DÉCONSTRUCTION : MODE DE RÉEMPLOI — MONTEIL.C — ENSAPVS — 2019

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DÉCONSTRUCTION

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MODE DE RÉEMPLOI Dans quelle mesure la technologie peut-elle contribuer à la revalorisation des matériaux de seconde main et leur réinjection à l’échelle de la ville? Les logiciels de modélisation au service d’une anticipation de la déconstruction sélective d’un édifice dès son processus de conception.



Féconder le passé pour enfanter l’avenir, que tel soit mon présent. Friedrich Nietzsche Ainsi parlait Zaraboustra — 1885



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M A S T E 2 R 0 2 2 0

— réemploi — déchet — ressource — chantier — BIM — transition numérique — conception collaborative — décroissance —

Face à l’urgence climatique, quelles sont nos options pour œuvrer en faveur d’un monde — de la construction — moins énergivore? Comment limiter les émissions d’énergie grise en utilisant notre matière grise? Nous tenterons de trouver des pistes de réponse à cette question du réemploi par le spectre de nos technologies actuelles, qui tendent à revaloriser cette filière. Nous étudierons en quoi l’utilisation de logiciels de modélisation high-tech peut servir à des fins écologiques — voire low-tech — dans une logique d’économie circulaire. Ce nouveau processus de conception anticipe la déconstruction sélective d’une architecture au moyen d’une maquette numérique préalablement renseignée. Cela implique des mutations dans le ‘‘dessin-chantier’’ du projet, l’apparition de nouveaux outils ainsi que de nouveaux métiers que nous évoquerons dans ce mémoire. Nous aborderons les prémices du réemploi et la pertinence de sa pratique aujourd’hui, puis introduirons les transitions énergétique et numérique. Nous parlerons du changement de paradigme que ceci induit et de la posture de l’architecte dans ce contexte de décroissance actuelle. Enfin, nous verrons en quoi le digital peut devenir un tremplin pour l’extension du réemploi dans le secteur du bâtiment.

PARIS VAL DE

SEINE ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE

D’ARCHITECTURE

DE 2 — ÉcologieS Systemic design & Écologies projectives

par Camille MONTEIL sous la direction de Claire BAILLY & Jean MAGERAND


Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Antoine Laurent de Lavoisier Traité élémentaire de chimie — 1789


Préambule & remerciements

Je remercie également Ali KARAMI, sans qui je n’aurais pas eu connaissance du concept ‘‘dessin-chantier’’ de Cyrille Simonnet.

Ce mémoire se nourrit de réflexions menées sur quelques mois de recherche et d’investigation sur le thème du réemploi dans l’Architecture, et plus particulièrement de l’usage — à bon escient — de nos technologies pour servir cette pratique et encourager son expansion.

Et enfin, je remercie tout particulièrement Claire BAILLY et Jean MAGERAND — mes enseignants encadrants — pour leur soutien, dont les observations et encouragements m’ont permis de mener à bien ce mémoire.

Malgré les obstacles liés à la confidentialité de la majorité des documents relatifs aux logiciels de déconstruction, je remercie Joseph DEMOLINS, ingénieur en apprentissage au sein de batiRIM®, pour son aide dans la documentation de cet ouvrage universitaire.

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Pour prédire le futur, il faut voir l’avenir à partir d’un présent. Edgar Morin Histoire du futur — 1985


Introduction

L’Earth Overshoot Day, ou Jour du dépassement global, est tous les ans la date théorique à laquelle l’humanité a consommé la totalité des ressources renouvelables sur une année. Cette date est calculée par l’organisation non gouvernementale américaine Global Footprint Network sur la base des Comptes Nationaux d’Empreintes. En 2019, ce fût le 29 juillet (cf annexe no1). Chaque année, la deadline est plus proche et nous vivons matériellement à crédit de notre planète et de ses ressources que nous continuons de puiser. Ce bilan à la fois alarmant et alarmiste, ne peut que requestionner notre manière de consommer, et en temps qu’étudiante en architecture, de construire. C’est dans ce contexte de ‘‘polycrise’’ — pour reprendre le terme d’Edgar Morin1 — que s’inscrit ce mémoire, proposant une alternative à l’architecture ‘‘matériauvore’’ : le réemploi des matériaux ou ‘‘déchets’’. Depuis l’apparition d’une énergie bon marché qui a permis d’extraire et de transformer mondialement des quantités titanesques de matière, l’architecture est entrée dans l’ère du gâchis et du gaspillage. Selon l’ADEME — Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie — le secteur du Bâtiment génère chaque année plus de 40 millions de tonnes de déchets dont 75 % d’inertes, 23 % de déchets non dangereux et 2 % de déchets dangereux.2

2.

3


Hans Jonas critique en ces mots: ‘‘la promesse de la technique moderne s’est inversée en menace, ou bien [...] celle-ci s’est indissolublement liée à celle-là.’’ 5 Il me semblait important de nuancer ce discours en formulant cette problématique :

En février 2000, lors d’une conférence scientifique au Mexique, le chimiste atmosphérique Paul J. Crutzen — prix Nobel 1995 — prononce pour la première fois le néologisme ‘‘Anthropocène’’, nouvelle ère — succédant à l’Holocène — ou ‘‘époque géologique de l’Homme’’3, référant à l’empreinte qu’il laisse sur la planète. Elle serait telle qu’elle traduit une véritable influence géologique sur la biosphère et le système terrestre, d’où la qualification de cette rupture entre l’ère interglaciaire et notre ère actuelle.

3.

Dans quelle mesure la technologie peut-elle contribuer à la revalorisation des matériaux de seconde main et leur réinjection à l’échelle de la ville? Le monde de la construction est aujourd’hui confronté aux exigences et enjeux de la transition socio-écologique. L’architecture évolue afin de tendre vers une discipline plus écoresponsable tant du point de vue technique que culturel, économique que juridique, bien que ces points soient souvent les freins de son développement.

Le phénomène de surcroissance y est pour beaucoup. On constate que plus le PIB (Produit Intérieur Brut) d’un pays est élévé, plus sa consommation et donc son émission d’énergie grise4 l’est aussi. Dans un pays développé comme la France et dont la population jouit — pour la majorité — d’un certain confort, l’enjeu consiste donc à montrer qu’à partir d’un certain niveau, nous nous trouvons dans un cercle vicieux dans lequel la croissance se dévore elle-même, tel Prométhée qui deviendrait son propre vautour et se dévorerait lui-même le foie.

Le réemploi, moins ‘‘popularisé’’ que le recyclage, est une pratique qui s’émancipe à grande vitesse et peine à s’insérer dans le système de production normalisé et standardisé imputé par le système industriel et socio-technique actuel. Dans un premier temps, il serait bon de clarifier certains termes, pour une meilleure compréhension du sujet. 4


L’architecte Jean-Marc Huygen différencie ‘‘la réutilisation, qui consiste à se servir de l’objet dans son usage premier; le réemploi, d’un objet ou de parties d’objet, pour un autre usage ; le recyclage, qui introduit les matières de l’objet dans un nouveau cycle.’’ 6 Il s’agit donc d’une distinction hiérarchisant les trois actes de récupération selon le type de conservation de l’objet : la réutilisation conserve la fonction, le réemploi conserve la forme, le recyclage conserve la matière.

Pour pallier l’inévitable pénurie de matériaux et de minéraux, la nécessité d’opter pour une nouvelle posture architecturale est vitale. Cette ‘‘mutation’’ liée à la fois à la transition matérielle et numérique, nous amène à nous poser ces questions de revalorisation de nos déchets en tous genres. Ne pouvant faire machine arrière et lutter contre le progrès et nos avancées technologiques — qui n’ont certes pas toujours été vertueuses envers la planète — l’idée est d’éclairer cette ‘‘renaissance’’ du réemploi par le prisme de nos outils numériques, pouvant servir et améliorer, in fine, la pratique du réemploi.

Afin d’observer ces changements de paradigme imminents, je me suis intéressée à l’utilisation du digital dans l’accélération de ce processus, et plus particulièrement des logiciels de modélisation au service d’une anticipation de la déconstruction sélective d’un édifice dès son processus de conception.

NOTES 1. ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.37. 2. ADEME. Déchets du Bâtiment : Optimiser les matières premières, renforcer le tri, le réemploi et la valorisation des déchets du bâtiment, synthèse du 11/2018, référence no 010626, 6 pages, p.1. 3. SCHWÄGERL Christian. L’Âge de l’Homme, construire le monde de demain à l’ère de l’Anthropocène, Traduit par Nicolas Vergnaud. Préface de Paul Josef Crutzen pp. 8-9, Éditions Alternatives, Gallimard, Manifestô, 13/09/2012, 320 pages.

Pour tenter de répondre à ce sujet, nous commencerons par recontextualiser la pratique du réemploi dans le temps et les freins actuels auxquels cette filière est confrontée, puis nous nous interrogerons sur le rôle et la pensée de l’architecte et autres acteurs décisionnels, pour enfin explorer les différents outils technologiques capables de faciliter et valoriser la filière du réemploi dans un futur proche.

4. Ou énergie intrinsèque, est la quantité d’énergie consommée lors du cycle de vie d’un matériau. 5. JONAS Hans. Le Principe de Responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique. préface p.13, Éditions du Cerf, Nouveaux horizons, 08/06/1990, 336 pages. 6. HUYGEN Jean-Marc. La poubelle et l’architecte : vers le réemploi des matériaux, Arles, Actes-Sud, Collection L’impensé, 07/2008, 183 pages, pp.10-12. ILLUSTRATIONS 1. BONNEFRITE. Ressources / Déchets. 2. BONNEFRITE. Spaceship. 3. MONTEIL Camille. Mythe de Prométhée.

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Nous ne sortirons pas le monde de la crise si nous ne changeons pas notre manière de penser. Albert Einstein


Redécouverte du réemploi d’une pratique courante à une utilisation sporadique gisement pour de nouvelles constructions. Ces pierres avaient alors une connotation de trophée, faisant partie d’un assemblage nouveau, bien que renvoyant ‘‘au geste destructeur qui permit de l’obtenir’’.3

Durant des siècles, les pratiques de réemploi des matériaux étaient omniprésentes dans le secteur du bâtiment. Toute économie d’énergie — humaine et animale — et de transport chronophage était la bienvenue. Pour ce faire, il paraissait logique de s’emparer des ressources à portée de main, in situ. Même les plus grands chefs-d’œuvre de l’Architecture étaient souvent construits avec des matériaux issus du réemploi. Je vais reprendre l’exemple qu’emploie le collectif ROTOR à propos de Stonehenge. Une récente découverte archéologique a ‘‘montré que les mégalithes qui forment cet ensemble ont été taillés des centaines d’années 1. avant que les travaux ne commencent sur le site actuel.’’ 1 émettant ainsi l’hypothèse que ‘‘ces pierres avaient d’abord été utilisées dans une structure plus proche de la carrière d’origine.’’ 2 Stonehenge serait alors un ‘‘monument de seconde main.’’ Laura Foulquier — docteur en Histoire de l’art médiéval — nous explique également que ces ‘‘carrières de pierre’’ ou ruines ont été une mine, un 7

‘‘Longtemps, ces matériaux récupérés ont été nommés spolia - un terme encore très présent dans la recherche anglosaxonne. Le terme spoglie semble apparaître au XVIème siècle en Italie. Dans le premier volume des Vite de’ più eccellenti architetti, pittori, et scultori italiani, publié en 1550, Giorgio Vasari évoque les spoglie de l’Arc de Constantin et associe l’emploi massif de ceux-ci au déclin artistique de l’Antiquité. Les réemplois étaient entendus comme de médiocres solutions à une pénurie de matériaux, conséquence directe d’une perte des savoir-faire. En somme, l’idée d’une certaine stérilité artistique a longtemps prédominé : à la suite d’une Antiquité fastueuse mais déclinante, aucune création n’aurait réellement été possible dans les siècles obscurs et délétères d’un Moyen Âge balbutiants.


d’une économie de ressources et de moyens, de l’autonomie du collectif qui n’a pas forcément besoin d’architecte, de frugalité et de modestie. C’est une architecture d’entraide, localisée, en constante transformation.

Le terme est donc connoté et pas forcément adéquat. En effet, il est issu du latin spolium, qui signifie au sens premier la dépouille d’un animal. Au pluriel, spolium devient spolia et désigne les dépouilles guerrières, les ‘‘spoliations’’, c’est-à-dire le butin de guerre. Associer les pratiques de récupération aux spoliations oriente clairement les définitions et les interprétations vers un sens péjoratif. Est entendue de manière plus ou moins implicite une forme de pillage : de telles exactions rehaussaient de façon manifeste le triomphe du vainqueur et accroissaient sa légitimité.’’ 4

Victor Hugo Les Misérables — 1862

L’architecture ‘‘coupée-collée’’7 — pour emprunter l’expression à Lionel Devlieger, un des membres du collectif ROTOR — était donc dans les mœurs jusqu’à la Seconde Révolution Industrielle. La découverte de nouvelles énergies fossiles tel que le pétrole — carburant, plastique etc.— a favorisé l’industrialisation et la préfabrication des composants constructifs servant au secteur Bâtiments et Travaux Publics — BTP. On troquera cette philosophie contre la modernité, échangeant ‘‘l’espace contre le temps, la patience contre la nouveauté, le solide contre le fluide, l’accrétion contre la dispersion, la frugalité contre le luxe.’’ 8

Depuis toujours, l’Homme pratiquait ce que l’on appelle aujourd’hui de l’architecture ‘‘vernaculaire’’. Souvent issue d’une auto-construction, elle exprime par sa forme et sa matérialité le site dans lequel elle s’inscrit. Attention cependant à ne pas vulgariser ce terme comme étant une architecture pittoresque ou traditionnelle. Bernard Rudofsky lors de son exposition Architecture without Architects 5 prônait cet art de bâtir, la justesse et la pertinence de ces réponses architecturales empreintes d’une parcimonie des gestes, d’une ergonomie,

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ère

Révolution Industrielle XIXème CHARBON

2

‘‘À l’inverse de la modernité, le vernaculaire est un produit de l’espace et non du temps.’’ 6

Les révolutions sortent, non d’un accident, mais de la nécessité.

ème

Révolution Industrielle XXème PÉTROLE

8

3

ème

Révolution Industrielle XXIème POST-CARBONE

2.


‘‘La troisième révolution industrielle est, indissociablement, la dernière phase de la grande saga industrielle et la première de l’ère coopérative émergente. C’est un interrègne entre deux périodes de l’histoire économique, la première caractérisée par le comportement industrieux et la seconde par le comportement coopératif.’’ 9

Cependant, nous arrivons au terme de cette ère décadente par l’épuisement de nos ressources. Dennis Meadows — écologue, scientifique au MIT, écrivain et économiste américain — nous invite à nous pencher très fortement sur les conditions de la ville de demain, celle d’après-pétrole. Dans le Rapport Meadows pour le compte du Club de Rome, est exprimée graphiquement (cf annexe no2) cette croissance exponentielle qui tend à imploser, les ressources et la nourriture s’amenuisant de façon drastique tandis que la démographie, la pollution, les productions industrielles et de services explosent. Arrivera un moment, où la population finira d’ailleurs par décliner, toujours selon ce même graphique, afin d’équilibrer cette tendance.

La TRI sera donc une révolution tournée vers l’écologie et l’entraide dans un monde où l’architecture a atteint son ‘‘pic’’. Les surfaces bâties dans le monde — 300 milliards de m2 — par rapport au nombre d’habitants n’ont jamais été aussi élevées, le ratio étant de 33,33 (cf annexe no3). En effet, selon le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, ’’le secteur du bâtiment représente environ 19 % de la production de déchets du BTP, soit 46 millions de tonnes par an [...] 49 % proviennent de la démolition, 38 % de la réhabilitation et 13 % de la construction neuve. Aujourd’hui, le taux global de valorisation des déchets du bâtiment varie, selon les différentes sources, de 48 à 64 %. Ce taux varie fortement selon l’activité – 60 à 80 % pour la démolition, 10 à 30 % pour la réhabilitation, 40 à 60 % pour la construction neuve – et selon le type de déchets – 60 à 70 % pour les déchets inertes, 30 à 50 % pour les déchets non dangereux non inertes.’’ 10 Face à ce fléau et à notre devoir de réagir dans un souci écologique, le réemploi est une alternative à l’extraction de matières premières et à l’enfouissement de déchets.

C’est pourquoi il est urgent d’agir et de se diriger vers ce que Jeremy Rifkin — économiste, sociologue et écrivain américain — nomme la Troisième Révolution Industrielle (TRI). Il dresse un tableau cynique mais réaliste du déclin de notre société prométhéenne face à une surcroissance et un progrès technologique fulgurant. Il explique que notre espèce — comme beaucoup d’autres — tend à s’éteindre dans un futur relativement proche dû à l’urgence climatique, et qu’il nous faut changer de paradigme afin d’entrer dans une ère postcarbone, nous permettant d’esquiver cette catastrophe planétaire certaine. On parle alors de mutation du système, qui passe d’une ère industrielle à une ère coopérative. 9


Il permet de limiter les temps de transport et de favoriser une meilleure répartition de la valeur ajoutée d’un chantier. De la réduction des déchets à la création de ressources, il s’agit, à l’inverse du recyclage, de travailler avec des matériaux de seconde vie sans leur faire subir une transformation trop importante et de conserver l’intégrité de leur forme comme trace de l’histoire.

NOTES

Le réemploi des éléments de construction est aujourd’hui devenu une ambition politique en matière de gestion des ressources. Les principes d’urban mining, de métabolisme urbain (voir chapitre ‘‘Il était une fois... les déchets’’) et de bouclage des flux de matériaux s’installent progressivement dans les esprits et les pratiques. De nombreux défis (voir chapitre ‘‘Freins au développement de cette filière’’) techniques, législatifs, sociaux et culturels freinent encore l’évolution des usages vers un modèle d’économie circulaire pour le secteur de la construction.

2. Ibid.

1. PARKER PEARSON Mike. et al. Craig Rhos-Y-Felin : A Welsh Bluestone Megalith Quarry for Stonehenge, Antiquity 89, no348, 12/2015, pp.13311352. Dans le Guardian, les auteurs ont résumé leur découverte comme suit : ‘‘Nous pensons […] que quelque part, dans un endroit proche de la carrière, se situait le premier Stonehenge, et que ce que nous voyons à Stonehenge est finalement un monument de seconde main.’’ ALBERGE Dalya. Stonehenge May Have Been First Erected in Wales, Evidence Suggests, The Guardian, 07/12/2015 In ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, p.16.

o

3. DEVLIEGER Lionel. ‘‘L’architecture à l’envers’’, Criticat, n 18, 10/2016, pp.90-101, p.92. 4. FOULQUIER Laura. ‘‘La carrière de pierres : La récupération de l’Antiquité à nos jours’’ In ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.63. 5. RUDOFSKY Bernard. Architecture without architects, an introduction to nonpedigreed architecture, The Museum of Modern Art (MoMA). New York City, 1964, 156 pages. 6. PÉREZ Patrick. ‘‘50 000 ans de maisons pour rien’’ In ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.25. o

7. DEVLIEGER Lionel. ‘‘L’architecture à l’envers’’, Criticat, n 18, 10/2016, pp.90-101, p.93.

Cette prise de conscience collective n’aurait été possible sans la diffusion médiatique et la mise en lumière de cette filière désormais encouragée par un comportement coopératif. En effet, ‘‘la technologie d’Internet et les énergies renouvelables [sont] en voie de fusionner pour créer une puissante infrastructure nouvelle, celle d’une troisième révolution industrielle’’ 11

8. PÉREZ Patrick. ‘‘50 000 ans de maisons pour rien’’ In ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.24. 9. RIFKIN Jeremy. La Troisième Révolution industrielle : Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Les liens qui libèrent, Arles, Actes Sud-Babel, 2012, 412 pages, p.365. 10. Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Déchets du bâtiment, 29/04/2019.

ILLUSTRATIONS

https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/dechets-du-batiment

1. BONNEFRITE. Déconstruction / Reconstruction. 2. MONTEIL Camille. Les 3 Révolutions Industrielles — pictogrammes de NOUN project.

11. RIFKIN Jeremy. La Troisième Révolution industrielle : Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Les liens qui libèrent, Arles, Actes Sud-Babel, 2012, 412 pages, p.12.

