproche des néo-impressionnistes. Il participe au premier Salon de la Rose+Croix, et à celui de la Bodinière en 1894 ou il expose des œuvres à thèmes résolument symbolistes notamment Le Silence qui est une image marquante du symbolisme. Il reçoit de nombreuses commandes publiques, ornant des édifices tels que le Capitole de sa ville natale, la Sorbonne et l’Élysée (1908) ou encore le Conseil d’État (1914-1922). Il s’installe finalement dans le Lot un atelier à Labastide-du-Vert où il se détache peu à peu des thèmes symbolistes, sans toutefois abandonner la poésie de la peinture de ses débuts. Edgard Maxence Nantes 1871 - La Bernerie-en-Retz 1954 En 1891, Maxence est reçu au concours d’entrée à l’École des beaux-arts de Paris. Il s’inscrit tout

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d’abord dans l’atelier d’Élie Delaunay puis, à la mort de ce dernier, dans celui de Gustave Moreau. La rencontre entre Maxence et Moreau est décisive pour l’artiste qui restera dans l’atelier de son maître jusqu’en 1896. Fasciné par les légendes locales de sa terre natale, il aime à recréer des atmosphères médiévales, teintée de religiosité où il serait vain de chercher un sens, Maxence rejetant l’idée même de sujet, préférant que ces compositions inspirées de textes religieux ou de légendes celtiques gardent leur mystère. Comme Armand Point, il utilise la tempera et les fonds d’or mais aussi la peinture à l’encaustique qui accentue parfois l’aspect primitifs de ses scènes en dépit d’un traitement réaliste des visages qui sont parfois ceux de ses proches. Il expose aux trois derniers Salons de la Rose+Croix. En 1900, il présente à l’Exposition Universelle Les Fleurs du lac, son chef d’œuvre, qui est récompensé d’une médaille d’or ; et pour lequel il reçoit la Légion d’honneur. Emile-René Ménard Paris 1861 - 1930 Né dans une famille cultivée, Emile-René Ménard est élevé dans l'admiration de la Grèce antique. Il se familiarise dès son enfance avec la peinture de Corot, Millet et des peintres de Barbizon. Son père, historien de l’art et directeur de la Gazette des Beaux-Arts, et son oncle, poète parnassien, lui transmettent une solide culture classique. Apprenti chez le décorateur Galand, il est l’élève de Baudry, Bouguereau et Lehmann, puis fréquente l’Académie Julian à partir de 1880. Il expose successivement au Salon des Artistes français dès 1883, à la Société Nationale des beaux-arts, au Salon de la Sécession à Munich en 1893, au salon idéaliste de La Bodinière en 1894 et enfin à la libre esthétique de Bruxelles en 1897. L’artiste voyagera constamment dans le bassin méditerranéen, dont les paysages sont une source constante d’inspiration. Ménard reçoit de nombreuses commandes de l’Etat après 1900 pour les décors de la Sorbonne, la faculté de Droit de Paris, l’Institut de Chimie et la Caisse d’Epargne de Marseille. L’artiste, dont les nombreux paysages traduisent une quête d’idéal antique, puise ses sources chez Poussin, Claude Lorrain et Puvis de Chavannes. Son style évolue vers de vastes scènes de nature au fur et à mesure de sa carrière. Il affectionne les atmosphères intimes, la lueur dorée des crépuscules avec un sens de la monumentalité. Ses compositions, aux sujets indéterminés, sont peuplées de figures rêveuses en communion avec la nature, inspirées par la mythologie ou l'Antiquité et s’imposent par un panthéisme élégiaque. George Minne Gand (Belgique) 1866 - Laethem-Saint-Martin 1941 Fils d’un architecte, Georges Minne suit d’abord des cours d’architecture à l’Académie royale des beaux-arts de Gand pour suivre l’exemple de son père. Mais d’un esprit farouchement indépendant, il s’affranchît rapidement de l’enseignement académique pour suivre sa propre voie. Il expose pour la première fois au Salon de Gand en 1889, puis au Salon des XX à Bruxelles l’année suivante. Très vite remarqué par les symbolistes, il se lie d’amitié avec les poètes symbolistes Maurice Maeterlinck,

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Emile Verhaeren et Grégoire Le Roy. En 1891, il se rend à Paris pour y rencontrer Auguste Rodin qui l’encourage à suivre sa voie. En 1892, il participe au premier Salon de la Rose+Croix. En 1898, il quitte Bruxelles pour Laethem-Saint-Martin près de Gand, où se rassemblent des artistes. Il y construit sa maison dans laquelle il vivra et travaillera toute sa vie. C’est au milieu des années 1890 qu’il élabore son sujet de l'adolescent nu, introverti, agenouillé, la tête inclinée, fragile et isolé du monde qu'il reprendra de nombreuses fois dans son œuvre. Minne limitera toujours ses sujets à quelques thèmes essentiels et universels, et sur lesquels il reviendra inlassablement avec un sens aigu du tragique, une intense sensibilité empreinte de primitivisme mystique. Ce n’est pas le sujet qui intéresse l’artiste ; à propos de La Douleur, Grégoire Le Roy écrit « ce n’est pas l’histoire de tel ou tel sentiment, c’est la légende de la douleur à travers le temps que traduit intellectuellement Minne ». Ce dépouillement et cette simplification valent au sculpteur d'être violemment critiqué pour son primitivisme, sa gaucherie et son métier rudimentaire. Son compatriote, le poète Emile Verhaeren, le défend et souligne que « ses personnages sont presque en dehors de ce qu'il est possible d'être (...) ils viennent et vont vers les au-delà où seule l'Idée peut habiter ». Dans la conception artistique de Georges Minne, la ligne demeure le moyen plastique par excellence, les contours soulignent la solidité de la statue. La figure est absorbée en elle-même, recueillie, douloureuse ou résignée, creusée par la maigreur. L'artiste cherche des volumes capables de s'imposer par leur plénitude. Simplifiant sans relâche, il réussit à donner à ses figures une véritable monumentalité. Constant Montald Gand (Belgique) 1862 - Bruxelles 1944 Constant Montald débute sa formation artistique dans sa ville natale de Gand. Il étudie à l’Académie des Beaux-Arts. La bourse d'études de la ville associée au Grand Prix qu'il reçoit, lui permet de s’installer à Paris en 1885 et de s’inscrire à l’Ecole des beaux-arts. Dès l’année suivante, il remporte le prix de Rome qui lui confère une renommée dans sa ville natale. Après un séjour en Italie, il rentre à Bruxelles où il enseigne à l’Académie royale des beaux-arts. Il fréquente les artistes, poètes et écrivains symbolistes belges qu’il reçoit dans sa maison de Woluwe-Saint-Lambert. En 1894, il participe à l’exposition organisée par le groupe d'étude ésotérique Kumris avec Jean Delville et le sculpteur céramiste Craco, et en 1896 aux premier Salon d’Art idéaliste avec Victor Rousseau. Il se consacre à des œuvres monumentales et à de grands décors où se dégagent de multiples influences, celle des préraphaélites et celle de Puvis de Chavannes. La visite de la Basilique Saint Marc de Venise lui avait révèle la beauté des fonds d’or dont il usera en l’associant à des couleurs assourdies bleues pâles inspirées de des Primitifs et de la fresque pour créer des paysages élyséens ou dominent des sentiments de sérénité, de calme et d’ordonnance. Gustave Moreau Paris 1826 - 1898 Fils de l’architecte Louis Moreau qui lui inculque une solide culture classique, Gustave Moreau fréquente l'atelier de François-Edouard Picot. Il y prépare le concours d'entrée à l'Ecole royale des beaux-arts où il est admis en 1846 et qu’il quitte en 1849 après son deuxième échec au Prix de Rome.

