BSC NEWS N°61 - SEPTEMBRE 2013
@ Couverture Laurent Paturaud (Editions Daniel Maghen) Texte : Victor Hugo
«Je crois ce que je dis, je fais ce que je crois!»
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L’ÉDITO de NICOLAS VIDAL
La lecture a-telle des effets
(in)désirables ? À l’occasion de cette rentrée littéraire, une polémique venue des États-Unis pourrait bien se faire une place de choix sur les étalages des librairies. Grégory Currie, professeur de philosophie de l’Université de Nottingham et Doyen de la Faculté des Arts a publié une tribune chez nos confrères du New York Times en février dernier, qui posait la question de savoir si la littérature nous rendait meilleurs. Le philosophe ne semblait pas du tout convaincu par l’idée et tentait de démonter un à un les arguments qui accréditent cette thèse. Cette saillie serait passée presque inaperçue si elle n’avait pas connu une nouvelle publication quelques mois plus tard, en juin, mais cette fois-ci sur le site internet du New York Times. C’est alors que les choses ont pris une autre tournure et que de nombreuses personnalités, écrivains, chercheurs et journalistes ont répondu, contre-attaqué ou abondé dans le sens de Grégory Currie. La question, en effet, a le mérite de soulever bon nombre d’interrogations et de questionnements. Elle pousse à une réflexion passionnante et foisonnante d’éléments, de rhétorique et d’exemples. Étrangement, ils sont nombreux, dans les deux camps, à s’être abrités derrière des études et des recherches. À commencer
par Grégory Currie lui-même qui s’appuya sur les travaux du psychologue Paul Meehl. L’université du Vermont a rétorqué en citant les travaux d’Antoine Gierzynski, chercheur en sciences politiques, qui a travaillé sur les effets positifs de la lecture d’Harry Potter auprès d’un millier d’étudiants. Annie Murphy, quant à elle, a brandi les articles du psychologue Raymond Mar et du professeur Keith Oatley. Je vous épargnerai la suite de ces chamailleries pourtant intellectuellement euphorisantes. Pour ma part, je reste intimement convaincu que le simple fait de lire contribue à cette différence fondamentale qu’à l’humain avec toutes les autres espèces vivantes : la parole dont découle la pensée. Même si elle ne bonifie pas l’Homme, la lecture lui procure la for midable faculté de maîtriser le langage et l’expression, pierre angulaire de l’intelligence et la réflexion. En ce sens, il me semble tout aussi important de retourner la question : que risque-t-on lorsqu’on ne lit pas ? Pour ce numéro de Rentrée littéraire et culturelle, nous vous proposons un BSC NEWS MAGAZINE riche en interviews, en découvertes et chargé de belles surprises afin de prendre la rentrée du bon côté de la culture et sans contre-indications.
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BSCNEWS.FR 3 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
ERIC WHITE P.6
PASCAL RABATÉ p.24
RENTRÉE LITTÉRAIRE p.50
Le G.BISTAKI p.148
MAGALI WIENER.34
MARION GUERRERO p.40
4 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
BOJAN Z .156
CHAMPIAN FULTON p.162
LAURENT NOTTALE p.134
HUGH COLTMAN P.167
HÉLOÏSE GUAY DE BELLISSEN p.94
ROBERT KASPARIAN P.178
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ILLUSTRATION
ERIC WHITE Texte Julie Cadilhac / crédit photo D.R
Eric White est un artiste américain qui vit et travaille aujourd'hui à NewYork. Il est diplômé de l'Ecole de Design de Rhode Island. Il a exposé en solo et en groupe dans de nombreuses galeries de New-York et de Los Angeles, mais aussi en Europe à Milan, à Copenhague ou encore en Espagne. Certaines de ses oeuvres figurent dans les collections de vedettes américaines comme Leonardo DiCaprio, David Arquette , Courteney Cox, Patricia Arquette ou Viggo Mortensen. Passionné de cinéma et de voitures des années 30 à 50, ses toiles invitent à un retour dans le temps par leurs couleurs, leurs thèmes et les attitudes des sujets. Nimbées de mystère et d'élégance surannés, leurs perspectives et leurs encadrements singuliers attirent particulièrement l'oeil. Rencontre en mots et en dessins pour une rentrée rétro-chic!
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Comment est née pour vous le désir de devenir peintre? Je dessine et je peins depuis que je suis tout petit et j'aime l'art depuis que je suis né mais je ne l'ai envisagé comme une option viable qu'à la toute fin du lycée. J'ai été encouragé par un couple de personnes-clés dans ma vie à l'époque et je me suis lancé grâce à eux. Mes parents étaient d'accord mais avaient des inquiétudes et voulaient me faire faire de l'art en tant qu'activité de loisir, mais j'avais déjà visité RISD et vu les chevalets dans les salles de classe alors il était trop tard pour que je change d'avis…
Quelles matières et supports utilisez-vous principalement? J'utilise principalement de la peinture à l'huile sur une toile ou un panneau de bois. J'ai travaillé exclusivement à l'acrylique pendant une dizaine d'années mais je préfère maintenant travailler à l'huile. J'aime la souplesse qu'elle me donne en termes de mélange et de création de dégradés
et de "soft focus" . La peinture à l'huile peut faire tout ce que l'acrylique peut faire (hormis être sèche en quelques secondes), et beaucoup plus. J'aime aussi l'idée de travailler avec une matière qui a parcouru les siècles. Je n'utilise pas beaucoup de solvants , surtout parce qu'ils me rendent malade. Ma dernière découverte excitante en termes de matériaux est la " Spike Oil "- Je n'avais jamais entendu parler d'elle jusqu'à il y a environ deux mois, et elle a certainement eu un impact et amélioré ma démarche et mon travail en atelier. C'est de l'huile de lavande pure, et elle était apparemment utilisé par les maîtres anciens. Elle a des qualités solvantes de sorte qu'elle fonctionne comme un substitut de l'essence de térébenthine, et elle sent bon. Je la recommande vivement à tous ceux qui travaillent à l'huile.
« Ma dernière découverte excitante en termes de matériaux est la " Spike Oil ". C'est de l'huile de lavande pure, et elle était apparemment utilisé par les maîtres anciens. Elle a des qualités solvantes de sorte qu'elle fonctionne comme un substitut de l'essence de térébenthine, et elle sent bon. Je la recommande vivement à tous ceux qui travaillent à 8 l'huile.» - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
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Si vous deviez citer des peintres qui ont de près ou de loin influencé votre trait, lesquels serait-ce…et pourquoi? Mark Tansey, Ellen Gallagher, Martin Kippenberger, Neo Rauch, Ed Ruscha, Kerry James Marshall, Glenn Brown, Peter Blake, Richard Lindner, Hans Bellmer, Salvador Dali, Jean Dubuffet, Richard Hamilton, Ed Paschke, George Grosz, Otto Dix, Christian Schad, Ingres, Peter Saul, Max Beckmann, Philip Guston and Max Ernst …pour n'en citer que quelques-uns.
Je suis attiré par la peinture qui est visuellement ou conceptuellement convaincante et étrange, peu importe le style. En général, je suis plus sensible sans doute à l'art figuratif qu'à l'art abstrait. La plupart de vos toiles semblent un hommage au cinéma. Représentez-vous parfois des scènes déjà existantes ou vous inspirez-vous simplement de "l'atmosphère" et des codes des plateaux de tournage?
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Oui, j'aime vraiment le cinéma, j'adore les films, et j'ai une grande collection de livres sur le sujet. Le cinéma m' inspire sans cesse et a une esthétique qui me convainc. Je suis assurément inspiré par l'atmosphère du cinéma mais je tire seulement quelques éléments spécifiques de scènes réelles et ils sont alors fortement manipulés et combinés pour créer de nouveaux récits.
Êtes-vous un fan des classiques des débuts du cinéma hollywoodien ? Et si oui, un film préféré à citer? Oui, je suis un fan. Il n'est pas un film ou un genre spécifique dont je m'inspire en particulier, il s'agit plus d'une période de temps spécifique, et spécifiquement les années 30, 40 et 50… mais j'ai récemment pris de l'ampleur et ai travaillé sur d'autres périodes. Si vous posez la question en parlant particulièrement des
" Je suis très intéressé par l'inconscient et la façon dont fonctionne la psychologie infantile, comment les décisions prises avant l'âge de deux ans - impliquant invariablement la mère peuvent déterminer le sens et la portée de nos vies entières. Aussi, métaphysiquement parlant, je conçois le film comme une réalité inventée que j'assimile à l'idée de notre réalité comme illusion projetée par notre conscience." 14 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
"J'essaie de créer un environnement crédible dans lequel un scénario intéressant peut se déployer " 15 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
débuts du cinéma, je n'ai pas un film spécifique à citer mais Buster Keaton est mon réalisateur et acteur préféré de cette période.
Vos personnages féminins cultivent cette beauté inaccessible et ce glamour des actrices des années 40/50….on se trompe? La starlette d'Hollywood représente une femme idéalisée et une figure de la mère. Je suis très intéressé par l'inconscient et la façon dont fonctionne la psychologie infantile, comment les décisions prises avant l'âge de deux ans - impliquant invariablement la mère - peuvent déterminer le sens et la portée de nos vies entières. Aussi, métaphysiquement parlant, je conçois le film comme une réalité inventée que j'assimile à l'idée de notre réalité comme illusion projetée par notre conscience.
Une actrice qui incarne pour vous le summum de ce glamour que vos toiles veulent exprimer? Hedy Lamarr. Pas seulement à cause de sa beauté saisissante ou le fait qu'elle était l'une des plus grandes stars de son époque, mais aussi parce qu'elle était brillante. Elle a co-inventé une technologie qui a contribué plus tard à l'invention de la technologie sans fil. Ce choix d'utiliser plusieurs plans distincts, souvent séparés par une fenêtre ou un miroir…c'est aussi dans une idée de "plan cinématographique"? Comment cela se conçoit lors de la confection de la toile? J'aime créer un espace artificiel et je m'intéresse au décalage entre l'intérieur et l'extérieur, qui fonctionne aussi métaphoriquement. Dans la série " Infinite Interior", j'ai construit un vaste complexe d'intérieurs qui s'étendent
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"Le surréaliste et l'étrange ont toujours occupé une place importante dans mon travail et je suis sûr que cela va continuer. Je pense que cela découle d'un certain malaise face à la réalité et au fait d'être en phase avec la vie «normale»." indéfiniment et qui existent encore dans un espace que l'on pourrait qualifier de "nulle part". Les peintures sont une exploration de ma propre angoisse et aliénation, donc tout ce que je produis est filtrée à travers cela. Parfois, j'ai une idée précise avant de commencer, d'autres fois je vais regarder à travers des références jusqu'à ce que quelque chose me frappe. J'essaie de créer un environnement crédible dans lequel un scénario intéressant peut se déployer.
De nombreuses scènes dans des voitures….parce que c'est un topos également du cinéma hollywoodien? parce que vous avez une passion pour les "belles bagnoles"? Mes deux grands-pères travaillaient dans l'industrie automobile à Detroit à son apogée alors je pense que c'est dans mon ADN. Et je suis vraiment intéressé par l'aspect truqué inhérent qui transpire dans les scènes de voiture hollywoodiennes. Je les ai collectionnées pendant des années sans savoir ce que j'allais faire avec
elles, et avant même d'avoir commencé la série Infinite Interior, dont est sortie la série avec les voitures. Dans les confins de l'intérieur de la voiture, j'utilise la répétition et la mise en miroir pour exprimer le passage du temps et pour symboliser les différents degrés d'intimité et de connexion entre les figures dans l'espace confiné de la voiture. Je m'intéresse à la répétition et à la superposition comme moyen de transmettre l'idée du passage du temps mais aussi à la compression d'une séquence d'événements en un seul instant.
Si on vous proposait de vous offrir une voiture mythique du cinéma, yen-a-t-il une qui vous séduirait tout particulièrement? J'aimerais être conduit dans la Ford Galaxie, dans les années 70, avec Anna Karina. Il semble que vous aimiez surprendre… et que vous cherchiez à insérer dans beaucoup de vos toiles des détails ou des étrangetés qui obligent l'oeil à ne pas simplement embrasser en un regard le tableau. Je pense par
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peut-être cet homme était déjà dans une chambre en train de regarder dans une autre pièce… et puis je me suis intéressé à l'idée d'un cou de femme qui apparaîtrait sous la moustache de l'homme, sa tête étant une sorte de masque ou un casque. Ce tableau a été le premier de cette série que j'ai fini par appeler " Infinite Interior », et il m'a conduit à beaucoup de travaux dont je suis assez content ; j'ai fini par mettre des masques dans d'autres peintures mais cela n'a jamais marché aussi bien que dans celle-là. exemple à une toile qui montre une femme qui porte une tête d'homme : comment est née l'idée de cette toile? Le surréaliste et l'étrange ont toujours occupé une place importante dans mon travail et je suis sûr que cela va continuer. Je pense que cela découle d'un certain malaise face à la réalité et au fait d'être en phase avec la vie «normale». Dans cette peinture, le masque (la tête de l'homme) était en quelque sorte un accident - j'utilisais un tableau de référence et comptais avoir un homme qui regarde à travers une fenêtre dans une maison, mais pendant que je peignais, il m'est apparu que
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ILLUSTRATION / BANDE DESSINÉE
PASCAL RABATÉ Texte Julie Cadilhac / crédit photo © Didier Gonord
Auteur de bandes-dessinées depuis vingt ans, Pascal Rabaté est également scénariste et réalisateur de films. Son parcours? Après avoir étudié la gravure aux Beaux -Arts d'Angers, il se lance dans la bd et son travail évolue petit à petit, influencé par les traits de mentors tels que Buzzelli, Bofa, Pellos et Alexis, dans la veine expressionniste. Auteur d'un grand nombre d'ouvrages, il adapte notamment en 1998 le roman de Tolstoï, Ibicus ,qui est un grand succès auprès du public et de la critique puis crée en 2006 les Petits Ruisseaux qu'il porte ensuite au cinéma en 2010 avec Daniel Prevost et Philippe Nahon. Récompensé de nombreuses fois pour son travail dans le septième et le neuvième art, il a voulu en 2013 les mélanger dans un leporello "réversible" intitulé Fenêtres sur Rue. Un côté Matinées et un côté Soirées permettent aux lecteurs curieux d'observer deux facettes d'une même façade d' immeuble et d'y surprendre de bien étranges choses...Présenté comme une pièce sans paroles en dix tableaux et un décor, ce livre-accordéon fait ,l'air de rien , un clin d'œil aussi au théâtre : Lever de rideau sur Pascal Rabaté!
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deux jours de réflexion, j'ai eu l'idée de faire une suite de tableaux avec d'un côté le jour, de l'autre la nuit....un peu le prolongement du thème du film "Ni à vendre ni à louer" qui faisait , non pas une autopsie du couple mais plutôt une analyse du couple à différents âges...Dans ce leporello on trouve un peu des clichés : du jeune couple où à la femme est enceinte jusqu'au couple dont l'histoire s'achève sur un meurtre et la séparation du couple âgé.
Comment est l'idée de Fenêtres sur rue? D'abord ma rencontre avec C l o t i d e Vu , d i r e c t r i c e d e collection chez Soleil de ces livres-accordéon. On avait déjà collaboré ensemble sur le livre Paroles de poilus dans lequel j'avais fait quelques pages ; je sortais de la création du film "Ni à vendre ni à louer" et j'avais envie de revenir un peu au livre avant le tournage du prochain. Ça m'intéressait de bosser sur un format un peu différent et après
Le projet est donc parti de la forme du livre et non pas de la volonté de rendre hommage à un réalisateur précis... C'est vrai que le film d'Hitchcock portait déjà cette thématique. Quand on regarde "Fenêtre sur cour", on voit quelqu'un qui est immobilisé , les jambes dans le plâtre, et qui commence à regarder derrière les fenêtres la vie des gens à portée de cour...il y a les célibataires qui se rencontrent , un jeune couple tout juste marié , un couple plus âgé jusqu'à, en effet, ce couple
" Ce leporello était une façon de lier deux influences dans ma formation de narrateur ; celle de Tati et sa poésie, celle d'Hitchcock et son intelligence de mise en scène et sa malice" 26 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
avec l'acteur Raymond Burr qui joue l'homme excédé qui tue sa femme. J'avais adoré le film et je me suis dit que j'allais faire d'une pierre deux coups en rendant hommage à son réalisateur, un peu à Jacques Tati aussi. En effet Hitchcock était anglais et il tournait aux États-Unis : les architectures du film sont plus anglo-saxonnes qu'européennes et du coup, quand j'ai commencé à réfléchir à mes façades , j'ai plutôt pensé à la maison de Mon oncle de Tati...Dans le film, il y a d'ailleurs une scène où l'on fait le portrait d'un personnage par petits bouts: d'abord on voit
beaucoup, une vision un peu désespérée et en même temps qui n'est pas cynique; il y a juste quelque chose de triste dans la vision des personnages qu'il décrit mais une vraie justesse dans le détail et les motivations . Voilà, ce livre, c'est un peu le produit tout ça. Après c'est vrai que la création tient autant de l'adaptation que de la volonté personnelle...d'ailleurs la vie n'est qu'adaptation. C'était donc à moi de trouver, à partir de ce format imposé , comment en faire un livre qui me ressemblait et qui permettait de raconter quelque chose qui me tenait à cœur.
" L'art est plus une question qu'une affirmation" au travers d'une fenêtre la tête puis le tronc etc...ce leporello était donc une façon de lier ces deux influences dans ma formation de narrateur ; Tati pour sa poésie, Hitchcock pour son intelligence de mise en scène et sa malice. Comme il y a un peu de policier aussi, J'ai pensé aussi à Simenon qui a été pendant longtemps une de mes lectures de chevet : je n'en ai pas lu tant que ça puisque j'en ai lu 200 et quelques et qu'il en à écrit 500! ( rires) . Simenon a une analyse de l'humain qui me plait
C'est un livre qui donne l'occasion au lecteur d'avoir le premier rôle et d'être très actif... Le but était de donner de la liberté au lecteur , une liberté d'interprétation puisqu'il y a beaucoup de hors-champ ( qu'est-ce qui se passe derrière les murs? ) . On n'a que des bouts d'histoire perçue quand les gens sont dans l'axe des fenêtres. Aussi il y a beaucoup de choses à se raconter; je pense d'ailleurs que l'art est plus une question qu'une affirmation. Ce livre me permettait aussi de
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"Le but était de donner beaucoup de liberté au lecteur: une liberté d'interprétation puisqu'il y a beaucoup de hors-champ." changer le motif de lecture puisque le livre , par rapport au cinéma, à cet avantage que l'on peut revenir en arrière, on peut confronter les images ; je voulais laisser au lecteur le loisir de déchiffrer tous les indices que j'ai glissés derrière les fenêtres . Dans le film d'Hitchcock, le fait d'observer l'intimité des gens joue des tours au personnage principal or là il semble que le message soit plutôt le contraire:
"regardez à votre fenêtre, soyez curieux des autres"...non? C'est vrai que le bouquin a plutôt été conçu de façon assez ludique. Le photographe d'Hitchcock est immobilisé et il ne peut faire autrement. Le lecteur, lui, peut refermer le bouquin( rires) ...dans tous les sens. C'est pas du tout le même point de vue que celui qu'a installé Hitchcock. Ce leporello est un petit voyage avec un plan naturel qui est celui de la succession des images. Mais j'ai laissé beaucoup de choix et de
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" Je voulais laisser au lecteur le loisir de déchiffrer tous les indices que j'ai glissés derrière les fenêtres " possibilités différentes d'aborder le livre et chacun l'aborde comme il le veut! Les histoires des personnages étaient déjà précises ou se sont construites au fur et à mesure de la confection? Les histoires se sont construites au fur et à mesure de la réalisation du projet. C'est ce qui m'a amusé d'ailleurs! Par exemple, j'ai dessiné la jeune femme enceinte qu'au bout de trois mois parce que ce jeune couple me racontait une histoire et que je voulais marquer la différence avec les autres couples. Ce jeune couple qui se construit en faisait un enfant répondait en miroir à un autre couple avec un enfant plus âgé et qui avait des problèmes de fidélité réciproques. On retrouve un pianiste, un couple amoureux, un meurtre ...présents dans Fenêtre sur cour. Pourquoi avoir gardé certains éléments du film et pas d'autres?Comment s'est fait le choix? Avez-vos choisi ceux qui
éveillaient davantage vos fantasmes, votre imagination? Le pianiste m'amusait assez parce que, du fait de son métier, il peut dormir le jour et travailler la nuit et emmerder celui qui est en dessous ( rires). Le jeune couple me faisait penser à la jeune fille que vient draguer Hulot dans" Mon oncle". Les deux ivrognes avec chiens ; il y a un qui vient plus de Hitchcock , l'autre de Tati. Le second m'a été inspiré par un personnage de "Mon oncle " qui est toujours en peignoir et qui est toujours ramené par son chien à la maison; je voulais donc que le premier soit donc plus anglosaxon. Il y a aussi deux célibataires qui passent leur temps a regarder la télé; il y a une femme délaissée à l'étage qui va avec le pianiste de temps en temps ...j'ai essayé de faire en sorte que tout fonctionne en paires. Graphiquement parlant, on perçoit un important travail sur les couleurs et ses nuances: pour représenter les divers moments de la journée et la variété des
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" Quand j'ai commencé à créer ces tableaux, j'ai pensé à une scène de théâtre puisqu'on a un décor unique où les éclairages varient, avec les acteurs qui apparaissent dans les différentes fenêtres." lumières, avez-vous fait un travail photographique préalable? Je n'ai pas travaillé du tout d'après photos; par contre, il m'est arrivé de me lever la nuit pour voir les éclairages, la luminosité à différentes heures, les ambiances générales. Quant aux images de jour, le matin, j'ai représenté les ombres qui partaient sur la gauche et le soir , sur la droite, ces heures où les ombres courent plus loin. Et puis on y voit aussi des heures où la lumière zénithale fait qu'il n'y a pas d'ombres au sol. Si , pour ne pas reproduire la même image, j'ai voulu exprimer les changements d'heure , avec ce côté matinées et soirées, j'ai représenté aussi des changements de temps: lorsque le linge vole, c'est une journée de tempête...la journée très pâle , c'est une journée avec brouillard... On voit un temps pluvieux également etc. Cette bd fait un clin d'œil au cinéma et à la littérature , on l'a vu , mais également au théâtre...Est-ce parce que la vie des autres, au travers des fenêtres, acquiert un côté presque irréel et
qu'on croit y voir une pièce qui se joue sous nos yeux? Y-a-t-il un clin d'œil aux décors en carton-pâte d'Hitchcock? C'est un peu ça oui. En fait, au début, c'était un hommage au cinéma et à la littérature, en passant par Maigret etc...puis quand j'ai commencé à créer ces tableaux, j'ai pensé à une scène de théâtre puisqu'on a un décor unique où les éclairages varient, avec les acteurs qui apparaissaient dans les différentes fenêtres. Mais au bout du compte, c'est surtout une bande -dessinée puisque ça reste un support papier avec des images et une narration qui s'effectue d'une image à une autre. C'est pour cela qu'à la fin, quand le rideau tombe, il y a un personnage qui arrive avec ses planches et c'est un personnage que l'on retrouvait dans les bds d'Alexis et de Gotlib où quand ils dessinaient une image qui pouvait passer à la censure, il y avait toujours ce petit personnage avec ses planches qui cachait la scène. Alexis a été une de mes influences pendant longtemps, au début quand je démarrais dans la bd;
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aussi je voulais faire comme une espèce de boucle: la bandedessinée qui parle de théâtre, de cinéma et de littérature va aussi parler de bande-dessinée. Pour conclure, avez-vous d'autres projets en cours? Je pense que je vais m'atteler à un p ro j e t d e b o u q u i n d a n s p a s longtemps mais là je suis en postproduction d'un tournage que j'ai fait en avril-mai; le montage est fini; on est sur le montage-son, la musique et l'étalonnage. Une fois que cela sera terminé, je vais avoir un tout petit peu de temps ( rires) avant la sortie du film et la promo que ça implique...et peut-être le tournage d'un prochain déjà sur les rails...
reviens à quelque chose de plus narratif. Fenêtres sur rue Éditions: Soleil Collection: Noctambule Auteur: Pascal Rabaté Parution: Août 2013 Prix: 18,95€
Ce film sur lequel vous travaillez est inspiré d'une de vos bds ? Non, c'est un scénario original , même si ça peut faire penser à un spin off, comme on dit dans le métier, parce qu'il y a un des personnages qui existe en bd qui est celui du "petit rien tout neuf avec un ventre jaune". Mais même si le personnage apparaît, le scénario a toujours été écrit et conçu pour le cinéma. C'est mon troisième long métrage; le premier était une adaptation des Petits Ruisseaux, le deuxième était un film hommage au cinéma burlesque , un film sans dialogue, et là je 33 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
THÉÂTRE
Magali Wiéner Texte Julie Cadilhac / crédit photo D.R
Agrégée de lettres classiques, Magali Wiéner , en plus d'enseigner en collège, est l'auteure de romans jeunesse ( "Sophie Scholl ,la rose de la liberté" , " Rimbaud, une vie en enfer" , " Les carcérales ") mais également de nombreux ouvrages pédagogiques sur des sujets aussi divers que la poésie, les romains, les jeux olympiques, les chevaliers ou encore le théâtre. Cet été est parue la réédition d'un de ses classiques: "Le théâtre de l'antiquité à nos jours", passionnant petit documentaire au propos accessible et riche en documents et iconographies. Pour savoir l'essentiel sur le théâtre, un indispensable qui s'adresse d'abord à un public adolescent mais peut être utilisé par des étudiants ou même des adultes qui souhaiteraient rafraîchir leurs connaissances sur le 6ème art.
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place une frise chronologique lisible afin de donner de vrais repères non pour des spécialistes mais pour des élèves. Et c’est d’ailleurs eux qui m’ont donné l’idée d’un tel ouvrage. Quand, en situation d’enseignement, je leur demandais de chercher sur tel o u t e l a u t e u r, s u r t e l o u t e l mouvement, les documents qui étaient à leur disposition – c’était avant Google ! – étaient souvent difficiles voire carrément obscurs pour eux et peu compréhensibles. Il était nécessaire de les aider… voilà comment avec mon éditeur, on s’est dit, on le fait ! Soyons fous !
