Mai 2012
Revue suisse consacrée à la décoration intérieure
Revue suisse consacrée à la décoration intérieure
Valeurs logo: C50, M70, J80, N70
Salle de bain
Aux sources de l’emotion
Au pied des Cévennes Ermitage enchanté
Food attitude Faim de styles
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Revue suisse consacrée à la décoration intérieure
Sommaire 05 07 11 17 19
Editorial Mise en lumière
Food attitude Faim de styles
Tentations Du glamour à l’élémentaire Côté jardin Les indispensables
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Invité d’honneur Enzo Catellani Sculpteur de lumière Flamme lyonnaise Jour de quatre nuits
Au pied des Cévennes Ermitage enchanté
Carlo Crisci, Le Cerf, Cossonay Modes et travaux
Salles de bains Aux sources de l’émotion
Impressum Revue Habiter SA Case postale 89 CH-1000 Lausanne 22 Tél. 021 643 21 11 www.habiter.ch Rédaction : Gérard Manvussat (rédacteur en chef), Bernard Mella, Daniel Peyer, Marcel Foery, Gisèle Zurwerra, Christian Fabillard, Jacqueline Delacoste, Raymond Trivaz Chef de projet : Charles Hänni charles.hanni@eracom.ch Tirage 150 000 exemplaires Nous déclinons toute responsabilité pour les manuscrits et photographies qui nous sont envoyés directement. Copyright by Revue Habiter SA
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Imprimé en Suisse
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Edito Mise en lumière
Exposer l’immatériel, voilà un défi à la hauteur du XXIe siècle. Nos habitations ne seraient que bien peu de chose sans la lumière, elle-même intimement liée à la couleur. Elle méritait donc plus qu’un article, puisqu’une exposition exceptionnelle mise en scène par une personnalité aussi radieuse que passionnée, Enzo Catellani vous est proposé en guise de hors d’œuvre. Son univers lumineux est construit comme un rêve dans lequel nous souhaiterions habiter.
Les défis actuels de la branche sont nombreux avec par exemple les préoccupations légitimes d’avoir une maison, si ce n’est écologique, tout au moins inscrite dans une démarche de développement durable. Qu’il s’agisse d’une nouvelle construction ou d’une rénovation, le propriétaire est reconnaissant de pouvoir travailler avec un spécialiste qui sait le conseiller et l’accompagner, tout en trouvant les solutions les plus adaptées en matière d’esthétisme et de confort.
La passion et le rêve sont une fois de plus au rendez-vous de ce numéro. C’est bien légitime, puisque tous les artisans et les entreprises que nous vous présentons recherchent cette subtile alliance entre rigueur technique et force de l’imagination. La qualité joue un rôle fondamental dans la réussite d’un projet, particulièrement dans le domaine de l’habitat.
Chers lecteurs qui vous apprêtez à parcourir la revue Habiter en quête d’informations, de solutions et d’idées, nous vous encourageons à ne jamais oublier le rêve qui vous motive et vous souhaitons une découverte des plus fructueuses.
Gérard Manvussat, Rédacteur en chef
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Food attitude Faim de styles
Frissons de cristal, reflets d’argent, lignes néoclassiques ou audaces contemporaines. Quand les belles saveurs donnent du goût au design, le luxe et l’émotion dressent la table.
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1 N éo. Un style néoromantique avec collection Table 5 B ulles. Tel un bloc de glace, le seau à champagne Stories de T. Boontje pour Authentics.
2 A rgent. Carafe au col sinueux et verres au corps délicatement évasé présentés sur un long plateau. Sterling Silver Set de M. Fuksas et D. Mandrelli pour Sawaya & Moroni.
3 ( pp. 14-15) Stylisé. En acier inox, des formes simples mais intenses, rigoureuses mais raffinées. Fourchette, couteau et cuillère de John Pawson, When Objects Work.
4 M oka. Dans la gamme la plus raffinée d’Alessi, cette tasse à moka Supa Cup en porcelaine haut de gamme, avec sa soucoupe et sa cuillère en acier inox. Design de Tom Kovac. Collection Officina Alessi.
en cristal Icy de Lalique.
6 C alice. Luisa au calice généreux et Laura comme un cornet de glace font partie d’une vingtaine de verres un peu fous de Borek Sipek, collection Kosmo, Driade.
7 C ristal. Magie du cristal et vibrations d’or. Coupe Stresa, Collection Néolalique de Lalique.
8 B ain d’argent. La célèbre architecte Zaha Hadid
Flûtes et verre à vin ou à cocktail, collection Diamanti de Salviati.