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En 1851, il rencontre Théodore Chassériau avec qui il se lie d'amitié. Cette rencontre sera déterminante pour lui et influencera durablement ses œuvres. En 1852, Moreau est admis pour la première fois au Salon officiel. La même année ses parents lui offrent une maison particulière au 14 rue de La Rochefoucauld qu’il occupera jusqu’à sa mort. Il aménage son atelier au troisième étage. En 1864, son Oedipe et le Sphinx est acquis au Salon par le prince Napoléon et en 1869, il expose Prométhée et L'enlèvement d'Europe ; il obtient une médaille, mais il est sévèrement traité par la critique. Il n'exposera plus jusqu'en 1876. Il succède à Elie Delaunay comme professeur à l'Ecole des beaux-arts où il enseigne de 1892-1898. Il y a pour élèves Georges Rouault, Henri Matisse, Albert Marquet, Henri-Charles Manguin, Edgar Maxence. Le dimanche, il reçoit ses élèves dans sa maison, ainsi que quelques jeunes artistes comme Ary Renan, son premier biographe et George Desvallières. Le style de Moreau atteindra sa maturité vers 1870 : il créé des univers fantastiques aux atmosphères inquiétantes, imprégné de charmes ambigus dont les clairs-obscurs dorés, les compositions complexes, le climat à la fois sensuel et mystique en sont les principales caractéristiques, qui imposeront le peintre comme une personnalité déterminante du symbolisme. Considéré comme un maître par deux générations d’artistes, mais très indépendant, il fuit les milieux d’avant-gardes et refusera d’exposer à la Rose-Croix préférant poursuivre son œuvre ambitieuse faite de recherches obsessionnelles à l’écart et dans une solitude relative. Gustave-Adolphe Mossa Nice 1883 - 1971 Fils du peintre Alexis Mossa qui fut le premier conservateur du musée de Nice, Gustave-Adolphe Mossa y vécu toute sa vie d’artiste et prendra la succession de son père à sa mort en 1926. Il étudie à l’Ecole des arts décoratifs où enseigne son père et débute une carrière d’illustrateur. Parallèlement, il écrit des pièces de théâtre, des poèmes et des livrets d’opéra. Appartenant à la dernière génération symboliste et d’un caractère excessif, Mossa cultive « le goût du détail jusqu’à la névrose et celui du bizarre jusqu’à la caricature » (J.-D. Jumeau-Lafond, 1999). La Lune fait exception. D’un grand raffinement graphique elle témoigne des facilités de l’artiste « ymagier » qui dédicace l’œuvre à Maurice Maeterlinck qui s’installera lui-même à Nice dans les années 30. Les détails de la coiffure rappellent certes L’Oiseau bleu qui connait « le grand secret des choses et du bonheur » ; Mossa réalisera d’ailleurs un char sur le même thème pour le Carnaval de Nice en 1914. Alphonse Osbert Paris 1857 - 1939 Après une formation académique à l’Ecole des beaux-arts sous la direction d’Henri Lehmann, Alphonse Osbert débute une carrière classique, influencée par le peintre Bonnat et les maîtres espagnols. Très vite associé au groupe des néo-impressionnistes, il expose au Salon des indépendants avec son ami Seurat et poursuit ses recherches sur la lumière et les couleurs inspirées par les théories de Chevreul et dont témoigne Un coin de rêve. Ami de Péladan et fidèle adepte des Salons de la Rose+Croix auxquels il participe de 1892 à 1897,

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Alphonse Osbert est considéré comme l’artiste le plus représentatif du mouvement rosicrucien. Son art, empreint de mysticisme et de spiritualité, se distingue en effet très nettement de celui du noyau d’artistes qui exposent également sous l’égide de Péladan. Mystère de la nuit, qui apparaît au Salon de 1897, est incontestablement l’œuvre la plus représentative des idées esthétiques du Sâr, œuvre totalement monochrome avec ce bleu si caractéristique, œuvre éminemment décorative et qui préfigure les premières décorations murales, notamment celles réalisées en 1900 pour une villa particulière à Vichy, La Douchka, dont Sérénité fait partie. Sérénité et harmonie seront les principes esthétiques de base de l’art d’Osbert : compositions calmes basées sur les orthogonales à la manière de Puvis de Chavannes, simplification de l’espace, dessin synthétique, aplat et monochromie. Présent dans toutes les grandes manifestations d’avant-garde, Osbert est l’exemple type de l’artiste qui a su mener une carrière réussie, très introduit à la fois dans les milieux artistiques et littéraires dont témoigne Inceste d’âmes, un programme réalisé pour la pièce de Jean Laurenty et Fernand Hauser pour le Théâtre Libre en 1896. Armand Point Alger 1860 - Naples 1932 Armand Point nait en Algérie où il commence une carrière de peintre portraitiste. Il expose à partir de 1882 au Salon. En 1888, il s’installe à Paris en 1888 et entre aux Beaux-Arts dans les ateliers de Cormon et de Herst. Péladan le remarque et lui demande de participer aux Salons de la Rose+Croix. Son premier voyage en Italie en 1894 est une véritable révélation. Il change radicalement de style et d’inspirations. Les sujets traditionnels de l’art médiéval et renaissant, le retour au passé et les traditions légendaires deviennent pour l’artiste une source constante d’inspiration et de renouvellement. Il créé des univers idéalisés et plus ou moins allégoriques se mêlent figures féeriques, paysages idylliques et forêts mystérieuses, évocation des saisons ou de la musique. Il étudie les traités anciens de peinture allant jusqu’à reconstituer les techniques de peinture a tempera et à fresque d’après Cennino Cennini. En 1896, il fonde à Marlotte, près de Fontainebelau une communauté d’artistes à l’image de celle créée par William Morris en Angleterre. Sous sa direction, sont réalisés émaux, céramiques, bronzes, broderies, etc. Il imagine un domaine où chaque artiste trouverait sa cellule monacale, une bibliothèque, des salles d'étude, de réunion, des espaces où peindre et créer en toute liberté, des ateliers pour orfèvres, sculpteurs, avec un laboratoire équipé d'un four à céramique, d'un autre pour les émaux, des salons de poésie et de musique. C'est Elémir Bourges qui baptisa la demeure Hauteclaire du nom de l'épée d'Olivier, ami de Roland, paladin tué à son côté, à Roncevaux. Haute-Claire était née, « ce cloître dont les cellules seraient des ateliers, dont la cloche sonnerait des heures et dont la prière serait le travail ». François Pompon Saulieu 1855 - Paris 1933 François Pompon débute sa formation chez un tailleur de pierre. En 1870, il suit les cours de l’Ecole des beaux-arts de Dijon puis en 1875, ceux de l’Ecole des Arts décoratifs de Paris. Il entre comme praticien chez Antonin Mercié. Il devient rapidement un des praticiens les plus recherchés de Paris, taillant le marbre pour Auguste Rodin et pour Camille Claudel En 1879, il expose pour la première fois au Salon des Artistes français et en 1886, présente un premier

