Février 2022
Edition Fribourg - Berne
M E N SU E
immobilier.ch
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Actualité · Immobilier · Commerce · Emploi · Gastronomie
Payerne
L’ENVOL D’AEROPOLE
Bulle et Châtel-St-Denis
Velâdzo, futurs «villages urbains» 12-15 Chronique
Martina Chyba prend soin de son lit
LDD
20-21
Antiquaire à Fribourg
La passion des beaux livres anciens
22-25
L’avenir de l’aviation se construit à Payerne. Le futur bâtiment Envergure du Swiss Aeropole accueillera des entreprises spécialisées dans 4-7 de nouveaux types de propulsion plus écologiques et le spatial.
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Edition Fribourg - Berne – Février 2022
SOMMAIRE
s l e i t n e d i f n o c s le
CTION DE L A RÉDA
4-7 Actualité L’avenir de l’aviation se construit à Payerne
8-11 Dossier Leclanché fonce malgré le manque de liquidités
12-21 Immobilier Velâdzo, les nouveaux «villages urbains» à Bulle et Châtel-St-Denis Avoir chaud sans chauffer: visite au siège de Phonak près de Morat Gerofinance - Régie du Rhône et Barnes Suisse explosent leurs résultats Au lit! La chronique de Martina Chyba sur la chambre à coucher
22-25 Commerce La passion des beaux livres anciens d’un antiquaire à Fribourg
26-29 Emploi et formation Moonkee remet la sieste au goût du jour
Savoir se remettre sur les rails après un licenciement
30-31 Gastronomie Saison de la truffe: à la poursuite du diamant noir
Éditeur: IMMOBILIER.CH SA Rédacteur en chef: Serge Guertchakoff DA et maquette: Agence EtienneEtienne Publicité: info@immobilier.ch Tél +41 22 307 02 20 Impression: CH Media Print AG Edition hebdomadaire • Genève Région: tirage 125’000 ex. envoi ePaper 40’000 ex. Editions mensuelles • Vaud: envoi ePaper 40’000 ex. • Valais: envoi ePaper 10’000 ex. • Fribourg-Berne: envoi ePaper 10’000 ex. • Neuchâtel-Jura: envoi ePaper 6’000 ex. Toutes les éditions sont disponibles sur immobilier.ch
L’ACTUEL PROPRIÉTAIRE DU FAIRMONT GRAND HOTEL SUR LE POINT DE S’EN SÉPARER D’après nos informations, un important fonds d’investissement étranger serait sur le point de racheter l’intégralité des murs du plus grand 5 étoiles suisse: le Fairmont Grand Hôtel Geneva (ex-Kempinski, ex-Noga Hilton). Rappelons que l’actuel propriétaire saoudien, Abdulmohsen Al AlSheikh, avait été victime de la campagne «contre la corruption» menée par le prince héritier Mohammed ben Salman. A ce titre, il avait été détenu dans un palace de Riyad à fin 2017. En effet, certains princes et/ou multi-milliardaires ont été contraints de verser jusqu’à un milliard de dollars pour être libérés. Comme par exemple, le prince et homme d’affaires Al-Walid ben Talal, ancien propriétaire du Four Seasons les Bergues, qui serait encore en résidence surveillée. Or, après deux années de pertes financières liées à la situation sanitaire, le chantier de rénovation que devait mener l’architecte star Jean Nouvel et le bureau genevois Diserens Jucker Architectes Associés ne serait plus d’actualité. Le futur acquéreur aurait néanmoins le projet de rénover le palace. Reste à savoir si le contrat avec la chaîne Fairmont sera ou non reconduit. Rappelons que cette filiale du groupe Accor (depuis fin 2015) avait repris la gestion de l’hôtel le 1er janvier 2020, deux mois avant le début de la pandémie.
BARNES ET GEROFINANCE VONT AU THÉÂTRE Dès le 30 mars, les enseignes Barnes Suisse et Gerofinance vont ouvrir une arcade de 300 m2 à côté du Grand-Théâtre à Genève, plus précisément au boulevard du Théâtre. Et exactement un mois plus tard, elles ouvriront une seconde arcade de 300 m2 à l’avenue du Théâtre à Lausanne. L’idée est d’offrir quelque chose de différent, avec des afterworks et des expositions, sur le modèle de Barnes à Paris.
EDOUARD BOLLETER REPREND LE MAGAZINE «POINT DE MIRE» Le magazine trimestriel financier Point de Mire fait peau neuve en 2022 après plus de vingt-cinq ans d’existence. Le journaliste économique Edouard Bolleter reprend la rédaction en chef dès le 1er mars. Il succède à Daniel Martel qui devient directeur de la publication indépendante. La pagination va augmenter avec notamment des pages sur l’actualité de la place, un dossier de la rédaction et de nouvelles rubriques sur l’avenir de la finance romande. Un fort mouvement vers le digital est également annoncé.
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Actualité
Swiss Aeropole
L’AVENIR DE L’AVIATION SE CONSTRUIT À PAYERNE La transition énergétique de l’aviation se prépare à Payerne. Le Swiss Aeropole entre dans une nouvelle phase. Avec son futur bâtiment Envergure, le site pourra accueillir une vingtaine d’entreprises à la pointe de la technologie.
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vec ses deux ailes et sa halle à drones, Envergure se déploiera sur plus de 8000 m2 courant 2023. La commercialisation des espaces réservés aux sociétés désireuses de tisser un lien avec l’aéronautique ou le spatial vient de commencer. «Nous voulions un bâtiment iconique qui offre cependant des loyers abordables, précise Massimo Fiorin, directeur du Business Park de Swiss Aeropole, situé près de l’aéroport de Payerne (VD). Il y aura aussi bien des laboratoires que des
Destinus a choisi le Swiss Aeropole pour mettre au point ses avions-fusées hypersoniques
Actualité
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sites de production ou du R&D, dans des espaces modulables. La halle à drones, entièrement vitrée, reliera les deux ailes. Elle servira à des vols de tests et comme lieu de conférences. Une cafétéria sur le toit complète le projet mené en collaboration avec Losinger Marazzi et des spécialistes d’aéronautique.» Un clin d’œil du ciel Le défi est de concevoir un édifice intéressant pour cette industrie en plein essor. Il doit offrir de la mobilité, des
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Actualité
espaces communicants pour favoriser les échanges entre les locataires et également de la confidentialité. De quoi développer, à Payerne, de nouveaux types de propulsion plus écologiques et intelligents, cela dans les meilleures conditions. Vue du ciel, la zone végétalisée de l’Aeropole 2, une parcelle de 250 000 m2 qui abritera notamment Envergure, formera une hélice verte. Un clin d’œil à une région historiquement à l’avant-garde de l’aviation. Par ailleurs, un concept de mobilité avec des infrastructures digitales et autonomes est à l’étude pour l’intérieur du Swiss Aeropole et sa liaison à la gare de Payerne. Il est soutenu par Vaud et Fribourg. Ce modèle de transport futuriste pourra ensuite être répliqué dans d’autres parcs d’affaires en Suisse. Croissance rapide Cette nouvelle phase de développement est directement liée à la croissance de l’activité dans l’Aeropole 1, situé au bord de la piste d’aviation de près de 3 km. «En deux ans, nous avons doublé le nombre de vols d’affaires pour passer de 550 en 2019 à 1150 vols en 2021, observe Massimo Fiorin. Nous avions trois entreprises résidentes sur le site et aujourd’hui 29 sont présentes. Les espaces en location de l’aéroport sont complets, à l’exception du coworking. De nouveaux bureaux vont être ouverts du côté de Speedwings en 2022.» Outre Solar Impulse à l’époque, plusieurs entreprises prometteuses ont posé leurs valises récemment du côté de Payerne. Destinus a choisi la Broye pour mettre au point ses avions-fusées hypersoniques. De même Supra, sous-traitant automobile, a préféré Payerne à une trentaine de sites et prévoit d’y créer 40 emplois. Demain, l’avion à hydrogène? «Les synergies possibles et les compétences sur place et à proximité avec les hautes écoles sont déterminantes pour les sociétés qui rejoignent le Swiss Aeropole, souligne Massimo Fiorin. On construit ici l’avenir de l’aviation.» Avion à hydrogène ou électrique, taxidrone, il y a en a pour tous les goûts. «Je suis fasciné par des projets tels que les navettes hypersoniques à hydrogène et sans pilote de Destinus, arrivée en mai
La halle à drones, entièrement vitrée, reliera les deux ailes d’Envergure. LDD
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Actualité
Avion à hydrogène ou électrique, taxi-drone, il y a en a pour tous les goûts
Les deux ailes et la halle à drones d’Envergure. LDD
2021 à Payerne, poursuit le directeur. C’est pareil pour le travail sur les batteries électriques pour les avions ou encore le développement de drones à des fins de sauvetage, de transport, de surveillance de sites. On parle même de taxi-drones.»
