Vivre le Bassin 5

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PRINTEMPS 2022 NUMÉRO 5 —

Sport Une journée avec les filles du RFBA

Ostréi culture

Ces jeunes qui prennent la relève ! Mathilde, Gujan-Mestras

L 11962 - 5 - F: 5,00 € - RD

LE MAGAZINE DES GENS DU BASSIN —

Nouvelle formule

Mémoire SAINT-ELME, première école française de marins Culture Muriel, profession linograveuse Green Yourte & yoga au Cap-Ferret



Vivre le Bassin 501, avenue Gustave Eiffel 33260 LA TESTE-DE-BUCH Directeur de la publication Rédacteur en chef Yann Crabé infos@vivrelebassin.fr Administration et finance Marjorie Batikian marjorie@vivrelebassin.fr Direction artistique & Design graphique Grand National Studio hello@grandnationalstudio.com RÉDACTION Journalistes & photographes Pascal Bataille, Brigitte Canovas, Philippe Guillaume, Patrice Bouscarrut, Armelle Hervieu, Ineh, Sabine Luong, Mélanny Rodrigues, Brigitte Vergès Secrétaire de rédaction Isabelle Calmets ABONNEMENTS Vivre le Bassin editionsvivre.fr Tél. : 01 58 88 37 00 (du mardi au jeudi 10 h-12 h / 14 h-17 h) VIVRE LE BASSIN est édité par Capitale Publishing SARL de presse au capital de 5 000 € Siège social 55, boulevard Pereire 75017 PARIS RCS Nanterre 517 815 908 Gérant : Yann Crabé PUBLICITÉ & PARTENARIATS Karyn Juge : 06 74 35 94 41 karyn@vivrelebassin.fr Distribution France MLP Numéro commission paritaire EN COURS ISSN : 2781-8357

Femmes et hommes du Bassin, on vous aime !

V

ivre le Bassin a un an et il se tient debout comme un grand ! C’est grâce à vous cher lecteur. Alors, mille mercis, vraiment ! Vous verrez, en le lisant, ce numéro de premier anniversaire est féminin, majoritairement mais pas seulement. C’est sans doute un joli hasard de printemps. Car, la seule chose qui nous importe, à nous, ses parents, c’est que ce magazine vous offre de belles rencontres de papier, résolument. Garçon ou fille, on s’en fiche finalement ! Seul compte le coup de cœur, absolument. Et, en cette saison féconde, on a le cœur qui bat pour toutes les femmes du Bassin. Elles nous inspirent tellement... Les guerrières de l’équipe de rugby féminin qui n’ont pas peur de se jeter dans la mêlée pour faire tomber les clichés. La gracile photographe qui dégaine les objectifs pour montrer ses « sœurs » ostréicultrices. Ces femmes de mer trop invisibles alors qu’elles n’ont pas plus froid aux yeux, ni aux mains, que leurs collègues masculins. Mais notre

cœur bat aussi pour vous, messieurs du Bassin ! On en pince pour Loulou autant que pour Gilou, tous deux des artistes si attachants. On est baba devant Benoît et son chocolat. On tire notre chapeau à Laurent, le boss qui prend soin de ses salariés et de l’environnement. On admire Georges qui, dans son arche de Noé, s’active à rendre la vie des autres plus belle... En résumé, ce numéro anniversaire est un bouquet de portraits. Regardez-les. Écoutez-les. Laissezvous inspirer par leurs histoires qui sont autant de promesses. Nous, on vous souhaite un printemps plein de tendresse et d’allégresse !

Armelle Hervieu

IMPRIMERIE ROTIMPRES Girona, Espagne Photo de couverture Karoline Krampitz La reproduction, même partielle, des textes, photos et illustrations est interdite sans l’autorisation de CAPITALE PUBLISHING. Le contenu des textes n’engage que la responsabilité de leurs auteurs respectifs.

ÉDI TO

facebook.com/ vivrelebassin Le papier de ce magazine est issu de forêts gérées durablement et de sources contrôlées. pefc-france.org

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SOMMA I RE

© Armelle Hervieu

© Patrice Bouscarrut

© Marie-Noëlle Archambault

V I V RE L E BASSI N P R I NTEMPS 2022

Culture — Michel Colomes, jardinier poète du Bassin p. 10

Loulou Lalande publie ses carnets de croquis p. 12 Apprendre la musique en orchestre p. 14 Pauline redessine ses photos du Bassin p. 16 Muriel grave la nature qu’elle kiffe p. 18 Clacla des Bois, sa peinture carbure à l’air pur p. 22

Food —

Mémoire —

Natasha Bussone, tout est bon dans son camion p. 28

Portfolio —

Pâté de poissons à déguster en cabane p. 26

Saint-Elme, première école de marins p. 48

Benoît Audebert, on est baba de ses gâteaux p. 30

Karoline Krampitz, photographe féministe p. 54

Il fait bon siroter chez Georgette p. 34

Dossier —

Mer —

Ostréiculture : les visages de la relève p. 64

Nicole Andrieux donne des Elles aux femmes p. 38 Gilou navigue sur les plus beaux bijoux p. 40 Christophe Lefebvre, l’homme aux mille vies p. 44

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SOMMA I RE

Mode Déco —

Quand les créatrices s’entraident p. 78 Les bougies ont une âme p. 80 Des voiles haute couture p. 82 L’art de créer des objets de papier p. 86 La coiffeuse au poids lourd p. 90

© Ineh

© Isabelle Palé

© Armelle Hervieu

V I V RE L E BASSI N P R I NTEMPS 2022

Green —

Enfants —

Laurent carène proprement p. 96

Et si l’on jouait à peindre ? p. 122

Thomas Bache verdit les murs p. 94

Les ateliers de PhiloSophie p. 120

Le yoga en yourte p. 98 Construire en terre crue p. 102 Auto : elles carburent au jus p. 106

Sport —

Karaté, les champions lantonnais p. 110 La femme est l’avenir du rugby p. 112 Tous à l’eau pour le cardio ! p. 116

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Le Phare de l’Eyre, arche de Noé p. 126

+ Le Bassin de Pascal Bataille p. 130




Culture ×

“Tout artiste est précieux car il apaise le monde humain et enrichit le cœur des hommes.” Natsume Sōseki

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© Armelle Hervieu

« Il est temps de rentrer au port, d’attacher les rêves au corps-mort » Extrait de Mon Bassin de Michel Colomes, ici au pied du monument des Péris en mer d’Arcachon.

Michel Colomes, jardinier poète Michel Colomes est mi-poète, mijardinier. Il vit des plantes mais vibre des mots. Il offre à tous les vents, sur les réseaux sociaux, ses poèmes dédiés au Bassin qui l’a vu naître. Son recueil, Mon Bassin, qui réunit 40 de ses plus beaux textes, vient de paraître.

Michel Colomes est né à Arcachon, quartier de l’Aiguillon. Ce quartier, son port, son ancienne école, il y est très attaché. Pourtant, Michel a vécu trente ans en Italie. Un gros morceau de sa vie loin de son pays. Un exil par amour. « J’ai rencontré ma femme lors d’un bal à Arcachon. Elle venait de Pescara [ville jumelle]. » Coup de cœur, coup de foudre. Michel est parti avec Dina. Là-bas, il a eu deux enfants et construit sa carrière dans le prêt-à-porter. Souvent, la nostalgie du Bassin le prenait. « C’est quand on est loin que l’on se rend compte à quel point les choses qu’on aime nous manquent. » L’odeur des pins, le feu de bois dans la cabane de l’île aux Oiseaux, les pêches miraculeuses avec papa… Un 010

beau jour, Michel prend sa plume. Depuis, il ne l’a plus jamais lâchée. « J’en suis à 200 poèmes, rien que sur le Bassin ! C’est presque une maladie ! », plaisante-t-il de son accent chantant. Puis, c’est la crise du textile en Italie. L’effondrement d’un pan entier de l’économie. Michel en fait les frais. Il faut continuer à gagner sa vie, mais comment ? L’Arcachonnais retourne au pays. Il crée sa petite entreprise, devient jardinier à son compte. Ses clients, belles fortunes du Pyla, sont désormais ses plus grands fans. « Un jardinier poète, ça les fait bien rigoler ! », s’amuse Michel. Nous, on est très sérieux quand on vous dit que cet hommelà a du talent et que, si vous aimez les mots, si vous aimez le Bassin, vous aimerez le lire. AH



Photos © Mélanny Rodrigues

Le bric-à-brac de Loulou

Ceci n’est pas un livre aux éditions Tagada tsoin tsoin. Publication 20 mars. Exposition à l’Olympia d’Arcachon du 28 mars au 23 avril

CARNET. À l’Aiguillon, assis en terrasse de l’Estival comme un rituel auquel il ne déroge jamais d’une matinée à l’autre, Loulou Lalande dessine. Avec du café, son sang ou de l’encre de Chine, il travaille sur son prochain ouvrage : un livre qui n’en est pas un. Inspiré des mots de Magritte, son carnet de croquis, publié dans une petite maison d’édition bazadaise, viendra d’une pierre deux coups clôturer le mois de mars et annoncer son passage le mois suivant sur les murs de l’Olympia. De cette fresque anthropologique, sans queue ni tête, sans dessus dessous, ni semblable, ne vous attendez à rien puisque vous y trouverez tout. Des portes du Maroc aux bancs d’Arcachon, de Montmartre aux perrés du Pyla, il croque, colle et accumule des bribes de sa vie, des paroles de chansons, des citations d’amis à partir desquelles il tisse et étend son œuvre page après page. Listes de courses, contraventions, poésie de bistrot et tranches de vie, à la fois puzzle et chorale, il donne au banal de la magie et, à cette dernière, du fil à retordre pour nous épater. MR 012



© Patrice Bouscarrut

L’orchestre sans le solfège Plus de solfège, depuis que l’école de Lège a adopté « el sistema».

INNOVATION. Il y a des airs d’Amérique latine à l’école de musique de LègeCap-Ferret. Non pas que le répertoire y fait exclusivement référence mais par sa pédagogie novatrice de la musique. En effet, le chef vénézuélien Gustavo Dudamel, devenu une star qui a même inspiré une série TV, Mozart in the jungle, a proposé une autre façon d’aborder l’apprentissage de la musique. Son « el sistema » a fait son chemin sur la planète. En France, on s’en inspire avec l’AMPO (apprentissage de la musique par l’orchestre) – moins poétique que son nom d’origine. Depuis que Julien Michel, le directeur de l’école de musique de Lège-Cap-Ferret, a intégré cette méthode dans le cursus des élèves, tout a changé. Fini les interminables cours de solfège qui ont traumatisé des générations, et les cours d’instruments fastidieux. Ici, on peut apprendre ensemble dans un véritable orchestre. Et sur les 220 élèves de son école, le directeur remarque une baisse spectaculaire de l’absentéisme et une motivation décuplée. PB 014


Organisation sur mesure de vos mariages, séminaires, cocktails, buffets, petits déjeuners...


© Brigitte Vergès

somewhere inaposter.com

Pauline image sa vision du Bassin DÉCORATION. Enfant, Pauline Di Noto venait déjà sur le Bassin. Après des études d’arts appliqués et un BTS de graphisme, elle rejoint sa famille à La Teste. Elle tombe immédiatement amoureuse du Bassin et, comme beaucoup, elle prend des photos, beaucoup de photos qui s’accumulent dans son téléphone. Puis l’idée jaillit. Par son métier, Pauline maîtrise les outils professionnels informatiques. Elle passe des heures à « redessiner » sur l’ordinateur à la plume les paysages photographiés devenus posters et met en avant les éléments de détails pour se rapprocher davantage de la réalité. « Je voulais que l’on ressente le bruit des vagues, l’odeur salée et la sensation du sable sous les pieds rien qu’en regardant ces paysages illustrés accrochés au mur. » Elle a pour l’instant surtout sillonné le Sud Bassin avec, à son actif, une vingtaine d’affiches toutes numérotées de la plage de la Salie à Pereire en passant par le Moulleau. Promis, dès le printemps, ses pas la porteront à Andernos avec la jetée, le CapFerret côté Bassin et océan. BV 016




La nature en linogravure Elle aime l’art et les animaux. Elle aime contempler et dessiner. Elle aime synthétiser et fixer ce qui lui plaît. La Lantonnaise Muriel Bourgeois pratique une discipline peu commune qui demande technique et précision : la linogravure. Son sujet favori : la nature.

Texte & Photos Armelle Hervieu

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lle pourrait s’appeler Lucile tant elle est gracile. Elle pourrait s’appeler Garance car elle n’est que patience. Mais elle s’appelle Muriel et elle a sûrement des ailes. Petite fée de la nature, elle aime croquer les fruits du ciel et de la terre. Dès que le temps lui permet, elle sort de sa cachette, se faufile à pas de loup dans les bois et remplit avec gourmandise ses carnets de papier de ses sujets préférés. Fleurs, papillons, mouettes, aigrettes, hérons… Elle fait ce qu’elle appelle « une collecte de nature ». Autant de dessins et d’aquarelles qui viendront enrichir sa connaissance tridimensionnelle du sujet qu’elle aura choisi de graver. Après avoir été animatrice pour la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) à Audenge, Muriel Bourgeois, diplômée de l’école d’arts appliqués de la Bastide à 019

Bordeaux, s’est installée en mars 2020 comme linograveuse sur le Bassin. « Je rêvais de retourner dans le dessin. Charles, mon compagnon, qui est guide au domaine de Certes, m’a poussée à me lancer. » On le comprend et on le félicite même quand on voit le talent de la jeune femme ! Il y a déjà une paire d’années que Muriel est tombée en amour pour la linogravure. Elle a découvert cet art au contact d’une amie illustratrice. « J’étais persuadée au départ que la gravure n’était pas faite pour moi. Trop technique, trop exigeante en matériel. Au final, avec la linogravure, j’ai rencontré une discipline très simple qui peut se pratiquer sur un coin de table ! » C’est justement sur un coin de table, au cœur de son salon, que Muriel Bourgeois a installé son atelier nommé « gravure sauvage ».


Elle propose des ateliers

Retrouvez le travail de Muriel Bourgeois sur son site consacré à ses gravures sauvages : murielbourgeois.com

L’artiste travaille uniquement sur des éléments de la nature. Elle aime donner à voir ce que d’autres ne voient pas. « Il y a tant de choses magnifiques qu’on a autour de soi et que l’on n’aperçoit même pas. Ainsi, l’aigrette qui pêche dans un fossé est extraordinaire à mes yeux. En la fixant, via la gravure, sur le papier, je souhaite la montrer aux yeux de tous. » Il y a une démarche artistique et pédagogique à la fois dans le travail de Muriel Bourgeois. Il s’agit que l’œuvre soit belle, juste et émouvante. Via ses ateliers de linogravure, organisés chaque année notamment au Teich par Cistude Nature, Muriel fait découvrir aux petits et aux 020

grands aussi bien des techniques artistiques que des connaissances biologiques. « Je travaille avec mes élèves sur la fabrication de tampons gravés dans du vinyle. Au début de la séance, chacun choisit son sujet, son petit animal préféré, celui qui le touche. À la fin de la séance, chacun repart avec son tampon. » C’est le début d’une histoire. L’atelier donne envie à ceux qui y participent de s’intéresser à l’animal qu’ils réalisent. En repartant, ils ne le regarderont plus jamais de la même façon. Et Muriel conclut : « L’approche sensitive a un double effet positif, sur le plan de l’apprentissage de techniques d’art plastique bien sûr, mais aussi sur le plan de l’éducation à l’environnement. »


“Il y a tant de choses magnifiques que l’on ne voit même pas. L’aigrette qui pêche dans un fossé est extraordinaire à mes yeux”

Aller à l’essentiel Mais au fait, la linogravure, qu’est-ce que c’est ? Muriel nous explique qu’il s’agit, comme son nom l’indique, de gravure sur linoléum. Une matière qui remonte au XIXe siècle, composée de poudre de chêne liège, de résine et d’huile de lin, le tout compacté sur une toile de jute. Aujourd’hui, le matériau utilisé pour les revêtements de sol a évolué vers le plastique mais pas le linoléum utilisé en gravure qui est resté le même. La technique de la linogravure remonte au début du XXe siècle. Des peintres comme Picasso l’ont beaucoup utilisée. « La frontière est mince entre la linogravure et la xylogravure, gravure sur bois, qui existait déjà au XIIIe siècle. La première est toutefois beaucoup plus simple à mettre en œuvre », assure Muriel. Les outils pour graver sont les mêmes : des gouges pour enlever la matière, de l’encre très grasse pour qu’elle ne coule pas lors de l’impression et, en revanche, pas besoin de presse pour graver le lino, contrairement au bois.

Ainsi Muriel pratique chez elle, à partir de dessins croqués dans la nature et qu’elle reproduit en gravant des plaques de linoléum, qu’elle va ensuite encrer avant de les imprimer sur des feuilles très fines de papier de riz. « Ce que j’aime dans la gravure, c’est qu’elle oblige à synthétiser, à épurer, à aller à l’essentiel. » Pour Muriel, c’est aussi un art méditatif. « Une fois

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que j’ai bien réfléchi à la fabrication du négatif, en enlevant tout ce qui ne doit pas prendre l’encre, durant l’impression, j’oublie tout. C’est un moment suspendu. Un moment de grâce qui débouche toujours sur une surprise. Comme lorsque l’on fait du tirage photo, on ne sait jamais précisément ce à quoi va ressembler le résultat. Est-ce qu’il sera tel qu’on se l’est imaginé ? C’est magique ! »


Texte & Photos Armelle Hervieu

Clacla des bois peint au grand air Clarisse Taffard, plus connue sous le nom de Clacla des bois, est peintre paysagiste. Issue d’une famille de résiniers, elle dessine et peint uniquement en plein air. Sa spécialité, les paysages du Bassin et plus particulièrement les ciels et les lumières.