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Buste de Sainte Catherine, martyre chrétienne caractéristique de cette période symboliste. Le plâtre diffère du marbre conservé au Musée de Saulieu, notamment par le traitement des accessoires de la suppliciée : les lys, les roses, l’épée sont plus présents et traités de façon plus réaliste. Quant à l’expression d’intense spiritualité et de communion extatique avec l’Idéal, elle est identique. Le traitement nerveux et frémissant du plâtre en accentue la portée dramatique. Considérée comme un hommage à La Martyre de Rodin dont il reprend la posture, Pompon au contraire du maître conserve les traits caractéristiques du modèle et ne gomme pas son aspect physique. A partir de 1905, par réaction à l'expressionnisme rodinien, Pompon abandonne la figure humaine au profit des animaux qu'il observe au Jardin des Plantes et qui feront sa renommée. Odilon Redon Bordeaux 1840 - Paris 1916 Odilon Redon passe son enfance entre Bordeaux et le domaine de Peyrelebade dans le Médoc. Il fait la connaissance de Rodolphe Bresdin qui l'initie à la gravure et la lithographie, et l’oriente vers un art libre, éloigné du naturalisme et des conventions officielles. Il l'éveille aux ressources de la pensée et du rêve et l'invite « à surélever l'esprit dans la région du mystère ». Les eaux-fortes, dessins à la mine de plomb et fusains qu'il expose aux Salons de Bordeaux témoignent de l'influence du maître. En 1864, Redon se rend à Paris, et suit les cours de l'atelier libre de Jean-Léon Gérôme à l'École des beaux-arts. Les relations entre le maître et l’élève sont conflictuelles. Après la guerre de 1870, il entame alors une période féconde de ce qu'il nomma lui-même « ses Noirs », ensemble de fusains et de lithographies qui constituent l'essentiel de sa production jusqu'en 1895. Il découvre avec le botaniste Clavaud et son microscope les mystères de l'infiniment petit qui stimulent son imaginaire. Il intitule son premier recueil de lithographies Dans le rêve (1879) ou il explore déjà les méandres de la pensée, l'aspect sombre et ésotérique de l'âme humaine empreint des mécanismes du rêve. Huysmans et Mallarmé enthousiastes, comptent parmi se premiers fidèles. Au début des années 1890, Redon cherche dans la peinture et le pastel de nouveaux moyens d'expression. Il abandonne la lithographie et le fusain pour des couleurs éclatantes qu’il exploite avec au travers des thèmes mythologiques toujours emprunts de rêverie qui le mèneront vers les arts décoratifs et la réalisation de grands décors. Ary Renan Paris 1858 - 1900 Fils de l’historien Ernest Renan, Ary Renan fut peintre, poète et critique d’art. Elève d’Elie Delaunay et de Puvis de Chavannes, il fut surtout l’ami et le disciple de Gustave Moreau dont il sera le premier biographe. Il expose au Salon des Artistes français à partir de 1880, à la Société nationale des beaux-arts et au Salon des XX à Bruxelles en 1887. Il publie différents ouvrages, récits de ses voyages, poésies, dans une thématique symboliste : chimères, chevaliers et idéal y côtoient une Antiquité rêvée comme dans son œuvre plastique.

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Victor Rousseau Feluy (Belgique) 1865 - Forest 1954 Né dans une famille de tailleurs de pierre, Victor Rousseau pratique la sculpture depuis son plus jeune âge. Il fréquente l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, encouragé par Jean Delville à passer l’examen d’entrée de la classe de Charles Van der Stappen, il se classe premier et en 1890, il remporte le prix Godecharle avec Le Tourment de la Pensée, qui lui permet de voyager en France, en Angleterre et en Italie. En 1901, il est nommé professeur de sculpture à l’Académie des beaux-arts dont il prend la direction en 1919. En 1892, il est un des membres fondateurs de Pour l’Art l’association d’artistes créée à l’initiative de Jean Delville, dont il est un ami proche. Au premier Salon d’Art idéaliste en 1896, il expose L’Amour virginal (n° 118), un thème proche de Cantique d’Amour, un plâtre important et inédit de l’artiste qui témoigne de l’harmonie des lignes et d’une certaine musicalité, l’autre passion de l’artiste. Carlos Schwabe Altona-Hambourg (Allemagne) 1866 - Avon 1926 Né en Allemagne, Carlos Schwabe étudie à l’Ecole des arts industriels de Genève en 1882, ce sera son unique formation ; il pratique surtout le dessin et l’étude des plantes. En 1884, il s’installe définitivement à Paris et dessine pour la manufacture de céramique de Théodore Deck. En 1892, il réalise l’affiche pour le premier Salon de la Rose+Croix, dont il est un des piliers, et qui deviendra une image marquante du symbolisme. Il expose régulièrement au Salon-du-Champs de Mars à partir de 1891, à la Sécession de Munich (1893), à la galerie de l’Art nouveau de Siegfried Bing, aux Aquarellistes de Bruxelles ou au Salon Pour l’Art. Ses travaux d’illustrateurs consacrent son succès et sa notoriété ; il illustre Mallarmé, Baudelaire, Zola ou Maeterlinck. Doué d’une imagination fertile et d’une parfaite virtuosité graphique, les œuvres de Schwabe témoignent de ses préoccupations humanistes et sociales et de ses questionnements relatifs à la place de l’artiste. Charles Sellier Nancy 1830 - 1882 Originaire de Nancy où il débute sa formation, Charles Sellier entre à l’Ecole des beaux-arts de Paris en 1852 dans l’atelier de Léon Coigniet. En 1856, il est lauréat du prix Adolphe Moreau, le grand-père d’Etienne Moreau-Nélaton, et l’année suivante, il remporte le Grand Prix de Rome avec La Résurrection de Lazare. Il s’installe alors à la Villa Médicis jusqu’en 1863. De retour en France, il ne reste que peu de temps à Paris malgré l’attribution d’un atelier au Louvre. Il préfère retourner dans sa ville natale où il est nommé Directeur de l’Ecole de dessin en 1865. Il y meurt en 1882, léguant son atelier à sa ville. Farouchement indépendant, Sellier développe une peinture ou domine les effets de lumières, les atmosphères étranges et mystérieuses et les tensions dramatiques qui caractérisent Initiation et qu’on retrouvera aussi chez Gustave Moreau, son contemporain.

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Alexandre Séon Chazelles-sur-Lyon 1855 - Paris 1917 Né près de Lyon, Alexandre Séon arrive à Paris en 1877 et fréquente l’atelier d’Henry Lehmann à l’Ecole des beaux-arts. Mais c’est Pierre Puvis de Chavannes dont il devient l’élève puis l’assistant pour les décors du Panthéon qui marquera durablement sa peinture. Avec Joséphin Péladan, dont il réalisera le portrait en « nabi de l’idéalité », et le comte de la Rochefoucault, Alexandre Séon sera un des fondateurs du Salon de la Rose+Croix en 1892 où il exposera jusqu’en 1897, excepté en 1894 ; il réalisera les emblèmes de la Rose+Croix et les frontispices des ouvrages du Sar. Proche de Seurat, Séon théorise une symbolique des lignes et des couleurs, notamment une « dégradation perspective du ton » qui lie l’artiste aux néo-impressionnistes. « Ce dévot de la pure forme » selon Charles Saunier, laisse des œuvres parmi les plus marquantes du symbolisme comme Le Désespoir de la Chimère ou La Pensée qui résument à elles seules les préoccupations idéalistes de toute une génération d’artistes. Henri Le Sidaner Port-Louis (Maurice) 1862 - Paris 1939 Fils d’un capitaine de marine, Le Sidaner passe son enfance à Dunkerque où ses dons pour le dessin sont remarqués. A l’aide d’une bourse octroyée par sa ville, il part à Paris poursuivre ses études et entre aux beaux-arts en 1882. Il fréquente l’atelier de Cabanel. Il expose au Salon des Artistes français à partir de 1887 et, après 1894, à la Société nationale des Beaux-Arts. En 1892, il obtient une bourse de voyage pour son tableau La Bénédiction de la mer, vaste composition acquise par l'État, qui lui permet de visiter l’Italie et la Hollande. Mais c’est un séjour de deux ans à Bruges (1898-1900) où il réside sur les conseils de Camille Mauclair, qui consacrera au peintre de nombreux articles et une monographie en 1928, qui consacre la vocation symboliste de ce « Maeterlinck de la peinture » (Gustave Soulier). Il transcrit l’âme de la ville « morte » dans des visions silencieuses au chromatisme sombre avant de se tourner vers une peinture intimiste après 1900. Séraphin Soudbinine Nijni Novgorod (Russie) 1867 - Paris 1944 Né à Nijni Novgorod, dans l’ouest de la Russie, Séraphin Soudbinine eut un parcours agité : d’abord mousse sur la Volga, il fut aussi comédien et intègrera en 1898 la première troupe du théâtre d’art de Moscou. Il rencontre Rodin lors d'un voyage à Paris en 1902 et devient dès lors praticien dans l'atelier du sculpteur. Il poursuit parallèlement son œuvre propre et participe régulièrement au Salon d'Automne à partir de 1905 puis au Salon de la Société nationale des beaux-arts dès 1910. Soudbinine montre très tôt un intérêt pour le grès, intérêt confirmé lors d’un voyage à New York, par la découverte, au Metropolitan Museum, des céramiques chinoises qui furent pour lui une révélation et proche de la soixantaine, il abandonna la sculpture pour la céramique. Autodidacte comme Jean Carriès, il s’entoura des conseils de Paul Beyer et d’Émile Decœur, et fréquenta à Sèvres l’atelier de Louis Delachenal. De 1928 à 1940, il se consacra uniquement à ce nouvel art avant que son atelier de la rue Broca, à Paris, ne fût détruit en 1944 quelques mois avant sa mort.