10 Pino. Haut de 20 cm, le sapin visite précieusement le verre pour se placer au centre de la table. Pino, coll. Kosmo, Driade.
11 C olombina. Nouveau service de table en porcelaine chez Alessi, dessiné par Doriana et Massimiliano Fuksas, collection Colombina. Jacqueline Delacoste
signe ce centre de table aux formes fluides et douces comme un bain d’argent. Silver Bowl, Sawaya & Moroni.
9 D iamant. Dynamique contemporaine dans la grande tradition du verre de Murano.
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Tentations Du glamour à l’élémentaire
Accouplé à la mode, à la décoration ou à la pureté de la « bonne forme », le design se veut plus que jamais schizophrène pour donner corps à nos intérieurs. Un aperçu de ses dernières pépites.
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1 S mile. Des proportions théâtrales, généreuses et douces habillées d’alcantara. Fauteuil pivotant Smile de Marko Makura pour BRF.
2 M ode. Antonio Citterio associe mode et minimalisme avec son fauteuil J.J. en fil chromé et assise recouverte en fourrure de Mongolie, B&B Italia.
3 C ouleurs. De simples feuilles d’aluminium composent cet ensemble de trois tables basses au toucher satiné. Disponible aussi dans un camaïeu de blanc et gris. Tables Part de Stephen Burks, B&B Italia.
4 N uage. Chez Moroso, le Japonais Tokujin Yoshioka magnifie la simplicité des formes et des matériaux avec cette chaise Panna moulée en lanières de coton, qui adopte les courbes du corps.
5 O mbres. Architecte icône, Gaetano Pesce signe Shadow chez Meritalia. Prisonnier des formes stables, le polyuréthane prend ici ses libertés et se plie aux empreintes du corps grâce à une technique novatrice.
6 R êve. Fixé par des brandebourgs, le tissu enveloppe comme un habit confortable la tête de lit en cuir. La base du lit, avec tiroir au pied, est en multiplis de peuplier. Alta Fedeltà de Daniele Puppa, Poltrona Frau.
7 M inimale. Légère et intelligente comme un origami, chaise pliante Isis de Jake Philpps en bois laqué, Thonet Vienna.
8 A lu d’or. Gold, table basse en alu plié, brossé et
9 A llegro vivace. Composition fascinante de formes aériennes métalliques, enchevêtrées l’une dans l’autre avec un équilibre surprenant. Lampe à suspension et plafonnier en trois variantes. Collection Allegro, Atelier Oï pour Foscarini.
10 A cajou. De Philippe Starck, cette table en bois d’acajou décorée avec le buste nu de femme gravé dans le verre. Frame, Driade.
11 ’ 70-‘07. Un vent des années 1970 souffle sur ce fauteuil déhoussable de Mario Marenco, réédité par Arflex. La collection comprend également un divan de deux ou trois places et un pouf. Jacqueline Delacoste
anodisé de Philippe Cramer pour Cramer Editions.
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1 T radition. Une forme archaïque revisitée, en terra cotta résistante en toutes saisons. En blanc, noir, rouge, jaune ou vert. Six dimensions jusqu’à 110 cm de hauteur et diamètre de 120 cm
4 A l’air. Travail du jardin avec ces plans flexibles Only One Extra Space dessinés par Terry Dwain pour Riva. www.riva1920.it
5 A tous vents. Un objet contemporain qui protège la 2 Vase London, Domani. Art de vivre. Noblesse rustique avec ces outils de jardinage rangés dans un étui en toile chinée et veau. Collection Quadrille, Hermès.
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flamme d’une bougie. Au jardin, le modèle s’allie un fin pieu métallique à ficher dans le sol. Geniol Windlight d’Udo Wagner pour Heinze.
6 ( photo en ragrd) Le petit. Il manquait un parasol 3 P ur. Design sur le ponton avec cette douche Outdoor de Viteo. Les jets du bac en plastique et acier se déclenchent sous le poids du corps.
de petit format, léger. Très maniable, ce Piccolo de 225 cm de diamètre, avec son pied en alu, deviendra vite indispensable, Tectona. Gisèle Zurwerra
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Côté jardin Les indispensables
Senteurs de terre et d’eau, de feuilles et de fleurs. La mise au vert aexige ses accessoires offerts aux plaisirs du simple et du bucolique, à la découverte du design.
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Salles de bains Aux sources de l’émotion
Espace créatif, moment de ressourcement, refuge du corps et de l’esprit contre le chaos du monde. Jamais la salle de bains n’a gagné autant d’épaisseur émotionnelle, dissimulant sa technologie pour mieux reconquérir le dialogue essentiel entre l’homme, la nature et l’eau. 19
8 1 ( pp. 22-23) Luxe du fait main. Pure émotion de la nature avec cette vasque en teck birman, chacune étant faite manuellement sur mesure, à la commande, par un artisan écossais. Watermonopoly, www.watermonopoly.com.