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Il était une fois... les déchets

Ironie ou paradoxe, c’est au moment où les villes consomment de plus en plus qu’elles prennent le pli de gaspiller et de perdre presqu’autant que ce qu’elles ont produit. ‘‘La masse résiduelle s’accroît : une société qui vit mieux, gâche plus.’’ 1

Jusqu’à la fin du XIXème, le mot ‘‘déchet’’ — venant de ‘‘déchoir’’ — était bien moins usité que maintenant. Il désignait à l’époque la quantité perdue, l’entropie (voir chapitre ‘‘Notion d’entropie’’) suite à l’emploi d’un produit. La notion de ‘‘déchet’’ n’existait pas, si bien que les ordures, gadoues ou raclasses étaient considérées comme des richesses. Il s’agissait là de reposoirs de détritus réutilisables pouvant être des mines de chiffons, d’os, d’azote, d’engrais utiles aussi bien à l’agriculture qu’à l’industrie. Les os de bœufs et de moutons ramassés dans les rues servaient ainsi à fabriquer des articles manufacturés tels que des peignes, manches, boutons…

Sabine Barles nous explique la notion de ‘‘métabolisme urbain’’ comme étant l’expression qui ‘‘désigne toutes les matières, toute l’énergie consommées par les villes, tous ces flux qui rentrent, qui sortent, qui sont indispensables à ce fonctionnement mais qui bien souvent se transforment en déchet.’’ 2 déchets recyclés

nourriture renouvelable

déchets organiques

entrants

VILLE TRANSPORTS

produits

pollution et déchets réduits

biens de consommation

À partir de la fin du XIXème, on ne se soucie plus du contenu des ordures qu’on commence à jeter dans les ‘‘boîtes’’ du préfet Poubelle. Cette évolution n’est pas seulement dûe à l’industrialisation mais aussi à cause d’un cloisonnement de plus en plus marqué entre l’agriculture et l’industrie. L’étalement urbain les éloigne l’une de l’autre et la découverte de nouvelles matières premières change la donne. C’est pendant l’entre-deux-guerres que le mot ‘‘déchet’’ commence à désigner l’inutile dont il faut se débarrasser à tout prix.

1.

11

Autrement dit, l’externalisation d’une partie de ce métabolisme urbain en dehors des villes est conséquence ‘‘d’une spécialisation sociospatiale et d’une séparation entre les activités de production alimentaire et les activités d’échange [...]’’.3 Mais les villes n’ont pas toujours été productrices de déchets, a contrario elles présentaient de véritables gisements de matière valorisable. Elle ajoute plus loin que ‘‘le métabolisme urbain, jusque-là partiellement circulaire, peut


désormais être qualifié de linéaire : la ville puise ses ressources dans la biosphère qu’elle lui restitue sous une forme dégradée.’’ 4

2.

L’enjeu que présente la pratique du réemploi réside dans l’identification d’une nouvelle source, d’un nouveau gisement de matière. Les mines de demain ne sont donc plus celles puisant des énergies fossiles mais bien celles les réemployant. On parlerait d’urban mining — mine urbaine — étendu aux métaux bien sûr, mais également à tout matériau présentant une richesse quelle qu’elle soit. Cela impliquerait un changement de statut: passant ainsi de métabolisme linéaire à circulaire. De nouveaux métiers émergeraient de cette mutation — du moins la redécouverte de ceux-ci ! — comme celui de ‘‘valoriste’’. Il se chargerait de ‘‘retaper’’ des objets du réemploi et de les revaloriser comme son nom l’indique. En effet, l’homologue du valoriste pourrait être celui qu’on appelait à l’époque le ‘‘chiffonier’’, ancêtre de l’éboueur, si ce n’est qu’il réutilisait les déchets. Historiquement, le recours aux déchets urbains pouvait se catégoriser en quatre gisements selon Sabine Barles 4:

• les vidanges, urines et excréments des citadins collectés dans les fosses d’aisance (réservoirs supposés étanches creusés sous les maisons ou dans les cours, qui reçoivent les matières issues des latrines sèches) périodiquement vidangées;

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• les boues, composées des ordures des citadins mélangées aux boues produites par les rues, alors rarement revêtues et à la surface desquelles se mêlent terre, eau de pluie, excréments animaux, résidus artisanaux divers : une fois par jour, les riverains sont tenus de déposer leurs ordures et de balayer devant leur porte afin de former un tas qui sera collecté par un tombereau un peu plus tard, après avoir été fouillé par un chiffonnier;

déchet évité

prévention

non déchet

réemploi

déchet

recyclage valorisation énergétique

• les fumiers - beaucoup d’animaux vivent en ville, en particulier des chevaux, mais aussi des vaches - et coproduits animaux issus des boucheries, puis des abattoirs lorsque ceux-ci sont implantés en milieu urbain, ainsi que des chantiers d’équarrissage destinés aux chevaux morts;

3.

élimination

Selon la loi du 15 juillet 1975, est considéré comme constituant un déchet ‘‘tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit, ou plus généralement tout bien meuble abandonné ou que le détenteur destine à l’abandon’’. 5 (article L.541-1-1 du Code de l’environnement)

• enfin les sous-produits du bâtiment et de la construction en général : salpêtre, gravats, tuiles, pièces métalliques. S’y ajoutent d’une façon générale tous les sous-produits de l’activité artisanale ou industrielle en plein essor. L’ensemble de ces matières forme les excrétas urbains, selon l’expression employée par les hygiénistes. Or aujourd’hui, les déchets listés ci-dessus sont majoritairement traités — éliminés ou au mieux recyclés — mais il est plus compliqué de basculer dans le ‘‘non déchet’’ ou ‘‘déchet évité’’ (cf schéma no3). Ils peuvent être distingués selon trois types : • les déchets inertes, • les Déchets Non Dangereux non inertes, résultant des Activités Économique — DNDAE — souvent appelés DIB — Déchets Industriels Banals • les déchets dangereux. 13

Cette définition est complétée par la notion de déchet ultime par la loi du 13 juillet 1992, disant que ‘‘résultant ou non d’un traitement d’un déchet, qui n’est plus susceptible d’être traité dans des conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux’’, et finalement précisée par la circulaire d’avril 1998 stipulant que ‘‘les déchets ultimes sont les déchets dont on a extrait la part récupérable ainsi que les divers éléments polluants comme les piles et accumulateurs.’’


Le gouvernement français a tenu à faire évoluer le statut de déchet afin de le valoriser au maximum. Le 10 février 2020 est parue une loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui tend à réduire les déchets du BTP. L’article 51 en décrit les termes ainsi : ‘‘Art. L. 111-10-4. — Lors de travaux de démolition ou réhabilitation significative de bâtiments, le maître d’ouvrage est tenu de réaliser un diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets issus de ces travaux. Ce diagnostic fournit les informations nécessaires relatives aux produits, matériaux et déchets en vue, en priorité, de leur réemploi ou, à défaut, de leur valorisation, en indiquant les filières de recyclage recommandées et en préconisant les analyses complémentaires permettant de s’assurer du caractère réutilisable de ces produits et matériaux. Il comprend des orientations visant à assurer la traçabilité de ces produits, matériaux et déchets. En cas d’impossibilité de réemploi ou de valorisation, le diagnostic précise les modalités d’élimination des déchets.’’ Puis plus loin dans l’article 54 : ‘‘Art. L. 541-44. — Dans le cadre d’un chantier de réhabilitation ou de démolition de bâtiment, si un tri des matériaux, équipements ou produits de construction est effectué par un opérateur qui a la faculté de contrôler les produits et équipements pouvant être réemployés, les produits et équipements destinés au réemploi ne prennent pas le statut de déchet.’’ 6

La matière transformée devient donc matériau, le matériau assemblé quant à lui est construction mais lorsque cette dernière est usée, détériorée, qu’elle n’est plus apte à remplir ses fonctions ou que l’utilisateur souhaite tout simplement la remplacer, la construction devient déchet. Fabriquer c’est user de l’énergie pour produire un objet, une construction. C’est aussi ‘‘produire de la mémoire’’7 matérialisée par des rayures, des indices, des traces du passé. Cette forme d’énergie concerne l’usage. Une autre est stockée sous forme d’entropie. NOTES 1. LEBRUN Jean, Depuis quand, les déchets ?, 01’27’’, France Inter, La Marche de l’Histoire , 27/03/2019. 2. BARLES Sabine In LEBRUN Jean, Depuis quand, les déchets ?, 03’25’’, France Inter, La Marche de l’Histoire , 27/03/2019. 3. BARLES Sabine. ‘‘Le métabolisme urbain’’, In ENCORE HEUREUX: CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.41. 4. Ibid. 5. ADEME, ‘‘Qu’est-ce qu’un déchet?’’, 30/01/2020. https://www.ademe.fr/entreprises-monde-agricole/reduire-impacts/reduire-cout-dechets/quest-quun-dechet 6. BELLOUBET Nicole, BORNE Élizabeth, BUZYN Agnès, DARMANIN Gérard, GIRARDIN Annick, GOURAULT Jacqueline, GUILLAUME Didier, LE MAIRE Bruno, MACRON Emmanuel, PHILIPPE Édouard, POIRSON Brune & RIESTER Franck. Loi no 2020-105 du 10 février 2020 relativeo à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, JORF n 0035, Legifrance, Paris, 11/02/2020, texte no1. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2020/2/10/TREP1902395L/jo/texte. 7. HUYGEN Jean-Marc. La poubelle et l’architecte : vers le réemploi des matériaux, Arles, Actes-Sud, Collection L’impensé, 07/2008, 183 pages, p.17. ILLUSTRATIONS 1. MONTEIL Camille. schéma d’après ROGERS Richard, Des villes durables pour une petite planète, 2008. 2. BONNEFRITE. Mine d’hier/mine de demain. 3. MONTEIL Camille. schéma d’après Zero Waste France, La hiérarchie des modes de traitement des déchets devant les juridictions : de l’incantation à l’application.

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Notion d’entropie

l’énergie nécessaire à sa fabrication, puis la restituer lors de sa fin de vie. Les opérations de traitement du matériau, devenu déchet, seront d’autant plus complexes que son niveau d’entropie sera élevé.

Plus les opérations nécessaires à la fabrication d’un matériau sont nombreuses et énergivores, plus le matériau gagnera en complexité. Ce phénomène peut se qualifier selon le terme d’ ‘‘entropie’’ qui décrit, en thermodynamique, le niveau de désordre d’un système.

Plus simplement, l’entropie correspond à la partie de l’énergie qui est définitivement perdue pendant une réaction chimique. Cette notion est aussi appliquée au métabolisme urbain et à cette idée de perte irrémédiable de la matière et d’énergie non recyclable. C’est le cas aujourd’hui des démolitions contrairement aux déconstructions sélectives. Ainsi, le réemploi se trouve être un bon compromis pour pallier ce phénomène, en effet ‘‘ce gaspillage organisé participe activement à l’entropie, la lente et irrévocable dispersion des énergies et des matières, et même à son accélération.’’ 2

1.

énergie

entropie

Introduit en 1865 par Rudolf Clausius à partir d’un mot grec signifiant ‘‘transformation’’, il caractérise le degré de désorganisation ou d’imprédictibilité du contenu en information d’un système,1 sur les plans micro — moléculaire — et macroscopique — trou noir. Tout matériau, tout système, va donc stocker sous forme d’entropie une partie de

matériau

objet construit

objet obsolète ou usé

NOTES 1. FUTURA SCIENCES. définition de l’entropie. https://www.futurasciences.com/sciences/definitions/physique-entropie-3895/ o

2. DEVLIEGER Lionel. ‘‘L’architecture à l’envers’’, Criticat, n 18, 10/2016, pp.90-101, p.94. SCHÉMAS de Camille MONTEIL, d’après : 1. HUYGEN Jean-Marc. Transformation de l’énergie en entropie. 2. HUYGEN Jean-Marc. Réemployer : utiliser l’énergie disponible dans l’univers.

réemploi

objet recyclé

objet construit

objet obsolète ou usé

2.

15


Freins au développement de cette filière Au fil de mes lectures, j’ai relevé plusieurs freins notables quant à la pratique du réemploi de nos jours. Une étude a été réalisée pour le compte de l’ADEME à des fins d’ ‘‘Identification des freins et des leviers au réemploi de produits et matériaux de construction’’ 1 en avril 2016 comme suit: BÂTIMENT catégorie technique

juridique

économique

environnementale et sanitaire

acteurs

TRAVAUX PUBLICS freins

catégorie

qualification et évaluation des performances techniques des matériaux et produits de réemploi

juridique

• statut de déchet • statut juridique du don, de la mise à disposition • décennale, dommage • marquage CE des matériaux • garantie ‘‘produit’’

économique

• marché peu développé, demande faible • adéquation offre/demande • élégibilité aux aides financières étatales

environnementale et sanitaire

• déclaration des performances environnementales et sanitaires des produits de construction des ouvrages • substances dangereuses réglementées • qualité de l’air intérieur

acteurs

• prise en compte du réemploi dans le processus courant de conduite d’opération • pratiques sur les chantiers

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freins • évolutions réglementaire et statut de déchet • responsabilité civile professionnelle, décennale

compétitivité des matériaux de réemploi

• définition des conditions d’acceptabilité environnementale des terres • risque de présence d’amiante dans les enrobés

• organisation de la commande publique et privée • entreposage sur/hors site • défiance des acteurs vis-àvis des produits de réemploi • nuisances supplémentaires pour les riverains proches des chantiers


L’aspect normatif est de loin le plus contraignant. Même si les plateformes de distribution ou les ressourceries dédiées aux matériaux de réemploi peinent à s’approvisionner en grande quantité, le souci premier est lié au déficit de garantie ou de protection décennale.

De plus, les projets de loi se multiplient afin de respecter les objectifs imposés par la FREC — Feuille de Route de l’Économie Circulaire. En voici leurs mesures phares concernant le BTP2:

• Revoir le fonctionnement de la gestion des déchets du bâtiment pour lutter contre la mise en décharge et permettre leur recyclage : l’instauration d’une filière de responsabilité élargie du producteur appliquée aux déchets du bâtiment est l’une des solutions qui sera étudiée pour parvenir à la gratuité de la reprise de ces déchets.

En outre, on ne peut attendre des lois qu’elles soient prospectives. Elles ont souvent — voire toujours — été en retard sur notre société et s’adaptent aux besoins de celle-ci. Ceci dit, la législation bouge, et elle bouge vite ! Aujourd’hui les projets pratiquant le réemploi sont bien souvent à la limite de la légalité et doivent user de stratagèmes pour détourner les lois. Demain, ces pratiques seront certainement la norme. Les produits de réemploi peinent à se faire une place auprès des professionnels par crainte de ne pas être couverts par la garantie décennale du matériau — ce dernier ayant déjà servi un certain temps.

• Revoir en profondeur sur le dispositif actuel du diagnostic déchets avant démolition pour en faire une base solide et efficace pour les démarches ultérieures de réemploi et de valorisation des maté- riaux et déchets de chantiers. • Pour favoriser le réemploi dans la construction, développer avec les acteurs du secteur des guides techniques permettant la reconnaissance des performances techniques, sanitaires et environnementales des matériaux réutilisés.

Cependant, le succès de l’exposition Matière Grise du collectif Encore Heureux — qui s’est tenue en 2014 au Pavillon de l’Arsenal à Paris — montre l’intérêt que les politiques portent à cette filière. La visibilité de ce lieu par les professionnels est aussi liée au fait qu’Anne Hidalgo — Première Adjointe au Maire de Paris, chargée de l’architecture et de l’urbanisme — en soit la présidente. Le gouvernement tend donc vers une normalisation de la pratique du réemploi.

NOTES 1. ADEME, Identification des freins et des leviers au réemploi de produits et matériaux de construction, synthèse d’étude, no de contrat : 1506C0024, 04/2016, 13 pages, pp.7-8. 2. Ministère de la Transition écologique et solidaire. Feuille de Route Économie Circulaire (FREC), dossier de presse, 23/04/2018, 11 pages, p.9. www.ecologique-solidaire.gouv.fr/feuille-routeeconomie-circulaire-frec

17


1.


Le matériau au centre de la conception Le réemploi place le matériau tangible, concret, au centre de la conception. Sa nature, ses caractéristiques propres, intrinsèques, individuelles, particulières liées à son état d’usure sont à prendre en compte au plus tôt dans le processus. Il est primordial d’anticiper l’approvisionnement en matériaux sur un chantier en cours ou, dans le meilleur des cas, un futur chantier. En connaître la quantité et la disponibilité sur une temporalité donnée est indispensable à son bon déroulement.

enjeux de résilience. On préférera le terme ‘‘résilience’’ à celui de ‘‘développement durable’’, oxymore devenu obsolète selon Meadows : ‘‘Il n’y a pas de développement durable. Dans les années 1970, il était sans doute possible d’imaginer un développement durable, parce qu’il était encore envisageable de croître. Mais maintenant il va nous falloir décroître, et dans ces conditions, ce que nous disons en utilisant l’expression ‘‘développement durable’’ relève du fantasme et ne peut constituer une base utile pour projeter. [...] Ce terme [résilience] est bien plus concret et scientifique, et peut se décliner à n’importe quelle échelle, de l’individu au pays.’’ 2

Le réemploi implique à la fois une complexité liée à la réalité du matériau que nous venons d’évoquer, mais aussi à celle de l’élargissement des acteurs nécessaires à l’obtention de ce matériau à l’instar de la nouvelle relation entre l’architecte et le démolisseur, ou encore entre l’architecte et l’éboueur.

La résilience — capacité d’adaptation d’une population face à des perturbations internes ou externes — peut s’appliquer à l’architecture. Dans un contexte de crise économique permanente couplée à la transition écologique drastique vers laquelle nous tendons, la résilience parle de la façon dont les systèmes peuvent s’adapter et prospérer dans des circonstances changeantes. A contrario, le développement durable se concentre sur le maintien du statu quo d’un système en contrôlant l’équilibre entre production et résultats. Il ne considère pas nécessairement les facteurs de changement et de déséquilibre ou encore d’imprévisibilité — stock, chantier, apport, quantité...

Le réemploi interroge la pérennité de l’édifice et sa réversibilité. L’appréhension du cycle de vie d’un matériau est à étudier dès sa conception. On parle alors de cycle court et fermé, concept labellisé sous l’appellation cradle to cradle1 — C2C — ‘‘du berceau au berceau’’ plutôt que cradle to grave, ‘‘du berceau à la tombe’’ (production — consommation — destruction). Le monde professionnel de la construction doit faire preuve d’une véritable responsabilité collective face aux 19


Le processus de résilience est adaptable et transformable, et induit un changement qui offre un grand potentiel pour repenser les bases et construire de nouveaux systèmes. Le réemploi entre dans la lignée de cette philosophie et sa mise en place soulève des interrogations liées à ces enjeux.

‘‘Elles [ces interrogations] font apparaître la nécessité de bâtir de nouveaux modèles de conception basés d’une part sur une meilleure collaboration entre les acteurs du projet, d’autre part sur une meilleure participation des usagers aux processus décisionnels.’’ 3 Nous verrons en quoi un changement de paradigme est nécessaire, de la conception à la réalisation d’un projet d’architecture. En troquant le processus de conception traditionnel pour une approche plus holistique, nous tenterons de comprendre — par le prisme de concepts écologiques tels que les 3R ou 3S — quelles en sont les mutations.

2.

NOTES 1. MCDONOUGH William & BRAUNGART Michael. Cradle to Cradle : créer et recycler à l’infini, Éditions Alternatives, Gallimard, Manifestô, 20/02/2011, 240 pages. 2. MEADOWS Dennis. Préparer les villes à l’après-pétrole, traduction et retranscription de la conférence intitulée Preparing Cities for the Age of Declining Oil prononcée le 24/11/2011 à l’EAVT de Marnela-Vallée, parue dans ALONZO Éric (dir.) & MAROT Sébastien, Marnes, volume 4, Editions Parenthèses, 11/2016, 480 pages, p.38.

Quelles seraient les nouvelles responsabilités de l’architecte face à une décroissance imminente ? Quels seraient les nouveaux schémas de conception collaborative ou co-conception ? Comment combiner et coordoner dans un même temps le dessin d’architecture à son chantier respectif ?

3. TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, pp.56-57. ILLUSTRATION 1. IMGBIN. Architectural Engineering Building Construction. 2. BONNEFRITE. Plus de matière grise.

20


Le concept des ‘‘3R’’

Solidaire enfin, en reconsidérant tant les filières de production des matériaux que celles des mises en euvre pour réapprendre le juste prix des choses et du travail humain.’’ 2

La règle des 3R — initiée par l’agence de protection de l’environnement au ÉtatsUnis — englobe ces mesures :

Parmi ces principes, le réemploi de matériaux et de composants du bâtiment représente une opportunité encore sousexploitée qui doit conduire à réduire les déchets. Pourtant, il en est la priorité puisqu’il s’agit d’un procédé préventif, en amont de la création de déchets.