La zone végétalisée de l’Aeropole 2, qui abritera notamment Envergure, formera une hélice. LDD
Ici, ce n’est pas Fribourg Le premier hub d’aéronautique et d’aérospatial de Suisse a pourtant bien les pieds sur terre. Il suit sa mission: «Utiliser le ciel pour faire vivre le sol.» Un élément reste cependant déconcertant: le soutien à ce parc technologique. Situé en terre vaudoise, le Swiss Aeropole est entouré par le canton de Fribourg. L’Etat fribourgeois participe-t-il à son essor au même titre que le Canton de Vaud? «C’est une bonne question, reconnaît Massimo Fiorin. Même si le Canton de Fribourg comprend bien qu’une société qui s’installe à Payerne stimule l’activité économique, l’habitat et l’emploi aussi bien sur Fribourg que sur Vaud, il n’y a malheureusement pas de base légale permettant à ce hub de recevoir des subventions des deux cantons. Fribourg intervient toutefois sur quelques projets ponctuels.» A l’époque, un compromis a pourtant bien été trouvé pour le Gymnase intercantonal de la Broye. Tiphaine Bühler
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Dossier
Enquête
LECLANCHÉ, OU COMMENT FONCER MALGRÉ UNE PANNE DE LIQUIDITÉS L’entreprise mythique d’Yverdon, leader mondial de solutions de stockage de l’énergie, peut compter sur de bons clients mais peine à assurer financièrement son développement.
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es industriels le savent bien: ils peuvent s’enorgueillir de fabriquer les meilleurs produits du monde tout en tirant la langue sur le plan financier. Dans les années 1980, de nombreuses firmes suisses ont passé le cap des crises industrielles en vendant – ou bradant selon les cas – leur patrimoine immobilier. Aujourd’hui, la plupart d’entre elles ne possèdent plus les murs de leurs usines, consacrant leurs capitaux pour le développement de leurs produits et leur commercialisation. C’est le cas de Leclanché, mythique compagnie vaudoise. Cette firme centenaire a toujours négocié tant bien que mal les virages technologiques auxquels sont confrontés la plupart des industriels. Cette entreprise qui a bâti son histoire sur la production de piles, puis sur les batteries et le stockage d’énergie, a décroché de très prometteurs contrats dans le domaine des transports et de la gestion globale d’énergie «verte». En revanche, ses liquidités posent un problème. Après avoir reçu en automne dernier de ses principaux actionnaires une rallonge de près de 30 millions de francs suite à la conversion de dettes en capital,
«Nous avons signé des accords de partenariat ces trois dernières années pour 400 millions de francs de commandes ou de projets»
la société yverdonnoise prépare un nouveau renflouement. Mais elle dépend de ses actionnaires de poids, regroupés au sein d’une complexe entité de fonds d’investissements (lire l’encadré en page 15).
Hubert Angleys, directeur financier de Leclanché
Baisse de la valeur boursière En septembre, l’opération a été motivée par une raison assez simple: ses acti-
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Le site vaudois de Leclanché, où travaillent 155 personnes. LDD
vités sont centrées dans des domaines coûteux en termes de développement technologique et d’acquisition de grande clientèle. Malgré son âge vénérable, l’entreprise Leclanché a tout de la start-up: taille modeste, axée sur l’innovation dans des segments porteurs, soutenue par une cohorte d’ingénieurs. Mais la success story reste fragile. Précisément
à cause d’un besoin continu de moyens financiers. En Bourse, le titre fait du surplace. En septembre 2011, il y a un peu plus de dix ans, son action valait encore 17,45 francs avant de dévisser et se stabiliser à 2,70 francs, cinq ans plus tard, le 1er septembre 2016. Le 10 janvier dernier, un titre de cette société valait 0,63 frs, la valorisant à environ 212 millions de francs. Le 30 août, il valait encore 0,86 francs. Début septembre, l’entrée d’argent frais n’a donc nullement fouetté le cours de la société et des projets commencent à battre de l’aile. En juin 2020, le groupe polonais Eneris prenait l’allure d’un preux chevalier blanc en promettant un investissement d’environ 100 millions de francs contre le contrôle des deux
sites de production de Leclanché, en Allemagne et à Yverdon. Ensemble, les deux sociétés avaient alors affiché d’ambitieux projets permettant notamment à la firme vaudoise de réduire de 20% ses coûts salariaux. Mais, pour l’heure, ils se sont enlisés. Un carnet de commandes dodu Si la firme yverdonnoise doit encore imaginer comment consolider ses liquidités, ses collaborateurs se concentrent surtout sur ses activités phares. «Notre principale division est spécialisée dans les transports maritime, ferroviaire et routier (poids-lourds ou véhicules spéciaux), détaille Hubert Angleys, directeur financier de l’entreprise. Nous proposons notre technologie basée sur des cellules fa-
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Dossier
Plus un carnet de commandes est dodu, plus un actionnaire sera d’accord d’ouvrir son portefeuille. Hubert Angleys se montre optimiste sur ce terrain névralgique pour tout industriel. «Nous avons signé des accords de partenariat ces trois dernières années pour 400 millions de francs de commandes ou de projets, à livrer sur cinq à six ans, dont des commandes fermes à hauteur de 50 millions de francs ».
Leclanché propose plusieurs technologies de systèmes de gestion de batteries. LDD briquées en Allemagne puis assemblées en modules à Yverdon. Ces systèmes équipent ensuite principalement des bateaux et des trains, moyens de transport ayant besoin de batteries performantes sur des dizaines d’années.» Nous proposons à nos clients, ajoute le patron des finances, la conception, le développement, l’ingénierie et la fabrication de batteries à haute performance. Dans un registre au parfum plus exotique, Leclanché mise sur des projets d’énergie renouvelable à l’exemple de la construction d’un parc solaire à Saint Kitts & Nevis, un micro Etat de 50'000 habitants situé dans les Caraïbes, loin au sud-est de Porto Rico.