Lorsqu'on s'attaque à une tâche aussi impressionnante - résumer l'histoire du théâtre en un peu plus de 100 pages, on est pris d'abord de vertiges, non? Comment est venue l'idée de ce livre? Un tel projet est plutôt un défi. C’est l’envie de permettre à un public jeune, souvent novice en matière de théâtre, d’appréhender l’histoire du théâtre dans son ensemble. Il était impératif d’opérer des choix et surtout d’accepter d’emblée le fait de ne pouvoir tout raconter, tout dire. Dans un tel ouvrage, il n’y a pas de place pour l’analyse en
Quelles sont les premières questions que vous vous êtes posées? Quelle méthode avez- vous suivie? Les premières questions ont été celles de mes élèves. Je me suis penchée sur leur incompréhension, sur les zones qui leur résistaient vraiment. Ma méthode a été simple : une évolution chronologique, d’ailleurs le titre initial était « Le théâtre à travers les âges ». Les grandes périodes théâtrales en
profondeur, pour l’exhaustivité ou le
travail du détail ; c’est exactement l’inverse, il s’agit de prendre de la hauteur et d’essayer d’embrasser d’un seul regard l’histoire du théâtre sans pour autant verser dans la caricature et l’à peu près. C’est un pari, fou et extravagant mais réjouissant. J’ai donc très vite cherché les moyens de construire des échos d’une période à l’autre pour créer un système de résonances, de mettre en
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occident, particulièrement en Europe. Ensuite pour chaque période, j’ai cherché à clarifier mon propos, à isoler des anecdotes marquantes, à présenter des biographies rapides des auteurs du moment, à choisir des passages des œuvres pour donner envie ensuite d’aller plus loin et pourquoi pas de voir ou lire la pièce. Écrire un ouvrage pédagogique nécessite-t-il d'avoir eu auparavant des expériences en tant que pédagogue ? Avez- vous enseigné l'histoire du théâtre? Un ouvrage pédagogique impose surtout un ton. Transmettre sans r e b u t e r, faire découvrir sans lasser et sans être obscur ou trop spécialiste. Mes élèves, comme je l’ai déjà dit, m’ont effectivement donné « le ton ». Professeur au lycée et en collège, j’ai bien sûr eu l’occasion d’enseigner le théâtre à travers la lecture de pièces qui font partie des classiques : Molière, Ionesco, Sartre, Romains, ou Shakespeare. Chaque fois, j’ai pu constater que les élèves aimaient ces textes, aimaient les jouer mais ignoraient tout du contexte de création, des règles qu’impose ce genre particulier et de ce qu’était un acteur, un metteur en scène ou un dramaturge. Un coup de projecteur s’imposait. Si vous deviez citer une période de l'histoire du théâtre qui vous séduit
particulièrement, laquelle serait-ce....et pourquoi? Toutes les périodes ont leurs pépites… mais je crois que je choisirais, pour vous répondre, le drame élisabéthain et particulièrement l’œuvre de Shakespeare. Je suis chaque fois sous le charme de la liberté de ton, de la variété des personnages et de la richesse des intrigues sans parler de l’organisation scénique qui permet le baroque. Pause récréative: Quel est votre meilleur souvenir de théâtre? Et le pire? Mon meilleur souvenir de spectatrice remonte sans doute à l’adolescence quand le dimanche après-midi, j’allais m’asseoir au poulailler de la Comédie Française. Il y avait une atmosphère magique qui était due autant à la force du jeu des acteurs qu’à la liberté nouvelle que je goûtais car je venais seule, ce n’était pas les adultes qui avaient choisi pour moi, c’était moi qui venais là pour voir, pour me laisser séduire, pour découvrir. Les belles rencontres scéniques : Beckett, Duras et Mnouchkine avec sa trilogie des Atrides à la Cartoucherie, fantastique ! Le pire souvenir : une pièce au théâtre de Chartres, Coriolan de Corneille, mal joué, un texte récité, haché, je suis sortie avant la fin en faisant claquer mon siège. Je ne supporte pas les pièces massacrées qui me font au bout du compte passer une très mauvaise soirée.
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s’ils se destinent à travailler dans le théâtre…
Estce un ouvrage pour lequel vous avez visé un public particulier? Conçu pour compléter un apprentissage? Pensezvous qu'il puisse être attractif aussi pour des adolescents en dehors d'un cadre scolaire par exemple? Au départ, c’est prévu pour un public scolaire, collégiens et lycéens. Mais à en discuter avec beaucoup d’adultes, finalement, ce petit livre pourrait être un « Le théâtre pour les Nuls » ou un vademecum pour qui veut compléter rapidement une connaissance parfois lacunaire du théâtre. Je l’avais même vu conseillé pour des étudiants en lettres, pour le CAPES ! Ce qui m’avait semblé évidemment absurde, mais cela pourrait être la première marche, un préambule qui donnerait envie ensuite d’approfondir. Pour des adolescents, en dehors de la prescription des professeurs ou des parents, je pense que c’est peut-être difficile de le penser sauf s’ils ont cette motivation en eux, s’ils font du théâtre,
Que conseilleriez-vous aux parents qui souhaiteraient offrir ce livre à leurs enfants pour que la lecture leur soit profitable et enrichie? MW – Je conseillerais de laisser le livre traîner à l’occasion d’une sortie-théâtre par exemple. Il ne s’agit pas d’obliger un enfant à lire in extenso l’ouvrage, mais plutôt de lui donner à grignoter autour d’un thème (par exemple la commedia dell’arte), d’un auteur (Molière) ou même d’une pièce replacée dans son contexte historique de création. C’est un livre pour échanger, pour construire une culture. Ce livre doit s’accompagner de théâtre vivant, de représentation ou de films également. Vous concluez dans cet ouvrage avec le Théâtre du Soleil pour évoquer le théâtre contemporain...vous évoquez ceux qui revisitent les pièces classiques et insistez sur le fait que les auteurs contemporains évoquent la violence du monde...n'oublie-t-on pas de préciser que demeurent encore des troupes qui poursuivent les traditions plus classiques? Cette conclusion ne risque-t-elle pas de donner l'impression qu'aujourd'hui on ne fait plus que du contemporain? Il s’agissait de s’intéresser à la création théâtrale, à l’évolution d’une pratique ou de techniques d’écriture qui se modifient avec le temps. Il va de soi qu’on joue toujours Molière, Racine, Ionesco… mais ce n’était pas exactement mon propos. J’ai cherché à répondre, trop rapidement certes, à la q u e s t i o n : q u e l t h é â t r e é c r i t - o n
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aujourd’hui ? quel texte sur les planches ? Avez-vous échangé avec des adolescents au sujet de l'histoire du théâtre et de ses genres? Sont-ils plus sensibles à certaines périodes et certains genres selon vous? Les adolescents sont curieux et aiment le théâtre. Ils aiment le métier d’acteur qui est fascinant, ils se questionnent facilement : pourquoi cette pièce ? pourquoi ce décor ? comment on tient un monologue ? etc. et ils l’aiment encore plus si c’est bien accompagné, bien préparé, c’est dans cette direction que j’ai composé ce livre. Leur donner des indications précises, restituer dans une période historique dont ils connaissent souvent très peu de choses et ne jamais les exclure en stigmatisant leur ignorance ou leur méconnaissance de l’histoire littéraire. Je voulais un livre qui s’adresse à eux en les prenant au sérieux.
Vous parlez de crise du théâtre et c’est vrai qu’elle est là, mais à l’inverse Avignon remporte un vif succès, certains théâtres affichent complet pour plusieurs pièces d’une saison, donc j’aurais envie de dire que c’est relatif. Non, je n’ai pas les clefs pour analyser ce phénomène. Les offres culturelles sont très nombreuses, le pouvoir d’achat n’est plus le même… mais c’est peut-être m’en remettre à des arguments galvaudés. Ce que je déplore fortement, et qu’il faudrait oser dénoncer, c’est une démocratisation en demiteinte. Le public du théâtre reste très cloisonné et très sélectif, tout le monde ne va pas au théâtre. Le projet de Jean Vilar aurait-il échoué ? Voilà une question qui dérange sans doute mais qui demeure passionnante. Qui va au théâtre, ce soir ?
Direction de la communication du Département de l’Hérault – Création : LOWE STRATEUS – Photo / illustration : © Davai.ca
On parle d'une crise du théâtre depuis plusieurs années et de la baisse notable des spectateurs: Imaginer cet ouvrage vous a-t-il apporté des hypothèses sur ce phénomène culturel?
Visites de l’expo : - du mardi au samedi de 10h à 19h en visite libre - tous les mercredis et samedis à 14h30 en visite guidée hors jours fériés
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pierresvives , rue du professeur blayac à montpellier
ToutE l’actualité du Théâtre concentréE sur un seul site www.autheatrecesoir.fr
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THÉÂTRE
MArion GUERRERO Par JULIE CADILHAC / Photo Crédit-photo: DR
Comédienne et metteuse en scène, Marion Guerrero dirige également la compagnie Tire pas la nappe avec Marion Aubert. Originaire de Sète, elle a suivi sa formation au Conservatoire national d'art dramatique ( ENSAD) de Montpellier puis à l'Atelier Volant de Toulouse. Elle monte en octobre 2013 avec les élèves de l'ENSAD L'opéra de quat´ sous, une comédie en musique allemande de Bertolt Brecht et Kurt Weill. Créée en 1928, cette dernière raconte l'affrontement entre Mackie, un petit bourgeois du crime et Jonathan Peachum, un grand bourgeois de la truanderie à cause du mariage de Mackie avec Polly, la fille de Jonathan. Et les accords de malfaiteurs qui poursuivront les noces...Une pièce d'actualité de par sa critique virulente d'une société dont l'argent est le ciment. On retrouvera également Marion Guerrero en février 2014 dans Le Lorenzaccio , une pièce inspirée de Une conspiration en 1537 de George Sand dans laquelle elle jouera et qu'elle co-mettra en scène avec Frédéric Borie. Rencontre avec une jeune femme au propos passionnant à découvrir absolument, si ce n'est déjà fait.... Pourriez- vous d'abord nous expliquer votre parcours théâtral? A 11 ans j'ai été touchée par la grâce. J'ai assisté à une représentation (forcément approximative) des élèves de mon collège et j'ai su que ma vie était là. Je voulais être comédienne, faire du théâtre et ce désir ne m'a plus
quitté. J'ai fait tout un tas d'ateliers, j'étais boulimique. Puis je suis entrée en section A3 Théâtre au lycée Jean Monet de Montpellier. S'en sont suivis le Conservatoire (aujourd'hui Ecole Nationale Supérieure) alors dirigé par Ariel Garcia Valdes, à 16 ans en initiation et à 18 ans en section
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professionnelle, puis dans la foulée la première promotion de l'Atelier volant au TNT de Toulouse, alors dirigé par Jacques Nichet. C'est là que j'ai fait ma première mise en scène Petit(s) rien(s), Cabaret, à 22 ans. C'est dans ces deux écoles que j'ai rencontré les compagnes et compagnons de travail de ma vie. Au Conservatoire, j'ai rencontré Marion Aubert et Capucine Ducastelle avec qui j'ai fondé la Cie Tire Pas La Nappe, qui en est aujourd'hui à sa 17ème année d'existence. Et nous travaillons toujours ensemble! Nous avons monté une quinzaine de spectacles que nous avons joués un peu partout en France e t à l ' é t r a n g e r. N o u s s o m m e s maintenant en résidence à la Comédie de St Etienne, nous intervenons également à l'école de la Comédie et avons des projets par milliers. Nous partons d'ailleurs dans une semaine à San Francisco, travailler avec les élèves d'ACT, l'école d'art dramatique de la ville. Au Conservatoire, j'ai aussi rencontré Richard Mitou, actuel directeur de cette maison, avec qui, par la suite, j'ai
fait l'Atelier Volant. Je boucle, pour ainsi dire, une boucle en travaillant comme intervenante et en faisant partie du jury d'entrée de l'école qui m'a vu grandir. Je suis très reconnaissante à Ariel (et maintenant à Richard) de m'avoir fait confiance pour travailler avec les élèves depuis des années maintenant. C'est un travail extrêmement riche et important pour moi. C'est comme une bouffée d'air, un retour à la source de l'envie.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire de la mise en scène? Avezvous des mentors qui vous ont poussé à embrasser cette profession artistique? Je ne sais pas exactement ce qui m'a donné envie, je sais que tout m'a toujours intéressé au théâtre, dans la confection du théâtre. Tous les postes. Celui de metteuse en scène permet de mettre son grain de sel un peu partout, de toucher à tout. J'aime faire des images, créer des mondes, résoudre des problèmes. J'ai en tout cas toujours aimé diriger mes camarades. J'adore ce rapport privilégié avec l'acteur. Je pense que le fait d'avoir rencontré Marion Aubert a été déterminant dans le "passage à l'acte". Elle a commencé à écrire, j'ai adoré ce qu'elle écrivait et j'ai tout de suite eu envie de le mettre en scène. C'est
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venu tout naturellement, avec l'insouciance de la jeunesse. Je ne peux pas dire que j'ai eu, à proprement parler, des mentors, même si j'ai, par exemple, adoré les spectacles de Claude Buschwald sur les textes de Novarina, Le repas et L'opérette imaginaire. J'avais alors 19 ans et ce qui est formidable c'est que j'ai, depuis, dirigé deux des acteurs que j'avais tant admirés à l'époque, Dominique Parent et Elisabeth Mazev. J'ai adoré La femme changée en renard de Didier Bezace, ou le Platonov de Lavaudant. J'ai quelques magnifiques souvenirs de théâtre, mais qui ne me destinaient pas plus à mettre en scène qu'à jouer... Ce qui est certain c'est qu'à un moment j'ai ressenti le besoin et l'urgence de "faire", de créer, de ne pas attendre que ça vienne des autres. Aujourd'hui je me rends compte que je suis souvent passionnée par des travaux transversaux, qui mêlent plusieurs arts. Ceux de Marthaler où le
chant est omniprésent ou encore des spectacles de danse comme ceux de Pina Bausch ou plus récemment de Dave St Pierre ou Peeping Tom. On ne peut pas dire que ce soit de l'opérette ou de la danse ou du théâtre. C'est du spectacle et j'adore ça. Ce qui nous mène petit à petit (vous apprécierez la transition (sourire)) vers l'Opéra de quat'sous... Est-ce votre première confrontation avec Bertolt Brecht? Comment qualifieriez-vous en quelques mots son esthétique et sa pensée? Ce n'est pas tout à fait ma première confrontation avec Brecht, puisque j'ai joué dans Jean la chance mis en scène par Jean-Claude Fall, il y a quelques années. Mais en tant que metteuse en scène oui, c'est la première fois. L'esthétique de Brecht est, bien entendu, une esthétique, ou plus exactement une vision, qui a marqué l'histoire du théâtre. Il a mis son théâtre
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en opposition au théâtre bourgeois. Il a inventé le concept de distanciation. C'est-à-dire le fait de s'éloigner du réel et de "dénoncer" la représentation. Reproduire le réel mais avec un effet déformant, grossissant, grotesque. Le mot allemand que nous avons traduit par distanciation, signifie "effet d'étrangeté". D'une certaine manière ce procédé permet une participation plus active du public, le sollicite davantage en démontant le mécanisme de l'illusion. En réalité il n'a pas totalement inventé cette idée, bien des formes théâtrales utilisent ce procédé. Toutes les formes ancestrales du théâtre de masque par exemple. Mais disons qu'il l'a modernisé et conceptualisé au service de ses convictions. Les spectateurs sont encore parfois déconcertés par des spectacles qui brisent les codes de la représentation classique. Ca ne date pourtant pas d'hier! Ce que j'aime dans l'œuvre de Brecht, c'est que le ludique est au service de l'idée. Il
démontre qu'on peut écrire et monter des farces et des opérettes qui parlent de notre condition d'être humain. Qui ne sont pas seulement là pour distraire, mais pour raconter nos bassesses et nos espoirs. Que le rire peut être subversif. Qu'il doit l'être. C'est aussi le travail que nous défendons avec la Cie Tire Pas La Nappe. Pourquoi avoir choisi de monter L'opéra de quat´sous? Pour ses résonances contemporaines? Je crains que cette pièce ne soit d'actualité très longtemps encore! Le pouvoir de l'argent, la misère, le mensonge, la corruption... En fait, comme je vous l'ai dit, je suis intervenue plusieurs années avec plusieurs promotions à l'Ecole. Dès la première fois j'ai eu envie de travailler avec le chant, qui est pour ainsi dire ma seconde passion. Nous avions travaillé à partir d'improvisations et de quelques textes glanés dans Ma Solange, Comment t'écrire mon
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désastre... de Noëlle Renaude. Nous avions créé un spectacle, qui s'appelait B o u c h e r i e m u s i c a l e , d a n s l e q u e l j'incluais des chansons que les élèves travaillaient avec leur professeur de chant, Philippe Laboal. J'ai adoré cette expérience. Et depuis nous nous étions accordés, avec Ariel, pour que j'intervienne régulièrement sur ce même principe. J'ai monté Thé dansant, cette fois uniquement à partir d'improvisations écrites des étudiants et toujours des chansons qu'ils travaillaient avec Philippe. Pour Un Opéra de quat'sous Ariel m'a demandé de chercher un livret existant. Un "vrai" texte et les chansons qui vont avec. J'ai tout de suite pensé à Quat'sous. Cette pièce trimballe quelque chose de joyeux et de sulfureux qui m'a toujours plu. Et puis je n'ai pas pu m'empêcher de rajouter des chansons de toutes les époques... Vous travaillez avec de jeunes comédiens de la promotion 2014 de l'ENSAD? Quelles différences
essentielles relevez-vous entre ce travail avec ces comédiens "apprenants" et des comédiens plus expérimentés? La même différence que celle qui existe entre un professeur et un élève et deux collègues de travail, je suppose. C'est essentiellement une question de placement. Je suis censée leur apporter mon expérience, avoir une vision pédagogique du travail. Par exemple dans le cas présent, le fait que je veuille que tous se confrontent au chant. Que je m'intéresse à leur évolution, plus qu'au résultat. Même si le résultat m'intéresse énormément ! Mais tout ça est en réalité très poreux. Il arrive, quand on monte des spectacles avec des professionnels, d'engager des jeunes gens du même âge qu'eux. Je suis moi-même sortie de l'école à 21 ans, alors que certains y entrent à 26. L'expérience et la pratique du théâtre comptent bien sûr beaucoup, mais l'expérience de vie est aussi importante. En réalité il est très difficile de faire une
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séparation nette. Les acteurs sont déjà tout simplement très différents les uns des autres. Au sein même de l'école, les expériences de chacun sont parfois très disparates. Certains ont déjà joué dans des productions en dehors de l'école, d'autres sont complètement novices. La particularité essentielle est peut-être qu'on est en face d'un groupe qui a une vie autonome. Ce n'est pas un groupe qu'on a formé pour l'occasion puis qui se disloque. Ils restent trois ans collés, à travailler ensemble. L'essentiel est d'instaurer un rapport de confiance et de leur faire découvrir mon univers. Chaque intervenant apporte son univers avec lui, ce qui permet aux étudiants de se positionner vis à vis de leurs parcours futurs. Je pense avoir conscience de ça par exemple. Avoir conscience aussi du fait que chacun doit apprendre à se connaître, à explorer son champ des possibles. Je crois que c'est tout
simplement la position dans laquelle on est, de fait, qui modifie légèrement le rapport et pousse à travailler légèrement différemment. C'est aussi pour moi un endroit de grande liberté, où on peut tester des choses sans la pression d'une production professionnelle. Même si certains travaux, comme celui-là, le deviennent... Vous avez ajouté à la partition de Kurt Weill des morceaux de pop rock français et anglais plus contemporains...n'est-ce pas? Pas seulement de pop rock! Du Brassens, du Samson, du Nancy Sinatra, du Nougaro, du NTM ! Bon et puis du Kurt Weill quand même. J'ai des goûts musicaux assez éclectiques et j'aime bien faire cohabiter ces styles différents. il y a eu aussi le fait que c'était un travail d'élèves, et non pas de comédiens-chanteurs choisis pour l'occasion, il était impossible que la partition de Kurt Weill convienne à
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toutes les voix, et je tenais donc à ce que tous se confrontent à l'exercice du chant. Chacun d'entre eux m'a proposé plusieurs chansons en accord avec Philippe et nous avons choisi celle qui était en tout point la plus juste. Pour eux et pour la pièce. Et puis je trouve ça ludique de trouver des correspondances entre des chansons qui n'ont a priori aucun rapport avec la pièce et le texte de Brecht. Mettre certaines chansons d a n s l a b o u c h e d e c e r t a i n s personnages apportent un éclairage nouveau. Quel parti-pris avez-vous choisi pour monter cette pièce? Déjà, donc, celui de rajouter des chansons plus "modernes" à la pièce. Et puis comme je trouve que les contraintes sont propices à la création, je me suis aussi donnée comme objectif de faire en sorte que chaque étudiant ait une partition équivalente à défendre (ce qui nous
ramène une nouvelle fois à la question de la pédagogie). Ils sont 14 et il y a beau y avoir beaucoup de personnages dans la pièce, la plupart sont secondaires. J'ai voulu me servir de cette contrainte (que rencontre d'ailleurs chaque intervenant de l'école) non pas comme un frein mais comme un atout, et faire en sorte qu'elle m'aide à éclairer la pièce. J'ai donc dédoublé ou parfois triplé les rôles sur scène. 2 madame Peachum, 3 Polly, ou 2 couples de Polly/Mac se retrouvent sur scène simultanément et se partagent le texte. Ceci rajoute une monstruosité aux personnages et produit un effet de cauchemar qui éloigne la pièce du réalisme. Les choix de dédoublements (tel personnage est doublé en face de tel autre qui ne l'est pas) révèlent aussi les rapports entre les personnages et les personnages eux-mêmes.
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Un mot sur les décors et les costumes? De façon assez banale quand on monte Brecht, je voulais que les acteurs puissent se costumer sur scène. Non pas seulement pour "dénoncer" la représentation, comme ça a été fait maintes et maintes fois, mais pour cette histoire de personnages qui glissent de l'un à l'autre et se dédoublent. Installer dès le début le fait que l'acteur puisse passer d'un rôle à un autre, à vue, par la convention du costume. Du coup, il fallait trouver un ou deux éléments marquants à chacun des personnages, pour qu'ils soient immédiatement reconnaissables. Parce qu'il n'est bien sûr pas question pour moi de perdre le spectateur. Le décor a pour ainsi dire découlé de cette idée. Nous avons installé une sorte de forêt de vêtements suspendus au bout de cordes, qui encadre l'espace de jeu. Au fur à mesure que les acteurs endossent les costumes, les ficelles se dénudent et changent l'image. On pourrait y voir une forêt de pendus ou ce qu'on appelait "la salle des pendus" dans les vestiaires des ouvriers des mines de charbon. Ces images m'ont toujours fascinée. Et puis Mac est censé être pendu à la fin de la pièce. C'est comme une menace qui rôde mine de rien. Pour les autres éléments de décor, le parti-pris est de donner des "vies" différentes aux objets. Qu'il y ait très peu d'éléments, mais qu'en les utilisant de manière différente, en les retournant simplement par exemple, l'image soit totalement modifiée. C'est un travail sur le symbole. Il suffit qu'un acteur trimballe un cadre en grillage devant lui pour qu'il soit en prison. Je trouve toujours ça magique de faire
beaucoup avec peu. Ca fait travailler mon imaginaire et celui du spectateur.
En février, vous jouerez dans Le Lorenzaccio de Georges Sand. Quel rôle incarnerez-vous dans cette pièce? Je joue la mère de Lorenzaccio. Un rôle de composition donc! Et puis Frédéric Borie, co-metteur en scène et qui a conçu l'adaptation, a voulu ajouter en fin de spectacle un monologue écrit par Sarah Bernardt, qui parle de la dernière exécution à laquelle elle a assisté. C'est elle qui a créé le rôle de Lorenzaccio. Je joue donc Sarah Bernardt sortant de scène après une représentation de Lorenzaccio. Ce texte ambigu est une belle mise en abîme de la pièce. Pourriez-vous nous dire quelles sont les principales différences entre le manuscrit de Georges Sand intitulé " Une conspiration en 1537" et la pièce qu'a écrite Alfred de Musset à partir de ce manuscrit? C'est un peu compliqué parce qu'au final, le montage est un mélange des deux pièces et il reste finalement assez peu du texte de Georges Sand. Il reste surtout la structure du texte, très court et plus brutal. Le squelette du montage s'appuie sur le déroulé de la pièce de Sand.C'est d'ailleurs sans doute la plus grande différence entre les deux textes. Le texte de Sand a inspiré celui de Musset. Elle a écrit un texte très court qui va droit au but. C'est presque un huis clos. Musset,quant à lui, a énormément étiré la pièce. Elle est même très longue. Il a développé la dimension politique, les tergiversations et les paradoxes du personnage de Lorenzaccio. Il a développé tous les personnages (à
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part les personnages féminins...) et a continué l'action après ce qui est l'événement final de la pièce de Sand : le meurtre du Duc. Frédéric Borie a choisi de travailler sur l'efficacité du texte coup de poing de Sand, avec la langue de Musset.
Les dates de représentation:
Guerrero- Au theatre Jacques Cœur, 34970 Lattes. ▶Aller plus loin sur le BSCNEWS.FR > Gare aux vampires, ô spectateurs au sang gouleyant !
Lire l’article sur le bscnews.fr ici
- Du 9 au 11 octobre 2013 . L'opéra de quat´ sous - mise en scène: Marion Guerrero. Au Théâtre Jean Vilar 34000 Montpellier - Les 9 et 10 janvier 2014: Saga des habitants de Moldavie . Au théâtre de Roanne ( 42300) - Le 2 février 2014. Le Lorenzaccio Comise en scène: Frédéric Borie/ Marion
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TOUCHEZ L'ESSENCE DU PARFUM DANS CE NOUVEAU ROMAN PALPITANT ! LE PARFUM de PASCAL MARMET L’auteur sera en signature au Festival «Les mots Doubs» à Besançon les 20,21 et 22 septembre 2013 sur le Stand de la librairie l'intranquille et au Festival du livre de Mouans48 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE Sarthoux 2013 2013 les 4,5 et 6 octobre 2013
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Livres
ANTONIA KERR
LE DÉSAMOUR roman
D’amour et d’Hiroshima LIVRE PAR MARC EMILE BARONHEID / Photo DR
L’automne 2013 ne verra pas une rentrée sans amour. Ce sentiment que Paul Fort appelait « le seul rêve qui ne se rêve pas » vire parfois au cauchemar. Les oreilles de Cupidon doivent siffler, lorsqu’il survole la rue Gaston-Gallimard. Trois femmes, trois seconds romans, depuis des années à Marguerite. Mais une même idée fixe : il n’y a pas de là à imaginer le tour que vont d’amour heureux. Maria Pourchet (née prendre les événements … Les invités en 1980) choisit le déploiement d’une attendent en tuant le temps, alors loufoquerie sardonique pour raconter autre mise à mort menace, G A L L I M Aqu’une RD Marguerite et Paul. Elle lui a préparé rendue savoureuse par la dernière une surprise pour son anniversaire. Des phrase du récit. Un roman naturaliste amis dûment mis dans la confidence rappelant que le mieux est l’ennemi du attendent Paul dans un hôtel. Encore bien et conseillant en filigrane de ne faut-il l’amener à sortir de sa tanière pas réveiller un couple qui dort. sans éveiller ses soupçons. Or Paul n’aime pas les surprises. Mieux, il en a horreur et ne s’est pas privé de le dire
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Maria Pourcher ©Jean Baptiste Millot
Juliette et Olivier, deux enfants, forment-ils un couple ensommeillé ? Pas vraiment. En particulier le jour où Olivier apprend à sa moitié qu’il entretient une liaison avec Victoire, élue PS (précision voulue par Nelly Alard). La quatrième de couverture a beau vanter un « roman écrit au scalpel, sans concession mais non sans humour », on n’en trouve nulle trace dans cet accouchement par le siège, laborieux, poussif, interminable, d’un ennui proportionnel à sa longueur (375 pages). Le récit enroué égrène lamentablement sa rengaine néoféminisante. Rompra, rompra pas ? La maîtresse va-t-elle lâcher prise ? Jusqu’où Juliette est-elle capable d’aller dans la douleur et l’humiliation ? Olivier est-il médaillé d’or de l’abjection ? Rien qui vienne relancer l’intérêt pour ce scoutisme 51 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
52 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013 Antonia Kerr ©Jean Baptiste Millot
de l’utopie qui avance au pas d’Echternach. Quelle mouche a donc piqué l’éditeur ? La mouche tsétsé pardi.