Réduire, Réutiliser, Recycler. — Réemploi, Réutilisation, Recyclage —

‘‘Réduire la consommation, la première et la plus importante de nos actions pour l’environnement: faire de l’architecture avec moins de matière, en utilisant moins d’énergie, donc en mobilisant plus d’intelligence. Réutiliser ce qui est déjà là, ce que nous avons déjà produit. Recycler les produits de démolition en récupérant la matière pour produire à nouveau de la forme.’’ 1

NEUF

RÉEMPLOYÉ

SECONDE MAIN

RECYCLAGE

Mais selon ce même auteur — Patrick Pérez — , il semblerait que ces principes seuls soient insuffisants. Il complète donc ce concept par celui des 3S : Situé, Sain, Solidaire.

‘‘ Situer la source, en cherchant un approvisionnement en circuit court, local, utilisant des ressources du territoire proche (et renouvelables de préférence). Sain, parce que les ressources doivent être saines dans leur composition, leur production et leur utilisation.

RÉEMPLOI

NOTES

RÉUTILISATION

VALORISATION

COLLECTE

1.

1. PÉREZ Patrick. ‘‘50 000 ans de maisons pour rien’’ In ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.28. 2. Ibid. SCHÉMA DE PRINCIPE 1. BELLASTOCK. Le réemploi, un maillon entre réutilisation et recyclage.

21


Décroissance & responsabilité de l’architecte Nous avons vu que la TRI — Troisième Révolution Industrielle — serait celle, non plus de la croissance, mais bien de la décroissance. Edgar Morin va plus loin dans la définition de la croissance actuelle qu’il qualifie comme étant ‘‘[...] exponentielle, la chose qui évidemment tend vers l’infini et vers l’explosion.’’ 1 Afin de pallier cette crise de l’énergie et de la matière qu’Ivan Illitch qualifie ‘‘d’euphémisme qui masque une contradiction inhérente au fait de vouloir atteindre à la fois un état social fondé sur la notion d’équité et un niveau toujours plus élévé de croissance industrielle.’’ 2, nous allons voir en quoi l’architecte peut œuvrer en ce sens. La société de surconsommation dans laquelle nous évoluons en ce moment ne peut continuer à croître dans une logique de ‘‘produire — consommer — jeter’’. Plus loin dans sa réflexion, Illitch incite à identifier ce qu’il appelle le ‘‘seuil de désintégration’’, autrement dit ‘‘déterminer le seuil d’énergie au-delà duquel s’exerce l’effet corrupteur, et le faire dans un processus politique associant la population.’’ 3 Or, nous avons vu que le BTP est un des secteurs les plus gourmands et polluants sur Terre. Il est de la responsabilité de l’architecte de repenser sa manière de concevoir et de construire.

‘‘Si l’on prend comme principe qu’il faut toujours en faire le moins possible, non par paresse, mais pour ne plus gâcher, et si l’on a par exemple un trou à son pullover, est-ce qu’il vaut mieux le repriser ou le jeter? Le repriser, c’est se l’approprier, agir sur un produit L’Architecture est un vêtement que l’on n’a pas fait, c’est que l’on enfile à plusieurs. le transformer Martin Veith — 2014 pour le personnaliser, réparer plutôt que détruire, transformer sans cesse, agir concrètement sur son milieu. Quand j’achète un pull-over, il m’appartient, et pourtant il a été fabriqué à des milliers d’exemplaires. Il devient mon pull-over parce qu’il prend mon odeur, il est rangé avec mes affaires, il fait parti d’un ensemble. Comme je le porte, il va s’user avec mon corps, à ma forme, et ainsi, d’un produit standardisé, je fais un produit personnalisé. [...] Si l’on était dans une logique d’en faire le moins possible, on serait respectueux de l’usure du temps en le gardant comme trace qui a été personnalisé par l’usage, et on le transformerait pour qu’il soit plus conforme à un nouvel usage, sans rien annuler. Transformer, c’est accompagner les choses dans le temps avec respect, douceur et tendresse.

22


Après avoir tellement construit et consommé de matière, arrive le moment où l’on va devoir recycler plutôt que jeter.’’ 4 Cette métaphore de Patrick Bouchain illustre la philosophie du réemploi mais aussi cette notion d’empathie de l’architecte face à un objet architectural ayant un vécu, une usure du temps, qui témoigne d’une époque révolue. Il n’est pas le seul à partager cette opinion lorsque Stéphane Gruet — architecte et docteur en philosophie — parle de la mémoire collective. Dans son texte ‘‘C’est avec des mots que l’on fait un poème’’, il convoque la responsabilité de l’architecte dans sa conception du projet qui se devrait de garder une trace de l’histoire du site. Par l’emploi de matériaux revalorisés empreints du temps qui passe, l’édifice exprime une matérialité, une histoire et dialogue avec son contexte. Le champ lexical du langage qu’il emploie pour décrire l’architecture prend alors tout son sens, car elle est considérée comme un support et un moyen de communication universel.

‘‘[…] ce qu’il nous faut alors préserver et réemployer, ce sont ces éléments épars d’une mémoire incarnée de notre histoire commune, partout présente et toujours renouvelée, comme les mots d’une langue dont l’origine se perd dans la nuit des temps avec lesquels sans cesse nous contons de nouvelles histoires.’’ 5

Il ressort de ce texte l’idée d’une réinvention de la modernité expérimentée par un retour à la Nature, à un ‘‘art brut’’. Faisant écho au travail de Charlotte Perriand et Fernand Léger, il (re)qualifie la valeur des choses et des matériaux dits ‘‘naturels’’— que Le Corbusier appelait ‘‘objets à réaction poétique’’ — tout en dénonçant une société consumériste. Comme le disait également Pierre Von Meiss, les matériaux sont ‘‘porteurs de potentiels poétiques issus de l’histoire des technologies et notre culture de bâtir. [...] [L’enjeu étant d’] [interroger] les matériaux sur leurs désirs : potentiel de structure, potentiel de mise en œuvre, potentiel de reVous ne pouvez échapper à la 6 responsabilité de demain en vous vêtement.’’ Au-delà de dérobant à celle d’aujourd’hui. l’intérêt écologique de Abraham Lincoln la remise en place de la pratique du réemploi aujourd’hui, on y voit à travers ces écrits une considération qui dépasse cette dimension purement environnementale. Leur vision du matériau ‘‘[...] comme un souvenir enfermant une garantie de renouveau : inséparablement témoignage du passé et guide pour le futur.’’ 7 inspire l’idée que le temps et la patine qu’il laisse comme trace aspire à être une plus-value dans le projet d’architecture. Le devoir de mémoire du lieu et du temps est une des responsabilités de l’architecte, qui ne peut actuellement avoir recours à la tabula rasa. 23


En réponse à la vision postmoderne engendrée par l’industrialisme, le capitalisme et les lobbies, l’architecte contemporain doit proposer une véritable redéfinition de la valeur temporelle et artistique de la matière, en remettant en question les nouveaux modes de construction. Alors, le rôle de l’architecte n’est plus uniquement de réemployer dans le but de revaloriser les matériaux mais bien de communiquer, diffuser cette pratique, par l’expression de la matérialité du bâti, à des fins de sensibilisation au gaspillage. Dans l’article 8 du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et et à l’économie circulaire, le gouvernement d’Édouard Philippe impose d’ailleurs à certaines entreprises la réglementation suivante : ‘‘Art. L. 541-10. – I. – En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation par voie réglementaire à toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication, dite producteur au sens de la présente sous-section, de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent ainsi que d’adopter une démarche d’éco-conception des produits, de soutenir les réseaux de réemploi et de réparation, tels que ceux gérés par les entreprises de l’économie sociale et solidaire ou favorisant l’insertion par l’emploi, et de développer le recyclage des déchets issus des produits.’’ 8

Ce principe veut que certaines entreprises reversent une éco-contribution sur chaque produit pour financer le coût de la gestion de sa fin de vie. Mais il est vrai qu’il ‘‘suffirait’’ d’en allouer une part aux activités du réemploi solidaire, moins formel, contribuant précisément à en prolonger la durée de vie. C’est à cet instant que l’architecte peut solliciter le réemploi comme un outil permettant de réinterroger la déontologie des pratiques architecturales, mais aussi l’application des lois gouvernementales en les aiguillant dans leurs décisions. La responsabilité de l’architecte réside aussi dans son rôle fédérateur et médiateur des acteurs du projet, dans leur mise en relation. NOTES 1. COMBIS Hélène. ‘‘Edgar Morin : La croissance exponentielle tend vers l’explosion’’, 02/08/2017, France Culture. www.franceculture.fr/ environnement/edgar-morin-la-croissance-exponentielle-ce-quievidemment-tend-vers-linfini-et-vers 2. ILLICH Ivan. Une illusion fatale, publié le 05/06/1973 sous le titre général ‘‘Energie, vistesse et justice sociale’’, Le Monde, réédité en 2014, Paris, Éditions du Linteau, 17 pages, p.5. 3. Ibid. p.12. 4. BOUCHAIN Patrick. Construire autrement, comment faire ? , Arles, Actes-Sud, Collection L’impensé, 09/2006, 190 pages, pp.56-57. 5. GRUET Stéphane. ‘‘C’est avec des mots que l’on fait un poème’’ In ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, pp. 33-34. 6. VON MEISS Pierre. De la forme au lieu + de la tectonique, une introduction à l’étude de l’architecture, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2012, 384 pages, p. 247. 7. RYKWERT Joseph. La maison d’Adam au paradis, Traduit par LOTRINGER Lucienne, Éditions du Seuil, Collection Espacements, Paris, 1976, 253 pages, p.231. 8. PHILIPPE Édouard, POIRSON Brune & DE RUGY François. Projet de loi (procédure accélérée) relatif oà la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, Pub. L. n 660, 2019, 266 pages, p.30.

24


Mutation du cerveau de l’architecte La question de l’approvisionnement en matériau entraîne des variantes dans le processus de conception — méthodologies et outils — mais également dans la mise en relation des multiples acteurs autour du projet d’architecture.

Considérer la conception comme un processus organisationnel nous amène à nous interroger sur la nature et la portée des échanges entre chacun des acteurs du projet. Nous parlions plus haut de la complexité liée à cette pratique qu’est le réemploi. En somme, l’architecte-concepteur enclin à ce procédé doit ‘‘accepter la complexité d’une situation réelle’’,1 c’est-à-dire accepter les enjeux qu’implique la résilience en la considérant comme ‘‘une éthique, un engagement personnel et collectif dans l’action, nourri des valeurs d’une communauté complexe.’’ 2

L’enjeu de ce chapitre est alors de comprendre comment et en quoi le réemploi engendre non seulement une mutation des cerveaux, mais également la redéfinition du rôle des acteurs du projet. Pourrait-on ainsi parler de la mise en place d’un ‘‘cerveau collectif’’, de cette ‘‘matière grise’’ commune mise au service du projet d’architecture ? Afin d’éclairer ces réflexions sur le renouvellement profond de ce processus de conception et de ses évolutions, j’ai choisi de m’appuyer principalement sur l’ouvrage de Jean-Jacques Terrin — architecte et docteur en architecture — intitulé Conception collaborative pour innover en architecture: processus, méthodes, outils.

Cette complexité connexe aux conditions du réemploi engendre un processus de conception traduit par ‘‘un acte d’intelligence laborieux et collectif, contrairement à l’acte de création, plus individuel et spontané.’’ 3 Le rôle de médiation et de fédération de l’architecte se fait sentir non seulement matériellement mais aussi humainement. Il convainc, sensibilise à la pratique du réemploi, encourage la transmission de savoir-faire, mais aussi de savoir-être, enfin incite au partage et à l’échange.

1.

25


concevoir

2.

savoir-faire spécifique communication

mise en commun et gestion de l’information

savoir

pouvoir

savoir-faire spécifique

savoir-faire spécifique

communication

communication

Concepteur comme ‘‘anticipateur’’ du projet par l’ingénuosité du dessin — types d’assemblages, systèmes constructifs ... — il peut déjà penser le possible démantèlement de l’édifice. Autrement dit, il anticipe la déconstruction par la construction en envisageant sa réversibilité potentielle. Lors de la conception, l’architecte choisit entre reproduire un modèle normé et normatif ou bien suivre une méthode

heuristique, plus empirique. La force de cette méthode demeure dans la conjonction du partage de savoirs et de savoir-faire, et des interactions générées par cette mise en commun. Le partage et la communication de ces connaissances devient une force motrice du projet (voir schéma ci-dessus). Il esquisse d’ores et déjà les prémices d’un schéma organisationnel proche de la démarche BIM. 26


La force de frappe de cette conception collaborative permettrait à l’architecte de consulter et réquisitionner les savoir-faire spécifiques des artisans et autres déconstructeurs sur une opération de réemploi. Nous sommes amenés à requestionner la hiérarchie dès la conception puis plus tard sur le chantier. Il s’agit bien — comme l’écrit Jean-Marc Huygen — de ‘‘mettre en commun des intérêts et des compétences divers, trouver un consensus ou pratiquer le compromis [...] [La hiérarchie] qui, de verticale dans l’architecture conventionnelle, devient horizontale : dès le début, chaque membre du groupe interdisciplinaire participe à égalité dans la conception/construction.’’ 4

dans Oppression et liberté en ces termes : ‘‘Par opposition, le seul mode de production pleinement libre serait celui où la pensée méthodique se trouverait à l’œuvre tout au cours du travail. [...] il faut que le travailleur soit obligé de toujours garder présente à l’esprit la conception directrice du travail qu’il exécute, de manière à pouvoir l’appliquer intelligemment à des cas particuliers, toujours nouveaux...’’ 5 À travers cette recherche, nous avons constaté que le réemploi révolutionne l’architecture, dans sa pratique, sa conception, la réalisation et le rapport à la matière. Le décloisonnement des professions et l’abolition de la hiérarchie pyramidale redéfinissent tant les relations et l’élargissement du nombre d’acteurs que la temporalité du projet. Cette complémentarité et cette synergie idéale sont un modèle de réussite à la mise en place du réemploi dans la (dé)construction.

Prenant le matériau de réemploi comme point de départ de la conception, celle-ci relève plutôt de l’expérimentation et du bricolage au premier abord. Encore à ses balbutiements, le réemploi invite fortement à faire cette gymnastique mentale, jonglant entre la théorie et la pratique, entre le savoir, le faire, et le savoir-faire. Pour aller plus loin, Patrick Bouchain va jusqu’à encourager celui qui est aux commandes — sous-entendu l’architecte, du moins en tant que coordinateur du chantier — à lâcher du lest. Laisser faire et faire-faire. Il s’agit de faire confiance aux compétences des compagnons, à leur capacité d’adaptation, mais aussi d’accorder une certaine liberté dans leur rythme et leur manière de faire. Il cite par ailleurs Simone Weil

Les allées et venues permanentes entre le concret et l’abstrait, le dessin et le chantier, nous renvoient au premier chapitre de ce mémoire sur la Redécouverte du réemploi : d’une pratique courante à une utilisation sporadique. Il se référait au modèle d’organisation historique de la construction médiévale. Création et construction ne faisaient qu’un, on ne dissociait alors pas la main du cerveau. Jean-Pierre Boutinet expose ce système de conception traditionnelle en ces mots : 27


‘‘Le dessein de la conception doit se matérialiser dans un dessin de la réalisation, lequel va modifier, corriger le dessein initial, le dernier conduisant à une nouvelle concrétisation.’’ 6 Jean-Jacques Terrin qualifie ce système de ‘‘linéaire et itératif’’ 7 qui maintenant est une méthode obsolète, car on parlerait davantage de boucles ou de circuits que de linéarité.

NOTES

Cependant les chantiers médiévaux — du temps où le ‘‘triptyque’’ plan/ coupe/élévation n’était pas un support de prédilection du projet — étaient plus pédagogiques et didactiques. Les bâtisseurs tenaient des répertoires ou fiches techniques tels des guides de construction. Il existait déjà à l’époque une volonté d’instruire et de transmettre ses connaissances à autrui. ‘‘[...] les documents graphiques ou littéraires qui décrivent des processus constructifs sont plus anciens, comme en témoignent les carnets de Villard de Honnecourt qui datent du XIIIème siècle. Comme l’explique Roland Bechmann, Villard ne cherche pas à faire un relevé absolument fidèle mais à composer un recueil didactique, un guide de construction ; il veut se constituer un catalogue de modèles à reproduire.’’ 8

3. TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, p.26.

1. TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, p.26. 2. MEDEC Philippe In TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, p.49.

4. HUYGEN Jean-Marc. ‘‘Réemploi et artisanat’’ In ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.156. 5. WEIL Simone In BOUCHAIN Patrick. Construire autrement, comment faire ? , Arles, Actes-Sud, Collection L’impensé, 09/2006, 190 pages, p.95. 6. BOUTINET Jean-Pierre In TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, p.65. 7. TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, p.65. 8. Ibid, pp.87-88.

Le chantier alimente ainsi le dessin, et il est vrai que chaque projet présente ses spécificités, surtout sur une opération de réemploi qui a une dimension beaucoup plus imprévisible qu’un chantier traditionnel. L’architecte peut proposer des astuces ou modèles découlants de son expérience sur le terrain face à une situation particulière.

ILLUSTRATIONS & SCHÉMAS

1. BONNEFRITE. Cerveau Collectif. 2. MONTEIL Camille d’après TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, p.60.

28


Le principe de ‘‘dessin-chantier’’, dessein du réemploi ? particulière de production de l’architecture. Lieu et moment : le chantier se caractérise effectivement autant par la position qu’il occupe dans l’espace que par son déroulement dans un continuum marqué par une ‘‘ouverture’’ et par une ‘‘fin’’ : la réception des travaux.’’ 1 On trouve une corrélation entre ces deux aspects du projet d’architecture — le dessin et le chantier — décortiqués par Simonnet.

À l’instar de Jean-Jacques Terrin et de sa redéfinition du duo d’acteurs ‘‘conception/réalisation’’, nous poursuivrons avec l’analyse d’un texte de Cyrille Simonnet, Dessin-chantier. Réflexions sur la genèse de l’œuvre architecturale.

‘‘Le moment essentiel de la création architecturale est celui du projet. Que dire alors de cet autre moment qu’est le chantier? Le chantier demeure le lieu où s’éprouve la faisabilité du projet. Il n’est pas pour autant un laboratoire, pas plus que le projet (dessiné ou non) ne représente un protocole d’expérimentation. Qu’est-ce que le chantier de construction? Un lieu — un site — et un moment de la production de l’édifice. C’est d’ailleurs cette relation entre localisation et durée qui spécifie la forme

1.

29


demeurent des processus, ils se dépassent dans l’achèvement de l’édifice, mais se perpétuent dans leur permanence opératoire.’’ 2

Dans ce texte, l’auteur développe cette dualité dessin/chantier comme étant un double processus qui engendre le projet d’architecture. Il distingue ces deux moments — celui de sa conception (individuelle) et celui de son exécution (collective) — tout en posant la nature de leur relation et interopérabilité. Cependant, la doxa du monde de la construction dirait que le dessin précède le chantier, souvent esquisse ou artifice de création et de communication visant à instruire ou concourir, mais aussi à informer les entreprises et leurs sous-traitants sur le chantier lors de la réalisation.

2.