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a couleur préférée est le bleu outremer. Ou peut-être le bleu céruléen. Un bleu en tout cas, c’est certain. Car Clarisse est passionnée de ciels. Qu’ils soient purs ou nuageux, tous occupent une grande place dans ses tableaux. Vivants, pleins d’énergie et de poésie, ils en sont les personnages principaux, bien plus complexes qu’ils n’y paraissent. « Pour faire un ciel, il faut beaucoup de couleurs, de l’orange, du jaune, du blanc, des roses, des violets… », nous

dit l’artiste en nous invitant à nous approcher un peu de ses huiles pour constater que c’est vrai. Clacla des bois est une vraie fille d’ici qui, malgré les déménagements successifs de ses parents professeurs, a passé tous ses étés au bord de l’eau et dans les forêts de pins. Après un début de vie d’adulte à Bordeaux, elle a choisi de revenir s’installer sur les terres de ses ancêtres résiniers, tous testerins. Elle vit au Teich et peint à Gujan, dans la maison 022

familiale qu’occupent son père et sa grand-mère. Là, au fond du jardin, face à la lumière du matin, elle a installé son petit atelier. Elle y peaufine les œuvres esquissées en plein air, entourée de ses anciennes toiles et de son indispensable assistante, Gribouille. Sa petite chatte de 6 ans, toujours prête à sauter sur les pinceaux ! « Elle va où je vais, me suit partout », s’amuse Clacla, qui la met souvent en scène, non sans humour, sur son compte Instagram.


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Besoin de liberté Clacla des bois, d’abord nommée Clacla de Buch par un copain, a toujours été une contemplative. « Déjà enfant, je passais mon temps à regarder les lumières et les nuages et à avoir envie de les dessiner. » Avant le retour à ses premières amours, Clarisse a d’abord été peintre en décor, puis web-designeuse. Clacla fut

“Déjà enfant, je passais mon temps à regarder les nuages”

une pionnière dans ce domaine. À l’âge de 25 ans, elle s’acheta un ordinateur et explora le logiciel Photoshop. Elle apprit le code, se forma, en autodidacte, au HTML et aux CSS, pour dessiner le squelette et l’habillage des sites internet. « J’ai toujours aimé les langues. J’y ai passé quelques nuits blanches mais je suis arrivée à apprendre ce métalangage finalement assez simple ! » Son nom d’artiste, Clarisse l’utilise aussi pour sa boîte de web design. Clacla des bois travaille à son compte. Être libre, elle ne sait et ne veut pas faire autrement. « J’ai besoin de maîtriser mon temps et mes sujets. » Sur ses toiles comme sur la toile, c’est elle qui choisit ce qu’elle fait. « J’ai réalisé les sites web de l’écomusée de Marquèze ou de la société archéologique de Bordeaux. Je ne peux travailler que sur des projets qui me bottent. »

Peindre à l’émotion Pour nous montrer comment elle peint, Clarisse nous emmène dans l’un de ses coins favoris, le port de Larros. La voir travailler est un vrai petit bonheur ! Impression d’être plongée en plein XIXe, à l’époque où les peintres peignaient tous en plein air. Sur son vélo, dans la caisse à vin qui lui sert de porte-bagage, elle a glissé son chevalet pliant, ses tubes d’huile et ses pinceaux. Une fois le spot choisi, elle déploie le matériel et fait glisser les couleurs sur la toile. Instinctive, Clacla peint à l’émotion, à la sensation. C’est pour cela qu’elle aime l’huile, son onctuosité, son velouté. En quelques minutes à peine, le paysage est déjà là, capturé alla prima. Dans le frais, en un seul jet. Le résultat, bluffant, épate les passants. Si vous aussi vous voulez découvrir cette artiste singulière et attachante, rendez-vous cet été à la galerie du Pyla où elle exposera du 12 au 17 juillet. Et, si vous brûlez d’apprendre la peinture en plein air, réjouissez-vous ! Du printemps au mois de juin, Clacla proposera des stages de découverte de la peinture « sur le motif » pour tous les niveaux ! Dates à suivre sur ses réseaux sociaux.

© IP

Clacla expose au Pyla du 12 au 17 juillet

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Food ×

“L’invention de la gastronomie composante de l’humanisme a donné bonne conscience aux goinfres.” Philippe Bouvard

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Photos © Tony Hoffmann

Le pâté de la mer bientôt en cabane

Poissonnerie Lou Peech loupeech.fr 05 56 83 15 81

IDÉE IODÉE. Les époux Drobois travaillent depuis plusieurs décennies dans le poisson. Leur poissonnerie, Lou Peech, est installée dans la zone artisanale du Teich. Le couple fournit déjà de nombreuses cabanes ostréicoles en bulots, bigorneaux et crevettes… Un jour, Philippe s’est dit que c’était dommage qu’on ne serve que du pâté de porc dans ces mêmes cabanes. « Moi qui ai travaillé quinze ans en boucherie charcuterie, je me suis dit qu’il serait vraiment plus logique de proposer un pâté de la mer cuisiné à base de poissons. » Philippe Drobois fait alors des essais. Fort de son expérience de charcutier, il peaufine une recette secrète qu’il fait ensuite goûter à Valérie sa douce, dont il juge le palais fin et fiable. « Je lui fais confiance. Elle sait être critique à bon escient. » Valérie a validé. L’idée était lancée. Désormais, l’ambition du couple est de distribuer son pâté de poissons façon campagne à tous les gens qu’ils aiment. À commencer chez Bidart, ostréiculteur dont la cabane de dégustation est installée à Gujan, sur le port de Meyran. « On pourra y trouver notre pâté dès le mois d’avril. Il sera aussi en vente sur notre site web et dans nos locaux au Teich », précisent Philippe et Valérie qui pensent que leur invention pourrait déclencher une vraie « révolution » dans le monde des cabanes sur le bassin d’Arcachon ! AH 026



C si bon 06 61 89 98 99

Photos © Armelle Hervieu

C si bon dans son camion ! AUX PETITS OIGNONS. D’abord infirmière, la Teichoise Natasha Bussone aime désormais prendre soin des autres en les régalant. Ses talents de cuisinière, elle les a peut-être hérités de sa tante martiniquaise. « Elle réalisait des gâteaux superbes pour ses clients. Je la regardais pendant des heures, émerveillée ! » Après avoir piloté un coffee shop et proposé de délicieux brunchs sucrés-salés dans son labo teichois, Natasha a investi il y a trois ans dans son joli camion. Un camion aux délices que l’on peut désormais privatiser pour une journée ou une soirée (montant minimum 500 euros). Natasha propose ainsi de faire de vos événements un festival du goût. « Je suis normande de naissance, aux origines martiniquaises. Mon mari est italien et j’adore la cuisine asiatique ! Il y a forcément beaucoup de métissage dans mes plats ! » Côté produits, Natasha joue à fond la carte de la qualité, du local et autant que possible du végétal. « Les fruits et les légumes sont les rois dans mes assiettes. La viande ne vient souvent qu’en condiment. » Elle s’approvisionne chez les Q Terreux, à la Serre ô Délices, à la boulangerie l’Amarante… Pour ceux qui souhaitent Natasha, sans son camion, sachez que la cuisinière se déplace aussi pour une prestation à domicile, dans votre cuisine ! AH 028



Texte & Photos Brigitte Vergès

Artisan pâtissier créateur Benoît a tout fait très vite. Marié à 23 ans, un bébé un an plus tard et, à tout juste 26 ans, il vient d’ouvrir sa pâtisserie-salon de thé au centre-ville d’Arcachon. Rencontre avec ce jeune chef pâtissier qui a fait de sa passion son métier. À déguster sans modération.

À

la maison, la cuisine familiale était déjà son terrain de jeu préféré. Plutôt bec sucré, il se souvient avec gourmandise de la crème chaude au chocolat, sa madeleine de Proust, de la tarte aux pommes du jardin, des madeleines caramel au beurre salé de sa maman. Dans ses yeux d’enfant, c’était comme de la magie. Un stage dans la

boulangerie pâtisserie de son village natal lui confirma qu’il en ferait son métier. Quelle formation avez-vous ? J’ai commencé par un CAP de pâtissier puis celui de chocolatier confiseur où j’ai découvert l’art du travail du chocolat. À 17 ans, j’ai participé à un important concours 030

où j’ai déjà eu les honneurs de la presse en obtenant le premier prix de la pièce artistique en chocolat pour les moins de 21 ans. J’ai complété ma formation par un brevet technique des métiers, spécialités traiteur et glacier. Après cinq années d’apprentissage en pâtisserie boutique, j’étais prêt pour le grand saut.



Fonctionner à l’instinct

Comment avez-vous commencé votre carrière de chef ? J’avais postulé dans trois grandes maisons parisiennes, j’ai opté pour le Plaza Athénée, le choix du roi. Sa renommée mondiale m’offrait cette opportunité de découvrir l’univers de l’hôtellerie de luxe. Mais surtout j’intégrais la brigade de 22 pâtissiers du chef Angelo Musa, chef pâtissier exécutif « haute couture » du Plaza, sacré champion du monde de la pâtisserie et MOF. Mon rêve !

Pâtisserie Audebert 4, rue Rhin et Danube Arcachon

Qu’est-ce qui vous amène en 2016 sur le Bassin ? Évidemment son attrait et surtout l’envie de quitter Paris ! Deux postes étaient vacants 032

pour la saison chez Frédélian, ce qui nous a permis à Noémie, mon épouse, et moi d’avoir notre première expérience ensemble et de constater que nous étions professionnellement compatibles. De mon côté, le fait d’être responsable de partie et relativement libre m’a permis de présenter ma première création, « l’Île aux oiseaux », qui a eu beaucoup de succès. La saison suivante, en traversant le Bassin, j’ai intégré la brigade de la pâtisserie chez Haïtza. Mais je souhaitais voler de mes propres ailes avec l’envie que les gens viennent pour Benoît Audebert, et être au contact de la clientèle.


Comment votre boutique a-t-elle vu le jour ? La période du Covid m’a permis de mûrir mon projet. Nous avons eu du mal à trouver ce local dont j’ai dessiné les plans, car je désirais que la clientèle ait vue sur le labo. J’ai été particulièrement bien accompagné pour la partie business plan, parce que moi je ne sais faire que des gâteaux ! Outre la boutique, le salon de thé cosy propose aussi des viennoiseries (maison, bien sûr) au petit déjeuner et très prochainement une formule goûter pour l’aprèsmidi. Où puisez-vous votre inspiration ? Faites-vous beaucoup d’essais ? C’est essentiel pour moi de travailler des produits que j’aime et qui me parlent. Je m’inspire de tout ce qui m’entoure, une forme aperçue, un produit nouveau que je vais chercher à associer à un autre. J’essaie surtout de mettre dans mes gâteaux un élément que je ne retrouve pas dans ceux des autres. Pour les essais, ça va sûrement vous étonner, mais j’en fais assez peu car je fonctionne beaucoup à l’instinct. Je les teste auprès d’Orlane, ma seconde avec qui j’échange beaucoup, et bien sûr Noémie. Leur avis est évidemment primordial. Parlez-nous de vos gâteaux et chocolats. Mon dessert phare, le BA, pour Benoît Audebert en clin d’œil au Bassin, est un cœur chocolat avec mousse choco 60 % cacao et un croustillant grué de cacao à la fleur de sel surmonté d’un sceau BA. Les clients en raffolent car le chocolat parle à tout le monde. Puis, le Hazel (prénom de ma fille), un praliné noisette cœur caramel vanille et ganache montée noisette. Et le flan Jean-Jean, clin

d’œil à mon beau-père, l’architecte de cette boutique et son gâteau préféré. Ce flan sans pâte est au sucre muscovado caramélisé à la vanille de Madagascar. Un petit tour par les gâteaux dits de voyage, les financiers noisette, les cookies, les madeleines, les mi-cuits et les cakes. Pour mes chocolats, je me sers, depuis l’époque du Plaza, auprès de la chocolaterie de l’Opéra pour la couverture, c’est-à-dire la matière première, avec des pourcentages et origines différents. Mes bonbons ont tous une couleur différente en fonction du mélange de beurre de cacao, de chocolat blanc et du colorant naturel dans le moule. Que faites-vous des invendus, si tant est que vous en ayez ? Nous en avons très peu heureusement. Nous avons choisi l’application Too good to go, qui lutte contre le gaspillage alimentaire et permet de proposer des prix réduits. Les paniers ne restent pas longtemps visibles sur le site ! 033

“Je privilégie le circuit court en me fournissant auprès de Vincent, le maraîcher des Halles, car ses fruits viennent du Lot-et-Garonne”


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Le temps s’arrête au Georgette Café

Déco vintage, cuisine inventive tendance snack, ambiance reposante… Eva Furlanetto a voulu son café à son image. Sur la Presqu’île, à Petit Piquey, cette nouvelle adresse a su s’imposer, en douceur. Le rendez-vous des gens du coin et des sorties de plage.

Texte & Photos Patrice Bouscarrut

E

va Furlanetto, 35 ans, est une touche-à-tout. Après des études dans l’hôtellerie, elle n’a pas arrêté d’enchaîner les expériences dans la restauration, le textile, les dégustations et dernièrement à la poissonnerie de Petit Piquey sur la Presqu’île. Mais ça la titillait depuis longtemps d’ouvrir son petit restaurant à elle. « À taille humaine, ici j’ai envie que l’on se sente comme à la maison. Ça rentre, ça sort, on fait une pause avant de reprendre le boulot », explique Eva. La vie simple quoi. Dès qu’on rentre chez Georgette Café, à Petit Piquey, on se sent bien. 035

Les prénoms de ses grands-parents Un lieu hors du temps, où se côtoient un gramophone d’époque, une balance d’épicier, un tableau noir avec ces lettres aimantées de l’enfance qui déclinent les plats à découvrir. Et sur une étagère du bar, un dôme en verre, avec les photos de ses grandsparents. Une création de l’inventive fleuriste Karine Rey, des Muettes Rieuses, pour rendre hommage à Georges et Arlette. C’est un peu leur esprit qui flotte dans ce lieu baigné de douceur. Et vous l’aurez compris, Eva a associé les deux prénoms de ses grands-parents pour donner le nom


« Je voulais Georgette Café à taille humaine, ici j’ai envie que l’on se sente comme à la maison. Ça rentre, ça sort, on fait une pause avant de reprendre le boulot »

De 8 h à 18 h, se succèdent harmonieusement le petit-déjeuner, le brunch, l’apéro, l’after-beach… D’avril à septembre Georgette Café 20 bis, route de Bordeaux, Petit Piquey, Lège-Cap-Ferret 05 24 18 55 62

de son restaurant, le Georgette Café. Les vieux prénoms, elle adore. De sa première saison l’été dernier, Eva retire plein d’enseignements : « J’ai appris beaucoup sur moi-même, ce que ça veut dire de se lever le matin pour soi. » Georgette Café gardera sa petite taille, quelques tables en terrasse, un intérieur cosy, histoire qu’Eva puisse tout faire seule.

Une cheffe japonaise Dans l’assiette, c’est aussi un voyage. Salade de burrata et sa sauce à l’orange, œuf bénédicte parfait (à 036

basse température) avec son émulsion beurre citron sur une tranche de brioche, ou encore gyūdon, bol de riz traditionnel nippon. Une cuisine de saison, ses légumes du marché, revisités aux fourneaux par une cheffe japonaise de la Presqu’île qui lui donne un coup de main le midi. « C’est de la bombe atomique ! », résume Eva sur l’esprit culinaire de sa cheffe. Suivant la période, la carte change mais avec toujours ce subtil mélange de simplicité et d’évasion. Croissants perdus, gros hot dog gratiné au fromage et le fameux pan con tomate devenu un classique qui sera toujours à la carte. Une ambiance snack que l’on retrouve en été quand c’est le rush ; au printemps et à l’automne, les « locaux » découvrent d’autres saveurs.


Mer ×

“Je ne sais pas parler de la mer. Tout ce que je sais c’est qu’elle me débarrasse soudain de toutes mes obligations. Chaque fois que je la regarde, je deviens un noyé heureux.” Romain Gary

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© Patrice Bouscarrut

Un dragon contre le cancer Nicole Andrieux a créé l’association Les Elles du Bassin pour aider les femmes victimes du cancer du sein. Tous les samedis, le groupe se retrouve pour pagayer sur son dragon boat à Andernos. Comment vous est venue l’idée de créer cette association ? J’ai eu un cancer du sein en 2014. J’ai commencé à m’impliquer à la Ligue contre le cancer en tant qu’écoutante. Je me suis aperçue que les malades cherchaient des activités sportives. En 2018, j’ai créé l’association pour aider les femmes qui souffrent du cancer du sein, du diagnostic à la rémission. Le dragon boat est tout à fait adapté à elles.

C’est quoi un dragon boat ? Un bateau qui a ses origines en Chine. Le groupe 3V de l’institut Bergonié nous a prêté un bateau pendant un an, le temps que les chantiers Lacaze à Arès construisent le nôtre. Il a été dessiné sur la base d’une pinassotte d’ici, mais adapté à l’activité. Il y a dix pagayeuses qui font avancer le bateau au rythme d’un tambour et des encouragements d’un coach. Cette activité sportive aide les victimes du cancer du sein ? Oui, c’est une activité sportive tout à fait adaptée aux femmes qui ont été opérées du cancer du sein. Ça fait travailler les muscles et le système lymphatique. Avant, on disait qu’il ne fallait même pas lever le bras après une opération du sein. Puis un docteur canadien, Ronald MacKenzie, a dit que c’était le contraire. Une étude a montré que ce sport permet de réduire les récidives de 30 à 40 %. Du nouveau depuis la création des Elles du Bassin en 2018 ? 038

Face au succès, on ne prend que des membres du Nord Bassin. On encadre une trentaine de femmes, cette année, quatre nouvelles sont arrivées. Depuis, nous avons un deuxième bateau, on est en train de construire un abri à côté de notre cabane sur le port d’Andernos. Après une année en sommeil, les rendezvous reprennent les samedis. C’est comment l’ambiance ? Nous partageons des valeurs de bienveillance, d’échange. C’est toujours très gai et on ne parle jamais de la maladie, sauf si on en éprouve le besoin. Il y a de grands bonheurs, quand une membre est en rémission, mais aussi des moments plus durs. Vous lancez de nouveaux projets ? Après l’île de Sein, le golfe du Morbihan, cette année en juin, on a prévu de participer à la course mythique Vogalonga à Venise, le rêve de toutes les dragon ladies. PB Les Elles du Bassin à Andernos. asso.alternaweb.org/ellesdubassin



C’est un marin un brin secret. On le voit peu. On l’entend peu. Il préfère vivre caché dans sa petite maison de Gujan. Pourtant, Gilles Mallet est aussi talentueux sur l’eau qu’avec ses pinceaux. Il équipe aussi bien qu’il ne peint les plus beaux voiliers du monde.

