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Commerce
Portrait
ENTREPRISES CHUARD, UNE AFFAIRE DE FAMILLE
Portés par une insatiable envie d’entreprendre, c’est ainsi qu’au fil des générations, les Chuard ont su ancrer et diversifier leurs activités, allant de la restauration à l’électricité, en passant par l’immobilier.
Léo et Romain Chuard quand ils étaient joueurs professionnels au Genève-Servette Hockey Club. DR
Faisant taire le fameux dicton «la première génération construit, la deuxième développe, et la troisième détruit», la famille
Chuard a su se construire aux quatre coins de Genève un véritable empire, tant diversifié que fort d’une longévité à toute épreuve. Retour sur le parcours atypique et méconnu mais néanmoins remarquable de cette lignée de graines d’entrepreneurs.
Premier passage de témoin... Tout commence en 1962, lorsque Jean Louis Chuard fonde il y a exactement soixante ans l’entreprise Chuard Electricité aux Eaux-Vives, à Genève. Reprise en 1990 par son fils Laurent, la tradition familiale est alors perpétuée une première fois. L’histoire aurait pu s’arrêter là, comme dans tant d’autres successions, mais Laurent Chuard, accompagné de son épouse Marie-Laure, en décide autrement. «Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse», disait Alfred de Musset, le couple s’en inspire et installe en 2004 un bar à vin au nom évocateur: le Qu’importe, dans le vieux Carouge, lieu de naissance de Madame. Plus exactement, l’établissement prend racine au sein même de l’ancienne épicerie où officiait à l’époque le grand-père de Marie-Laure (Tamborini de son nom de jeune fille). Une adresse qui devient très vite incontournable pour les épicuriens carougeois, alternant entre coin cheminée, où le feu crépite chaque hiver, et terrasse ombragée, animée été après été, le Qu’importe se veut un succès. Tant et si bien que Marie-Laure Chuard se lance à nouveau dans l’aventure de la restauration en 2012, à deux pas littéralement de son autre arcade. Ranimant la rue Vautier, Le Flacon, restaurant bistronomique à l’atmosphère chaleureuse (cuisine ouverte et murs en pierre mis à nus), obtient à son tour rapidement un écho au sein de la cité sarde et se voit attribuer une étoile Michelin, conservée encore à ce jour tandis qu’il fête son 10e anniversaire. Mais l’ambition de diversification des Chuard ne s’éteint pas là. Elle les amène même au-delà des frontières genevoises, au cœur de la station de Leysin. Le couple d’entrepreneurs y ouvre dans la foulée deux hôtels, le chalet Les Fleurettes et le Leysin Sport Hôtel accueillant tous deux des groupes dans une ambiance familiale. Un mot qui résonne comme une évidence pour les Chuard qui, au gré des nouvelles activités, s’étendent eux aussi Léo et Romain Chuard: la vocation de l'entrepreneuriat. DR
avec la naissance de Romain, en 1996, puis de Léo, en 1998. Bercés par leurs parents dans le monde de l’entreprenariat, les deux garçons se tourneront d’abord vers une carrière de hockeyeurs professionnels, l’un étant défenseur, l’autre gardien, et suivront un parcours similaire: d’abord sur la patinoire des Vernets avant de s’envoler pour les Etats-Unis afin de pratiquer leur passion.
...mais la relève n’attend pas Comme liés, les deux frères se blessent tour à tour et prennent finalement leur retraite sportive au début de la vingtaine. Une période de reconversion semée de doutes qu’ils surmonteront grâce à leur famille et un sens inné du commerce. Pas de temps à perdre, Romain, et peu après Léo, font leur entrée au sein des entreprises Chuard et en prennent les manettes dès 2020. Tombés dans cette
nouvelle vocation de l’entrepreneuriat, où ils retrouvent quelque peu l’adrénaline du sport de haut niveau, les journées sont denses. Habitués à ne rien lâcher et épaulés par leurs parents, ils finissent par reproduire le schéma familial et agrandissent une fois de plus le «pôle» Chuard. Outre les différentes sociétés ralliées au fur et à mesure telles que DEM technologies, TechnicAir CVCSE, ou encore l’entreprise générale Orax, les deux frères s’activent à gérer les biens Chuard tout en se lançant dans le développement immobilier et la promotion. Pour ce faire, pas question de naviguer à l’aveugle, ils reprennent le chemin des études à côté du reste. Romain à la Haute école de gestion (HEG) Genève, en cours du soir, et Léo dans des formations Immobase et Immotechnique dispensées par l’Association professionnelle des gérants et courtiers en immeubles (APGCI), en plus d’un brevet fédéral de sommelier. Infatigables et sur tous les fronts, les jeunes hommes espèrent continuer à développer les entreprises familiales, mais avec rigueur comme en témoigne Léo: «Le but c’est de grandir mais de savoir contenir nos ardeurs pour garder cette structure conviviale et à échelle humaine que nos parents ont déployé avant nous.»
«Les décisions se prennent à table, autour d’un bon repas, à deux ou à quatre, sans prises de tête, ni de bec»
Léo Chuard
Le groupe Chuard en résumé
l Chuard Electricité l DEM technologies l TechnicAir CVCSE l Entreprise générale Orax l Bar à vin le Qu’importe et restaurant Le Flacon, à Carouge l Le chalet Les Fleurettes, à Leysin l Le Leysin Sport Hôtel
Le tout dans un esprit familial, à nouveau. «Ce qui est beau dans tout ça, c’est que les décisions se prennent à table, autour d’un bon repas, à deux ou à quatre. Il n’y a ni prises de tête, ni de bec», ajoute Léo. Une relation exempte de toute concurrence qui se ressent lorsque l’on rencontre les deux compères. «Du fait de notre éducation et de notre parcours, je qualifierais notre relation fraternelle de fusionnelle. Au travail, nous sommes plutôt complémentaires dans les tâches mais dans les échanges, nous sommes constamment en symbiose», confirme Romain, non sans fierté.
De la suite dans les idées Bien loin d’avoir terminé ce qu’ils comptaient tous deux entreprendre, malgré un emploi du temps débordant, Romain et Léo planchent actuellement sur divers projets. Un restaurant situé entre le Qu’importe et Le Flacon ouvrira d’ici peu, le concept étant tenu secret. Egalement dans le domaine de la restauration, un établissement doté d’un laboratoire dans la zone industrielle de Plan-les-Ouates devrait voir le jour prochainement. Enfin, des événements philanthropiques co-organisés avec des associations locales sont en préparation. En attendant de découvrir ces nouveaux développements (mais de loin pas les derniers), vous retrouverez Léo attablé au Flacon, en train de corriger la dernière carte des vins, ou Romain au détour du Qu’importe qui profite d’un énième contact clientèle dont il ne se lasse pas, puisqu’ils ne cessent de le répéter à qui veut l’entendre: qu’à défaut d’être sur la glace, c’est bel et bien là qu’est leur place. Julie Müller