2 Lagune. Une forme asymétrique telle une lagune s’avançant dans l’océan. Collection Palomba, Keramik Laufen.
3 C onfiance. Design rassurant de ce système modulable qui unit des finitions mates ou brillantes fondues dans les chaudes tonalités de l’éco-wood noyer. Domus, Inda.
4 N ature. Une technologie invisible, des formes
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nettes et douces pour un espace de ressourcement au plus proche de l’homme et de la nature. Design Jean-Marie Massaud, Axor Massaud, Hansgrohe.
5 B ain et repos. Une vasque d’intérieur ou d’extérieur, avec une illumination interne et des appuie-tête qui se déplient pour se transformer en lit de repos. Sundeck de Duravit. En plusieurs dimensions. Reddot award 2007.
6 E ssentielle. Source originelle. Un contraste riche en émotion émerge entre le cuivre patiné et l’acier contemporain. Avec Elemental spa de Dornbracht, la salle de bains devient un espace pour l’âme.
7 R essac. L.+ R, Palomba donnent leur nom à 7
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cette collection de Keramik Laufen aux formes organiques, comme si elles avaient été creusées et polies par la force de l’eau.
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8 V erre. Pure transparence pour cette installation de douche en verre qui exalte la magie de l’eau. Euridice, collection Nesting, Ritmonio.
9 M arbre. Extrait d’un bloc de marbre blanc de Carrare, Lito 1 est caractérisé par sa forme en L particulièrement douce. Design Angelo Mangiarotti, Agape.
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Sculpteur de lumière Enzo Catellani
Invité d’honneur dans ce présent numéro, l’artiste italien qui dynamite le soleil et met le feu aux étoiles nous reçoit dans son univers. Aussi follement essentiel que spectaculaire.
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Un village près de Bergame, avec à sa poupe un ancien moulin reconverti en laboratoire à idées, à matières, à expérimentations. C’est en 1989 que tout a commencé. A l’adolescence déjà, Enzo Catellani savait que ce serait ici, nulle part ailleurs. Quand il a vu les architectes s’affairer autour de la bâtisse, il a posé sa bicyclette contre le vieux mur de pierres, il a visité les lieux. Le moment était venu. Il a acheté, s’y est installé en prenant soin de conserver la massive structure originelle. De coiffeur à entrepreneur, puis à vendeur de luminaires, sans hésiter, l’homme a par trois fois tranché dans son parcours pour trouver son destin. Il est de ceux qui vont au bout de leurs rêves, au bout de leurs risques, avec une sorte de justesse intuitive et ce qu’il faut d’extraversion méditerranéenne, flamboyante, et d’arrogance honnête pour, dit-il, « me rassurer tandis que j’avance sur des terrains inexplorés ». Aujourd’hui, renom faisant, son univers consacré à la lumière compte plusieurs ateliers disséminés dans le village, mais la quarantaine d’artisans qui les occupent travaillent comme la poignée d’employés des premiers jours. De la dorure à la feuille aux déferlantes de transparences colorées, effrangées comme des étoffes déchirées de la collection Post Krisi, des surfaces accidentées comme l’écorce lunaire de Stchu-Moon aux fils de fer tricotés comme des boules broussailleuses injectées d’éclats lumineux, tout est réalisé pièce après pièce dans la somptuosité du fait main. Ici, pas de directeur, pas d’organisation hiérarchique ni de pointage horaire, mais une structure à l’horizontale où chacun engage ses compétences au service d’un travail attentionné. Malgré le succès international de ses collections, au nom de la qualité, jamais le créateur ne développera son entreprise au-delà de ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Loin des chaos habituels de la vie active, dans cette atmosphère fourmillante mais paisible, chaleureuse, presque familiale, on croit rêver à se retrouver ainsi aux sources de la plus pure tradition artisanale. des rivières, danser vers le soleil. L’univers d’Enzo Catellani n’est que réfractions de matières et reflets oniriques magnifiés par le fait main.
2 D ans l’atelier consacré à la collection Post Krisi, le tissu de verre, transparent comme un fragile papier japonais, est peint à la main dans des couleurs primaires.
3 D es fils de fer tricotés comme des buissons injectés de lumières, poussés par le vent, qui roulent légers. Des boules énormes et des petites, sans poids, qui rappellent la Terre.