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Ville Vallgren Porvoo (Finlande) 1855 - Helsinski 1940 Ville Vallgren étudie d’abord l’architecture dans son pays natal avant de s’intéresser à la sculpture. Il quitte la Finlande à l’âge de 22 ans pour Paris encouragé par le poète national Johan Ludvig Runeberg. Il passera trente-six ans de sa vie en France et sera naturalisé français. Il entre à l’Ecole des beaux-arts dans l’atelier de Léon Bonnat et de Jules Cavelier. Ville Vallgren n’est pas seulement un modeleur, il pratique également la taille directe, et poli ses marbres. Il affectionne les patines subtiles et use d’une polychromie toujours délicate comme dans La Douleur. L’artiste expose à la Rose+Croix en 1892, en 1893 et en 1897 ; il est un des Artistes de l’âme à la Bodinière en 1894 et expose également au salon Pour l’Art de 1895. Mais aussi à la Société nationale des beaux-arts où il présente La Vague (1895) c’est-à-dire l’âme de la mer. Les critiques remarquent la légèreté et la fluidité des formes qui servent une esthétique symboliste élégiaque. A propos de ce marbre, Jean-David Jumeau-Lafond exhume un très beau texte de Jean Lorrain : « La fluidité de leurs corps allicie et déconcerte, les cheveux coulent comme de l’eau, comme de l’eau choient leurs épaules et fluent leurs hanches fines, c’est une coulée d’eau que leur robe qui traîne et, dressée dans un élan de ferveur, toute leur grâce mélancolique et pure fond et se dissout dans l’écume d’un flot, le floconnement d’une brume ! Ce sont des nixes, ce sont des elfes, ce sont des fées, mais ce sont aussi des femmes, car ce sont des symboles de désir, de regrets, d’abandons et d’attirances, ce sont aussi des Rêves, des Désespoirs, de l’Angoisse et de la Douleur. Elles boivent du clair de lune et nous en abreuvent, car leur attitude, ici brisée et attristée, plus loin gracieusement adorante, nous verse l’ivresse de la beauté en nous communiquant la joie, la fièvre et aussi le frisson. »

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LISTE DES ŒUVRES EXPOSÉES

Edmond Aman-Jean Chevry-Cossigny 1858 Paris 1936

Le Miroir champêtre, ca. 1900 Pastel sur papier, 58,5 x 36 cm [p. 108] La Poésie mystique, ca. 1984 (projet de décoration) Huile sur toile, 187 x 124 cm [p. 217] La Muse, ca. 1892 Huile sur toile, 91 x 143 cm [p. 64] La Place des Vosges, ca. 1895 Huile sur toile, 38 x 55,5 cm [p. 127] Affiche du second Salon de la Rose+Croix, 1893 Lithographie sur papier entoilé 110 x 72,5 cm [p. 8]

Valère Bernard Marseille 1860 - 1936

Satan, ca. 1897 Crayon sur papier, 28,5 x 23,5 cm [p. 181] Le Sphinx, 1896 Lithographie, 43 x 30 cm [p. 172] Cauchemar, 1895 Lithographie, 39 x 26 cm [p. 173]

Boleslas Biegas Koziczyn (Pologne) 1877 Paris 1954

La Nuit, 1904 Bronze, 62 x 50 x 24 cm [p. 202] Aether, Lumière céleste Héméra, Lumière terreste ca. 1911 Plume et aquarelle sur papier 40 x 50 cm [p. 118] Rêve de pastoure, ca. 1888-1890 Gravure, 23 x 30 cm [p. 130-131] Louis-Maurice Boutet de Monvel Orléans 1851 - Paris 1913

Sirène, 1895 Gouache sur soie 27 x 39 cm [p. 62] Hélie Brasilier

1885 - 1970

Adam et Eve, 1913 Huile sur toile 210,5 x 112,5 cm [p. 212]

Romaine Brooks Rome 1874 - Nice 1870

Le Printemps, 1911-1913 Huile sur toile 209 x 185 cm [p. 15] Jean-Joseph Carriès Lyon 1855 - Paris 1894

Tête de faune, ca. 1885 Plâtre patiné, 35 x 24 x 23 cm [p. 189]

Le Vampire Pandore ca. 1915-1916 Huile sur carton, 34 x 26 cm [p. 171]

Masque grotesque pour la Porte de Parcifal, ca. 1891 Grès 43 x 43 x 10 cm [p. 186]

Le Vampire sous-marin ca. 1915-1916 Huile sur carton, 19 x 17 cm [p. 170]

Masque grotesque pour la Porte de Parcifal, ca. 1891 Grès, 31 x 31 x 8 cm [p. 187]

La Sagesse, 1905 Marbre, 157 x 42 x 24,5 cm [p. 223]

Masque grotesque pour la Porte de Parcifal, ca. 1891 Grès, 32 x 30 x 6 cm [cat. 170]

Chopin, 1902 Bronze, 148 x 90 x 40 cm [p. 209] Pressentiment, 1903 Bronze, 62 x 32 x 21 cm [p. 203]

Emile-Antoine Bourdelle Montauban 1861 Le Vésinet 1929

Alexandre Charpentier Paris 1856 - Neuilly 1909 La Fuite de l’heure, 1899 Bronze 32 x 18 x 10 cm [p. 32] Camille Claudel Fère-en-Tardenois 1856 Montdevergues 1943 Persée, 1905 Bronze, 51 x 30 x 25 cm [p. 47] La Profonde pensée, 1905 Bronze et onyx, 24 x 23 x 23 cm [p. 134] La Valse, 1905 Bronze, 43 x 33 x 18,5 cm [p. 77] Henry Cros Narbonne 1840 - Sèvres 1907 La Chevauchée, 1878 Cire polychrome, 73 x 70 cm [p. 25] La Tête de Méduse, ca. 1905 Cire patinée, 27,5 x 49,5 x 24 cm [p. 46] Maurice Denis Granville 1870 - Paris 1943 L’Imitation de N.S. Jésus-Christ 1893-1899

Crayon sur papier 16 x 56 cm (avec le cadre) Cadre d’origine, montage de l’artiste [p. 76] La Marche des fiançailles, 1892 Huile sur toile, 24 x 40 cm [p. 74] George Desvallières Paris 1861 - 1950 Narcisse, 1893 Huile sur toile, 206 x 111 cm [p. 40] Charles-Marie Dulac Paris 1866 - 1898

Maurice Chabas Nantes 1862 - Versailles 1947

Sous-Bois, 1896 Huile sur toile, 36 x 47 cm [p. 150-151]

Paysage, ca. 1895 Huile sur toile, 46 x 39 cm [p. 92]

La Pineta à Ravenne, 1897 Huile sur toile, 34 x 44 cm [p. 143]

Transmigration, ca. 1900 Huile sur toile, 54 x 73 cm [p. 93]

Lever de soleil à Assise, 1897 Huile sur toile, 38 x 46 cm [p. 146]

Rayons de soleil à Assise, 1897 Huile sur toile 33,5 x 46 cm [p. 148] Rivière à l’aube à Assise