Gilou Mallet, le génie discret Texte Armelle Hervieu Photos Marie-Noëlle Archambault & Armelle Hervieu

G

illes, dit Gilou. Longue chevelure, sourire tranche papaye, moustache de Gaulois et regard doux. Il est le benjamin de la tribu Mallet. Six garçons et deux filles dont l’aîné, Pierre Mallet, fut président du Cercle de la voile d’Arcachon et a donné son nom à l’un des bacs à voile du Bassin. « Mon grand frère a fait beaucoup pour la voile traditionnelle du Bassin. C’est grâce à lui que cette si belle tradition nautique a retrouvé ses lettres de noblesse. C’était un monument », confie le petit frère, admiratif. Dans la famille Mallet, on a toujours aimé et défendu les beaux bateaux. Une passion qui est le fruit d’une longue lignée d’amoureux de la mer et des navires. Henri Mallet, le grandpère, a joué dans la vie maritime de Bordeaux un rôle de premier plan en tant que courtier maritime, au début du XXe siècle. Son fils, Paul Mallet, fut lui aussi assureur maritime. Et, 40

parmi les petits-fils Mallet, outre Pierre, Éric Mallet, autre grand frère de Gilou, est connu pour avoir longtemps été le propriétaire du superbe 8 mètres JI Vision of Sebago. Gilles était son marin. Tous deux ont gagné les championnats d’Europe puis les championnats du monde de 8 mètres JI (ancienne série olympique).

Barrer avec ses joues ! Le tendre et rêveur Gilou, dernier de la fratrie, a grandi, comme toute la tribu, au bord de la mer, plage d’Eyrac, dans la villa Saint-Christau, l’une des plus anciennes maisons arcachonnaises. Encore debout, belle et fière. Elle existait déjà sur les plans de la ville en 1896. « On y a tous vécu nos plus belles vacances. De mon enfance, je garde le souvenir de superbes navigations sur des bateaux d’époque, comme le Pacific, monotype du bassin d’Arcachon. » C’est cette vision, un peu magique et


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“Je rêve de bateaux tout le temps. Les bateaux traditionnels sont toute ma vie”

poétique, de la navigation que Gilou incarne aujourd’hui, avec exigence et sensualité. « Je rêve de bateaux tout le temps. La nuit je me vois avec Charlie Barr sur Reliance [voilier vainqueur de la coupe de l’America en 1903]. Les bateaux traditionnels sont toute ma vie. » Ainsi, le benjamin des Mallet navigue sur les voiliers les plus racés où il applique son sens inné de la lecture du vent et du plan d’eau. « Je vois, à plus de 100 mètres, si ça adonne ou si ça refuse. Je barre avec mes joues, aux sensations uniquement. » Depuis 34 ans, il est connu comme le loup blanc à Cannes, Antibes, Saint-Tropez… où Gilou s’illustre par ses talents de régleur 42

de voile d’avant à bord de bateaux de légende, tels Moonbeam of Fife baptisé également Moonbeam III, un cotre aurique de 30,94 mètres, construit en Écosse en 1903. En « éternel gamin », Gilou avoue qu’il aimerait bien arriver à 40 régates royales, les régates cannoises qui voient, selon lui, s’affronter « les plus beaux bateaux du monde ».

Mercenaire des mers Le navigateur professionnel n’a pas boudé non plus, au cours de sa carrière, les embarcations plus récentes. Il a équipé des multicoques ultramodernes aux côtés des frères Peyron ou participé à la coupe de


Quand il ne navigue pas, Gilou peint !

l’America avec Philippe Poupon et Marc Pajot, navigué avec Florence Arthaud, Titouan Lamazou… « J’ai été un mercenaire des mers. J’ai sauté d’un multi à l’autre, de 1982 avec Jean-Yves Terlain à 1990 sur Jet Service. » Ancien sportif de haut niveau, depuis quelques années, Gilles Mallet a dû apprendre à composer avec une saleté de maladie auto-immune qui grignote petit à petit son autonomie. Tant pis, s’il ne peut plus faire le Tarzan au poste avant, Gilou fait partie des régleurs que l’on consulte tout le temps. À l’avenir, lui se verrait bien barreur d’un sublime classique que lui confierait un riche propriétaire. En attendant, Gilou ne perd jamais une occasion, hiver comme été, de croiser sur le Bassin avec l’Oursin, son loup de 1954 qu’il fait entretenir amoureusement par le charpentier de marine Jean-Baptiste Bossuet. « Ce bateau, je connais chacune de ses courbes. Il me donne tant ! » Et, quand il n’y a pas de vent et que ses pinceaux le démangent, l’artiste sort ses toiles et dessine… devinez quoi ?! 43



L’homme aux mille vies

Tour à tour doreur sur cuir, travailleur sur une plateforme pétrolière, second d’un chalutier, convoyeur de voiliers, patron suppléant à la SNSM locale, Christophe Lefebvre a posé ses valises sur le Bassin par amour pour celle qui lui fit rencontrer Jean-Pierre Osenat, commissaire priseur de son état et amoureux du Bassin.

Texte & Photos Brigitte Vergès

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000 vies pour ses 1 000 métiers. La liste des professions exercées par Christophe aurait pu être encore plus longue tant elle est éclectique et son parcours pas banal. On peut tout de même ajouter la restauration de coques en bois, car en plus, il est doué de ses mains. Notre homme aime tout ce qui est beau, « Et quand on aime les vieilleries, on aime les motos et voitures de collection ». D’ailleurs Christophe roule au volant d’une Mustang décapotable des sixties. Son histoire avec Jean-Pierre Osenat et l’idée de la création d’un musée qui regrouperait sa collection

de bateaux remonte aux années 2008/2009. La maison de famille que possède Jean-Pierre jouxte celle de Joëlle, compagne de Christophe. Ce jour-là, comme tous les étés, ils se retrouvent pour déjeuner. Jean-Pierre évoque avec passion ses bateaux qu’il commence à posséder en nombre et son désir de les mettre en valeur. Jean-Pierre accepte la proposition de Christophe d’ouvrir un musée, lui disant même qu’il en rêve depuis des années, mais qu’il ne connait personne qui pourrait s’en occuper. L’homme était tout trouvé, il était là devant lui, comme une évidence. Jusque-là entreposée au 045

chantier Madiana au port de Meyran Est à Gujan, la petite quarantaine de bateaux déménage plusieurs fois avant de trouver l’emplacement idéal au 184 de l’avenue Denis Papin à La Teste. En 2014 naît officiellement le Petit Musée du canot automobile dont Christophe est le responsable.

Toute collection raconte une histoire d’amour D’une superficie de 2 000 m², surmonté d’une mezzanine, ce musée qui œuvre pour la connaissance du patrimoine maritime en préservant des bateaux uniques expose actuellement


“Une telle concentration de canots automobiles en un même lieu en provenance d’Europe mais aussi des États-Unis et du Canada est très rare en Europe” 49 navires construits entre 1930 et 1970, tous de la collection privée de Jean-Pierre Osenat. Issus de plusieurs chantiers maritimes européens, certains sont des pièces uniques dont une collection de racers de course des années 60/70. « Quand Jean-Pierre descend sur le Bassin un mois l’été, il commence par

venir boire un ti-punch à la maison et poursuit par une visite au musée. L’hiver, on choisit ensemble le bateau qui sera préparé pour une mise à l’eau en juillet/août. On est deux amis fous de cet endroit. »

Ô mon bateau, c’est le plus beau des bateaux ! On peut aimer un bateau pour son esthétique, sa conception ou pour l’histoire qu’il raconte. Mais Christophe se passionne encore plus pour leur technique de construction et la conception de leur coque en bois qui peut être en frêne, pin, orme ou acajou. Dans le musée, on peut admirer des bateaux de tous les types : Rio, Chris-Craft, Rocca, Seyler, Riva à moteur V8 surnommés les « Ferrari des mers » et quelques modèles uniques. « J’aimerais que les collectionneurs de bateaux anciens se rassemblent au sein d’une fédération comme cela existe en automobile. En fait, il y a très peu de musées de bateaux anciens en France. » Tous

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les ans, le musée expose au salon nautique d’Arcachon et sera présent, du 16 au 18 avril, pour la 7e édition de l’événement avec six ou sept modèles. En 2018, Christophe a aussi créé l’APMCA (association des Amis du petit musée du canot automobile) qui regroupe une trentaine d’adhérents. « C’est une association de passionnés, d’amoureux des voitures de collection et de modélisme. On organise de mai à septembre des sorties informelles, pique-nique et rencontres avec d’autres clubs dans l’optique de recevoir du monde au musée, et qui sait, peut-être susciter une vocation. » Christophe se rend tous les jours au musée, y compris le dimanche où il passe pour s’imprégner du boulot à faire la semaine suivante. Si les portes sont ouvertes, on peut faire une visite à l’improviste, car Christophe aime la convivialité et les rencontres, mais il est néanmoins plus prudent de prendre rendez-vous (05 57 52 40 27).



MÉMOI RES

Texte Armelle Hervieu

Saint-Elme, la première école de France à former des marins Sources et iconographie : Collection privée du collège et lycée Saint-Elme et ouvrage de Jacques Traizet, Le Premier Navire école

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En mai 1875, le navire école l’Éclipse fit escale à Paris, près du pont Royal.

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MÉMOI RES

Le collège et lycée Saint-Elme fêtera cette année ses 150 ans. L’occasion de découvrir l’histoire de cet établissement arcachonnais créé en 1872 par le père Baudrand pour former des officiers de la marine marchande. Saint-Elme fut ainsi la première école pour la marine de commerce de France.

«

Le petit navire école, l’Éclipse, fit sensation à Paris.

Vous ne savez que devenir ? Vous ne voulez ou ne pouvez être ni négociant, ni médecin, ni soldat, ni prêtre ; et bien devenez marin, ayez un navire à vous, commandez-le… » C’est en ces termes que le père Baudrand invitait la jeunesse de France, dans les années 1870, à rejoindre l’école qu’il venait de créer à Arcachon, boulevard Deganne, pour former les garçons aux différents métiers de la marine. Cent cinquante ans plus tard, les dirigeants de l’établissement sont fiers de ce passé. Olivier Sennes, son actuel directeur, confie : « On n’est plus une école maritime mais on se sent héritiers de ces bâtiments et de cette histoire. Notre école a toujours un lien très fort avec la mer. L’équipe pédagogique navigue sur un bateau légué par le baron Bich, ancien élève, et les enfants apprennent la navigation avec notre partenaire le Cercle de la voile d’Arcachon. » L’an prochain, nous informe aussi le directeur, Saint-Elme sera l’un des premiers établissements de la façade atlantique à donner l’accès à ses élèves au BIMer (brevet d’initiation à la mer). L’objectif du BIMer est de proposer aux jeunes une ouverture sur la culture maritime et ainsi de promouvoir les métiers civils et militaires liés à la mer.

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Mais revenons-en à l’histoire de Saint-Elme et plus précisément à sa création en 1872 par un curé dominicain, le père Joseph Baudrand. Né en 1832 dans une famille de négociants lyonnais, le jeune ecclésiastique devient professeur et éducateur. Emmenant chaque année ses élèves en voyage à Marseille ou Toulon, il découvre « tous les bienfaits que le métier de la mer peut apporter dans la formation des jeunes ». Parallèlement, il prend conscience de la situation inquiétante de notre marine marchande « en pleine décadence ». Le révérend père Baudrand, passionné de marine, rêve de créer une école de formation d’officiers de marine marchande. Avant 1870, il va prospecter à Arcachon dans la paroisse du Moulleau. Or, dans la paroisse Saint-Ferdinand, un des édiles de la nouvelle commune d’Arcachon, Adalbert Deganne, a fondé le collège Saint-Ferdinand pour en faire une école navale. De multiples difficultés font échouer le projet et poussent Deganne à mettre le collège en vente. Baudrand est intéressé, d’autant plus au lendemain de la guerre de 1870 qui a vu le collège d’Arcueil, dans lequel il enseignait, être dévasté et les religieux fusillés par la Commune de Paris. En 1871, il file donc s’installer à Arcachon et décide de mettre son projet à exécution. Beaucoup le prennent pour un fou voulant mener à bien une utopie. Selon Jacques Traizet, ancien commandant de la marine nationale, qui fut lui-même élève de SaintElme de 1919 à 1924, le père Baudrand n’était pas un utopiste. Au contraire, il avait tout d’« un précurseur ». Après un demi-siècle à parcourir les mers du globe, l’ancien élève a écrit un ouvrage essentiel à la compréhension de l’histoire maritime de Saint-Elme et au rôle capital que joua le père Baudrand dans cette aventure : Le premier navire école – Une école centrale maritime commerciale – L’école Saint-Elme d’Arcachon (1872-1880).


L’ancienne carrière de l’école où se trouve désormais l’Ehpad Larrieu.

Les élèves d’une même classe tous revêtus de l’uniforme.

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MÉMOI RES

“Rien ne grandit le sentiment de la dignité humaine comme la responsabilité qui repose sur la tête du capitaine, commandant à son bord en souverain absolu…” Père Baudrand À l’automne 1872, le père Baudrand décide de louer le collège Saint-Ferdinand pour le transformer en école centrale maritime qu’il rebaptise plus tard, en 1976, école Saint-Elme, du nom du saint patron des marins. La même année, un riche propriétaire d’Arcachon lui donne une tartane, le John. Il achète un sloop de 15 tonneaux, la Jeanne, et une goélette de 38 tonneaux, l’Éclipse. Les débuts sont très modestes. En octobre 1872, il n’y a que 7 élèves… Le père Baudrand a créé deux sections différentes : – Le noviciat maritime : section d’initiation et de préparation où, à partir de 11 ans, des garçons peuvent éprouver leur vocation maritime. – La section « commerciale maritime » destinée aux jeunes de 15 à 18 ans qui souhaitent devenir de futurs officiers. 052

Jusqu’en 1876, les élèves officiers s’entraînent sur la goélette l’Éclipse mais vivent à terre la plupart du temps. Puis, à partir de 1876, le père Baudrand ayant fait l’acquisition du Saint-Elme, troismâts barque à double vergues de 234 tonneaux anciennement nommé Vera Cruzana, les élèves de la section commerciale maritime vivent en permanence à bord. Leur enseignement continue pendant le voyage en mer. Les élèves prennent des notes dans chaque port. Ils prennent part de jour et de nuit aux quarts réglementaires, ils sont soumis, comme les marins, aux règles disciplinaires des navires marchands. Chaque année, ils effectuent un périple de plusieurs mois en mer. En 1877, lors du plus long voyage en mer de l’école, le Saint-Elme relâchera ainsi à Oran, Alger, Naples, Marseille et Malaga. D’année en année, le nombre d’élèves croît : 7 en 1872, 18 en 1873, 35 en 1874, 48 en 1875, 70 en 1876, 120 en 1879. Entre 1876 et 1878, l’école Saint-Elme connait ses plus belles années. Les élèves se font plus nombreux et le père Baudrand doit entreprendre des travaux qui visent à ajouter deux ailes à l’édifice principal déjà existant, ce qui va doubler l’importance du bâtiment. « Nous aurons ainsi de la place pour 80 élèves à terre ce qui, adjoint


❾ ➀ L’équipe enseignante

➁ Une partie de basket-ball

➂ Un réfectoire ❶●

➃ La chapelle ➄ La clique ➅ Un dortoir

au 40 élèves à bord du Saint-Elme, nous assurera la possibilité de recevoir 120 élèves. » En 1877, le père Baudrand et les élèves sont reçus à Rome par le pape Pie IX qui propose de vendre à l’école Saint-Elme le navire pontifical Immacolata Concezionne. Les ennuis commencent justement pour l’école quand le curé décide de vendre le Saint-Elme pour le remplacer par le yacht papal. Le navire qui marche à la voile et à la vapeur amène le père à endetter l’école, à hauteur de 50 000 francs. L’Immacolata Concezionne est remontée en juillet 1879 à Arcachon où on l’accueille en fanfare et coups de canon (d’ailleurs, un canon issu du yacht pontifical est conservé dans la chapelle actuelle de l’école). Malheureusement, en 1880, les nuages s’amoncellent sur l’école maritime. Les menaces du gouvernement anticlérical sur les congrégations enseignantes se font plus pressantes. L’argent manque pour aménager le yacht pontifical qui reste au mouillage et on ne trouve pas d’acquéreur pour le Saint-Elme. Il faut pourtant payer les annuités au Saint-Siège, et le père Baudrand est obligé de fermer la section maritime. En octobre 1880 ne subsiste plus que la section classique qui perdure encore aujourd’hui sous la forme du collège et lycée Saint-Elme.