Cette complémentarité du geste concepteur avec le geste constructeur et leur interdépendance exprimée dans ce texte, remet en perspective la vision plus traditionnelle — académique — de la temporalité du projet d’architecture. Ainsi, je complèterai les dires de Cyrille Simonnet avec une citation de Franz Graf sur l’étude monographique qui ‘‘privilégie le chantier comme événement constructif et analyse, toujours à partir de la substance bâtie comme document, le projet d’architecture et sa mise en place, l’apport de l’ingénieur et le savoir-faire de l’entreprise. L’étude monographique prend corps dans un processus de déconstruction-décomposition en sous-systèmes constructifs jusqu’aux matériaux qui les composent, puis reconstruction-recomposition en systèmes constructifs par simulation des opérations de chantier, selon une méthodologie désormais éprouvée.’’ 3

Or, on pourrait penser que le chantier engendre le projet, et que le dessin engendre le chantier. Lors de la phase constructive de ce dernier, il est souvent impossible d’être fidèle au dessin initial à cause des aléas du chantier, parfois même des savoir-faire, du budget, ou d’approvisionnement. La génétique de l’édification est à double entrée. ‘‘Cette symétrie peut s’appeler une dialectique, les deux moments antagoniques

Le chantier est alors un laboratoire d’expérimentations ainsi qu’une leçon d’architecture à proprement parler, et c’est par son analyse méticuleuse que se dessine ses traits de construction... ou de déconstruction. Lors de la conférence tenue en vue de l’exposition Matière grise au Pavillon de l’Arsenal en 2014, l’un des intervenants — Jan Jongert — cite Wang Shu en ces termes: 30


‘‘On devrait faire le parallèle avec les étudiants en médecine et voir le chantier comme une opération chirurgicale, faisant une dissection mentale du bâtiment.’’ 4 Pour rester dans le champ lexical de la médecine, ‘‘extraire des parties d’un édifice en fin de parcours, c’est identifier les entités qui, une fois détachées de l’ensemble, seront dotées des meilleures chances de survie individuelle. Comme en chirurgie, il importe de savoir quel périmètre donner au pointillé de découpe.’’ 5

Il est compliqué de savoir aujourd’hui, de façon certaine et précise, la nature, la qualité ainsi que la quantité de matière d’un tel gisement. De même que lors de la conception du projet et de son esquisse, il serait judicieux de considérer les futurs chantiers de déconstruction alentours et d’intégrer cette part d’imprévisibilité à ce processus. Wang Shu6— architecte chinois de renommée mondiale que nous avons déjà évoqué — est le partisan par excellence de cette liberté dans le dessin projectuel. Il laisse une part de créativité aux compagnons qui participent pleinement à l’expressivité du projet dans sa mise en œuvre et sa matérialité. 3. L’exemple le plus marquant de son travail — qui lui a valu le prix Pritzker 2012 — est celui de la façade du Musée d’Histoire de Ningbo (MHN), en Chine en 2008. N’ayant pas dessiné de plan de calepinage de la façade, il a délégué le dessin de celle-ci aux ouvriers chargés de cette tâche, directement sur chantier, in situ, et ce de manière aléatoire. Nous parlions plus haut du devoir de mémoire du site dont la pratique du réemploi devient évidente. C’est donc avec des matériaux low-tech (briques, ardoises, tuiles, pierres...) que s’est dessinée cette façade, en se construisant, élément

Cette façon de penser le projet de (dé)construction dépasse cette vision biaisée de la chronologie linéaire et systématique ‘‘dessin-chantier’’. Elle encourage au contraire à percevoir le projet et son dessin par le spectre du chantier en procédant par une gymnastique mentale de découpage, d’éclaté virtuel du bâtiment. Nous verrons plus tard comment l’outil numérique participe à cet exercice et en facilite l’usage par son utilisateur. Et si les deux ‘‘étapes’’ du processus de conception pouvaient s’alimenter l’une et l’autre ? La pertinence de cette approche de Simonnet pourrait parfaitement être transposable aux attentes et exigences imposées par l’utilisation de matériaux de réemploi. En ce sens, le dessin ne se suffirait plus à lui-même, cet outil anticipateur étant en contradiction avec les aléas d’un chantier de déconstruction. 31


par élément, grâce à l’utilisation de matières présentes sur site et dans des gisements voisins. À l’instar de Cyrille Simonnet — dans la théorie — et Wang Shu — dans la pratique — Patrick Bouchain partage cette philosophie de travail lorsqu’il écrit : ‘‘Il est difficile de laisser venir le non-voulu dans un projet. Cela peut néanmoins arriver si les documents indiquent le sens et non la forme de la construction [...] On peut aussi transmettre un dessin fait à la main, plus proche de la main de l’homme qui réalise. [...] Il s’agit de montrer pour transmettre, d’indiquer ce que sera la construction, et non d’illustrer le projet architectural, car il est impossible de représenter quelque chose qui n’est pas représentable autrement que par la construction.’’ 7 puis plus loin : ‘‘Tout mon travail est d’introduire l’interprétation, le non-voulu et l’inattendu dans la réalisation d’un projet, et cela au moment du chantier, car l’architecture n’existe que quand elle est matérialisée pas sa construction. Avant, elle est image. Il faut permettre à ceux qui construisent de laisser la trace de leur sentiment et c’est cette charge émotionnelle qui va redonner de l’enchantement à l’architecture qui sera alors chargée de la substance de ceux qui l’ont réalisée.’’ 8

Le dessin ne serait alors qu’un instrument de communication, un outil visuel et informatif sur lequel s’appuyer pour construire mais sans que ce document ne soit d’une rigidité absolue. Cet esprit collaboratif qu’arborent ces architectes est d’autant plus riche qu’il ne s’agit plus de commander par le dessin un projet mais de laisser une part de hasard à d’éventuelles modifications sur le chantier. Le chantier devient ainsi un lieu d’expérimentation et d’application des compétences des compagnons. Cette approche non-linéaire du phasage du projet est d’autant plus intéressante qu’elle implique tous les corps de métier dans la co-conception et le travail collectif pour résoudre d’éventuels problèmes constructifs maître d’ouvrage maître d’œuvre

phase de conception L’idée ou le besoin : diagnostic matériaux répertorier & quantifier diagnostic ressources Étude de faisabilité

32

4.

Lister les possibilités : • de réemploi • de réutilisation • de valorisation Diagnostic ressources


et faire face à des situations — de prime abord indésirables.

opération. C’est là qu’interviennent les logiciels de modélisation comme le BIM — Building Information Modelling — mais nous y reviendrons par la suite.

Ci-dessous, voici une proposition de phasage du projet avec intégration du réemploi faite par Envirobat Grand Est — en partenariat avec Bellastock notamment — qui illustre bien que le réemploi est à prendre en considération dès l’étude de faisabilité, donc dès la conception.

En effet, la mise en commun des données est la clef du bon fonctionnement d’un projet, davantage lorsqu’il s’agit de réemploi. Ce dernier nécessite une préparation en amont d’autant plus importante. La bonne connaissance des matériaux de récupération est primordiale et oblige une rigueur dans leur catégorisation et leur technicité. Pour cela, un diagnostic des matériaux et un répertoriage méthodique et systématique ainsi qu’un inventaire pour en connaître les quantités facilitent le bon approvisionnement sur chantier. Ce stock pourrait aussi

Un chantier favorisant le réemploi doit ainsi faire coïncider ‘‘l’organisation productive et la forme anticipée de l’œuvre’’ 9. En d’autres termes, tous les acteurs doivent faire preuve de prospection dans leur domaine respectif afin de coordoner une telle

entreprises

préparation Intégration du réemploi : • dans le projet • dans le CCTP Étude d’exécution

Recherche : • de gisement • de filières Convention de don Contrat de cession

phase réalisation L’action : • déposer • déconstruire • collecter • reconditionner • fiabiliser

33

Finalisation : • réemploi • réutilisation • valorisation


bien servir sur place ou être livré à autrui.

variable qu’il faut maîtriser, surtout si l’on parle d’un chantier en déconstruction servant de gisement de matériaux pour son propre projet. À ce moment précis, c’est le chantier qui décide du dessin du projet, par sa matérialité. Dès lors que l’on peut identifier, quantifier et utiliser une dite ressource, il va de soi que ‘‘l’allure’’ du projet va en être impactée. En fonction des disponibilités actuelles locales, le chantier de déconstruction régit le dessin et de ce fait le chantier de construction qui en découle.

En effet, lorsque l’on parle de réemploi, il ne s’agit pas seulement de réinjecter des matériaux in situ, mais aussi — le plus souvent — d’aller les ‘‘chiner’’ sur des chantiers voisins. Ils deviennent alors une ‘‘mine’’ de ressources potentielles, prêtes à l’emploi après reconditionnement. Ainsi, Simonnet évoque très justement l’aspect ‘‘forain’’ du chantier, davantage un lieu de passage que d’établissement, voué à disparaître au terme de la construction. Il s’installe provisoirement puis est démonté pour s’installer ailleurs. Mais ici n’est pas ailleurs. La temporalité d’un chantier est un facteur

L’importance de se renseigner par avance, de communiquer avec les différents corps de métiers sur les potentiels gisements disponibles et leur mise en œuvre permet de guider intrinsèquement le projet.

œuvre individuelle

ouvrage collectif

géométrie

matérialité

savoir

dessin

co n c e p t i o n construction déconstruction

faire

chantier

anticipation prévision forme projetée communication

imprévisibilité information 34

forme réalisée exécution

5.


NOTES 1. SIMMONET Cyrille. Dessin-chantier, Réflexions sur la genèse de l’œuvre architecturale In Genesis (Manuscrit-Recherche-Invention), o

n 53, 2000, Architecture, pp.111-128, p.116. 2. Ibid, résumé. 3. GRAF Franz. Histoire matérielle du bâti et projet de sauvegarde. Devenir de l’architecture moderne et contemporaine, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2014, 479 pages, pp.11-41, p.14. 4. Conférence de BILLIET Lionel, CHOPPIN Julien, DELON Nicola, GHYOOT Michaël & JONGERT Jan. Matériaux, Réemploi & Architecture, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 17/11/2014. o

5. DEVLIEGER Lionel. ‘‘L’architecture à l’envers’’, Criticat, n 18, 10/2016, pp.90-101, p.100. 6. Aux côtés de sa femme, le Chinois Wang Shu a fondé à Hangzou, il y a près de vingt ans, son agence d’architecture, Amateur Architecture Studio. Ne déviant jamais de son éthique, il convoque dans ses constructions deux valeurs qui lui sont chères, la mémoire et le réemploi in situ. Une ligne originale qui lui a valu le célèbre Pritzker Prize en 2012.

6.

Pour conclure, nous dirons que le dessin engendre le chantier et vice versa. Les deux s’alimentent même si l’on pourrait dire que le dessin est anticipé par le chantier lui-même. Mais on notera toutefois que ‘‘le dessin a deux vertus : la prescription et l’expression, cette dernière lui permettant de s’échapper pour ainsi dire de son obligation prescriptive. Le chantier aussi a deux vertus : la dépense de travail et l’édification, cette dernière concrétisant si l’on veut la vertu expressive du dessin.’’ 10

7. BOUCHAIN Patrick. Construire autrement, comment faire ? , Arles, Actes-Sud, Collection L’impensé, 09/2006, 190 pages, pp.57-64. 8. Ibid, p.65. 9. SIMMONET Cyrille. Dessin-chantier, Réflexions sur la genèse de l’œuvre architecturale In Genesis (Manuscrit-Recherche-Invention), o

n 53, 2000, Architecture, pp.111-128, p.116. 10. Ibid, p.124 11. PALLASMAA Juhanni. La Main qui pense, Arles, Actes Sud, 2012, 164 pages. ILLUSTRATIONS & SCHÉMAS

Le dessin, qui affiche une autonomie parfois écrasante, est alimenté par cette perspective du chantier. Et si les deux dialoguent, il est alors possible de percevoir le chantier comme une source d’inspiration créatrice, dessinant le projet par une ‘‘main qui pense’’.11

1. MONTEIL Camille. Le dessin-chantier. 2. BONNEFRITE. Concevoir : le cerveau, la main et la truelle. 3. MONTEIL Camille. Détail de la façade composite du MHN. 4. MONTEIL Camille. d’après un schéma d’ENVIROBAT Grand Est Le réemploi — étapes clés. 5. MONTEIL Camille. La relation dessin-chantier et introduction au BIM. 6. BONNEFRITE. Le chantier, magasin éphémère.

35


1.


La transition numérique comme levier du réemploi Comme explicité précédemment, nous vivons actuellement une parenthèse historique de la pratique du réemploi de plus d’un demi siècle, et ce liée à l’industrialisation massive du bâtiment et de ses matériaux de construction.

Les architectes sensibles à cette question sont aussi, pour les plus visibles, investis dans la mise en place de plateformes et autres stratagèmes pour la gestion des flux de matériaux. Ils livrent par ailleurs des constructions relevant d’une très belle expressivité et authenticité, possibles grâce à la réutilisation de matière in situ, redonnant un sens au projet et au site dans lequel il est implanté.

La mondialisation et l’utilisation d’énergie bon marché en grande quantité ont permis une densification exponentielle de la préfabrication dans le BTP. Préfabrication qui, si elle est conçue intelligemment, peut faciliter le réemploi lorsqu’arrive la ‘‘date de péremption’’ du bâtiment.

Face à cette nécessité de ‘‘ralentir plus vite’’, ce phénomène de surcroissance de nos pays développés, comment des outils tel que le numérique peuvent encourager cette pratique ? Est il possible que le high-tech puisse servir une utilisation low-tech de la matière ?

Encore peu structurée, la filière du réemploi des matériaux a le vent en poupe et elle constitue une réponse aux enjeux de réduction de l’impact environnemental du secteur du BTP. Sa mise en place nécessite une étroite concertation entre tous les protagonistes du projet, bien en amont de ce dernier. J’entends par protagonistes aussi bien les entrepreneurs, démolisseurs, concepteurs, maîtres d’ouvrage/ propriétaires/ gestionnaire de patrimoine bâti, producteurs de matériaux, fournisseurs de matériaux que le secteur du réemploi en luimême et les nouveaux métiers qu’il implique de créer pour son bon fonctionnement.

Malgré les différents freins relatifs au développement de cette filière pourtant émergente, la société civile est un des précurseurs dans ce domaine. Jeremy Rifkin — essayiste américain et spécialiste de prospective économique et scientifique — la décrit comme un ‘‘ lieu où les humains créent du capital social, et elle est constituée d’un large éventail de centres d’intérêt [...] dont l’objectif est de créer du lien social.’’ 1 Il ajoute même que c’est par cette dernière que l’aspect collaboratif d’une telle mise en place — que l’on peut appliquer à 37


Traçabilité & documentation

l’émergence de la filière ‘‘réemploi’’, sa diffusion et sa visibilité — partirait du ‘‘postulat crucial de la société civile [qui] est celui d’Internet : se dépenser pour que le vaste réseau collectif optimise à la fois la valeur du groupe et celle de chacun de ses membres.’’ 2

Origines À la Renaissance italienne, les commanditaires privés faisant ériger des édifices de prestige en dissimulant des pièces de monnaies dans leurs fondations. Chaque écu divulgait une information cruciale sur sa construction : l’identité du maître d’ouvrage. Cette vieille tradition antique — pratique rituelle 2. à fonction sacrificielle dans laquelle le sou était une forme d’offrande destinée à s’attirer la protection des dieux — fût mise au goût du jour dans un souci de postérité et de transmission de l’information dans le temps. Côté face est représenté le profil du commanditaire et est gravé son nom. Côté pile, on distingue le lieu, l’année, dans certains cas le type de projet ainsi qu’une représentation de celui-ci ou bien les armoiries du commanditaire.

Cette valorisation et cet effort commun passent principalement par des start-ups, associations ou collectifs — comme ROTOR en Belgique ou Bellastock à Belleville par exemple — qui ont (ré)initié le réemploi en replaçant l’économie de moyens et de matière au cœur des préoccupations. Cette prise de conscience écologique par ces organismes reflétant notre société — civile — n’aurait pas eu autant d’impact si leur travail n’avait pas été diffusé par la presse et/ou internet. Les réseaux sociaux comme les plateformes, sites, applications, logiciels etc. ont un réel rôle à jouer dans cette (co)conception collaborative et la é-co-construction vers laquelle tend l’architecture de demain. Mais pour faire circuler ces élements de déconstruction et les réinjecter sur le marché, il faut que l’ensemble des acteurs jouent le jeu: voici en quoi le digital peut en faciliter la tâche.

Vieux pieux et pourtant...! Ce procédé ingénieux a inspiré ce que l’on appelle aujourd’hui le DfD — design for deconstruction ainsi que le design for disassembly — qui proposent des stratégies similaires à celle de la Renaissance.

NOTES 1. RIFKIN Jeremy. La Troisième Révolution industrielle : Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Les liens qui libèrent, Arles, Actes Sud-Babel, 2012, 412 pages, p. 277. 2. Ibid.

38


Il s’agirait de ‘‘ produire des documents ou des bases de données qui reprennent toutes les informations nécessaires à un éventuel démontage futur de l’objet construit.’’ 1

Dans son ouvrage, Paola Sassi — architecte britannique — liste quelques consignes et stratégies pour une architecture durable, titre de son livre. Elle accorde une place importante à l’information lorsqu’elle écrit : ‘‘Fournissez les plans tels que construits et tenez à jour un carnet d’entretien incluant des points de désassemblage, composants et matériaux. Aussi, identifiez les matériaux et points de désassemblage sur les éléments.

Principes du DfD Ce concept DfD est issu de l’industrie manufacturière automobile, qui obligeait les producteurs à assumer une certaine responsabilité sur leurs produits en fin de cycle surtout. Ce principe s’est ensuite étendu au DEEE (Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques) imposant aux constructeurs une anticipation — dès la conception — du désassemblage des produits. Il arrive enfin au secteur de la construction.

Fournissiez un accès facile et sûr aux éléments de construction et aux fixations en exigeant un minimum de machines.’’ 4 Elle suggère de faire preuve de rigueur quant au choix de l’emplacement permettant de stocker ces informations, de les rendre disponibles et d’en faciliter leur accès.

‘‘Les principes du design for disassembly et du design for deconstruction sont utilisés pour rassembler des stratégies de conception des bâtiments qui touchent de façon transversale à des notions telles que la réversibilité des assemblages, la rapidité de montage et de démontage des composants d’un bâtiment, la simplicité des connexions entre ces composants, leur pérennité, ainsi que leur compatibilité et leur agencement les uns avec les autres.’’ 2

Cependant, le manque de traçabilité des caractéristiques des matériaux de construction ou dans certains cas, la perte ou l’inexistence de documents relatifs à ces données — tels que les Dossiers des Ouvrages Exécutés (DOE) — complique l’intervention sur l’existant de la maîtrise d’œuvre. Toute tentative de réemploi avec ces lacunes devient plus compliquée et freine cette pratique. Il devient donc primordial d’anticiper ce genre d’obstacles dès la conception. Il est donc fondamental de documenter un édifice dans son entièreté, le plus précisément possible.

Le matériau est — comme explicité antérieurement — au centre de la conception, vers une architecture ‘‘future-proof ’’ 3 — résistante au futur. 39


Pour une traçabilité physique active, on préfèrera les capteurs associés à l’Internet of Things — IoT — qui proposent de ‘‘suivre l’évolution de l’élément au cours des années et d’alimenter la base de données en parallèle. [...] Le potentiel de l’IoT a initialement été décelé en vue de l’exploitation et de la maintenance intelligentes du bâtiment. Il a également une grande utilité en vue du réemploi en assurant un suivi exhaustif du comportement en œuvre d’une structure.’’ 6

La postérité du bâtiment et une potentielle opération de démantèlement n’est possible qu’en ayant en sa possession ses informations propres. Puces et capteurs Il existe une technologie assez aboutie qu’est la puce Radio Frequency Identification — RFID : ‘‘Les informations sont hébergées numériquement à distance. Le système Near Field Communication (NFC) repose sur l’énergie apporté par le lecteur. La puce RFID/ NFC permet une traçabilité intelligente et facilement accessible (depuis un smartphone) mais a l’inconvénient de renvoyer vers des données hébergées ailleurs.’’ 5

Ce système de base de données permettrait de travailler en flux tendu, c’est-à-dire en optimisant la production d’informations tout en limitant leur nombre afin de gagner du temps et de l’énergie. Car cela serait un non-sens que d’œuvrer en faveur du réemploi, censé réduire les émissions de GES — Gaz à Effet de Serre — si le recours au digital provoque l’effet inverse.

Nous ne sommes pas à l’abri que les données ne soient pas corrompues compte tenu de l’hébergement externe, mais cette avancée technique — encore ‘‘prototypique’’ — est prometteuse. Incorporées dans/ sur le gros œuvre/second œuvre, elles permettraient de relayer des informations cruciales quant à l’état en temps réel d’un composant quelconque, donnée importante en vue d’un processus de réemploi. Il en existe trois types aujourd’hui: passive, semi-passive et active, respectivement de la plus économique à la plus coûteuse. Mais il est encore tôt pour assurer l’efficacité de cette technologie trop récente, sur laquelle nous manquons encore de recul. Cependant il est toujours possible d’avoir recours à des capteurs, plus fiables àl’heure d’aujourd’hui, proposant sensiblement la même chose que les puces RFID actives. 40

Grâce à ces deux ‘‘mouchards’’ du BTP, il nous est possible de gérer la maintenance de l’ouvrage et d’en appréhender une potentielle déconstruction car, telles des boîtes noires, ils sont capables de retracer l’historique de l’élément structurel et suivre son comportement. Aussi, et ce grâce au marquage, il est possible de les géolocaliser et d’être informer en temps réel d’une quelconque déformation anormale du bâti. Ainsi, l’instrumentationmonitoring est adaptable à des fins de réemploi.‘‘Les méthodologies de surveillance de santé structuraledes ouvrages ou Structural Health Monitoring (SHM),


renseignent sur le vieillissement des éléments et alimentent la mise à jour et la vérification des modèles de calcul.’’ 7

NOTES 1. ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, p. 155.

Documentation sous forme analogique

2. Ibid. p. 142.

Selon le collectif Rotor, il existerait deux formes de travail de documentation : analogique et numérique.