ANTONIA KERR
LE DÉSAMOUR roman
Antonia Kerr (née en 1989 et qui vit à New York) est une petite-nièce littéraire de Philip Roth. Glenn, qui raconte l’histoire à la première personne. Il est un écrivain d’âge mûr qui aime Laura, un tendron. Leur relation est forte et devrait combler Glenn, s’il n’était taraudé par la conviction que la vie est trop belle pour être vraie. Surtout que Laura disparaît régulièrement sans crier gare ni dire à quoi elle occupe ses fugues. Glenn vit un enfer que les actes de foi amoureuse de Laura ne peuvent conjurer. « Elle prétendait m’aimer pour se débarrasser de la culpabilité de ne plus m’aimer/…/ Ce n’est qu’en me débarrassant d’elle que je pourrais véritablement commencer à être heureux ». Mais Laura ne commet aucune faute. Comble de la stupidité, Glenn engage un détective privé qui lui relate la parfaite innocence de Laura. 130 pages de hara-kirisation d’une belle romance prise au piège du doute et de l’angoisse ou comment devenir cocu de soi-même. Antonia Kerr franchit avec brio l’écueil du second roman, lequel, à n’en pas douter, deviendra bientôt le deuxième. « Le désamour », Antonia Kerr, Gallimard, 15,90 euros « Rome en un jour », Maria Pourchet, Gallimard, 16,90 euros
GALLIMARD
« Moment d’un couple », Nelly Alard, Gallimard, 20 euros
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Politique
Une Allemande (presque) comme les autres LIVRE PAR RÉGIS SULLY
«Pour tous les Allemands, elle symbolise la relégation de trente huit ans de partition sur les étagères du passé.» A la fin du mois, Mme Merkel sera probablement à nouveau la chancelière de l’Allemagne. Ce devrait être son troisième mandat. Elle a été élue pour la première fois en 2005. Elle est devenue ainsi à cinquante et un ans la plus jeune et la première femme de l’histoire allemande à occuper ce poste. En o c t o b r e 2 0 0 9 , e l l e s e ra r é é l u e chancelière par le Bundestag par 323 voix sur 612. Comment cette fille de pasteur qui vécut toute la première partie de sa vie en RDA, qui suivit avec succès des études scientifiques, qui n’eut aucun engagement politique sérieux avant les bouleversements de 1989 put-elle accéder aux commandes
de la plus puissante nation du continent européen? C’est à cette interrogation que le livre de Florence Autret apporte une réponse. Angela Merkel de son nom de jeune fille Kasner a bénéficié d’un milieu familial propice. Son père a joué un rôle non négligeable dans la formation de sa fille. En 1950 Il a mené sa famille de Hambourg vers la zone soviétique croisant ainsi des milliers de réfugiés allemands, non qu’il partageât les idéaux marxistes mais par convictions religieuses! Plus tard il deviendra un homme influent de l’Eglise protestante est-allemande et un interlocuteur des hiérarques communistes. Les discussions au sein de la famille qui comptait outre les deux parents une soeur et un frère étaient libres et les désaccords mis sur la table plutôt
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qu’enfouis. La confrontation avec le système communiste fut également formateur. A ce propos le livre de Florence Autret restitue les difficultés habituelles des citoyens de la RDA dont Angela Merkel a su tirer profit. L’ascension d’Angela Merkel fut également due aux circonstances : effondrement de la RDA, élimination de personnalités politiques de premier plan pour leurs accointances avec la Stasi, réunification des deux Allemagne, rencontre avec Helmut Kohl dont l’air du temps l’amène à promouvoir une femme, jeune et de l ’ ‘ E s t . C i rc o n s t a n c e s favorables également le scandale du financement de la CDU qui tourne définitivement la page Kohl. En 1998 elle sera choisie par défaut comme secrétaire générale de ce parti. Rares étaient ceux qui lui prêtaient un brillant avenir. Mais les circonstances aussi favorables soient-elles ne suffisent pas à conquérir le pouvoir, il lui faut une certaine dose de courage voire de témérité, bref une personnalité. C’est ce dont a fait preuve Angela Merkel le 22 décembre 1999 en publiant une lettre dans laquelle elle accuse Kohl de nuire au parti à propos de son financement occulte. Le 10 avril 2000 elle est élue présidente de la CDU.Il lui faudra quelque temps pour en prendre effectivement le pouvoir. Elle écarte peu à peu les barons. « Avec Merkel,la vallée du Rhin est devenue le
cimetière des ambitions des mâles catholiques,quadragénaires de l’Ouest,venus à la politique dans la pouponnière kohlienne». Enfin en 2005 elle est élue chancelière en succédant à Gerhard Schröder. Mais nous prévient l’auteur ce fut loin d’être une marche triomphale «Dire qu’Angela Merkel n’est pas rentrée à la chancellerie p o r t é e p a r u n e va g u e populaire enthousiaste est un euphémisme». Désormais Angela Merkel se trouve non seulement aux commandes de l’Etat allemand bien qu’en Allemagne» un chancelier soit la chose des partis politiques avant d’être celle du peuple», mais aussi sur le front européen où elle affronte depuis 2008 une s i t u a t i o n d i f fi c i l e q u e l’auteur narre en détail: le traité de Lisbonne,la crise financière de 2008, la crise grecque. Notons simplement que ceux qui l’ont côtoyée louent sa grande maîtrise d’ellemême et sa connaissance approfondie des dossiers. Au total un livre qui permet de mieux connaître la femme la plus puissante d’Europe mais aussi du monde selon le classement de Forbes devançant Hillary Clinton et Dilma Roussef
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Angela Merkel - « Une Allemande (presque) comme les autres » de Florence Autret - Editions Tallandier (mai 2013)
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Livres
Une autre rentrée LIVRE PAR PASCAL BARONHEID / Photo DR
Ils risquent de passer inaperçus, engloutis par la marée romanesque. Une certaine flibuste de l’édition existe pourtant et entend faire pièce aux forts tonnages de la marine marchande. Mens sana … Pour reprendre pied dans l’arène de septembre, rien de tel qu’une condition physique à toute épreuve. Si vous êtes sceptiques face à l’invraisemblable variété de salles et de gourous qui prétendent vous transformer en modèles de tablettes de chocolat ou clones de Nabilla, voici un ouvrage fréquentable. Certes, son titre roule des mécaniques, mais son côté pratique devrait avoir raison de vos réticences. Endurance spécifique, perte de poids, musculation, force maximale, 56 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
explosivité, vitesse, endurance, masse musculaire, souplesse, équilibre, gainage fonctionnel, récupération... Chaque chapitre traite d’une composante essentielle de la préparation physique, avec l’ambition d’amener l’amateur à transposer concrètement sur le terrain l’avancée des connaissances en la matière. Les chapitres, indépendants, peuvent se lire dans l’ordre voulu par le lecteur.
peuvent concerner celle qui parade sur
U n e s e c t i o n s p é c i fi q u e e s t exclusivement consacrée à la mise en place pratique d'une planification adaptée aux besoins de chacun : débutant, entraîné et compétiteur. Sceptique ? Allez en librairie et ouvrezle à « Comment perdre du poids »… Avec des tableaux, schémas, dessins, photos. « La bible de la préparation physique », Didier Reiss, Dr Pascal Prévost, Amphora, 37,50 € – www.ed-amphora.fr
Allez, aux bourreaux ! Les profs s’entraînent-ils ? A quoi ? Fautil une bonne condition physique pour recaler les potaches ? Détestent-ils parfois l’école ? On n’en sait trop rien. La preuve qu’ils ont une vie secrète. D’où l’utilité d’une enquête sur tout ce qu’ils font – ou ne font pas – dès que la dernière sonnerie a retenti. Présenté sous forme d’un abécédaire, un ouvrage facétieux mais pertinent ouvre la boîte d e Pa n d o r e . D e s e n t r é e s t e l l e s absentéisme, détresse, discipline, ennui, jacasser, obsession, pouvoir, sommeil, tabou, tricher, violence, xénophobie
l’estrade autant que le touriste qui envoie des textos à ses potes pendant le cours de math. Celui qui t’inflige des heures d’athlétisme sous une pluie glaciale et celle qui s’échine à souligner de rouge les réponses improbables à des questions nullissimes ne pensent-ils qu’à ça ? On trouve dans ce livre des confessions étonnantes, des états d’âme inattendus, des amorces de repentir, ce qui lui donne souvent un ton de vidage de sac à la salle des profs. Prenez garde, toutefois, aux actes de contrition : ils n’abusent que ceux qui les gobent, foi de cancre non repenti.
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« La vie secrète des profs », Françoise Grard, Nicolas Wild, Gulf Stream éditeur, 12,50 €
Et bien chantez maintenant
surprenants couples philosophicomusicaux, tels Gainsbourg et LéviStrauss, Céline Dion et Epicure, Brel et Françoise Dolto. Jenifer en héritière du siècle des Lumières, il fallait oser. On aurait tort de ne voir en ces propositions qu’un livre gag. Bien exploité, il devrait connaître un succès intéressant. Mylène Farmer et le marquis de Sade, Cookie Dingler et Beauvoir, Lorie et Heidegger : tout un programme. Si un volume 2 devait voir le jour et élargir le concept aux people, il serait intéressant d’y croiser Richard Vi r e n q u e , N a b i l l a , J o e y S t a r r, Geneviève de Fontenay etc … « La philo en 50 chansons », Thierry Aymès, éditions de l’Opportun, 15 €
Johnny Hallyday en porte-parole de Michel Foucault : ah que… Il n’y a pas de sotte pédagogie. Voici une méthode pour le moins originale, en matière d’enseignement de la philosophie. Elle repose sur la constitution de
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A cœur ouvert
L’angoisse, le doute, la mélancolie, l’urgence, l’irrésolution, les mirages ou les béances de la mémoire ne cessent de tenailler l’homme. L’écrivain qui les affronte est conscient de démêler un noeud de vipères. Mais la cruauté n’est-elle pas l’élégance du remords ? LIVRE PAR MARC EMILE BARONHEID / Photo ©DR
Chez Arnaud Cathrine, le romancier estompe le scénariste et le parolier, deux champs d’action plus anodins, q u o i q u e semblablement estimables. Aurélien revient dans son village natal pour assurer la vente de la maison familiale. Il s’y prêtera avec une procrastination flottante, accaparé
puis harcelé par les fantômes de l‘adolescence, une saison qu’il a traversée de Charybde en Scylla. Le voilà devenu passant aux cent soucis, retrouvant par hasard un des tortionnaires de sa j e u n e s s e . Va - t - i l comprendre a posteriori ? En réalité, Aurélien est plus accaparé par le présent : un frère qu’il
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aime mais avec lequel il échoue à dialoguer ; sa rupture avec Junon et sa grande affection pour l’enfant de la jeune femme ; sa liaison aléatoire avec l’écriture dont il a fait son métier. Une crise de la trentaine gouvernée par l’incertitude, que guette en permanence une mélancolie doucereuse. Alors qu’il devrait assurer la promotion de son dernier livre paru, Aurélien se terre dans cette enclave normande et vide consciencieusement la cave à vin pour tenter d’engourdir sa déréliction. Un petit chanteur à la gueule de bois, venu déposer son bilan à l’instar de René Crevel. Et g a g n e r d u t e m p s . S u r q u o i ? Pourquoi ? Cathrine écrit bien, juste, avec une élégance au déroulé naturel. Il évoque Perros et sa danse du charme par défaut. On a envie
qu’il arrive à Aurélien quelque chose de bien. Allez Arnaud, soyez bon prince ! Pirotte est multiple lui aussi. Depuis toujours. Avant le romancier, le peintre, le poète, il y eut l’adolescent au long cours, le rebelle flamboyant, du creuset desquels est sorti l’homme en fusion, le funambule au balancier lesté de grâce et de douleur. Son narrateur chemine depuis longtemps, dans un labyrinthe aventureux où il a croisé et halé ce que l’on désigne – à défaut de mieux - par les aléas de la vie. Puis un jour on croit entendre l’injonction « Poète, vos papiers ! », on convoque ses souvenirs enchevêtrés, on leur donne un autre ordre, un sens jusqu’alors rejeté, on a envie de farder le noir foncé des couleurs de la dé-fête, de lui donner des nuances hospitalières
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d’encre et de papier. Au diable les bagages ! « C’est que j’avais encore envie de vivre, et de voir passer les nuages, et d’écrire ceci, ou autre chose/…/ je m’obstine, je tiens la fenêtre ouverte, au moins je respire et un chien aboie ». Tout est bien. Baudelaire et son vieux capitaine attendront. Festina lente, Camarade. « Je ne retrouve personne », Arnaud Cathrine, Verticales, 17,90 euros « Brouillard », Jean-Claude Pirotte, Cherche Midi, 13,50 euros
d’estaminet, on s’enguirlande pour un seul en scène où il est possible de choisir son personnage ou de les jouer tous : Barnabooth, l’homme aux semelles de vent, le prince de l’Arbois, le Ravaillac vu par Tallemant des Réaux, John Silver, Fabre d’Eglantine, l’Andreas de Joseph Roth, Barabbas, Ulysse … Tout ne fut pas rose. Le doux-amer réclame son dû, mais il ne peut rien contre le souvenir des éclats de rire, l’effronterie des luronnes, le chuchotis complice des soies troussées, la danse du soleil dans le sancerre ou des amours dans le pouilly, les châteaux de sable
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"En voyage, les noms m'attirent avant les lieux..." CHRONIQUE PAR JULIE CADILHAC /
Alors qu'un déluge de nouveaux romans s'abat sur la rentrée littéraire comme à l'accoutumée, le plaisir de se pencher vers un classique est d o u b l e m e n t tentant...davantage encore pour ceux qui résistent aux mouvements de foule et refusent de se conformer aux lectures du moment. La rêveuse d'Ostende et les quatre nouvelles qui l'accompagnent dans le recueil édité en 2007 chez Albin Michel satisferont les appétits frugaux de lecture aussi bien que tous les
amoureux du verbe , quelle qu'en soit la forme, et de ses p o t e n t i a l i t é s merveilleuses. Éric Emmanuel Schmitt y décline le thème du pouvoir de l'imagination; on y rencontre ainsi une vieille-fille infirme qui affirme avoir eu un prince charmant pour amant, un écrivain au coeur brisé qui se réfugie à Ostende, une épouse criminelle, un époux à la libido défaillante, une infirmière amoureuse de son patient aveugle,
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un érudit qui méprise la lecture des romans et une vieille dame qui patiente depuis des années sur le quai d'une gare, un bouquet à la main. Au creux du quotidien de ces êtres, l'imagination agit comme un révélateur puissant et influe sur leurs agissements. L'écrivain , conscient du pouvoir de l'imaginaire, s'amuse même à inverser les rôles: le patient guérit l'infirmière, l'amant s'étourdit des caresses d'une vierge, la fiction l'emporte sur la raison, l'époux trop amoureux est soupçonné de trahison...En quelques pages, le lecteur pénètre dans l'intimité et la psychologie d'un personnage, ressent ses fragilités et ses douleurs intestine et s'émeut de ses défaillances autant que de ses succès. L'imagination n'a pas la même résonance pour chacun: certains en sont des victimes , d'autres y trouvent un réconfort, d'autres encore l'usent comme matière première pour leur métier...Chaque nouvelle est une démonstration brillante d'une vérité déstabilisante: nous ne pouvons maîtriser notre imagination qui peut ainsi nous offrir d'extraordinaires heures de répit dans la souffrance comme nous anéantir par des délires et soupçons insupportables. Fiction ou réalité? La vie et sa complexité fait que nous sommes le jouet des apparences, tiraillés sans cesse
par l'existence de preuves plus ou moins tangibles.. Le livre reste le seul lieu dans lequel l'homme raisonnable peut flirter avec l'imagination sans en faire les frais : il a ainsi l'assurance qu'il plonge dans un univers irréel: l'imagination y est alors un simple outil de divertissement et le lecteur sait de lui-même qu'il est dupé pour son plus grand plaisir... "- Vous me pardonnerez, je n'ai pas lu vos romans, me dit-elle en se méprenant sur mon désarroi. - Ne vous en excusez pas. Personne ne peut tout connaître. En outre, je n'attends pas cela des gens que je fréquente. Tranquillisée, elle cessa d'agiter son bracelet de corail autour de son migre poignet et sourit aux murs. - Pourtant je consacre mon temps à la lecture. Et à la relecture. Oui, surtout. Je relis beaucoup. Les chefs d'œuvre ne se révèlent qu'à la troisième ou à la quatrième fois, non? - À quoi repérez vous un chef d'œuvre? - Je ne saute pas les mêmes passages. " La rêveuse d'Ostende et autres nouvelles Auteur: Éric Emmnuel Schmitt Éditions: Le livre de poche Prix: 6,50€
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Sexe sans conscience n'est que ruine de l'âme
CHRONIQUE PAR JULIE CADILHAC / Photo DR
Éric Emmanuel Schmitt suscite l'admiration chez tous ceux qui savent déceler combien, tapis derrière chacun de ses sujets, se superposent et s'entremêlent de nombreuses strates de sens. On peut lire Les perroquets de la place d'Arezzo ,d'abord, au premier degré: le dévorer comme un roman subtil dans lequel les sens sont en éveil , où le sentimental rivalise avec le sexuel, le sordide avec le romantisme, le désespoir le plus profond avec le bonheur extatique ; et y jouir de la libération des mœurs et des êtres en se laissant charmer par les lignes sensuelles que compose le narrateur mutin, tantôt galvanisé par l'audace d'une Diane sans tabou par exemple ou inspiré par la plastique d'une Ève expérimentée . Beaucoup y sentiront vite la fine analyse psychologique qui se tisse au fur et à mesure des chapitres: on croise une multitude de visages pour lesquels le lecteur ressent des sentiments ambivalents et fluctuants: tantôt attachants, tantôt méprisables, ici il n'y a pas de place pour des personnages sans relief et stéréotypés; aucun n'échappe au jugement du lecteur, les torts sont souvent partagés et les conflits
gagnent en intérêt parce qu'ils expriment la complexité de la réalité. Les êtres dépeints ont tous des failles et l'on ne s'en sent que davantage proche, forcément. Leur sexualité est le reflet patent de leurs écorchures et de leur essence. Voilà pourquoi Éric- Emmanuel Schmitt la place sous les feux de vos yeux. Les perroquets de la place d'Arezzo est ainsi un roman qui, pour cette rentrée littéraire, se fait l'écho de nombreuses questions soulevées dernièrement par l'actualité: mariage pour tous en France, harcèlement sexuel, liberté des femmes... Avec une démarche profondément humaniste, l'écrivain nous confronte ainsi à une adepte du sexe extrême , à un obsédé des galipettes et des cajoleries de bureau - homme de pouvoir qui ne manque pas de rappeler un politicien français déchu- , à des adolescents qui s ' é ve i l l e n t à l a s e n s u a l i t é , à d e s homosexuels refoulés ou assumés,à des croqueuses d'hommes, des étalons, une vieille fille jamais déflorée, des maris qui trompent leurs épouses, des maîtresses...Chaque personnage a une histoire singulière, une souffrance
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prégnante que sa sexualité exprime ou refoule. Chacun est une occasion renouvelée de s'interroger sur sa propre tolérance et moralité. L'opportunité d'analyser intelligemment si la sexualité est le seul critère valable pour juger de l'intégrité et de la valeur d'un individu. La trame du roman? Il est temps de vous la dire, il est vrai! Autour d'une place bruxelloise ( huit-clos où chacun a le loisir d'observer les autres et de juger les gens sur leur mine) à l'histoire étonnamment exotique, battent des cœurs insatisfaits qu'une âme mystérieuse décide de bouleverser en envoyant une pluie de lettres d'amour anonymes. Qui est ce " Tu sais qui" qui signe? Quel est son objectif? Semer la zizanie ou la paix? Au lecteur de se prêter au jeu de l'enquête, l'auteur égrenant ça et là des indices qui , tour à tour , le perdent ou le dirigent. Nimbée de mystère, la fiction n'en devient ainsi que plus érotique. En effet, déjà que l'évocation permanente du sexe échauffe les esprits, le roman d'EE Schmitt pousse bien plus loin le jeu : l'érotisme, naissant d'une plume habile, n'est pas seulement une corne d'abondance de plaisir, il est également un moyen de domination du démiurge sur ses créatures, sur ses lecteurs et Éric Emmanuel Schmitt en abuse avec l'élégance et la dextérité que l'on lui connaît. D'ailleurs, il pousse l'audace jusqu'à insérer une figure d‘écrivain qui pourrait le représenter, Baptiste, l'auteur brillant qui accepte un ménage à trois avec la maîtresse de sa femme. Les mots donc manipulent, leurrent, permettent des
suppositions, autorisent le dérapage de l'imagination...On apprécie d'ailleurs qu'un auteur aussi reconnu laisse s'exprimer dans ses lignes avec autant de naturel le désir, l'impatience et accepte de badiner en compagnie de son lecteur! Un procédé d'écriture osé où l'auteur est contraint de se mettre un peu lui aussi à nu -même s'il ne narre que des faits imaginaires- tant l'écriture érotique l'oblige à déshabiller ses phrases, à inviter la sensualité à son bureau et donc s'exposer en mots au regard de ses lecteurs. Autre strate de sens de ce roman : il a pour ambition de nous apprendre des choses sur nous-mêmes et de nous rappeler la puissance de l'imaginaire...qui est la clé d e vo û t e d u s e x e . E t beaucoup d'amants finissent par l'oublier et s'étonnent de l'ennui de leurs rapports intimes. L'ivresse naît des mots, d'une situation, d'un postulat...bien plus que d'un frottement mécanique et répétitif. Attention cependant! si l'on pense, lors des premiers chapitres , que l'auteur se fait le porte-parole du libertinage, les chapitres suivants nuancent, montrent les revers des libertés trop excessives et incitent davantage à réfléchir sur le paradigme sexualité/moralité qu'à s'attarder sur la question de l'intérêt de multiplier les partenaires et les expériences érotiques marginales . En effet, l'on a même aujourd'hui tendance à positionner sexualité et moralité en contraires, confortant les modes de pensée puritains. Or ne peut-on pas avoir une sexualité libérale et être un être moral et respectable? Une question
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provocatrice mais non dénuée d'intérêt. Il semble que nos principes d'action vis à vis de nous-mêmes et des individus restent moraux , justes et visent le bien tant que nous ne mettons pas à mal notre intégrité et celle des autres, tant que nous respectons les droits universels de chacun. Pourquoi d e v ra i t - o n a l o r s r o u g i r d ' o s e r d e s expériences insolites si elles sont partagées entre adultes consentants? Qu'est-ce que cela change d'aimer une femme ou un homme? Qui a le droit de juger de nos désirs tant qu'ils ne nuisent à personne? Voilà ce qu'exprime ce roman riche de tolérance et de sagesse qui montrent de nombreux êtres anéantis par leurs tabous et leur acharnement à ne pas se démarquer du moule social formaté. Mais il faut aussi
entendre dans cette fiction combien la libéralisation des mœurs devient parfois l'exutoire d'un malaise, n'incarnant plus, alors, un désir épicurien mais une volonté d'oublier que l'on souffre. La sexualité n'a du bon qu'entre âmes épanouies et qui maîtrise leurs instincts même au plus loin de leurs débordements. Voici pourquoi nous évoquions Rabelais pour titrer ce passionnant roman ! Sexe sans Conscience n'est que Ruines de l'âme tandis que Sexe avec Lumière promet Ivresse à perpétuité! Les perroquets de la place d'Arezzo Auteur: Éric Emmanuel Schmitt Éditions: Albin Michel Prix: 24,90€
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Cris et chuchotements DE LA RENTRÉE LITTÉRAIRE CHRONIQUE PAR Emmanuelle de Boysson / Photo DR
C r i s e t ch u ch o t e m e n t s , p l e u r s e t grincements de dents. Noir c’est noir. Les romans de cette rentrée littéraire ne font pas rigoler : la guerre, la disparition, les drames intimes… Si vous avez envie d’un doigt de légèreté, rires et chansons, zeste de dérision, ironie, tambour et fanfare, tournez-vous vers des auteurs qui vous mettront du baume au cœur. En ces temps de crise, ça fait du bien. Boris Razon revient sur la courte période où il fut paralysé, à 29 ans : un cocktail de drôlerie et d’émotion : « Palladium » (Stock). Yann Moix et son pavé gargantuesque : « Naissance » (Grasset) ; Véronique Ovaldé, la fantaisiste romancière de « La grâce des brigands » (L'Olivier) ; Bruno Tessarech et ses tribulations de ghost writer : « Art nègre » (Buchet/Chastel) et notre Amélie nationale avec sa « Nostalgie heureuse » (Albin Michel). Parmi les romans les plus sombres, celui de Valentine Goby qui s’appuie sur des récits de rescapées d’Auschwitz pour évoquer un
aspect mal connu de la vie concentrationnaire : les accouchements des déportées. Un livre fort et exigeant à l’écriture tenue : « Kinderzimmer » (Actes Sud). Dans « Le cas Eduard Einstein », (Flammarion) Laurent Seksik reprend le thème qui a fait le succès des « Derniers jours de Stephan Zweig » : le drame de l’intime. Le fils d’Einstein a fini parmi les fous. Sa mère l’a élevé seule. Einstein, ce génie qui a lutté contre le nazisme, n’a pas eu le courage d’aller rendre visite à ce schizophrène enfermé dans un hôpital psychiatrique suisse. Le seul problème qu’il n’a pas réussi à résoudre. La disparition hante plusieurs auteurs. Le héros de Christophe Ono-dit-Biot enquête sur celle de la femme qu’il a aimée à la folie. Elle était une artiste, une rêveuse. Pourquoi l’a-t-elle abandonné ? Va-t-il « Plonger » (Gallimard) ? Avec « Les évaporés » (Flammarion), Thomas B. Reverdy place son récit à San Francisco : Richard B, détective privé et poète,
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Valentine Goby (DR)
recherche le père de Yukiko, son ex-femme. Une exploration de la tentation d’ailleurs. « Lady Hunt », d’Hélène Frappat (Actes Sud) est le témoin de la disparition d’un enfant. Trouvera-t-elle dans son rêve la clé de l’énigme ? Au fil des « Saisons de Louveplaine », de C l o é Ko r m a n , ( S e u i l ) , u n e Algérienne part sur les traces de son mari disparu. La « Muette », d’Eric Pessan, (Albin Michel) est une jeune fugueuse. Partir, fuir, c’est ça la littérature. Bienvenue dans le monde désespéré d’une génération qui a eu vingt ans dans les années 2000. « Mobiles », de Sandra Lucbert (Flammarion) met en scène un groupe d’amis en proie au casse-tête de trouver un job, de rester soi-même dans une société sans repères. Tristan Garcia imagine une ville où un ange déchu incarne les rêves perdus d’une jeunesse déçue : « Faber, Le destructeur » (Gallimard). Douglas Coupland crée une métaphore
originale : dans un proche avenir, la vie de cinq personnages, « Génération A12 » (Diable Vauvert) sera chamboulée par des piqûres d’abeilles. La famille est à la Une : secrets de famille, autopsie des relations de fratrie, parents enfants ou couple. C l a u d i e G a l l a y, l ’ a u t e u r des « Déferlantes » explore le lien frère et sœur dans « Une part de ciel » (Actes Sud). Sylvie Germain gagne en simplicité avec « Petites scènes capitales » (Albin Michel) où elle décortique le rapport fille/père dans une famille recomposée. Véronique Olmi, celui d’une mère et de son fils : « La nuit en vérité » (Albin Michel). Nelly Alard scrute à la loupe l'adultère : « Moment d’un couple » (Gallimard) : Stéphanie Barron a choisi de mettre en scène la relation entre un grand-père et sa petite-fille : « Le Jardin blanc » (NiL). Un réjouissant premier roman : A g n è s Va n n o u vo n g e x p l o r e
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comme jamais les amours saphiques osant décrire des scènes de sexe entre femmes avec crudité et autodérision. « Après l’amour » est un hymne au désir convulsif, au corps vivant, doux, embrassé. Le roman d’une génération de trentenaires célibataires sex addictes, consommatrices de plaisirs, élevées sans pères ni repères. (Mercure de France). De son côté, Dominique Noguez décrit les différentes étapes d’une passion amoureuse pour un jeune homme à la séduction perverse. Il dissèque les échecs et les humiliations de cette aventure souvent douloureuse qui durera six ans « Une année qui commence bien » (Flammarion). Une rentrée qui promet des surprises pour les prix. À propos de prix, permettez-moi de souligner le talent d’une romancière de vingt ans, Rebecca Vaissermann. Elle a eu la bonne idée d’envoyer son manuscrit
Sylvie Germain (DR)
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aux membres du jury du prix des Jeunes auteurs de l’Ile aux Livres (à l’île de Ré). Lauréate du concours, son roman, « Oubliés » a séduit pour son audace, sa limpidité, son refus du pathos : un vrai coup de cœur : il faut un grande maturité pour imaginer l’amour de deux jeunes hommes conduits dans des camps de concentration pendant la guerre. « Oubliés » a été publié dans une p e t i t e m a i s o n : « Parole Ouverte Edition ». Un succès lors du salon l’île aux L i v r e s . Av i s a u x jeunes auteurs en recherche d’éditeurs. Du 13 au 15 septembre a lieu l’un des salons du livre phare de la rentrée, le Livre sur la Place à Nancy. Secrétaire
perpétuel de l’Académie française, Hélène Carrère d’Encausse, inaugure l’événement. Président du Livre sur la place, Jean D’Ormesson, de l’Académie française, y présente son nouveau roman, « Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit » (éditions Nil). La plupart des auteurs de la rentrée sont présents. En prime, Jacques Weber fera des lectures exceptionnelles : des lettres de poilus - décidément, ils sont de retour, avec le roman de Pierre Lemaître « Au revoir làhaut » (Albin Michel), de la correspondance de Flaubert – à relire toujours et encore et du délicieux Poquelin. Molière, cet éternel comique.