4 D ans un espace de cathédrale, le laboratoire à idées, à matières, à explorations.
5 O ndes nocturnes, mouvements des étoiles. Ce qui bat ici-bas et là-haut, Enzo Catellani le transmue par une alchimie où les vibrations se font lumière.
La quête ultime S’il y a une joie chez l’artiste à se relier à de vrais créateurs, c’est sans fatuité, sans imitation. Dès ses débuts, depuis que sa première petite poignée de luminaires découverte par l’éditeur allemand Altalinea se voyait propulsée au Salon de Francfort à la fin des années 80, ses inspirations l’ont toujours conduit au-delà des tendances, dans un ailleurs confirmant le droit à la subjectivité. Comme ses sobres Lumières noires créées dans les effusions ambiantes réfutant le minimalisme ou, a contrario, ses intenses préciosités théâtrales nées à l’heure du tout pur et du tout design. Le plus important dans cette œuvre restant sa source et son but premiers. « La lumière et c’est tout. Sans lumière, je n’existe pas. » Le voyage expérimental de Catellani rythme des symphonies subtiles, des mondes de fascination jubilatoire pour finalement tenter de rejoindre cet immatériel. Il malaxe les idées, explore, travaille, sublime la matière, l’essence de la traversée étant bien de partager des préoccupations humaines de toujours. Comme celle d’engager sa quête face aux ténèbres et aux énigmes de la création. D’où sa Luna nel Pozzo (Lune dans le puits), une immense sphère tronquée remplie d’eau illuminée et vaporeuse. Un enchantement moins conçu pour éclairer fonctionnellement que pour La lumière libérée A l’encontre de la production industrielle frottée trouer la nuit et la révéler. Et c’est assurément cette à l’exercice de l’exacte répétition de l’objet, ce dimension ultime qui donne à ses envoûtantes qui s’exprime ici relève précisément de cette créations une telle épaisseur émotionnelle. conception singulière que l’artiste a de la lumière. Comme le soleil, comme le feu, elle réfute toutes formes qui l’enchaînent. La forme, l’objet chaque Texte : Bernard Mella fois légèrement différent, ne sont là que pour lui Photos : Alessandro Zambianchi rendre sa liberté première. « Ce n’est pas la forme qui compte, c’est la destination. La destination, c’est la lumière. Vivante, jamais statique. » Fondant la majeure partie de ses recherches sur le rapport entre la lumière et les effets de réfractions
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Me rassurer tandis que j’avance sur des terrains inexplorés
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1 J usqu’au bout trouer l’ombre, cueillir l’argent
de divers matériaux jusqu’à créer de véritables sculptures, Catellani présente une œuvre qui n’est que vibrations, échos, magie de reflets, lueurs oniriques, miroir tendu aux couleurs, jeux maîtrisés d’aléatoires, volumes fugitifs taillés à coup d’ombres, alchimies sidérales. Comme un mélomane des sentiments, un aquarelliste des émotions, il cherche la nuance, le ton, il peaufine, cherche encore jusqu’à ce qu’il parvienne à cette note-là qui tient dans son esprit, et que cela sonne juste. Il ne dessine rien, préfère ausculter les potentialités des matières, dompte des formes basiques ennoblies par un sens inné des harmonies et des proportions ainsi que par le geste qui leur donne corps. A l’instar de ce lingam de verre traversé par une diode luminescente qui se transmue en pur rayonnement lunaire, de ce tissu de verre peint à la main prenant l’aspect précaire du papier japonais, de ces disques d’acier que l’on habille d’une délicate mixture argentée ou des sphères dorées pliées à la force du genou pour devenir des demi-lunes.
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Un jour de quatre nuits A Lyon, désormais, le 8 décembre dure quatre jours. Quatre soirs. Quatre nuits... Il n’y a qu’à Lyon que le 8 décembre est bien plus qu’une date sur le calendrier civil, autant qu’une célébration sur celui des croyants, tellement plus que le solstice d’hiver... 27
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Quand le froid qu’on oublie finit par s’insinuer dans les vêtements chauds, quand la peau, les saveurs, les odeurs parfois même, les sons se figent, tout est dans le regard, lui seul en éveil intense, comme survolté par la puissance que d’autres sens lui abandonnent. Alors se dessine dans les yeux des Lyonnais le reflet de leur âme. Il naît à la seconde où renaît la lumière, chaque fois recréée, chaque année embellie, aujourd’hui magnifiée mais toujours elle-même depuis qu’un certain 8 décembre 1852, la flamme lyonnaise passe outre le contrordre officiel : « N’illuminez pas vos fenêtres, illumination reportée ! » Encore ? Trois mois plus tôt, le 8 septembre, on devait inaugurer la statue de la Vierge érigée sur le clocher de la chapelle de Fourvière. Premier report à la demande du sculpteur Fabisch, dont l’atelier est dévasté par les inondations du mois d’août. Ce sera le 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception. Des lampions et feux de Bengale illumineront la chapelle. A quoi les Lyonnais répondent par voix de gazettes qu’eux aussi illumineront leurs fenêtres. Le ciel, décidément, voit les choses autrement. Au soir du 8 décembre, l’orage gronde et s’abat sur la ville. Mais pas sur la détermination de ses habitants, invités de nouveau à différer leur hommage. Trop tard. Quand sonnent six heures du soir, Lyon d’en bas s’illumine et, volcan à l’envers, la colline à son tour se met en fusion...