3. Ibid. 4. SASSI Paola. Strategies for Sustainable Architecture. Taylor & Francis, Oxon, New York, 2006, 306 pages, p. 150, 4.1.1 :

La forme analogique rejoint ce qu’avance Paola Sassi dans le sens où il serait question de rassembler toutes les informations relatives à un édifice dans un dossier unique et complet: ‘‘les plans as built, les informations utiles au démantèlement mais aussi le dossier d’intervention ultérieur (DIU). Le DIU, devenu obligatoire dans beaucoup de projets, est une sorte de journal de bord du bâtiment [...] Partant d’un état des lieux [EDL] établi au moment de la livraison du bâtiment, il est supposé être mis à jour périodiquement pour garder une trace de toutes les modifications qui surviennent après sa réception par le commanditaire. [...] tous les événements qui ponctuent la vie d’un édifice doivent être consignés dans le DIU.’’ 8

‘‘Guidance for designing to enable dismantling suggests that the following be considered: Information : Provide As Built drawings and a Maintenance Log including identification of points of disassembly, component and material. Also identify materials and points of disassembly on elements. Access : Provide easy and safe access to building elements and fixings with minimal machinery requirements.’’ 5. BERTIN Ingrid, JAEGER Jean-Marc & LE ROY Robert. Construction, déconstruction, réemploi de la structure : le numérique au service de l’économie circulaire, retranscription de la conférence du GC’2019 (Le Génie Civil au cœur des mutations technologiques et numériques), Cachan, 20-21/03/2019, 11 pages, p.7. 6. Ibid. 7. Ibid, p.8. 8. ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, p. 155.

Dans l’éventualité d’une déconstruction, ce document est précieux mais le support est problématique. Comment transmettre l’information concrètement? Qui se tient pour responsable de ce dossier et garant de sa bonne transmission à ceux susceptibles de démanteler le bâtiment?

9. Le cloud computing permet d’utiliser une application depuis plusieurs ordinateurs connectés, partout dans le monde. Le serveur fournit la puissance nécessaire pour faire tourner le programme et l’ordinateur utilisé à cet effet ne sert plus que comme interface. Le stockage est ainsi externalisé et l’environnement de travail dématérialisé. Le fichier est donc mutualisé et modifiable par tous ceux y ayant accès.

Sur le même principe que la documentation sous forme analogique, le numérique encourage la collaboration et la coordination des différents acteurs du projet par son accessibilité et son partage sur un cloud. 9

1. MONTEIL Camille. Connexions.

ILLUSTRATIONS

2. MONTEIL Camille. Médaille frappée en l’honneur de Sigismondo Malatesta, d’après l’image tirée de ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, p.154.

41


La démarche ‘‘BIM’’

Cette maquette numérique — MN — retrace la vie d’un édifice et agit de manière prospective sur ce dernier grâce à la possibilité d’effectuer diverses analyses via une simulation (qu’elles soient énergetique, structurelle, conflictuelle...) ce qui permet de garder un certain contrôle (qu’il s’agisse d’une mise aux normes ou encore du budget) grâce à ces visualisations. On relève trois moments importants durant lesquels on monte des modèles virtuels 3D paramétriques intelligents et structurés: lors de la conception, de la construction, durant l’utilisation d’un bâtiment et/ou lors de sa déconstruction. La MN permet d’optimiser les paramètres BIM et l’analyse du cycle de vie (ACV) d’un édifice, si elle est réalisée précautionneusement.

Nous parlions plus haut des deux formes de documentation possibles. De plus en plus souvent, on retrouve les documents analogiques sous forme numérique. Avec l’informatisation, il devient évident d’avoir recours à un modèle de conception telles que les maquettes numériques (cf annexes no5 & 6). Le processus BIM — Building Information Modelling — est un outil organisationnel permettant de mener au mieux un projet en coordonnant l’ensemble des actions et acteurs, de la conception à l’exploitation en passant par la réalisation. Outil technologique puissant mais aussi ‘‘lieu commun’’ où chacun va pouvoir collaborer au projet de façon ouverte. Cette somme de données — ou Big Data — est synthétisée dans la maquette numérique, véritable carte d’identité/vitale du bâtiment ou de l’infrastructure. ‘‘C’est surtout des méthodes de travail et une maquette numérique paramétrique 3D qui contient des données intelligentes et structurées. Le BIM est le partage d’informations fiables tout au long de la durée de vie d’un bâtiment ou d’infrastructures, de leur conception jusqu’à leur démolition. La maquette numérique quant à elle est une représentation digitale des caractéristiques physiques et fonctionnelles de ce bâtiment ou de ces infrastructures.’’ 1

Cet outil complexe n’est efficace que dans le cas où chaque intervenant du projet répertorie méticuleusement les résultats et informations relatives à son domaine d’étude. Mais pour utiliser le BIM à bon escient, dans une logique de co-conception intelligente, il est conseillé de le pratiquer comme un ‘‘Dispositif Sociotechnique d’Information et de Communication — DiSTIC. [...] un dispositif au service d’une démarche augmentée’’ 2

42

Mais qu’est-ce que le DiSTIC? Selon une vision davantage anthropologique de Paul Rasse — professeur et directeur du laboratoire i3M — il s’agirait de ‘‘mettre en évidence des mouvements structurants longs.’’ C’est-à-dire, ‘‘qu’à la différence d’une analyse systémique qui est une photographie à un moment donné, des interactions dans un


contexte donné, entre des personnes, des technologies, de situations, le terme de DiSTIC prend en considération une vision beaucoup plus [tournée vers l’Humain]’’.3

En mettant au point des protocoles de travail partagé — comme le cloud dont nous parlions plus haut — le BIM s’inspire des modes de management empreints au DiSTIC, dans une logique de framework — cadre de travail.

On parle donc bien d’une démarche BIM inspirée d’un DiSTIC. Cet outil est utile à la bonne transmission des informations entre plusieurs acteurs, c’est donc bien par et pour l’Homme qu’il existe, dans une logique de travail partagé. Mais tout en prenant garde de ne pas être aliéné par une technologie qui nous dépasse, dont ‘‘l’incurie des pratiques actuelles du projet BIM nous rappelle que la technologie est un esclave utile mais un maître dangereux.’’ 4

‘‘Le DiSTIC BIM rassemble trois domaines de responsabilité qui intègrent les dimensions sociales et techniques du projet. Ces domaines s’entremêlent, mais exigent chacun un management particulier. Ils concernent le projet BIM, le SI [Système d’Information] de projet et la maquette numérique [MN].’’ 6 Ces trois fonctions structurantes de la démarche BIM sont complémentaires. Il existe 3 types de service cloud, pouvant être public, privé ou hybrides 7 :

Nicolas Pelissier — professeur et directeur du Master DiSTIC à l’Université de Nice Sophia Antipolis — est assez sceptique quant à cette dimension des DiSTIC dont il dit que c’est un ‘‘concept qui exprime une tension paradoxale entre d’un côté l’ensemble de contraintes liées à tous dispositifs [...] qui ne cessent de s’agraver avec le numérique à mon sens — quoiqu’on en dise — et [qui accorde] en même temps aussi des marges de manoeuvres’’. Puis ajoute que les DiSTIC présentent ‘‘à la fois des contraintes et des sources de liberté, ce qui constitue sa richesse fondamentale.’’ 5

• PaaS — Platform as a Service • IaaS — Infrastructure as a Service • SaaS — Software as a Service Le premier est une externalisation de l’infrastructure informatique matérielle, ou plus simplement une location d’équipement auprès d’un fournisseur. Le second est un IaaS plus poussé permettant de disposer d’une plateforme entière en tant que service, sous-traiter l’infrastructure matérielle mais aussi gérer ses propres outils et applications.

Il convient d’agir de façon collaborative en tenant compte de la temporalité du projet et du cycle de vie des ouvrages construits en intégrant ces notions dès la conception.

Et le dernier correspond à la formule all inclusive des services cloud. C’est la version la plus aboutie et la plus complète de l’externalisation de système d’informations. 43


Ce groupement d’informations est régit selon le principe de base de données dynamiquement partageable (voir schéma ci-dessous). Toutes les données requises sont réunies dans un unique document BIM exploitable par tous. Elles sont rattachées aux objects qu’elles renseignent. Les données sont ensuite traitées suite à un export qui les redirigent vers une base de données. Elle constitue une banque de matériaux.

Ce processus interroge ainsi la base de données afin d’identifier les composants du projet susceptibles de remplir sa fonction dans une seconde vie. Dans le monde de l’AEC — Architecture, Engineering, Construction — la démarche BIM est un gain de temps. Chaque action sur la MN provoque un effet papillon. En effet, si l’un des opérateurs modifie un composant (nature, diamètre, dimensions...), tout le modèle s’actualise et permet aux autres acteurs du projet de prendre des mesures en conséquence (changement d’assemblage, de matériau, de hauteur...) et de la modifier à leur tour en fonctionde des changements effectués.

‘‘Dès lors que le bâtiment existant, dont les éléments sont sur cette base, est vouée à la déconstruction, les éléments deviennent disponibles pour un nouveau projet structurel. La disponibilité des éléments permet d’envoyer des réponses aux requêtes envoyées à la base.’’ 8 Base de Données IFC, représentation numérique unique, centralisée du projet et ensuite du bâtiment construit.

BdD GTP dynamique

Requête

Autre avantage que présente la MN, c’est qu’elle n’est pas seulement une projection 3D, mais bien un outil de simulation de situations en tous genres. Elle renvoie à une vision méthodique du projet — dans son ACV — en 7 dimensions. Chacune de ces dimensions correspond à un moment, un phase dans la vie du bâtiment, de sa génèse à sa fin.

CAO Vue métier IFC Mise à jour IFC

SGBD

Requête

Vue métier IFC

Mise à jour IFC

*GTP : Gestion Technique de Patrimoine **IFC : Industry Foundation Classes — format informatique standardisé utilisé dans le BTP pour échanger/partager de l’information interlogiciel. ***SGBD : Système de Gestion de Base de Données ****CAO : Conception Assistée par Ordinateur.

2D : il s’agit de sa phase de conception et de dessin sur des médiums plans. 3D : on rentre dans la spatialisation du projet par sa modélisation sur un support tel que la MN.

Logiciel métier X

4D : c’est la planification des travaux et l’établissement d’un calendrier d’intervention des différents acteurs du projet. C’est un moment important dans le projet car

1.

44


c’est à cet instant qu’il devient possible d’anticiper une faisabilité de réemploi par un phasage de déconstruction.

2.

5D : Là aussi, la notion de réemploi a son impact sur l’estimation des coûts du chantier— une main d’œuvre qualifiée étant plus chère que le matériau de seconde main lui-même, cela peut poser problème. 6D : Le développement durable est sans doute la finalité d’un projet de déconstruction car c’est bien de ça dont il s’agit initialement : réduire les déchets de la construction au profit d’un réutilisation de ces derniers, en impactant le moins possible l’environnement. Nous l’avons vu précédemment dans le chapitre ‘‘Freins au développement de cette filière’’ qu’il est encore difficile d’assurer ses arrières en réemployant des éléments de construction. Les normes et assurances ne sont pas encore au point mais tendent à le devenir dans un futur relativement proche, facilitant ainsi l’usage de cette pratique encore marginale à l’heure actuelle. 7D : Enfin, le suivi et la maintenance de l’édifice consiste à sa surveillance, son entretien au fil du temps jusqu’à ce que son cycle de vie prenne fin. Lorsqu’il est destiné à la déconstruction, on retourne à la quatrième dimension — à savoir la planification des travaux — pour son démantèlement etc. Les puces RFID/ NFC et autres capteurs interviennent à cette période de la vie du bâtiment afin d’informer en temps réel de la bonne santé du bâti et a posteriori de sa déconstruction.

dimension plane

2D

dimension perspective

3D

dimension temporelle

4D

spécificité réemploi : phasage déconstruction

dimension économique

5D

dimension écologique

6D

spécificité réemploi : ACV — analyse du cycle de vie labellisations environnementales

dimension patrimoniale

45

7D


MOE architecte MOA — maîtrise d’ouvrage

géomètre

usagers & associations

bureaux d’études

pouvoirs publics

OPC — chef de chantier

entreprises générales

valoriste

gestion de patrimoine

sous-traitants

assureur

bureau de contrôle

industriels

3.

valoriste

économiste

46


L’interopérabilité de cette interface et les relations qui existent entre les acteurs du BIM rejoint la notion qu’exprime JeanJacques Terrin à savoir la conception comme ‘‘processus de partage de connaissances’’. 9

Disjonction

C

K

Expansion par partage ou inclusion

Considérée comme un processus organisationnel et rationnel d’une action collective inachevée — si l’on part du principe que tant que le bâtiment tient debout, on ne cesse d’alimenter cette base de données — Armand Hatchuel et Benoit Weil en ont développé une méthode. Appelée CK — C pour Concept et K pour Knowledge — elle a pour principe fondamental de spécifier la conception par rapport à deux espaces-temps différenciés : ‘‘ l’espace des concepts qui sont les hypothèses de départ des concepteurs, des potentiels de développement qu’il n’est pas possible de juger d’emblée; et l’espace des connaissances existantes ou créées à l’occasion, qui permettent de valider les concepts. [...] Le conception consiste à spécifier progressivement un concept de C en lui ajoutant des propriétés issues de K comme un espace de constitution des savoirs et de clarification des relations.’’ 10

Expansion par déduction et expérimentation

C

K

Conjonction

ESPACE CONCEPT pas de statut logique (ni vrai ni faux)

4.

ESPACE CONNAISSANCES proposition avec un statut logique

Disjonction Concept initial

Connaissances existantes

Connaissances ajoutées par l’exploration du concept

Connaissances ajoutées par recherches supplémentaires

C’est un lieu de négociations à processus itératif où savoir et savoir-faire dialoguent via le BIM afin de répondre par un projet plus juste et plus pertinent que son concept initial. Chaque acteur avec son capital ‘‘K’’ a un rôle à jouer et chacun apporte sa pierre à l’édifice par sa maîtrise d’un domaine spécifique mise au service du projet.

Concept final devenu savoir

Conjonction 5.

47


Le processus BIM se présente, non seulement sous 7 dimensions, mais aussi sous 4 types11. Ces catégories se distinguent comme suit : • • • •

le le le le

Le BIM appliqué à la construction quant à lui permet d’assister les différents acteurs et les processus se déroulant sur le chantier. Elle coordonne les actions dans le temps qu’il s’agisse de l’installation, la planification des travaux, la gestion des coûts, le contrôle de la sécurité, etc. ‘‘Une maquette construction utilise les maquettes de conception: les différentes maquettes de conception sont combinées pour créer une maquette fédérée représentant l’ensemble du bâtiment. Qui plus est, des maquettes plus détaillées de sous-traitants sont inclues ainsi que les représentations réelles des équipements et installations comme les grues ou les bungalows de chantier.’’ 12

relevé BIM BIM appliqué à la conception BIM appliqué à la construction BIM FM

Le relevé BIM consiste à générer une maquette virtuelle d’un bâtiment existant à partir d’un nuage de points préalablement scannés au laser 3D (voir chapitre Diagnostics in situ & tests). Cette pratique suggère qu’avec le temps, les géomètres se chargent de cette tâche plus que les projeteurs.

Enfin, le BIM FM — Facilities Management — est celui de l’exploitation du bâtiment une fois construit. Il sert à contrôler et maintenir l’édifice et contient les représentations graphiques et les informations de tous les composants du bâtiment ayant besoin d’une supervision et d’un suivi maintenance. Le modèle est simplifié, figé et fidèle à son état de livraison. La temporalité de création de cette maquette est cruciale. ‘‘Si elle n’est pas créée pendant les dernières phases de la construction pour être fonctionnelle quand le bâtiment ouvre, les données fournies par les équipes de conception et de construction pourront être dépassées au moment où la maquette BIM sera utilisable.’’ 13 Elle est complétée par les informations manquantes liée à la garantie ou encore les guides de maintenance.

Le BIM appliqué à la conception est couramment utilisé. Il représente le projet architectural en 2D ou 3D dans son site — pouvant être lui-même modélisé grâce aux données liées au SIG — Système d’Information Géographique. C’est un outil de visualisation parlant pour l’ensemble des acteurs du projet, même les moins érudits. Elle permet aussi de livrer des documents traditionnels : plans, coupes, tableaux surfaciques... Ses fonctionnalités permettent d’optimiser le processus de conception et rentabiliser du temps car chaque modification — suppression de poteau effectuée en plan par exemple — s’actualise sur l’ensemble des documents — absence de ce poteau en coupe, en 3D etc. 48


Le BIM présente des niveaux14 de maturité distincts. Ils correspondent aux étapes menant au BIM collaboratif. On parle de 4 niveaux graduels — 0,1,2,3.

BIM niveau 2 Utilisation d’un format de fichier natif type IFC — Industry Foundation Classes — permettant l’échange et la collaboration, car standardisé

BIM niveau 0 CAO en 2D non gérée ou non structurée Normes de présentation ISO non effectives Collaboration difficile car pas d’uniformité

BIM niveau 3 ou iBIM BIM complet, au potentiel le plus exploité Modèle unique stocké sur un serveur centralisé, accessible à tous les acteurs pendant toute la durée de vie du bâtiment Problèmes contractuels liés aux normes, à la propriété intellectuelle, à la responsabilité et à la réglementation de l’accès/modification/ enregistrement de la MN unique

niveau 1

CAD dessins, lignes, arcs, textes...

niveau 3

niveau 2

Ponts

Feu

Structurel

BIM Services de construction

Architectural

niveau 0

2D 3D 3D+IFC

iBIM Objets paramétriques dans maquette numérique unique avec mise en commun des données sur un serveur centralisé accessible

Exploitation du bâtiment maintenance et gestion de son cycle de vie

BIM niveau 1 BIM isolé — lonely BIM — mélant 2D et 3D Données normées et structurées Pas de collaboration à proprement parlé Partage via un Environnement de Données

modèles, objects, collaboration intégrée et interopérabilité des données

6.

49


NOTES 1. OBJECTIF BIM. définition du BIM. http://www.objectif-bim.com/index.php/bim-maquette-numerique/lebim-en-bref/la-definition-du-bim 2. d’AUDIFFRET Pervenche, LEVAN Serge K. Les managers du BIM — guide impertinent et constructif, Paris, Editions Eyrolles, 2018, 111 pages, p.9. 3. UNS (Université de Nice Sophia Antipolis), UNS pod. Le concept de DiSTIC, 2’’23, 31/05/2016. https://unspod.unice.fr/video/4107-leconcept-de-distic/ 4. d’AUDIFFRET Pervenche, LEVAN Serge K. Les managers du BIM — guide impertinent et constructif, Paris, Editions Eyrolles, 2018, 111 pages, p.9. 5. UNS (Université de Nice Sophia Antipolis), UNS pod. Le concept de DiSTIC, 2’’23, 31/05/2016. https://unspod.unice.fr/video/4107-leconcept-de-distic/ 6. d’AUDIFFRET Pervenche, LEVAN Serge K. Les managers du BIM — guide impertinent et constructif, Paris, Editions Eyrolles, 2018, 111 pages, p.9.

7. SCHÉMAS

7. LALOUETTE Colin. ‘‘IaaS, PaaS, SaaS: quelles sont les différences?’’, Appvizer, 21/04/2017. https://www.appvizer.fr/magazine/ services-informatiques/stockage/iaas-paas-saas-quelles-differences

1. MONTEIL Camille. d’après l’organigramme La base de données dynamiquement partageable. p.6. BERTIN Ingrid, JAEGER JeanMarc & LE ROY Robert. Construction, déconstruction, réemploi de la structure : le numérique au service de l’économie circulaire, retranscription de la conférence du GC’2019 (Le Génie Civil au cœur des mutations technologiques et numériques), Cachan, 2021/03/2019, 11 pages.

8. BERTIN Ingrid, JAEGER Jean-Marc & LE ROY Robert. Construction, déconstruction, réemploi de la structure : le numérique au service de l’économie circulaire, retranscription de la conférence du GC’2019 (Le Génie Civil au cœur des mutations technologiques et numériques), Cachan, 20-21/03/2019, 11 pages, p.6.

2. MONTEIL Camille. d’après le schéma Précisions d’après les 7 dimensions du BIM p.4. Ibid.

9. TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, p.67.

3. MONTEIL Camille. Les acteurs du projet et le BIM.

10. HATCHUEL Armand, WEIL Benoît In TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, pp.67-68.

4. MONTEIL Camille. d’après le schéma The design square In HATCHUEL Armand, WEIL Benoît. ‘‘A new approach of innovation design: an introduction to C-K theory’’, compte-rendu suite à l’International Conference on Engineering Design, ICED 03, Stockholm, 19-21/08/2003, 15 pages, p.10.