La société a recruté près de 100 personnes ces deux dernières années
De la clientèle et des employés De grands noms de l’industrie font confiance à Leclanché, à l’exemple du géant canadien Bombardier dont la division transport est passée l’an dernier – pour un prix tutoyant 6 milliards de francs – dans les mains d’un autre titan du secteur, le constructeur ferroviaire français Alstom. L’armateur norvégien Kongsberg ou le fabricant de bus tchèque Skoda comptent aussi parmi ses clients. Patron de l’entreprise depuis juin 2014, Anil Srivastava, d’origine indienne, s’est par ailleurs démené pour trouver de gros fournisseurs, à l’exemple de Exide Industries, considéré comme un grand fabricant indien de batteries. Leclanché compte sur un effectif de 350 employés, dont 155 à Yverdon (60 ingénieurs), 120 en Allemagne (20 ingénieurs), 30 aux Etats-Unis et le solde éparpillé dans plusieurs autres pays. En 2022, l’effectif pourrait encore s’agrandir de 20 personnes. «Nous avons recruté près de 100 personnes ces deux dernières années», rappelle Hubert Angleys. Leclanché possède donc les ressources humaines, les capacités à innover et à se lier à de gros clients. Bref, cette compagnie est belle comme un camion mais peine à trouver du carburant et une solide station-service. A Yverdon, berceau d’autres entreprises mythiques comme Hermes Precisa (machines à écrire, imprimantes) qui comptait plus de 4000 salariés dans le Nord vaudois dans les années 1960, on prie pour que Leclanché parvienne à négocier ses nouveaux virages. Chaque région a besoin de s’appuyer sur d’anciens fleurons rappelant une tradition industrielle. Cela justifie et explique l’intérêt toujours marqué pour Leclanché. Contre vents et marées. Roland Rossier
Dossier
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Après une rallonge du capital de près de 30 millions de francs l’automne dernier, la société yverdonnoise prépare un nouveau renflouement. LDD
A QUI APPARTIENT LA SOCIÉTÉ? Pas facile de comprendre qui contrôle in fine la société. En 2015, des financiers, emmenés par le Luxembourgeois Christian Denizon, prennent le contrôle de la majorité du capital de Leclanché. Les fonds luxembourgeois SEFAM représentent aujourd’hui le principal actionnaire de la compagnie. Son conseiller financier est la société genevoise Golden Partner. Après une augmentation de capital effectuée en septembre 2021, ces fonds alimentés entre autres par des family offices chinois détiennent 80% de Leclanché. Le deuxième plus gros actionnaire après SEFAM est le gérant de patrimoine genevois Bruellan, qui possède 2,5% du capital. Bruellan est un action-
naire fidèle de la firme vaudoise: il y a quatre ans, un de ses fonds détenait près de 14% du groupe yverdonnois. Aujourd’hui, les autres 17,5% sont répartis entre 3500 petits actionnaires. Leclanché parvient donc encore à séduire un actionnariat populaire. Mouvements de fonds opaques Mais qui est le bénéficiaire économique de Golden Partner, très actif dans la gestion financière de la compagnie? Président de la holding Golden Partner, et administrateur de Leclanché, l’avocat genevois Bénédict Fontanet n’a pas souhaité répondre à cette question. Ni réagir à un article du journal luxembourgeois «Land» qui, en mai dernier,
s’étonnait du «spectaculaire montage de sociétés couvrant d’opacité les mouvements de fonds», opérés par Golden Partner, entre le Luxembourg et la Chine, en passant par les Iles Caïmans. Enfin, Leclanché a aussi compté parmi ses actionnaires importants le groupe Logistable, dont dépend, à Lausanne, la société de gestion immobilière du même nom. Créé en 1992 dans le paradis fiscal de Gibraltar, Logistable est contrôlée par l’homme d’affaires français Pierre Lavie. Ce groupe est monté à hauteur de 11,5% du capital de Leclanché (en détenant 7,3% des actions). Pourquoi Pierre Lavie a-t-il cédé ce portefeuille? Le Français n’a pas souhaité fournir de réponse. R. R.
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Immobilier
Bulle et Châtel-St-Denis
VELÂDZO, LES NOUVEAUX «VILLAGES URBAINS» DU CANTON
«Vivre à deux pas de la nature tout en étant à quelques minutes de train d’une plus grande agglomération comme Lausanne» Charles Ducrot, syndic de Châtel-St-Denis
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Immobilier
La transformation des abords des gares de Bulle et Châtel-St-Denis suit un seul et même concept développé par la branche immobilière des Transports publics fribourgeois. Près de 3000 habitants et 770 travailleurs y sont attendus.
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elâdzo. En patois fribourgeois cela signifie «village». Mais aux abords des gares de Bulle, Châtel-St-Denis, et bientôt Estavayer-Le-Lac et Givisiez, ce terme traditionnel désigne surtout les projets immobiliers modernes, urbains et connectés des Transports publics fribourgeois (TPF) qui révolutionneront bientôt ces communes. «Il ne s’agissait pas seulement de vendre des bâtiments fonctionnels, mais aussi d’impliquer une communauté, de raconter une histoire sur le lieu pour lui amener un côté humain et une vraie touche fribourgeoise», relate Youri Sawerschel, fondateur de la société romande Creative Supply qui s’est char-
gée de créer une identité visuelle «craft et fait main» aux projets Velâdzo pour leur donner un aspect «village». Réseau de pistes cyclables «Notre volonté, c’était de réunir les nouveaux sites sous un seul branding, pour mettre en valeur leurs dénominateurs communs», précise Johanne Cantin, en charge de la commercialisation pour TPF IMMO. Ces ensembles comptent offrir une nouvelle conception de la mobilité urbaine, en proposant notamment un important réseau de pistes cyclables. Ils comprendront aussi des lieux de vie très proches de la gare ferroviaire et des transports routiers – des places et des
Deux des quatre îlots de Chatel-St-Denis. LDD
parcs bordés de verdure. Enfin, chacun proposera des commerces, des logements et des services. A Bulle et à Châtel-St-Denis, les sites dont le chantier est le plus avancé, les réservations avancent bien pour les appartements à louer au prix du marché (1,5 à 4,5 pièces) – plus de 40% ont été loués ou réservés à Bulle et environs 50% à Châtel-St-Denis. Les premiers locataires investiront les lieux dès le 1er avril à Châtel et le 1er mai prochain à Bulle. «Les immeubles en construction permettront de vivre à la campagne, à deux pas de la nature, tout en étant à quelques minutes de train d’une plus grande agglomération comme Lausanne», explique >>
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Immobilier
La communication de la société Creative Supply. LDD Charles Ducrot, syndic de Châtel-St-Denis. Les commerces ouvriront quelques semaines plus tard. «Ce qui change d’un grand centre commercial classique, c’est qu’il y aura des arcades, explique Charles Ducrot. On pourra passer d’un commerce à l’autre depuis les galeries extérieures, comme depuis les couloirs intérieurs. On trouvera tout sur place, notamment à des heures un peu plus tardives, ce qui répondra aux besoins de flexibilité d’une partie de la population.» Les clients auront droit à des horaires élargis – sept jours sur sept, au-delà de 16 heures – car les commerces sont associés aux gares ferroviaires. «Lieux de vie» Petit à petit, les TPF dévoilent le nom des divers commerçants qui s’installeront entre ses murs. Des enseignes classiques sont prévues sur les nouveaux sites, comme Migros ou la chaîne de pharmacies Benu à Bulle, ou encore les détaillants Lidl et Denner, une boulangerie Bread Store et K Kiosk à Châtel-St-Denis. Les nouveaux ensembles accueilleront aussi des services comme le cabinet dentaire Vitadent à Bulle ou une crèche à Chatel-St-Denis. Toujours dans l’idée de recréer un esprit de village, la société immobilière a également mis l’accent sur le local, avec des artisans, une épicerie en vrac, un fromager ou un chocolatier. «L’idée consiste à dénicher et proposer les meilleurs ingrédients de chaque producteur», résume Johanne Cantin de TPF IMMO. «Les Velâdzo ne seront pas des centres
commerciaux mais des lieux de vie», poursuit-elle. En effet, des lieux de vie comme des restaurants ou cafés sont aussi attendus. Dans le complexe bullois, le japonais Kumo, des chefs fribourgeois Ben&Léo, ou encore un rooftop, le premier dans le canton, avec vue sur le Moléson. Déplacement des gares et aménagements Sans compter le déplacement des gares, l’édifice bullois est devisé à 100 millions de francs. Et les quatre îlots de Châtel-St-Denis atteignent la somme de 94 millions de francs. «Ce nouveau quartier ne sera pas un village à proprement parler, mais il en aura sans doute l’esprit, se réjouit le syndic Charles Ducrot. La place et les petits commerces seront des zones de rencontre, et on peut même espérer que les futurs habitants apprendront vraiment à se connaître.» Les deux communes ont dû réinvestir l’espace public autour de leur gare pour qu’il corresponde aux projets Velâdzo. Au cœur de la ville de Bulle, pas moins de trois hectares d’espaces publics seront complètement réaménagés. La Ville de Bulle requalifie la rue Albert-Rieter, qui relie la nouvelle gare à la Grand-Rue, «pour améliorer son attractivité et créer une liaison agréable entre la nouvelle galerie marchande de la gare et les commerces du centre-ville». Et pour le syndic de Châtel-St-Denis, «c’est le premier projet avec un lieu dans lequel on évite que les piétons et les voitures se rencontrent».