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Fusion des cœurs. Depuis plus de cent cinquante ans.
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Plus encore qu’une fête, un rituel est né que le fil du temps va tisser entre tous, fil rouge attisé par le vent de l’histoire, quand tant de feux de paille vont s’éteindre d’un souffle. Il faut en remercier les caprices du ciel, l’ordre et le contrordre de l’autorité, surtout le contrordre qu’un puissant élan populaire se fit fort de balayer. Rien de tel
pour s’approprier la fête que la hantise d’en être privé. Le 8 décembre perdure et rassemble les Lyonnais parce qu’il ressemble à Lyon. Tellement qu’ils se confondent. A dix-huit heures le 8 décembre à Lyon, la nuit froide est chaleur. La foule, intimité. Le noir, lumière. Et le ciel, un velum. Contrastes, contradictions, paradoxes, dualité, disent de Lyon les psychosociologues intrigués. Peut-être ont-ils raison : le 8 décembre à Lyon, la lumière coule à flots. La Saône est voie lactée. Le profane est à se mettre à genoux. Et le sacré n’en croit pas ses yeux.
Cette fête est la leur. Et parce qu’ils la partagent, ils la veulent authentique, fidèle à leur image, au reflet de leur âme. Lourde tâche pour les artistes que de comprendre, ressentir et traduire que s’il y a mille et une fêtes des lumières, il n’y a qu’un 8 décembre. Faut-il rappeler qu’il est à Lyon ? Inutile car en langage lumière, 8 décembre veut dire Lyon. Tous ceux qui l’ont compris ont réussi. Ils sont dans cet ouvrage. Sans autre commentaire que le vôtre, auréolé du souvenir ou de la découverte. Illumination !
C’est que Lyon et lumière sont comme des frères. Quand le jour se fait tard et que la nuit s’éveille, chaque soir de l’année est prélude à la Fête. Ponts d’or, rivières de diamants, perles fines aux balcons, formes soulignées, parures de ville, tenues de soirée... Lyon révèle, comme disent les urbanistes songeant au Plan lumière, « sa dimension ». Quant aux rêveurs, ils préfèrent nocturne croire que Lyon se prépare au 8 décembre comme Rio à son carnaval. Ils ont raison. Les uns et les autres. Techniciens et artistes. Main dans la main. En coulisse. Pendant onze mois. Pour que la modernité perpétue la tradition.
Voici Lyon révélée par l’image que lui renvoie sa lumière. Comme en mai, par ses levants dorés sur la plaine du Rhône, ou en juin par ses couchants ocrés sur les rives de la Saône. L’hiver, grâce aux faisceaux mouvants d’une invisible torche transportée par la foule comme au bras d’un seul homme. Aujourd’hui, sous vos yeux, par ce nouvel acteur de la lumière en fête, le photographe. Professionnels comme amateurs éclairés, ils sont des centaines dans la nuit laboratoire à tenter d’apprivoiser l’indomptable. De consommateurs de lumière, les voici ses portraitistes. De référence focale lovée dans son boîtier, la voici premier rôle, Pour que la ville d’aujourd’hui célèbre celle star, en pleine... lumière. d’hier et suggère celle de demain. Pour que la technologie se cache sous l’œuvre d’art, le Elle seule compte. Humilité de rigueur. Figures photographe derrière ses optiques, le concepteur libres et imposées, visions proche et lointaine, unique et partielle, voici des images nées d’une dans le regard de son enfant. magie universelle qu’un premier regard (celui de Onze mois pour faire appel aux artistes du quatre photographes professionnels lyonnais) a monde, leur confier notre ville comme la saisies et qu’un autre, le vôtre, va rendre intimes, prunelle de nos yeux, regarder, écouter, capter très privées, rien que pour vous. Parce que nul ne leur étincelle, zoomer sur leurs images jusqu’à peut prévoir ce que vous allez l’échelle de Lyon, imaginer la vie d’une œuvre ressentir. Parce que l’émotion n’appartient qu’à en gestation, anticiper le rêve en songeant... au vous. A moins que vous ne souhaitiez la partager ? budget ! Cordons serrés. Lignes inextensibles. Comptes à rendre à des partenaires solidaires Alors rendez-vous à Lyon... un 8 décembre, pour qui misent sur la part d’inconnue qu’il y aura quatre jours, quatre soirs, quatre nuits. toujours entre l’esquisse et le tableau final parce qu’ils savent combien le risque en vaut la chandelle ! Séduire et transporter des millions Texte : Christian Fabillard de regards toujours plus haut, toujours plus loin Photos : Laurent Cérino mais attention : en douceur, avec discernement. Car parmi ces regards, il y a ceux des Lyonnais.