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LA RENTRÉE LITTÉRAIRE DU POLAR
CHRONIQUE PAR ERIC YUNG / Photo DR
Beaucoup de journalistes, chroniqueurs littéraires dont je suis, ont, par paresse intellectuelle (l’aviez-vous remarqué chers amis de BSC NEWS Magazine ?) des manies et des tics de plumitifs. C’est-à-dire qu’ils usent tous (enfin, presque), au gré des saisons, des mêmes formules éditoriales. Une facilité ! Ainsi il y a eu les « quelques bons livres pour l’été », il y aura bientôt « les beaux livres pour les fêtes » et avec les premières senteurs d’automne il y a « notre choix parmi les nouveautés de la rentrée ». Doit-on répéter que cette fameuse rentrée littéraire est pareille aux autres années ? Non, cela est inutile, mais rappelons pourtant qu’elle est –et chacun le sait - un fatras de mots et de papiers réunis, selon la presse nationale, dans 555 ouvrages de diverses natures et dont la qualité, pour une grande majorité d’entre eux, est loin d’être proportionnelle à la notoriété de ses auteurs et des orgies publicitaires qui soutiennent leurs titres.
Raison pour laquelle votre magazine préféré s’est limité à vous présenter trois polars. Trois seulement ? Oui, mais trois polars choisis librement (dont un d’ailleurs n’appartient pas aux nouveautés) et qui ont été lus d’une traite tant ils ont été appréciés voire aimés par celui chargé, ici, de vous les présenter. Commençons par le livre qui n’est pas, comme ils disent, « dans l’actu », puisque « Tout du Tatou » de Pierre Hanot, publié dans la collection « Vendredi 13 » est paru aux éditions La Branche, au cours de l’hiver 2012. « Tout du Tatou » c’est du brutal selon l’expression fameuse d’un des tontons flingueurs avalant sa première gorgée d’alcool distillé par le Mexicain ! Qu’on se le dise : « les maniaques, les détraqués, les caractériels et les enjôleurs, les aristos, les assistés, ceux qui se la pètent, les inhibés, les Adonis qui se croient tout permis ou les physiques sans latitudes, Fadimatou se les était tous tapés ». C’est l’auteur qui nous le dit et
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c’est sa première phrase. Il faut donc comprendre –et vite fait- que les héros de ce roman policier connaissent bien la vie et surtout les pires aspects du genre humain. Autrement dit lecteurs, lectrices, les pages qui suivent promettent de vous bousculer. Vous ne serez pas déçus ! En tous cas l’ambiance de l’intrigue est installée. Et si la Fadimatou, une péripatéticienne fidèle à son Matthéo, ne tient pas un rôle bien important dans l’histoire, elle est cependant, par son vocabulaire et sa mentalité de tapin, l’archétype des personnages qui habitent « Tout du Tatou » le dernier roman de Pierre Hanot. Ce polar un tantinet déjanté vous fera côtoyer les julots, les bikers, les nazillons, les voyous, les ripoux, les putains, les Corses (en t o u t h o n n e u r, b i e n entendu) les camés, les dealers, et… les ambitieux. Or, ce sont toujours ces derniers qui sèment la pagaille dans l’ordre établi d’un groupe humain, c’est bien connu ! Et c’est le cas dans « Tout du Tatou » : il y a des présomptueux et des arrivistes. Alors, évidemment, quand un intrigant est démasqué au sein de la confrérie des crapules en tout genre tout le monde sort l’artillerie et c’est aussitôt la grande farandole du Glock et de la Kalachnikov en présence de messieurs Smith et Wesson. Si vous ajoutez, pour
pimenter le récit que le héros principal du roman, un certain Zoran, est un type venu de la pub qui, durant quelques années « s’était creusé les méninges pour promotionner la semaine de la mortadelle, le brushing glamour du coiffeur, l’occasion du mois à ne pas louper, l’incontournable ampoule à vis b a s s e consommation, (…), mais convaincu que « son bac + 3, sa spécialisation en infographie et art de la communication » n’avait été qu’un « investissement qui ne lui avait v a l u q u e l a reconnaissance au rabais des hypermarchés dont il vantait la camelote », il a décidé (drôle d ’ i d é e ! ) d e voyager en Corse et de changer de m o d e d’existence. Et c’est ainsi que le temps de traverser la méditerranée, de poser les pieds sur l’île de beauté et d’y faire quelques connaissances locales, d’y vivre une histoire d’amour fragile et d’être confronté à certains imprévus, le Zoran s’est pris à rêver. Pourquoi ne ferait-il pas fortune ? A priori l’idée (assez banale et commune chez les démunis) pouvait paraître excellente et ce d’autant que notre héros venait d’apprendre qu’un trésor dormait
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pas bien loin de lui. Mais lorsque l’on est un débutant dans la voyoucratie et qu’en matière de cambriole on a pour seule référence les exploits d’Ali Baba et de ses 40 voleurs alors que l’on est au siècle de Scarface et des tueurs cruels des cartels colombiens, le décalage –c’est obligatoireengendre des mauvaises surprises. Le trésor convoité par Zoran c’est treize kilos de poudre. Une dope de synthèse sortie de nulle part et baptisée par l’association des chimistes anonymes « Vendredi 13 ». Le « V 13 », les flics des stup’ appréhendaient son arrivée sur le marché français tant ils savaient que cette « méthamphétamine haut de gamme, un poison (…) si puissant que les toxicos tombaient aussitôt dans une dépendance extrême et paranoïaque. » (…) Les condés, lorsqu’ils en parlaient entre eux, se disaient « quand cette cochonnerie arrivera chez nous, il faudra doubler les effectifs ». Ils ignoraient que cette came
avait, déjà, débarqué dans l’hexagone. Cà Zoran, le savait. C’était son avantage. Son malheur ? Il n’était pas le seul à être au parfum. Or, et c’est bien connu dans le mitan, lorsque le nombre d’ambitieux est proportionnel aux bénéfices qui peuvent être réalisés sur le dos des blaireaux, il n’est pas bon de lever le doigt et de dire devant les méchants : m’sieur, m’sieur moi aussi je veux ma part. Et puis quand ces 13 kilos de poudre représentent le trésor de nazillons locaux qui espèrent, sans doute, après l’avoir vendu, financer leur révolution nationale socialiste, on imagine bien que tout cela engendre des intérêts individuels contradictoires, que ça fout la pagaille dans le landernau des demi-sel et des caïds. « Tout du Tatou » est un bon polar dont l’intrigue, assez classique, est portée par une écriture vigoureuse et dont l’identité du style est fortement marquée par la culture de l’auteur dont on ne serait pas étonné qu’elle
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ait été littérairement influencée par Audiard, Dard et Céline. *** Il pleut sur Saproville. « Tête nue sous le crachin, un verdâtre manteau huilé sur les épaules, Michel Winterstein, procureur de la République (…) se tient immobile et silencieux à trois pas du cadavre (…). À côté de lui, la jeune substitut pique du nez (…), mains jointes en un requiem pour sa première viande froide ». Ce court extrait tiré du dernier livre de Michel Embareck dit assez bien, et dès sa page 25, l’intrigue qui c o m p o s e « A v i s d’Obsèques » paru aux éditions de l’Archipel. Il y a le lieu, une petite station balnéaire située, sans doute, sur une des côtes qui ont accueilli, en 1944, les armées de la liberté ; il y a un procureur dont les épaules, sous son ciré huilé, semblent porter encore le poids d’un mauvais pan de l’histoire de France et il y a l’image métaphorique de la mort face au renouveau qu’incarne la présence, sur la scène du crime, une frêle jeune fille à peine sortie de l’école de la magistrature. Et puis, il y a un homme avachi sur luimême et dont la « boîte crânienne ouverte à la façon d’un couvercle à bascule, répand une dégoulinade glaireuse d’os
pulvérisés, de sang et de matière encéphalique grisâtre (…) Le macchabée s’appelle Fabrice Kerbrian du Roscoä. Jeune notable du cru il est l’héritier du puissant groupe de presse « France Océan » créé par son père bien avant la Seconde Guerre mondiale. Il aurait été aussi, enfin c’est ce qui se dit dans le pays, le détenteur d’un secret bien gardé depuis soixante-dix ans. Or, si le temps passe, les souvenirs eux –et surtout les plus mauvais- restent à jamais installés dans la mémoire collective et se transmettent, bien souvent, de génération en génération. Et c’est ainsi que l’on murmure, depuis fort longtemps, que de vieux notables de Saproville ne se sont pas toujours bien comportés d u r a n t l’occupation ; on ch u ch o t e m ê m e encore aujourd’hui que certains d’entre eux ont frayé avec l’allemand, que d’autres ont fait fortune dans le marché noir et que d’autres encore ont fomenté quelques complots pour spolier leurs prochains. La rumeur quoi ! Mais les gens d’expérience savent bien que le passé est une vieille fosse d’aisance dont il faut éviter de tirer la chasse d’eau ! Les souvenirs ont souvent mauvaise odeur et le bourgeois et l’affairiste en tous genres ont les narines sensibles. Or un cadavre, membre d’une vieille et, paraît-il,
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respectueuse famille de Saproville-surMer, découvert à 7 heures, mort d’une balle de pistolet tirée dans la tête, par un matin d’automne et dans la verdure du jardin Balzac, est une situation qui favorise les bavardages, ravivent les mémoires et, du coup –c’est inévitable – lorsqu’on remue de vieilles rancœurs on libère des e f fl u v e s d e purin. La vie en province est ainsi faite : elle a deux faces. Côté pile elle expose ses c h a r m e s : convivialité et proximité, des trucs si chers aux gens de la ville qu’ils veulent, le temps des va c a n c e s , s e fondre dans la communauté indigène. Côté face, elle cache s e s méchancetés : elle planque ses rancunes derrière un rideau de fenêtre à peine tiré pour pouvoir mater afin de colporter anonymement les infidélités conjugales du voisin ou les fredaines de la femme du notable locale. Michel Embareck, l’auteur de « Avis d’obsèques » donne par la phrase (et ici, elle est particulièrement travaillée) des tons impressionnistes à son récit tandis que le fond de l’histoire (roman policier oblige) a
la violence du noir et blanc. Par ailleurs, celles et ceux qui connaissent Michel Embareck et quelques-uns de ses romans précédents dont « La mort fait mal » et « Le rosaire de la douleur » (réédité récemment en poche) apprécieront, sans doute, dans « Avis d’obsèques » paru aux éditions de l’Archipel, de retrouver le « p r i v é » V i c t o r Boudreaux qui, « s’était retiré des affaires, cloué à domicile par un pépin de santé (…) et qui s’était imaginé au rebut ». Mais comme l’écrit l’auteur « Boudreaux est un homme comme les autres, impuissant à cumuler le syndrome du retraité avec celui du handicapé ». Du coup, il a repris du service et s’est mis en chasse pour retrouver des trafiquants d’objets d’art religieux. Évidemment ses investigations le conduisent à croiser la smala policière et j u d i c i a i r e o f fi c i e l l e chargée de l’enquête sur l’assassinat du patron de presse, Fabrice Kerbrian du Roscoät et à se heurter aux méchants qui ne sont pas les innocents de cette affaire. « Avis d’obsèques » un excellent roman policier dans lequel l’auteur, Michel Embareck, raconte avec talent les vies quotidiennes d’hommes et de femmes s’agitant dans une parcelle de temps qui
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ne peut pas et ne pourra jamais se détacher du passé. *** Voici un livre exceptionnel ! D’emblée, une telle affirmation peut paraître péremptoire et, du coup, être sujette au doute. Ce serait là un réflexe légitime. Mais il y a une façon de convaincre les plus sceptiques d’entre vous : lire « La Théorie du Chaos » le premier roman de Léonard Rosen, paru aux éditions du Cherche Midi. Vous saurez alors que c’est un livre original et de qualité. Cet ouvrage de près de 500 pages est traduit de l’américain par Hubert Tézenas. Il est présenté par Cédric Villani (mazette !), universitaire, mathématicien de réputation internationale qui a obtenu, en 2010, la médaille Fields et qui, dans sa préface, nous affirme que d’avoir « osé imaginer Henri Poincaré en héros d’une incroyable histoire de détective » était « franchir un pas » que de peu d’auteurs pouvaient faire. Léonard
Rosen a osé le faire ! Dès lors, on comprend Cédric Villani qui tient à nous rappeler (ou nous apprendre) qui était Henri Poincaré : « grand physicien, ingénieur averti, philosophe hors pair, le plus grand mathématicien de son époque, mais aussi homme de lettres accompli il est, sans aucun doute, nous dit-il, le symbole de l’intelligence de la puissance et de la fulgurance de la pensée humaine». Évidemment, dans un thriller, prendre pour héros principal l’une des figures emblématiques de la science considérée, aujourd’hui encore, dans tous les dictionnaires comme « l’un des derniers grands savants universels » cela demande soit d’avoir beaucoup de culot, soit de posséder une dose d’inconscience excessive, soit d’être suffisamment érudit et c’est le cas de Léonard Rosen puisqu’il est ainsi reconnu par le préfacier, un mathématicien ayant obtenu –tout de même- un prix équivalent à celui du Nobel et qui écrit « son admiration » pour avoir, avec autant de force et de talent, « inventé une mise en scène dans laquelle Henri Poincaré, l’homme qui a, pour la première fois, théorisé le chaos le faire basculer luimême dans le chaos ». Mais ce n’est pas tout ! Dans sa préface toujours, Cedric Villani (et nous sommes là au cœur du roman) nous fait remarquer que Henri Poincaré (le héros du livre de Rosen, cette fois) est « non seulement un observateur des choses et des hommes, mais qu’il est aussi acteur d’un drame confus, au centre d’un inextricable mélange de tensions et de vengeances, nourri par la politique internationale et l’économie mondiale, un maelstrom où il risque de perdre sa chair et son sang, où il doit combattre les pulsions des autres et les siennes propres, où il fait face à la mort et à la souffrance ». Et à
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Villani de conclure : « Certainement pas une lecture pour les enfants ! ». Durant les trois dernières décennies, le polar,–on le sait – est sorti des sentiers battus du genre et il a exploré les contrées du roman noir historique, scientifique, maçonnique, fantastique et même de l’investigation littéraire avec, par exemple, les enquêtes de Pierre de Gondol de J.B Pouy ou celui plus scabreux des « psychomentalistes » Reconnaissons-le : il y a eu des réussites ! En revanche et personne – semble-t-il – n’y avait songé avant Léonard Rosen : le polar manquait d’un génie du théorème et de l’équation qui mènerait à bien des investigations criminelles complexes. Léonard Rosen, avec son Henri Poincaré revu et corrigé d’après l’original, l’a donc inventé. Et pour sa première enquête, voici notre détective-matheux confronté à la mort d ’ u n c e r t a i n J a m e s F e n s t e r, u n mathématicien (tiens, tiens…) assassiné derrière son pupitre alors qu’il allait prendre la parole au cours d’une conférence sur le commerce mondialisé. Amateurs de thrillers soyez rassurés ! Rosen embrouille l’intrigue et son détective, Henri Poincaré, pour découvrir le coupable devra aussi s’intéresser de
près à un attentat à la bombe commis à Milan et à la cruauté de tueurs qui ont exécuté une jolie femme de Barcelone. Ce sont là plusieurs mystères pour une même affaire. Ils seront levés grâce à Henri Poincaré qui se plongera dans le travail de la première victime, ce feu-mathématicien qui était persuadé que même la vérité criminelle s’inscrit dans une suite d’algorithmes et qu’elle surgit de la modélisation des théorèmes. C’est ce que pense aussi le flic Henri Poincaré qui n’ignore rien, non plus, des dangers du monde des hors-la-loi puisqu’il sait devoir « affronter un ennemi bien plus dangereux qu’une équation, puisqu’il n’obéit à aucune règle » et que pour le vaincre il devra « mettre toute son intelligence en jeu sans pour autant sacrifier son humanité ». Deux plus deux font quatre : c’est une certitude. Dire ici qu’un mathématicien plus un flic, plus un crime font trois raisons de lire « La théorie du chaos » en est une autre. « La théorie du chaos » paru aux éditions de Cherche Midi est le polar de la rentrée.
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UNE JEUNE FILLE
ASPIRÉE PAR LE MONDE VIRTUEL DE SON ORDINATEUR ET DE SON SMARTPHONE SOFIA CASTEDO-ABDULAZIZ L’attente Editions Edilivre Roman 164 pages 78ISBN - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013 : 9782332517043
e Rentré ire littéirrace titre
ici uvr Déco liquant en c
E D N O I T O M O R P LA E R V I L E VOTR R E U G I T A F S U O V SANS 79 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
LE cri du coeur de femmes aux destins brisés
CHRONIQUE PAR MÉLINA HOFFMANN / Photo DR
« Une femme meurt tous les trois jours en France sous les coups de son conjoint. »
mal-être qui les ronge et bouleverse leur rapport au monde.
Si ce chiffre reste beaucoup moins élevé que dans d'autres parties du monde, il n'en demeure pas moins a f fl i g e a n t , r é v o l t a n t , inacceptable. Surtout si l'on considère que, si la violence conjugale connaît une issue dramatique pour un certain nombre de femmes, beaucoup d'autres subissent les coups et le harcèlement moral de leur conjoint, parfois sans que cela ne soit visible de l'extérieur. Pour ces femmes, ce n'est plus de vie dont il est question, mais de survie. La plupart d'entre elles se taisent. Seules 10,6% portent plainte. Toutes, pourtant, sont profondément abimées quand elles ne sont pas complètement détruites, prisonnières d'un
Nathalie Cougny donne la parole à quelques-unes de ces femmes blessées, bafouées, à jamais marquées dans leur chair et leur âme par une relation – souvent longue avec un homme violent. Pour certaines, l'état des lieux est toujours difficile à faire, même après plusieurs années. Les séquelles sont réelles, le rapport à l'autre et à l'amour inévitablement transformés, l'estime de soi rarement intacte, la reconstruction difficile. Leurs témoignages sont touchants, douloureux, sincères. Toutes s'interrogent sur leur incapacité à aimer et à être aimée, à faire à nouveau confiance à un homme. « Mais cette histoire de 17 ans m'a brisée dans les profondeurs de l'amour, elle a dévié les chemins, elle a fracturé mes certitudes, défait à jamais les mailles de la
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Au-delà de ces témoignages poignants, l'auteur nous informe, nous alerte sur la place des femmes dans le monde et les discriminations dont elles font l'objet dans de nombreux domaines. Des chiffres tirés de divers rapports qui font froid dans le dos et qui interrogent. Ainsi, un rapport de 2007 de l'UNICEF révèle que si les femmes accomplissent 66% du travail mondial et produisent 50% de la nourriture, elles ne perçoivent en retour que 10% des revenus et 1% de la propriété. Et ce n'est qu'un exemple... La violence faite aux femmes est une réalité non négligeable et pourtant l'un des crimes les moins poursuivis. Comment expliquer que la société ferme les yeux face à un tel phénomène ? Pourquoi cette nécessité de l'homme d'avoir une emprise sur la femme ? Une prise de conscience est nécessaire pour lever les tabous et permettre aux femmes et aux hommes d'avancer enfin conjointement, sans supériorité ni domination de l'un sur l'autre. Le chemin à parcourir est encore long, mais chacun d'entre nous peut apporter sa
pierre à l'édifice en se faisant l'écho des cris du coeur de ces femmes aux destins brisés.
➤ Secrets de femmes – A cet instant de l'autre Nathalie Cougny Editions Au pays rêvé
du 25 au 29 septembre 2013
Salon du livre et de la lecture au domaine de bayssan à béziers
herault.fr sortieouest.fr
81 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013 LE DÉPARTEMENT SOUTIENT LA CULTURE
domaine départemental d’art et de culture de Bayssan
Direction de la communication du Département de l’Hérault - Création : Lowe Stratéus – RCS PARIS B 337 863 005 – Photographie : Jacques Guillaume
confiance pour un homme. Je cherche un amour absolu qui n'existe pas, un amour qui délivre constamment des preuves d'amour par peur d'être trahie, trompée, bafouée. »
Le témoignage bouleversant d’Angèle lieby
CHRONIQUE PAR MÉLINA HOFFMANN / Photo DR
« Les jours ont passé. Je me suis réveillée, mais la nuit ne m'a pas quittée. Le saventils, les médecins, Ray, Cathy, que je suis de retour ? Tout est calme. J'entends cette respiration et ces bruits de machines en permanence, j'entends des voix régulièrement, mais elles ne me parlent jamais. J'ai l'impression que l'on m'ignore. D'être là sans l'être vraiment. Ou plutôt d'être présente sans que les autres le sachent, comme un fantôme... (…) Je suis parfaitement éveillée, et ils me croient dans les limbes de l'inconscience. » Imaginez... Vous êtes allongé dans un lit, vous ressentez les sensations. Toutes. Mais votre corps ne vous répond plus, incapable du moindre mouvement. Imaginez... Vous souffrez, tout votre être hurle intérieurement sa douleur. Mais vous êtes dans l'incapacité totale de communiquer. Imaginez... vous venez de
retrouver la lumière du jour, la vie vous habite à nouveau. Mais tout le monde vous croit encore plongé dans la pénombre. Pire, tout le monde vous condamne. A la suite d'un malaise, Angèle Lieby est transportée aux urgences de l'hôpital de Strasbourg. Elle s'exprime de plus en plus difficilement, peine à respirer, jusqu'à perdre connaissance. Les médecins la plongent alors dans un coma artificiel pour l'intuber et tenter de comprendre ce qui a provoqué son état. Mais les jours passent, et Angèle ne se réveille pas. Pour le personnel médical, le verdict est sans appel, la jeune femme est considérée comme morte. Pourtant, Angèle est bel et bien consciente, prisonnière de ce corps inerte. Ce qu'elle va vivre alors ressemble de très près à l'enfer. Traitée comme un corps sans vie, le personnel soignant ne se soucie plus
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de ses ressentis. Les douleurs qu'on lui inflige sont bien pires que celles qu'elle avait ressenties jusqu'alors. Elle voudrait hurler, se débattre, mais elle ne peut que subir, suppliant intérieurement que ce calvaire prenne fin.
tout cela n'ait pas servi à rien. Pour que l'on s'interroge quant à la légitimité d'un diagnostic aussi brutal et catégorique à peine quelques heures après le moment auquel elle aurait dû se réveiller. Pour que l'erreur ne se reproduise pas.
« La douleur est insupportable. Irréelle, indescriptible. Et elle est décuplée par mon impuissance : non seulement je ne peux pas me débattre, mais je ne peux pas même l'exprimer. Je meurs de souffrance et j'ai la discrétion suprême de n'en rien laisser paraître. Pas un cri, pas une grimace, pas même un frémissement. »
Elle raconte avec beaucoup d'émotion ces instants de profonde solitude et de souffrance indicible, ce combat mental pour que la vie triomphe, mais aussi le retour difficile à l'autonomie, la nécessité de réapprendre à respirer, sans machine. « Ce ne sera pas simple de redevenir moi. » Un témoignage aussi bouleversant que nécessaire, et une très belle leçon de courage.
Jusqu'à un miracle : une larme. Angèle Lieby ne cherche pas, avec ce livre, à régler ses comptes, mais bien à attirer l'attention sur cette expérience terrible qu'elle a vécue, d'alerter les soignants afin qu'aucun autre malade ne subisse à son tour de telles souffrances. Elle se veut porte-parole de ceux qui, comme elles, ont été ou seront un jour dans la même situation de vulnérabilité qu'elle. Pour que
➤ Une larme m'a sauvée Angèle Lieby Editions Les Arènes
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LA VRAIE PASSION de l’écriture
JEANINE GHIRARDELLI Si les petits cochons ne te mangent pas
SBN : 9782332589910 Prix livre papier : 10,00 € Biographie 8360- BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013 pages
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UN ROMAN PLEIN DE VIE, GRINÇANT ET PEU ORDINAIRE CHRONIQUE PAR LAURENCE BIAVA / Photo DR
Le troisième roman d’Alizé Meurisse, après « Pâle sang bleu » et « Roman à clefs » est un des romans les plus sexy et décalés de cette rentrée littéraire.
apparence pendant 48 heures grâce à une injection d'ADN. Il se laisse t e n t e r, m a n i è r e pour lui de réapprendre les joies de l'anonymat. C'est alors que, sous les traits de cet autre moi "sans qualités", il devient colocataire, fait de l’intérim, tombe naturellement amoureux et décide d'incarner véritablement cet autre, en dépit des risques encourus. Réussissant à s’identifier au-delà même de ce qu’il espérait, son état physique et mental se dégrade. Sort
C’est l’histoire d’ un acteur au sommet de sa gloire qui jouit d'un grand pouvoir de séduction. Las d’être un cliché ambulant avec des femmes qui se donnent à lui sans réfléchir, il décide de changer de peau. Il découvre une clinique proposant à des clients fortunés de m o d i fi e r l e u r 84 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
impossible à conjurer, le désir effréné d’être cet homme ordinaire le fait basculer "de l'autre côté du miroir" et le piège malgré lui. Le style de Meurisse a une classe folle : il est éclairé, limpide, ciselé, déluré, faussement dilettante. « J’ai une poussière dans l’œil. Spinoza est mort parce qu’il a passé 21 ans à polir et tailler des lentilles de télescope et que la poussière microscopique a rempli ses poumons jusqu’à les détruire. Il a failli être assassiné pour ses théories. Il a cependant persisté à clarifier le regard des autres au mépris et finalement le risque l’a rattrapé. La lucidité létale ? Dans les tragédies grecques, les clairvoyants sont toujours aveugles ». Ici, donc, elle mélange les genres en un vertigineux entrelacs de boucles et de jeux de miroirs inversés. Tour à tour récit fantasque et fantastique, pamphlet contemporain, le récit au détour de quelques dissertions bien senties, sert à dénoncer quelques vérités sur le mariage, le désir masculin, l’apparence physique et file à grande allure sans perdre de son énergie et de sa force pour dénoncer le jeu absurde des visages et des corps apprêtés, des apparences, les identités brouillées que sont la culture de la célébrité et son corollaire, l’anonymat.
dit que la seule musique qu’elle ne supporte pas, c’est le Métal . Et je me suis dit que le Métal, c’est une pulsion de mort, par rapport au classique qui serait pulsion de vie. Alors, bien sûr, c’est comme le yin et le yang. Y’a un brin de pulsion de mort dans la pulsion de vie et vice versa. Dans le classique, il y a des marches funèbres. Mais musicalement, c’est toujours de la pulsion de vie ». «Neverdays » est un roman plein de vie, cruel, grinçant, dérangeant. Un roman peu ordinaire. En dehors des 20 premières pages dont le trait me semble exagérément poussif et d'une narration métaphorique de qualité inégale du fait (parfois) de sa lourdeur, j’ai beaucoup aimé ce livre plein de charme, d’acuité et de grâce.