Les deux complexes modifieront durablement le paysage des quartiers de la gare et engendreront une augmentation de la population. Avec une hausse constante de son nombre d’habitants (25’000 aujourd’hui), Bulle est déjà une ville dynamique et devrait compter 2000 personnes en plus avec ce projet. Pour Châtel-St-Denis, le changement est plus
Immobilier
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EN QUELQUES CHIFFRES Les projets offriront: • 770 places de travail estimées • Près de 1200 logements pour environ 3000 habitants Bulle • 76 appartements et studios • 274 places de parcs voitures et 34 places de parcs moto en sous-sol • 205 places de parcs vélos en rez supérieur • 1500 m² de surfaces administratives • 4500 m² de surfaces commerciales • 1 hôtel de 68 chambres • 1 restaurant en «rooftop» • Livraison des logements: 1er mai 2022 • Ouverture de l’hôtel: mi-août 2022 • Surfaces commerciales: 1er septembre 2022 • Investissement initial: 100 millions de francs • Fourchette de prix de location: – 1,5 pièce dès 835.- + charges – 2,5 pièces dès 1110.- + charges – 3,5 pièces dès 1455.- + charges – 4,5 pièces dès 1795.- + charges Châtel-St-Denis
Le projet du bâtiment de la gare de Bulle. LDD
• 4 bâtiments (îlots) Ilot A – 805 m² de surfaces commerciales – 850 m² de surfaces administratives – 30 appartements Ilot B – 485 m² de surfaces commerciales – 806 m² de surfaces administratives – 20 appartements Ilot C – 952 m² de surfaces commerciales – 625 m² de surfaces administratives – 42 appartements Ilot D – 1355 m² de surfaces commerciales – 455 m² de surfaces administratives – 36 appartements • 343 places de parc
drastique. «Bien sûr, tout le monde n’apprécie pas que Châtel-St-Denis devienne une petite ville, mais je pense qu’on peut grandir tout en proposant une meilleure qualité de vie», se projette l’homme à la tête de la commune de 7500 habitants, qui devrait ainsi accueillir 900 nouveaux citoyens. Léo Michoud
• Investissement initial première phase: 94 millions de francs • Premiers locataires: – Ilot A: 1er avril 2022 – Ilot D: 1er mars 2023 • Fourchette de prix de location (îlots A et D): – 1,5 pièce dès 870.- + charges – 2,5 pièces dès 1100.- + charges – 3,5 pièces dès 1410.- + charges – 4,5 pièces standard dès 1750.- + charges
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Immobilier
Bâtiment de Phonak Communications
AVOIR CHAUD SANS CHAUFFER Le thermomètre affiche -2 degrés sur les bords du lac de Morat. La température idéale pour visiter le nouveau centre R&D, vente et marketing de Phonak Communications, bâtiment conçu pour fonctionner sans chauffage.
fonctionnant comme un isolant minéral dont la conductivité thermique ou lambda est de 0,08 W/m. Mais ce n’est pas tout. L’escalier magistral multi-entrées se convertit à souhait en aula. Il est fabriqué en épicéa suisse. LDD
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nauguré en avril 2021 lors d’une présentation virtuelle, le nouveau centre R&D, vente et marketing de Phonak Communications pouvant accueillir 180 collaborateurs vise le zéro carbone. Dès lors, comment atteindre 22 degrés à l’intérieur alors que dehors les fontaines gèlent? «Chaque être humain rayonne de 100 Watts au minimum, comme une ampoule qui chauffe. Vous ajoutez à cela des ordinateurs et des serveurs et vous obte-
nez de la chaleur. Si on peut garder cette énergie présente à l’intérieur, on peut chauffer», explique Evert Dijkstra, CEO fraîchement retraité de Phonak Communications, société du groupe Sonova spécialisée dans la production de systèmes auditifs et de communication miniaturisée. L’édifice de 4100 m2, situé près de Morat, bénéficie donc d’une enveloppe isolante de haute qualité. Ses murs épais sont construits en briques rouges remplies de perlites, une pierre volcanique
Aération naturelle «Nous avons aussi mis en place un système de redistribution de la chaleur entre les deux étages, par le sol et le plafond», note le directeur général en montrant la dalle active et une hauteur de pièce très confortable permettant d’optimiser l’échange thermique. «Comme tout le concept était nouveau, nous avons dû beaucoup simuler en amont, ajoute-t-il. Le résultat est conforme aux prévisions. Nous sommes une des premières entreprises de Suisse conçue de la sorte.» Et l’été? Une aération régulière par clapets automatisés situés vers les fenêtres triple vitrage permet une ventilation naturelle, utile aussi bien en hiver qu’en été lors de canicules. Par ailleurs, toutes les
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Immobilier
l’entreprise, plusieurs chambres acoustiques sans son ou salle RF sans écho permettent de tester leurs derniers développements. Tout a été soigneusement pensé. La peinture blanche des murs extérieurs réfléchit la lumière. L’escalier magistral multi-entrées se convertit à souhait en aula et est fabriqué en épicéa suisse. L’électricité produite avec des panneaux PV couvre les besoins de l’entreprise, l’excédent étant redistribué. Même le bloc WC, un îlot central unique, est positionné pour pousser les collaborateurs à bouger et se rencontrer. L’équipe de projet s’est fixé une autre contrainte: celle liée à l’énergie grise. «Plus de 90% des matériaux devaient être réutilisables. C’est donc naturellement que le bois a pris une place importante dans le bâtiment», pointe le CEO.
L’électricité produite avec des panneaux PV couvre les besoins de l’entreprise, l’excédent étant redistribué. LDD
fenêtres sont orientées de manière à ne pas recevoir le rayonnement solaire en direct, afin d’éviter la surchauffe. Nul besoin de climatisation donc. Un plan B existe tout de même, avec des pompes à chaleur. Elles se mettent en marche si la température intérieure n’est plus comprise entre 21 et 26 degrés. Lampes anti-bruit En toute logique pour une société experte dans la technologie auditive, l’acoustique du lieu revêt une importance particulière. Les lampes de la cafétéria absorbent les sons. C’est le cas également des panneaux acoustiques discrets qui cloisonnent les pièces et notamment les 30 salles de conférences. «La plupart sont pour quatre personnes, afin de faire des micro-séances ou de relire un brevet au calme», observe Evert Dijkstra qui a passé plus de vingt ans à la tête de Phonak. Enfin, outil indispensable pour
«Nous sommes une des premières entreprises de Suisse conçue de la sorte»
Evert Dijkstra, CEO de Phonak Communications
Coûts souverains «La démarche globale est écologique, mais également économique, précise Evert Dijkstra. Nous économisons plusieurs centaines de milliers de francs, entre l’électricité et le chauffage. Ces coûts revenaient chaque année.» Un autre levier d’économie est apparu lors de la planification du bâtiment. «Généralement, les infrastructures techniques représentent 30% du coût de construction. Or ici, la proportion est de 10 % seulement, puisque la machinerie est très fortement réduite. Ce gain se retrouve dans l’espace occupé traditionnellement par des chaudières et autres vecteurs d’énergie. «Actuellement, moins de 2% de la surface du bâtiment est occupée par notre local technique. On peut donc en faire quelque chose de plus intéressant», souligne l’ingénieur en micro-électronique. Phonak Communications et le bureau d’architectes zurichois OOS ont ainsi revisité des codes de construction pas si récents, finalement. «En effet, sous certains aspects, notre bâtiment hightech possède des principes d’il y a trois siècles, proche d’une cathédrale, avec des murs épais, des espaces plus petits et de rencontres, s’amuse le passionné de technologie. Et le budget de 20 millions de francs et les délais ont été respectés, à un mois prêt.» Tiphaine Bühler
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Agence immobilière
GEROFINANCE - RÉGIE DU RHÔNE ET BARNES SUISSE EXPLOSENT LEURS RÉSULTATS Le plus «important hub immobilier de Suisse romande» annonce des ventes consolidées (résidentiel et commercial) de 1,6 milliard de francs.
