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Agura

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L’HÉRITAGE DE PÉPÉ

Bientôt une décennie que Pépé Gentil s’est imposé comme une institution culinaire dans l’Ouest de l’île. (presque) Loin de la plage, de ses sunset et de cette injonction “les pieds dans l’eau”, le restaurant – dirigé par quatre associés, propose une carte riche et une ambiance conviviale atypique qui lui o rent une identité singulière.

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TEXTE > LAURIE FERRÈRE PHOTOS > GUILLAUME HAURICE

“Se faire plaisir avec des choses simples”, c’est un peu, pour reprendre les termes de la critique gastronomique Emmanuelle Jary, la définition même de Pépé Gentil. Encore faut-il définir les choses simples : de bons et beaux produits – locaux pour la plupart, gourmands, bruts parfois, une ambiance chaleureuse, des gens accueillants et passionnés, le tout dans un lieu raffiné et apaisant. C’est tout cela à la fois, Pépé Gentil.

Un lieu de vie

Le restaurant est tenu par quatre associés : Maria – la sommelière, Nico – le barman, Thomas – le chef cuisinier et Annabelle – la maîtresse d’hôtel. Les deux premiers font partie de l’équipe originelle, à l’époque où c’était encore “le bistrot”. Mais la vie, ses rencontres et ses infortunes ont fait partir certains au profit de nouveaux. Cinq autres personnes, en plus du quatuor, s’affairent désormais pour accueillir, servir et régaler les clients. Ici, pas de menus, “tout se fait à l’ardoise, selon les arrivages et ce qu’il y a sur le marché” confie le chef cuisinier. Tous les samedis, à Saint-Leu, il va à la rencontre de ses premiers partenaires – les agriculteurs et producteurs locaux qui lui réservent le meilleur du terroir volcanique : artichauts, fèves, petit pois, etc. Et souvent des pépites que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.

Le goût des choses

Ici ce n’est pas que de la cuisine mais des métiers qui se complètent, s’améliorent, s’enrichissent – des associations, des accords qui fonctionnent très bien. Maria propose ainsi plus de 300 références vinicoles, “avec une certaine fascination en ce moment pour l’Aligoté (Bourgogne) – 7 à la carte, mais aussi des incontournables comme le Crozes-Hermitage”, confère la sommelière. À la cuisine comme à la cave, en salle comme partout ailleurs dans ce restaurant, il n’y a qu’un maître-mot : l’envie. “Des plats d’envie, des vins d’envie qui traduisent différents désirs, la curiosité aussi et la spontanéité de chacun” s’enthousiasme Annabelle. Les quatre associés ont la même façon de concevoir “la gouaille”, c’est-à-dire à l’épicurienne, avec le goût des bonnes choses et le goût des autres, aussi. Chez Pépé Gentil, c’est l’héritage et la tradition du restaurant qui se vit, un lieu authentique qui ne se définit pas. Même la cuisine de Thomas est indéfinie, mais puisqu’il faut des mots pour le dire : c’est délicat, subtil, recherché, élégant. Ni populaire ni à la mode, chez Pépé Gentil, c’est intemporel, et les mets racontent une façon de vivre et une envie de vivre.

Le temps d’un

Bivouac, n.m, campement provisoire en plein air d’une troupe, d’une expédition.

TEXTE > JOSÉPHINE TEREISSA ILLUSTRATION > MÉLODY TÉCHER

Àl’origine, le “bivouac” est un campement sommaire, temporaire et léger qui permet de passer la nuit dans un milieu sauvage lors d’un trajet éloigné des infrastructures ou que les conditions météorologiques l’imposent. À savoir que le bivouac est utilisé par homo sapiens depuis la préhistoire. L’homme moderne et ses envies de wild n’a donc rien inventé. Pour autant, s’il continue la pratique, celle-ci a bien changé.

À la poursuite d’horizons

Après la crise sanitaire du COVID-19 et le confinement, les envies sont à l’ailleurs, au grand air, à la liberté absolue, un peu à la Christopher Candless. Ainsi, le nombre de randonneurs en France est en pleine croissance avec plus de 18 millions de pratiquants. Les sentiers de montagnes sont pris d’assaut, la plage se déserte pour cause de promiscuité. Ce phénomène est à mettre en parallèle d’un autre, celui des vacanciers “nomades”. Si pendant longtemps la définition du tourisme était celle d’un hôtel “all inclusive” en bord de mer avec des circuits prédéfinis, désormais celui-ci s’écrit en se délestant de tout ou presque. Les vacances se vivent dans un van aménagé à la poursuite d’horizons nouveaux, de paysages sauvages. À La Réunion, terre de bivouac par excellence, ce phénomène est visible tous les week-ends. Ainsi, il n’est plus rare de croiser des “Run à Van”, “Yakavan” ou encore des “Blacksheep Van” sur les routes de l’île.