➆ Une leçon de gymnastique

➇ Une des petites embarcations de l’école

➈ Un cabinet de physique 0 Un stand ➀○

❶❶

de tir

➀ ➀ Le père

Baudrand avec ses élèves à bord du Saint-Elme

➀ ➁ Le

Saint-Elme, par R. Chapelet

❶❷

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PORTFOLI O


Les ostréicultrices dans le viseur de Karoline Krampitz

Marine Molen, Aman, été 2021


© Armelle Hervieu

PORTFOLI O

La photographe Karoline Krampitz au port ostréicole de La Teste, son préféré

L

a photographe allemande Karoline Krampitz, installée sur le Bassin depuis 2019, a décidé de mettre les ostréicultrices en valeur. Depuis plus d’un an, elle arpente les parcs pour capturer ces femmes de mer dans l’exercice de leur métier. Un choix engagé. Un œil aiguisé, une sensibilité à fleur de peau, une profonde humanité. Karoline Krampitz est une belle personne. Dans tous les sens du terme. Élevée par une mère courage avec ses deux sœurs dans l’ex-RDA, Karoline connait la valeur des choses et la force des femmes. « Elles mettent de l’amour dans tout ce qu’elles font. J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ma maman qui se battait, seule, pour nous élever toutes les trois. Elle a fait tous les métiers. » Un exemple inspirant pour Karoline qui se revendique aujourd’hui foncièrement féministe. Lorsqu’elle arrive sur le Bassin, fin 2019, Karoline, 056

« très sensible à l’égalité », constate qu’il y a partout des ostréicultrices mais qu’on ne les voit nulle part. « Elles ne font pas partie de la carte postale. Seuls y figurent les hommes. » L’idée de photographier ces femmes pour les mettre en valeur, pour les montrer, lui vient pendant le confinement. « J’ai vécu une période très dure. Je venais d’arriver sur le Bassin et je ne pouvais pas sortir, avancer, trouver des clients. Impossible de travailler. J’étais réduite à néant. » Pour Karoline, son métier de photographe est plus qu’un simple gagne-pain. C’est une passion. Une façon de se sentir vivante. Cependant, en tant qu’étrangère débarquant « dans un endroit aussi joli que fermé », où une foultitude de photographes exercent déjà, difficile de faire sa place. Karoline sait qu’elle doit trouver une idée lui permettant de se démarquer. « Il fallait que je parle de quelque chose qui est vital aux gens d’ici. » Ce sera l’ostréiculture, LE métier patrimonial du Bassin. Mais sous un angle encore jamais vu, celui des femmes sous le regard d’une autre femme. Une histoire de sororité qui a failli ne jamais démarrer. « J’ai envoyé une première salve de mails, sans réponse. J’ai réessayé », lance l’artiste, qui n’avait d’autre choix que l’opiniâtreté. « Si j’ai du succès en Allemagne, notamment dans la photo d’architecture intérieure, ici personne ne me connaît. » Finalement, une ostréicultrice répond. Sophie Dufau de la Barbotière à Gujan. C’est elle qui va ouvrir ses portes la première et donner envie à Karoline de croire encore en son projet. « Elle est féministe comme moi. C’est une personne vraiment magnifique », insiste la photographe qui verra par la suite beaucoup d’autres portes s’ouvrir. Celles de Christelle Gaussem, Anne Marquet, Marine Molen, Dominique Dubern... dont le bateau se nomme « Défends-toi ». « Cela veut dire beaucoup ! Ce métier est vraiment dur », témoigne Karoline. Aujourd’hui, la photographe a fait le tour du calendrier. Elle a accompagné les ostréicultrices du Bassin pendant toute une année, à toutes les saisons, à toutes les marées, par tous les temps. Le fruit de son travail, exposé en février dernier à la capitainerie d’Arcachon, mériterait d’être publié. C’est ce qu’espère Karoline désormais. Un livre pour réunir ses femmes courage. AH karolinekrampitz.com


Fanny Nicolas, banc d’Arguin, printemps 2021

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À gauche : Christelle Gaussem, Port de La Teste, été 2021 Ci-dessous : Sophie Dufau, Grand Banc, printemps 2021

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À droite : Léa Gassian, banc d’Arguin, printemps 2021 Ci-dessous : Dominique Dubern, port de La Teste, automne 2021

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À gauche : Anne Marquet, port de La Teste, automne 2021 Ci-dessous : Mathilde Dudau, banc Ouest, hiver 2022

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SÉLEC TI ON

OSTRÉICULTURE, LES VISAGES DE LA RELÈVE © Karoline Krampitz

À Gujan, La Teste, Lanton ou au Ferret, nous avons rencontré dix représentants, couples, fratries, familles ou solitaires qui incarnent une nouvelle façon de pratiquer l’ostréiculture. Si certains vont jusqu’à refuser d’élever des triploïdes pour protéger les eaux du Bassin, tous agissent à leur façon pour préserver le milieu.


© Patrice Bouscarrut

Éloi Réveleau, le Robinson du Canon LA VIE SAUVAGE. Éloi Réveleau était un peu le nomade de l’ostréiculture. Depuis 2017, il avait un chaland, des parcs, mais rien à terre. Suite à une triste histoire d’attribution de cabane qui n’est jamais arrivée. Mais ça, c’est du passé. Éloi vient (enfin) de reprendre une cabane, celle d’Éric Larrarté, au Canon. Le sourire aux lèvres, il trie ses huîtres, les pieds au sec, en contemplant la vue, à

côté du débarcadère du Canon. Après des études de géographie, la découverte du métier de charpentier chez les Bartherotte, Éloi a choisi in fine l’ostréiculture. Naturellement. Car si son père, Jean-Louis est notaire, dans la famille Réveleau, on est dans l’huître depuis des générations. Le jeune homme a découvert le métier chez son oncle Philippe, mais aussi au Four chez Ducout. Puis, il est parti en Irlande, à Bannow Bay, pour voir comment ça fonctionne ailleurs. « Une entreprise qui produit 500 tonnes, que de la spéciale, c’était fou ! », se souvient-il. Un brin poète, Éloi a appelé son chaland Vendredi,

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un clin d’œil pour ce Robinson de l’ostréiculture. « Sur l’eau, je me fais souvent chambrer », souritil. « On me dit, tu bosses que le vendredi ? » Pour ce qui est du nom de sa cabane de dégustation, c’était une évidence : La Vie sauvage. La boucle est bouclée, reprenant le nom de l’œuvre de Michel Tournier. Dans le quartier du Canon, cette dégustation devrait trouver son style. « On arrivera chez moi simplement, sans prise de tête, cool, détendu », explique Éloi. On l’imagine ! PB × 190 route du Cap-Ferret Le Canon 06 31 24 69 88


Photos © Armelle Hervieu

SÉLEC TI ON

MarGo, le pari réussi des huîtres bio DÉMARCHE ÉCOLO. Ni Anne Marquet ni Nicolas Goderel des huîtres MarGo ne sont issus de familles d’ostréiculteurs. Pourtant, ils se sont lancés un défi que bien des professionnels

installés n’auraient pas osé tenter : obtenir le label bio pour leurs huîtres nées et élevées dans le bassin d’Arcachon. Ils étaient les premiers à l’avoir et il leur a fallu une sacrée détermination pour y parvenir. Trois ans de démarches, ni plus, ni moins ! « Pour une fois que mon entêtement ne m’a pas porté tort ! », plaisante Anne avec le recul. La jeune femme, la trentaine pleine d’énergie, est arrivée à ses fins. Elle est parvenue

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à prouver à l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) que le bassin d’Arcachon possédait les qualités nécessaires pour produire des coquillages bio. « On a tout de suite mis la barre très haut avec Nico. On voulait être des producteurs hyper rigoureux. Cette démarche nous colle à la peau. Une démarche écolo qui n’a rien de bobo. » Depuis que nous l’avons rencontrée pour la première fois, début 2021 (lire le premier numéro de Vivre le Bassin), Anne a non seulement obtenu, avec son compagnon et associé Nicolas, un label, une cabane et une dégustation, mais elle a aussi mis au monde un bébé ! Et être enceinte ne l’a pas empêchée de continuer à travailler d’arrachepied pour élever ses huîtres 100 % nées en mer, 0 % triploïdes et labellisées bio. Pas plus que de servir ses clients dans sa toute jeune dégustation (ouverte pour la saison 2021) sur le port de La Teste-de-Buch. Chapeau ! AH × Cabane 23 24 avenue des Pêcheurs La Teste 06 33 15 19 08


© Patrice Bouscarrut

Tom cultive la tradition sans concession RETOUR AUX SOURCES. Le geste précis, Tom Deniaud travaille avec la même assurance que les anciens. Pourtant, du haut de ses 22 ans, il paraît encore tout minot. Mais pour lui, être ostréiculteur était une évidence. « Quand j’en ai parlé à mes parents, c’était au moment où il y avait beaucoup de mortalité dans les parcs. C’était donc risqué de se lancer », se souvient-il.

Alors il a bâti un plan de secours, au cas où : une formation de charpentier, Compagnon du devoir. Puis direction le lycée de la Mer. Il a une idée bien arrêtée sur le métier d’ostréiculteur. « J’ai grandi dedans, je veux travailler à l’ancienne, avec le naissain sur les tuiles chaulées, mais avec les nouveaux outils mis à notre disposition », résume Tom. C’est certain, il est tombé dans la potion magique tout petit, auprès de ses parents qui tiennent la dégustation et l’exploitation le Bout du monde aux Jacquets. La dégustation, c’est pas son truc, il préfère faire les marchés, gérer les expéditions, faire des prestations dans les châteaux du Médoc. Et surtout valoriser ses huîtres, « comme il

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faut, sans mentir ». « Je rencontre beaucoup de jeunes comme moi dans l’ostréiculture qui veulent travailler dans la tradition », souligne Tom. S’installer à 22 ans est peut-être gonflé, mais selon lui : « Il vaut mieux se lancer tôt. Je m’en sens capable, même si on dépend de la nature. » Bien calé dans ses waders (cuissardes de pêche), Tom sait ce qu’il veut. Il vient de reprendre des parcs et un chai de travail aux Jacquets. Sa cabane est une sorte d’enclave autour de l’exploitation de ses parents, Hugues et Christelle. Ils ne seront jamais loin pour voir évoluer leur fils dans sa passion. PB × 3 impasse des Réservoirs Lège-Cap-Ferret


© Armelle Hervieu

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Shed, les Australiens du Bassin PANIERS DE MUSCULATION. Nicolas et Magali Checa sont des aventuriers. Ils ont travaillé cinq ans dans l’ostréiculture à Coffin Bay, une région reculée d’Australie. De retour sur leurs terres natales, ils ont créé de toutes pièces une cabane de dégustation dans un coin sauvage de Lanton et élèvent leurs huîtres suspendues dans des paniers ! Le Shed est avant

tout une histoire d’amour. Celle de Magali et Nicolas Checa, deux natifs du Nord Bassin, elle d’Arès, lui d’Andernos. Ces deux-là se connaissent depuis le lycée puis se sont séparés pour finalement se retrouver et vivre une vie d’aventures. « Un an seulement après nos retrouvailles, on a décidé de partir ! », s’amusentils. Cap sur l’Australie où le petit frère de Nicolas était allé. Nicolas ne parle pas un mot d’anglais. Ce n’est pas grave ! Il sait s’occuper des huîtres. Il est diplômé du lycée de la Mer et a fait son apprentissage dans différentes entreprises ostréicoles du Bassin. C’est au sud de la grande baie

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australienne, dans le parc national de Coffin Bay, pays des huîtres et des poissons, que le couple va s’installer. « Il nous a fallu deux jours de bus depuis Sydney puis une heure d’avion, dans un petit coucou, depuis Adélaïde pour y parvenir. Sur place, rien. Pas un commerce, pas une voiture. Le bout du monde », se rappelle le couple avec émotion. Si la première impression est un peu rude, les Checa tombent vite sous le charme de cette région si sauvage. Nicolas s’investit à fond dans l’exploitation ostréicole de Brendy, son patron, qui lui confie bientôt les rênes de la production. « Ils étaient comme père et fils »,


Photos © SHED

note Magali, qui travaillait quant à elle dans une bijouterie « à la ville », à Port Lincoln.

Huîtres bercées par la marée

Le couple est amoureux de cette vie. Ils songent à demander un visa permanent mais les huîtres australiennes sont attaquées par le virus de l’herpès. L’activité ostréicole est à l’arrêt. Les Checa prennent alors une décision difficile. Ils quittent leur éden pour revenir au pays. Ils posent leurs valises à Lanton, où Nicolas passait toutes ses vacances enfant. Après leur mariage, ils se mettent en quête d’une exploitation ostréicole à reprendre mais ne

trouvent rien à leur goût. Qu’à cela ne tienne, Nicolas cherche sur Google Maps un endroit où s’implanter, trouve un terrain, le long du sentier du littoral, plein de ronces et d’herbes folles où l’on aperçoit encore d’anciens bassins et dégorgeoirs. Ce sera là et nulle part ailleurs ! Dans ce petit bout de nature sauvage et déserté qui leur rappelle Coffin Bay. Après trois ans de combat et de papiers, les voilà désormais installés dans ce petit coin de paradis qu’ils ont construit eux-mêmes. Leur cabane est un havre de paix, posée entre ciel et terre, face au Bassin. On y vient, de près ou de loin, pour partager un moment hors du temps. « Nos

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clients sont comme nous, ils cherchent le calme, un endroit pur et reposant », confie Magali qui gère la dégustation ouverte toute l’année. Dans l’assiette, des huîtres charnues et jolies. Des spéciales pour la plupart. Élevées en partie et bientôt en grande partie selon les méthodes australiennes de paniers suspendus. Une technique qui berce les huîtres en hauteur, les obligeant à se muscler davantage, les maintenant dans le courant et les épargnant peut-être, espère le couple, de la menace du vers plat. AH × 26 allée Robinville, Lanton 06 37 20 94 12


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NON AUX TRIPLO. Sur le port de La Teste, un sympathique duo est à la tête des huîtres Molen. Marine, l’aînée, et Victor, le cadet, ont repris il y a cinq ans l’exploitation créée par leurs parents dans les années 70. Et ces deux-là sont passionnés ! Mieux, ils sont engagés. Leurs huîtres sont les seules du Bassin à bénéficier de la mention Nature et Progrès, un label plus exigeant encore que le AB. Tous deux, mais

surtout l’aînée, défendent les huîtres naturelles, nées et élevées ici. Ne leur parlez pas de triploïdes ! Vous risqueriez de leur donner des boutons. Marine est convaincue qu’on n’en a pas besoin chez nous. « La nature nous donne tout ce qu’il faut. Nous sommes un site majeur de reproduction en Europe. Pourquoi faire venir des huîtres produites en laboratoire quand on peut récupérer le naissain dans nos eaux ? » Si la triploïde grandit plus vite et ne produit pas de laitance en été, ce qui plaît beaucoup aux consommateurs, elle n’est pas sans danger, assure Marine. « Des scientifiques ont prouvé qu’une partie d’entre elles produit des gamètes et peuvent donc se reproduire. On ne connait pas les interactions possibles avec le milieu. On devrait appliquer le

principe de précaution et aussi informer le consommateur sur ce qu’il mange. » La jeune femme milite ainsi pour un étiquetage clair qui permettrait d’identifier les triploïdes. « Ceux qui le souhaitent ont le droit de faire le choix d’une alimentation qui n’impacte pas l’environnement ! » Pour répondre à la demande des clients qui n’aiment pas les grosses huîtres laiteuses, les Molen ont adopté la Boudeuse. Une petite huître dont on dit qu’elle boude car elle grandit peu. « Elle est ronde, jolie, et moi, elle m’a réconciliée avec les huîtres laiteuses », témoigne Marine, convaincue que l’avenir est à la bouderie ! AH × 362, avenue Ovide Rousset La Teste 06 45 28 69 90

Photos © Armelle Hervieu

Molen, des huîtres naturelles, un point c’est tout !

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© Armelle Hervieu

Benjamin Legeron, l’amour des choses bien faites FORCE TRANQUILLE. Benjamin Legeron, 31 ans, s’est installé tout récemment au port du Rocher à La Teste après de longs mois d’espoir et d’attente. Benjamin, c’est la force tranquille. Ses diplômes d’exploitant obtenus en 2019, il lui a fallu attendre près de deux ans avant de pouvoir se lancer. Le temps d’obtenir enfin ses parcs (fin 2020) et sa cabane (début 2021). Pendant ce temps, il a travaillé chez ses confrères. Benjamin, le Testerin, a d’abord

songé à reprendre l’entreprise de transport de son père. Mais il s’est rapidement rendu compte que passer son temps derrière un bureau n’était pas son truc. « J’ai besoin de bouger, d’être dehors. » Alors, virage à 180°, pour un retour à l’ostréiculture qu’il avait déjà goûtée à l’occasion d’emplois saisonniers. « J’aime tout dans ce métier. Mais, ce que je préfère, c’est qu’on est sans cesse actif et que l’on prend soin d’un produit naturel, que l’on voit évoluer. » Benjamin travaille seul. Pour faire face, il a investi dans la mécanisation de son outil de travail avec un laveur et un tapis. « C’est peut-être ce qui me différencie des anciennes générations. » De même que sa maîtrise de l’outil informatique, si on en croit sa comptable ! « Elle n’en revient pas quand elle voit comment sont classés mes documents sur

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mon ordinateur ! », s’amuse le garçon. Benjamin se démarque aussi par sa forte conscience environnementale. Il veut éviter la triploïde qu’il trouve trop fragile et peu fiable. Il lui préfère les huîtres naturelles et veille, à chaque instant, à préserver le Bassin de toute pollution plastique. « On utilise déjà beaucoup trop de matières plastiques avec les poches, les collecteurs… Alors je fais très attention à ramasser tous mes déchets et à ne rien laisser sur les parcs. » À l’avenir, le jeune homme aimerait développer la vente directe dans sa cabane. Il adore le contact avec la clientèle et partager sa passion pour son métier. Si c’est possible, Benjamin rêve d’ouvrir une dégustation… AH × Cabane 7 Port du Rocher, La Teste 06 50 53 18 39


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Mathilde et Dorian Dufau, l’ostréiculture dans le sang LE BONHEUR EN TRAVAILLANT. Port de la Barbotière à Gujan, les enfants Dufau s’apprêtent à reprendre l’exploitation de leur oncle et de leurs parents ainsi que leur cabane de dégustation à La Hume, le Grand Large. Pour Mathilde et Dorian, il n’a jamais été question de faire autrement ! « Du côté de mon papa, mon frère et moi sommes la 4e génération d’ostréiculteurs et, du côté de ma maman, nous sommes la 7e génération », s’amuse Mathilde. À l’âge où d’autres fréquentent les centres aérés, elle passait ses vacances sur les parcs et les marchés. « Je vais à la marée depuis que je suis enfant. » Du coup, pour Mathilde, la question de l’orientation professionnelle ne s’est jamais posée. Elle aime tout dans ce métier. Toute jeune, elle obtient son bac pro Cultures marines au lycée de la Mer à Gujan, comme son frère Dorian qui n’a que 18 ans. Mathilde, elle, a 22 ans mais cela fait déjà 4 ans qu’elle travaille dans l’entreprise de ses parents et de son oncle. Malgré son petit gabarit, elle n’est pas la dernière quand il s’agit d’aller à la marée, surtout en hiver ! « C’est même dans cette période qui est la plus dure, car la plus froide, que je suis le plus souvent sur l’eau. L’été, je travaille la plupart du temps à la dégustation, sur le port de La Hume. » Le contact avec les clients l’éclate tout autant que le travail sur les parcs où son jeune chien, un berger australien, l’accompagne invariablement.