➤Alizé Meurisse «Neverdays» Editions Allia
9,20 € - 192 pages ISBN: 978-2-84485-696-8
« La musique classique aussi demande une initiation. C’est le marqueur social qui fait la différence entre les nouveaux riches et ceux qui viennent de vieilles famillesqui privilégient les « humanités ». Mais en même temps, la musique classique a une incidence sur la vie, le vivant. C’est la seule musique qui influe sur la pousse des plantes, comme le soleil. Y’a pas plus snob qu’une plante verte ! D’ailleurs une jeune virtuose m’a
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UN MÉLODRAME FAMILIAL RÉUSSI CHRONIQUE PAR LAURENCE BIAVA / Photo DR
À travers la relation forte et fragile entre u n e m è r e e t u n fi l s a u s e u i l d e l’adolescence qui vivent chacun à leur façon l’expérience de l’exclusion et de la détresse intérieure, Véronique Olmi renoue ici, et de manière particulièrement réussie, pour son 10e roman, avec la tension narrative de Bord de Mer, cette amplitude romanesque où la retenue, l’émotion et la brutalité forment une ronde parfaite. «Il y eût un cri déchirant, et l’enfant quitta le fleuve, et revînt dans sa chambre. Le cri se prolongeait, un son de gorge plein de haine et de fureur. Enzo demeurait immobile et terrifié. C’était une plainte puissante chantée avec une férocité ancienne et on aurait dit que la nuit était tout entière contenue dans son râle. L’enfant ne l’avait jamais entendu auparavant. Était - il allé trop loin dans ses rêves, avait-il blasphémé en marchant sur l’eau, quelqu’un se vengeait-il ? Il lui semblait maintenant que le cri mourait vraiment. Il souffrait de se rendre et en perdant sa puissance, perdait sa pureté. Il ressemblait à un feu qui meurt, incandescent et féroce. Enzo était
prisonnier de sa peur comme d’un corset. Il ne pouvait même pas tourner le visage vers sa mère, tendre la main vers elle ou lui demander de l’aide. Tout juste s’il p o u va i t ava l e r s a s a l ive , r e s p i r e r normalement. Il entendit marcher sur le toit et comprit qu’il avait simplement entendu des chats. On disait que la saison des amours variait en fonction de la lumière. Plus il y avait de lumière, plus les chats avaient besoin de s’accoupler. Ils se battaient la nuit pour se reproduire le jour. Au soleil». Ce livre est une balade quotidienne d’échanges et d’allers-retours suivis entre une mère et son fils ado telle que nous la vivons tous parents. Depuis des générations, et c’est ce que dit admirablement ce livre, les parents d’adolescents remarquent le changement « révélateur » qui se produit dans leurs relations avec leurs enfants au cours de la transition vers l'adolescence. Dans certaines familles, cela peut s'avérer une période difficile et tumultueuse. Pour d'autres, les changements sont plus subtils.
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Mais dans tous les cas, la dynamique de la relation change. Cela n'est pas surprenant, compte tenu de l'accroissement du besoin d'autonomie qui caractérise cette étape du développement. Tout est parfait ici. Et l’atmosphère tend à regarder ces analyses circonscrites à la loupe avec tension et mélodrame : c’est le sens, l’effervescence, la flamboyance d’Olmi qui s’égrène tout au long des pages, surtout quand la mère aide l’adolescent à croire en luimême. C’est un souffle. Un message ample.
Une voix. Une voix rassurante qui exprime à l’ado qu’il ne peut croire en luimême que si on lui montre que l’on a confiance en lui, et qu’il va prendre les bonnes décisions. Le drame familial du roman explore bien les pistes auxquelles la mère a recours pour reconnaître les efforts de l’adolescent. Elle le rassure en lui disant qu'il a les qualités qu’elle veut voir en lui. Que si des conflits surgissent avec lui, elle ne met pas l'accent sur le comportement, mais sur la personne. Elle réfléchit à ce qu’elle va dire et à la façon dont elle va le dire. Elle s’assure que les messages sont clairs et concis. Elle remet en question la façon dont
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l’adolescent voit les choses et elle le fait avec parcimonie. Au bout du compte. Ce roman est un sommet de bon sens, d’anticipations, de visions même. Véronique Olmi a un sens inné de la retenue, de ces vérités closes, de ce que l’on ne sait pas comment dire, de toute cette connaissance des non-dits formatés au cœur des familles. Il faut voir comment elle expose son point de vue et ses opinions. La mère ne dénigre jamais l’adolescent. Rien n'est plus irritant qu’un ton condescendant. Elle ne lui fait pas la morale, qui pourrait susciter seulement de l’hostilité. Elle sait que la plupart des adolescents n'écoutent plus après la cinquième phrase. Elle ne fixe pas de limites ni de conséquences qu’il ne pourrait appliquer. Tout se passe la nuit, la nuit, la nuit file et l’histoire prend alors un nouveau cours, elle s’accélère… Ce qui est abordé ici avec ferveur et engouement est également tout ce qui touche à l'identité, cette notion à succès, et à la mémoire. Tout presque de ce qui fait notre vie privée comme publique, collective comme individuelle, est susceptible de trouver sa raison d'être dans la confirmation ou la recherche d'une identité. Dans ce texte, derrière chaque mot, il y a ce que les spécialistes ont quelque mal à définir, et qui émerge
le plus souvent l'idée que les individus tout comme les collectivités ne sont pas mus par des contraintes préexistantes ou des causes objectives, mais produisent eux-mêmes leurs propres raisons d'agir. Œuvre parfaitement maîtrisée et stylistiquement parfaite, ce mélodrame familial explore à la loupe les réalismes psychologiquement tendus des familles, leurs sentiments enfouis, leurs émotions jaillissantes, une fois que sont évincés les silences abscons. Souterrains. Une réussite.
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DE L’EXISTENCE
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la part de nos vies blessées CHRONIQUE PAR LAURENCE BIAVA / Photo DR
Nathalie Nohant s’est fait remarquer au printemps dernier avec « l’hypothèse des saisons » son premier roman. Un excellent opus où elle narre les limites des trois personnages, une femme et deux hommes en quête d’idéal aux alentours de leur trentaine dépassée. Ceux-ci se retrouvent régulièrement dans un banal, voire borgne, bar-restaurant des bords de la M a r n e , n o m m é L ' Av v e n t u r a , a fi n d'«exacerber l'absence» et de conjurer les désillusions de la déception amoureuse, de l'appât de la chair. L’Avventura porte bien son nom : ce sont les destins moirés et la vie fouillée, exposée, de ses personnages tourmentés placés sous une étoile noire qu’elle abrite. Deux des protagonistes viennent de connaître la crise du désamour imposé et tentent de surnager dans l'effondrement de la rupture, cette nuit subite et aspirante, un trou sans fond dans la fonte des jours. Au fil des pages, et à la profusion de jolies scènes à la mélancolie rock bien troussée et aux tics empruntés au cinéma, - on songe à Truffaut- nous suivons ces personnages qui cherchent à se reconstruire les uns avec les autres, voire les uns par rapport aux autres... Là où les
sentiments sont confus, où la tristesse règne en maître. Nathalie Nohant dépeint un tourbillon de la vie où on survit cruellement en s’accrochant à des petits rien de désespéré, à des lieux fétiches, à des expressions qui rassurent, à des airs de chansons ou à des mobiles stériles. Parce que cela fait aussi du bien. C’est donc selon un rite bien précis que les trois héros se retrouvent quotidiennement au café, pour se livrer, pour parler et inventer un nouveau monde. La fille raconte son histoire d'amour, de désir, de sexualité. Les amateurs de cafés y retrouveront l'ambiance qu'ils apprécient et la couleur des personnages attachants qui les peuplent ; le garçon de café poète ou Monique qui a oublié de vivre ? Le premier quart du livre fait particulièrement plaisir : il donne le la de cette belle histoire où les trajectoires des êtres se croisent enfin, où les sentiments soudains dérapent et passent du ravissement à la douleur, au déchirement, qui lui s'insinue, et s'installe, longtemps. Ce livre est simple et beau, cruel et universel, magnifiquement écrit. Avec Nathalie Nohant, les mots sont musique et ils nous touchent
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profondément, à la manière des mélopées mélancoliques. Et puis, il y a les saisons qui essaiment en nous sensations, impressions et images. L'hypothèse des saisons, qui renaîtront, et avec elles, le désir, le désir de vie et de l'autre. L'hypothèse des saisons, ou une véritable embellie, comme un nouveau printemps. « Veulent-ils continuer à vivre ou veulentils seulement continuer à jouer à faire semblant de vivre, à se laisser s'enliser dans les sables mouvants de leurs souffrances amoureuses ou comme après un accident les efforts pour renaître sont désespérés, les gestes qui sauvent du néant, les mots qui soufflent sur le feu éteint autant de signaux qui n'appelleront aucune réponse et ne produiront aucun sauvetage ». Avec un art littéraire précis et soutenu tout au long de son roman, l'auteur dirige immédiatement le lecteur au coeur de la tension dramatique de son intrigue. Notre vie n'est-elle pas une tentative incessamment reconduite d'échapper à la solitude de l'être ? Les gestes et le maintien des personnages, leurs attitudes, leurs postures, leurs voix qui manifestent leurs tourments, leurs charmes, leurs désirs, ainsi
que tout ce qui concourt à briser le tragique de nos vies, à modifier l'empreinte du temps, à oublier l'absence après l'amour, rappellent terriblement ce que nous sommes, ce que nous avons aussi vécu. Bravo à cette écriture fluide qui joue des mots, des images, sans aucune ostentation, et nous fait pénétrer dans cet univers poétique et cette humanité troublante. Les transparences psychologiques de l'héroïne, l’animalité de l'un et la détresse de l'autre apportent une langueur à l’ouvrage dans lequel les saisons s'accordent ou sont asynchrones avec le rythme intérieur de chacun et m’ont touchée. Nous y reconnaissons vraiment la part de nos vies blessées avec ce sentiment d'incomplétude perpétuelle. Une belle réussite. L’hypothèse des saisons Nathalie Nohant - Éditions Le Passage
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Une histoire qui sent le souffre CHRONIQUE PAR LAURENCE BIAVA / Photo DR
Régine Salvat, après avoir publié un brillant essai chez Jean-Claude Lattès en 2011 à la mémoire de son fils disparu « Une histoire à tenir debout (JC Lattès 2011), a choisi cette fois de nous embarquer dans le pays audois pour nous raconter cette histoire palpitante, un récit à la frontière des genres. Sa plume nous renvoie, dans un thriller envoûtant, aux peurs ancestrales qui émaillent le pays cathare et à tous les espoirs qui animent les hommes. C’est l’histoire de Laurène qui se décide à retrouver Blanche, son amie d’enfance. Toutes les pistes explorées mènent à Rennes-les-Bains, village occitan situé à deux pas de la « montagne inversée », le Puech de Bugarach. Et c’est dans ces conditions pour le moins inhabituelles dans ce petit village d’ordinaire paisible qu’elle rencontre le vieux Désiré, « le diable des sommets », fait connaissance avec les amis de Basile, le patron du bistrot... Michael, le spéléologue, est retrouvé noyé au fond d’une galerie de la montagne, Laurène est convaincue que sa mort est en lien avec la disparition de son amie Blanche. L’inspecteur César Fougas,
chargé de l’enquête, devra bientôt s’adjoindre, bon gré mal gré, les services de Laurène, une aide nécessaire, mais embarrassante ! Grâce à ses relations nouées depuis peu, notre profileuse va peu à peu s’imprégner de l’âme de cette Terre cathare. « En arrivant aux Bragalous, j’ai couru dans les landes. Des envolées de papillons jouaient dans les taillis. Des merveilles de flambées et d’argus, couleur d’ »oranges bleues ». Impossible de libérer mon esprit des questions : elles tourbillonnaient avec les volutes d’insectes agacés par la menace d’orage. Une menace insidieuse et prégnante. Embarquée dans mes réflexions, j’avais oublié toute prudence. J’allais franchir la crête quand une lueur a déchiré le plafond des nuages. Elle a embrasé les montagnes. Les insectes se sont tus, les papillons ont disparu ». Sur fond de rumeur de fin du monde en décembre 2012, il règne dans le village une frénésie et une excitation palpable. Le récit de Régine Salvat est superbement écrit, les magnifiques descriptions des paysages et des terres méritent d’être
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soulignées, ainsi que le cours scénaristique qui tient le lecteur en haleine de la première page à la dernière. On appréciera aussi l’éclat ambivalent de tous ces lieux sombres dépeints, peuplés de peurs ancestrales, de cette magie noire, dont l’héroïne va oser affronter les secrets. L’auteur dépeint merveilleusement ces vestiges de l’histoire mystique et initiatique de ce pays cathare, car quiconque le voit, s’imprègne de lui à tout jamais et ne peut se défaire de sa nostalgie. . … Une odeur de soufre plane sur tout le récit, et c’est un régal. Bugarach est au fond, un conte palpitant tout aussi ravissant que décalé qui fait la part belle à l’appétence de vivre, à l’ouverture d’esprit, aux signes absolus qui émerveillent dans les feux des rencontres, aux terres des hommes, aux vestiges humains et spirituels, aux mystères des croyances anciennes toujours plus
captivantes chaque fois qu’on les revisite, qu’on les prolonge parce qu’elles créent les légendes, ces humeurs de pierre qu’on ne balaye pas aussi vite que le vent.
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mystère de f e m m e l’oiseau.
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ENTRETIEN
Héloïse Guay de Bellissen Texte Laureline Amanieux / crédit photo Nicolas Delpis
Héloïse Guay de Bellissen a trente et un ans. Ancienne libraire, déjà auteure de livres consacrés au slam aussi bien qu’à Spinoza, elle signe un premier roman bouleversant aux éditions Fayard, entre lyrisme trash, humour et tragédie.
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Le roman de Boddah, c’est un titre inattendu parce que votre roman raconte les dernières années de Kurt Cobain. Alors qui est Boddah ? Boddah, c’est l’ami imaginaire que Kurt Cobain avait inventé lorsqu’il avait deux ans. C’est lui le narrateur qui raconte l’histoire de Nirvana, de Kurt Cobain et de sa femme Courtney love. Boddah est un p e r s o n n a g e fabuleux parce qu’on peut lui faire dire tout ce qu’on v e u t . J e vo u l a i s écrire une histoire d’amour, j’ai pensé à ce couple d’artistes parce qu’ils sont d’un autre monde, et je les aime profondément. Je voulais trouver un angle d’attaque intéressant, magique, qui me permette de m’amuser en écrivant. J’ai lu toutes les biographies, regardé tous les documentaires, réécouté Nirvana, et quand j’ai relu la lettre de suicide que Kurt Cobain a dédiée à Boddah, c’est devenu une évidence, c’était forcément lui qui devait raconter l’histoire, parce que c’est lui qui sait tout, il est omniscient. Et qu’un type de 27 ans ait pu garder jusqu’à sa mort son
ami imaginaire d’enfance, je trouvais cela trop beau pour ne pas en parler. Kur t Cobain a créé cet ami imaginaire, mais vous, en tant que romancière, vous l’avez créé une seconde fois. Oui, j’ai eu la sensation de continuer ce que Kurt avait déjà créé, c’est assez fou, car j’aime Kurt de manière viscérale, ça date de leur second album en 1991, Nevermind. Pour tout dire, j’étais amoureuse d’un garçon dans la cour de mon école et un jour, je le vois porter un T-shirt de Nirvana, reproduisant la pochette du disque, avec le bébé dans l’eau. Du coup, j’écoute le groupe, et je me suis dis : « cette musique, c’est ma vie ». Donc tout est parti d’une histoire d’amour imaginaire, car je ne suis jamais sortie avec ce garçon, mais grâce à lui, j’ai découvert l’amour musical en Kurt Cobain. Il a su inventer une musique rituelle qui rassemble. Est-ce que vous vous êtes identifiée à votre narrateur ou lui avez-vous donné une personnalité propre ?
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Un peu des deux, parfois je parle à sa place, mais personne ne le sait, sauf moi. Je me suis souvent mise à la place de Kurt Cobain pour imaginer le tempérament de Boddah, et je crois avoir visé juste en fonction de sa sensibilité, de son esthétique. Boddah est punk, trash, doux, parfois fou, je pense qu’il est vraiment incarné ainsi. Il pose un point de vue sur la vie souvent nihiliste. Il est très contradictoire, ce qu’était vraiment Kurt Cobain dans la réalité. C’est comme un ange, mais qui n’est ni bon ni mauvais. E t v o u s , v o u s av i e z u n a m i imaginaire ? Je me suis rendue compte, après avoir fini le roman, que je tenais mon journal intime quand j’avais 14 ans, et que dans le journal, je m’adressais déjà à Kurt Cobain ! J’écrivais : « Cher Kurt, fais tomber la pluie, fais que le prof de math ne soit pas là… » Mais je ne le voyais pas comme un ami imaginaire, plutôt comme un fantôme, puisqu’il était déjà mort, à qui je pouvais demander des trucs importants à mes yeux, qui pouvait me comprendre de là où il se trouvait. Vous comprendre et comprendre des générations entières. Vous écrivez dans votre roman : « Kurt a su faire durer un cri parce que la vie est trop courte. Un hurlement que tout le monde retient depuis l’enfance et qu’il a eu la force de proférer ». Les années quatre-vingt-dix ont été difficiles pour beaucoup d’adolescents,
ce sont les premières vagues de d ivo rc e , l e s g a m i n s s e s e n t e n t abandonnés. Kurt est issu de parents séparés, et sociologiquement, il pousse le cri que cette génération est incapable de pousser. Nevermind est un disque qui n’a été acheté que par des adolescents. À Noël, tous les gamins ont reçu des albums de Bruce Springsteen ou Génésis, puis ils vont échanger leur disque pour avoir Nirvana. Kurt correspond à leur psychologie à ce moment-là. Vous le disiez au départ, Le roman de Boddah, c’est un roman d’amour fou : entre Kurt Cobain et Courtney Love. Vous écrivez qu’ils étaient « les miroirs cassés l’un de l’autre ». Courtney a vécu également une enfance difficile, avec des parents hippies, un père peu aimant. C’est une nana un peu agressive, qui a connu les foyers, qui a été strip-teaseuse, elle a eu une vie très dure, mais elle a trouvé sa voie dans le punk et la musique. Elle essaie tout le temps de tirer son mari vers le haut, mais elle n’y arrive jamais. C’est un personnage intéressant. Quand elle a rencontré Kurt, ils se sont physiquement tapés dessus. Ils sont tellement partis de rien, partis de chez eux, en dormant à droite à gauche, qu’ils ne possèdent plus nos codes. Ils sont dans un monde parallèle. Ils ont inventé leur propre langage à eux, mais ils parlent le même, ce qui n’était pas évident !
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Comment construit-on un récit avec des personnages qui ont ainsi vraiment existé ? Votre livre est un roman, mêlant réel et imaginaire : ce n’est ni une biographie ni un « biopic ». C’est très compliqué, parce qu’on n’a pas envie de saccager leur vie privée, on pioche des choses dans différentes biographies, on les enveloppe avec des mots. Il y a vraiment des éléments réels et d’autres que j’ai inventés, je ne sais même plus où sont les vraies informations, donc ça pose forcément un problème éthique. J’ai raccordé des anecdotes présentes dans plusieurs biographies, en croisant les informations, et j’ai retenu les plus incroyables, quand tu te dis « ce n’est pas possible, ils n’ont pas pu faire une chose pareille ! Mais si ». Parfois, je pars d’un dialogue réel dont on possède les bribes, et j’ai cousu un autre dialogue par-dessus ; sinon je les ai inventées. Je me suis appuyée surtout sur la biographie officielle de Courtney Love. J’écoute sa vérité, même si c’est subjectif, car c’est elle qui survit, qui fait partie de l’histoire. Je ne trahis jamais sa parole, je ne la mets pas en cause. J’ai essayé de faire le plus juste possible et le plus romanesque possible. Boddah raconte de manière franche, mais sans juger ni traiter aucun des personnages de psychopathe. La drogue est aussi un personnage dans le roman détruisant ce couple qui fait la une des journaux. Vous
en parlez comme d’un ménage à trois. L’héroïne fait partie intégrante de leur vie, c’est la troisième roue du carrosse, un spectre entre eux, mais aussi quelque chose qui les relie, au-delà de leur amour. C’est clair : l’amour est bien la rencontre de deux névroses. Boddha est impuissant face à cela. Kurt traversait une souffrance physique et mentale dont il n’arrivait pas à s’extraire. Il a la maladie de Crohn qui lui bouffe les intestins, et des ulcères terribles, qu’il ne veut pas soigner normalement. Il tombe d’ailleurs dans la drogue justement pour essayer de souffrir le moins possible. Mentalement, il n’a pas réussi à sortir des souffrances de son enfance. Pourquoi certains vont s’en remettre et pas d’autres ? Je n’en sais rien. Il avait tout pour réussir, parce que créer, c’est sortir de quelque chose. C’est ce qui me séduit chez lui, d’avoir tout et de ne pas y arriver quand même, et finalement de tirer sa révérence quand il n’en peut plus. C’est poétique. Votre écriture aussi : vous écrivez que Kurt est « un bon mourant » comme il existe des bons vivants. Il se détruit non-stop, il détruit ses instruments, sa vie de famille… Ce qui est étonnant chez lui, c’est qu’il peut détruire ses guitares avec une grande brutalité, mais détruire sa vie et celle d e s a u t r e s , ave c u n e c e r t a i n e douceur : il se cache pour se droguer,
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il n’essaie pas d’entraîner les autres, il se suicide seul dans une petite maison à côté de la sienne. En même temps, il est suivi par des millions de fans qui sont déjà des gamins démolis et que sa mort va démolir. Dans sa lettre de suicide, il leur dit d’ailleurs : « ne me suivez pas, ça me concerne. Paix, amour, empathie », ce sont vraiment ses trois derniers mots.
vie, c’est super, mais je fais dire à Boddah que ce serait bien si Kurt continuait à avoir mal pour que lui puisse continuer à exister.
« L’enfance est un don éphémère », écrivez-vous. Le génie et la souffrance de Kurt, est-ce que c’est d’être resté dans cette enfance ? Il y a un moment où il faut se retirer de l’enfance, il faut décider d’être dans le réel, et même si je n’aime pas trop le terme, d’être adulte, d’avoir l’âge qu’on a et de faire les choses normalement. Kurt était quand même un père de famille, un très bon musicien, et il est resté coincé dans son enfance, il n’a pas passé le cap. Peut-être que tous les artistes ne passent pas vraiment ce cap. Mais lui, est resté dans la douleur. C’est dommage, parce que je pense que dans la vie, il y a une possibilité de rester enfant, de garder l’émerveillement de l’enfance, mais sans rester uniquement dans la souffrance. Parfois, Boddah manifeste de la colère contre lui, en disant « essaie d’être adulte et assume », mais il est aussi ambigu, car si Kurt devient adulte, est-ce que Boddah peut rester en vie ? C’est toute la question. Lorsque les maux de ventre de Kurt s’apaisent à une période de sa
On doit préciser que ce n’est pas du tout un roman tragique, c’est aussi un roman comique. J’avais envie de souligner l’humour de Kurt Cobain. Il avait un côté Pierre Richard qui me fait rire. Ce n’est pas un personnage tragique. Même sa mort à la fin, je n’ai pas voulu la raconter sur un mode tragique, mais plutôt paisible : il voulait en arriver là, il n’y avait que cette solution, il l’a prise comme il aurait pris une autre décision dans sa vie. Sa lettre de suicide est limpide : il n’a juste plus envie. Et puis, il y a un côté burlesque dans le rock, qui ne se prend pas au sérieux. Cela aurait été trop simple d’aller vers le pathétique, on sait que Kurt va mourir, mais il faut des passages lumineux et drôles avant d’en arriver là.
Kurt meurt peut-être de trop d’enfance et Boddah survit dans votre roman… Oui, à la fin du livre, on peut répondre à Boddah et devenir son ami réel !
Quelles sont les parts lumineuses chez Kurt ? J’ai l’impression que Kurt n’a jamais compris que la lumière était en lui et que les évènements tiraient simplement cette lumière de lui. Quand il signe un album chez un gros
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label, il est heureux, même s’il tourne tout en dérision. Quand il rencontre Courtney aussi, il ne veut pas se l’avouer, mais il est ultra content. Il fait tout pour ne pas être trop lumineux, en fait. Peut-être qu’il avait peur. On est lové dans une espèce de torpeur quand on souffre, et quand on en sort, on ne voit même pas que c’est lumineux. Le truc rassurant, c’est de rester dedans. J’ai créé mon personnage ainsi. Est-ce que Kurt était vraiment comme ça ? Je ne sais pas, mais c’est quand même une vraie fan de Nirvana qui parle, une vraie empathique. Ce n’est pas pour autant un roman de fan. Kurt n’est pas une icône dans le livre. Il a un côté looser, paumé, il est une icône malgré lui, avec ses démons. Il n’est pas au-dessus des autres. Il est comme nous. À propos de Kurt, vous écrivez : « Votre existence ne tient qu’en quelques échelons à gravir ; et quand vous êtes arrivé au sommet, reste plus qu’à se jeter ». Il y a un temps pour se comprendre et un autre pour vivre les évènements. En trois ans, il a vécu tout ce qu’il aurait dû vivre en vingt ans : le succès mondial, les tournées infernales, l’amour, le mariage, la paternité. Tout lui est arrivé en même temps, tout a été condensé, il n’a pas pu en profiter pleinement. On dit toujours que mourir à 27 ans, c’est affreux, mais il avait déjà vécu la plupart des évènements qu’il avait, lui, à vivre.
Dans Le roman de Boddah résonnent parfois des accents philosophiques. Or, vous avez écrit plusieurs livres de philosophies avant ce roman. Juste avant, j’avais écrit un livre sur la pensée de Spinoza, qui m’avait beaucoup aidée dans ma vie personnelle, comme la nécessité de rester dans le présent, de se relier à la Nature. Je pense que le fantôme de Spinoza plane au-dessus de ce roman sur Kurt Cobain. C’est tellement intrinsèque, que je ne peux pas vous citer sa pensée. C’est une porte qui s’ouvre en soi ; Spinoza a ouvert un espace inédit en moi, de compréhension nouvelle. Le livre sur Kurt aurait été, sans doute, différent si je n’avais pas écrit cet essai avant. Et la musique rock, dans quelle mesure influence-t-elle votre style ? Le rock fait partie intégrante de ma vie depuis très longtemps, mais j’ai écouté plutôt des musiques contemplatives en écrivant ce roman pour poser des mots sur un paysage émotionnel, avec des instruments rock et classiques. Mon roman est rock-n-roll, grunge aussi, mais, j’espère, avec cette dimension planante et existentielle. J’aime les choses viscérales, sinon ça ne m’intéresse pas. Je ne peux pas faire autrement. De l’organique, sinon rien. Est-ce qu’on peut raconter un secret ? Écrire la fin de ce roman a été une épreuve pour vous, une
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souffrance. Vous avez eu du mal à écrire le dernier chapitre. Oui, car c’était la fin de mon histoire avec lui, après trois ans lovée dans ce livre. Tuer ce personnage m’a fait de la peine, mais j’étais obligée. C’était mon histoire avec Kurt, avec Courtney, avec Boddah et mon histoire avec ma propre enfance qui devait s’arrêter, et en plus, je me mettais à la place du lecteur qui attendait la fin de ce roman, quel chaos ! En le tuant, j’ai tué mon enfance, c’est dur, mais c’est bien de pouvoir changer, d’évoluer grâce à lui. Tous les artistes créent pour sortir de quelque chose et accéder à autre chose. C’est fantastique d’avoir pu écrire à partir de quelqu’un que j’adore, qui m’a fait grandir : Kurt n’a pas pu
grandir, mais j’ai pu grandir grâce à lui. Lui et sa musique nous ont tous fait grandir. ▶ Héloïse Guay de Bellissen Le roman de Boddah, éditions Fayard, 2013.