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près les résultats présentés par le groupe Naef le 7 février dernier, c’est au tour des marques Gerofinance - Régie du Rhône, Barnes Suisse et Barnes Commercial Realty (anciennement Partner Real Estate - Knight Frank) de dévoiler quelques chiffres records. Les volumes de vente, regroupant le résidentiel et le commercial, ont atteint 1,6 milliard de francs. «Si les cantons de Genève et Vaud ont connu une forte augmentation des transactions, Fribourg, Neuchâtel et le Valais ont suivi la même tendance», indique le communiqué de presse. Les activités de gérance immobilière de Gerofinance Régie du Rhône ont également maintenu leur croissance. Un chalet à 27 millions Avec un volume de transactions de près de 1,6 milliard de francs, cela représente plus de 715 ventes, soit près de trois par jour ouvrable, pour un chiffre d’affaires dans le résidentiel en croissance de 45%. «Ce record est porté par l’excellente dynamique du marché. Une clientèle internationale a vu dans la Suisse un havre de paix en temps de Covid. C’est en Valais que Barnes Suisse a réalisé ses plus importantes ventes en 2021. Un chalet a atteint le prix de 27 millions à Verbier. Un autre s’est négocié à plus de 20 millions dans une autre station valaisanne. Dans le canton de Vaud, un bien est parti à 25 millions et une villa à 18 millions à Genève.»
«Cette année, le marché immobilier poursuivra sa hausse»
Jérôme Félicité, président de Gerofinance - Régie du Rhône
La demande endogène d’acheteurs vivant déjà en Suisse pour des villas et des appartements entre 1 et 4 millions de francs a aussi explosée. «Les promotions de biens neufs ont représenté 35% du volume total des ventes de Barnes Suisses. A noter, le nombre croissant de promotions pour un montant de 34 millions de francs, développé dans les cantons du Valais, Neuchâtel et Fribourg.»
L’immobilier commercial, via la nouvelle entité Barnes Commercial Realty, n’est pas en berne. Elle affiche une croissance de près de 10%. Septante et un baux commerciaux ont été signés dans les cantons de Vaud et de Genève (54 baux en 2020), soit plus de 36'500 m2 de surfaces louées (plus de 20'000 m2 en 2020). Cela concerne deux exemples genevois tout d’abord: la Tour de l’Ile 1 où la société a loué plus de 1000 m2 à Bank of China; le Geneva Business Center à Lancy où 3000 m2 de surfaces de bureaux ont trouvé preneur. Deux exemples vaudois ensuite: 11'500 m2 de surfaces louées à Bussigny (Rente 26); et 3300 m2 de surfaces administratives dans le bâtiment Ellipse à Gland. En matière de transactions effectuées pour des investisseurs, il y en a eu 15 en 2021 (12 en 2020). Parmi celles-ci, PontRouge à Neuchâtel (65 millions), l’Atrium Park à Genève (110 millions) et le terrain du Bureau international du travail à Genève (150 millions). Enfin, les activités de gérance immobilière ont aussi performé avec un état locatif total qui se monte à presque 980 millions de francs. Et Jérôme Félicité, président de ces sociétés, de prédire encore une belle année 2022: «Cette année, malgré une très légère hausse des taux hypothécaires, le marché immobilier poursuivra sa hausse. Certes de manière moins prononcée, mais elle continuera.» Serge Guertchakoff
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Plus de 1000 m2 de locaux commerciaux à la Tour de l’Ile 1 ont été loués à Bank of China. LDD
Immobilier
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Immobilier
Chronique chez soi par Martina Chyba, journaliste à la RTS
AU LIT! On y passe un tiers de sa vie. Où ça? Dans son lit bien sûr! De la taille à la literie, en passant par le matelas, il faut donc y accorder la plus grande importance.
C
omme on fait son lit, on se couche dit-on. Métaphoriquement cela veut dire qu’il faut assumer les conséquences de ses actes. Au premier degré, cela signifie qu’il faut prendre soin de son lit si l’on veut espérer dormir correctement. Le lit, c’est l’un des éléments les plus importants de la maison. Avec la table de la cuisine. Le canapé du salon. Et la baignoire. C’est quand même un endroit où l’on passe un tiers de notre vie. Si si! Calculez 8 heures par nuit, sur 80 ans d’existence, cela représente 233’600 heures de sommeil, à savoir l’équivalent de 26 ans! Bon, moi je ne dors pas 8 heures, hélas, Dieu sait si j’aimerais, mais quand on vieillit on redevient bébé, on ne fait plus ses nuits. En revanche, j’adore mon lit pour y faire tout un tas d’autres choses. Et pas seulement ce que vous croyez.
diverses, le chargeur et les lunettes de lecture, (non je n’ai pas encore le dentier). Et le côté «bordel sur le lit» pour entreposer les autres livres, les journaux, l’ordinateur, le téléphone, le chat, le chocolat noir, voire un monsieur si ça se présente. Donc 160 cm. c’est bien. 180, ça commence à faire King Size d’hôtel américain et vous risquez de perdre le monsieur et le chat au cours de la nuit, mais c’est de plus en plus demandé, y compris le 200 x 200. Cela correspond à la tendance du moment, accentuée par la pandémie, du bed-in, tout faire au lit, même recevoir ses potes pour papoter, se faire les ongles ensemble, regarder une série, manger des sushis. Pour les 16-25 ans, le lit, c’est le nouveau salon. Et cela se vérifie dans la mode, car les gens vivent, bossent et sortent désormais en survêtement ou en style pyjama.