Une pratique épicurienne

Tous offrent le même rêve : un séjour de liberté au travers de La Réunion et ses paysages escarpés, grâce à un véhicule aménagé, pratique et optimisé. Le bivouac devient une nouvelle habitude de consommation de la nature. “C’est une tendance de fond” analyse Nicolas Carle, chef de produit pour Forclaz, la marque de trekking de Décathlon. Depuis quelque temps déjà, il existe une rupture entre une vie professionnelle très active et une vie personnelle où l’on cherche à déconnecter. Le bivouac en est l’expression. Bien loin de la pratique ancestrale, “coucher dehors” est devenu un art de vivre, revendiqué. “Chez les jeunes adeptes, il s’agit plutôt d’une approche épicurienne” poursuit Nicolas Carle. Le sentiment de pouvoir aller partout, tout voir, tout ressentir, tout vivre, c’est ça qu’offre le bivouac. D’autres prestataires vont même jusqu’à faire du bivouac une aventure ultime, “la meilleure façon de remplir sa vie avec les merveilles du monde” pour reprendre les termes de Stephen Rater, qui mêle depuis 2014, l’astrologie et le camping. Le bivouac permet de saisir le monde tout en étant soi-même insaisissable. Il est accessible à tous, pour un plaisir simple et frugal ou un contentement aménagés. C’est un mot, une pratique pour mille réalités, il y a celleux qui le font en tente, d’autres à l’arrière de leur véhicule ou qui opteront pour les vans et autres teardrop. Le bivouac itinérant séduit également par son aspect écologique et économique.

BIVOUAC

C’EST CULTE, C’EST POP “DO SUK ”DO SEL

C’est un enfant du pays à qui l’on a dit de partir pour grandir. Il est parti, il a vu, il s’est nourri et il est revenu. La tête pleine d’envies et de projets, les poches remplies de chansons qui feront son premier album : “Florebo”. Rencontre avec Laurent Canaguy, alias Kanasel, et sa “pop créole”.

“Florebo, quocumque ferar”, je eurirai partout où je serai porté.

Devise de La Réunion, dont la première partie donne le nom du premier album de Kanasel. Au studio, un jour où il enregistrait son premier album, Laurent Ganaguy prend conscience de ce qui lui arrive : il y a plus d’une dizaine de personnes autour de lui ; producteur, musiciens, chœurs, ingé-son, etc. Et cette lettre qu’il a écrite à ses parents, cinq ans auparavant, se transforme en musique. Il est ému, ce qui était amusant et épanouissant, devient réel et professionnel, ce qui était un rêve devient un projet concret.

Le chemin à l’envers

Kanasel – de son nom de scène a sorti son premier album en 2021. Un premier opus, qui aura mis dix ans à se mettre en forme. Dix ans, comme dix morceaux, dont quatre en créole, deux en français et quatre autres en anglais. C’est tout ça Kanasel ; cet enfant du péi, infl uencé par d’autres cultures que la sienne. “Un créole en décalage” se souvient-il, quand il repense à son enfance. Ses compositions originales ne reprennent pas le paysage instrumental local, pas de kayamb, pas de triangle. Son univers c’est la pop, de la pop bien à lui qui laisse à entendre des morceaux conceptuels qui en surprennent plus d’un. Alors avant de les sortir, de les enregistrer et de les faire connaître, Kanasel refait le chemin à l’envers : il abandonne ses compositions pour reprendre des titres très connus et crée la “Cover Kréol”.