11. SPIESER Franck. ‘‘Les 4 grands types de BIM à l’oeuvre aujourd’hui’’, BIM pratique, 04/09/2016. http://bimpratique.fr/les-4-grands-types-de-bim-a-loeuvre-aujourdhui/?fbclid=IwAR0h2-zgXi-LGQ9hk5_oA57MeAq08sbRgclizW904HBTW-MZGoPUGOHK-_c

5. MONTEIL Camille. d’après le schéma C-K dynamics In Ibid. 6. MONTEIL Camille. d’après le schéma BIM maturity diagram de BEW & RICHARDS, 2008. In OBJECTIF BIM. les différents niveaux du BIM. http://www.objectif-bim.com/index.php/bim-maquette-numerique/lebim-en-bref/les-niveaux-du-bim

12,13. Ibid. 14. OBJECTIF BIM. les différents niveaux du BIM. http://www.objectif-bim.com/index.php/bim-maquette-numerique/lebim-en-bref/les-niveaux-du-bim

7. MONTEIL Camille. La construction par le BIM.

50


I have a DRIM...

Traitées par des logiciels spécialisés, ces informations sont structurées selon un protocole compatible avec les logiciels de modélisation BIM/DRIM. L’universalité de ce format permettrait aux concepteurs d’un futur projet d’utiliser tel quel le modèle 3D ayant également servi d’annonce commerciale, mise en ligne par le revendeur de ce matériau de réemploi. Il leur suffirait de télécharger les données relatives à ce modèle et de les ajouter à leur bibliothèque d’objets préformatés, prévue à cet effet. Le revendeur mettrait de côté l’élément physique tandis que les concepteurs se serviraient de son substitut numérique pour dessiner le projet l’incluant. Lorsque l’élément serait réservé pour un projet, sa version virtuelle serait rendue indisponible dans la database et l’objet serait livré sur chantier, où un facility manager se tâcherait de mettre à jour toutes les informations pertinentes relatives à celui-ci.

À l’instar du BIM, le DRIM — Deconstruction Recovery Information Modelling — serait la version de simulation de déconstruction d’un bâtiment et s’avère ainsi être un outil davantage adapté au réemploi que le BIM ‘‘classique’’. La compilation de toutes les données relatives à un bâtiment permet de savoir quels seraient les composants de l’édifice susceptibles d’être démantelés. Il est aussi possible d’établir grâce à ces informations un planning de déconstruction. Un édifice existant n’a pas forcément eu de modélisation de ses composants et leurs informations techniques — ce qui est le cas pour beaucoup de bâtiments antérieurs aux années 2000 (cf annexe no7).

Cette pratique est encore loin d’être adoptée par les acteurs du projet d’architecture mais voilà en quoi le DRIM faciliterait cette mise en relation entre eux et la bonne transmission des informations. La mise au point d’une telle technologie permettrait de franchir aisément le fossé temporel séparant la construction du bâtiment à sa déconstruction, et la perte des informations le concernant liée au passage du temps. Bien que subsistera inévitablement une part d’incertitude quand à l’exactitude de ces données, la perspective de développement du DRIM en limiterait le risque.

Cependant, et ce grâce à la documentation et aux relévés effectués antérieurement, il est possible de démarrer un chantier de déconstruction. Lors du démantèlement du bâtiment, les composants de réemploi se libèrent et les opérateurs peuvent les scanner au fur et à mesure, utilisant des technologies de relevé digital rapides et économiques. Chaque composant se voit attribuer un modèle numérique 3D. À cette MN est directement intégrée toute une série d’informations relevées sur place (masse, densité, dureté, composition, couleur, etc.) 51


Nous prendrons pour exemple celui de batiRIM®, un BIM inversé qui repose sur le principe de déconstruction sélective à des fins de maximisation de la valorisation et du réemploi de ces matériaux localement. Cette interface — développée par Suez1 et la start-up Resolving™ 2 — utilise le RIM® — Ressource Information Modelling — qui permet de quantifier, de qualifier et de géolocaliser tous les matériaux qui sont contenus dans un bâtiment éphémère ou durable. Au même titre que son homologue de la construction, le RIM® permet de superposer différents plans, intégrés dans une interface numérique en 2D ou 3D. Il pourrait s’apparenter ainsi au BAM — Building Assembly Modelling ou encore maquette numérique des déchets probables engendrés par le projet 3— mais pour les éléments constructifs et non le remblais par exemple.

grâce à un rapport holistique du site. Contactée par Batiactu, MarieDominique Bogo — directrice générale du projet batiRIM® — a présenté l’avancée de cette application. Elle explique notamment leur intervention aux côtés de deux diagnostiquers lors d’une phase d’expérimentation sur un quartier de Bagneux, dans les Hauts-de-Seine. Alors que 70 000 m2 avaient été analysés, ils ont constaté que ‘‘le RIM® était plus précis sur le béton [...] il [le RIM] a également recueilli plus d’informations sur les bâtiments. De plus, les calculs de masse sont effectués automatiquement depuis l’outil, ce qui est un gain de temps et de fiabilité.’’ 3 A été conclu un partenariat avec ReStore4 afin de travailler sur la transformation des matériaux et leur réinjection sur le marché lillois — les déchetteries étant basées à Roubaix, Tourcoing et La Madeleine. L’idée étant de faire circuler les éléments de construction d’un chantier à l’autre par une collecte suivie d’une redistribution. L’idéal serait de faire de ce partenariat le point de départ d’un réseau national de gestion des déchets, comme nos amis belges avec Opalis.

Cette démarche innovante d’anticipation digitale tend vers une déconstruction intelligente et collaborative grâce à ce langage commun qu’est la MN. Il s’agit d’une base de données interactive pouvant être partagée avec toutes les parties prenantes du chantier. Les éléments audités sont restitués et sécurisés et accessibles via une tablette tactile pouvant être relayés à un ordinateur par la suite. Le support qu’est la tablette permet à l’OPC une meilleure mobilité grâce à un outil léger et ergonomique sur le chantier.

Anticiper la réglementation à venir à l’aube de la RE2020 est tout l’enjeu de cet outil digital. La question du traitement des déchets non-dangereux va être incontournable c’est pourquoi, plutôt qu’attendre passivement l’avénement de cet objectif environnemental, des solutions comme batiRIM® voient le jour, afin d’éviter d’être pris au dépourvu.

Cette joint-venture du groupe Suez et de Resolving™ promet un gain de temps certain sur les chantiers de construction et une meilleure traçabilité des matériaux 52


Base de données

1.

Gestion des données

2.

Planning chantier

3.

Génération du rapport

4.

Cette co-entreprise a répondu à un appel d’offre AUDIT ET DIAGNOSTIC PRÉALABLES A DÉMOLITION par l’Université de Lyon sur le campus de Roanne, et l’opération a rencontré un fier succès. S’est associé à batiRIM® NOBATEK/INEF44, pour offrir à la MO une véritable complémentarité des expertises, aussi bien sur les ressources que le réemploi. Leur mission d’AMO — REC (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage Ressource & Économie Circulaire) a permis de réaliser un audit ainsi qu’une étude holistique en se focalisant sur le réemploi par une démarche anticipative permettant d’implémenter l’économie 53

circulaire tout au long du cycle d’un projet de rénovation ou de déconstruction. ‘‘Un rapport de préconisations et recommandations en vue de la déconstruction sélective ainsi que la définition d’une stratégie sur le réemploi des éléments issus du bâtiment existant pour le futur bâtiment construit sur le même site. La maîtrise d’ouvrage a pu ainsi déterminer un budget prévisionnel sur la déconstruction à venir et la gestion des déchets. Maitrisant leur coûts, l’économie circulaire devient alors un nouvel allié pour mettre en place des nouveaux processus de déconstruction et du réemploi.’’ 5


Le potentiel ‘‘réemploi’’ s’intègre dans une MN issue du DRIM, faisant que tous les protagonistes du projet parlent le même langage. La démarche du BIM/DRIM induit de véritables synergies de travail et entre dans un ‘‘mode collaboratif’’ de travail en associant les acteurs concernés aux compétences variées.

NOTES 1. SUEZ est un leader mondial dans la gestion intelligente et durable des ressources. 2. RESOLVING™ se présente comme un accélérateur digital des métiers de l’immobilier et de la construction. 2. MÉNARD Raphaël. ‘‘Le pic de l’architecture’’ In ENCORE HEUREUX CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.162. 4. R.D., ‘‘Où en est le RIM, le BIM de la déconstruction?’’. Batiactu, 29/05/2019. www.batiactu.com/edito/ou-est-rim-bimdeconstruction-56562.php 5. ReStore est une solution de développement portée par Triselec — Société Publique Locale qui exploite trois centres de tri — pour faire face à la mutation de l’activité de tri des déchets qui se mécanise de plus en plus et qui à terme limitera le recours à l’activité humaine. Elle permet donc de maintenir son offre d’accompagnement socio-professionnel via le développement de nouvelles activités dans l’économie circulaire, son cœur de métier.

Ce bond en avant dans les techniques de déconstruction grâce à cette technologie innovante permet ainsi d’effectuer un inventaire précis de la ressource et d’en réaliser un schéma directeur de déconstruction sélective. Ainsi, la Maîtrise d’Ouvrage dispose d’une vision ‘‘produits’’ de son bâtiment et non plus simplement d’une vision ‘‘déchet’’ de ce dernier. Le RIM® change nos a priori.

6. NOBATEK/INEF4 est un centre privé de recherche appliquée, Institut national pour la Transition Energétique et environnementale du bâtiment. 7. materiauxreempIoi.com, ‘‘Opération sur la Ressource et le Réemploi à Roanne – Batirim’’. Matériaux Réemploi, 05/07/2019. http://materiauxreemploi.com/operation-sur-la-ressource-et-lereemploi-a-roanne-batirim/ IMAGES 1. RESOLVING™. Base de données. 2. RESOLVING™. Gestion de données. 3. RESOLVING™. Planning chantier. 4. RESOLVING™. Génération rapport. 5. RESOLVING™. Interface sur ordinateur et tablette.

La compatibilité des interfaces — qu’elles soient sur l’ordinateur ou sur la tablette — permet d’être à jour dans les modifications apportées sur la maquette numérique et ce, en temps réel. Fonctionnant comme une plateforme collaborative, il est possible d’intervenir dessus à tout moment et que les acteurs du projet en soient informés. On préférera le format compact et léger qu’est la tablette pour les déplacements sur chantier lors des diagnostics ou relevé tandis que l’ordinateur sera privilégié pour les concepteurs ou la maîtrise d’ouvrage.

5.

54


Passeports des matériaux

Grâce à ces nouvelles technologies, la mise en place du réemploi ne peut qu’être encouragée. Cependant, quelques améliorations sont à prévoir :

Il est toutefois possible de travailler à une échelle beaucoup plus restreinte : au lieu de référencer le bâtiment dans son ensemble il est possible de se concentrer sur ses composants. L’idée serait de se munir d’un document virutel ou physique contenant toutes les informations utiles et essentielles relatives à un élément. On parlerait donc de passeport pour les matériaux.1 Tout comme un passeport retraçant nos voyages et renseignant notre identité, le principe de passeport pour les matériaux remplirait sensiblement la même tâche : informer sur son origine et son parcours. En d’autres termes, il permettrait de préciser les informations techniques de celui-ci et ses propriétés intrinsèques (composition, lieu de production, résistance...) tout en assurant un suivi régulier (entretien, mises à jour, changements...). Ce principe est donc totalement compatible avec le BIM si ces informations sont couplées à la base de données du logiciel. Les puces RFID peuvent contribuer à l’alimentation et au stockage des données dans la phase de maintenance du bâtiment, comme nous l’avions expliqué précédemment. ‘‘Il serait également possible de travailler avec des systèmes de code-barres’’.2

1.

‘‘L’automatisation de la capture de données et de la création de BIM (sans BIM préexistant est toutefois identifié comme des défis majeurs adressés au développement de tels procédés’’.3

Cet ensemble de matériaux recensés ou ‘‘banque de matériaux’’ devrait se présenter sous forme de base de données centralisée délivrant ces informations dans les moindres détails. ‘‘Sur cette sorte de certificat, tout sera quantifié : le nombre de produits toxiques et leur emplacement. Si on sait exactement où se situe la pollution, on peut la circonscrire à une donnée quantifiable précise’’.4 NOTES 1. BECKERS Steven, GRANGER Jeanne. ‘‘Passeport pour les matériaux’’, p. 211, In ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages. 2. ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, p. 158. 3. Ibid. 4. BECKERS Steven, GRANGER Jeanne. ‘‘Passeport pour les matériaux’’, p. 212, In ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages. ILLUSTRATION 1. MONTEIL Camille, Passeport.

55


Diagnostics in situ & tests

La mission OPC — Ordonnancement, Pilotage Coordination — est le plus souvent chargée de ce suivi de chantier. En ce qui concerne le démantèlement de chantier, il s’agit d’en faire un état des lieux. Cette phase préliminaire est indispensable à la déconstruction du bâtiment puisqu’elle renseigne les éléments potentiellement réutilisables par un relevé détaillé.

Comme évoqué ci-avant, certains éléments de construction peuvent se réveler toxiques. Un ‘‘diagnostic déchets’’ avant le début des travaux serait à établir afin de les localiser. Ce processus pouvant être dématérialisé — c’est le cas des ‘‘passeports de matériaux’’ — a aussi pour but de ‘‘promouvoir l’utilisation de données ouvertes et favoriser le lien entre l’offre et la demande de matériaux réutilisables.’’ 1

Dans un premier temps, il faut procéder à des tests de démontage. Cela permet de vérifier la faisabilité de telle ou telle action et d’évaluer quel serait l’outil ou la technique la plus adéquate pour y parvenir. Mais plus que tout ‘‘ce test permet aussi d’anticiper les aspects liés à la manutention [...] [et] d’évaluer le temps mis pour effectuer une opération donnée. Ce facteur est essentiel pour la planification du chantier. [...] [il permet] aussi d’évaluer la facilité du remontage [...]’’ 2

Dans l’attente du développement des technologies de pointe dont nous avons parlé plus haut, il existe dès lors plusieurs outils et approches possibles pour effectuer ce diagnostic, du plus low-tech au plus high-tech. L’outil photographique rend déjà compte d’un certain nombre d’informations visuelles. Couplé avec un carnet de notes, un mètre ou télémètre laser, il est possible de dégrossir les informations. À savoir qu’il existe des applications pour tablettes ou smartphones telle qu’Archipad™ par exemple, permettant d’indiquer en temps réel de façon ludique et méthodique le suivi de chantier. Chaque élément — photo, plan, coupe... — peut ainsi être annoté numériquement et la modification se met à jour automatiquement pour les opérateurs concernés — plombier, éléctricien, serrurier...

Il n’est pas rare de devoir compléter l’analyse du matériau par des tests en laboratoire, plus approfondis, généralement pour les composants à substance toxique. Il est courant de retrouver des matières dangereuses comme l’amiante par exemple, dont la présence est courante dans les bâtiments construits avant l’interdiction de son utilisation.3 L’ensemble de ces tests est réalisé dans le but de catégoriser les matériaux, de les classer en vue de les redistribuer par la suite. 56


De nouveaux outils, encore peu usités, sont en passe de devenir les instruments ‘‘tests’’ du réemploi et de la déconstruction. Nous ferons la liste4 non-exhaustive des principaux outils rencontrés sur les chantiers de déconstruction selon le collectif ROTOR :

• détecteur de couleurs (relevé colorimétrique de type Pantone) • scanners 3D courant dans le domaine de l’archéologie et de la préservation du patrimoine, il permet aux géomètres de faire des relevés tridimensionnels précis grâce à :

• instruments de mesure électroniques (caméras thermiques, multimètres, appareils de mesure de l’humidité...)

• des appareils fixes, balayant l’espace • des appareils mobiles, idem que le premier sauf qu’ils sont souvent combinés avec des drones pour scanner l’ensemble d’un site et se déplacer sur celui-ci.

• testeurs matière (spectomètres portables utlisant la technologie NRI — proche infrarouge) qui réalisent une analyse quantitative et qualitative des matériaux, comme un scan, capables d’identifier les échanges entre les formes solides et liquides.

Le déveleppement exponentiel de ces technologies de pointe laisse présager un bel avenir au réemploi et à la déconstruction. Facilitant les diagnostics qui deviennent plus précis et plus rapides, ils contribuent en ce sens à la ‘‘vulgarisation’’ de cette filière, dont nous verrons par la suite qu’ils alimentent le BIM/DRIM.

• testeurs portables pour la résistance des matériaux évaluent les performances de l’élément structurel en testant sa dureté et son élasticité.

NOTES

• détection d’amiante en temps réel, nouveau produit en cours de développement exploitant la technologie laser et les propriétés paramagnétiques des fibres d’amiante. Pas de détection de la présence d’amiante dans un élément de construction mais de la densité anormalement élevée des fibres d’amiante dans l’air. Alerte sur la qualité de l’air ambiant.

1. VAN EECKHOUT Laetitia. ‘‘Bâtiment : comment faire du déchet une ressource’’. Le Monde, 20/11/2019. www.lemonde.fr/smartcities/article/2019/11/20/batiment-comment-faire-du-dechet-uneressource_6019898_4811534.html?fbclid=IwAR0hXXRxY6hssmThn7 8FoevGcavutTgBbJoTvece4b-Tn9ACPuirvX9pkI0 2. ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, p. 160. 3. Selon le site www. senat.fr, l’usage de l’amiante n’est interdit, en France, que depuis le 1er janvier 1997, par le décret no 961133 du 24/12/1996 relatif à l’interdiction de l’amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation.

• sondes de parois permettant de connaître la composition d’une cloison ou d’une maçonnerie (structure bois, profilés métalliques, passage de câbles...) par détection digitale de type radar.

4. ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, pp. 163-166.

57


Inventaires & plateformes

En possession de ces fiches techniques, ce sont bien souvent des collectifs ou des associations qui coordonnent le retrait, le traitement puis la remise sur le marché du produit de réemploi.

Les scanners 3D couplés aux drones présentent un potentiel certain dans la déconstruction: ‘‘La combinaison des nuages de points relevés par ces appareils — que des algorithmes permettent ensuite d’interpréter pour développer des hypothèses de restitution — et d’informations relatives à la position du drone dans l’espace offre des relevés d’une grande précision. [...] Dans des contextes de restauration ou de transformation de monuments historiques, les données relevées servent directement à la constitution du modèle BIM de l’édifice.’’ 1 Une fois ces informations récoltées grâce à un relevé précis au moyen d’outils digitaux intégrés ou non, il est possible de réaliser un inventaire. Sont intégrés à un modèle BIM de grande envergure, le DIU — Dossier d’Intervention Ultérieur — ainsi que des ‘‘ facility managers, dont c’est la mission, se [chargeant] d’effectuer des mises à jour régulières.’’ 2 Dès lors que l’édifice subit des travaux de déconstruction, les informations détaillées relatives aux éléments ou matériaux concernés sont relayées à des opérateurs du secteur du réemploi. ‘‘Cet inventaire leur permet d’établir une offre détaillée et de partir à la recherche de repreneurs intéressés. Peu avant le chantier, une rapide visite sur le site permet de vérifier la concordance entre les données du DIU digital et la situation existante.’’ 3

Optant pour une architecture participative, ‘‘Lucien Kroll — architecte belge — qui avait très tôt adopté des équipements informatiques sophistiqués, élabora une démarche qui lui permettait de puiser dans une vaste bibliothèque de produits industriels pour composer une architecture dont le caractère aléatoire était fondé sur une approche participative qu’il engageait avec les futurs habitants.’’ 4 Sa démarche s’inscrit dans une idée d’imprévisibilité de la disponibilité des matériaux que l’on rencontre sur une opération de réemploi. La mise en place d’un catalogue avec une dimension temporelle est pertinent pour l’approvisionnement de matériaux de seconde main. On rencontre à ce jour des plateformes accessibles en ligne — locales ou nationales — soumettant aussi bien des cartes géolocalisant les acteurs de réemploi de matériaux de réemploi recensés, que de la vente, de l’échange, des dons de matériaux. Certaines agences comme Mobius, Rotor en Belgique ou Encore Heureux proposent même de l’AMO — Assistance à Maîtrise d’Ouvrage — du conseil ou l’établissement de diagnostics ressources. Le réseau qui se développe autour de cette filière s’étend à grande vitesse grâce à internet surtout. Ces différents sites — physiques ou virtuels — ont aussi pour but de sensibiliser 58


les populations sur cette pratique du réemploi en tendant vers une visibilité de cette filière. La liste des partenaires et des ressouceries croît à grande vitesse, ces marchés informels deviennent de plus en plus populaires. On pourrait presque faire le rapprochement avec le phénomène d’ ‘‘ubérisation’’, néologisme que Boris Descarrega — responsable d’études socioéconomiques à l’Observatoire Société et Consommation — présente comme étant ‘‘l’arrivée d’un nouvel entrant qui vient bousculer un marché donné, issu de l’univers du numérique et de l’économie collaborative, et qui utilise le travail indépendant, voire le travail des particuliers [...]’’.5 Inventorier signifie non seulement répertorier les matériaux de réemploi prêts à l’emploi mais aussi recenser les acteurs potentiellement enclins au réemploi. Les prestataires de services déjà actifs n’ont plus qu’à rendre compte du type de produits disponibles et leur stock dans une site donné. Cela fonctionnerait comme Amazon ou Le Bon Coin, ces sites marchands de revente d’objets d’occasion.

