FOCUS DE LÉHON À DINAN, HISTOIRE DES GISANTS AU FIL DES SIÈCLES
SOMMAIRE
3 AUX ORIGINES DES GISANTS DE DINAN 6 LES GISANTS DE LA BASILIQUE SAINT-SAUVEUR 8 LES GISANTS DE L’ÉGLISE SAINT-MALO 10 LES GISANTS DE L’ÉGLISE SAINT-MAGLOIRE DE LÉHON 12 LES GISANTS DES BEAUMANOIR 13 LA CHAPELLE DES BEAUMANOIR 14 LA MAISON DU GISANT 14 GLOSSAIRE 15 PLAN DE LA VILLE
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Crédits photos cl. service Patrimoines de la Ville de Dinan : pp 4, 6, 7, 8, 10, 15.
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AUX ORIGINES DES GISANTS DE DINAN 1. Sculptée au XIIe siècle, la cuve baptismale de la basilique Saint-Sauveur témoigne de la persistance d’ateliers locaux. Gravure BNF.
Avec seize gisants conservés dans ses églises – trois à Saint-Sauveur, cinq à Saint-Malo et huit à Saint-Magloire de Léhon – la Ville de Dinan possède aujourd’hui une des plus importantes collections de Bretagne. Sculptées entre le XIIe et le XVe siècle, ces pierres tombales offrent un exceptionnel témoignage de l’art funéraire médiéval et de ses évolutions.
L’ART DU GISANT
Si l’art du monument funéraire remonte à l’antiquité, il prend une toute autre dimension à l’époque médiévale. Réservée à l’origine aux tombeaux des saints puis des rois, la représentation du défunt se répand à partir de la fin du XIIe siècle, notamment sous l’influence des ordres militaires qui popularisent le gisant armé auprès de l’aristocratie. Bien que l’emploi de matériaux comme le métal ou l’émail soit attesté, c’est surtout la pierre qui s’impose. Selon les modes, la technicité de l’artisan et la fortune du commanditaire, elle peut être « taillée à la cuvette » ou sculptée en haut ou bas-relief
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LA PRODUCTION DU PAYS DE DINAN
Contrairement à la Bretagne méridionale qui privilégie les gisants importés de Limoges ou de Paris, la région de Dinan se distingue, dès la fin du XIIe siècle, par une importante production rendue possible par la persistance d’ateliers de sculpteurs locaux qui se devinent à travers d’autres productions et notamment les fonts baptismaux. Aux spécificités locales – dont le granit n’est pas la moindre – s’ajoute une double influence culturelle liée d’une part au monde Plantagenêt – que l’on retrouve au travers des importations de pierre de Caen ou dans le succès de certains modèles inspirés des gisants royaux de Fontevraud ou de Westminster – mais aussi à la popularité croissante des modèles d’Ile-de-France.
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1. Porche d’entrée du couvent des Franciscains de Dinan. Photo ©Service patrimoines Dinan.
DES NÉCROPOLES DINANNAISES…
Œuvre coûteuse, le gisant est nécessairement réservé à une élite religieuse ou aristocratique pour qui l’art funéraire est un outil au service de la glorification des disparus. La présence à Dinan de deux établissements religieux prestigieux – le couvent des Dominicains, fondé en 1232, et celui des Franciscains, quelques années plus tard – accentue le phénomène. Devenus des nécropoles familiales, ces couvents accueillent, jusqu’au début du XVIIe siècle, les tombeaux des grandes familles de l’aristocratie locale – Coëtquen, d’Avaugour, Pontbriand, du Guesclin – qui défendent farouchement leurs « droits d’enfeu » et rivalisent dans la construction et les décors de leurs monuments funéraires. De leur côté, les seigneurs de Beaumanoir choisissent l’église prieurale Saint-Magloire de Léhon pour établir leur chapelle.
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… À LA TOURMENTE RÉVOLUTIONNAIRE
Avec la Révolution, les édifices religieux connaissent des heures difficiles. Fermés entre 1791 et 1792, les couvents sont vendus comme biens nationaux pour être morcelés ou détruits. Si certains, comme le couvent des Franciscains de Dinan ou le prieuré Saint-Magloire de Léhon, échappent à la ruine, les tombeaux sont rarement épargnés : plusieurs d’entre eux, provenant de l’église des Dominicains de Dinan, servent encore aujourd’hui à paver la cour d’un hôtel particulier dinannais.
1. Présentation des gisants dans la chapelle du « Château-musée » - Carte postale ancienne BM Dinan.
1906-2018- DU MUSÉE AUX ÉGLISES DINANNAISES 1
L’ŒUVRE DES ÉRUDITS DU XIXe SIECLE
Au milieu du XIXe siècle, érudits et collectionneurs prennent progressivement conscience de la ruine et de la disparition d’innombrables témoignages du passé. Structurés en sociétés savantes, ces « antiquaires » occupent une place de plus en plus importante dans le débat public. Deux personnages vont jouer un rôle important dans la conservation des gisants de Dinan et de Léhon. Le premier, Luigi Odirici (1809-1882), est un Dinannais d’adoption qui occupe, à partir de 1843, la fonction de conservateur du musée de Dinan. À ce poste, il sauve une dizaine de pierres tombales provenant d’églises ruinées de Dinan et des alentours. Le second est l’abbé Fouéré-Macé (1841-1907), recteur de Léhon et acteur majeur de la restauration de l’église Saint-Magloire. Il obtient, en 1898, la restitution de six gisants provenant de Léhon – enlevés en mai 1843 par Odorici – qu’il réinstalle dans l’église prieurale restaurée où ils se trouvent encore aujourd’hui.