Informer le consommateur

Chez les Dufau, on produit 50 à 60 tonnes d’huîtres par an, pour la plupart naturelles. « Les triploïdes, on en fait parce que les clients nous en demandent tout le temps. L’été surtout car ils ne veulent pas d’huîtres laiteuses », confie Mathilde qui ne se voit pas dire non à ses clients. « En revanche, on ne mélange jamais les deux. On est transparent. On sépare la triploïde des autres et on demande toujours aux consommateurs ce qu’il souhaitent. » L’été, c’est de la triploïde quasi tout le temps. « Pourtant, l’huître naturelle, c’est notre vraie marque de fabrique »,

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revendique la jeune femme. Selon leur père Sébastien, Mathilde et Dorian portent un regard différent sur le métier, « un regard insouciant, léger et souriant ». « Nous, on ne souhaitait pas forcément cette vie-là pour eux parce qu’on travaille énormément, 7 jours sur 7, 10 à 12 heures en hiver, 15 à 17 heures en été… » Mais on ne peut rien faire contre la passion. Le frère et la sœur se disent heureux comme ça et ça se lit sur leur visage et dans leurs yeux ! AH × 66, port de la Barbotière Digue ouest, Gujan-Mestras 06 98 03 20 29


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© Karoline Krampitz

© Armelle Hervieu

© Karoline Krampitz

© Armelle Hervieu


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Loïc Pasquet : « La clé, c’est de se diversifier »

Photos © Brigitte Canovas

MULTIPLIER LES DÉBOUCHÉS. Loïc Pasquet, 32 ans, assure depuis 2013 la gestion de l’exploitation ostréicole créée par son grandpère il y a cinquante ans à Arès, puis reprise par Jean-François, son papa. Dans la famille Pasquet, il y a aussi Alain, l’aîné, qui a ouvert en 2014 la cabane 44 d’Arès, lieu de dégustation de poissons et fruits de mer, et qui compte bientôt investir les cabanes 32 et 33. Loïc gère son exploitation qui s’étend sur 2 ha de parcs, du banc d’Arguin à

l’île aux Oiseaux, avec l’aide d’un employé et d’un apprenti. Après avoir vendu en gros à d’autres ostréiculteurs, il s’est tourné, suite au Covid, vers la vente directe. Aujourd’hui, il propose la vente à emporter, tient tous les dimanches et jours fériés « un stand qui fonctionne » sur le marché de Mondésir à Mérignac et fournit le Leclerc et les poissonneries d’Arès, les restaurants le Makila et B comme bistrot. Fin juillet 2021, soucieux de continuer à multiplier ses débouchés, Loïc a installé un distributeur automatique d’huîtres réfrigéré face à sa cabane, qui fonctionne 24 h/24. Dans les faits, Loïc est le seul Pasquet à mettre les pieds dans les parcs. Mais la famille n’est jamais très loin de lui. La cabane 44 est ainsi gérée à la fois par son frère Alain, mais

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aussi par sa femme, responsable de salle, son père, écailleur, et son beau-père en cuisine. Pour faire découvrir son métier, l’été, Loïc propose des excursions en bateau. Hyperactif et très investi, il préside par ailleurs depuis 2019 l’ASCOA (Association syndicale du complexe ostréicole arésien). Il est aussi conseiller municipal depuis mars 2020. En outre, le trentenaire intervient au lycée de la Mer, à Gujan-Mestras, pour motiver les apprentis en formation. Son conseil pour les jeunes justement tient en deux mots : « se diversifier », développer la vente directe, organiser des dégustations et des balades en bateau… BC × 42-45 rue du Port ostréicole Arès 06 73 29 48 59


© Patrice Bouscarrut

Le Tatch, jardin secret à Piraillan PAS DE CHICHI. Le Tatch est comme un coin secret sur le port de Piraillan. Quand Xavier Blanquine a repris le chai et la dégustation de Sébastien Azam, il y avait tout à développer. Parti avec 75 ares de parcs uniquement, le voilà aujourd’hui, en seulement quatre ans, avec 2 hectares de parcs d’huîtres naturelles, triploïdes et même spéciales. Charpentier couvreur de profession, Xavier a vite compris que c’était l’ostréiculture qui lui plaisait. « Pour moi,

c’était difficile d’aller chez les gens, je n’étais pas à l’aise. Aujourd’hui, on vient chez moi et j’adore ça. Ici, sur le port de Piraillan, on aime la tranquillité, ce n’est pas l’usine. On est comme on est. On ne caresse pas dans le sens du poil, et je crois que les gens viennent nous voir pour ça », résume Xavier. Bref, de l’authenticité, de la simplicité et de belles rencontres au programme. Avec sa compagne, Marie-Lou Baretta, Xavier Blanquine a trouvé sa vitesse de croisière, entre dégustation et travail de ses huîtres, sous le regard débonnaire d’Hercule, le chien de la famille. Bien sûr, l’ostréiculture, ce n’est pas un long fleuve tranquille. « L’investissement

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pour la dégustation nous a coûté 80 000 euros, il faut rembourser les crédits. Pour commencer, sans dégustation, c’est plus facile. En plus l’été, je suis forcément moins présent aux parcs et je prends du retard pour les fêtes de Noël », explique Xavier. Le Covid l’a aussi empêché de travailler douze mois par an. En plus, au début, Google Maps envoyait ailleurs les clients qui cherchaient le Tatch ! Une vraie galère pour corriger le tir. Mais, depuis, il enregistre une hausse de chiffre d’affaires de 20 % par an. Alors, forcément, Xavier voit l’avenir plus sereinement. PB × Port de Piraillan 142 route du Cap-Ferret 06 08 30 79 15


© Armelle Hervieu

© Anthony Vega

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La tribu Vega fait décoller les huîtres Papillon LES FRÈRES CASANOVA. Chez les Vega, on travaille en famille. Si Alexandre, 24 ans, fut le premier piqué au virus de l’ostréiculture. Son frère Anthony, 20 ans, a vite été contaminé lui aussi. Quant aux parents, Florence et Franck, ils ont été enrôlés dans la jolie cabane du port de Larros, qui jouxte la capitainerie. « On

aime travailler en famille », lancent les frères de concert. S’il a songé, un tout petit peu, à reprendre le cabinet d’assurances de son père, Alexandre s’est vite rendu compte que ce n’était pas pour lui. Il a alors enchaîné les petits boulots, tandis qu’Anthony, encore au lycée, s’imaginait pilote de chasse. Puis Alexandre a goûté à l’ostréiculture, chez Alain Lafon, au port du Rocher. Il a adoré. Son frère est venu le remplacer durant l’été 2018 quand il s’est blessé. Et les voilà tous les deux sous le charme, décidés à reprendre une exploitation. La revente du cabinet d’assurances paternel apporte la caution nécessaire aux

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frères pour investir. Très vite, ils font leur choix. Ils en pincent pour l’exploitation de Marc Durand et ses huîtres Papillon, marque déposée. « Ce sont des huîtres du banc d’Arguin, de grande qualité. On a bien accroché aussi avec Marc qui nous a mis le pied à l’étrier dans le cadre d’une passation. Et puis il y avait cette si jolie dégustation sur le port de Larros, qu’on aime tant », confie Anthony. Les débuts furent difficiles, en plein démarrage de l’épidémie de Covid. « On s’est dit que si l’on survivait à l’année 2020, ce serait bon, on n’aurait plus rien à craindre ! » Non contents d’avoir survécu à cette année terrible, les frères Vega ont même développé leur affaire. Aujourd’hui, ils sont à fond sur tous les plans. Côté production avec la création d’une nouvelle huître, la Casanova, venue du Portugal et engraissée au banc d’Arguin. Côté dégustation avec une notation hors pair sur Trip Advisor (dans les meilleurs mondiaux en 2021). Côté expédition et diffusion, les huîtres Papillon seront les premières disponibles sur Uber Eats. Enfin, côté événementiel, les frères Vega fournissent Bordeaux fête le fleuve, Bordeaux fête le vin, le Salon de l’agriculture de Paris… Ces deux-là ne chôment décidément pas ! AH × Rue du port de Larros Gujan-Mestras 06 30 46 58 77


Mode Déco ×

“Quand on ne peut pas changer le monde, il faut changer le décor.” Daniel Pennac

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Photos © DR

Quand les créatrices s’entraident

Les Locales collectif.leslocales@ gmail.com ou sur Facebook : Les Locales – Bassin d’Arcachon

ESPRIT D’ÉQUIPE. L’Arésienne Coline Doublet-Mano, créatrice de Ma petite entreprise, vend sur les marchés des produits ménagers écoresponsables qu’elle fabrique. Elle anime aussi des ateliers zéro-déchet dans les médiathèques. Fin 2020, l’interdiction d’organiser événements et marchés l’a amenée à concevoir une vitrine sur internet pour les créateurs locaux : « Mon Noël local ». Suite à cette expérience, elle a créé, en octobre 2021, les Locales, pour mettre en commun, avec d’autres créatrices du bassin d’Arcachon, idées et énergies. Ce collectif citoyen est ouvert à toutes les créatrices œuvrant dans le respect de l’environnement. À leur actif, les Locales comptent déjà l’organisation du marché de Noël 2021 à Arès, en lien avec la mairie. Et, parmi les échanges entre adhérentes, on peut citer la réutilisation de restes de tissus, la mutualisation d’outils, le partage des ateliers et, bien sûr, la transmission de bonnes pratiques. Au sein du collectif les Locales se trouvent réunies des créatrices de bijoux (Tik-tik, Elamaa), de tableaux en bois (Histoire de bois), d’objets de décoration (les Muettes rieuses), des céramistes (Clo Ruellan et Cécile de l’Atelier des Treys), une distillatrice d’huiles essentielles, une spécialiste de la gravure (Gravure sauvage)… Quant à Ma petite entreprise, Au fil d’écume, l’Atelier de Mimi, Malou et Mariposa couture, elles réalisent des créations textiles. Les Chineries d’Yvonne et Amar proposent tri et recyclage de vêtements. Prochaine étape, une mise en réseau avec les commerçants du Bassin pour vendre leurs créations en dépôt-vente et avoir des retours sur leurs produits. Disposer d’un lieu vitrine leur serait aussi très utile ! BC 078



© Mélanny Rodrigues

Des bougies au miel d’or 7 FLAMMES. Derrière chaque flamme qui vacille, il y a un cœur qui bat. C’est à la veille d’un anniversaire, recyclant les restes de cire consumées de sa maison de famille pour ne faire qu’une seule bougie, que Laure Kerisit, inspirée par les éléments, l’éther, l’eau, l’air, le feu, la terre, assemble son premier prototype de bougie en coordonnant les pigments à ceux de nos chakras. Après un an de réflexion pour développer la recette idéale, de ce cadeau de fortune émane finalement 7 flammes. Aujourd’hui, c’est dans son alcôve de bois, attelée à une salle de massage dans le centre de La Teste, que la créatrice de bougies ayurvédiques vient d’établir l’atelier dans lequel elle vous accueille sur rendez-vous. Dans une démarche éthique et responsable, travaillant de pair avec un apiculteur du Lot, elle met à l’honneur les vertus des produits de la ruche et laisse exprimer sa générosité à travers une gamme de six bougies coulées à la main, de miels infusés et de poudres d’épices. MR 7flammes.fr

Marius, le petit plus

© Armelle Hervieu

NOUVEAU. Pour trouver le luminaire qui vous manque, le tapis qui irait bien au pied de votre canapé ou la verrerie qui s’assortirait parfaitement à votre vaisselle, il y a désormais Marius Maison, nouvelle boutique de décoration installée au cœur d’Arcachon, boulevard de la Plage, depuis juillet dernier. Nathalie et Lionel s’y sont installés après plusieurs années passées sous le crachin breton, à Brest. Ici, ils sont venus chercher la lumière et proposer des produits de marques que l’on ne trouve pas ailleurs sur le Bassin : Flamant, Sabre, Inouï... AH 080



Les voiles de la haute couture

Virginie Lego, ancienne costumière des scènes parisiennes, a installé son atelier à Andernos. Elle travaille la voile de bateau dans la plus pure tradition de la haute couture.

Texte & Photos Patrice Bouscarrut (sauf mention)

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l suffit de pousser la porte de l’atelier de Marée haute couture à Andernos pour être dans un autre monde. Celui des créations en tout genre avec comme matière première inédite, la voile de bateau. Entre les luminaires, les sacs, les poufs, les coussins, les shorts, les coupe-vent, les corsets, les robes… on voit toujours la touche de la pro. Normal, Virginie Lego était costumière à Paris avant de s’installer sur le Bassin. Elle était spécialisée dans les créations de costumes de scène, pour le théâtre, le music-hall. Une vie trépidante quand elle côtoyait Michou et les autres rois des nuits parisiennes.

Baleines et patrons de 1880 Mais à la suite d’une séparation, elle a décidé de changer de cap. « Je suis partie en vacances à Andernos par hasard, avec mes deux enfants sous les bras. Et je n’en suis jamais repartie », sourit Virginie. Restait à trouver une activité originale pour vivre ici tout en exploitant ses talents en haute couture. Elle a choisi de travailler la voile de bateau. D’abord chez elle, puis dans son nouvel atelier dans la zone d’activité d’Andernos. Elle crée ainsi sa propre ligne et déploie toute la maîtrise qu’elle a acquise. Elle travaille dans la plus pure tradition. Elle utilise d’ailleurs 0 82


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© Virginie Lego

Bientôt une gamme de robes de mariée, toujours en voile de bateau

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encore de la toile à corset d’époque, avec des baleines, et reprend des patrons de 1880 pour ses créations. Bref, à l’ancienne, mais avec ce vent du large en plus. « Les robes et les corsets sont de taille variable, du 38 au 42, explique Virginie. Les jupes tiennent avec un crochet, les corsets avec des lacets. Je fais mes robes comme quand j’étais costumière, il fallait trouver des solutions pour faciliter les changements rapides de vêtements sur scène. Et c’est aussi très confortable, toujours doublé en coton, ça ne colle jamais à la peau et la voile des robes s’envole. » Magique. Ses créations ont un succès fou et Virginie veut se lancer dans une gamme de robes de mariée, bien sûr toujours en voile de bateau, qu’elle compte louer pour la journée ou une soirée de gala. Dans sa boutique, on retrouve l’ambiance des ateliers de couture, les discussions avec les clientes, sur fond de bruit de machine à coudre. On rêve, on imagine de nouvelles créations. Et souvent, Virginie reçoit des commandes spéciales, comme un corset en cuir de poisson, une robe en voile de spinnaker ou encore la mission de recouvrir un ascenseur extérieur pour le protéger des embruns… D’ailleurs, Virginie a un éventail de travaux impressionnant, entre la sellerie nautique, de voiture, les capotes des Méhari, les couvertures de canapé, les bâches brise-vue. « Quand on me propose un projet, je ne refuse jamais. Si je ne sais pas encore le faire, je dis au client de passer me voir », résume Virginie. Chaque commande est une aventure.

Le hic, trouver des voiles Seul hic dans son activité : trouver des voiles, car c’est de plus en plus rare. « Pour l’instant, je n’en ai plus, regrette Virginie, mais j’ai des arrangements avec le centre

nautique d’Andernos et le club des Pinassottes. Je répare leurs voiles et quand ce n’est pas possible, je les récupère. Il y a aussi les clients qui viennent avec leurs voiles pour que je leur crée quelque chose avec. On peut tout faire, des voiles légères aux boudins épais des kitesurf qui servent à les gonfler. » Virginie a de quoi faire et n’a aucune limite. Elle aime partager sa passion et a déjà donné des cours pour les enfants. « Il y a un engouement pour la couture chez les jeunes, remarque l’artiste, surtout chez les garçons. » D’ailleurs, son fils Roman vient tous les mercredis dans son atelier pour apprendre et veut créer sa propre ligne de vêtements. La relève est déjà assurée.

mareehautecouture.com

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“Quand on me propose un nouveau projet, je ne refuse jamais”


Texte Sabine Luong Photos Voir mentions

L’art singulier de Sylvie Bedin Sylvie Bedin est une artiste rare. Elle crée des œuvres délicates à base de papier, maniant parfaitement l’art du pliage. Son talent pour le design graphique est combiné à un goût prononcé pour les matières nobles, la décoration, la papeterie événementielle… Totalement autodidacte, elle a ouvert son studio de conception, Insieme créations, il y a dix ans. L’occasion de revenir sur son parcours. 086


© Isabelle Palé


“J’ai beaucoup dansé et le plisserdéployer du papier est l’équivalent du plier-développer du danseur” Votre métier n’est pas courant, comment le définissez-vous ? Je suis autodidacte. Mais pour poser des mots, je suis designer graphique et d’objet. Mon métier est un mélange d’expériences professionnelles, de curiosité et de créativité, entre artisanat d’art, design, dessin et sculpture. Il y a une part d’analyse et de recherches techniques pour des créations sur mesure, et une grande part d’intuition. Je transmets dans la matière. Je n’ai pas de formation académique, ce qui aurait pu être un handicap est une grande liberté. Je travaille seule (en musique) mais aussi en équipe. Les aspects communication, design et esthétique sont primordiaux. Quel a été le déclic pour vous lancer dans cette aventure entrepreneuriale ? Une prise de conscience, répondre à une demande qui était là en 2012 et le besoin d’exprimer ma créativité. La vie, mon travail, mes aspirations, tout ceci me mène ici et je ne cesse d’évoluer. Peut-être pour retrouver l’exploratrice que j’étais enfant et apporter le meilleur de moi-même, donner du sens et des émotions.

Vous faites un parallèle entre la danse et l’art du pliage. Expliquez-nous. Danseuse une grande partie de ma vie, j’ai été sensible à la chorégraphie du geste, précis et rigoureux, exigé par la technique des pliages manuels tels que l’origami. Le « plisser-déployer » est l’équivalent du « plier-développer » du danseur. J’ai retrouvé cet art jusque dans son langage. Pourquoi une telle passion pour le papier ? Le papier est un univers digne de la caverne d’Ali Baba ! J’aime ses textures, sa délicatesse, sa sensualité. J’ai commencé l’origami après un problème de santé qui m’a obligée à rester alitée un moment. J’ai fait des grues, puis un grand mobile pour la naissance d’une enfant. Je me suis rendu compte que cela apportait bonheur et sérénité aux gens. Et puis le papier est lié aux arbres, la nature dont je suis très proche. Il y en a tant… J’ai accès à des milliers de références qui viennent de partout, dont des papiers faits à la main. Vous avez obtenu le label Artisan d’art en 2017. Pourquoi était-ce si important pour vous ? Pour l’avoir il faut être immatriculé à la Chambre des métiers et de l’artisanat, exercer l’un des métiers répertoriés et déposer un dossier soumis à étude. Le métier de plisseur est rare et méconnu. Pour moi, c’était une étape importante, une reconnaissance d’un savoirfaire très technique acquis seule. Il légitime le niveau d’exigence de mon travail. Selon vous, quelles qualités sont essentielles pour réaliser de telles créations ? Être créatif, habile manuellement. Persévérant et rigoureux, perfectionniste et humble. Aimer les gens et ce que l’on fait, sinon ce serait une souffrance, car certaines 088

grandes pièces me déclenchent des tendinites à force de plier. Avoir envie de se dépasser en permanence car être indépendante et artisane, c’est très exigeant tant psychologiquement que physiquement. Cultiver sa sensibilité artistique, son sens esthétique, être organisée, savoir s’adapter… Que signifie le nom de votre entreprise « Insieme créations » ? Insieme veut dire « ensemble » en italien, ma langue paternelle, mes origines. Ce nom a du sens pour moi, il représente des valeurs auxquelles je suis très attachée. Qui fait appel à vos services et quelles sont vos prestations ? Des particuliers comme des entreprises, dont des agences événementielles ou des décorateurs. J’apporte des solutions créatives et sur mesure tout en accompagnant le développement des projets (mariage, naissance, décès), ce qui est une part très importante de l’activité. Mes prestations se développent autour de la création de lignes de papeterie événementielle haut de gamme, de pièces de décoration sur mesure (vitrines ou espaces professionnels, pièces uniques ou petites séries), de création d’identité visuelle, de packaging, branding, et aussi de productions personnelles artistiques. Avez-vous déjà eu des contrats en dehors du département ? Oui. J’ai à la fois des clients proches mais aussi au Luxembourg, en Angleterre, Belgique, Grèce, Italie, aux USA… Pour terminer, où peut-on vous trouver ? Insieme créations est sur Instagram, Facebook, LinkedIn, Pinterest. On a accès à mon portfolio sur sylviebedin.myportfolio.com, et je suis joignable au 06 88 95 56 92.