NOTES 1. ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, p. 166. 2. Ibid, p. 167. 3. Ibid.

Pourquoi pas pour les matériaux de construction? Demeurent cependant la question des normes et de la responsabilité de l’architecte (voir chapitre Décroissance & responsabilité de l’architecte) comme du fournisseur. Il existe dans certaines filières comme celle du bois des labels de bois recyclés, certifiant de la qualité du produit. Sécurité pour les uns, gage de confiance pour les autres, établir un étiquettage avec garantie de la fiabilité du produit rassurerait tout un chacun.

4. TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, p.99. 5. BAUDUIN Clémence. ‘‘Ubérisation de l’économie : quel est le sens réel de cette expression à la mode ?’’ RTL, 23/01/2016. www. rtl.fr/actu/conso/uberisation-de-l-economie-quel-est-le-sens-reelde-cette-expression-a-la-mode-7781488406 ILLUSTRATION MONTEIL Camille d’après un dessin sur le ‘‘label réemploi’’ In ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, p. 196.

59


Il ne faut pas jeter derrière soi, mais plutôt devant soi, pour voir ce que l’on peut faire avec. Alexander Römer


Conclusion

En effet, le faible coût de l’extraction, de la transformation et du transport de la matière a conduit à une surconsommation de matériaux neufs et à un désintérêt pour les matériaux de seconde main. Le pic pétrolier et l’épuisement de certaines ressources de base comme le sable — composant principal du béton — pourraient clore cette parenthèse. Dennis Meadows parle d’ailleurs de l’ère d’aprèspétrole comme ‘‘l’aube d’une période révolutionnaire’’ 2 : celle de la résilience.

Le monde de l’architecture — plus particulièrement la construction — n’échappe pas à la réflexion et remise en question de ses pratiques et de ses impacts sur l’environnement. L’étude de cette discipline à travers le prisme de la matière a révélé un constat inquiétant: les déchets s’accumulent, tandis que les ressources s’épuisent. Il faudrait inverser drastiquement la tendance de cette courbe par une consommation plus intelligente et rationnalisée.

Il s’agit donc bien non pas d’une invention, mais d’une redécouverte du réemploi. Celle-ci implique une certaine posture architecturale répondant à la logique des 3S de Patrick Pérez — Situé, Sain, Solidaire — à savoir une architecture plus locale, plus imprévisible, et plus collective. L’aspect aléatoire de cette démarche constructive fait appel à notre dextérité mentale et notre capacité d’adaptation. Les allers-retours entre le dessin et le chantier, entre le cerveau et la main, demandent parfois d’initier avant de concevoir, de s’approvisionner pour construire puis dessiner et enfin de déconstruire pour reconstruire ailleurs.

En pleine ère de l’Anthropocène, il nous est difficile de faire machine arrière mais il n’est pas impossible de limiter les dégâts à venir. Évitons ce ‘’pillage planétaire’’ qui voue notre civilisation à sa perte, et privilégions l’anthropologie plutôt que l’ ‘‘entropologie’’ 1 pour reprendre le néologisme de Claude Lévi-Strauss. Le regard rétrospectif proposé par les historiens sur les pratiques de récupération et de réutilisation a montré que nous vivons une parenthèse historique. PLOI

RÉEM

1.

BIM — DRIM plateformes passeports relevés IoT RFID/NFC

TRANSITION NUMÉRIQUE 61


D’autres au contraire, comme Jeremy Rifkin, voient dans les usages des technosciences l’avènement possible d’une société collaborative — portée par la société civile —, construite sur les ruines d’une société hiérarchisée et hyperconcurrentielle.5

Le paradigme de l’architecte est en pleine mutation dès lors qu’il inclut cette dimension qu’est le réemploi dans son processus de conception. Le métier exige de trouver une forme de résilience dans la réinvention de son rapport à la matière. Mais cela n’est pas le travail d’un seul homme. Il faut également repenser les relations entre les différents acteurs du projet, de sa conception à son exploitation, en passant par la préparation du chantier et sa réalisation. C’est bien par une conception collaborative que nous trouverons la capacité collective de ‘‘consommer plus de matière grise pour engendrer moins de matières grises’’.3 L’hypothèse avancée dans ce mémoire est que le réemploi des matériaux de construction est l’un des leviers d’une transition vers une architecture moins ‘’matériauvore’’. Cette transition peut être considérablement accélérée par l’usage — à bon escient — des outils numériques, dès la conception. Il ne s’agit pas d’équiper un bâtiment avec de la technologie de pointe pour son exploitation — comme l’utilisation ‘’gadget’’ de la domotique — mais bien de repenser, grâce au digital, une architecture plus passive que pro-active, raisonnable et pertinente.

Dans une vision prospective, la conception par le BIM semble tout à fait propice à favoriser le réemploi, puisque tous les éléments de construction seront tracés et traçables dans la maquette numérique. Le développement des technologies de relevé 3D de l’existant, et toutes celles déjà énumérées et commentées dans les chapitres précédents, présente une avancée considérable. Faciliter la localisation des gisements de matières et en favoriser leur transport et leur utilisation encourage à la ‘‘vulgarisation’’ de la pratique du réemploi. Démocratiser cette filière, c’est la rendre visible. Beaucoup d’initiatives florissantes et d’exemples concrets de bâtiments issus du réemploi servent de modèle d’inspiration à de futurs protocoles de déconstruction. L’énergie et l’effort collectif déployés à cet effet laissent présager de l’utilisation de ce modèle reproductible à l’échelle territoriale.

Les sceptiques sont nombreux face à l’utilisation massive de technologies hightech pour résoudre ces problèmes. Le progrès écologique par le progrès technique relève du défi car la limite entre le contrôle et l’aliénation technologique est poreuse.4

Il en est des révolutions technologiques comme des crises économiques ou des catastrophes climatiques: souvent on ne les voit pas venir et pourtant elles sont inéluctables. Les secteurs du bâtiment et du génie civil sont en voie de ‘‘BIMisation’’. 62


Mais nous sommes en mesure d’espérer que ‘‘les progrès dans la prise en compte des évolutivités des supports numériques permettront d’adapter la transmission de données produites aujourd’hui, pour un avenir plus éloigné.’’ 6

Il est vrai que l’arrivée du BIM a revolutionné les méthodes de travail dans le secteur de la construction. en réintègrant du liant entre tous les acteurs du projet, les poussant ainsi à communiquer entre eux. Cette interopérabilité offre des perspectives immenses par la fluidification des processus séquentiels permettant d’instaurer une collaboration ouverte, continue et ininterrompue. Autrefois, la dominance de phases séquentielles cloisonnées (chaque corps de métier intervenant de manière successive et étanche) ne permettait pas de travailler de façon collaborative et transversale comme c’est le cas actuellement. La maquette numérique fédère et rassemble maîtres d’ouvrage, architectes, ingénieurs et entreprises de construction etc. bénificiant ainsi du même support commun et parlant la même ‘‘langue’’.

Il faut déceler l’enjeu de l’usage d’une telle technologie comme un gain de temps et une meilleure anticipation d’une situation X ou Y et une communication optimale entre les acteurs du projet. Nous connaissons un bouleversement profond par la numérisation des processus de conception et de construction, changeant notre façon d’édifier. La transition numérique peut ainsi être un levier du réemploi et non pas uniquement via le BIM ou le DRIM. Un déploiement imminent de plateformes d’échanges numériques, permettant de connecter l’offre à la demande de manière plus systématique, favoriserait les transferts de matière et de matériaux de construction (voir les schémas ci-après). La marge de progression reste importante mais quelques initiatives ont déjà émergé — Rotor, Bellastock, SuperUse, Mobius, Opalis, Cycle Up, Backacia, Matériaux Réemploi etc. — pour la plupart portées par le milieu associatif et la société civile.

L’avenir du BIM à des fins de réemploi présente un potentiel considérable s’il est mis au service de l’environnement et d’une économie circulaire dans le bâtiment. Il engendrerait des progrès significatifs sur la réduction des impacts environnementaux du BTP par une déconstruction sélective et anticipative dès la conception. La puissance de calcul des serveurs et ordinateurs promet un traitement de plus en plus rapide des données attachées aux objets de la maquette numérique. Cette démarche BIM manquant encore de recul, de maîtrise et de retours d’expérience, nous sommes en droit de nous interroger sur sa viabilité à très long terme.

Ci-après, un schéma afin de mieux comprendre les relations entre les acteurs du projet et l’utilité des plateformes d’échanges dans le cadre d’un projet de déconstruction: 63


maîtrise d’ouvrage MOA

LES PRINCIPAUX ACTEURS DE LA DÉCONSTRUCTION

maîtrise d’œuvre MOE

entreprises

fournisseurs

sous-traitance production de déchets et extraction de ressources secondaires

revente aux industriels, aux producteurs de matériaux du BTP

entreprises de sous-traitance

PLATEFORMES DE MISE EN RELATION DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE

1

spécialistes de la collecte spécialistes de la seconde vie des ressources ou valoristes

opérateurs du tri

1

2

ACCOMPAGNEMENT MOA/MOE PROPOSÉ PAR batiRIM®

DESSIN

CHANTIER

phase de conception durée en mois

0

• cadrage et orientation • concertation • réponse au marché

DESSIN

DESSIN

dépôt PC

6

travaux de déconstruction

12 • • • •

diagnostics toxicité diagnostics ressource analyse holistique valorisation

DESSIN

CHANTIER

18

24

30

36

curage désamiantage déconstruction démolition

64

42

CHANTIER

livraison

reconstruction

• terrassement • gros œuvre • • • •

CHANTIER DESSIN

48

54

60

RÉUTILISATION RÉEMPLOI RECYCLAGE

• second œuvre

• réception


2

LA HIÉRARCHIE DE TRAITEMENT DES DÉCHETS

LA PRÉVENTION ET LA GESTION DES DÉCHETS

réemploi in situ (remblais, routes etc.) réemploi ex situ regroupement sur des plateformes de tri ou de recyclage (valorisation matière et énergétique, recyclage, enrobage) aménagement de carrières (valorisation) non réutilisation : installation de stockages

A. B. C. D. E.

EXTRACTION DES MATÉRIAUX

éco-conception FABRICATION

autre chantier

retour reprise TRANSPORT DISTRIBUTION

B

réemploi usage détouné réutilisation

éco-conception achats responsables fonctionnalité

chantier principal conception construction/réalisation entretien/maintenance réhabilitation déconstruction/démolition

C

c.1 préparation à la réutilisation • collecteur • déchetterie • centre de transfert, tri...

c.2 recyclage

c.3

A

E D

réemploi usage détournée

réaménagement de carrières

Étapes concernées par la PRÉVENTION des déchets flux évités + détournés

65

autres formes de valorisation STOCKAGE

Étapes concernées par la GESTION des déchets


La création d’un maillage entre les différents acteurs locaux promet une banalisation et normalisation imminente de cette filière qu’est le réemploi vers une utilisation courante. Cependant, ‘‘pour la normalisation du réemploi et la gestion des aspects réglementaires, la tâche est grande. Nous avons les moyens d’agir et de monter des actions de lobbying, assure Emmanuelle Baboulin [en charge du Pôle Foncière Tertiaire d’Icade, ndlr]. Des discussions sont en cours avec le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment — CSTB —, mais aussi avec des compagnies d’assurance.’’ 7

Difficile d’en être certain, car la chaîne du bâtiment est complexe et souvent conservatrice. Une prise de conscience collective pourrait déclencher ce sursaut matériel et ainsi massifier la pratique peu conventionnelle du réemploi. Par ailleurs, il serait de la responsabilité des architectes et des industriels de repenser la modularité de leurs fournitures et leur démontabilité. À l’instar de la préfabrication qu’ont pu magnifier Jean Prouvé ou Charlotte Perriand dans leurs réalisations, il s’agirait de repenser les composants constructifs d’un édifice en ne perdant pas de vue sa déconstruction potentielle.

En entrant dans la législation, cette filière valoriserait non seulement le réemploi mais aussi l’emploi. Nous parlions plus haut de l’émergence d’une société collaborative qui se veut humaniste, promouvant la naissance de nouveaux métiers créatifs, surtout en période de crise. En effet, ‘‘au moment où la hausse constante du chômage asphyxie les économies occidentales, le développement de nouvelles filières créatrices d’emplois non délocalisables, car liées à un gisement local, pourrait être une priorité des politiques économiques et environnementales.’’ 8 Verraient le jour des métiers tels que ‘‘valoriste’’ qui — comme son nom l’indique — aurait pour mission de revaloriser les matériaux issus du réemploi. Le consultant Hanh Nguyen voit même dans l’économie circulaire ‘‘un puissant moteur d’innovation’’ 9 pour ce siècle.

Et enfin, quant à la matérialité des futurs projets de réemploi, il faut garder à l’esprit que ‘‘comme pour l’énergie, la solution ne semble pas résider dans l’exploitation d’une seule ressource mais bien dans la diversification des ressources en fonction des contextes locaux.’’ 10 L’écologue Marc Barra qualifie ce ‘‘mélange’’ de ‘‘mix matériautique’’ mêlant soigneusement matériaux neufs et matériaux de seconde main. Il s’agit d’être pragmatique et en adéquation avec le site dans lequel se déroule le projet. Ainsi, il serait judicieux d’opter pour — dans un ordre préférenciel et quantitatif — des matériaux biosourcés, réemployés, recyclés combinés à des matériaux épuisables, non renouvelables, d’origine fossile. Cet équilibre intégrerait la durabilité, la performance et la disponibilité actuelle ou future des ressources de base. (voir annexe no9)

Tendrons-nous ainsi vers une ‘‘industrialisation’’ du réemploi ? Si le réemploi s’institutionnalise comme cela est préconisé aujourd’hui, doit-on s’attendre à un tel phénomène ?

Si l’on envisage de développer les pratiques de réemploi ainsi que l’utilisation de matériaux biosourcés et de les inclure plus systématiquement dans la démarche de projet, il faudrait sensibiliser les populations: 66


Il faudrait privilégier davantage le chantier que le dessin comme une des solutions à la bonne compréhension des réalités actuelles. Une réflexion pourrait être menée de concert entre les acteurs du réemploi et les responsables de l’enseignement en architecture pour intégrer le réemploi à l’épanouissement universitaire. Il faudrait expérimenter la matière sur le terrain, de manière concrète, en s’émancipant de l’aspect trop théorique des choses. Cela passerait par le fait d’intégrer le réemploi à notre processus de conception dès maintenant, pour qu’il redevienne demain une pratique naturelle dans l’acte de bâtir.

d’une part les citoyens, acteurs du territoire, et potentiels futurs maîtres d’ouvrage, de l’autre les professionnels du bâtiment et les architectes. À mon sens, la formation autour du réemploi devrait être intégrée à celle des architectes et des autres acteurs de projet. S’il existe quelques formations ou activités liées au réemploi — le festival Bellastock, les colloques ou conférences sur ce sujet etc.— elles ne sont pour autant pas systématiques. La pédagogie devrait être pluridisciplinaire et interprofessionnelle, déjà sur les bancs de l’université, impliquant ainsi écoles d’architecture, d’ingénieurs, de commerce, d’économie mais aussi des collectivités locales offrant des terrains d’expérimentation ou encore des entreprises comme ‘‘sponsors’’.

‘‘II s’agit d’une pédagogie par le projet favorisant l’apprentissage par le faire, acquisition des connaissances en liaison avec la mise en euvre de projets ; une pédagogie moins directive mais plus interactive, et responsabilisant les étudiants par des parcours personnalisés par une mise en réseau des partenaires professionnels et des étudiants au travers de projets, échanges de connaissances, bases de données, stages, emplois. Une pédagogie systémique qui permet d’aborder toutes les problématiquespédagogiques aux échelles de l’édifice, de la ville, du teritoire, de leur création et de leur conception comme de leur production. Une pédagogie mondialisée [...] adossée à un réseau de formation à distance et à un réseau de formation professionnelle.’’ 11

Apprendre à travailler de façon plus collaborative sur un projet d’architecture serait aussi un bon exercice d’architecture participative, l’architecte y jouant un rôle pivot. L’analyse de cycle de vie — ACV — d’un objet n’est donc plus anecdoctique. C’est bien en remettant le matériau au centre de la conception que notre façon de projeter sera riche et pertinente. Il sera mis à l’honneur et accessible virtuellement grâce à une maquette numérique partagée. Ainsi le principe d’une maquette numérique, accessible à tous et modifiable par tous, mettant en œuvre des capacités décuplées de traçabilité et d’interaction, amènerait des changements. Avec l’avènement de la transition numérique, le processus de conception connaît des mutations profondes, ne serait-ce que par l’assistance de nouvelles technologies de pointe comme l’intelligence artificielle — IA — ou l’impression 3D, qui pourraient substituer le travail du bâtisseur, par une construction plus propre, plus rapide, plus économique et avec moins de déperdition de matière. Leur développement constitue un enjeu majeur pour les générations à venir, tout en préservant le rôle l’architecte. 67


NOTES 1. ‘‘[...] Plutôt qu’anthropologie, il faudrait écrire ‘‘entropologie’’ le nom d’une discipline vouée à étudier dans ses manifestations les plus hautes ce processus de désintégration’’. LÉVI-STRAUSS Claude. Tristes Tropiques, Plon, 1955, 512 pages, p.444. 2. ‘‘Il faut donc que nous concentrions nos efforts sur la réutilisation. J’espère d’ailleurs que la dernière table ronde, qui a débattu du recyclage, entend bien ‘‘recyclage’’ de cette manière. […] Je crois en effet que nous sommes à l’aube d’une période révolutionnaire.’’ MEADOWS Dennis. Préparer les villes à l’après-pétrole, traduction et retranscription de la conférence intitulée Preparing Cities for the Age of Declining Oil prononcée le 24/11/2011 à l’EAVT de Marnela-Vallée, parue dans ALONZO Éric (dir.) & MAROT Sébastien, Marnes, volume 4, Editions Parenthèses, 11/2016, 480 pages, p.33. 3. ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.14. 4. ‘‘L’homme moderne est l’esclave de la modernité : il n’est point de progrès qui ne tourne pas à sa plus complète servitude.’’ VALÉRY Paul. ‘’Fluctuations sur la liberté’’ [1938], Regards sur le monde actuel et autres essais, Gallimard, collection ‘’Folio essais’’, Paris, 11/1988, 320 pages, p. 75. 5.

5. RIFKIN Jeremy. La Troisième Révolution industrielle : Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Les liens qui libèrent, Arles, Actes Sud-Babel, 2012, 412 pages. 6. BERTIN Ingrid, JAEGER Jean-Marc & LE ROY Robert. Construction, déconstruction, réemploi de la structure : le numérique au service de l’économie circulaire, retranscription de la conférence du GC’2019 (Le Génie Civil au cœur des mutations technologiques et numériques), Cachan, 20-21/03/2019, 11 pages, p.10.

ILLUSTRATIONS & SCHÉMAS

7. HUGRON Jean-Philippe. ‘‘Vers une industrie du réemploi’’, o L’Architecture d’Aujourd’hui (‘A’A’), n 422, 12/2017, pp.43-48, p.47.

numérique inspiré de la pochette d’album du groupe des Pink Floyd, Dark Side of The Moon, 1973.

8. ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.87.

2. MONTEIL Camille d’après ORÉE. Les acteurs de la déconstruction.

1. MONTEIL Camille. Le réemploi par le prisme de la transition

3. MONTEIL Camille d’après batirRIM®. Accompagnement MOA/MOE,

9. NGUYEN Hanh, STUCHTEY Martin & ZILS Markus. ‘‘Une industrie régénératrice, c’est possible’’. L’Expansion Management Review, o n 153, 06/2014, pp.42-53. https://doi.org/10.3917/emr.153.0042

à chaque étape du projet, O6/2018. 4. MONTEIL Camille d’après l’ADEME. La prévention et la gestion des

10. BARRA Marc In ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.84.

déchets. 5. MONTEIL Camille d’après BONNEFRITE. ‘‘Mix matériautique’’. — ont

11. TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages, p.147.

été modifiées les proportions des ingrédients composant ce cocktail matériautique afin qu’elles reflètent davantage la réalité des choses.

