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Le point culture

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The place To Be

The place To Be

ALICE PEROTTI ESTELLE INMOTION

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@HL_THEHOUSE

DE HARLEM AUX CAMÉLIAS,

VOGUE LA DANSE

La danse comme moyen de revendication, n’en déplaise aux puristes, c’est un fait. À La Réunion, on connaît le Maloya et le Moringue, à la lisière de la danse, de l’art et du combat. Il y a désormais le voguing, expression de la lutte de la communauté LGBTQIA+ racisée, venue d’Harlem.

TEXTE > LAURIE FERRÈRE

MARCEL BWB Qu’est-ce qu’une danse sinon une suite de mouvements rythmés du corps qui accompagnent une musique selon des règles défi nies et une certaine technique. Une danse c’est aussi l’expression d’individus, des corps qui témoignent, la danse comme une expérience de la liberté. Le voguing c’est tout cela à la fois – un mouvement, de l’individu et des esprits.

Le bal des noirs

Pour comprendre son origine il faut remonter à la fi n du 19e siècle où les gays, lesbiennes et trans commencent à se réunir, se retrouver entre eux, explorer leur genre, faire la fête, danser sans crainte du regard d’autrui et de représailles. Une contreculture qui se développe, attise la curiosité et crée une attractivité. La presse commence à écrire sur ces lieux, très vite baptisés “ballrooms” ou “balls”, au sein desquels sont également organisés des concours de beauté et des défi lés. Mais subsiste un problème dans ce petit monde : la communauté LGBT noire en est quasiment exclue. Si quelqu’un.e.s parviennent à participer, iels sont souvent obligé.e.s de se blanchir le visage (et ne gagnent jamais). Qu’à cela ne tienne, le temps passe, la société évolue et le mouvement du “Black Power”, lutte pour les droits civiques, s’impose. En parallèle, naît le premier ball noir – on est en 1962.

“Cri de liberté”

Dans ces ballrooms, la communauté LGBT noire parodie les concours de beauté de l’élite blanche, leurs postures et leurs gestuelles, s’inspire des podiums ; tout y est maniéré, exagéré. Le nom “voguing” vient d’ailleurs du magazine Vogue qui incarnait ce à quoi cette communauté n’avait pas accès : la mode, l’argent, le luxe, la richesse, etc. Entre revendications symboliques et cris de liberté, les poses lascives et iconiques se mêlent aux contorsions gymnastique des danseurs. Le voguing devient une savante chorégraphie : mouvements subtils des mains, grands écarts ou passages accroupis très physiques.

L’house of Ninja

Il s’agit donc d’une danse dans son expression la plus complète, qui s’apprend désormais à La Réunion grâce au danseur et chorégraphe, Luna Ninja (Johan Piémont, de son identité civile). “Le voguing ce n’est pas qu’un show” explique le jeune professeur, “la gestuelle compte beaucoup, plus que le costume”. C’est au cours de ses études en Métropole, et plus précisément d’un séjour à Paris que Johan découvrira le voguing. Immédiatement séduit, il se lance alors dans l’apprentissage de ces mouvements saccadés, stoppés, rythmés. Ces balls pas si undergrounds, théâtres fl amboyants de représentations de paillettes, de maquillages outranciers et de talons aiguilles, sont très règlementés. Le voguing s’organise en houses, nom inspiré là encore de la haute-couture en rappel aux “maisons”. Luna Ninja fait ainsi partie de l’House Of Ninja, la plus connue à l’internationale et fondée par Wili Ninja qui, dans les nineties, a élevé le voguing au rang d’art.

Authenticité et différence

Le voguing comme engagement se démontre également au travers des houses. “Historiquement, il s’agissait d’un abri, d’un refuge pour les jeunes gays et trans en rupture, et ça l’est encore aujourd’hui” explique Luna Ninja. La maison prend ainsi soin des siens, c’est une famille qui s’entraide et veille à ce que tout le monde soit en bonne santé, ait un emploi, un toit ou poursuive ses études, pour les plus jeunes. Si aujourd’hui le voguing rencontre un tel succès, c’est parce qu’énormément de gens s’y reconnaissent. “C’est un univers où l’authenticité et la différence sont célébrées, un mouvement politique face aux discriminations raciales et des minorités” assure Johan Piémont. Il est fi er de représenter l’House of Nina sur l’île et de faire découvrir cette danse, cet art, avec le secret espoir de créer bientôt un ball.

À VOIR

POSE, série réalisée par Ryan Murphy, Brad Falchuk et Steven Canals. L’histoire qui se déroule dans les années 1980, plonge dans les balls avec leurs compétitions et leurs multiples catégories, leurs jeux de genres et d’identités.

À LIRE

STRIKE A POSE : “histoire du voguing de 1930 à aujourd’hui, de New-York à Paris”, écrit par Jérémy Patinier et Tiphaine Bressin, édition Des Ailes Sur un Tracteur (2012).

À FAIRE

Cours de Voguing par Luna Ninja, tous les vendredis de 16h30 à 18h à l’Académie des Camélias. 3 styles de performances : LE OLD WAY : graphique et angulaire, avec un côté statue. LE NEW WAY : plus extrême, plus fl uide avec des éléments de contorsion LE VOGUE FEM : très populaire, avec un côté cadensé, chaloupé dans les hanches, très acrobatique.