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© Claraly Studio

© Insieme Créations

© Ludivine B

© Lyrem Photography


Sarah Collado, coloriste nomade Incandescente et solaire, petite déjà, Sarah Collado n’avait que faire des normes. Des années plus tard, menée par les astres et les bonnes ondes de sa maman, fidèle à son tempérament de feu, la jeune coiffeuse s’affranchit des codes en transformant un poids lourd Mercedes en salon de coiffure nomade, haut de gamme et écoresponsable.

Texte & Photos Mélanny Rodrigues

“J’étais une enfant hyperactive, toujours apaisée dans les salons”

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’histoire commence en Andalousie où, virevoltant audessus du bar de ses parents, s’esquissaient déjà les premiers traits de sa personnalité. Sarah sera libre et indépendante ou il n’en sera rien. À ses treize ans, aux antipodes de ce qu’elle a connu jusque-là, la petite flamenca quitte les rues sonores de l’Espagne, pour regagner la quiétude de son Bassin natal. Déboussolée par un climat différent et une langue qu’elle ne connaît plus, le manque de repères la presse à rejoindre la vie active, pour laquelle des voyantes lui prédisent la coiffure.

elle part affûter sa technique dans l’un des meilleurs salons d’Espagne avant de prolonger l’exercice dans de belles adresses arcachonnaises. Au terme d’un voyage en Indonésie, Sarah décide de ne plus travailler en salon, refusant le travail expéditif de certains d’entre eux au détriment de l’humain. C’est alors que le hasard et les coïncidences s’emparent de son destin : une petite annonce, un camion de six tonnes aussi âgé qu’elle et de longs moments d’hésitation plus tard, les ondes bienveillantes de sa maman finissent de la conforter dans ce qui sera désormais sa nouvelle réalité.

Meilleure apprentie de France

Permis poids lourd

Sans aller à l’encontre d’une voie qui semble tracée, Sarah ressort de son école médaillée d’or régionale, avec le titre de Meilleure Apprentie de France. En quête d’excellence et de nouvelles expériences, la jeune prodige travaille dans des salons de prestige, finissant toujours par se lasser de la répétition du quotidien. Instinctive et déterminée, voulant renouer avec la terre de ses racines,

Les clés en main, avec la peur de l’échec et l’envie que tout soit parfait, la jeune coiffeuse passe finalement son permis poids lourd. Elle se fond dans le milieu routier, à l’opposé du sien, laissant grandir au fil de ses rencontres un regain d’énergie. Après avoir coupé, poncé, peint et aménagé son camion jusqu’aux moindres finitions, et une fois les montagnes à franchir devenues de plates vallées,


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“J’avais envie d’un endroit où les gens se sentent bien, comme s’ils allaient visiter une tante, une sœur, une amie.”

les Jolies Gueules voient le jour après un an de travail acharné. Son salon nomade, hébergé dans un Mercedes 711, est un cocon, dont la minutie des détails fait oublier l’imposante ossature de 7 mètres de long. Imbriquées les unes dans les autres, les influences de Sarah s’accordent pour créer son propre univers. Moderne et novateur, le concept des Jolies Gueules s’inscrit pourtant dans un concept d’une autre époque. À la fois boudoir, disco et seventies, son camion est à son image : un condensé d’icônes, de madones, où moulures et lampes baroques se superposent aux cierges, à la dentelle et aux fleurs.

Des couleurs naturelles

Lesjoliesgueules 06 86 86 13 90

Dans son salon, loin des formats habituels, Sarah s’occupe de ses invités dans un rapport privilégié, au cas par cas, révélant à travers leurs cheveux la personnalité de chacun. D’une simple coupe à 092

d’extravagantes couleurs, toutes les envies sont rendues possibles. Prônant un retour à la simplicité, à son bord, en plus de son expertise, on profite d’un moment à soi, pour se détendre, lire, en dégustant un thé. Au-delà de son savoir-faire, la coloriste mise sur la beauté durable, travaillant uniquement des produits naturels, inspirés de l’herboristerie, dans un camion pensé pour être le plus écologique possible. Hybride, équipé de panneaux solaires et de cuves de récupération, son salon itinérant se déplace sur des terrains privés prolongeant ainsi l’expérience d’un moment hors du temps, dans le respect de la nature et du vivant. Fidèle à ses convictions, la jeune coiffeuse prouve que la patience, alliée à la passion, permet d’arriver à ses fins et de réaliser ses rêves avec poésie et conviction. Le plus simple pour s’en apercevoir est de tester les Jolies Gueules.


Green ×

“Si nous prenons la nature pour guide, nous ne nous égarerons jamais.” Cicéron

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Jardiner sur les murs

© Mélanny Rodrigues

INSOLITE. En pleine zone industrielle de La Teste, loin du tumulte qu’on lui prête, il est un écrin de verdure où les animaux gambadent librement et où la main d’un passionné fait pousser les plantes tout en verticalité. Enfant des îles, fruit de l’amour d’une herboriste et d’un agriculteur, Thomas Bache, ayant grandi entre les oiseaux de paradis et les roses, a quitté sa Réunion natale pour gagner les côtes de notre joli Bassin et verdir avec goût les murs de ses habitants. Doué d’un talent inné, le jeune artisan, amoureux de nature, végétalise sur mesure des tableaux de toutes tailles qu’il réalise en assemblant des boutures, des poches à huître, une mousse ultra absorbante et le cuir qu’il emprunte dans l’atelier de sellerie de son compagnon. Œuvres d’art ou jardin d’intérieur, esthétiques et résistantes, les plantes qu’il utilise dont certaines, comme la misère, pour leurs vertus dépolluantes, assainissent l’air ambiant en plus de réjouir l’œil. L’entretien de ses créations, loin d’être une corvée, donne à penser qu’il n’a jamais été si simple de se mettre à jardiner. MR

@vert_ical 56 rue Eugène Chevreul La Teste-de-Buch



Caréner sans polluer Laurent Révolat, PDG d’Atlantic Navy Marine à La Teste, a été le premier entrepreneur du Bassin à s’équiper d’une aire de carénage propre. Une initiative qui lui a valu la reconnaissance du label Vague bleue. Entretien avec cet homme de caractère, chaleureux et inspirant.

Quelle était l’importance de vous équiper d’une aire de carénage ? Nous sommes partis de deux constats, le premier, ma priorité, le confort de mes collaborateurs, et le second, environnemental. Avant cette installation, les eaux sales s’infiltraient directement dans le sol sans traitement des produits chimiques. Depuis, j’ai la garantie que les eaux ressortent claires et que les hydrocarbures sont traités. La cuve qui absorbe les graisses est nettoyée tous les ans et une alarme nous avertit chaque fois qu’il faut nettoyer les filtres.

anm-arcachon.fr 200 rue Eugène Freyssinet La Teste-de-Buch

© Melanny Rodrigues

Qu’est-ce que le carénage ? Grâce à un jet d’eau sous pression, cela consiste à nettoyer la partie immergée d’un bateau. On applique une peinture désherbante (antifouling) qui ralentit la prolifération des algues, assure une meilleure glisse et réduit la consommation de carburant.

Laurent Révolat dans son chantier

Vous êtes cinq entreprises de la filière nautique du Bassin à avoir été labélisées. Qu’est-ce que ça représente ? C’est gratifiant, ça prouve aux élus notre investissement. Nous sommes actifs dans la préservation de notre environnement. On n’est pas uniquement là pour demander. La réglementation veut maintenant que toutes les entreprises en soient équipées, nous sommes donc d’autant plus fiers de pouvoir accompagner nos confrères dans cette démarche qui nous a permis de défendre notre entrée dans la marque B’A. 096

Le port d’Andernos s’est équipé d’une aire de carénage, quelques mots à ce sujet ? C’est certainement la plus aboutie après la nôtre et ça devrait être obligatoire partout où il y a une cale de mise à l’eau pour les plaisanciers et les professionnels. Que souhaitez-vous pour la saison à venir sur le Bassin ? Que chacun puisse continuer à y pratiquer ses loisirs nautiques, qu’on le préserve. Ce n’est pas en interdisant qu’on protège. C’est en éduquant, en véhiculant des valeurs pratiques, humaines, des valeurs du Bassin. MR



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La yourte du yoga Amélie Delplanque, professeur de yoga, a installé une yourte dans son jardin à Lège pour dispenser ses cours. Elle en fait aussi profiter ses consœurs du Nord Bassin. Texte & Photos Patrice Bouscarrut

L

e yoga sur la Presqu’île, ça cartonne. Mais davantage les cours particuliers à domicile que les cours collectifs à des tarifs abordables ! La raison ? Difficile pour les professeurs de yoga de trouver des salles pour accueillir leurs élèves. Une enseignante installée à Lège bourg a trouvé la solution. Amélie Delplanque vient d’installer une yourte dans son jardin. Avec tout le confort : toilettes sèches, vestiaires… et cette petite touche exotique propice à la méditation. Amélie Delplanque avec sa maison de la Lune a créé un spot incontournable du yoga au Nord 099

Bassin et a ouvert sa yourte à ses consœurs, elles aussi à la recherche d’un endroit pour exercer : Élise Michaud, Margot Fave, Émilie Bareyt, Pauline Lescaut. Ensemble, elles proposent un large éventail de pratiques du yoga : hatha vinyasa, yin, kundalini, pour les enfants, pré et postnatal, méditation, bains sonores… la liste est longue. « Si je l’ai appelée la maison de la Lune, c’est parce que la yourte est ronde mais aussi parce que nous avons envie de parler de la féminité, d’instaurer des cercles de femmes, de parler des cycles naturels de la féminité », explique la maîtresse des lieux.


“À l’intérieur, c’est une ambiance cocooning. C’est rond, avec l’odeur du bois et les sons venus de la nature”

lamaisondelalune.fr 24 avenue de la Mairie 33950 Lège-Cap-Ferret

Un cours spécial hommes Mais les hommes ne sont pas exclus, bien au contraire. D’ailleurs, Amélie vient de lancer un cours spécial pour eux. « Je me suis aperçue que les hommes sont souvent intimidés dans les cours mixtes, et ils ne sont pas très souples, avec des problèmes de dos dès 35 à 40 ans », poursuit Amélie. Ce n’est pas son mari Nicolas, prof de gym, fan de pelote, rugby, judo… qui dira le contraire ! Il a forcément servi de cobaye et peut déjà donner son impression : « J’ai beaucoup gagné en souplesse en six mois. J’ai supprimé les tensions du corps. Après une séance, je me sens léger, comme sur du coton ! » La maison de la Lune accueille tous les publics, avec des cours de cinq pratiquants maximum, idéal pour bien travailler. L’idée de la yourte apporte aussi un avantage certain. « À l’intérieur, c’est une ambiance cocooning, c’est rond, il y a l’odeur du bois, un contact avec les bruits extérieurs, tout est propice au lâcher-prise », argumente Amélie. « Cela n’a rien à voir avec les salles de 100

sport classiques, quand on pratique avec des paniers de basket… » C’est Nicolas (encore !) qui a monté la yourte arrivée en kit. Il s’en souvient parfaitement car il partait de zéro. Entre l’ajustement du quadrillage en bois, l’isolation des murs, l’installation du sol, de la bâche sur le toit… rien n’était simple. Mais ça y est ! La yourte trône majestueusement dans leur jardin, au bord de la piscine et devant leur villa bardée de bois.


Cinq professeurs de yoga pour une yourte !

La yourte respire la sérénité Dès que l’on rentre à l’intérieur, c’est un voyage dans une autre dimension. La yourte respire la sérénité, l’envie de se poser. Le temps s’arrête. Une belle réussite qu’Amélie compte bien faire partager au-delà des cours de yoga. Elle songe à mettre en place des « retraites » d’au moins une nuit, mais aussi proposer des séjours insolites. Un nouvel hébergement inédit qui devrait trouver ses adeptes. Pari réussi pour Amélie, ancienne

hôtesse de l’air, qui avait soif d’évasion. « J’avais envie de trouver ma voie, explique-t-elle. Il y a deux ans, j’ai décidé de partir en voyage en Inde, dans un ashram, faire une cure ayurvédique. » Là-bas, c’est le choc : « On m’avait dit que l’Inde était difficile sur le plan émotionnel, mais j’ai rencontré des gens qui ont toujours le sourire. J’étais entourée de bienveillance. » Après six ans de pratique du yoga, à son retour, elle décide de devenir 101

professeur et de partager ce bien-être communicatif. Elle choisit aussi de garder son ancrage sur le Bassin. En effet, Amélie dirige depuis sept ans la Cabane à gliss’ de Claouey spécialisée dans les balades en canoë-kayak et en stand-up paddle. « Je n’y connaissais rien au début, se souvient-elle. Je ne savais même pas ce qu’étaient les marées ou comment aller à l’île aux Oiseaux ! Aujourd’hui, je ne pourrais plus m’en passer. » Mais ça c’est encore une autre histoire…


Texte & Photos Armelle Hervieu (sauf mentions)

Construire 800 logements avec de la terre crue et du bois, c’est ce que Biganos et Aquitanis s’apprêtent à faire dans le centre de la cité boïenne avec un triple objectif : densifier l’habitat, préserver des espaces verts et utiliser des matériaux biosourcés. Rencontre avec Adrien Legros, directeur de l’aménagement urbain chez Aquitanis.

© Dumont Legrand Architectes

Nouvelle R, bâtir avec la terre

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Qu’est-ce que la zone d’aménagement concertée (ZAC) Nouvelle R ? C’est un projet de densification urbaine qui s’étend sur 14,5 hectares dans le centre de Biganos et qui comprend 800 logements, de nombreux commerces ainsi que 2,5 hectares de parcs et d’espaces verts. Ce projet nous l’avons coconstruit avec la mairie de Biganos et les habitants de la ville depuis 2014, date à laquelle nous avons été choisis comme aménageurs. Avec le maire, Bruno Lafon, on a eu à cœur, dès le début, d’ancrer notre projet dans son territoire, de le singulariser et donc d’apprendre à connaitre l’histoire de Biganos tout en concertant ses habitants. Que vous a appris cette concertation ? Les habitants nous ont tous dit qu’ils souhaitaient trouver ou retrouver un vrai centre-ville. Ils nous ont dit aussi qu’ils voulaient recréer une vraie identité boïenne au travers de ce centre-ville. Et qu’ils désiraient pouvoir circuler à pied et en vélo dans ce cœur de ville. Enfin, tous ont exigé de garder des espaces boisés. Les Boïens refusaient un centre qui ne soit que minéral. Ils nous ont demandé de la végétation et de la fraîcheur. Et l’idée de construire en terre, d’où vient-elle ? On s’est tout simplement inspirés de l’histoire industrielle de la ville, qui s’est construite autour du bois et de la terre. Il y avait des briqueteries avant ici et des forêts, bien entendu. La terre et le bois étant disponibles sur place, on s’est dit qu’il fallait les utiliser pour bâtir les futurs logements de la cité. Après des décennies de construction en béton, cela peut étonner mais, regardez les

Adrien Legros d’Aquitanis

maisons landaises ! Elles sont faites de bois et de torchis [terre argileuse malaxée avec de la paille hachée]. Et, de par le monde, 50 % des habitations sont encore construites en terre ! Aujourd’hui, le choix de ces matériaux est un élément de fierté pour les Boïens et chacun peut voir que ça fonctionne grâce à Bigre, notre bâtiment démonstrateur. Via cette maison, on montre ce que l’on peut faire : ossature bois, sols et murs en terre crue, même le placo est en terre. 103

“Les Boïens nous ont demandé un vrai centre-ville avec de la végétation et de la fraîcheur”


© Serge Joly et P-E Loiret Architectes

“La terre crue a un excellent bilan carbone. Elle garde chaleur en hiver et fraîcheur en été” Quels avantages la terre crue présente-t-elle ? Déjà, la terre crue est disponible tout près d’ici. Vous avez de la terre crue extraite au Barp par les établissements Dubourg. On s’en sert pour la construction intérieure. Et, pour la partie extérieure, la terre vient du Tarn. On voit d’ailleurs qu’elle n’a pas la même couleur. Ensuite, la construction en terre crue présente un excellent bilan carbone, contrairement évidemment au béton, mais aussi à la terre cuite qui nécessite, comme son nom l’indique, une très forte combustion. Ensuite, la terre présente l’avantage d’une grande inertie. Elle garde ainsi la fraîcheur en été et la chaleur en hiver. Comment vont se répartir les 800 habitats de la ZAC Nouvelle R ? La ZAC comprend six programmes différents qui viennent s’insérer dans les trous ou dents creuses 104

de la ville. Les futurs logements s’élèveront notamment à la place d’anciens hangars désaffectés que nous allons démolir. Nous avons rigoureusement choisi les promoteurs de ces six programmes en leur imposant l’usage de matériaux biosourcés. On a demandé à chacun d’aller le plus loin possible. La moitié des logements construits seront de petits immeubles d’habitat collectif allant de 1 à 4 étages. Le reste sera composé d’une trentaine de maisons individuelles toutes en ossature bois. C’est un programme de mixité sociale avec de l’accession libre, de l’accession sociale et du logement social. Quand les premiers logements vont-ils sortir de terre (justement !) ? C’est le programme de Quartus qui va débuter en premier. Les Jardins d’embruns, qui compteront 83 logements collectifs en accession libre, seront construits en briques de terre crue extrudée réalisées à la briqueterie du Barp. La livraison doit avoir lieu au printemps 2023. Sachez que les Jardins d’embruns ont reçu le prix de l’innovation industrielle aux Pyramides d’or de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers. Ensuite, le programme Terra boïenne, qui comprend 10 maisons individuelles, 14 logements en résidence sociale et 69 logements familiaux collectifs, devrait être achevé en 2024… Terra boïenne est lui lauréat du trophée Fabriqu’Cœur d’habitat du département de la Gironde. Les autres programmes s’enchaîneront ensuite. L’idée est d’avoir entièrement fini la ZAC en 2025.

biganos-nouvelle-r.fr


© Atelier Provisoire

La ZAC doit être entièrement finie d’ici 2025.