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Cours et façades intérieures de l’Hôtel de Ville. Place Louis-Pradel. Eglise Saint-Nizier. Colline de Fourvière. Les chemins de lumière. Place Bellecour. De haut en bas : Eglise Saint-Nizier. Montée de la Grande Côte. Au Fil de soie. Façade de l’Hôtel-Dieu. Place Edgar-Quinet. Façade de l’Hôtel-Dieu. (pp. 30-31) Cour des Voraces. Chapelle de la Trinité.
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Au pied des Cévennes Ermitage enchanté
Catherine Painvin, la fée d’Aubrac, et Alain Georges, un entrepreneur inspiré, ont donné vie au comptoir Saint-Hilaire. Mi-thébaïde mi-caravansérail, cette étonnante maison d’hôtes dispense la fantaisie en plein cœur de l’hiver. 33
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C’est un lieu né d’une rencontre. Celle d’Alain Georges, entrepreneur visionnaire, et Catherine Painvin, créatrice débordante d’idées et d’énergie. Le premier entre en scène en 1990. En quête d’une opération immobilière, il découvre non loin d’Alès, près du village de Saint-Hilairede-Brethmas, une bergerie du XVIIe siècle aux belles proportions, le Mas de la Rouquette. Tout autour, la campagne rousse et mauve, subtilement vallonnée, rappelle la Toscane. A l’horizon, le mont Aigoual, le mont Lozère, le pic Saint-Loup dressent leurs sentinelles. Le bâtiment compte quatre pièces habitables et un robinet d’eau froide. Le reste n’est que paille et foin destinés à nourrir les quatre cents moutons parqués au sous-sol. Qu’à cela ne tienne ! Alain Georges construit une maison pour reloger le berger et s’installe au mas avec sa famille pour le rénover. De 1992 à 2004, il restaure progressivement les lieux : 900 mètres carrés d’arcades, galeries, escaliers, cours intérieures ! C’est alors que, relayée par les médias, l’histoire de la fée d’Aubrac parvient à Saint-Hilaire. Fondatrice de la marque de mode enfantine Tartine et Chocolat, Catherine Painvin s’est retirée sur les hautes terres du Massif central. Entre deux voyages au Tibet ou en Mongolie, elle y a créé une maison d’hôtes inspirée, qui accueille aussi bien les pèlerins de Saint-Jacques-deCompostelle que les VIP en quête d’authenticité. Emu par son parcours, Alain Georges décide de la rencontrer; une visite au comptoir d’Aubrac suffit à convaincre la créatrice de transformer le
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mas de la Rouquette en maison d’hôtes. Portée par la confiance que lui témoigne le couple Georges, Catherine Painvin s’attelle au chantier le 8 octobre 2005. Le 16 décembre, le comptoir Saint-Hilaire, scintillant de toutes ses bougies, est inauguré. Dans l’intervalle, deux mois de travail intense où Catherine donne le meilleur de sa créativité et de son inlassable enthousiasme. « Elle avait une idée à la minute ! » s’émerveille encore « Monsieur Georges ». Avec une jubilation enfantine, Catherine s’empare de chaque pièce pour la métamorphoser, selon un thème et un code couleur bien précis : vert tendre pour évoquer les bambous d’Anduze, rouge passion pour la Dolce Vita, blanc et rose comme la naissance de l’aube… Alimentée par l’entrepreneur en matériaux de récupération (pavés, planches, zinc, galets de rivière…), elle aligne, entasse, détourne, interprète et transfigure. Des mètres de miroirs découpés, des brassées de taffetas changeants, des kilos de pampilles et de boules de cristal parachèvent l’ouvrage. Trois chambres et trois suites surgissent de cette féerique gestation. Abracadabra ! la magie d’Aubrac est passée par là ! Les commodes entrent en lévitation, les torchons deviennent lambris, les livres grimpent aux murs. Dans certaine chambre initiatique, on peut même fouler aux pieds un incroyable tapis de sable fin ! Partout, les objets dupliqués entrecroisent leurs alignements en une profusion apaisante comme un mantra répété à l’infini. A la nuit tombée, le salon couleur de flamme réunit les hôtes autour de la cheminée,