Un bordel identitaire

“Steal My Kisses”, “Ain’t No Sunshine” ou encore “I put a spell on you” deviennent ainsi sous sa voix rocailleuse et sa guitare – “Volèr Béko”, “Tizane aou” ou encore “Kan Li Bar Soley i tomb”. C’est un véritable

Sur scène, Kanasel est accompagné par Russel à la basse et Romain à la batterie. Ensemble ils invitent à redécouvrir l’album au travers leurs trois voix, leurs trois seuls instruments.

succès, et Kanasel accumule des milliers de vues à chaque vidéo. “C’était ma manière à moi de légitimer ma musique, un besoin de me présenter avant de présenter ce que je faisais” confesse l’artiste. Puis l’idée de l’album revient. Il l’enregistre en Métropole, avant de rentrer à La Réunion. Un seul style musical ne lui suffit pas, une seule langue ne dit pas assez, alors il y a de tout dans ce projet, “mille influences, une sorte de bordel identitaire. C’est la célébration d’un gars qui a compris qui il était” sourit Laurent. Il y a le meilleur de tous ses univers qui s’expriment chacun à leur façon.

La nouvelle génération

Ce premier album donne l’impression d’en faire trop, mais c’était peut-être le but. “Tout dire de qui j’étais” raconte Kanasel, ce grand barbu, drôle, solaire, spontané, hyperactif et créatif, à la limite de la synesthésie. Il perçoit et ressent le monde d’une façon différente, de multiple façons, la musique et le dessin étant ainsi les deux médiums artistiques qui rythment la vie de Laurent Canaguy, également tatoueur au studio Maison Bleue, quand il n’est pas au mythique Teat Plein Air de Saint-Gilles pour en fêter les 50 ans. Représentant de la nouvelle génération de la scène musicale locale, au même titre qu’Aurus, Maya Kamaty ou encore Saodaj – Kanasel apporte à l’île de La Réunion ce qui lui manquait, ce que la jeunesse d’autrefois cherchait ailleurs, et que l’on trouve aujourd’hui grâce à lui et aux autres, sublimé par le soleil et une identité métisse et singulière à la fois.

ALORS, T’AS LA BANANE?

Dans les années 90 peu de gens auraient parier sur le retour “hype” de la banane. Cet accessoire de mode qui se voulait pratique il y a vingt ans est devenu un élément important dans la manière de se vêtir, il vient embellir une tenue ou a rmer un style.

TEXTE > JOSÉPHINE TEREISSA PHOTOS > GUILLAUME HAURICE

Le sac banane. Qui l’eut cru ? Pour celles et ceux né.e.s entre 1980 et 1995, l’objet avait laissé un souvenir mitigé, entre fascination et répulsion. Il faisait partie du folklore de l’enfance. Le “it-bag” des nineties était ringard disons-le. On y fourrait la petite monnaie, les lunettes de soleil et les quelques billes qu’on possédait. Et voilà cet accessoire (re)devenu “hype”.

Provocation

À l’époque, le “belt-bag” se portait serré au niveau du bassin et se déclinait en nylon ou en cuir généralement dans des couleurs primaires. En réalité, les amateurs de mode savent aussi que le fourre-tout existait déjà trois décennies plus tôt, et que l’on pouvait l’apercevoir dans les pages de Vogue en 1966 et 1968. La mode est un éternel recommencement, s’il fallait encore s’en convaincre. Honni donc, le voilà qui fait son retour sur les podiums des fashion-week à la saison 2018-2019. Au départ, on a observé la tendance d’un œil méfiant : provocation, défi au bon goût et à la bienséance, il était impensable alors de réhabiliter l’objet. Et pourtant. Mini format, couleurs attrayantes, matières nobles et autres détails font de la cultissime banane, en plus d’être un objet pratique, un véritable accessoire de mode qui parachève le style.

Mainstream

“La façon de le porter aussi vient apporter une touche moderne au sac banane” explique Tiphaine Croz de Roquefeuil, styliste. À l’épaule ou en bandoulière (le crossbody, pour les intimes), l’underground devient mainstream. La banane est l’ultime snobisme, selon certains. Et les reines des “OOTD”, streetstyles et autres influenceuses Instagram l’exhibent d’ailleurs non sans fierté. La banane embellie, réaffirme, redessine. L’accessoire unisexe se décline ainsi parmi les collections des plus grandes marques, dans le prêtà-porter et fait aussi la réputation de styliste plus confidentielle, comme Tiphaine Croz de Roquefeuil. Installée à la Réunion depuis peu, elle a lancé sa propre collection de banane : WorldWide. Et ça cartonne. On adore le mélange des genres et des matières, le has-been qui devient in, le porté nonchalant, urbain et décalé. Quand un produit fait son retour sur le devant de la scène, il ne revient jamais tel quel, il est détourné, inspiré de.

Fiosomayne porte la banane comme personne. Le rappeur est d’ailleurs de retour sur l’île et présente son nouvelalbum “Hybride”.

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