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MOBI LI TÉ

LES AUTOS FURTIVES DU MOMENT

Texte Philippe Guillaume

On ne les entend pas passer, et pour cause : aux oubliettes, le moteur thermique, place à la mobilité électrique, synonyme de silence, de douceur, et d’absence de pollution locale. Vivre le Bassin a essayé quatre des dernières nouveautés marquantes…

QUELQUES CHIFFRES CLÉS Moteur : électrique, 204 ch Batteries : 82 kWh Autonomie théorique : 513 km Autonomie réelle constatée : 400 km Tarif : à partir de 44 800 €

Audi Q4 e-tron Sportback 40 ENTRE STYLE ET EFFICIENCE. Au sein de la nébuleuse Volkswagen, Audi a été l’un des premiers à dégainer sa technologie électrique avec sa famille e-tron, d’abord sous la forme d’un gros SUV puis d’une limousine sportive. La gamme se décline vers le bas avec cette Q4 e-tron, disponible en deux carrosseries, façon SUV standard ou Sportback. Sous des dessous aguicheurs, Audi puise dans la banque d’organes du groupe 106

Photos Constructeurs

Volkswagen. On la trouve ainsi en 2 ou 4 roues motrices, avec des puissances allant de 180 à 300 chevaux, alimentées par des batteries allant de 50 à 80 kWh. Notre version d’essai, « 40 », est dans le cœur du marché, avec 204 ch et 82 kWh. Audi est parvenu à conserver son identité visuelle et le niveau de présentation et de finition qui fait le sel de la marque, et lors de l’essai, l’autonomie très correcte a été une belle surprise. Le verdict La carrosserie SUV Coupé est l’apanage, pour l’instant, d’Audi, avant l’arrivée de la VW ID.5 et de la Skoda Enyaq Coupé iV.


QUELQUES CHIFFRES CLÉS Moteur : électrique, 136 ch Batteries : 50 kWh Autonomie théorique : 350 km Autonomie réelle constatée : 250 km Tarif : à partir de 35 000 €

Citroën ë-C4 LE CHOIX DU ROI. Qu’est-ce qu’une vraie Citroën ? À l’heure d’une mondialisation croissante de l’offre automobile, la firme aux deux chevrons a su rester fidèle à ses fondamentaux. La nouvelle génération de C4 offre donc un design assez peu conformiste et surtout, elle propose, sous le capot, une trilogie de motorisations essence, Diesel et 100 % électrique. Cette dernière n’entre pas dans

la surenchère technologique et se contente d’un moteur de 136 ch (en mode sport, en mode normal, la plupart du temps, on roule avec 100 chevaux) offrant une vitesse de pointe limitée à 150 km/h, et de 50 kWh de batteries, histoire de ne pas trop en rajouter sur la balance et de rester abordable côté tarif. À son volant, tout n’est que douceur et volupté, notamment grâce aux excellents sièges et aux suspensions à butées hydrauliques progressives, qui garantissent un confort digne de la réputation de la marque.

Le verdict Très agréable dans le cadre d’un usage quotidien, cette ë-C4 offre un confort impérial et rarement vu sur le marché. QUELQUES CHIFFRES CLÉS Moteur : électrique, 204 ch Batteries : 82 kWh Autonomie théorique : 534 km Autonomie réelle constatée : 350 km Tarif : à partir de 37 930 €

Skoda Enyaq iV 80 ESPACE BIEN-ÊTRE. Si l’on met à part la petite citadine Citigo-e, le Enyaq iV est la première vraie auto électrique de Skoda, qui a donc choisi le format SUV et une belle présence sur la route (4,64 m de long, 1,87 m de large) pour rouler en silence ! À l’intérieur, Skoda a fait aussi beaucoup d’efforts pour se

démarquer du Volkswagen ID.4, son cousin technologique, avec, notamment sur notre modèle d’essai, un intérieur en cuir marron, des éclairages d’intérieur subtilement calibrés et une sensation d’espace (avec un coffre de 585 litres au minimum) qui renvoient aux valeurs fortes de la marque, dont on n’oubliera pas qu’elle a d’abord fait des voitures de grand luxe au début du siècle dernier. Autre atout de cet Enyaq iV : les attentions Simply Clever du constructeur tchèque, qui loge un parapluie dans la porte avant, ou un grattoir dans le coffre… 1 07

Le verdict Sur une base technique identique, les constructeurs parviennent à conserver leur identité et c’est le cas de Skoda…


MOBI LI TÉ

QUELQUES CHIFFRES CLÉS Moteur : électrique, 44 ch Batteries : 27,4 kWh Autonomie théorique : 220 km Autonomie réelle constatée : environ 165 km Tarif : à partir de 17 390 €

Dacia Spring SIMPLE ET INTELLIGENTE. On ne devient pas la marque automobile la plus vendue aux particuliers en Europe sans faire preuve de bon sens ! Filiale du groupe Renault, Dacia continue son offensive et s’attaque aux autos électriques, avec un pragmatisme de bon aloi. Ici, pas question de vous sortir un tank de 2,7 tonnes avec 900 kilos de batterie, des accélérations de Formule 1 et un prix équivalent au PIB du Botswana. Non, avec un tarif d’accès à peine supérieur à 12 000 €, aides gouvernementales déduites, la Spring électrique, c’est la démocratisation ! Certes, pour parvenir à cette prouesse, il a fallu ruser : aux origines de la Dacia Spring se trouve en effet la Renault Kwid, une petite citadine vendue en Inde et en Afrique du Sud, notamment, disposant d’un moteur thermique. D’un tour de passe-passe, la voici électrifiée 108

et vendue comme Renault K-ZE en Chine, avant d’arriver chez nous sous un autre blason. Évidemment, l’intérieur est assez basique (mais on a la clim, la radio, voire le GPS) et avec 44 chevaux, le moteur électrique se contente d’offrir des accélérations correctes jusque 70 km/h, parfaites en ville, une vitesse de pointe limitée à 125 km/h, et les aptitudes routières sont forcément assez brouillonnes. Côté batteries, un pack chinois de 27,4 kWh est censé garantir 220 kilomètres d’autonomie ; comptez plutôt 160 en usage mixte et en hiver. Il n’empêche : avec 3,73 m de long, un excellent rayon de braquage et une autonomie suffisante pour un usage urbain, si c’était elle la citadine la plus maligne du moment ? Le verdict Certes, elle est moins branchée qu’une Honda e ou qu’une Fiat 500. Mais son tarif en fait la citadine électrique accessible à tous. On applaudit !


Sport ×

“Le sport consiste à déléguer au corps quelques-unes des vertus les plus fortes de l’âme.” Jean Giraudoux

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Les sportifs lantonnais brillent à Paris ! En janvier dernier, le Dojo lantonnais s’est distingué lors de l’Open de Paris. Avec l’or pour les dames et le bronze pour les messieurs, les athlètes ont montré que le haut niveau est dans l’ADN du club. Rencontre avec Christophe Bouchet, l’entraîneur.

Votre club n’attire que les professionnels ? Non, la plupart du temps, nous avons des étudiants, ils commencent assez tôt. Cela étant dit, j’ai une politique de haut niveau et l’expertise que l’on veut bien m’accorder. Des athlètes qui ont déjà un potentiel viennent pour passer ce petit cap qu’ils n’arrivent pas à franchir dans leur club. Ce qui est le cas de la capitaine de l’équipe, Chiara Morin, ou de Lorina Armaghanian. Il y a aussi des personnes comme Olivia Pilandon (trois fois championne de France) qui ont commencé avec moi.

Dojo lantonnais 06 03 12 70 01

©DR

Meilleur club de la région Nouvelle-Aquitaine, le club de karaté lantonnais a 33 ans d’existence. Avec près de 90 licenciés, il compte un important vivier de compétiteurs au niveau national et international. Certains athlètes viennent de loin pour profiter de l’émulation du club.

Christophe Bouchet aux côtés de ses athlètes

Qu’est-ce qui a permis à vos trois médaillées d’or (citées cidessus) d’atteindre un tel niveau ? La régularité dans les entraînements qui sont quasi quotidiens. Elles n’ont pas de vacances. C’est beaucoup de travail. Tous les résultats que l’on a sont uniquement dus à leur travail et à leur sérieux. Elles s’entraînent tous les jours et sont assez folles pour me suivre dans mes délires et dans mes défis ! Par bonheur, on arrive toujours à nos fins. Il y a un vrai esprit d’équipe et une confiance mutuelle. Dans de telles conditions, on arrive à déplacer des montagnes. 110

D’ailleurs, lorsque l’on est parti à l’Open de Paris, on était loin d’imaginer que l’on gagnerait. On a tenté notre chance et voilà, elle nous a souri ! Quels sont les prochains défis du club ? Nous sommes actuellement dans un parcours de sélections. Nous avons fait les départements, les inter-départements et nous attaquons les ligues régionales (Nouvelle-Aquitaine). Sur cette dernière compétition, nous aurons une sélection pour participer aux championnats de France. Ineh



RFBA, la jolie ovalie

Il paraît que la femme est l’avenir du rugby ! Les Françaises sont de plus en plus nombreuses en ovalie : + 500 % de licenciées en quinze ans. Un chiffre à mettre en balance toutefois. Les filles ne représentent que 5 % du total des licenciés. Celles du RFBA, section féminine des clubs de rugby du bassin d’Arcachon, sont fières de faire partie des pionnières. 112

Texte & Photos Armelle Hervieu


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ercredi 12 janvier 2022. La nuit tombe sur le stade de rugby de Chante-Cigale. Il fait - 2 °C ou peut-être moins. Allongées sur l’herbe glacée, une dizaine de jeunes filles en short font des pompes sous le regard bienveillant (mais intraitable) de leur entraineur. De la fumée sort de leur bouche. À mesure qu’elles enchaînent les séries d’abdos et les squats, leurs visages tantôt souriants se crispent. On y voit de la douleur mais surtout beaucoup de détermination. Entre deux exercices, Fabien, l’un de leurs coachs, tendre armoire à glace de près de 2 mètres pour 100 kilos, confie : « J’ai toujours voulu entrainer des filles. Les filles sont beaucoup plus assidues à l’entraînement et elles comprennent

bien plus vite que les garçons ! » Simon Prosper, le manager qui chapeaute l’équipe cadette du RFBA depuis 2018, n’en pense pas moins : « Si les garçons recherchent avant tout la compétition, les filles, elles, viennent davantage pour l’esprit d’équipe. » On est loin des discours machistes de la fin des années 60, comme celui tenu par le colonel Crespin, alors directeur national de l’éducation physique et des sports, en 1969 : « Le rugby est contre-indiqué pour les joueurs filles et les femmes pour des raisons physiologiques évidentes. Cette pratique présente des dangers sur le plan physique et sur le plan moral… »

Pas peur du contact Ces discours rétrogrades, les jeunes filles du RFBA n’en ont que faire. Si elles se donnent tant de mal en ce soir glacé de janvier pour s’entraîner, c’est pour tenter de remporter leur match du week113

“Maria est amoureuse de ce sport et mariée à ce club !”


“Les filles sont plus assidues à l’entraînement et elles comprennent bien plus vite”

Fabien, l’un des cinq coachs du RFBA

end contre Langon. Mais aussi et surtout pour s’éclater. Thaïs, 17 ans, sera sur le banc de touche lors de la rencontre mais elle est tout de même venue assister à la préparation : « Cela ne fait qu’un an que je joue mais j’adore ça. Je suis pilier, n° 3. Ce qui me plaît, c’est le contact. J’aime quand ça rentre dedans ! Dans la vie, pourtant, je suis plutôt du genre timide mais, sur le terrain, je me fiche de me faire mal ! » Maëlys explique, au moment de prendre une gorgée d’eau, que le rugby la fait « décompresser ». Héloïse vante « l’esprit d’équipe » qui règne entre elles. Toutes sont lycéennes, scolarisées en seconde, première ou terminale des lycées Grand Air ou de la Mer. Elles se fichent un peu du regard des autres. Même si Thaïs explique que, quand elle parle à ses copains de sa passion pour le rugby, « ça les déstabilise un peu ». « Les clichés sont encore là », note une autre joueuse qui 114

s’empresse d’ajouter : « Mais nous on se plaît à casser les clichés !» Les ongles longs sur le terrain, il n’en est pas question. En revanche, se maquiller n’est pas interdit et les filles ne s’en privent pas. Et, au naturel, elles sont toutes plus jolies les unes que les autres. Loin, très loin des images de butors qu’on voudrait leur coller à la peau. Mais le plus important, c’est leur talent. Elles n’en manquent pas selon leurs entraineurs, qui se désespèrent tout de même parfois de voir partir les meilleures. « Quatre de nos filles sont déjà parties pour entrer en sport études. Elles sont allées jouer au stade bordelais. C’est normal pour elles de viser le niveau national. » Après, il faut réussir à reconstituer un collectif et ce n’est pas évident. « Le plus dur reste tout de même de trouver des recrues. Il faut être deux fois plus motivée quand on est une fille pour venir jouer au rugby. Il faut parfois affronter la réprobation de ses proches notamment… » souffle Simon. En revanche, une fois qu’elles y ont goûté, rares sont les joueuses qui font marche arrière. Estelle, qui a débuté il y a six mois


seulement, assure que, même si elle est blessée, elle va continuer. « Il y a une telle cohésion dans l’équipe ! C’est comme une deuxième famille. » Pour Maria, qui a commencé il y a quatre ans, la question ne se pose même pas. Ses parents, qui l’observent sur le bord du terrain lors de la rencontre contre Langon, constatent : « Elle est amoureuse de ce sport et mariée à son club. Impossible de l’arrêter ! Même pendant le confinement, elle continuait de s’entraîner avec son sac de plaquage dans le jardin ! » Tandis que Maria vient de marquer un essai, son frère plaisante : « Il faut qu’elle transforme ! On a parié une coque de téléphone. » Ce 15 janvier 2022, à Biganos, les filles du RFBA n’ont pas remporté leur match face à Langon. En revanche, elles se sont imposées sur le terrain de la combativité, nous prouvant à chaque action qu’il n’est nul besoin d’être un garçon pour savoir se battre !

Rencontre entre le RFBA et Langon à Biganos

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Le plein d’iode et de sensations avec le longe-côte Ce sport insolite attire toujours plus d’adeptes sur le Bassin. Le longe-côte est une marche aquatique qui cumule les avantages en termes de renforcement musculaire et de cardio. Tout en profitant d’un paysage magique.

Texte & Photos Patrice Bouscarrut

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e jour-là, le temps est gris sur le Cap-Ferret. Un groupe de personnes affublées de combinaisons de plongée se dirigent vers la plage et ne semblent pas dérangées par la bruine qui colle à la peau. Quelques secondes après, ils sont déjà dans l’eau jusqu’à la taille et commencent à s’élancer, marchant d’un pas assuré, vers le sud, aidés de pagaies, de palmes de nage sur les mains et autres accessoires. Des rires, quelques crispations sur les visages, des blagues potaches. Le groupe se faufile face à la marée montante sous les regards intrigués des rares passants. Voici une activité bien insolite, la marche aquatique ou longe-côte. Doit-on être un peu fêlé pour s’immerger dans les eaux froides de l’hiver et y faire une balade sportive ? Manifestement non. Le plus dur est peut-être de se changer 116

sur le parking, devant le coffre de sa voiture. Mais pour le reste, c’est un bonheur sans limite. On fait corps avec le Bassin, ses eaux, ses parfums iodés tandis que la vue sur le Mimbeau se dévoile.

Grosse dépense énergétique « C’est une activité peu coûteuse, joviale, avec des points très positifs pour la santé, résume Olivier Chefneux, le président du LongeCôte Lège-Cap-Ferret Club. En effet, le fait de marcher dans l’eau est un travail en décharge, on n’a pas de courbatures, mais c’est très physique, avec une grosse dépense énergétique. » « Je ne pouvais plus rien faire comme sport, poursuit un pratiquant, j’ai une hernie discale, mais ici, je ne ressens jamais de douleur. » Et côté efforts, c’est pas mal non plus. « Surtout quand on double, ça fait du cardio »,


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cardiovasculaire sans traumatisme articulaire. Cette activité favorise la circulation sanguine et améliore l’équilibre et l’endurance. C’est un moment de bien-être aussi, l’eau à un effet relaxant sur le corps, tout en tonifiant les muscles.

Activité sportive contemplative

“Le fait de marcher dans l’eau est un travail en décharge. On n’a pas de courbatures mais c’est très physique”

Longe-Côte Lège-Cap-Ferret Club longecote-capferret.jimdofree.com

sourit un autre. « C’est addictif, poursuit Joël Ferré, je cherchais un sport lié au Bassin, à la mer. Je ne suis pas un bon nageur, mais j’ai toujours les pieds qui touchent par terre ! J’adore pouvoir aller dans l’eau en plein hiver, avec la présence de deux mouettes et un cormoran. » Même si cette activité sportive peut bien sûr être pratiquée en été, l’avantage est que l’on peut se mettre à l’eau toute l’année. Pour le côté officiel, le longe-côte est aujourd’hui affilié à la Fédération française de randonnée (FFR). Il consiste à marcher en milieu aquatique au bon niveau d’immersion (BNI), c’est-à-dire avec une hauteur d’eau située entre le nombril et les aisselles, avec ou sans pagaie. « On est porté par l’eau, c’est Archimède qui bosse pour nous ! », résume un pratiquant. À l’origine, c’est une méthode de musculation avec pagaie conçue pour l’entraînement des rameurs, apparue en 2005. Thomas Wallyn, entraîneur professionnel d’aviron de Dunkerque, recherchait une activité, pour les saisons froides, de renforcement musculaire et 118

La seule association du Bassin, Longe-Côte Lège-Cap-Ferret Club, commence à creuser son sillon dans le courant. Créée en 2017 avec une vingtaine de membres, la voici aujourd’hui qui accueille plus de 200 adhérents, dont beaucoup viennent de la région bordelaise. L’ambiance décontractée du club y est pour beaucoup mais pas seulement. Le longe-côte est certainement une réponse à ceux qui veulent une activité sportive contemplative, avec cette sensation de liberté. Seul club de Gironde affilié à la FFR, Longe-Côte Lège-Cap-Ferret Club a aujourd’hui une vingtaine d’animateurs qualifiés qui encadrent les sorties. D’autant que pour ne pas avoir de mauvaise surprise, quand on se retrouve dans l’eau, il faut régulièrement repérer les parcours et les valider. Aujourd’hui, près d’une dizaine de circuits sur la Presqu’île et à Andernos permettent de varier les spots à chaque sortie. Le club a aussi les pieds sur terre, avec l’organisation de marches nordiques. Ainsi qu’un nouveau volet, le sport santé, qui accueille dans l’eau des personnes au sortir d’une maladie, comme le cancer, ou souffrant d’obésité, de phobie de l’eau… pour une reprise du sport en douceur. Le club a donc un programme bien chargé entre les quatre séances de longe-côte par semaine (lundi, mercredi, vendredi et samedi), deux sorties de marche nordique ( jeudi et dimanche). Reste que pour l’instant, la moyenne d’âge des pratiquants est de 62 ans. Le club mise sur sa section compétition pour séduire les plus jeunes. Plus on est de fous…


Enfants ×

“Un enfant, c’est le dernier poète d’un monde qui s’entête à vouloir devenir grand.” Jacques Brel

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La philo de Sophie, ce n’est que pour les petits !