HAVE YOU MET

SERGEY ZHESTEREV

Connaissez-vous Leon ? Non, pas Jean Reno dans le lm éponyme et pas non plus cette charmante bourgade du département des Landes. Léon c’est une nouvelle application culturelle et touristique, 100% péi, pour “aller à la rencontre de la mémoire de l’île” .

Il aura fallu à Anaëlle Pony, plus de six ans, six ans de persévérance, d’échecs, d’espoir avant de réussir à concrétiser son projet : des podcast qui racontent l’histoire des lieux dits et autres sentiers de l’île de La Réunion. La créatrice de Léon a vécu une sorte de crise identitaire entre son retour sur le caillou et le décès de son grand-père ; elle a ressenti un besoin de connaissances, de savoir, d’emmagasiner pour que cet héritage ne se perde jamais.

Le savoir, une quête

Après trois échecs consécutifs, elle abandonne l’idée avant de rencontrer des personnes providentielles : Gilles Lény – directeur général et Fabrice Manson qui ont tous deux, à l’instar d’Anaëlle, cette envie de partage, de sensibiliser et de transmettre la culture du territoire. Léon c’est une ode aux origines, à l’identité, à la mémoire qui fondent la culture identitaire d’une terre. C’est aussi une prise de conscience, celle d’une méconnaissance, de lacunes sur l’Histoire, les origines et les fondements de la culture créole de La Réunion, et qui font son identité. “C’est un sentiment qui amène à une quête” confi e les créateurs de Léon. Pour mettre au point cette application culturelle et touristique, l’équipe a fait appel à des journalistes qui ont réalisé un travail d’investigation colossal, allant à la rencontre d’historiens, de conservateurs, de témoins, d’universitaires, etc. afi n de recueillir témoignages et informations et d’écrire les scripts. Pour l’ambiance musicale des podcast, Léon a collaboré avec un musicien, qui a créé pour l’occasion une véritable identité sonore, plurielle et authentique, à l’image de l’île, là encore.

Un langage universel, celui du cœur

La force de Léon ? Allier le trio voix, mots et musique qui façonne son identité et mobilise les émotions. Pour cela, l’application “utilise un seul langage, universel, celui du cœur” explique Anaëlle Pony. “Il n’a ni race, ni religion, ni couleur, ni genre”. Cette pluralité (toujours) se retrouve dans les voix. Léon a pour mission de connecter le public avec son histoire, ses racines, sa culture, de fédérer les personnes entre elles, autour d’un patrimoine commun. Avec plus de 100 podcasts disponibles, géocalisés sur plus de 25 sites touristiques, à écouter en ville, dans la rue, au détour d‘un sentier, en voiture ou chez soi, Léon offre une découverte ludique et exceptionnelle de l’île.

LA NOUVELLEVOIX

Avant, il y avait le blog, désormais il y a le podcast. Le format qui n’a rien de récent connaît un succès retentissant. Qu’il s’agisse de féminisme, de sport, de santé, de culture, d’identité, il existe un podcast pour tout. À La Réunion, aussi, le format pullule sur les plateformes et donne naissance à de réelles pépites audio.

Comme Netfl ix est venu révolutionner la façon de consommer les images, le podcast chamboule le monde de l’audio. Selon Médiamétrie, la France a ainsi perdu 1,9 million d’auditeurs entre 2019 et 2020. Même en matière d’informations, les tendances de consommation changent et le podcast s’impose comme LE format grâce à son principe de “disponibilité”. L’utilisateur choisit ce qu’il veut écouter, quand il veut l’écouter et où il veut l’écouter.

Le média de l’intime

D’aucuns diront que le podcast n’est que de la radio en rediffusion, mais c’est là toute la nuance. C’est bien le podcast natif, c’est-à-dire une émission construite pour le format, qui crée la tendance avec une augmentation de 48% des audiences via les pure-players comme Binge Audio, Louie Media, Nouvelles Écoutes ou les géants Apple Podcast et autres Spotify. Sujets de société, développement personnel, philosophie, témoignages et fi ctions – aucun domaine n’échappe à la voix. Et ce sont bien la voix et le ton qui font la différence. “C’est le média de l’intime”, note Joël Ronez co-fondateur de Binge Audio. “La radio s’adresse à tout le monde, le podcast parle à chacun”. Cette proximité entre l’émetteur et l’auditeur facilite l’esprit de communauté.

Affect et liberté d’opinion

À La Réunion, plusieurs contenus numériques existent : “8.000 mondes” qui donnent à entendre des séries audio originales, derrière lesquelles on retrouve Nicolas Bonin, initiateur du projet. Mais aussi Mèt en Lèr, qui raconte l’île intense, ses trésors et ses particularités. Runrunrun Podkaz donne la parole aux talents locaux qui se confi ent sans fi ltre sur leurs parcours et leurs expériences, ou encore Atas Sintir Mèt Kask, entre le documentaire et le cahier de bord d’un(e) créole de retour sur son île. Entre l’affect et la liberté d’opinion, le tout sans publicité (pour l’instant), le podcast est le refl et d’une époque (et de sa jeunesse – deux tiers des auditeurs sont âgés de 15 à 34 ans) qui donne voix à la diversité et à l’initiative.

Le saviez-vous ?

Podcast, que l’on traduit de manière succincte par “contenu audio numérique (et thématique)” est un terme inventé par le journaliste Ben Hammersley en 2004, en contractant les mots iPod et broadcast (diffusion). TA-DAM ! À l’époque, il existait 3.000 podcasts pour plus de 2 millions aujourd’hui.

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