68



Un matériau n’est pas intéressant pour ce qu’il est mais pour ce qu’il peut faire pour la société. John F.C. Turner


Bibliographie

Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Déchets du bâtiment, 29/04/2019. https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/dechets-du-batiment

ARTICLES

R.D., ‘‘Où en est le RIM, le BIM de la déconstruction ?‘‘. Batiactu, 29/05/2019. www.batiactu.com/edito/ ou-est-rim-bim-deconstruction-56562.php

BAUDUIN Clémence. ‘‘Ubérisation de l’économie : quel est le sens réel de cette expression à la mode ?’’ RTL, 23/01/2016. www.rtl.fr/actu/conso/ uberisation-de-l-economie-quel-est-le-sens-reel-decette-expression-a-la-mode-7781488406

NGHIEM Thanh. ‘‘Modèles coopératifs émergents’’. Multitudes no52, 01/2013, pp.110-120. https://doi.org/10.3917/mult.052.0110

BILLIET Lionel, GHYOOT Michaël, et GIELEN Martin. ‘‘Le cerisier et la plaque de plâtre’’. Criticat, no9, 03/2012, pp.103-113. https://issuu.com/criticat/docs/ criticat09

NGUYEN Hanh, STUCHTEY Martin & ZILS Markus. ‘‘Une industrie régénératrice, c’est possible’’. L’Expansion Management Review, no153, 06/2014, pp.42-53. https://doi.org/10.3917/emr.153.0042

COMBIS Hélène. ‘‘Edgar Morin : La croissance exponentielle tend vers l’explosion’’, 02/08/2017, France Culture. www.franceculture.fr/environnement/edgarmorin-la-croissance-exponentielle-ce-qui-evidemment-tend-vers-linfini-et-vers

SPIESER Franck. ‘‘Les 4 grands types de BIM à l’oeuvre aujourd’hui’’, BIM pratique, 04/09/2016. http://bimpratique.fr/les-4-grands-types-de-bim-aloeuvre-aujourdhui/?fbclid=IwAR0h2-zgXi-LGQ9hk5_

DEVLIEGER Lionel. ‘‘L’architecture à l’envers’’, Criticat, no18, 10/2016, pp.90-101. https://issuu.com/criticat/docs/criticat18

oA57MeAq08sbRgclizW904HBTW-MZGoPUGOHK-_c TURCHET Thibault. ‘‘La hiérarchie des modes de traitement des déchets devant les juridictions : de l’incantation à l’application’’. Zéro Waste France, 13/05/2019. www.zerowastefrance.org/hierarchie-modes-traitement-dechets-juridictions-jurisprudence-application/?fbclid=IwAR1gFlJW_K-ttBRP-hXGzmCrJ9JpUiOV05eutKUGh7DLpoz5IjZFSvuFlrA

HUGRON Jean-Philippe. ‘‘Vers une industrie du réemploi’’, L’Architecture d’Aujourd’hui (‘A’A’), no422, 12/2017, pp.43-48. LALOUETTE Colin. ‘‘IaaS, PaaS, SaaS : quelles sont les différences ?’’, Appvizer, 21/04/2017. https://www.appvizer.fr/magazine/services-informatiques/stockage/iaas-paas-saas-quelles-differences

VAN EECKHOUT Laetitia. ‘‘Bâtiment : comment faire du déchet une ressource’’. Le Monde, 20/11/2019. www.lemonde.fr/smart-cities/article/2019/11/20/batiment-comment-faired u - d e c h e t - u n e - re s s o u rc e _ 6 0 1 9 8 9 8 _ 4 81 1 53 4 . html?fbclid=IwAR0hXXRxY6hssmThn78FoevGcavutTgBbJoTvece4b-Tn9ACPuirvX9pkI0

Materiauxreemploi.com. ‘‘Opération sur la Ressource et le Réemploi à Roanne – Batirim’’, 05/07/2019.materiauxreemploi.com/operation-surla-ressource-et-le-reemploi-a-roanne-batirim/ 71


CATALOGUES D’EXPOSITION

DELON Nicola. Conférence sur la Construction/ Déconstruction/Reconstruction, Liège, 20/10/2015. https://youtu.be/5Gu_y3vlYX4.

ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages.

DUFFORT Laurence, EL ALAM Nibal, MERCIER Ghislain & MARTY Victor. Les Petites Conférences de Saint-Vincent-de-Paul, no6, #6. Stratégie énergétique, Paris, 07/10/2019.

GAUZIN-MÜLLER Dominique. Architecture en fibres végétales d’aujourd’hui, Museo Éditions, Transitions écologiques, Plaissan, 10/2019, 144 pages.

HATCHUEL Armand, WEIL Benoît. ‘‘A new approach of innovation design: an introduction to C-K theory’’, compte-rendu suite à l’International Conference on Engineering Design, ICED 03, Stockholm, 1921/08/2003, 15 pages.

RUDOFSKY Bernard. Architecture without architects, an introduction to nonpedigreed architecture, The Museum of Modern Art (MoMA). New York City, 1964, 156 pages.

MEADOWS Dennis. Préparer les villes à l’après-pétrole, traduction et retranscription de la conférence intitulée Preparing Cities for the Age of Declining Oil prononcée le 24/11/2011 à l’EAVT de Marne-laVallée, parue dans ALONZO Éric (dir.) & MAROT Sébastien, Marnes, volume 4, Editions Parenthèses, 11/2016, 480 pages, pp.30-83.

CONFÉRENCES BERTIN Ingrid, JAEGER Jean-Marc & LE ROY Robert. Construction, déconstruction, réemploi de la structure : le numérique au service de l’économie circulaire, retranscription de la conférence du GC’2019 (Le Génie Civil au cœur des mutations technologiques et numériques), Cachan, 20-21/03/2019, 11 pages.

ÉTUDES & PROJET DE LOI

BILLIET Lionel, CHOPPIN Julien, DELON Nicola, GHYOOT Michaël & JONGERT Jan. Matériaux, Réemploi & Architecture, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 17/11/2014. www.pavillon-arsenal.com/fr/conferences-debats/cycles-passes/questions-dactualite/9984-materiaux-reemploi-architecture.html

Ministère de la Transition écologique et solidaire. Feuille de Route Économie Circulaire (FREC), dossier de presse, 23/04/2018, 11 pages, p.9. www.ecologique-solidaire.gouv.fr/feuille-route-eco-

CHAMBLAS Lydie, MOINET Morgan, PEREZ Laurent, SERIEIS Marc & SIMAY Clara. Conférence organisée par l’ICEB Je souhaite faire du réemploi sur mon opération, comment je peux faire concrètement?, Les Canaux, Paris, 14/10/2019.

PHILIPPE Édouard, POIRSON Brune & DE RUGY François. Projet de loi (procédure accélérée) relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, Pub. L. no660, 2019, 266 pages. www.senat.fr/ leg/pjl18-660.html

nomie-circulaire-frec

72


BELLOUBET Nicole, BORNE Élizabeth, BUZYN Agnès, DARMANIN Gérard, GIRARDIN Annick, GOURAULT Jacqueline, GUILLAUME Didier, LE MAIRE Bruno, MACRON Emmanuel, PHILIPPE Édouard, POIRSON Brune & RIESTER Franck. Loi no 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, JORF no0035, Legifrance, Paris, 11/02/2020, texte no1. https://www.legifrance. gouv.fr/eli/loi/2020/2/10/TREP1902395L/jo/texte

BEHRENS III William, MEADOWS Dennis, MEADOWS Donella, RANDERS Jørgen. The limits to growth — a report for the Club of Rome’s project on the predicament of mankind, Universe Books, New York, 1972. BOUCHAIN Patrick. Construire autrement, comment faire ? , Arles, Actes-Sud, Collection L’impensé, 09/2006, 190 pages. GRAF Franz. Histoire matérielle du bâti et projet de sauvegarde. Devenir de l’architecture moderne et contemporaine, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2014, 479 pages, pp.11-41.

REPAR#2 — Réemploi Passerelle entre Architecture et industrie, extrait du rapport issu du programme de recherche et d’expertise, 03/2018, 497 pages. https://issuu.com/bellastock/docs/bs_repar2_rapport_n_bd_extrait_issu

HUYGEN Jean-Marc. La poubelle et l’architecte : vers le réemploi des matériaux, Arles, Actes-Sud, Collection L’impensé, 07/2008, 183 pages.

ILLUSTRATIONS

ILLICH Ivan. Une illusion fatale, publié le 05/06/1973 sous le titre général ‘‘Energie, vistesse et justice sociale’’, Le Monde, réédité en 2014, Paris, Éditions du Linteau, 17 pages.

BONNEFRITE IMGBIN© MONTEIL Camille NOUN PROJECT RESOLVING™ ©

JONAS Hans. Le Principe de Responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique, Éditions du Cerf, Nouveaux horizons, 08/06/1990, 336 pages.

LIVRES

LÉVI-STRAUSS Claude. Tristes Tropiques, Plon, 1955, 512 pages.

d’AUDIFFRET Pervenche, LEVAN Serge K. Les managers du BIM — guide impertinent et constructif, Paris, Éditions Eyrolles, 2018, 111 pages.

MANCIAUX Michel. La résilience : résister et se construire, Médecine & Hygiène, Cahiers médicosociaux, 2001.

BARLES, Sabine. L’invention des déchets urbains: France 1790-1970, Seyssel, Éditions Champ Vallon, Collection Milieux, 15/06/2005, 304 pages.

MCDONOUGH William & BRAUNGART Michael. Cradle to Cradle : créer et recycler à l’infini, Éditions Alternatives, Gallimard, Manifestô, 20/02/2011, 240 pages. 73


RIFKIN Jeremy. La Troisième Révolution industrielle : Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Les liens qui libèrent, Arles, Actes Sud-Babel, 2012, 412 pages, pp.11-18 (introduction) + pp.365-380. The Third Industrial Revolution, New York, St. Martin’s Press, 2011.

VALÉRY Paul, Regards sur le monde actuel et autres essais, Gallimard, collection ‘’Folio essais’’, Paris, 11/1988, 320 pages.

ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages.

PODCASTS

VON MEISS Pierre. De la forme au lieu + de la tectonique, une introduction à l’étude de l’architecture, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2012, 384 pages.

ABD EL GABER Tarik, BAILLY Claire, MAGERAND Jean & REVEDIN Jana. Diffusion par Sondekla sous forme de podcast de la conférence Low tech, high tech : qu’est-ce qu’une architecture militante aujourd’hui ? thématique : Villes Durables, Mobilier national — Galerie des Gobelins: Futur.e.s 2019, 13-14/06/2019. https://futures.paris/evenement/low-tech-hight-techquest-ce-quune-architecture-militante-aujourdhui/

RYKWERT Joseph. La maison d’Adam au paradis, Traduit par LOTRINGER Lucienne, Éditions du Seuil, Collection Espacements, Paris, 1976, 253 pages.

CHASLIN François. Métropolitains : L’architecture du réemploi et du détournement, France Culture, Paris, 01/07/2012. www.franceculture.fr/emissions/metropolitains-11-12/larchitecture-du-reemploi-et-du-detournement

SASSI Paola. Strategies for Sustainable Architecture. Taylor & Francis, Oxon, New York, 2006, 306 pages. SIMMONET Cyrille. Dessin-chantier, Réflexions sur la genèse de l’œuvre architecturale In Genesis (Manuscrit-Recherche-Invention), no53, 2000, Architecture, pp.111-128.

COUTURIER Brice. Le Tour du Monde des Idées : La part des énergies fossiles dans le mix mondial : plus de 85%, France Culture. Paris, 20/06/2017. www.franceculture.fr/emissions/le-tour-du-mondedes-idees/la-part-des-energies-fossiles-dans-le-mixmondial-plus-de-85

SCHWÄGERL Christian. L’Âge de l’Homme, construire le monde de demain à l’ère de l’Anthropocène, Traduit par Nicolas Vergnaud. Préface de Paul Josef Crutzen pp. 8-9, Éditions Alternatives, Gallimard, Manifestô, 13/09/2012, 320 pages.

LEBRUN Jean, Depuis quand, les déchets ?, France Inter, La Marche de l’Histoire , 27/03/2019. www. franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/ la-marche-de-l-histoire-27-mars-2019?fbclid=IwAR2YQWPO-AFzYpjQIZT3TDUMAaWVKBkKZlZgHEQObg0mFAT66xXjvIx8V8c

TERRIN Jean-Jacques. Conception collaborative pour innover en architecture, (processus, méthodes, outils), L’Harmattan, Collection Questions Contemporaines, Paris, 04/2009, 168 pages.

UNS (Université de Nice Sophia Antipolis), UNS pod.

Le concept de DiSTIC, 2’’23, 31/05/2016. https://unspod.unice.fr/video/4107-le-concept-de-distic/ 74


RAPPORTS & MÉMOIRES UNIVERSITAIRES

Matabase www.matabase.fr

BERTIN Ingrid. Réemploi et Préfabrication : En quoi la préfabrication engendre-t’elle un potentiel et une source de réemploi en architecture?, Séminaire Matières à Penser, sous la direction de LIPSKY Florence et WEILL Jean-Marc, EAVT Marne-la-Vallée, M2, 2015-2016.

Matériaux Réemploi www.materiauxreemploi.com MOBIUS www.mobius-reemploi.fr My Up Cyclea www.upcyclea.com

GHYOOT Michaël. Aperçu des pratiques de réutilisation des déchets dans la construction. Possibilités, opportunités et limites, Institut Supérieur d’Architecture de la Communauté Française La Cambre, Bruxelles, M2, 06/2009.

Objectif BIM© www.objectif-bim.com Opalis https://opalis.eu/fr/materiaux Over Shoot Day® https://www.overshootday.org

MOINET Morgan. Vers une filière du réemploi des matériaux de construction, ENSAB, Paris, M2, 2014-2015.

R — aedificare www.raedificare.com RéaVie http://asso-reavie.fr

WEBOGRAPHIE

Recovering http://recovering.org

ADEME www.ademe.fr

Répertoire de ressourcerie/recyclerie et autres lieux du réemploi à Paris. www.paris.fr/pages/ressourceries-recycleries-les-lieux-du-reemploi-a-paris-6016/

Backacia© www.backacia.com Bâti Recup www.batirecup.com

Resolving™ www.resolving.com

BellaStock www.bellastock.com

Ressourcerie® www.ressourcerie.fr

Building Smart France® www.buildingsmartfrance-mediaconstruct.fr

Suez www.suez.com

Cycle Up© www.cycle-up.fr

Superuse Studios www.superuse-studios.com

Encore Heureux http://encoreheureux.org

Zero Waste France www.zerowastefrance.org

Imaterio© www.imaterio.fr 75


Les villes sont belles parce qu’elles sont construites par le temps. Renzo Piano — 2004 La désobéissance de l’architecte


Annexes 1.

Jour du Dépassement Mondial

78

2.

Limites à la croissance

79

3.

Le ‘‘pic de l’architecture’’

80

4.

Les flux des déchets

81

5.

Vue isométrique sur Revit® d’une structure

82

6.

Axonométrie éclatée d’un système constructif

83

7.

Aperçu de l’interface de batiRIM®

84

8.

Mini rétrospective du BIM

86

9.

Avantages de la culture des matériaux biosourcés

87


Jour du Dépassement Mondial 1970 — 2019 Source : Comptes d’Empreintes Nationales 2019 Global Footprint Network

1 planète Terre

1,75 planète Terre

1er Juin 1er Juillet 1er Août

©camillemonteil

1.

1er Septembre 1er Octobre 1er Novembre 1er Décembre 1er Janvier

EARTH OVERSHOOT DAY

Global Footprint Network®

Advancing the Science of Sustainability

78


2.

Limites à la croissance CL

U B OF

1.0 données réelles 1900 — 1970

Ressources

données réelles 1970 — 2010

0.9

données du modèle

0.8

2010

valeurs normalisées

0.7

2030 La population commence à décliner suite à l’effondrement des années précédentes

0.6 0.5 0.4 0.3

Nourriture Production de services

0.2 Population

0.1 Pollution

Production Industrielle

0.0 1900

1920

1940

1960

1980

2000

2020

2040

2060

2080

2100

©camillemonteil

79

O

TH

E

S o u rc e : T U R N E R G ra h a m M . On the Cusp of Global Collapse? , 2012.

ME

selon le Rapport du Club de Rome

R


3. Le ‘‘pic de l’architecture’’ Source : MÉNARD Raphaël ENCORE HEUREUX : CHOPPIN, Julien & DELON Nicola. Matière grise : matériaux/ réemploi/ architecture. Éditions du Pavillon de l’Arsenal, Paris, 09/2014, 365 pages, p.167.

80


4.

Les flux des déchets en un coup d’œil Source : Rapport ‘‘Déchets : chiffres-clés’’ L’essentiel 2018 — page 7

En 2016, nous avons produit 4.6 tonnes de déchets par habitant.

Les déchets, une ressource pour l’industrie française. Le recyclage approvisionne :

66

50

%

kg

568

- 0.3% en 10 ans

Construction

de l’industrie papetière

(hors construction)

700

kg

- 8% en 10 ans

3400 + 2% en 10 ans

de la sidérurgie

kg

58

%

Mais aussi

Elimination

29%

Recyclage/ remblayage

65% + 13% en 10 ans

17 20

- 15% en 10 ans

Valorisation énergétique

6% + 59% en 10 ans

Sources : Eurostat — Production de déchets des entreprises 2006 à 2016 ADEME — Enquête Collecte 2015

%

de la plasturgie

de l’industrie du verre

QUE DEVIENNENT ILS ?

6

ADEME — Bilan du recyclage 2005 à 2014

11

millions de tonnes de matières premières évitées

millions de tonnes de CO2 évitées par le recyclage

millions de barils de pétrole évités par la valorisation énergétique

108 000

SDES — Les éco-activités de l’emploi environnemental en 2016

81

emplois directs

©camillemonteil

Entreprises

Ménages (déchets ménagers et assimilés/DMA)

%


5. Vue isométrique sur Revit® de la structure de l’auberge de jeunesse Ockenburg de Frank van Klingeren image produite par : Duong Vuong, TU Delft, Studio Rotor Deconstruction S o u r c e : ROTOR : BILLIET Lionel, DEVLIEGER Lionel, GHYOOT Michaël & WARNIER André. Déconstruction et réemploi, comment faire circuler les éléments de construction, Éditions PPUR (Presses polytechniques et universitaires romandes), Lausanne, 2018, 232 pages, p.156

82


6. Axométrie éclatée du système constructif et détails d’assemblage d’un fragment de l’auberge de jeunesse S o u r c e : T S U I Ta n i a . p o r t f o l i o , d e s i g n f o r d e c o n s t r u c t i o n . https://tanyatsui.myportfolio.com/design-for-deconstruction

83


7.

Aperçu de l’inter face batiRIM ®

Source : vidéo de présentation de Batirim pour CementLAB https://www.youtube.com/watch?time_continue=68&v=XnQf6oxJz8I&feature=emb_title

84


85


8.

Mini rétrospective du BIM

les origines du logiciels — sketchnotes Source : LEVAN Serge K. Les managers du BIM : guide impertinent et constructif, Éditions Eyrolles, Paris, 2008, 111 pages. Chapitre 1 — Penser et pratiquer le BIM comme un DiSTIC, p.3

86


9. Avantages de la culture de matériaux biosourcés schémas de principe comparatifs Source : GAUZIN-MÜLLER Dominique. Architecture en fibres végétales d’aujourd’hui, Museo Éditions, Transitions écologiques, Plaissan, 10/2019, 144 pages, p.140. moment de construction période de production

Objectifs 2050 (besoin d’agir avant) période de régénération

Forêts européennes (période de rotation de 30-50 ans)

concentration de CO2 dans l’air temps moment de construction période de production

période de régénération

Objectifs 2050 (besoin d’agir avant)

Plantes à croissance rapide (période de rotation de 1-5 ans) Avec des plantes à croissance rapide, la période de production est beaucoup plus courte que le temps pendant lequel elles sont utilisées dans le bâtiment, ce qui permet de bénificier pleinement du potentiel de stockage de carbone avant 2050.

concentration de CO2 dans l’air temps ©camillemonteil

87


L’architecture est toujours une réponse donnée à une question qui n’est pas posée. Jean Nouvel — 2000 Les objets singuliers, architecture et philosophie


Table des matières Préambule & remerciements

1

Introduction

3

Redécouverte du réemploi D’une pratique courante à une utilisation sporadique Il était une fois... les déchets Notion d’entropie Freins au développement de cette filière

7 7 11 15 16

Le matériau au centre de la conception Le concept des ‘‘3R’’ Décroissance & responsabilité de l’architecte Mutation du cerveau de l’architecte Le principe de ‘‘dessin-chantier’’, dessein du réemploi ?

19 21 22 25 29

La transition numérique comme levier du réemploi Traçabilité & documentation La démarche ‘‘BIM’’ I have a DRIM... Passeports des matériaux Diagnostics in situ & tests Inventaires & plateformes

37 38 42 51 55 56 58

Conclusion

61

Bibliographie

71

Annexes

77


Šbonnefrite


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