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HENRI WEGEL Roman-policier Parution : 11-09-2013 ISBN : 978-2-312-01343-5 184 pages 102 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013 Les Editions du Net
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300 millions de yens jamais retrouvés : le casse du siècle au Japon
MANGA - PAR JULIE CADILHAC
En sortant de l'école Yamato Natumi et son amie Miku Odagiri, dans une impasse sombre, découvre un h o m m e g rave m e n t blessé sur le point de rendre l'âme . Ce dernier, en apprenant l'identité du petit garçon, lui ordonne de s'approcher et lui confie que l'auteur du vol des 300 millions de yens est son père et qu'il faudra qu'il ne fasse jamais confiance
aux gens autour de lui. Lourd de ce secret, Yamato rentre chez lui et constate l'absence de son père...dont on retrouve le corps noyé et mutilé quelques jours plus tard. Orphelin, Yamato est recueilli par les parents de son amie Miku. Six ans plus tard, alors qu'ils sont au lycée, de nouveaux événements font ressurgir le passé et vont entraîner Yamato et Miku dans un enquête inquiétante où leur vie est en péril car les
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criminels ne manquent pas... Palpitant, ce nouveau Seinen chez Kana va faire des ravages! D'abord parce qu'il est basé sur un fait réel et donne davantage de réalisme au scénario : il se base en effet sur le casse du siècle pour les japonais durant lequel une voiture de banque , sans violence, s'est vue dépouillée de 300 millions de yens que l'on n'a jamais retrouvés! Cet acte de grand banditisme, le 10 decembre 1968, nourrit depuis l'imaginaire populaire japonais et c'est le jour où est né l'auteur du manga! Ensuite parce que cette fiction ne manque ni de suspense ni de ripoux et instaure une ambiance de méfiance
excitante...pour ceux , bien sûr, qui lisent cela bien tranquille dans leur canapé! À découvrir vite! Titre de la série: Montage Tome 1 Auteur: Jun Watanabe Éditions : Kana Prix: 7,45€
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DEMAIN DÈS L’AUBE
BANDE DESSINÉE PAR JULIE CADILHAC
Exilé sur l'île britannique de Jersey, Victor Hugo ne cesse d'être hanté par la mémoire de sa défunte fille Léopoldine. Un soir, lors d'une séance de spiritisme à laquelle il refuse d'être un participant actif, le spectre de Léopoldine se manifeste et l'interpelle: "Père,
pourquoi les quatre innocents ont-ils péri noyés? " ; il est temps pour le père d'affronter une réalité qu'il fuyait et de procéder à une enquête pour connaître le fin mot de cette noyade collective. Non loin de là, sur l'île de Guernesey, un jeune homme du nom de John Tapner achète une bouteille de térébenthine avant de rejoindre sa maîtresse Alice, la sœur de son épouse; devant subvenir aux besoins de deux ménages, il est désargenté et la menace qu'Alice se retrouve dans la rue est grande...Quelques mois plus tard, Victor Hugo écrira une lettre polémique au Secrétaire d'Etat de l'Intérieur en Angleterre pour s'insurger de la peine capitale infligée à Tapner, accusé à tort d'un incendie meurtrier. Figure littéraire française emblématique, Victor Hugo a eu un destin singulier: connu pour ses nombreuses maîtresses ( dont Juliette Drouet ou encore Léonie d'Aunet sont les connues), touché du deuil
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mélancolique de sa fille chérie qui imprègne beaucoup ses écrits , adversaire farouche de "Napoléon le petit"... Hommage à ce personnage romantique et engagé, cette bande-dessinée mêle habilement fiction et réalité, conjugue histoire et littérature romantique et pour ajouter le sel du suspense, la scénariste Esther Gil a inséré l'hypothèse narrative suivante: la mort de Léopoldine ne serait pas accidentelle?...d'où la possibilité ensuite d'envisager un oneshot policier dans lequel, en poursuivant la vérité au péril de sa vie, Victor Hugo croisera d'ailleurs des êtres qui lui inspireront la formidable épopée humaine des Misérables et notamment les personnages de Gavroche ou de Javert. Comment Victor Hugo, actif
défenseur de l'abolition de la peine de mort, réagira-t-il devant l'assassin de sa fille s'il en est un? Ne néglige-t-on pas ceux qui restent lorsqu'on se cloître dans sa peine? Gi l et Paturaud signent une b a n d e - d e s s i n é e a d m i ra b l e autant pour son graphisme que pour son scénario. Au coeur du XIXème siècle , en plus de nous f a i r e c ô t oye r u n é c r iva i n fascinant en multipliant les clins d'oeil à son oeuvre, elle nous brosse un tableau passionnant du Second Empire ( moeurs, paysages urbains et ruraux, croyances, tiraillements politiques et projets architecturaux)... Le trait réaliste d e L a u r e n t Pa t u r a u d , superbement coloré, y est à l'aise dans tous les registres, des portraits expressifs de l'écrivain aux scènes à la cour de Napoleon III, des scènes sensuelles d'alcôve au Ventre de Paris et ses égouts . Les éditions Daniel Maghen , en outre, le mettent en valeur dans un ouvrage grand format et qui se clôt sur un long cahier graphique. Un INDISPENSABLE donc! Titre: Victor Hugo, aux frontières de l'exil Auteurs: Esther Gil et Laurent Paturaud Éditions: Daniel Maghen Parution : Août 2013 Pages: 112 Prix: 19€
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Une rentrée sans tabou avec Jul BANDE DESSINÉE PAR JULIE CADILHAC
Les thèmes de cette rentrée littéraire sont la conséquence naturelle des interrogations qui ont tiraillé la France ces derniers mois: l'argent, la religion, la sexualité...Jul aborde ,avec son éternel humour corrosif, toutes ces questions brûlantes et grâce à la
communauté attachante de la vallée de Silex and the City - qui résiste, encore et toujours, à l'évolution- il est peutêtre l'heure de comprendre - enfin!qu'une famille = un papa + un mammouth -au risque d'être taxé d'individu au "raisonnement crétacé", que les banquiers ne sont pas nos amis et que les autorisations de découverte ne sont permises qu'aux gens qui en ont les moyens et encore moultes autres réalités paléolithiques et....contemporaines. Cet album est l'occasion de rencontrer de nouvelles figures croquignolesques comme celles de Lascaux Siffredi , Acteur X ou encore le Docteur Poulpenstein, c h i r u r g i e n paléontologue. Et oui, on aime retrouver Blog, Web, URL, Rahan, Julius...et parce que Jul conserve,
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derrière sa plume satirique, une tendresse pour ses personnages qui ne faillit pas, on est heureux aussi qu'il soit possible, avec beaucoup d'amour et de médecine, de se sortir d'un cancer du singe....et à la page 46, d'ailleurs, on vous signale que vous apprendrez pour quelles raisons les dinosaures ont disparu et pourquoi, peut-être, on devrait se dépêcher d'appliquer une autre méthode avant d'être une espèce disparue... une méthode si simple si on y réfléchit bien! Titre de la série: Silex and the City Tome 4: Autorisation de découverte Auteur: JUL Éditions: Dargaud Parution: 30 août 2013 Prix: 13,99€
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ToutE l’actualité du Jazz concentréE sur un seul site www-le-jazz-club.com
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Un plat réussi est un plat mortel! MANGA ADOS PAR JULIE CADILHAC
Satoru Moriya est un collégien de troisième qui n'a pas beaucoup d'idées concernant son orientation. Un jour, débarque dans la cuisine de sa grande sœur un dandy aussi étrange qu'effrayant, le comte Antigaspi. Ce dernier explique être friand d'âmes de cuisiniers de renom et annonce à Satoru qu'il va faire de lui un cuisinier dont il se délectera à la fin de sa formation. Tout droit sorti des Enfers, le comte Antigaspi est lunatique, use souvent de violence gratuite et déstabilise Satoru sans cesse....Satoru réussira-t-il à devenir un grand chef? Sera-t-il mangé ensuite par le comte? Autant de questions qui ouvrent l'appétit! Un manga gastronomique qui , assurément, vous donnera faim!
Titre de la série: Hell ´ s Kitchen Tome 1 Éditions: Kana Collection: Dark Auteurs: Mitsuru Nishimura et Gumi Amazi Prix d'un tome: 6,95€ HELL'S KITCHEN ©2010 Gumi AMAZI NISHIMURA / Kodansha Ltd.
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/ Mitsuru
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SCIE NEW-YORK M’ÉTAIT CONTÉ JEUNESSE PAR JULIE CADILHAC
Voila une histoire, faite de bric et de broc et de beaucoup d'imagination, qui se situe au cœur de la Grande Pomme. Histoire sans parole, truffée de clins d'oeil que saisiront avec plaisir les parents, occasion d'inventer ses propres péripéties et d'ouvrir l'œil sur les mille et une façons que l'on a de voir et d'utiliser un objet du quotidien. Car oui, l'objet détourné est au cœur de ce projet éditorial pour la jeunesse et l'on y apprécie son esthétique exigeante qui s'allie à un humour accessible et lisible à plusieurs niveaux. Imaginez une ville qui grouille de taxicintres, où un clé de mécanicien- King Kong sévit, où les râpes à fromage dévalisent les banques et tirent des clous, les hommes-peignes s'adonnent au romantisme, les hommes-pinceaux
jouent au baseball, l'homme-gourde au rugby, l'homme robinet promène ses chiens...et l'on ne vous dira pas tout! ...tant c'est un plaisir de découvrir à chaque nouvelle page les trouvailles de Gilbert Legrand. Voilà un livre intelligent que l'on conseillera à tous ceux qui souhaitent sensibiliser leurs enfants à l'art contemporain et à ses détournements qui font sens! Titre: Les petites choses à New York Auteur: Gilbert Legrand Éditions: Sarbacane Prix: 15,90€
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Sacré Araignée Gipsy
BANDE DESSINÉE PAR JULIE CADILHAC
Elle est là ! Cette petite araignée dont le refrain hante nos souvenirs d'enfance ! Celle qui monte à la gouttière et dont les doigts des parents faisaient office de pattes chatouilleuses qui s'acheminaient vers notre cou! Et elle est accompagnée d'autres compagnons de mésaventure: le puceron Léon, la fourmi Lili, le ver de terre Esther, Belle la coccinelle...heureusement qu'il y a la souris infirmière pour soigner tous les écorchés! Un petit livre au format pratique et aux pages solides qui fait partie de la collection
Queu Leu Leu et qui ravira de ses couleurs chatoyantes et de sa bonne humeur nos tout-petits! Titre: L'araignée Gipsy Auteur: Aurélie Guillerey Éditions: Casterman Prix: 9,95€ Illustration de Aurélie Guillerey extraite de L’Araignée Gipsy © Casterman Jeunesse, 2013
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Un conte appétissant entre cochons et loup LES PETITS PAR JULIE CADILHAC
de sucre...l'une d'elles résistera-t-elle au souffle du loup affamé? Un conte bien connu que détournent ,avec espièglerie et pertinence , Martine Camillieri et Angélique Villeneuve: les illustrations, constituées de photos de jouets mis en situation, amuseront les petits et les jeux de mots culinaires éveilleront les appétits...parce que l'on s'en veut d'avouer quand même que, oui, ils sont appétissants ces très petits cochons! Titre: Les très petits cochons Auteur: Martine Camillieri et Angélique Villeneuve Éditions: Seuil Jeunesse Prix: 13,90€
Il était une fois trois très petits cochons fort désobéissants...aussi, lorsque leur maman les avertit des dangers du loup, ils ne s'en inquiètent pas tant que ça et décident de choisir l'indépendance ! Seulement, au risque de se transformer en saucisson dans l'estomac du canidé, il va bien falloir que Jambonneau,Rillette et Lardon finissent par se construire une maison...et en testent la résistance! De pailles, de pain de mie ou 128 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
Pour devenir un incollable de la nature! LES PETITS PAR JULIE CADILHAC
Gallimard Jeunesse, pour la rentrée, propose d'adorables petits livres dans la collection "Mes premières découvertes". Une première série, adressée aux plus petits, permet de s'éveiller aux bruits qui nous entourent...on peut ainsi découvrir les bruits de la nuit, les bruits de la basse cour ou encore les bruits de la rivière. Une deuxième série s'adressant aux plus grands se veut plus " encyclopédique" : le principe d'une "lampe magique" y est appliqué qui met en lumière des petites choses que l'on ne regarde pas forcément comme...les traces d'animaux ou encore les petits bêtes. La pagination , ludique et bien structurée, permet à l'enfant d'assimiler de nombreuses informations et de devenir
un chercheur d'indices avisé en promenade...Des ouvrages intelligents et aux formats pratiques et facilement transportables. À adopter! Collection: Mes premières découvertes Éditions: Gallimard Jeunesse
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Une valse troublante pour un clown au cœur tendre
LES PETITS PAR JULIE CADILHAC
terrible pour que ces deux-là puissent s'aimer librement! Y parviendront-ils? Les illustrations de Stephen Mackey emportent l'imagination au pays des rêves et , a chaque nouvelle page, l'on a le cœur qui palpite en chœur avec celui des deux héros fragiles. Un livre à aimer. Tout simplement. Titre: Petit clown et la ballerine Auteur: Stephen Mackey Éditions: Gautier Languereau Prix: 14€ Voilà une histoire lumineuse et rêveuse pour commencer la rentrée le cœur plein de promesses d'amour et de tendresse: l'aventure extraordinaire du petit clown d'un cirque qui, un jour, est médusé par l'apparition d'une ballerine si jolie...mais qui est manipulée par un ogre sans scrupule. Pauvre petite marionnette qui sert d'appât à son vilain estomac! Il faudra donc affronter l'ogre
2011, Gautier-Languereau / Hachette Livre
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Apprendre à lire en 10 leçons... c'est possible!
LES PETITS PAR JULIE CADILHAC
syllabique ou phonologique, globale, naturelle, mixte, demi-globale et plein d'autres mots barbares...et puis il y a la méthode de Christophe Nicolas et Guillaume Long. On ne vous garantit pas qu'elle marche mais elle a le mérite d'être très ludique. D'abord, parce qu'elle donne des motivations à apprendre à lire. Ensuite, le professeur Tagada estime qu'à chaque jour suffit sa peine et fixe donc des objectifs raisonnables par jour; il n'oublie pas non plus d'encourager et de féliciter l'enfant pour ses efforts. C'est un livre qui conviendra tout à fait aux apprentis lecteurs et lecteurs débutants. Aux parents également dont les enfants se heurtent à des difficultés d'apprentissage de la lecture. Voilà Un livre à partager avec un adulte qui a de la patience et de l'humour! À saisir...bientôt ce sera un incontournable du CP!
Alors...pour apprendre à lire, il y a des méthodes académiques que l'on découvre à l'école avec les professeurs qui s'évertuent à expliquer la méthode
Titre: La fabuleuse méthode de lecture du professeur Tagada Auteurs: Christophe Nicolas et Guillaume Long Éditions: Didier Jeunesse Prix: 11,10€
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Avec Humour et (Im)Pertinence !
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Correspondance
La Tête dans les Étoiles Lorsque la philosophie rencontre l'astrophysique cela donne des échanges des plus passionnants. L'Astrophysicien Laurent Nottale, Chercheur au CNRS à L'Observatoire de Paris, grand conférencier et spécialiste de la Relativité, nous a accordé une interview épistolaire exclusive. C'est avec beaucoup de pédagogie que Laurent Nottale explique la complexité du monde, l'espace-temps et les trous noirs. De sa passion pour les amas de galaxies à sa compréhension du monde au travers du Bouddhisme, voilà une correspondance qui s'achève avec le désir qu'elle se poursuive. Un grand voyage au cœur de l'esprit et de l'Univers. LIVRE PAR SOPHIE SENDRA / Photo ©DR
Le 19 juin 2013 Cher Laurent Nottale, Comme beaucoup se demandent ce qu'ils peuvent dire à un philosophe lorsqu'ils en rencontrent un, certains doivent rester interloqués lorsque vous dites que vous êtes astrophysicien. Mais alors que se passerait-il si une philosophe et un astrophysicien s'écrivaient ? De quoi pourraient-ils parler ?
Cette aventure épistolaire pourrait bien y répondre... voyons un peu ces chemins de traverses que nous pourrions emprunter ensemble. Lorsque j'ai découvert votre texte « Traverses, relativités... » dans l'ouvrage Esquisse(s) (aux Éditions du Félin), je ne me doutais pas qu'il s'agissait d'un texte écrit par un astrophysicien, je pensais que vous étiez philosophe, jusqu'à ce que je
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découvre votre « profession » en fin d'ouvrage.
l'Un et du Multiple comme fondement de l'univers.
Je mets des guillemets, car je ne sais pas s'il faut dire « chercheur » (?).
Lorsque je pense aux fractals, je pense à ces figures de l'art cinétique ou à Vasarély.
Revenons à votre texte. Ce qui a attiré mon œil c'est le mot « relativités », car je m'y suis intéressée lors de la rédaction de ma thèse il y a quelques années. Je proposais une théorie de la relativité de la perception.
Le domaine que vous étudiez est des plus artistique si je ne me trompe pas trop dans mon interprétation... Bien entendu je n'ai pas lu que vos travaux scientifiques, je me suis également intéressée à un de vos écrits daté de 1998, intitulé « Action sur soi, action sur le monde », concernant une conférence donnée par le DalaïLama. Nous aurons sans doute l'occasion d'en débattre un peu plus tard.
En lisant vos travaux... (disons plus exactement q u e l q u e s résumés, je dois avouer avoir été « u n peu p e r d u e » ) j e pense avoir compris le principe. Le langage est clair, mais la rugosité de certaines équations me dépasse !
Cette première lettre étant déjà lourde de questionnements, je ne vois qu'une seule solution pour terminer celle-ci.
Pour plus de sûreté, pouvez-vous m'expliquer le fondement de votre théorie sur l'espace-temps fractal ? Si je fais un lien entre les mots, en les décomposant, l'espace-temps (4° dimension depuis Einstein) suivrait donc un développement multiple (les fractals). Cette théorie se rapprocherait de celle des Pré-socratiques qui parlaient déjà de
Je pose toujours une question à mes correspondants afin de mieux les connaître : à quoi ressemble votre bureau (ou vos bureaux) ? Y a-t-il des objets particuliers ? En espérant avoir de vos nouvelles très bientôt, Bien à vous, Sophie Sendra
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Le 9 juillet 2013 Chère Sophie Sendra, Je suis effectivement chercheur au CNRS, et l’astrophysique est bien l’un des domaines principaux d’application de mes recherches. Mais le cœur de celles-ci est la relativité. Or le développement d’une nouvelle théorie de la relativité – la relativité des échelles –, à laquelle je me suis consacré depuis mes débuts dans la recherche en 1975, relève plutôt de la physique théorique. Quant à ses applications potentielles, de nombreuses autres sciences sont concernées, car le principe de relativité est une vérité universelle qui transcende toutes les disciplines. Cette question me ramène à mon enfance. J’ai le souvenir très vif d’un sentiment difficilement descriptible, mais très puissant de ma petite enfance (j’avais sans doute moins de cinq ans), selon lequel ce que me projetaient implicitement les adultes sur la « réalité » du monde n’allait pas du tout – sans bien sûr avoir la moindre idée de ce qui n’allait pas. Mais j’ai pris alors la décision extrêmement résolue de chercher ce qu’il en était… Puis vers 7-8 ans, mon regard s’est tourné vers le ciel, j’ai commencé à passer mes nuits d’été dehors à contempler le ciel nocturne, puis avec une lunette terrestre, puis un petit télescope. Ma vocation était claire, je voulais être astronome. Cependant vers 12 ans, je plongeais dans un livre collectif de vulgarisation de physique passionnant (je me souviens encore qu’il
était dirigé par Louis Leprince-Ringuet). Deux chapitres me sidérèrent : l’un sur la relativité, l’autre sur la mécanique quantique. Je voulais maintenant être physicien. Après une brève période déchirante où je me sentais tiraillé entre mes deux vocations, je découvrais avec ravissement qu’il existait une « profession » (les guillemets sont mérités) appelée astrophysicien, qui unissait les deux ! Il n’est pas impossible que ces imprégnations anciennes aient servi de graine au développement ultérieur de la théorie de l’espace-temps fractal. Cette théorie consiste en effet à expliquer la mécanique quantique comme une manifestation d’un nouveau principe de relativité, étendue aux transformations d’échelles (alors les théories de Galilée, de Poincaré puis d’Einstein sont essentiellement des théories de la relativité du mouvement – ce qui inclue la position et l’orientation). De surcroît, les principales validations des prédictions nouvelles obtenues avec cette théorie au début des années 90 relèvent du domaine de l’astrophysique. Une géométrie de l’espace-temps de nature fractale (c’est-à-dire explicitement dépendante de l’échelle d’observation ou d’expérience) est l’outil de mise en œuvre naturel de ce nouveau principe de relativité, au même titre que la géométrie courbe pour la relativité généralisée du mouvement d’Einstein. Le passage de la courbure à la fractalité peut se concevoir comme de la courbure à l’intérieur de la courbure, suivie à nouveau d’autres structures à des échelles encore plus petites, et ainsi
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de suite à l’infini. Par rapport aux images fractales dont certaines peuvent effectivement être très esthétiques, un espace-temps fractal est beaucoup plus abstrait. Mais dans tous les cas, il s’agit bien d’objets, d’ensembles, d’images, d’espaces, etc. caractérisés par une imbrication de structures multi-échelle. Quant à mon bureau, tout ce qu’on peut en dire est qu’il est petit et encombré (fractal ?)… Dans l’attente de vos autres questions, Bien à vous, Laurent Nottale Le 11 juillet 2013 Cher Laurent, (Puis-je ?) Certains éléments dont vous parlez, concernant votre enfance et vos interrogations sur la « réalité », me font penser à moi. Lorsque j'étais petite, j'avais souvent l'impression de penser le monde, de le v o i r « d i f f é r e m m e n t » d e m e s congénères. Je mettais en relation des choses qui, à première vue, ne devaient pas l'être. Ce qui rendait souvent difficile le dialogue avec les autres. Avec le recul, je comprends à la fois la réaction négative que j'avais en face de
moi, et mes propres réactions dont je n'avais pas conscience. Puis, tout comme vous, vers l'âge de 11 ou 12 ans, mes parents m'ont offert une lunette terrestre, car je m'intéressais à l'astronomie. J'avais quelques ouvrages adaptés à mon âge, pour supports. Je voulais également devenir astronome et spécialiste des cétacés et archéologue...bref, je n'arrivais pas à me décider ! Mais mon niveau en mathématiques frôlant le système binaire en matière de résultat me faisait renoncer à mes rêves. En fait, je comprenais les concepts, les idées, mais le langage des mathématiques m'échappait malgré mes efforts – et de nombreux cours particuliers. Je m'intéressais à toutes les sciences humaines, pensant que les portes des sciences « exactes » me seraient définitivement fermées. Erreur, puisqu'avec le temps, et certainement un peu de maturité en plus, les sciences telles que la physique ou les mathématiques ne m'étaient plus hermétiques grâce aux concepts et à l'étude de ces matières en épistémologie. C'est grâce à cela que l'idée d'une théorie de la relativité de la perception a germé dans mon esprit.
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Lorsque vous parlez « d'échelle », mon obsession des termes se réveille.
ce que nous sommes et ce que nous cherchons (fractals ?)...
En Histoire, lorsqu'on parle de la notion de siècle ou d'ère, la notion d'échelle se fait jour puisqu'un siècle c'est long, mais ça n'est pas grand-chose à l'échelle de l'ère tertiaire par exemple.
Bien à vous,
Lorsqu'on parle d'atome, on pense automatiquement à l'infiniment petit, alors qu'à l'échelle du Boson de Higgs, il est énorme ! Le terme d'échelle fait donc appel à une notion de « grandeur » et/ou à une notion d'infini(s), - grand(s) ou petit(s). Est-ce dans ce sens qu'est pris ce terme « d'échelle » ? On entend souvent les scientifiques parler d' « échelle de Planck » concernant la mécanique quantique – c'est le cas notamment des Frères Bogdanov. Cette idée de « gradation » fractale est présente dans tous les domaines de la perception et de la conscience, c'est en ceci que nos idées respectives se rejoignent. La théorie de Hugh Everett – théorie des états relatifs, des mondes multiples – fait-elle partie des fractales dont vous parlez ? Enfin, vous vous êtes tourné vers l'univers, vers les étoiles, je me suis tournée vers un monde qui, lorsqu'on le numérise, lui ressemble beaucoup, le cerveau et ces États de Modification de la Conscience. Là aussi c'est une question d' Échelle(s) !? Concernant votre bureau, j'ai toujours pensé qu'il y avait une corrélation entre
Sophie PS : En parlant des Frères Bogdanov – et loin de toute la polémique des ces derniers mois les concernant – que pensez-vous de leurs émissions, de leurs ouvrages de vulgarisation scientifique ?
Le 25 août 2013 Chère Sophie, La notion d’échelle sur laquelle repose la théorie de la relativité d’échelle correspond bien aux exemples que vous donnez. Ce mot renvoie en tout premier lieu à la géographie, science dans laquelle l’échelle d’une carte joue un rôle central. (Ce n’est pas un hasard si, depuis quelques années, de nombreuses applications de cette théorie et de ses méthodes et outils conceptuels concernent précisément la géographie, voir mes travaux en collaboration avec Philippe Martin). On sait bien comment, en passant d’une carte à une autre pour une même région, mais à une échelle différente, des détails vont apparaître ou disparaître, ce qui signifie que la carte sera plus ou moins bien résolue – la résolution, qui est la taille des plus petits détails accessibles, va changer ainsi que la taille de la zone représentée (la « fenêtre » d’observation). Un autre exemple dont aujourd’hui beaucoup d’entre nous peuvent faire l’expérience est l’utilisation de moteurs comme Google Earth sur un écran d’ordinateur. Le nombre de pixels de cet
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écran est fixé, si bien qu’en zoomant sur un point donné on voit changer l’échelle, que l’on peut caractériser par la résolution – donnée ici par la taille à laquelle correspond le pixel –, mais de telle manière que le rapport entre fenêtre et résolution reste constant (c’est le nombre de pixels de l’écran). On voit par ces exemples que le concept d’échelle est une notion générale, un peu comme l’est de son côté la notion de mouvement. Mais de même qu’un mouvement va être caractérisé par une vitesse ou une accélération, qui en constituent la mesure, une échelle pourra être caractérisée par des grandeurs quantitatives mesurables, telle la résolution. Dans ces deux cas, le principe essentiel est celui de relativité. Il n’existe pas de mouvement en soi, dans l’absolu. Le mouvement n’est en aucun cas une propriété intrinsèque d’un corps, mais ne peut être défini que de manière relative, entre un corps et un autre. Au niveau des mesures, cela se traduit par le fait qu’une vitesse n’a aucun sens en elle-même, seule une différence de vitesse entre un corps et un autre qui sert de référence est significative. Il en est de même en ce qui concerne les échelles. Aucune échelle absolue ne peut être définie, l’échelle d’un objet ne prend sens que par rapport à un autre objet. Une même taille, un même intervalle de temps, une même masse apparaîtront grands par rapport à une référence et petit par rapport à une autre. « Grand » et « petit » n’ont aucun
sens en soi, ils ne sont que relatifs. Au niveau quantitatif, cela se traduit par le fait que seul un rapport de taille ou de résolution a un sens. Cela est très clair dès que l’on donne une mesure explicite de taille ou de temps. On va dire ainsi que tel stylo fait 12,5 cm : autrement dit, que le rapport entre la taille du stylo et d’un autre objet qui sert d’unité, définie de manière arbitraire comme 1 cm, est de 12,5. De même un temps de « 20 secondes » signifie que le rapport entre le temps mesuré et un temps caractéristique défini arbitrairement comme unité, appelé « une seconde », est de 20. Il n’y a également que des rapports de masse, comme l’avait remarqué Ernst Mach en son temps. Aucun intervalle de longueur ou de temps, aucune masse ne peut être défini de manière intrinsèque. Le concept de géométrie fractale intervient de ce point de vue comme géométrie explicitement dépendante de l’échelle. De même que la géométrique courbe (riemannienne) permet, par cette courbure, de décrire la gravitation en termes géométriques dans le cadre de la théorie de la relativité généralisée d’Einstein, de même une géométrie fractale de l’espace-temps permet de rendre compte d’autres propriétés essentielles du monde physique, tels les phénomènes quantiques ainsi que les champs électromagnétiques et nucléaires. En ce qui concerne votre question sur l’interprétation d’Everett de la mécanique quantique, celle-ci ne me paraît pas compatible avec la nouvelle approche de la relativité d’échelle. En
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effet, il s’agit, comme beaucoup d’autres, d’une interprétation a posteriori des axiomes de la mécanique quantique, qui ne sont pas fondés sur des principes premiers, mais posés comme postulats (dont Feynman disait qu’ils semblent absurdes, mais qu’ils « marchent »). Au contraire, dans le cadre de la relativité d’échelle, la mécanique quantique se trouve fondée sur le principe de relativité, si bien que ses différents « postulats » n’en sont plus, car ils peuvent être déduits de ce principe (à condition d’y inclure mouvement et échelles). Il n’y a alors besoin d’aucune interprétation a posteriori de la mécanique quantique, car les différents propriétés et paradoxes qui avaient mené à ces tentatives – intrication, indiscernabilité des particules identiques, inséparabilité, etc. – sont pleinement expliqués dans ce nouveau cadre de pensée. Un espace-temps fractal soumis au principe de relativité d’échelle réunifie le monde et la notion, à mon avis irréaliste, d’univers multiples (dont aucun, autre que le nôtre ne nous serait accessible) n’a plus aucune nécessité. Votre remarque finale sur l’intervention fondamentale des échelles dans le
domaine cognitif me semble très juste (voir aussi mes travaux en collaboration avec Pierre Timar sur ce sujet). Enfin, en ce qui concerne votre question sur les frères Bogdanov, je n’ai pas d’opinion en ce qui concerne leur travail de journalistes et de vulgarisateurs, mais je ne peux que constater qu’ils ne sont pas considérés comme scientifiques par mes collègues qui travaillent dans le domaine dont ils traitent, ce qui crée beaucoup de confusion quand ils sont pris comme références… Bien à vous Laurent Le 28 août 2013 Cher Laurent, Ce qu'il y a de très positif dans nos échanges, c'est que nous sommes, semble-t-il, sur la « même l o n g u e u r d ' o n d e » . M a l g r é l a différence d'approche qui existe entre nos deux matières, nous regardons dans la même direction. En vous lisant, j'ai été soulagée de voir que ce que j'explique à mes élèves lorsque j'aborde les notions d'espace, de temps et de relativité - est juste. Je me permettrai sans doute de vous citer e n u t i l i s a n t vo s e x e m p l e s t r è s concrets...