chaleureux caravansérail où l’on s’attend à mille récits d’aventure. Animé par sa fée marraine d’une étincelle de merveilleux, le vieux mas vit désormais son existence d’ermitage privilégié, refuge offert à ceux qui ont gardé l’enfance à fleur d’âme. Les matins y sont clairs sous les micocouliers, les repas étonnants autour de tables aux décors toujours renouvelés. D’autres projets attendent le coup de baguette qui leur donnera : très bientôt une boutique où trouver forme les produits du comptoir d’Aubrac, un salon de thé ouvert au public, puis un salon de jeux, un camp de toile pour les nuits d’été… Promesse de nouveaux moments enchantés ! De 150 à 350 euros la nuit pour deux, petitsdéjeuners offerts. Tout le comptoir Saint-Hilaire : 1950 euros (30 à 32 lits). Repas de 25 à 60 euros (gratuit pour les enfants jusqu’à 3 ans). A voir dans les environs : la ville d’Anduze et ses dynasties de potiers, la bambouseraie de Prafrance, le pont du Gard, Uzès, sa cathédrale, son évêché et ses demeures anciennes. Plus loin, les terres sauvages des Cévennes, pays du châtaignier, de l’asphodèle et du ver à soie. Comptoir Saint-Hilaire 30560 Saint-Hilaire-de-Brethmas tél. +33 (0)4 66 30 82 65 fax +33 (0)4 66 25 64 02 comptoir-saint-hilaire.com Texte : Raymond Trivaz Photos : Henri Del Olmo
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1 D ans l’entrée, un mur de 60 lampes se reflète dans 6 ( pp. 36-37) Une forêt d’oliviers en pots protège une cloison tapissée de 60 miroirs. Un bac de sable et un semis de galets complètent ce décor surprenant comme une installation d’art contemporain.
l’intimité de la douche ou des deux baignoires en vis-à-vis.
7 T ête de lit Asiatides, lampe Atzana. 2 A tmosphère flamboyante dans la bibliothèque (cidessus), qui épouse la courbe de l’escalier.
3 D ans une ancienne remise à tracteurs, Catherine Painvin a imaginé une chambre au sol de sable fin ! Plaid comptoir d’Aubrac, chandeliers Atzana.
8 E n hommage à la bambouseraie d’Anduze toute proche, Catherine a créé la suite Les Orgues, où elle a multiplié les verticales : une collection de livres anciens, posée en colonnes, peut être feuilletée sur les murs !
4 U n patio central aux volumes contemporains 9 D éclinés dans un camaïeu de verts, textiles et tapis accueille une salle à manger. On dîne sur des nappes en lin ou les peaux de buffle du comptoir d’Aubrac.
5 E n centre de table, Catherine improvise des décors
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éphémères, alignant les ingrédients les plus divers : sucre, gros sel, riz ou savons d’invités (Amélie et Mélanie)… Verres Atzana, vaisselle Poterie de la Madeleine.
composent une belle ambiance végétale (au sol, des chutes de moquette Saint-Maclou découpées et bordées). Au-dessus du lit, une guirlande de tasses joue les frises décoratives. Plaids comptoir d’Aubrac, lampes Atzana et jarres Asiatides.
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Carlo Crisci, Le Cerf, Cossonay Modes et travaux
Installé depuis plus d’un quart de siècle dans ce qui est devenu « ses » propres murs, Carlo Crisci n’a rien perdu de son talent d’enfant terrible de la gastronomie vaudoise. Et il a plein de projets en tête.
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Carlo Crisci à la plancha Né le 6 novembre 1956. Marié à Christine, une infirmière alsacienne, qui veille au bon déroulement du service au Cerf. Trois enfants, Malya (28 ans, dans l’hôtellerie), Fany (22 ans, en HES) et Angelo (21 ans, à l’ECAL – l’Ecole cantonale d’arts de Lausanne). Le plat qu’il préfère ? Le prochain à créer, car je suis déjà dedans ! Un vin ? Le Terra di Lavoro (terre de labeur), un vin de ma région, la Campanie, trois verres au guide Gambero Rosso.
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Un lieu ? Une oliveraie en Campanie, « Piedi Santi » (les pieds saints), où mon père, restaurateur, passe sa retraite. Un hôtel ? Les Trois-Couronnes, à Vevey, où ma fille aînée s’occupe des finances.