La taille compte Déjà, la question de base est: quelle taille? Vous me rétorquerez que cela dépend de la grandeur de la chambre. Oui, j’adorerais un lit à baldaquin, mais nous sommes assez peu nombreux à disposer de pièces qui ressemblent à des salles de bal. C’est pour ça que le 140 centimètres se vend bien. Personnellement, je trouve trop petit. Que je dorme seule ou à deux, j’ai le côté «table de nuit» pour: la lampe, le réveil, les livres, les médicaments, le verre d’eau, les crèmes
Le dilemme du matelas Ensuite se pose le problème du matelas. Oui, vous croyez que c’est simple, on trouve la bonne taille, et hop, on embarque. Eh bien non, il y a ressort ou mousse, il y a ferme, mi-ferme ou souple, il y a 13, 20, 24, 26 centimètres d’épaisseur, il y a le matelas «normal» et le matelas «à mémoire de forme, qui épouse parfaitement la morphologie du dormeur en reprenant la forme exacte de son corps», il y a le matelas avec côté hiver et côté été, il y a le matelas à 150 francs et le
«La literie, on vous dit régulièrement qu’il faut des tons clairs, apaisants et bla bla bla. Sur la mienne il y a des jolies têtes de mort.» LDD
matelas à 3000 francs. J’ai fait l’exercice récemment avec mon nouveau compagnon, exit le matelas vieux de vingt-cinq ans dans lequel j’ai tout vécu, les plaisirs,
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«La tendance du moment, accentuée par la pandémie, du «bed-in», tout faire au lit»
les nuits avec ou sans sommeil, les gastros des enfants ainsi que les miennes, il était aussi ramolli que moi, changement de mec, changement de matelas! Et
donc nous voilà, avec mon chéri, dans le magasin. Nous n’aurons pas d’enfant ensemble, la nursery étant fermée depuis un moment, mais acheter un matelas est
un geste intime qui marque un engagement. Et c’est un grand moment de poésie que de se coucher tout habillés devant la vendeuse «Alors, c’est trop dur tu trouves? Pour ton dos ça va aller? Ah tu préfères la mousse? C’est bien qu’il soit haut, c’est plus facile pour descendre du lit après...». Un exercice qui teste la solidité du matelas et celle du couple! Enfin, il y a la literie. On vous dit régulièrement qu’il faut des tons clairs, apaisants et bla bla bla. Sur la mienne il y a des jolies têtes de mort que j’aime beaucoup. Par contre, le duvet ne convenait plus non plus. Trop léger. Une bonne couette doit avoir un certain poids. Sans vouloir faire du docteur Freud de supermarché, ça pourrait être lié au sentiment de sécurité ressenti par le petit humain dans l’utérus de sa mère. On emmaillote les bébés, mais après, les grands, pouf ils se retrouvent exposés à la fureur du monde et c’est pour ça qu’ils se pelotonnent tous les soirs en position fœtale dans un duvet douillet. Il existe même désormais des couvertures lestées pour adultes, qui pèsent entre 6 et 8 kilos et aident justement à lutter contre l’anxiété et le stress. Je vous jure que c’est vrai. Voilà! Mon lit est paré et c’est probablement mon endroit préféré sur la Terre. Mais je n’oublie pas qu’il s’agit d’un objet très, très dangereux. Car comme le disait l’écrivain américain Mark Twain, «99% des gens y meurent».
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Commerce
Vieille ville de Fribourg
PAR AMOUR DES BEAUX LIVRES L'antiquaire Ben Harteveld tient depuis presque cinquante ans un commerce de livres rares et une enseigne d’ouvrages de seconde main en vieille ville de Fribourg.
Commerce
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Les quatre étages de l’étroite bâtisse accueillent d’innombrables rayonnages et vitrines vintage. Photos d’Erik Freudenreich
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eret vissé sur la tête et longue barbe blanche, Ben Harteveld accueille chaleureusement dans son enseigne dédiée aux ouvrages rares, connue des collectionneurs loin à la ronde. Les livres, voilà une passion qui unit le commerçant à Fribourg depuis longtemps. Ce Néerlandais d’origine a en effet découvert la ville en 1968 à l’occasion d’un stage effectué au sein de l’Office du livre de Fribourg (OLF), un des principaux distributeurs helvétiques. Stocks des bocanteurs Le libraire de formation part ensuite pour un voyage au long cours en Asie, avant de travailler à Amsterdam comme représentant pour différents éditeurs. De retour en Suisse en 1975, il trouve alors invraisemblable qu’il n’existe pas de bouquinerie dans une cité universitaire comme Fribourg. «Je me suis lancé en commençant par faire le tour des brocanteurs fribourgeois pour racheter leurs
«Feuilleter les ouvrages, dénicher les références appropriées avant de rédiger des notices plaisantes à lire reste un de mes plus grands plaisirs»
stocks, qu’ils étaient tout heureux de me vendre à bas prix.» Son activité prend forme au sein d’une petite échoppe de la basse-ville, où il se crée une clientèle parmi la jeunesse estudiantine du quartier pendant la semaine, et sur les brocantes les weekends. Triage au long cours Dans les années 1990, il déménage à la rue des Alpes, l’emplacement actuel de Harteveld Rare Books. «Au MoyenAge, on trouvait ici une passerelle pour passer d’une rue à l’autre. Le lieu a ensuite été couvert au cours du XIXe siècle pour servir d’écuries à l’évêché, situé juste derrière, avant d’être occupé par une quincaillerie pendant plus d’un siècle.» Aujourd’hui, les quatre étages de l’étroite bâtisse accueillent d’innombrables rayonnages et vitrines vintage. L’endroit sert tant à l’administration de l’entreprise qu’à l’accueil des clients, sur >> rendez-vous.
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Ben Harteveld veut «mettre les livres anciens à la portée de tout le monde». Erik Freudenreich
C’est à la même période que Ben Harteveld rachète une ancienne scierie «grande comme un terrain de football» près de Payerne. La bâtisse est ensuite entièrement réaménagée par ses soins, dotée d’installations propices à la conservation des livres de petit ou grand format. C’est là qu’il range et classe un stock composé aujourd’hui de plus de 250’000 livres. «Il me reste 120’000 exemplaires à intégrer à ma base de données numérique.» Pour ce collectionneur dans l’âme, le triage constitue une part importante de son activité. Pour ce faire, il peut notamment compter sur l’aide de son fils, Killian, l’un de ses quatre enfants, qui a achevé
«Il faut parfois trier plusieurs cartons qui ne valent rien avant de dénicher la perle rare»
une double formation de naturopathe et de libraire et travaille à 50% pour l’enseigne. «Il a le goût pour la beauté des livres anciens et le flair pour identifier les pièces intéressantes lorsque l’on se rend chez des gens qui souhaitent se séparer d’une bibliothèque.» Après avoir identifié les pièces rares qui rejoindront ses étalages, Ben Harteveld s’astreint à rédiger une fiche détaillée pour chacune d’entre elles. «C’est un travail immense, pour lequel je peux heureusement me baser sur une vaste bibliographie. Feuilleter les ouvrages pour vérifier qu’il ne manque pas de pages, dénicher les références appropriées avant de rédiger des notices plaisantes
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à lire reste cependant un de mes plus grands plaisirs. Bien sûr, le revers de la médaille c’est qu’il faut parfois trier plusieurs cartons qui ne valent rien avant de dénicher la perle rare.» Susciter l’appétit des collectionneurs Son autre péché mignon, c’est la réalisation de catalogues présentant ses dernières trouvailles. Ils sont publiés plusieurs fois par année et répertorient des pièces rares valant plusieurs milliers de francs ou des livres de seconde main. L’antiquaire en est aujourd’hui à sa 271e édition, composée de plus de 160 pages richement illustrées. Voyages en Suisse, alpinisme, horlogerie, design ou affiches
anciennes, différents thèmes sont traités à chaque édition. Le jour de notre rencontre, la discussion s’interrompt d’ailleurs le temps d’un appel d’un client pour confirmer son achat d’un «Panorama de la ville de Thoune et ses environs», une illustration grand format, datant des années 1820 et valant plusieurs milliers de francs. Malgré la concurrence d’Internet, Ben Harteveld peut compter sur une clientèle fidèle, qui apprécie sa capacité à dénicher la pièce rare qui manque à leur collection et pour laquelle ils sont parfois prêts à dépenser sans compter. «Pour composer mes catalogues, je présente toujours une douzaine d’ouvrages de
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première qualité pour susciter l’appétit, mais le reste de la sélection est composée d’ouvrages plus accessibles, proposés dès 30 francs. Mon idée du métier n’est pas d’être un marchand de produits de luxe, je veux mettre les livres anciens à la portée de tout le monde.» Des livres à tout petit prix, c’est le concept de l’annexe du magasin, située de l’autre côté de la rue. Dans ce local en sous-sol, ouvert du mercredi au samedi, on trouve des milliers de romans, de bandes-dessinées ou de livres d’art, et parfois même quelques ouvrages rares qui n’ont pas trouvé preneur parmi les collectionneurs. Erik Freudenreich
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Emploi et formation
Santé au travail
MOONKEE REMET LA SIESTE AU GOÛT DU JOUR Une jeune start-up romande propose des lits design fabriqués en Suisse destinés aux entreprises afin de remettre la micro-sieste au cœur du travail.