1897

Huile sur toile, 38 x 46 cm [p. 149] Coucher de soleil à Assise

1897

Huile sur toile, 38 x 46 cm [p. 147] La Vallée du Tibre à Assise, 1898 Huile sur toile, 41 x 46 cm [p. 144-145] Suite de paysages, 1893 Cycle de huit lithographies 65 x 50 cm IVII Le Poisson VIII [p. 158] IIV I Les Etoiles du matin VIII [p. 159] IIIV Chauve-souris VIII [p. 158] IVII Le Serpent VIII [p. 160] V IIILes Epis VIII [p. 160] VIII Le Lys VIII [p. 159] VIII Le Pavot VIII [p. 161] VIII Les Pensées VIII [p. 161]

Le Cantique des créatures, 1894 Cycle de neuf lithographies I Le Commencement VIII (Sancta Trinitas Deus) VIII [p. 156] II. Le Soleil (Jesu, sol justitiae) VIII [p. 156] III La Lune (Stella matutina) VIII [p. 157] IV Le Vent (Spiritus Sancte, Deus) VIII [p. 155] V Le Feu et l‘Eau (Jesu, puritas VIII Virginum. Jesu, lux vera) VIII [p. 154] VI La Terre (Jesu, via et vita nostra, VIII Jesu, thesaurus fidelium) VIII [p. 155] VII La Voie bénie (Jesu, corona VIII Sanctorum omnium. Jesu, VIII sapienta aeterna) VIII [p. 157] VIII La Mort corporelle (Auxilium VIII Christianorum, Jesu, VIII refugium nostrum) VIII [p. 154] IX Le Chant final (Jesu, candor VIII lucis aeterna, Causa nostra VIII laetitiae) VIII [p. 156]

257


Le Jardin du Seigneur (Le Credo) Ca. 1894 Lithographie 65 x 50 cm [p. 153]

Petits contes des bois, 1895 Aquarelle et encre de Chine sur papier 25 x 17 cm [p. 26]

La Divine palmeraie (Le Credo) Ca. 1894 Lithographie, 47 x 37,5 cm [p.. 152]

La Légende d’Almanzor

Rogelio de Egusquiza Santander (Espagne) 1845 Madrid 1915

Sigmund et Sieglinde, 1892 Fusain, sanguine et craie sur papier 59 x 46 cm [p. 18] Emile Fabry Verviers (Belgique) 1865 Woluwe-Saint-Pierre 1966

Le Printemps, 1893 Huile sur toile, 218 x 129 cm [p. 213] Les Parques, 1895 Crayon et fusain sur papier 91 x 69 cm [p. 167] Salomé, ca. 1907 Huile sur toile, 105,5 x 96 cm [p. 45] Georges de Feure Paris 1868 - 1943

La Femme au chapeau noir Ca. 1898-1900 Huile sur toile, 59,5 x 72,5 cm [p. 164-165] Hugo Höppener dit Fidus Lübeck (Allemagne) 1868 Woltersdorf 1948

Le Désespoir, 1898 Gouache et pastel sur papier 25 x 37 cm [p. 169] L’Esprit de la nuit

1898

Pastel sur papier, 38 x 32 cm [p. 119]

Andhré des Gachons Ardentes 1871 La Chaussée-sur-Marne 1951 Au Seuil d’un rêve 1894

Huile sur toile, 236 x 105 cm [p. 17] Hélène, 1894 Crayon et aquarelle sur papier 17 x 20 cm [p. 31]

258

1897

Gouache sur toile 30 x 40 cm [p. 168] Henri Gervex Paris 1852 - 1929

Ophélie (portrait de Nellie Melba) 1889-1892

Huile sur toile 62 x 72 cm [p. 56-57]

Eugène Grasset Lausanne 1841 - Paris 1917

Trois décors pour Esclarmonde 1889

Aquarelle et encre de Chine sur papier, d. 39 cm [p. 27] Les Musiciennes Ca. 1890 Aquarelle sur papier 49 x 33 cm [p. 24]

Henry de Groux Saint-Josse-ten-Noode (Belgique) 1866 - Marseille 1930 La Divine Comédie. Marais du Styx Ca. 1898-1900 Pastel sur papier 66 x 90 cm [p. 196-197] La Divine Comédie. Voleurs en proie aux serpents Ca. 1898-1900 Pastel sur papier 73 x 102 cm [p. 200-201] La Divine Comédie. Lucifer Ca. 1898-1900 Pastel sur papier 79 x 109 cm [p. 199] La Divine Comédie. Béatrice Ca. 1898-1900 Pastel sur papier 104 x 72 cm [p. 195] La Divine Comédie. Harpie ca. 1898-1900 Pastel sur papier 68 x 83 cm [p. 198]

Charles Guilloux Paris 1866 - 1949

Charles Lacoste Floirac 1870 - Paris 1959

L’arbre, 1892 Huile sur toile, 33,5 x 44,5 cm [p. 96]

Londres, Hyde Park, 1894 Huile sur toile 30 x 40 cm [p. 95]

Paysage fluvial, ca. 1893 Huile sur carton, 23 x 30 cm [p. 100] La Seine (nocturne), 1894 Huile sur toile, 37,5 x 46 cm [p. 104] La Seine à Saint-Denis, 1894 Huile sur toile, 25,5 x 27 cm [p. 105] Louis Welden Hawkins Esslingen (Allemagne) 1849 Paris 1910

Procession des âmes ou Noël toile mystique, 1893 Huile sur toile, 67,5 x 44 cm [p. 128] Jeanne Jacquemin Paris 1863 - 1938

La Douloureuse et glorieuse couronne, 1892 pastel sur papier, 52 x 34 cm [p. 53]

Bohumil Kafka Nova Paka (actuelle République Tchèque) 1878 - Prague 1942 Les Etoiles éteintes, ca. 1906 Bronze, h. 77,5 cm [p. 133]

Fernand Khnopff Grembergen-Termonde (Belgique) 1858 - Bruxelles 1921

Les Lèvres rouges, 1897 Photographie rehaussée au crayon et pastel, 26 x 15,5 cm [p. 66] Des fleurs de rêve, ca. 1895 Huile sur toile, 47,5 x 17,5 cm [p. 73] Un geste d’offrande, 1900 Crayon et pastel sur papier 25 x 17 cm [p. 75]

Frantisek Kupka Opocno (actuelle République tchèque) 1871 - Puteaux 1957 Le Défi (L'Idole noire) ca. 1900-1903 Extrait de la série Voies du silence Aquatinte sur papier 34,7 x 34,7 cm [p. 177]

Docks de Londres, un dimanche 1901

Huile sur panneau de bois 40 x 50 cm [p. 102-103] Les Collines d’Orthez, 1894 Huile sur toile 50 x 65 cm [p. 97] Paysage des Pyrénées, 1899 Huile sur toile 51 x 65 cm [p. 94] Le Pont de Solférino le soir, 1901 Huile sur toile 50 x 62 cm [p. 99] La Grande roue, 1899 Huile sur toile60 x 92 cm [p. 106-107]

Paul Landowski Paris 1875 Boulogne-Billancourt 1961 Figure pour le Temple de l’Homme, ca. 1925 Marbre, 110 x 64 x 41 cm [p. 225]

Lucien Lévy-Dhurmer Alger 1865 - Le Vésinet 1953

Eden « Emoi, passion, regret » ca. 1899 Pastel sur papier, 63 x 36 cm [p. 76] Nocturne sur le Bosphore (Aziyadé ?), ca. 1897 Huile sur toile, 41,2 x 27 cm [p. 63] Pont de Bruges, ca. 1900 Pastel sur papier, 44 x 53 cm [p. 123] Bruges, effet de neige ca. 1900 Pastel sur papier, 53 x 42 cm [p. 124] Hélène de Troie, 1899 Pastel sur papier 49 x 40 cm [p. 58] Portrait de la princesse Soutzo 1908

Pastel sur papier, 192 x 97 cm [p. 42]