Une île ? Myconos, où j’ai failli devenir consultant pour un hôtel (il l’est pour deux cliniques lausannoises, Cecil et Bois-Cerf, depuis trois ans, et fait la tournée des patients chaque mardi.)
Une musique ? Le jazz, mais pas free, plutôt celui de mon ami, le pianiste Thierry Lang.
Un livre ? Une chouette BD qui met en images des recettes, d’Adrienne Barman, publiée à La Joie de Lire, à Genève.
Un film ? « Ratatouille », mais dommage que le rat qui veut devenir chef ouvre son propre resto ! Il aurait dû rester cuisinier de base, un métier qui se perd...
Un artiste ? Deux sculpteurs, Etienne Krähenbühl, de Romainmôtier, et ses œuvres en fer – j’en ai partout dans ma salle à manger – et André Raboud, d’Ollon, qui travaille si bien la pierre…
4 1 E paule d’agneau de lait aux escargots.
2 C arlo Crisci en plein exercice d’artiste.
3 F ilet de rouget à l’huile de lierre terrestre, une de ses plantes sauvages fétiches.
4 F riole de crevette au jus de betterave rouge et rhubarbe, pour marier les goûts essentiels, comme l’acidité si rare en cuisine...
5 C ôte de veau en croûte de sel parfumé au lierre terrestre.
6 ( pp. 42-43) Un dessert qui rappelle l’Italie, pays d’origine du chef, un tiramisu aux myrtilles.
Carlo Crisci ne déteste rien tant que les clans et chapelles qui isolent des mondes culinaires parallèles. « On ne fait pas une cuisine de terroir, instantanée, ceci ou cela. On a besoin de tous ces apports. Et la technique de base; c’est elle qui amène sur de nouveaux terrains. Sans elle, la créativité ne tient pas… » Il l’a dit dans son livre, bien nommé « Equilibre » (paru fin 2006 chez Favre), et le redit là, à table, sous les arches de sa belle salle à manger, au rez du Cerf, une demeure du XVIIe siècle, en face de l’église de Cossonay. Justement, parlons du décor ! « Cet été, je vais rafraîchir ma salle, lui donner une touche de modernité. Mais chaude, avec des matériaux nobles. » Pas facile ! « ça fait quinze ans que je cherche LA chaise. J’ai fait Milan-Zurich, et puis j’ai rhabillé ces chaises hautes et confortables. Elles ont 33 ans. » Le chef aurait bien donné un coup de pinceau à sa façade. Il a préféré commencer par la cuisine : « On est douze à travailler et je suis un peu égoïste », rigole-t-il. « ça m’a coûté le double de ce que j’aurais mis dans la façade; j’ai 32 plaques, ou plutôt huit plaques à induction divisibles par quatre. » Un outil performant pour un chef acrobate, crédité de 18 au GaultMillau et de deux étoiles au Michelin. Le voilà qui fait défiler une choucroute de la mer, sauce à la berce (de la méduse avec une mousse d’herbe sauvage que deux cueilleuses vont chercher en pleine nature), une frivolité de thon rouge au lard d’Arnad et aux huîtres (mariage de textures qui frise la perfection, le goût en prime !), un tourbillon de SaintJacques au mélilot (crustacé recomposé et herbe
sauvage), un rouget en écaille de taro, perles de moelle et velouté de panais (légumes oubliés et opposition poisson juste cuit et tendre moelle). « Pas de viande ? Dommage, j’aurais servi du veau à la plancha douce. » Kèsako ? « Une cuisson lente à 60-80° C. » Son dernier truc, qu’il a montré dans un festival de gastronomie à San Sebastian, la capitale basque de la « movida » culinaire planétaire, en novembre passé, en attendant Toulouse, chaque printemps. Entre-temps, Carlo Crisci connaîtra le miracle de cette nouvelle façon de cuire, grâce à un jeune chimiste de l’EPFL à ses côtés dès maintenant. Mais attention : « S’il faut expliquer pourquoi c’est excellent, on est mal barré… La cuisine s’est trop intellectualisée. J’essaie juste de tout faire pour que le résultat soit bon. » Et il l’est, pour notre plaisir sans cesse renouvelé ! Textes : Daniel Peyer Photos : Pierre-Michel Delessert tirées de « Equilibre », Favre, www.editionsfavre.com
Le Cerf Rue du Temple 10, Cossonay VD Tél. 021 861 26 08 Fermé les dimanche, lundi, mardi midi et du 8 au 31 juillet 2012. www.lecerf-carlocrisci.ch
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