«L
aissez-vous aller, allongez-vous, ne résistez pas à l’appel de la sieste! Dormez, rêvez, rompez les amarres avec la rive du quotidien chronométré! Décidez de votre temps, siestez! Ce n’est pas un ordre, mais un conseil pour résistez à la dictature du temps.» En 2005, déjà, Thierry Paquot écrivait un plaidoyer pour la sieste dans son ouvrage L’art de la sieste aux éditions Zulma. L’auteur, et bien d’autres, depuis, ont documenté les bénéfices de l’assoupissement aussi bref que dix à vingt minutes. Insomnies et fatigue En effet, la sieste a mille vertus. Elle permet de récupérer et de reprendre des forces de manière simple et efficace. Elle permet aussi d’améliorer sa vigilance et de poursuivre ses activités en étant mieux éveillé et ressourcé. Elle stimule la capacité d’apprentissage, améliore la mémoire et aide à réduire la tension artérielle. Elle aide aussi à diminuer son stress et à améliorer ses performances personnelles et décisionnelles. En Suisse, 38% de la population aurait des insomnies ou des difficultés à s’endormir, engendrant une grande consommation de médicaments pour tomber dans les bras de Morphée pour une partie d’entre
«Il est temps de remettre la sieste au centre de l’entreprise»
Fabien Mock, co-initiateur du projet Moonkee
elles. Mais surtout, le manque de sommeil augmente le stress au quotidien engendrant du surmenage et des burn-out. Un état qui a son tour accroît les troubles du sommeil. Un véritable cercle vicieux généré par la fatigue qui devient un poison tant pour la santé que pour la productivité. Face à ce constat, le professionnel de la santé Fabien Mock et le designer et architecte d’intérieur Oliver Kamm ont décidé de se réunir pour créer un objet qui permette de remettre un peu de sérénité et d’apaisement au milieu de nos journées effrénées. Leur entreprise Moonkee propose ainsi des lits de sieste destinés aux entreprises. Pensés entre Fribourg et Vevey, ils sont ensuite développés dans les ateliers bernois de la manufacture Girsberger. Le modèle Eclipse se distingue en deux versions, l’une en bois massif et le second en PET recyclé. Le couchage en forme de cocon est réalisé en cuir pour son confort. Un paravent cintré protège des regards et de la lumière, permettant de resynchroniser son horloge biologique interne. «Nous nous sommes mis en tête d’imaginer un projet qui puisse correspondre tant aux besoins physiologiques de chaque individu, qu’aux exigences du travail en entreprise ou à l’intégration d’un objet-meuble adapté à un environ-
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Emploi et formation
nement particulier», commente Fabien Mock, co-initiateur du projet Moonkee. Le lit se veut ainsi à la fois design et passe-partout. Favoriser la micro-sieste Dans l’idéal, la sieste doit rester courte (turbo sieste) et ne pas dépasser quinze à vingt minutes maximum afin de se réveiller juste avant la phase de sommeil profond. Les deux entrepreneurs vont cependant encore devoir convaincre les entreprises de ses bienfaits. Rares en effet sont celles qui ont aménagé des îlots de repos au sein de leurs murs*. «Nous avons observé des espaces de repos dans des sous-sols voir des caves donc forcément pas utilisés», explique Fabien Mock quelque peu dépité. «Il est temps de remettre la sieste au centre de l’entreprise car elle est indispensable au bien-être de l’employé, ajoute le professionnel de la santé. En offrant la possibilité de se ressourcer, l’entreprise remet, en quelque sort, l’être humain au cœur de l’entreprise.» Chantal de Senger
Le lit se veut à la fois design et passe-partout. Sébastien Agnetti
* Le 18 mars 2022 est la journée internationale du sommeil. Moonkee sera présent sur les réseaux sociaux pour parler de l’importance de la sieste en entreprise. www.moonkee.ch
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Emploi et formation
Livre
REBONDIR APRÈS UN LICENCIEMENT Ebranlé par le choc de la perte d'emploi, vous êtes incapable de vous remettre sur les rails? Marion Aufseesser, coach en transition de carrière nous livre ses conseils pour surmonter cette épreuve.
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e nos jours, le travail est considéré comme un outil de développement personnel et de réalisation de soi. Intrinsèquement lié à notre sens de l’identité – ne dit-on pas «je suis avocat, comptable, ou architecte» et non «j’exerce le métier d’avocat, de comptable ou d’architecte»? – d’aucuns le considèrent comme le socle indispensable de l’estime de soi. Aussi, lorsqu’un licenciement survient, il est souvent vécu comme une mort sociale, un passage discriminant. Lorsque la période sans emploi se prolonge, le sentiment de ne pas être à la hauteur s’amplifie et entrave les efforts du chercheur d’emploi qui perd alors toute confiance en lui. Or, «des années de travail sur le terrain m’ont appris que la confiance en soi et l’estime de soi sont indispensables pour réussir dans la vie, à tous les niveaux, assure la psychologue et coach en transition de carrière Marion Aufseesser. Un bon CV, des lettres de motivation bien écrites, des références actives ou des introductions solides ne comptent pas pour grand-chose si votre confiance vous lâche le jour de l’entretien.» L’exemple de Rafael Nadal Comment redevenir cet oiseau confiant dont parlait Victor Hugo? Posé sur des rameaux trop frêles, il sent ployer la branche et chante pourtant, sachant qu’il a des ailes. Marion Aufseesser est
«Un bon CV, des lettres de motivation bien écrites, des références actives ne comptent pas pour grand-chose si votre confiance vous lâche le jour de l’entretien»
Marion Aufseesser, coach en transition de carrière
partie à la rencontre de nombreux travailleurs licenciés, ce qui a donné naissance à un livre, Rebondir, réussir votre transition professionnelle*. Pour surmonter l’épreuve d’un licenciement, elle nous invite à nous inspirer de l’état d’esprit des sportifs. «On sent chez eux une grande motivation, beaucoup de volonté et de ténacité, et l’acceptation d’un rythme de travail très lourd. Ils nous étonnent par leur faculté à rebondir: d’où tirent-ils leurs forces? Comment y arrivent-ils?» Les passionnés de tennis en ont encore eu la preuve récemment, lorsque Rafael Nadal – qui doutait de pouvoir rejouer au plus haut niveau en raison de sa blessure chronique au pied – a signé le plus bel exploit de sa carrière à Melbourne. Treize ans après sa première victoire, le gaucher de Manacor est revenu de nulle part pour cueillir sont 21e titre du Grand Chelem, à la stupéfaction de tous. «Inspirez-vous de la force des sportifs dans le cadre de la recherche d’emploi et de la
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Un «arrêt forcé» peut aussi être une fantastique opportunité pour revisiter son parcours
Pour surmonter l’épreuve d’un licenciement, on peut s’inspirer de l’état d’esprit des sportifs. LDD
transition professionnelle», invite Marion Aufseesser. Tirer parti d’un événement difficile Elle ajoute qu’il est tentant de repasser en boucle le film de votre licenciement. Cette attitude est toutefois contre-productive. «Chercher ce que l’on aurait dû faire, regretter ce que l’on n’a pas fait, dit ou entrepris, ne vous rendra pas votre ancien poste. La culpabilité tue l’espoir et vous enferme dans un cercle vicieux. Concentrez-vous sur le présent, mobilisez vos forces pour le travail de recherche que vous entreprenez et travaillez votre confiance en vous. Si vous ne vous appréciez pas suffisamment, vous chercherez à vous attribuer les causes de l’échec ( je suis nul, je n’ai pas de chance, c’est toujours sur moi que cela tombe, etc.)» A cet égard, confier sa détresse à un interlocuteur bienveillant allège la souffrance ressentie et aide à prendre du recul, assure Marion Aufseesser.