Marguerite Moreno, dans le rôle du Voile de Georges Rodenbach 1896

Pastel sur papier 56 x 36 cm [p. 55] Ophélie (portrait de Suzanne Reichenberg), 1900 Pastel sur papier, 45,5 x 65 cm [p. 61] Harmonie en bleu - Variation sur la Sonate au clair de lune Ca. 1906 Pastel sur papier, 51 x 86 cm [p. 60] Nu orange, ca. 1906 Pastel sur papier, 81 x 52,5 cm [p. 59] Le Lac, la nuit, ca. 1897 Huile sur toile, 49,5 x 64,5 cm [p. 109] Eugène Loup Rodez 1867 - Paris 1948

Forêt de Fontainebleau, ca. 1900 Pastel sur papier, 43 x 64 cm [p. 110]

Pierre-Amédée Marcel-Beronneau Bordeaux 1869 La Seyne-sur-Mer 1937 La Méduse, ca. 1900 Huile sur toile, 36,5 x 45 cm [p. 39]

Henri Martin Toulouse 1860 La Bastide du Vert 1943

Le Silence, 1894-1897 Lithographie en couleurs sur papier de Chine, 49 x 32 cm [p. 71] Femme au lys, ca. 1892 Crayon et gouache sur papier 41 x 18 cm [p. 70]

Les Fleurs du lac, 1900 Tempera sur panneau de bois, 185 x 105 cm [p. 22-23] Emile-René Ménard Paris 1861 - 1930

Gustave-Adolphe Mossa Nice 1883 - 1971

Le Nuage, ca. 1896 Pastel sur papier, 47 x 65 cm [p. 125]

La Lune, ca. 1912 Aquarelle, encre et rehauts d’or sur papier, d. 21 cm [p. 138]

La Baie d’Ermones, 1903-1904 Pastel sur papier, 46 x 65 cm [p. 124]

Alphonse Osbert Paris 1857 - 1939

Le Crépuscule sur le canal, 1894 Huile sur toile, 36 x 44,5 cm [p. 101]

Le Calme de l'eau, 1895 Huile sur toile, 25 x 45 cm [p. 84-85]

La Baigneuse, ca. 1913 Pastel sur papier, 75 x 98 cm [p. 116-117]

Le Mystère de la nuit, 1897 Huile sur toile, 36 x 56 cm [p. 86-87]

Les Dryades, 1913 Pastel sur papier 70 x 90 cm [p. 120-121]

Un Coin de rêve, 1905 Huile sur toile, 24 x 35 cm [p. 91]

Nymphe au crépuscule Ca. 1910 Pastel sur papier 66 x 82 cm [p. 114-115]

George Minne Gand (Belgique) 1866 Laethem-Saint-Martin 1941 Le Petit agenouillé, 1896 Marbre, 49 x 18 x 23 cm [p. 162] Mélancolie, 1890 Marbre, 57 x 43 x 35 cm [p. 232] La Douleur (Mère pleurant ses deux enfants), 1888 Plâtre, 65,5 x 37,5 x 56,5 cm [p. 163] Constant Montald Gand (Belgique) 1862 Bruxelles 1944

Clémence Isaure, 1894 Huile sur panneau de bois 40 x 27 cm [p. 65]

L’Eden, ca. 1900 Huile sur toile, 234 x 85 cm [p. 211]

La Muse, 1892 Huile sur toile, 143 x 90 cm [p. 215]

Paysage hivernal, 1917 Huile sur carton, 65 x 85 cm [p. 111]

Tête divine (Mercure ?), ca. 1907 Aquarelle et gouache sur papier 45 x 37 cm [p. 37]

Salomé au jardin, 1871 Plume et encre brune sur traits: à la mine de plomb sur calque 18 x 11,5 cm [p. 72]

Edgard Maxence Nantes 1871 La Bernerie-en-Retz 1954

Etude pour Les Prétendants Ca. 1865 Crayon sur calque, 102 x 46 cm [p. 38]

Gustave Moreau Paris 1826 - 1898

Chanson de l’aurore, 1894 Huile sur toile 44 x 26 cm [p. 90] Inceste d’âmes, 1896 Pastel sur carton, 26 x 40 cm [p. 83] Etude pour Sérénité, 1901 Huile sur toile, 22,5 x 51 cm [p. 91] Les Voix du crépuscule, 1897 Huile sur panneau de bois 37 x 56,5 cm [p. 88] Harmonie du matin, 1902 Huile sur toile, 48 x 75 cm [p. 89] Armand Point Alger 1860 - Naples 1932

Princesse des lacs, 1898 Tempera sur panneau de bois, 63 x 37 cm [p. 35] Princesse de légende, 1895 Tempera sur panneau de bois 31 x 21 cm [p. 35] La Dame à l’anémone (portrait d’Hélène Linder), 1894 Huile sur toile 39 x 33 cm [p. 30] Princesse à la licorne, 1896 Crayon et pastel sur papier 90 x 71 cm [p. 33]

Princesse à la licorne, ca. 1896 Email sur cuivre, 73 x 53 cm [p. 33] Avril, 1896 Crayon noir rehaussé de craie sur papier gris marouflé sur toile 185 x 69,5 cm [p. 21] Psyché, 1898 Crayon et gouache sur papier 41 x 36 cm [p. 31] Persée, 1894 Crayon et pastel sur papier 46,7 x 33 cm [p. 38] Parfum de mimosa, 1898 Crayon et fusain sur papier 54 x 35,5 cm [p. 28] Baigneuse au laurier, 1892-1895 Pastel sur papie, 88 x 46 cm p. 63] Androgyne florentin, ca. 1896 Crayon sur papier, 65 x 49 cm [p. 30] Eros, 1896 Pastel sur papier, 98 x 49 cm [p. 19] François Pompon Saulieu 1855 - Paris 1933 Sainte Catherine, 1886-1888 Plâtre, 43 x 40 x 40 cm [p. 136] Odilon Redon Bordeaux 1840 - Paris 1916 Les Fleurs du mal (suite d’après Charles Baudelaire) 1890

Quatre planches sur neuf Lithographie 45 x 31,5 cm (chaque planche) IIV Titre-frontispice IV [p. 175] IV Si, par une nuit lourde et sombre, IV Un bon chrétien, par charité, IV Derrière quelque vieux IV décombre. IV Enterre vôtre corps vanté IV [p. 175] VIII Gloire et louange à toi, Satan, VIII dans les hauteurs. VIII Du ciel, où tu règnas, et dans VIII les profondeurs. VIII De l’Enfer, où, vaincu, tu rêves VIII en silence ! VIII [p. 174] IX Cul-de-lampe VIII [cat. 176]

259


Ary Renan Paris 1858 - 1900 Pandore, 1895-1900 Huile sur panneau de bois 130 x 85 cm [p. 41] Victor Rousseau Feluy (Belgique) 1865 Forest 1954

Cantique d’Amour, 1896 Plâtre 131 x 205 cm [p. 220-221]

Carlos Schwabe Altona-Hambourg (Allemagne) 1866 - Avon 1926 Printemps, 1900 Aquarelle sur papier 41 x 18 cm [p. 75] Les Noces du poète et de la muse ou L'Idéal 1902

Crayons de couleurs et gouache sur papier 97 x 53,5 cm [p. 216] Les Noces du poète et de la muse ou L'Idéal, 1913 Huile sur toile 198 x 114 cm [p. 219] Souvenir funéraire, 1894 Aquarelle et encre de Chine sur papier 33 x 22 cm [p. 184] Encadrement pour L’Enfer, 1894 Aquarelle et encre de Chine sur papier 33 x 22 cm [p. 183] A la mémoire de Guillaume Lekeu

1894

Mine de plomb sur vélin ancien 42 x 29 cm [p. 29] Etude pour La Vague, 1907 Pastel, sanguine, fusain et craie sur papier, 65 x 34 cm [p. 166] Perfidie, 1899 Encre de Chine sur papier 19 x 12 cm [p. 185] L’Ange de la mort, 1893 Crayon sur papier 23,5 x 17 cm [p. 180]