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Vous êtes très pédagogue, enseignezvous en dehors d'être chercheur au CNRS ? Si la réponse est non, vous devriez y penser et si c'est oui, racontezmoi tout ! Pour en revenir à notre discussion, vous êtes « contre » l'idée selon laquelle il y aurait des univers multiples – je visualiserais cette théorie comme une sorte de mille-feuille ; des univers semblables au nôtre existeraient en parallèle – or, celle-ci se retrouve souvent dans les discussions concernant les trous noirs. Je parle de cela, car au mois de septembre le trou noir « Sagittarius A » va aspirer un nuage de gaz et ce dernier devrait émettre des rayons x avant de disparaître (selon les sources scientifiques de l'Institut Max Planck). Les trous noirs sont à l'origine de multiples « fantasmes » qui alimentent la science-fiction, mais également les scientifiques. Tout le monde semble avoir son opinion, personne ne semble d'accord. Certains de mes collègues affirment à leurs élèves qu'ils sont ceci ou cela avec certitude. Lorsque je tente d'évoquer les doutes qui existent sur ce sujet, le fait qu'il n'y ait pour l'instant que des théories, des études qui appellent à la prudence quant à l'interprétation des données existantes, le doute ne semble pas faire partie de leur cheminement de pensées.
l'espace et des objets qui s'approchent d'un trou noir. Quant à la « destinée » des ces objets de « l'autre côté » du trou noir, toutes les hypothèses sont permises puisque le seul moyen de savoir quelque chose serait d'envoyer une sonde au cœur de celui-ci. La théorie d'Einstein a impulsé l'idée selon laquelle il fallait penser un espace courbé par les masses qui le composent – comme lorsque nous nous couchons, le matelas « se courbe » sous le poids de notre forme ; l'espace-matelas est donc influencé par la « masse » que nous sommes – or, nous savons également que la formule d'Einstein implique l'idée que toute E (énergie) est égale à toute M (masse) et inversement. Un trou noir est donc une énergie qui possède une masse qui influence l'espace qui l'entoure et, plus que cet espace, la masse (donc l'énergie) et la forme des objets qui s'en approche. D'après vous, que pouvons-nous dire sur les trous noirs afin de fonder des bases saines contre toutes élucubrations ? Et que p o u vo n s - n o u s a t t e n d r e d e c e t t e observation ? Enfin, il me semble que c'est Emerson qui disait que « la science ne sait pas ce q u ' e l l e d o i t à l ' i m a g i n a t i o n » . Contrairement à l'idée reçue, je pense sincèrement que les scientifiques sont des créatifs, des « rêveurs » - dans le bon sens du terme. Pensez-vous que l'imagination ait une importance cruciale dans votre domaine ?
Les dernières observations sur ce sujet montrent qu'il existe une distorsion de 141 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
Une dernière question : dans « astrophysicien », il y a « astro ». Quel est l'astre qui vous fascine le plus ? À bientôt, Sophie Le 29 août 2013 Chère Sophie, Ce serait un grand bonheur pour moi d’être cité auprès de vos élèves, surtout sur ces notions d’espace et de relativité (si profondément reliées). En ce qui concerne votre question sur la pédagogie, j’ai effectivement beaucoup enseigné : j’ai commencé ma carrière comme assistant à l’Université Paris VI avant d’entrer au CNRS (en 1980). J’ai également été pendant plus de 15 ans professeur d’astrophysique à l’École Centrale de Paris. À cela se sont ajoutées plusieurs centaines de conférences données sur la relativité d’échelle et l’espace-temps fractal à partir du début des années 90… Pour ce qui est des univers multiples, ils ont été introduits comme interprétation possible (parmi d’autres) du phénomène de « réduction du paquet d’ondes » appelé aussi « collapse de la fonction d’onde » en mécanique quantique. Comme une telle interprétation n’est plus nécessaire dans le cadre de la relativité d’échelle, qui rend compte spontanément et naturellement de ce phénomène, cette hypothèse d’univers multiples n’est elle-même plus nécessaire.
En effet, la vue de la relativité d’échelle sur la mécanique quantique est que ce qu’on appelle « particule » n’a aucune existence propre, mais résulte des propriétés géométriques des géodésiques d’un espace-temps fractal et non-différentiable et de leur interaction avec l’appareil de mesure. Autrement dit, les particules sont l’espace lui-même. Ces géodésiques, bien que remplissant l’espace en nombre infini, n’ont pas la même densité partout. Il faut imaginer leur ensemble comme un fluide qui se concentre sur certaines zones et s’étale sur d’autres. Mais ces géodésiques, pures lignes géométriques sans que rien ne soit transporté sur elles, n’ont aucune réalité substantielle. Elles sont définies comme les lignes les plus courtes (du point de vue du temps propre) et ne caractérisent donc qu’une virtualité, une potentialité. C’est la raison pour laquelle leur densité de nombre se traduit en densité de probabilité. Mais en tant que potentialité d’évolution spatio-temporelle de la « particule », il s’agit donc d’un outil conceptuel de nature cognitive. Toute connaissance acquise sur le système (limites spatiales, nouvelles conditions, etc.), soit par une mesure directe soit de manière indirecte, va donc automatiquement changer la répartition des géodésiques possibles, en réalisant une sorte de tri ou de sélection. Il ne restera donc plus, très naturellement, que les géodésiques qui satisfont aux nouvelles conditions après que cette connaissance sur le système
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totalement. Envoyer une sonde au cœur du trou noir ne réglerait donc pas la question, car elle ne pourrait plus nous envoyer d’informations après avoir franchi l’horizon (atteindre l’horizon en un temps fini pour elle serait vu par nous comme un temps infini …).
ait été acquise : la fonction d’onde qui se calcule, en relativité d’échelle, comme manifestation du champ de vitesse de ce fluide de géodésiques, va automatiquement être « réduite ». Aucun autre univers, où seraient « parties » les autres situations possibles (et qui nous serait inaccessible, ce qui en fait un fantôme, totalement imaginaire), n’est nécessaire : elles ont simplement disparu. Il n’y a encore moins besoin de tels concepts imaginaires pour comprendre les trous noirs. Le nuage de gaz est aspiré dans notre univers, et sa disparition est un simple effet de relativité (même s’il est extrême). Après tout, si vous regardez la face d’un cube orientée face à vous et la tournez de 90°, cette face va bel et bien disparaître à vos yeux. La disparition des objets en chute libre dans un trou noir est de même nature, même si, en tant qu’effet de relativité générale, c’est beaucoup p l u s r a d i c a l : l e s c o o r d o n n é e s temporelles entre « intérieur » – l’objet qui chute et sa propre horloge – et « extérieur » – un observateur comme nous qui l’observe loin du trou noir – se différencient au point de se séparer
Vous avez bien compris l’essence de la théorie relativiste d’Einstein : une masse courbe l’espace-temps, et cette courbure de l’espace-temps affecte les trajectoires des objets qui s’en approchent. Ces objets ne sont donc plus « attirés » par la masse comme dans la théorie newtonienne. Ils vont tout droit (ils sont en mouvement localement libre) dans un espace-temps qui, lui, est courbe, créant ainsi une illusion d’attraction ou de répulsion. La gravitation n’existe ainsi pas en soi, elle est également relative au choix du système de référence. Par contre, il faut comprendre que ceci est vrai de toute masse, pas seulement d’un trou noir. La seule différence entre une masse ordinaire, par exemple le Soleil, et un trou noir de même masse, est que celui-ci est beaucoup plus compact : la masse du Soleil y est comprise dans un rayon de 3 km au lieu de 700000 km ! Les propriétés spécifiques d’un trou noir ne viennent donc pas de sa masse, mais du fait qu’on peut s’en approcher beaucoup plus près que d’une masse ordinaire. Le champ gravitationnel devient alors si intense que l’espace luimême s’effondre vers le centre au cours du temps ! Au niveau observationnel, il y a maintenant des preuves de phénomènes astrophysiques se produisant à très
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grande proximité de corps très massifs et dans des champs gravitationnels très intenses. Il n’est donc pas impossible que l’objet central créant ces phénomènes ultra-énergétiques soit un trou noir. Mais il reste difficile de le prouver complètement, car nous n’avons accès qu’à ce type de phénomènes, qui se produisent dans l’environnement proche de l’objet central compact, mais jamais en lui par définition (car il existe un horizon du visible autour d’un trou noir). La question de l’imagination en science me semble d é l i c a t e . L’imagination est sans limites et peut concevoir une infinité d’univers (c’est précisément le cas de la théorie imaginaire des multiunivers), alors que le physicien cherche à comprendre le monde tel qu’il est. Ceux qui lâchent leur imagination et espèrent ainsi tomber par hasard sur la solution ont bien peu de chance d’y arriver – certains finissent par écrire de l a s c i e n c e - fi c t i o n q u i p e u t ê t r e excellente en tant que roman, mais ce n’est pas de la science. Si l’on regarde comment ont fonctionné les grands créateurs scientifiques, les Galilée, N e w t o n , Po i n c a r é , E i n s t e i n , o n s’aperçoit que la composante intuitive joue chez eux un rôle essentiel.
Cependant il ne s’agit pas, je pense, d’imagination, mais de vision intérieure sur l’organisation du monde, vision guidée par les principes fondamentaux (celui de relativité au tout premier plan) et par la rationalité et la logique, tout en s ’ a p p u ya n t s u r l ’ o b s e r va t i o n e t l’expérience (lesquelles fournissent les faits dont on veut rendre compte par cette compréhension et non pas une base de laquelle la déduire). Pour finir sur la fascination des o b j e t s astronomiques, peut-être mon plus beau souvenir est celui d’une occultation de Saturne et ses anneaux par la lune, mais j’ai toujours été attiré par l’univers lointain, ses galaxies et amas de galaxies. Les effets de lentilles gravitationnelles par les amas de galaxies (que j’ai prédits théoriquement dans ma thèse de doctorat soutenue en 1980) et qui ont été observés réellement par la suite restent des images fascinantes et de toute beauté… Bien à vous Laurent Le 29 août 2013 Cher Laurent,
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Mes élèves et mes étudiants seront donc des fans, j'en suis certaine ! Pour tout vous dire, lorsque j'aborde les notions d'espace-temps et de relativité, ils sortent du cours en regardant les choses différemment, comme si tout un monde de perceptions s'ouvrait à eux.
de connaissances dans les deux domaines est identique : nous ne connaissons que 5% de notre cerveau, de ses capacités, de ses fonctions et nous ne connaissons (percevons?) que 5% de l'univers (les ¾ de celui-ci étant de la matière noire).
Même si j'ai reçu une formation en épistémologie, j'ai dû me former seule à ces notions lors de ma thèse. Ce qui donne, à mes yeux, une importance primordiale à notre dialogue.
Voici donc en quelques mots, relations possibles (encore de relativité !!) entre vos travaux et miens. Si loin, si proche, comme dit !
En fait, telle la notion « d'échelle(s) » dont vous parlez, la théorie de la relativité de la perception que j'ai développée, est basée sur « la rationalité et la logique, tout en s'appuyant sur l'observation et l'expérience » - comme vous le dites si bien – et notamment sur le même principe du « cube » auquel vous faites référence.
Quant à l'imagination, je peux dire que la philosophie s'est toujours divisée à ce sujet. De la simple imitation sans intérêt de Platon à « la folle du logis » de Malebranche, en passant par l'alliance de l'entendement et de l'imagination que Hume ne distinguait pas.
Disons pour simplifier que notre conscience - tel un ordinateur n'utilise pas assez de « rames » ou de Gigaoctets pour percevoir l'hypercube qu'est le monde, la réalité. Ne voyant ainsi qu'une face du cube en 3 dimensions et non les faces du cube (à 4 dimensions). La conscience capte, les neurones s'activent, les cortex sont en « relations » entre eux – notion de relativité -, mais le traitement de l'information est tellement trié, que ce que nous percevons n'est qu'une partie infime de ce qui est. Un peu comme l'univers que nous observons. Il me semble d'ailleurs que le pourcentage
les la les on
Dans le sens où je l'entends (proche de l'idée de Bachelard), l'imagination est une combinaison d'idées qui nous permet de nous représenter ce qui est « absent ». Ce qui est « absent » ne veut pas dire ce qui est inexistant. Le trou noir dont nous parlions est « absent » de votre bureau (heureuse nouvelle!) et pourtant il « est », il existe. L'imagination ne fait que reprendre des catégories existantes qui permettraient à l'entendement de nouvelles constructions. Elle ne crée pas, elle est une faculté de combinaisons et de « représentations » du réel. Car enfin, ainsi définie, il en faut de l'imagination pour se représenter « des propriétés des
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géodésiques d'un espace-temps fractal » !!! Je vous taquine un peu... je me le permets, car il s'agit là de ma dernière lettre... Je tenais à vous dire que ce fut un réel plaisir que d'échanger avec vous. Cette correspondance va me manquer. J'ai une dernière question pour la route : lorsque j'étais petite, mon parrain m'emmenait à l'observatoire de Nice, la nuit – il s'occupait de la maintenance -. Il m'est arrivé de jouer aux échecs avec les astronomes, chercheurs qui travaillaient sur place. J'ai découvert les coupoles et les instruments d'observation. Certains écoutaient même de la musique pendant que les instruments faisaient leur travail. Et vous, c'est quoi votre truc à l'Observatoire de Paris ? Encore merci, Bien à vous, Sophie Le 30 août 2013 Chère Sophie, La relativité des perceptions me semble effectivement être une nécessité logique. Bravo pour en avoir développé une théorie. Cette vérité fondamentale suivant laquelle rien n’a d’existence propre, tout phénomène n’existant que de manière relative et jamais absolue, est depuis 2500 ans au cœur de la
philosophie bouddhiste. Ce ne sont donc pas seulement les objets physiques ou les perceptions qui ne peuvent être définis que relativement à un système de référence dans ce cadre, mais aussi les sensations, les formations mentales et les consciences… autrement dit tout ce qui « existe ». C’est le mode d’être de toute chose qui ne peut être relatif, rien n’ayant d’existence intrinsèque. Vous citez Bachelard, ce qui me fait rebondir sur une remarque de votre première lettre : « Lorsque j'ai découvert votre texte « Traverses, relativités... » dans l'ouvrage Esquisse(s) (aux Éditions du Félin), je ne me doutais pas qu'il s'agissait d'un texte écrit par un astrophysicien, je pensais que vous étiez philosophe, jusqu'à ce que je découvre votre « profession » en fin d'ouvrage. » Cela ramène à la « valeur inductive de la relativité ». Les implications philosophiques des théories de la relativité prennent potentiellement une nouvelle dimension avec la théorie de la relativité d’échelle, car celle-ci ne s’applique plus seulement à un champ comme la gravitation (c’est le cas de la théorie d’Einstein), mais à la mécanique quantique et aux particules élémentaires, donc aux fondements de la matière telle que nous la connaissons ici même. Ceci a été remarqué et développé par le philosophe Charles Alunni en regard précisément des travaux de Bachelard et Simondon, ainsi que Vincent Bontems dans sa thèse.
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Pour finir sur votre dernière question, il n’y a pas beaucoup d’observations à l'Observatoire de Paris, même dans sa section de Meudon où je travaille. Celles-ci sont aujourd'hui réservées aux observatoires de montagne loin de la pollution lumineuse des grandes villes. Donc pas de musique dans mon bureau de l'Observatoire, juste un ordinateur et beaucoup de livres et de documents…
Si je dois retenir une chose depuis le commencement de ces relations épistolaires (qui sont nombreuses), c'est que la générosité, la gentillesse et la volonté de partage sont au cœur de cette démarche. S'il est une dimension à retenir parmi les 4 existantes, c'est celle que l'on appelle l'« Humanisme ». Laurent Nottale nous en a fait une belle démonstration...scientifique bien sûr !
Dans l’espoir d’avoir pu répondre de manière satisfaisante à vos questions (sachant que malheureusement de nombreux aspects n’ont pu être qu'effleurés dans ce cadre restreint), et avec mes remerciements pour cette intéressante correspondance, bien à vous Laurent S'il fallait conclure Je suis toujours enthousiaste à l'idée qu'une « bouteille à la mer », telle que la recherche d'un correspondant, aboutisse et devienne un véritable bonheur d'échanges et de confidences. Publicité
LA VOYANCE EN question
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Marionnettes
crédit photo : Vincent Muteau
Le G. Bistaki
Festival Mondial de Marionnettes ART PAR CARINE ROY
Créé en 1961 par Jacques Félix et l’Association des Petits Comédiens de Chiffons, du 20 au 29 septembre, c’est la 17e édition du Festival mondial des Théâtres de Marionnettes reconnu pour l’éclectisme et la richesse de sa programmation. En 2013, c’est le thème du « passage » qui est mis à l’honneur : passage de la tradition à l’avant-garde, passage d’une culture à l’autre avec des compagnies venues du monde entier. Focus sur l’une d’entre elles : le collectif G. Bistaki. Ce nom G. Bistaki est un hommage à Brassens, à Moustaki, aux Georges... et aussi à Georges Bistaki, personnage mythique et révolutionnaire qu’ils ont inventé et dont ils s’inspirent pour leurs spectacles. Ce collectif français mélange la manipulation d’objets, l’acrobatie et
la chorégraphie. Ils sont cinq, tous des anciens du centre des arts de Toulouse, Le Lido. Ils jonglent, dansent et manipulent tout ce qui leur tombe sous la main, par exemple des tuiles et des sacs à main.
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crédit photo : JP Estournet Crédit photo : D. BOSSIS
Po u r vo t r e d e r n i e r s p e c t a c l e « Cooperatzia, le chemin » présenté à Charleville, tout a commencé dans un magasin de bricolage… François Juliot : On était dans un magasin de bricolage et là, voilà, avec n o t r e p a s s é d e j o n g l e u r, o n a commencé à envoyer un petit peu tous les objets en l’air, à les manipuler, à s’amuser de tous ces jolis jouets, quoi ! Et la tuile-canal orange… elle est restée. En travaillant avec, on a tripé sur plein de choses : son côté sonore, son mouvement toute seule et en l’air. Tous les aspects nous ont intéressés jusqu’aux débris, et le son que cela donne quand on piétine les tuiles. Florent Bergal :La terre cuite c’est vraiment noble. C’est beau à regarder, ça a une belle couleur orange et en
même temps c’est hyper corrosif. Ça charcle les mains, ça fait mal, et en même temps ça a une douceur aussi. En fait, il est désagréable et très désagréable cet objet. Autre objet que vous manipulez, le sac à main. Poétique, quand ses anses symbolisent les ailes d’un oiseau ; comique, quand il fait des loopings en l’air pour retomber sur la tête des danseurs… François Juliot : Le sac à mains, c’est parce qu’un jour on s’est rejoint et on avait pas de tuile. Et ce n’est pas n’importe quel sac à main, non… Florent Bergal complète : Double anse… On a commencé à être sélectif au bout d’un moment, pas n’importe
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Crédit photo : D. BOSSIS
quelle tuile, pas n’importe quel sac à main, on s’est spécialisé !
évoquent des images, un monde absurde ?
François Juliot : On s’est vu dans le magasin et juste le fait de se taper dessus avec les sacs à main, ça nous a évoqué les petites grands-mères qui tapent le loubard avec leur sac. Mais, ça, c’est l’esprit très cirque, jongleurs et tout ça, tu prends un objet direct et tu fais des conneries avec.
Florent Bergal : Il y a un contexte, mais pas d’histoires réelles. C’est vrai, on aime l’absurde et on s’autorise des virages complètement absurdes. Mettre une corde à une tuile et la promener comme un chien, danser avec un sac à main sur la tête sur une danse hawaïenne, cela nous semble logique, en fait. Mais les gens nous donnent aussi leurs sensations après le spectacle, il voit le groupe d’hommes qui est prêt à tout pour avancer, même avec la stupidité qui l’entoure, qui essaye de se soustraire de ce collectif et qui n’y arrive pas. « Cooperatzia » c’est quand même une formation de cinq hommes, un clan qui avance de manière absurde, il y a un côté militaire. Un individu
Vous récupérez ces sacs à main dans les vide-greniers et pour les tuiles, un fabricant toulousain vous donne 40 palettes par an. Avec ces tuiles-canal, vous créez des sols mouvants, des dominos géants, vous devenez des soldats soviétiques… Y a-t-il un fil conducteur dans votre spectacle ou est-ce une suite de petites histoires qui
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crédit © DR
peut voir si une action est juste, bête ou intelligente alors que la foule est beaucoup moins regardante. Dès qu’un des membres du clan essaye de s’extraire, il a beaucoup de mal, il se fait taper dessus à coup de sacs à main… Un autre veut casser sa tuile, on lui remet sa tuile derrière le dos et il repart avec nous… Il y a vraiment ce rapport à cette forme de totalitarisme, conscient et inconscient. On l’a découvert en improvisant et on a pu lui donner des notes de féminité, d’humour… et même de douceur, car je suppose que le pire des militaires a des moments de douceur et de poésie, en tout cas je l’espère. Que signifie le titre du spectacle « Cooperatzia, le chemin » ?
Florent Bergal : « Cooperatzia », c’est un clin d’œil au cargo affrété par les Soviétiques en 1934 pour les Olympiades du théâtre ouvrier. À son bord, on croisait des artistes de tous les pays, comme les Français du groupe Octobre dont Jacques Prévert faisait partie. Ces artistes rêvaient de sortir la culture de son carcan élitiste en jouant dans les usines. C’est aussi ce que nous voulons. Dans les villes où nous jouons, le public, s’il le souhaite, peut participer au spectacle et répéter avec le collectif avant la représentation du soir. Ce ne sera pas le cas à Charleville-Mézières, mais le public pourra quand même s’amuser avec les objets avant le spectacle : jouer aux sacs à tête, faire du lancer de tuiles, participer à des courses de chiens-tuiles… Pour nous, la connivence, l’interactivité avec le public
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Crédit photo :G.BISTAKI
sont très importantes. Par exemple, on a joué à Copenhague, les gens étaient super réceptifs, ils comprenaient toutes nos intentions, c’était assez jouissif. On a joué aussi pour les gamins à La Courneuve, c’était aussi magique. C’est un spectacle qui peut toucher n’importe qui. Le temps de montage est très important. Tu commences à mettre les tuiles deux jours avant, les gens viennent te voir, te demandent ce que tu fais, pourquoi, et après ils participent. On a joué aussi sur l’île de Terschelling en Hollande pendant l’Orerol Festival, il y avait une installation avec 5 000 tuiles et un professeur en Land Art était là avec nous, c’était un parcours de 2,5 km, sur la plage, avec le sable qui recouvrait les tuiles. Notre rapport à la rue, au décor, nous apporte un univers beaucoup plus cinématographique. Il peut y avoir du vent, de la pluie, l’architecture elle-même va nourrir complètement notre univers. À la fin du spectacle, on partait vers la mer… Quelques fois, on a joué il y avait
force 8. Alors que dans un théâtre, cela n’a pas le même impact. On a vraiment fait cette création pour la faire évoluer à chaque fois. On ne peut pas classer notre travail, on a été programmé dans les festivals de danse, de cirque, d’art de la rue et puis maintenant de marionnettes, car nous manipulons et détournons les objets. À Charleville, il y aura un petit parcours à faire, mais le spectacle se fera principalement en salle, ce sera encore différent. On défend vraiment un univers qui est très contemporain et en même temps très rudimentaire. C’est un langage très particulier et on a vraiment envie que personne ne se sente exclu. Q u e l l e s s o n t v o s i n fl u e n c e s artistiques ? Florent Bergal : Pendant les répétitions, on improvise beaucoup et on ne s’appuie pas spécialement sur des documents ou des histoires. On est
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quand même des joueurs, vraiment. Il y a beaucoup de travail d’investigation, on creuse une voie de manière assez névrotique. Là, on a pris une tuile et on va jusqu’au bout du jeu avec elle. En fait, je crois que les influences t’arrivent sans que tu les maîtrises. On a souvent dit qu’il y avait une influence de Joseph Nadj, de Beckett, ou alors d’un univers un peu à la Shadock, des choses comme ç a . P o u r « C o o p e r a t z i a » , e n improvisations, on a tout de suite vu qu’il y avait un univers de l’Est qui arrivait, de Russie, du froid et après, il suffit juste de l’habiter et d’en être conscient et ça passe tout seul. On a mis des longs manteaux, on s’est mis une tuile derrière la tête, et là, hé bien, tu bouges un peu comme un militaire parce que t’es super contraint en fait, on travaille ensuite les marches, etc. Bienvenue dans le monde merveilleux des Puppets et des freaks en mousse fabriquées par Duda Paiva, artiste formé à la danse classique, contemporaine et au buto. Dans « Bastard ! » présenté il y a deux ans à Charleville et inspiré de “L’Arrache-coeur” de Boris Vian, il se faisait coincer au milieu d’un tas d’ordures par une vieille femme aussi lubrique que sadique ; dans « Malédiction », il détournait la gentille comédie musicale “Le Magicien d’Oz” : une grenouille l’obligeait à lui donner du plaisir, une main verte géante en mousse tentait de l’étrangler et de le violenter ! Avec ce manipulateur manipulé, les Puppets prennent le pouvoir. Duda Paiva nous explique : « J’étais souvent malade enfant, je passais mon temps à l’hôpital et j’avais des problèmes avec mes yeux. Je ne voyais pas bien. Et vous voyez les marionnettes ont des yeux tellement brillants, bien plus que dans la vraie vie et donc aujourd’hui, elles voient les choses à ma place, celles que je ne peux pas bien voir. » Né au Brésil, Duda Paiva émigre aux Pays-Bas en 96. Pour ses performances, il invente des
Vous travaillez déjà sur votre prochain spectacle ? Florent Bergal : Oui! On part du maïs, des pelles et on est tous en costumes blancs, en costards. Voilà la donnée de départ, ça fait référence un peu aux conquistadors, aux colons, aux promoteurs immobiliers. On est en train de les découvrir, cela fait une petite année que l’on travaille dessus. En Espagne, on a travaillé avec d’autres personnes en stage sur cet univers, et du coup, on est en train de voir qu’avec un concerto 21 de Mozart, on est des Viennois qui marchent dans un palais ; sur une musique rock, on est plutôt ambiance « Reservoir Dogs » de Tarantino… Le personnage joué par Klaus Kinski dans « Fitzcarraldo » de Herzog nous a intéressés aussi. On l’a extensions de lui-même. Composées de mousse de latex, ses marionnettes-siamoises deviennent ses partenaires de scène. « La marionnette ne demande qu’à être reconnue. Elle s’anime et vous la croyez vivante. J’aime beaucoup les vieilles femmes parce qu’elles sont très expressives. Leur corps est plein de détail. En terme de forme, elles sont plus intéressantes, elles portent une histoire en elles. Cela rend leur personnage plus fort. » La manipulation permet ainsi à Dudda de pousser le grotesque jusqu’à l’extrême. Ses créatures décrivent nos pulsions humaines. Dans son dernier spectacle “Bestiaires”, présenté à Charleville et pour la première fois en France, ce danseur-illusionniste s’attaque avec trois autres comparses aux divinités grecques, tout en offrant au public une réflexion sur notre époque. Dans « Bestiaires », on nous annonce que Cupidon est fatigué et que les Dieux ont des comportements étranges... P a y s - B a s . D u d d a P a i v a C o m p a g n y : « Bestiaires » au Théâtre de CharlevilleMézières, du 22 au 23 septembre.