Elle rappelle également que tout est une question de perspective et qu’il ne tient qu’à nous de voir le verre à moitié plein. «Beaucoup de personnes ont une impression de liberté. Une jeune femme m’a confiée que lorsqu’elle a été licenciée, c’était comme un sursis. Elle n’était plus obligée de courir, elle pouvait prendre son temps pour réfléchir à elle et à ce qu’elle souhaitait faire vraiment.» Cet «arrêt forcé» a été une fantastique opportunité pour revisiter son parcours, exhumer ses envies afin de redémarrer sur des bases plus justes, plus solides, plus proches de ses envies. S’agissant des travailleurs âgés de plus de 50 ans qui craignent de ne plus retrouver un emploi, Marion Aufseesser se veut rassurante. «Un long chômage ne guette que ceux qui n’ont jamais actualisé leurs connaissances, qui se sont contenté du traintrain habituel sans chercher à se former.» Enfin, il est peut-être bon de garder à l’esprit que toute candidature est un acte
hasardeux, comme le dit si justement Johannes Haushofer. Ce professeur en psychologie à l’université de Princeton invite d’ailleurs ses étudiants à consulter ses deux CV sur son site: un CV classique et un CV qu’il a appelé le «CV des erreurs» dans lequel sont énumérés tous les «ratés» de son parcours tels que les programmes d’études dans lesquels il n’a pas réussi à entrer, les postes académiques et les bourses non obtenus, les prix non reçus, les résultats de recherche qu’il n’a pas réussi à publier dans les revues scientifiques, et les financements qu’il n’a pas reçus pour ses recherches. Philosophe, il explique que la plupart de ce qu’il tente échoue. «Mais ces échecs sont souvent invisibles, tandis que mes succès sont visibles. J’ai remarqué que cela donne l’impression aux autres que tout marche plutôt bien pour moi.» Fausse impression Johannes Haushofer n’est pas un cas isolé. Le fondateur d’Alibaba Jack Ma, a par exemple été rejeté plus de 30 fois lors de ses recherches d’emploi, dont une fois par KFC. Soichiro Honda ne fut pas retenu par la Toyota Motor Corporation pour un poste d’ingénieur, ce qui lui valut une longue période de chômage. «Les gens ont tendance à attribuer leurs échecs à euxmêmes plutôt que de se dire que le monde est imprévisible, que les candidatures sont des actes hasardeux et que les jurys d’entretien ont aussi leurs mauvais jours, analyse Johannes Haushofer. Et de conclure: «Ce CV des échecs est une tentative pour équilibrer cette fausse impression et apporter de nouvelles perspectives.» Amanda Castillo * «Rebondir, réussir votre transition professionnelle», Marion Aufseesser, éditions Odile Jacob
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Gastronomie
Saison de la truffe noire
A LA POURSUITE DU DIAMANT NOIR Le champignon de luxe est de retour sur nos tables pour le plus grand bonheur des gourmets. Avec un marché plus compétitif que jamais, le trésor terreux se démocratise. Mais attention aux faux-semblants.
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’est l’aliment phare de la rentrée dont les chefs raffolent et que les gourmands adorent. Produit de luxe par excellence, la truffe noire arrive sur nos tables pour le meilleur et pour le pire. De janvier à mars, elle parsème les œufs, les légumes, les pâtes ou le risotto donnant à nos assiettes des airs de marbre noir veiné de blanc. Chaque début d’année, elle est source d’inspiration pour les cuisiniers. Alors que la crise sanitaire fait rage et que de nouveaux marchés sans scrupule viennent bousculer les codes établis, ce champignon a-t-il toujours la lamelle en poupe? Laboratoire à Genève Caché à l’abri des regards au sous-sol d’un immeuble en périphérie genevoise, le laboratoire secret de Léman Truffes constitue un délit gourmand réservé aux initiés. Les patrons de cette jeune entreprise, Yvan Juston et Christophe Coissieux, s’efforcent de distribuer les meilleures truffes en provenance de l’Hexagone. Trufficulteur de père en fils, ce dernier a même été sommelier avant d’être courtier. Le principe dans les grandes lignes? Achat, nettoyage, triage, calibrage et revente. Après plus d’une décennie à arpenter les collines drômoises, ils ouvrent leur entreprise en pleine crise sanitaire. «Les débuts ont été très difficiles mais nous nous accrochons. Heureusement que les restaurants sont restés ouverts.»
La cueillette est une affaire de patience et d’abnégation qui dépend aussi bien des sols que du calendrier lunaire
Encore opaque à bien des égards, le marché de la truffe reste une affaire d’offre et de demande. Même si de nombreux producteurs se sont équipés d’arrosage automatique, une année sans eau est un mauvais millésime pour le champignon. «L’arrosage des sols grâce à une irrigation contrôlée permet aux producteurs d’avoir des truffes même en période de climat sec. Malgré un processus de recherche sur le terrain qui reste laborieux et aléatoire, on assiste au début d’une forme de démocratisation de la truffe qui découle sur une standardisation des tarifs», déclare Christophe Coissieux. Alors que la fluctuation des prix se réduit au fil des récoltes, inutile d’imaginer pouvoir planter des chênes truffiers et obtenir 100% de réussite. La cueillette est une affaire de patience et d’abnégation qui dépend aussi bien des sols que du calendrier lunaire. Pression espagnole D’un point de vue qualitatif, les truffes achetées par les deux jeunes patrons proviennent des collines de la Drôme et poussent sous des terres sablonneuses permettant une parfaite évolution. «Même si les fêtes de fin d’année sont propices à une forte consommation, la meilleure période pour déguster les truffes c’est maintenant», rappelle le patron. En termes de légitimité, aucun label ne reconnaît la qualité du produit français. Avec la Chine et l’Australie en peloton de tête, l’Espagne est devenue en l’espace de quelques années le plus grand producteur de truffes
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Gastronomie
au monde. Avec 45 tonnes de diamant noir récoltées en 2019, la version du champignon ibérique met la pression sur la filière française. En partie subventionnée par la communauté européenne, l’Espagne a optimisé sa production de truffes avec une culture intensive, rattrapant ainsi des siècles d’histoire et de savoir-faire. «Les Espagnols produisent énormément, mettent la pression sur le marché et font en sorte d’augmenter la spéculation.» Truffe sur le risotto: certaines entreprises françaises achètent les avatars espagnols et les revendent par la suite avec l’étiquette «made in France». «C’est tout simplement mensonger, s’étrangle Christophe Coissieux. A la fin, les consommateurs sont perdus et ne savent plus distinguer le vrai du faux.» Cette spéculation aux retombées financières potentiellement importantes est loin d’être maîtrisée et la truffe demeure plus vulnérable que jamais.
La truffe parsème les pâtes ou le risotto donnant à nos assiettes des airs de marbre noir veiné de blanc. Léman Truffes
En mode bistrot Côté fourneaux, le chef du Bologne, Florian Le Bouhec, la propose en entrée gourmande sous forme de sandwich tel un croque-monsieur. Coupée en fines lamelles, la truffe est tapissée d’une généreuse couche de beurre et parsemée de quelques grains de sel. «J’aime la cuisiner simplement afin de la mettre le plus en avant possible. La star c’est elle», précise le cuisinier du restaurant près de la gare de Cornavin. A Veyrier, le chef Patrick Laporte cuisine la truffe depuis toujours. Patron des fourneaux du Café de la Réunion, il lui dédie un menu complet. Une transparence de crème de pomme de terre et œufs brouillés à la truffe débutent le festival avant de laisser place à l’unilatérale de SaintJacques et topinambours truffés. Le suprême de poulette fermière de Bourgogne truffé sous la peau et ses cardons apportent du réconfort et une touche gourmande. «Il ne faut pas tomber dans le piège des contrefaçons, relève Partick Laporte. Mieux vaut s’entourer de professionnels que de faire appel à des amateurs. La truffe est un si beau produit; autant lui rendre hommage de la plus belle des façons plutôt que de la dénaturer avec une mauvaise qualité.» Edouard Amoiel
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