260

Pelléas et Mélisande

1923

Aquarelle sur papier 23,5 x 17 cm (chaque aquarelle) [p. 34] Vignettes et lettrines pour l’illustration des Paroles d’un croyant de Félicité de Lamennais

1906-1908

Crayon sur papier 29 x 21 cm (chaque dessin) [p. 178 - 1179] Affiche du premier Salon de la Rose+Croix

1892

Lithographie sur papier entoilé, 193 x 80 cm [p. 10] Affiche pour l’audition d’œuvres de Guillaume Lekeu

1894

Lithographie 108 x 78 cm [p. 6]

Charles Sellier Nancy 1830 - 1882

Initiation Ca. 1880 Huile sur toile 160 x 92 cm [p. 43] Alexandre Séon Chazelles-sur-Lyon 1855 Paris 1917 Le Désespoir de la chimère,1890 Huile sur toile 65 x 53 cm [p. 51] La Passante Ca. 1895 Huile sur toile 44 x 19 cm [p. 73] La Pensée, ca. 1899 Huile sur toile 61 x 38 cm [p. 54] Femme pensive, ca. 1900 Sanguine et crayons de couleur sur papier 50 x 30 cm [p. 68] La Sirène de la mer

1897

Sanguine et crayons de couleur sur papier 34 x 25 cm [p. 67]

La Nymphe de la Seine ou Au Bord de la Seine Ca. 1900 Sanguine et crayons de couleur sur papier 52 x 38 cm [p. 69] Henri Le Sidaner Port-Louis (Maurice) 1862 Paris 1939 Les Cygnes (Bruges) 1900

Huile sur toile 57 x 69 cm [p. 126] Les Lys obscurs, 1897 Huile sur toile 104 x 83,5 cm [p. 113] Bruges. La Chapelle Ca. 1900 Huile sur toile 70,5 x 63,5 cm [p. 129]

Séraphin Soudbinine Nijni Novgorod (Russie) 1867 Paris 1944 Vers la lumière 1908

Bronze 41,5 x 44 x 31 cm [p. 226]

Ville Vallgren Porvoo (Finlande) 1855 Helsinski 1940 La Vague 1894

Marbre 45 x 15 x 15 [p. 139] Douleur Ca. 1893 Terre cuite 30 x 24,5 x 11 cm [p. 137]

Félicité de Lamennais Saint-Malo 1782 - Paris 1854 Paroles d’un croyant Illustrations de Carlos Schwabe 1908 34 x 24 cm

Jean Lorrain Fécamp 1855 - Paris 1906

L’Ombre ardente Poème d’après le pastel de Jeanne Jacquemin La Douloureuse et glorieuse couronne, 1897 20 x 13 cm Henri Mazel Nïmes 1864 - Paris 1947

La Fin des Dieux Frontispice d’Alexandre Séon 1892 20 x 13 cm

André Mellerio Paris 1862 - Paris 1943

Le Mouvement idéaliste en peinture Frontispice d’Odilon Redon 1896 20 x 13 cm

Joséphin Péladan Lyon 1858 Neuilly-sur-Seine 1918 L’Art idéaliste et mystique, 1894

20 x 13 cm

Albert Samain Lille 1858 Magny-les-Hameaux 1900 Au Jardin de l’Infante Dessin original de Carlos Schwabe Vieilles cloches 1908 26 x 18 cm

Marcel Schwob Chaville 1867 - Paris 1905

Vase des larmes Ca. 1892 Bronze, h. 21 cm [p. 135]

La Porte des rêves Illustrations de Georges de Feure

LISTE DES OUVRAGES EXPOSES

ŒUVRE ILLUSTREE

Hiéroglyphes et autres poèmes Frontispice d’Henry de Groux

Portrait de la marquise Casati

Remy de Gourmont Bazoches-au-Houlme 1858 Paris 1915

1894 32 x 45 cm

1899 29 x 23 cm

Romaine Brooks Rome 1874 Nice 1870 1920

Huile sur toile, 248 x 120 cm [p. 12]


Bibliographie sélective

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George Minne MĂŠlancolie 1890

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Notes

Une collection d’affinités électives - Annie Le Brun 12 Charles Baudelaire, Fusées. 22 Emile Verhaeren, Réponse à une enquête sur le vers libre. 32 Oscar Wilde, Portrait de Dorian Gray.

Couleurs et tonalités. Symbolisme et musique vers 1900 - Edwin Becker Edward Lockspeiser, Music and Painting: A Study in Comparative Ideas from Turner to Schoenberg, Londres, 1973. p.69. 22 Rolf Andree, Arnold Böcklin: Die Gemälde, Basel / Munich, 1977, p.418-423. 32 Cité par Henri Dorra, Symbolist Art Theories / A Critical Anthology, Berkeley / 42 Los Angeles / Londres 1994, p.71. 42 Jean-Michel Nectoux, Harmonie en bleu et or. Debussy, la musique et les arts, 42 Paris, 2008. 52 Stéphane Mallarmé, « Le «Ten o’clock » de M. Whistler », La Revue indépendante, 42 1888, p14. 62 Théodore Duret, Histoire de J. Mc. N. Whistler et de son œuvre, Paris 1914, p.133. 42 Lettre de Duret à Whistler du 30 juin 1903, The Correspondance of James Mc 42 Neill Whistler, University of Glasgow, online edition, MS Whistler D208. 72 Ornella Volta, Erik Satie. Ecrits, Paris, 1977. 82 Véronique Dumas, Le Peintre symboliste Alphonse Osbert, 1857-1939, Paris, 2005. 92 Gustave Soulier, « Les artistes de l’âme. Alphonse Osbert », L’Art et la Vie, n° 42, 42 octobre 1895, p.505. 12 42

Charles-Marie Dulac. Les mots de Huysmans - Jérôme Merceron 12 C.-M. Dulac, 1905, p.VIII. 22 G. Guyau, « Un peintre mystique : Dulac », Autour du catholicisme social, Paris, 1909, 42 cité par J.-D. Jumeau-Lafond, « Land scapes of the Soul and Painted Landscapes », 42 Mystical Landscapes. From Vincent van, Gogh to Emily Carr, 2016-2017, p. 123. 42 Spécialiste de l’artiste, Jean-David Jumeau-Lafond prépare actuellement le 42 catalogue raisonné de son œuvre. 32 « Charles Dulac » Gazette des Beaux-Arts, avril 1899, p.330. 42 J.-D. Jumeau-Lafond, 1999, p.57. 52 Edition de 1898, p.383. 62 H. Cochin et J-K. Huysmans, 1899, p.19. 72 C.-M. Dulac, 1905, p.34. 82 Op. Cit., p.99. 90 Op. Cit., p.41. 10 M. Denis, Charmes et leçons de l’Italie, Paris, 1933, cité par B. Foucart, 1984, p.159 11 Cité par Tedor de Wyzewa dans l’avant-propos de sa traduction des Pèlerinages 42 franciscains de Johannes Joergensen, Paris, Perrin, 1911, p.10. 12 H. Cochin et J-K. Huysmans, 1899, p.15. 13 C.-M. Dulac, 1905, p.71. 14 Op. Cit., p.63. 15 Op. Cit., p.XX. 16 H. Cochin et J-K. Huysmans, 1899, p.20. 17 B. Foucart, 1984, p.159.