Sophie Garet, en quoi consiste les ateliers de PhiloSophie que vous animez dans les écoles du Sud Bassin ? J’offre aux enfants un espace temps d’écoute et de bienveillance. Il ne s’agit pas de cours de philosophie mais plutôt d’apprendre aux enfants qu’ils ont cette capacité à raisonner par eux-mêmes avant même de découvrir la pensée d’autres penseurs. Parfois, quand un enfant m’énonce une pensée déjà émise par un philosophe, je vais juste lui dire. J’aspire simplement à être le miroir des enfants. Un miroir qui leur montre tout le potentiel qu’ils ont. Lors des ateliers, chacun peut s’exprimer sur des questions aussi variées que le bonheur, l’amitié, l’injustice, l’identité, le vivreensemble… Un jour, un enfant m’a dit, à l’issue : « Ça fait du bien de sentir qu’on nous respecte. »

© Armelle Hervieu

Sophie Garet est une disciple du philosophe Frédéric Lenoir. Après avoir eu mille vies et travaillé dans l’hôtellerie, le commerce, l’immobilier… elle s’est formée auprès de la fondation Sève (agrémentée par l’Éducation nationale) et a créé pour les enfants les ateliers de PhiloSophie qu’elle anime à Arcachon, Gujan, Mios ou au Teich.

Sophie permet aux enfants de s’exprimer.

Votre posture est en effet très différente de celle de la plupart des adultes ! Il s’agit pour moi d’éveiller les enfants à la prise de conscience de leurs propres potentialités. Je crois beaucoup en cette citation de Benjamin Franklin : « Dis-le moi et je l’oublierai. Enseigne-le moi et je m’en souviendrai. Implique-moi et j’apprendrai. » Les enfants sont vraiment les acteurs de mes ateliers. Et les étiquettes volent ! Ils ne sont plus ni le cancre, ni le bon élève. Est-ce que ça marche ? Oui, si je me fie à leurs réactions. Les enfants sont tellement heureux de pouvoir s’exprimer. Surtout en ce moment où on les coupe 120

d’une certaine façon avec le masque. On ne mesure pas encore aujourd’hui les effets de toutes ces mesures barrières… C’est vraiment important qu’ils puissent échanger et qu’il y ait une écoute. Et après ? Il faudrait qu’on aille plus loin. Il faudrait déployer bien davantage ce type d’ateliers. C’est pour cela que j’ai décidé de former les adultes qui veulent être en lien avec les enfants. Je pense qu’il serait bon d’ouvrir ce type d’ateliers au niveau de l’Éducation nationale pour toucher plus d’enfants, pour que l’impact sur la société soit plus grand. Ce genre de démarches pourrait changer le monde. AH




C’est dans son « closlieu » gujanais qu’Anne Puig nous reçoit pour parler du Jeu de peindre, un atelier de peinture pas comme les autres. Ici, adultes et enfants peignent ensemble sans attentes particulières et libérés de tout jugement.

Et si l’on jouait à peindre ? Texte & Photos Ineh

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imanche matin, 10 h, le « closlieu » d’Anne ouvre ses portes. Les murs colorés par les traces des participants précédents, une musique de fond et une jolie table palette offrent une ambiance chaleureuse à ce lieu sans fenêtre. Anne y reçoit 9 personnes, des mamans et leurs enfants. Le petit Malko, un habitué âgé de 4 ans est également présent mais seul. Après quelques consignes, ils se tiennent debout prêts à peindre sur leurs feuilles blanches accrochées au mur. Anne s’emploie à rendre leur expérience la plus sereine possible et se livre sur la genèse de son atelier. Parlez-nous un peu de votre « closlieu ». Le « closlieu » est un endroit inventé par Arno Stern. Pensé comme un

lieu à l’abri des regards extérieurs, il est fait pour protéger l’expression. Ce qui s’y déroule n’est pas voué à être vecteur de communication. Ce n’est pas un atelier d’artiste dans lequel nous allons faire des expositions. C’est un lieu où nous allons apprendre à nous exprimer dans le sens le plus pur du terme, c’est-à-dire sortir quelque chose de soi que nous n’avons pas l’habitude de montrer. Ce geste de tracé simple va procurer une certaine sensation d’accomplissement. Une fois que cette peinture est réalisée, nous pouvons la regarder, ressentir des choses mais elle n’a pas de vocation plus importante que cela et restera à l’atelier. Toutes les personnes qui sont présentes ne vont émettre aucun commentaire sur ce qu’elles font, ni sur ce que font les autres. Donc les parents ne diront rien 123

sur ce que font leurs enfants et inversement. Cela afin que chacun puisse se sentir libre de faire ce qu’il a envie, d’expérimenter sans se dire « je ne sais pas faire », « que vont penser les autres ? ». Ici, les gens savent très bien que, quoi qu’ils fassent, les autres ne diront rien. Pour quelle raison ne peut-on pas emporter nos œuvres ? Nous restons sur le principe de se préserver du jugement et du regard des autres. Chacun doit se sentir libre de pouvoir se laisser aller sans se demander si ce qu’il fait est bien ou mal. Or, nous savons très bien que si les peintures sortent, elles seront montrées puis commentées et jugées. Nous perdons alors tout le bénéfice de ce que nous avons installé lors de l’atelier.


Il n’est donc pas question d’apprentissage, nous venons simplement jouer à… peindre ? En fait, nous allons apprendre beaucoup de choses mais de façon très informelle. L’apprentissage n’est pas codifié hormis tout ce qui se passe sur la table palette, où nous avons une façon très précise de se servir des pinceaux, de l’eau, de la couleur, de nous déplacer de façon à respecter les autres. Il faut faire attention à la manière dont vous tenez votre pinceau. Le geste doit être précis, méticuleux. Nous évitons de déborder afin de ne pas mélanger ou jeter les peintures. Mais, est-il possible de déborder de la feuille ? Oui, vous pouvez déborder de votre feuille mais vous devez faire attention à votre gestuelle. Ici, nous valorisons l’application, l’attention et la concentration.

“Nous aimons posséder. Ici, nous ne sommes pas là pour ça. Ce n’est ni un lieu de production ni un lieu de consommation.”

Le Jeu de peindre de Gujan 30, allée des Grands Champs Gujan-Mestras 06 63 24 96 86

Cela ne génère-t-il pas de la frustration ? Nous sommes dans une société de consommation. Nous aimons posséder. Ici, nous ne sommes pas là pour ça. Ce n’est ni un lieu de production ni un lieu de consommation. C’est inhabituel pour beaucoup. Les gens sont surpris, voire effectivement frustrés. Ils aimeraient emmener leurs œuvres. Mais lorsque nous expliquons que cela se passe différemment car nous sommes dans autre chose, ils comprennent. Par exemple, Malko, qui vient tous les dimanches depuis un an, n’a jamais demandé à ramener ses peintures à la maison. Il a pris une autre habitude. Par ailleurs, la frustration fait aussi partie de la vie, nous apprenons à la gérer. 124

En quoi jouer à peindre peut-il être libérateur ? Nous vivons dans une société d’images et sommes habitués à voir, à analyser, à commenter. Il faut du temps pour laisser cela derrière soi et aller à sa propre rencontre. Au fil des séances, vous apprenez à vous détacher de ce que vous avez appris pour faire émerger votre mémoire intérieure et laisser aller votre propre expression. C’est ce qu’Arno Stern appelle la formulation. C’est ce qui donne le plaisir du jeu de peindre. Quel est votre rôle lors d’un atelier ? J’accompagne les participants dans cette démarche, je fais respecter le cadre. Je m’attache à répondre à leurs besoins, un tabouret pour atteindre le haut de la feuille, un mélange de couleurs… Autant de petites choses informelles qui permettent de rendre l’acte de peindre facile ! Toutes les demandes sont entendues ; petits et grands, chacun à son tour, car il n’y a pas de hiérarchie et donc aucune notion de compétition.


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Texte & Photos Armelle Hervieu (sauf mentions)

Le Phare de l’Eyre, une arche de Noé

© Phare de l’Eyre

C’est un endroit extraordinaire. Au lieu-dit du Vigneau, à Biganos, les membres du Phare de l’Eyre ont créé une vraie arche de Noé, un havre de paix. Tous les cabossés de la vie y sont accueillis avec bienveillance. Rencontre avec Georges Paolin, vice-président, qui a créé ce lieu unique aujourd’hui piloté par Élise Marc, la présidente.


Georges Paolin, comment est né le Phare de l’Eyre ? L’idée est partie d’une discussion que nous avons eue avec ma femme Cathy et la psychologue de notre fils, Annabelle Deluc. Bastien est victime de handicap. Tant qu’il était à l’école, il était pris en charge mais, comme tous les jeunes dans sa situation, une fois devenu majeur, il n’y avait plus de place pour lui nulle part. Les Esat [Établissement et service d’aide par le travail], les foyers occupationnels… sont tous complets et nous sommes de très nombreux parents à ne pas savoir quoi faire pour occuper nos enfants devenus adultes. En effet, le danger pour les jeunes handicapés, c’est l’oisiveté. C’est de ce constat qu’est née l’idée du Phare de l’Eyre et aussi des connaissances d’Annabelle en médiation animale. Elle savait que les animaux ne jugent pas. Qu’est-ce que le Phare de l’Eyre aujourd’hui ? Notre association a déniché un terrain pour partie agricole et pour partie constructible. Lieu-dit Vigneau, à Biganos, nous avons construit un local associatif, une sorte de petite ferme remplie d’animaux et un jardin partagé. Nous accueillons nos 250 adhérents, parents et enfants, ainsi qu’une centaine de personnes qui nous sont envoyées par d’autres structures et associations. Comme les enfants de M en Rouge, ceux de Vincent-de-Paul, les jeunes des Esat et ceux de l’Adapei [Association départementale de parents et d’amis des personnes handicapées mentales]. Toute personne qui veut se faire du bien est la bienvenue ! La majorité de ceux que nous accueillons sont en situation de handicap mais pas seulement. Que proposez-vous aux personnes que vous accueillez ? Nous leur proposons plein d’activités ! Notre but est d’apporter

Georges Paolin a créé le Phare de l’Eyre.

stimulation et bien-être aux enfants ainsi qu’à leurs parents. C’est un combat quotidien d’être parents de jeunes adultes handicapés. On s’inscrit sur une liste d’attente mais pendant ce temps… En plus, 80 % des personnes qui s’occupent d’enfants en situation de handicap sont des femmes seules. Leur compagnon les ont laissées tomber. Elles doivent gérer leur enfant handicapé et, du coup, perdent leur travail. Elles restent à la maison car ces jeunes ne veulent plus sortir pour ne plus être jugés. Ils s’isolent et isolent leurs parents. Nous, on veut les sortir de cette spirale. On s’occupe des gamins. On les autonomise. Pendant ce temps, les parents peuvent souffler. 127

“Handicapé ou pas, les animaux n’ont pas d’a priori. Ils ne jugent pas”


© Phare de l’Eyre

Potager, médiation animale, club nature… les activités proposées sont nombreuses.

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Est-ce que ça marche ? Les animaux que nous avons à la ferme sont très bénéfiques pour les jeunes que nous accueillons. Ils n’ont pas d’a priori, ne jugent pas. À leurs côtés, les enfants passent des moments magiques. J’ai en tête l’exemple d’une gamine de 16 ans, Lou, qui est très agitée, tout le temps. Il y a quelques jours, on était tous les deux avec nos ânesses, Comète et Pivoine. Ces dernières sont venues se mettre contre nous et on est restés plusieurs minutes ainsi dans un fabuleux tête-à-tête, à quatre ! Les ânesses se sont figées. Et Lou ne bougeait plus non plus. Un moment suspendu… Je peux aussi vous parler de Karim qui restait tout le temps enfermé chez lui avant et qui, maintenant, vient s’occuper tous les soirs des animaux, changer leur litière, les nourrir… Lui et sa mère sont beaucoup plus épanouis !

© Phare de l’Eyre

© Phare de l’Eyre

“Nous avons déjà une cinquantaine de bénévoles mais il nous en manque encore”

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Quelles sont précisément les activités que vous proposez ? On a un club nature animé par Béatrice. Les enfants y partent à la découverte de leur environnement. On a une activité de médiation animale avec les petits animaux et les équidés gérée par Charlotte qui est monitrice d’équitation spécialisée dans la prise en charge du handicap. On a une activité nommée « Bouge ton corps avec la musique » animée par Michèle. Une activité loisirs créatifs gérée par Héloïse. Un atelier journal encadré par Christine et Cathy. Un jardin partagé dont s’occupe Anne avec une vingtaine de parcelles attribuées à autant d’enfants… Il doit vous en falloir des bénévoles pour vous occuper de tout ça !? En effet, notre structure compte une cinquantaine de bénévoles actifs qui sont essentiels à la survie du Phare de l’Eyre, dont une trentaine rien que pour s’occuper des animaux sous la responsabilité de Julie. Ce sont eux qui veillent sur la santé et le bien-être de nos poneys, ânesses, chèvres, lapins, poules… Nous avons beaucoup de bénévoles mais nous en manquons encore ! Toute personne désireuse de venir nous rejoindre est la bienvenue ! Et comment faites-vous pour financer toutes ces actions ? C’est une question cruciale ! Nous ne vivons que de dons et c’est donc grâce aux dons des particuliers, des commerçants, des entreprises, petites ou grosses, que nous survivons. C’est à eux que l’on doit tout cet écosystème. J’en profite d’ailleurs pour les remercier tous ainsi que nos financeurs publics, la région, le département et la mairie et l’ensemble de nos partenaires. Si vous aussi vous voulez nous aider, sachez que vous pouvez adhérer ou simplement nous soutenir en vous rendant sur la page du Phare de l’Eyre sur helloasso.com.


LE BI LLET DE PA S C A L BATA ILLE

Viv(r)e la marée

© Patrice Bouscarrut

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imer le Bassin, c’est aimer les marées. Et pourtant, d’emblée, la marée ne fait pas que des heureux. Elle irrite, perturbe, cadenasse l’emploi du temps, redessine les contours du rivage. Les invités de passage fraîchement débarqués de Corse ou du golfe de Saint-Tropez s’en plaignent dès leur arrivée, avant même de blâmer la température de l’eau. Alors, oui, la marée est la maîtresse des jours et des nuits, oui, elle décide à notre place du possible, de l’envisageable et du non-négociable de nos journées. Il faut s’y faire, l’éprouver, s’adapter… mais en même temps, quelle magie ! Lorsque la conche du Mimbeau se remplit le soir à l’heure de la dégustation des huîtres de l’apéro, plus personne ne moufte et tout le monde applaudit. Notre Bassin est soumis par nature à cette variation de la hauteur de la mer. « Mais comment ça marche, la marée ? » C’est très simple : un petit peu moins de six heures de « montant » (ou flot) alternent avec la même durée environ de « descendant » (ou jusant). Entre les deux, « l’étale », sorte de trêve de quelques instants au cours de laquelle le temps – comme le courant – semble suspendu. Ce n’est là qu’une impression : car durant cette fausse accalmie et par un mécanisme complexe qui doit tout à la Lune, le flux s’emploie à inverser son cours ou le reflux à changer de sens. Essayez juste d’imaginer comment ça doit cogiter et s’activer là-dessous ! Nous voilà donc repartis pour une nouvelle marée… Jamais à la même heure que la veille car quatre marées ajoutées aux étales font plus que vingt-quatre heures : autrement dit, l’étale, ça décale. D’où la nécessité

de ne jamais oublier son agenda des marées, bible du plaisancier, du baigneur, du pêcheur mais aussi du surfeur. Grâce à la marée, c’est la surprise qui l’emporte, toujours, avec son lot de précautions essentielles, lors des navigations ou des baignades dans le Bassin ou à l’océan. La pleine mer et la marée basse jouent ainsi avec nos nerfs, mènent la vie rude aux certitudes et rendent le mouvant permanent. C’est pourquoi certains ne seront jamais vraiment acclimatés à la côte d’Argent et à cette obligation de reculer sa serviette toutes les quinze minutes lorsque la mer monte et que l’écume vient sournoisement frôler vos sandales, vous forçant chaque fois à lui céder quelques mètres… Sans oublier ces embarquements hâtifs et précipités quand la marée sonne le tocsin sur le banc d’Arguin, sous peine de rester « scotché » et de devoir passer une partie de la nuit sur place, en attendant, transis, le retour de l’eau sous la coque du bateau pour enfin 130

rentrer au port et pouvoir se faire chambrer tout le restant de l’été… Ou ces frayeurs parfois, quand même le bon nageur sent ses forces s’enfuir alors qu’il affronte un courant si puissant, si constant, qu’il ne sert à rien de lutter et que la résignation est la seule solution concevable : alors, le sage négocie et transige, se laissant dériver en oblique, pour atteindre le rivage plus loin qu’espéré, l’ego meurtri, mais sain et sauf. La marée décide des paysages, nettoie la plage mais aussi les coquillages, elle caresse le sable dans les deux sens, elle rythme les heures, elle permet le changement de météo, elle donne à voir et à parler, elle déchaîne les passes, ces chenaux de vidange du Bassin redoutés par tous les navigateurs, dont, quatre fois par jour, 200 à 400 millions de mètres cubes d’eau entrent ou sortent. Un torrent de sensations uniques, la marée, c’est presque un mode de vie. Vive la marée !



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