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Crédit photo : Chusico
découvert après les premières improvisations, ce mec en costume blanc qui a cette idée complètement folle de faire passer un bateau par la montagne. On travaille là-dessus, sur leur distinction et en même temps sur leur décadence… La création est prévue pour 2015 et on ne se sait pas encore où elle sera. En plus, le maïs c’est facile à avoir gratuitement, on en trouve
partout. On va se procurer du maïs exclusivement OGM, comme ça, ça sera toujours ça de moins à manger ! Les dates en France: Le G. Bistaki , « Cooperatzia, le chemin », Salle du Mont Olympe n°1, les 27 et 28 septembre.
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Une forme de vie se poursuit-elle après la mort ? Le témoignage étonnant d’une recherche spirituelle hors du commun Jean-Louis Aramis J’ai traversé le «mur de lumière» Editions Le mur de Lumière 9782954538600 18 -euros 154 BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013 159 pages
crédit photo : "Bestiaires" de la cie Duda Paiva © Jaka Ivanc
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JAZZ CLUB
BOJAN Z Texte Nicolas Vidal / crédit photo Ziha Gafic
À la confluence de la passion et des influences BOJAN Z est un artiste à la croisée des influences et de l’exigence. Rien n’est laissé au hasard chez cet artiste hors norme. Tout est bon pour jouer, créer, concevoir et composer. Le Jazz est pour lui une source formidable d’échanges et de rencontres. Son nouvel album est une fois de plus la preuve de son talent considérable qui prend sa source dans le sillon fertile de son incroyable inventivité.
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Bojan Z, vous sortez d'une année faste avec le titre d'artiste de l'année par les Victoires du Jazz. Comment avez-vous abordé 2013 avec ce nouvel album Soul Shelter ? L'année avait commencé par une restructuration de mon environnement professionnel, c'est-à-dire un changement d'agent et de tourneur. Je souhaitais m'entourer des gens avec qui je puis être en phase pour mieux aborder l'avenir. Cela fait du bien, même si cela comporte toujours des risques de changer !
Vous avez joué dans de nombreuses formations afin de parfaire votre propre chemin musical. Quelle est la chose la plus importante que vous
ont apprise ces multiples collaborations ? J'ai appris à rester ouvert et à l'écoute. Cette musique se nourrit des échanges musicaux avec les autres musiciens. Pour moi, c'est, de loin, l'aspect le plus important dans le jazz : être poussé et stimulé par ses collègues. Qu'est-ce qui vous a poussé à collaborer avec des artistes très différents et issus d'horizons variés ? La soif de la découverte et de découvrir des terrains inconnus. Car ce qui me donne envie de continuer, c’est cette idée qu'il y a des choses nouvelles à découvrir, et qu’il faut aborder le jazz par des côtés inexplorés.
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Comment définiriez-vous le «soul shelter» ? Un état, ou un endroit où l’on s'abrite afin de mieux piocher à l'intérieur de soi-même, pour y trouver l'essentiel, ce quelque chose de pur, non pollué par le quotidien, la routine ni les mensonges des médias... Pouvez-vous nous parler de la place de la musique dans votre enfance ? Chez moi, des gens jouaient et écoutaient la musique. Et cela m'a fait grandir dans l'idée que faire de la musique et jouer d’un ou de plusieurs instruments était la chose la plus normale du monde et que cela faisait partie des activités que l'on partage avec ses proches. Cela était comme une partie de l'éducation générale, comme, par exemple (re)connaitre les grands peintres, ou les écrivains célèbres... Du coup mon frère est également musicien et peintre.
Quelle est la part que jouent les Balkans dans votre travail ? Disons que mes origines peuvent paraître évidentes en écoutant ma musique, mais plutôt que de continuer à leur rendre directement hommage, comme je l’ai fait à mes débuts, cette sonorité balkanique, si particulière, cohabite dans ma tête (et mes doigts) avec toutes les autres influences, qui sont nombreuses... Votre carrière est jalonnée de succès et de nominations. Si vous deviez n'en citer qu'un, quel serait-il ? Ce serait pour le prix le Prix Hans Koller du meilleur musicien de jazz européen en 2005 pour lequel la concurrence a été la plus rude... en plus il y avait pas mal d'argent.. Si vous deviez définir ce nouvel album dans votre carrière, que diriez-vous ?
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Mon premier album solo «Solobsession» correspondait à la période où je me séparais d'une vie dans laquelle je n'étais pas moimême. Cependant «Soul Shelter» renforce d'une certaine manière cette quête vers mon identité. Il raconte quelques années de ma vie, les observations et les obsessions de ces moments. Cependant, ma carrière n'est que la conséquence de cette activité, pas un but en soi.. Que représente le passage aux albums solos dans votre carrière ? Je ne dirai pas que je suis passé aux albums solos, car simultanément, je continue mes activités en groupe, soit en tant que leader ou en tant que sideman. Il n'y a rien de mieux que de se retrouver avec les amis sur scène, après une période des concerts en solo... Vous avez dit que c'est au cours de vos nombreux concerts en solo que «les choses viennent et les idées s'accumulent». Comment cela se retranscrit-il ? Est-ce que cela tient de l'inspiration ou de quelque chose de plus technique dans votre jeu ? Chaque lieu, chaque instrument peuvent inspirer les idées, les mélodies ou des combinaisons des sons. J'ai plusieurs moyens d'enregistrer ou de noter les idées quand elles viennent, soit le téléphone, ou un autre enregistreur, plutôt que de noter cela sur du papier à musique. Car l'inspiration du moment comporte une énergie très spécifique, qu'il faut essayer de garder dans le développement de cette idée. Parfois ce sont des exercices techniques qui me viennent, aussi.
Où pourra-t-on vous voir prochainement en concert, Bojan Z ? le 27/09 en duo avec Julien Lourau à Dammarie Le Lys, le 4/10 à Eu en solo le 17/10 en duo avec Michel Portal à Beauvais du 18 au 24/10 tournée Angleterre avec Amira, y compris à Womex, le 25/10 à Gliwice, en Pologne en duo avec Paolo Fresu le 31/10 à l'auditorium de Bordeaux avec Michel Portal, Daniel Humair et Bruno Chevillon le 2/11 à Pontarlier en solo le 6/11 à Paris en ouverture du festival Jazzycolors le 7/11 à Marseille en solo le 8/11 à Zagreb au festival de jazz avec Amira le 9 et 10/11 à Strasbourg pour masterclass et duo avec Nils Wogram le 19/11 à Cugnaux en solo le 22 à Saint Maur en solo le 24/11 à Sceaux en trio le 28/11 aux Herbiers en solo > Bojan Z - Soul Shelter ( Universal ) www.younsunnah.com
www.bojanz.com
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JAZZ CLUB
Champian Fulton La fille du jazz PAR NICOLAS VIDAL / Photo Janice Yi
Champian Fulton est née, a été éduquée et vit aujourd’hui plus que jamais pour le Jazz et dans le Jazz avec une idée bien définie et très claire de ce qu’elle veut et où elle veut aller. Avec un papa comme Stephen Fulton, Champian avait de belles prédispositions pour cette carrière mais le talent n’est pas forcément héréditaire. Aujourd’hui Champian Fulton est appelée la Fille du Jazz à raison. Elle est l’étoile montante de la scène new-yorkaise. Pouvez-vous nous parler de cette époque ? Quand je suis née, le seul disque que mes parents m’ont fait écouté au début était l’album "Bird with Strings" de Charlie Parker. Après plusieurs mois, mon père a commencé à me faire écouter des enregistrements de Bud Powell et Count Basie. J'ai donc vraiment grandi, immergée dans le Jazz. Je suis allée à la plupart des concerts de mon père et j’ai beaucoup fréquenté ses amis musiciens, notamment Clark Terry, Marshall Royal, et Major Holley. Ça a été une période très heureuse pour moi.
Vous avez grandi dans un environnement bercé par le Jazz grâce à votre père.
Il semble que vous avez essayé plusieurs instruments qui font le Jazz : trompette, batterie, piano.. Qu'est-ce qui vous a attiré dans le chant et le piano ?
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J'ai toujours joué du piano et j'ai toujours chanté, mais plus jeune je jouais de la batterie et de la trompette aussi qui a été l'un de mes premiers instruments, mais j'ai dû arrêter de jouer quand mes dents de lait sont tombées ! J’ai repris ensuite et j’en jouais au lycée. Mon père et Clark Terry voulaient tous les deux me faire jouer de la trompette, comme eux, mais j'ai toujours aimé le piano. Car il contrôle le groupe et la section rythmique. J'aimais pouvoir diriger. Quant à la batterie, je n’ai finalement pas vraiment accroché en grandissant... Vous comptez à ce jour de nombreuses collaborations musicales de prestige. Si vous ne deviez retenir qu'une chose, quelle serait-elle ?
J'ai eu la chance d’être très vite intégrée à la scène jazz, et le simple fait de vivre ça, c’est déjà quelque chose de spécial. Je suis reconnaissante de faire partie de l'héritage de cette musique. Ce quatrième album n'est-il pas finalement l'album de la maturité ? Cet album est particulier car c’est la première fois que j’enregistre avec une section de cuivres (Stephen Fulton au bugle et Eric Alexander au saxophone ténor) en plus de mon trio. J'ai fait attention en choisissant le répertoire à ce que l’enregistrement ressemble à ce que l'auditeur pourrait ressentir s'il venait à un concert live. Je ne voulais pas mettre uniquement ma voix en avant, mais aussi mon jeu au piano, et c'est pourquoi il y a
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deux morceaux instrumentaux, “I Cover the Waterfront” et “Celia”. Qu'est ce qu'évoque le swing pour vous dans le Jazz ? Le swing est une composante essentielle du jazz. Comme Duke Ellington l’a dit “It don’t mean a thing if it ain’t got that swing”. C’est quelque chose qui provoque du bien-être chez les gens, et qui nettoie la poussière de la vie quotidienne ! On lit très souvent dans la presse que "vous êtes l'étoile montante du Jazz de la scène new-yorkaise". Qu'est ce que cela représente pour vous dans votre travail ? Je me sens très chanceuse et aussi heureuse de pouvoir partager ma musique avec les gens partout où je vais.
On vous appelle même "la Fille du Jazz". Qu'est ce que cela vous inspire ? Je ne savais pas qu’on m’appelait comme ça! J'adore cette musique... J'espère contribuer à transmettre son héritage... Pouvez-vous nous parler de vos études au SUNY Purchase Music Conservatory ? J'ai passé trois ans à SUNY Purchase et j'ai obtenu une licence en étude du jazz. J'étais heureuse d'avoir autant de temps pour travailler la musique et mon instrument pendant que j'étais là-bas, mais j’avais hâte d'entrer dans le monde du jazz à New York et de prendre de la distance avec le Jazz « académique ». J'étais déjà une musicienne professionnelle quand je suis entrée à la faculté à l'âge de 17 ans.
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Ce moment a été important pour la suite de votre carrière ? C’était important pour moi dans le sens où j'étais heureuse d'être d’être à New York et de rencontrer beaucoup de mes idoles comme Frank Wess et Jimmy Cobb. La pratique à l'école m’allait bien, mais pas les cours. La faculté à SUNY voulait que je joue plus comme McCoy Tyner, et je voulais étudier plutôt Bud Powell, donc on ne s'entendait pas très bien. Comment parvenez-vous à cette alchimie musicale et votre voix qui emplit avec brio l'incandescence de votre musique ? La chose la plus importante pour moi en tant qu'artiste de Jazz c’est de swinguer. Si je peux transmettre l’intensité du swing à travers l'espace jusqu’au public, jusqu’à leur cœur, alors c’est tout ce que je veux.
> Champian Fulton- Sings and Swings ( Sharp Nine Records)
www.champian.net
Quel a été l'apport de votre père, Stephen Fulton dans votre carrière ? Mon père m'a initié à cette musique, il m'a appris à jouer, il m'a aidé à monter un groupe quand j'étais plus jeune, et m'a appris à trouver des concerts et rester dans le business. C’est grâce à lui que je suis musicienne. Je lui demande encore des conseils sur la musique et sur le travail tous les jours. Où pourra-t-on vous voir prochainement en concert, Champian Fulton? Je serai le 19 septembre à L’Estran en Bretagne, le 20 septembre au festival Jazz en Touraine et le 21 septembre, au Tanjazz Festival au Maroc. Je reviendrai en France pour le festival Jazz à Beaune le 11 octobre!
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SONGWRITER
HUGH COLTMAN Texte Nicolas Vidal / crédit photo DR
Hugh Coltman, le songwriter anglais de naissance et français d’adoption, n’aime pas les étiquettes, les phrases toutes faites et encore moins les codes. Dans ce nouvel album, Hugh Coltman aborde toutes les facettes de l’existence entre déception, joie, petits bonheurs, force et souffrance. Il y a quelque chose de terriblement touchant et poétique chez lui à la manière qu’aurait un écrivain de dire et de décrire le monde. Le seul titre de son album est la déclinaison poétique d’une philosophie qu’il chante à merveille. Car, avant toute chose, Hugh Coltman est un chanteur à textes qui écrit, qui compose et qui crée à mi-chemin entre littérature et musique. Puissant et rare.
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Vous aviez déclaré à nos confrères des Inrocks dans une interview " le songwriting, c'est artisanal" à propos d'une anecdote sur Leonard Cohen. Pouvez-vous nous en dire plus ? Je trouve que lorsqu’on écrit une chanson, on est toujours amateur devant sa feuille blanche. Mais si on écrit beaucoup de chansons - la plupart d'ailleurs finissent à la poubelle - on se fait quand même la main et on parvient à lutter contre le trou d'inspiration. Une tournure de phrase, une suite d'accords etc.. J'ai lu que Leonard Cohen, lorsqu’il vivait à Londres chez l'habitant, sa logeuse exigeait de lui qu'il écrive une page chaque jour, inspiré ou pas. Ce qui, à mon avis, l'a beaucoup aidé une fois que l'inspiration le saisissait. D'après vous, quelle sorte de songwritter êtes-vous, Hugh Coltman ? Plutôt
romantique ? Plutôt mélancolique ? Plutôt littéraire ? Je dirais un peu des trois, dans le sens où sans une idée, une histoire, je ne peux rien écrire de bon. Ces histoires racontent souvent la perte, la crainte ou le regret. Je ne sais pas pourquoi ces sujets ont tendance à m'inspirer plus que d'autres. Peut être qu'écrire quelque chose sur le bonheur est infiniment plus difficile. On est devenu trop cynique, trop critique quand il s'agit de parler de joie. C'est perçu comme quelque chose de cheap et de tacky. D'où vous est venue l'idée du single " The End of the world" ? D'une discussion lors d'une soirée passée entre amis. Ce n'est pas une chanson aussi banale qu'on pourrait l'imaginer à première écoute. Ca parle d'une amie accablée après une rupture et du point de vue de son interlocuteur qui tente de la
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sortir de sa tristesse. C'est finalement une chanson plutôt positive. Un preuve d'amitié Qu'est ce qui vous a séduit dans l'idée que l'acteur français Pierre Richard incarne l'écrivain dans le clip ? Je suis tombé par hasard sur le Malheur d'Alfred un soir à la télé et je suis tombé tout de suite amoureux de sa manière de jouer le clown, le bouffon. C'est de la farce mais c'est doux, gentil et à la fois extrêmement drôle. Un peu à la façon des Monty Python ou de Peter Sellers. Puis je voulais un comédien pour jouer dans mon clip et je venais de regarder un documentaire sur lui. J'ai trouvé son a d r e s s e personnelle et je lui ai écrit une l e t t r e . To u t simplement. Et à ma grande surprise, il a a c c e p t é av e c cette phrase clef pour moi , " S a c h e z toutefois que je ne suis plus l'agile et bondissant personnage que je fus autrefois...." On vous prête de nombreuses influences pop, rock, jazz ou encore blues. Quelle est la vérité musicale d'Hugh Coltman ? Je n'en ai pas une à vrai dire. Je ne peux pas écrire une chanson avant de ressentir le "truc". Ca peut être une mélodie, une suite d'accords ou une phrase mais si je m'impose un style ou une idée avant même de commencer, c'est fini. J'ai déjà essayé et le résultat sonne faux.
On n'arrive pas à se départir de l'idée d'un Hugh Coltman qui écrirait ses chansons comme un écrivain dans son bureau ou à la terrasse des cafés. Qu'en est-il réellement ? Assez souvent, c'est dans mon studio car avec une famille et un appartement Parisien (donc petit) il n'y a pas le silence et le calme dont j'ai besoin. Je suis solitaire lorsque je travaille. C'est un processus très intime. Quelle est la chose la plus importante que vous ayez retenue de vos premières années avec Hoax ? Le sens de la scène sûrement puisqu'on en avait fait beaucoup. Et on continue : On à sorti un nouveau disque 'big City Blues' il y a 3 semaines. Sans label, ni budget promo et avec un disque financé par les fans, on est arrivé numéro 3 des charts de Blues itunes France et numéro 1 en Angleterre. C'est un histoire qui redémarre très bien. Aimez-vous entendre que votre musique est raffinée ? Si «raffiné» implique de travailler, peut être. Mais c'est assez instinctif de ma part donc je ne sais pas. Tout compliment est bon à prendre, non ? Aimez-vous entendre que vos compositions sont folks ? Elles ne sont pas vraiment Folk pour moi. Je vois le folk comme un Bob Dylan des années 60 ou Joan Baez ou encore Bert Jansch. Mais encore une fois, je les écris et je les chante. Je m'en fous une peu de comment on va les définir.
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Ce nouvel album " Zero Killed" n'est-il pas une ode à la légèreté ou la sérénité ? Non pas à la légèreté c'est vrai mais à la force. La force nécessaire afin de continuer malgré nos déceptions ou les compromis que la vie peut nous imposer. Vous vivez en France à présent. Est-ce que l'Angleterre vous rend nostalgique parfois ?
Oui, parfois. Mais je suis en France depuis 13 ans maintenant. Un tiers de ma vie. Donc en France je me sens certes étranger mais en Angleterre aussi un peu. Ce qui me donne une espèce de liberté. C'est dur parfois car on se sent toujours étranger à quelque chose mais au moins ça nous donne un bon point de vue ! Travaillez-vous sur un nouvel album actuellement ? Si oui, sera-t-il un nouveau départ musical ? Je sui actuellement en train de finir ma tournée pour Zero Killed, en même temps je tourne avec The Hoax et Eric Legnini, avec qui J'ai chanté quelques chansons sur son dernier album. Je n'ai donc pas eu beaucoup de temps à consacrer mais j'ai toujours mon téléphone sur lequel j'enregistre des idées. Je vais commencer en octobre à les écouter et ensuite je saurai un peu plus où je veux aller avec le prochain disque Où pourra-t-on vous voir en concert dans les semaines à venir, Hugh Coltmann ? Je joue beaucoup avec Eric Legnini pour son Sing Twice album. je tourne encore avec The Hoax en Angleterre, Pays Bas et peut être en France également en Decembre et entre temps...... je vais écrire mon nouveau disque !!
> Hugh Coltman - Zero Killed ( Mercury-Universal)
www.hugh-coltman.com
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Musique
LES ALBUMS DONT VOUS NE POURREZ PLUS VOUS PASSER Par Nicolas Vidal
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la Sélection de Nicolas Vidal
GREGORY PORTER - LIQUID SPIRIT ( UNIVERSAL )
Le célèbre label Blue Note vient de sortir le nouvel album de Grégory Porter déjà entré dans le cercle très fermé des grandes voix du jazz. Avec Liquid Spirit, Grégory Porter s’affirme comme l’un des albums phares pour les amateurs de jazz et de soul. Un très grand moment de musique pour une personnalité musicale passionnante. Incontournable !
LEÏLA OLIVESI- TIY ( ATTENTION FRAGILE )
Leïla Olivesi revient avec un nouvel album conçu comme un hommage à trois femmes, trois grandes figures de la féminité à travers les âges. Autour de ce trio, Leïla Olivesi nous propose l’album «Tiy» pétri dans ce toucher subtil, de cette grâce et de cet accompagnement toujours juste d’artistes reconnus.
JC BROOKS & The UPTOWN SOUND - HOWL (BLOODSHOTRECORDS)
Il y a quelque chose, à la fois d’envoûtant et d’étrange chez JC BROOKS & The Uptown Sound. Ce quintet de Chicago déboule avec un album punchy, gracieux et hypnotique. On passe d’une soul entêtante à un blues plus cathodique pour se retrouver en deux notes sur des rifs pop entraînants. C’est bon, c’est beau et ça ne se manque pas.
FANNY BÉRIAUX - BLOW UP MY WORLD ( Jazz Village)
La scène Jazz belge regorge de talents et ce n’est plus un secret pour personne. Fanny Bériaux ne déroge pas à la règle avec ce premier album « Blow up my world» qui allie l’éloquence délicate de sa voix portée par un univers singulier et des chansons qui façonnent à merveille des textes inédits. On attend déjà la suite. 176 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
orTIE ( LABORIE JAZZ ) La Fondation Laborie est l’une des valeurs sûres du Jazz français. Une nouvelle fois, le choix est judicieux pour ce nouvel album qui vient d’éclore sous la rosée de la rentrée. Ortie est cette fusion entre plusieurs genres musicaux, finement malaxés et joués de telle sorte que cet album est déjà une référence. Élodie Pasquier et Grégoire Gensse se sont engagés sur un chemin qui ressemble étrangement à celui du succès.
JAZZ MEETING - Formule Bop ( SWING UP)
Pour ce troisième album enregistré en live, la troupe de Gilles Seemann revisite les classiques du Jazz Be Bop. Entouré de plusieurs artistes aux horizons différents dont Fabien Mary, cet album s’appuie sur 11 morceaux qui vous feront découvrir l’univers de Jazz Meeting autour des années 50/60. Un moment de musique à partager.
SPIRIT OF CHICAGO ORCHESTRA ( GAYA/ABEILLE)
L’album idéal pour se replonger dans les clubs de Jazz de Chicago dans les années 20 et 30. Une belle proposition musicale chargée de swing et de nostalgie pour laquelle on ne se lasse pas. Les arrangements et la patine du son n’ont pas perdu une miette de ces années-là. Une très belle façon de faire un voyage musical dans le passé.
The BURNING HELL - PEOPLE ( Jazz Village)
Partons outre-Atlantique pour la pop canadienne et frénétique de Mathias Kom qui pour son 6e album met sur la table People qui bouge dans tous les sens et vous procure une incroyable sensation de légèreté autour de 9 titres qui ont le mérite d’être très addictifs. Découvrez sans plus tarder The Burning Hell.
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EXPOSITION PAR FLORENCE GOPIKIAN YÉRÉMIAN
FAN DES SIXTIES ?
Les fans des Sixties vont pouvoir se réjouir : le photographe Roger Kasparian dévoile pour la première fois une sélection hétéroclite de photographies d’artistes qu’il a réalisées incognito durant les années Soixante. De l’ambitieux Claude François à la juvénile France Gall, près d’un millier de clichés de l’époque Yé-yé viennent d’être ressortis de ses archives personnelles ! Outre Philippe Manœuvre qui souhaite consacrer un livre et une émission à cette étonnante aventure argentique, plusieurs galeries européennes commencent déjà à exposer cet inestimable patrimoine trop longtemps demeuré dans l’oubli. Copyright photos- Roger Kasparian
De Dutronc aux Beach Boys en passant par la sublime Françoise Hardy ou le ténébreux Keith Richards, les clichés intimistes de Roger Kasparian vont vous replonger avec douceur et émotion aux temps des yéyé : entre un shooting hivernal commandé par un Serge Gainsbourg fort respectable et de sages portraits de Marianne Faithfull posant avenue Montaigne, on savoure la candeur de ces vedettes encore timides, délicatement saisies à l’aube de leurs fabuleuses carrières. Une impression de quiétude émane de ces images bicolores, un silence figé à jamais par l’œil esthète du photographe souvent contraint d’ouvrir son objectif au maximum afin de s’adapter à la pénombre scénique des salles de concerts d’antan. Il en ressort des prises 178 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013
de vues très contrastées où le grand Brel autant que la môme Piaf apparaissent sanctifiés par de fins halos de lumière.
boys toisent l’objectif en arborant fièrement leurs verres de whisky devant le Grand Palais.
Outre le devant de la scène, on apprécie aussi les prises de vue volées backstage comme cette photo du chanteur des Who – Roger Daltrey – endormi dans les coulisses de la Locomotive : avec ses boucles blondes et ses yeux d’enfant innocent, cette future star planétaire se prête sans manière au jeu du photographe et pose nonchalamment dans les rues parisiennes ou au volant d’un taco graffité servant alors de bus pour la toute première tournée française des Who !
Décidément les traces argentiques de Roger Kasparian parviennent à ressusciter tous les souvenirs de cette époque épique ! Une centaine de photos devraient être exposées en 2013…on attend déjà les autres avec impatience !
A u fi l d e s p h o t o s , o n j a l o u s e inconsciemment la proximité de Roger Kasparian avec cette pléiade de vedettes. En confrontant ses séries sur les Stones et les Beatles, on ne peut s’empêcher de revivre le conflit de toute une génération : tandis que Paul McCartney et John Lennon montent sur la scène de l’Olympia en costume-cravate, Mick Jagger et ses Bad-
Roger Kasparian Expos 2013 Du 18 septembre au 12 octobre 2013 : Art Club Galerie 22 Place Bellecour 69002 Lyon T.0478374737
Dans le cadre du Festival Photo Saint Germain des Près : Du 7 au 30 novembre 2013 : Velvet Galerie 11, rue Guénégaud Paris 6e T. 0143261490
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Un après midi avec Gainsbourg : Shooting chez Serge devant son piano – Hiver 1963
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Charles Trenet, Jean Cocteau et Charles Aznavour :Trenet, Cocteau et Charles Aznavour : Un trio de titans !
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Françoise Hardy au Jardin des Tuileries - 1967
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Johnny Hallyday chez Charles Aznavour : duo en peignoir avec Aida Aznavour au piano !
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184 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 61 - SEPTEMBRE 2013 Les Rolling Stones devant le Grand Palais – Avril 1965
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Beatles à l’aéroport du Bourget – Janvier 1964 LesLes Beatles à l’aéroport du Bourget – Janvier 1964
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Littérature & culture
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