Henry De Groux, peintre de la Divine Comédie/ Denis Laoureux 12 Faisant suite aux indications formulées dans une lettre à Octave Maus écrite le 22 42 janvier 1888, on propose d’orthographier ainsi le nom du peintre : De Groux. Voir 42 Henry De Groux, lettre à Octave Maus, Bruxelles, 22 janvier 1888. Bruxelles, Musées 42 royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l’Art contemporain, inv° 5.034. 22 Charles Doudelet, Henry De Groux, manuscrit, novembre 1934. Bruxelles, Musées 42 royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l’art contemporain, AACB 7828. 32 Sans doute est-ce sur ce point précis que la démarche de De Groux diffère 42 des tableaux de la Divine comédie peints par Eugène Le Marcis et exposés à 42 titre posthume au Salon des Indépendants en 1901. 42 Bertrand Tillier, « Henry De Groux (1866-1930) peintre symboliste de l’épopée 1 napoléonienne », in Sociétés & Représentations, n°23, 2007, p.283-295. 52 Henry De Groux, Journal, édition établie et annotée par Pierre Pinchon, Rodolphe 42 Rapetti, Thomas Schlesser et Pierre Wat,Paris, Editions Kimé, 2007, p.264. 62 Ibid., p.112. 72 André Fontainas, “L’Exposition Henry De Groux”, in L’Art moderne, 3 novembre 42 1901, p.365. 82 Henry De Groux, Journal, édition établie et annotée par Pierre Pinchon, Rodolphe 42 Rapetti, Thomas Schlesser et Pierre Wat,Paris, Editions Kimé, 2007. 92 Armand Seguin, Une vie de bohème. Lettres du peintre Armand Seguin à Roderic 42 O’Connor, 1895-1903, édition établie par Denys Sutton, Lausanne, Promedia, 1989. 42 Je tiens à remercier ici cordialement Jérôme Descamps d’avoir attiré mon 42 attention sur l’importance de cette correspondance pour l’étude du cycle des 42 pastels dantesques de De Groux.

Credits Reproduction des œuvres

Ibid., p.141. Les cinq pastels rassemblés par la colectionneuse dans le cadre de la présente exposition constituent en cela un rassemblement unique. 12 Henry De Groux, Journal, op.cit., p.55. 13 Dans les Racontars de Rapin publiés à titre posthume en 1951. 14 Camille Lemonnier, L’école belge de peinture 1830-1905, (1906), Bruxelles, 19 Labor (Espace Nord), 1991, p.198. 15 Armand Seguin, Une vie de bohème, op. cit., p.154 ; voir également p.148. 16 Ibid., p.153. 17 L’atelier occupé à ce moment par De Groux est situé boulevard du Port Royal à Paris. 18 Ibid., p.156. 19 Il se trouve que le collectionneur et mécène Charles Hayem est un habitué de la 19 galerie de Georges Petit où le cycle dantesque est exposé pour la première 19 fois en 1901, et il est surtout proche de Léon Bloy, lui-même ami intime de De 19 Groux chez qui il séjourne dans le contexte de la création du cycle dantesque. 19 Sur la personne de Charles Hayem, voir l’excellent article de Benjamin Foudral, 19 « Charles Hayem (1839-1902), un collectionneur mécène à la recherche d’une 19 légitimation sociale », in Les Cahiers d’histoire de l’art, 2013, p.99-109. 20 Dans sa lettre du 9 novembre 1900. Ibid., p.160. 10 11

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Les rêves de Boleslas Biegas - Xavier Deryng 12 On trouvera dans le catalogue de l’exposition organisée par la Société Historique et 12 Littéraire Polonaise de Paris, Boleslas Biegas. Sculptures-Peintures, Paris, Trianon de 12 Bagatelle, 1992, une chronologie détaillée, une anthologie de textes sur Biegas, la liste 12 de ses expositions de 1896 à 1995, et une bibliographie. Paris, Trianon de Bagatelle, 12 1992, une chronologie détaillée, une anthologie de textes sur Biegas, la liste de ses 12 expositions de 1896 à 1995, et une bibliographie. 22 Gustave Kahn, Boleslas Biegas – Les nuits mystiques, préface au catalogue de 12 l’Exposition des Œuvres de Charles Hetherington le célèbre peintre américain, et 12 de Boleslas Biegas, peintre polonais, Galerie André Seligmann, Paris, 1925, p.10. 32 Ibidem, p.11. 42 Ibidem, p.11. 52 Ibidem, p.11. 62 Emile Verhaeren, Boleslas Biegas in Boleslas Biegas. Sculpteur et peintre. Album, Paris, 12 Louis Theuveny (s.d., 1906), p.11. 72 André Fontainas, Boleslas Biegas in Boleslas Biegas. Sculpteur et peintre. Album, op. 12 cit., p.16. 82 Boleslas Biegas, Le criterium de l’art, in Boleslas Biegas. Sculpteur et peintre. 12 Album, op.cit., p.6. 90 Ibidem, p.9. 10 Ibidem, p.10. 11 Gustave Kahn, Boleslas Biegas – Les nuits mystiques, op.cit., p.11. 12 Pour une biographie approfondie voir notre monographie (en polonais), 12 Boleslas Biegas, 2011. 13 Boleslas Biegas. Sculpteur, Paris, Editions de La Plume, 1902. 14 André Fontainas, Boleslas Biegas, in Boleslas Biegas. Sculpteur, op.cit., p.20. 15 Ibidem. 16 Marcel Reja, Biegas, sculpteur in Boleslas Biegas. Sculpteur, op. cit., p.23. 17 Wiesław Juszczak, Młody Weiss (Le jeune Weiss), Warszawa 1979, pp. 66-78. 18 Piotr Szubert, Geniusz i Fatum, in Koniec Wieku. Sztuka Polskiego Modernizmu 12 1890-1914 (Fin de siècle. L’art du modernisme polonais), Warszawie, Krakowie, 1996, p. 61. 19 Stanisław Przybyszewski, Na drogach duszy (Sur les chemins de l’âme), Kraków, 12 L. Zwolinski i S-ka, 1900, p.87. 20 Cf. le catalogue de l’exposition du Musée d’Orsay, Auguste Préault. Sculpteur 12 romantique 1809-1879, Paris, Gallimard / Rmn, 1997, n° 144, pp.217-218. 21 Ibidem, n° 70, pp. 147-149. 22 Ibidem, n° 31, pp. 131-133. 23 Piotr Szubert, Geniusz i Fatum, op.cit., p. 62. 24 Ibidem, p. 62. 25 Laurence Jerrold, Paris, in The Artist, Londres, numéro de mai 1902, p. 29. 26 Bolesław Biegas, Owczarek. Lechit. Dwa obrazy dramatyczne (Le petit pâtre. 12 Lechit. Deux tableaux dramatiques), Varsovie, 1906, p.30. 27 Adolphe Basler, Boleslas Biegas. Sculpteur, in Boleslas Biegas. Sculpteur, op. 12 cit., p.4. 28 Le Christ, 1901, plâtre. La sculpture se trouve au Musée National de Varsovie. 29 Cf. le commentaire, paru dans le Kraj, Saint-Pétersbourg, 1903, n° 16, p. 22, qui 12 ironise sur la présence de Boleslas Biegas et d’Henryk Sienkiewicz, considérés par 12 certains lecteurs de la Gazette de Saint-Pétersbourg comme des « célébrités russes ». 30 Nemo, “Feljeton Paryzki” (Feuilleton parisien) in Kraj, Saint–Pétersbourg, 1902, p.312. 31 Sergej Solomine, Rze ba My li (Une sculpture de la pensée), article de mars 1903, 12 conservé à la Bibliothèque Polonaise de Paris dans les archives Biegas. 12 Ce texte a été traduit par Gérard Conio, dans L’avant-garde russe et la synthèse 12 des arts, Lausanne, L’Age d’Homme, 1990, p.159-160.

Pages : 6, 8, 10, 12, 14, 17,18, 19, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 29, 30, 31, 32,, 33, 34, 35, 37, 38, 39, 40, 42, 43, 45, 46, 47, 51, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 101, 105, 108, 109, 110, 111, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 132, 133, 134, 135, 136, 138, 139, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 180, 181, 183, 184, 185, 186, 186, 187, 188, 189, 195, 197, 198, 199, 202, 203, 209, 211, 212, 213, 215, 217, 220, 221, 223, 225, 226, 232.©Thomas Hennocque

Photos restantes © DR Maquette et impression brunocigoi@mac.com

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