En 1906, les collections du musée de Dinan prennent place dans l’ancienne tour-palais, érigée à la fin du XIVe siècle par le duc de Bretagne, Jean IV. Les cinq gisants sont alors exposés dans différents espaces avant d’être transférés en 1983 dans la salle-basse de la tour Coëtquen. Pour enrichir la collection, deux gisants provenant de l’ancien prieuré Saint-Georges en Trémeur et offerts en 1923 à l’église Saint-Malo de Dinan sont déplacés vers la tour Coëtquen. En 2017, constatant des difficultés de conservation et une présentation peu satisfaisante de ces œuvres remarquables, la Ville de Dinan décide d’un programme de valorisation de l’ensemble de sa collection de gisants. Les sept pierres tumulaires quittent alors la tour Coëtquen pour rejoindre les églises dinannaises. Quelques semaines plus tard, la fusion, au 1er janvier 2018, des villes de Dinan et de Léhon entraîne la création d’une commune nouvelle riche d’un remarquable ensemble de gisants sculptés, exceptionnel témoignage du savoirfaire des sculpteurs de l’époque médiévale.
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1. Très émacié, le visage du gisant de Rolland de Dinan témoigne d’une recherche de réalisme - Photo ©service patrimoines Dinan. 1
LES GISANTS DE LA BASILIQUE SAINT-SAUVEUR ! ROLLAND DE DINAN (+ 1186)
Premier quart du XIIIe siècle. Coll. 1961.173, Musée de Dinan. Provient de l’abbaye de Beaulieu en Languédias. Seigneur de Dinan et de Bécherel, Rolland est un personnage important dans la Bretagne du XIIe siècle. Après avoir mené la révolte de 1167 contre le roi Henri II Plantagenet, il se réconcilie avec ce dernier qui le nomme en 1173 régisseur du comté de Bretagne. Daté des années 1220, ce gisant a peut-être été commandé par Gervaise de Dinan, la petite-nièce de Rolland. Ce sont en tout cas les armes de cette dernière – losangé d’argent sur fond de gueule – qui sont gravées sur le bouclier. Bien que l’influence anglo-normande soit notable sur ce gisant, à commencer par sa grande taille, on note des caractéristiques originales comme l’absence de heaume ou le réalisme d’un visage émacié aux pommettes saillantes, loin d’une figure idéalisée.
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Avec celui de son neveu Alain de Vitré – conservé dans le cloître de la cathédrale de Tréguier – le gisant de Rolland de Dinan est la plus ancienne sculpture funéraire de Bretagne figurant un guerrier en armes. À l’échelle européenne, seuls les gisants armés des templiers de Londres et ceux des vicomtes de Beaumont – conservés au musée archéologique du Mans – rivalisent par leur ancienneté.
@ BERTHELOT D’ANGOULEVENT
Première décennie du XVe siècle. Coll. 1961.174, Musée de Dinan. Provient du couvent des Dominicains de Dinan. À la fin du XIVe siècle, les seigneurs d’Angoulevent comptent parmi les principaux donateurs du couvent des Dominicains de Dinan et obtiennent le privilège d’y être enterrés. Leur enfeu dans l’église nous est connu grâce à une description de 1636 « Et dans les arceaus de la paroy boréale de la nef, il y en a encor, entre lesquelles est une qui a aussy des tombes plates dans le pavé de l’église, portans mesmes armes qui sont au vitrail, de sinople à la fasce d’hermines ; et y sont représentés trois chevaliers prianz, avec leurs cottes vertes » Assez grossier dans sa réalisation – on constate ainsi un visage sans finesse – ce gisant témoigne en revanche assez bien de l’équipement du chevalier et notamment du succès, entre la fin du XIVe et le début du XVe siècle, de l’armure de plates. Il faut noter enfin la présence du dais architecturé qui encadre le visage.
1. Moins onéreuse, la taille en cuvette ne permet qu’une représentation schématique des corps Photo ©service patrimoines Dinan.
# JEHAN DE LA VALLÉE
Fin du XIVe siècle. Coll. 1961.228, Musée de Dinan. Provient du couvent des Dominicains de Dinan. Daté des années 1390-1400, le gisant de Jehan de la Vallée, seigneur de Plumaudan, est un bel exemple des progrès de l’influence culturelle de l’Angleterre dans les dernières années du règne du duc Jean IV. La silhouette élancée mais également le port de la barbe sont en cela caractéristiques. La taille en cuvette, moins onéreuse mais moins qualitative – comme l’atteste le traitement maladroit des jambes – est de son côté un indice des difficultés financières que rencontre alors l’aristocratie au sortir de la guerre de Succession de Bretagne.
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LES GISANTS DE L’ÉGLISE SAINTMALO ! GEOFFROY LE VOYER (+ vers 1360) ET @ SON ÉPOUSE RENÉE
MADEUC DE GUEMADEUC
Seconde moitié du XIVe siècle. CLMH. 16/08/1957. Proviennent de l’ancien prieuré Saint-Georges en Trémeur. Don de la famille Faisant de Champchesnel. Ces deux pierres tumulaires représentent Geoffroy Le Voyer, seigneur de Trégomar, et son épouse, Renée Madeuc de Guémadeuc. Retrouvés dans les ruines de l’ancien prieuré, ces deux gisants ont été offerts en 1929 à l’église Saint-Malo de Dinan par la famille Faisant de Champchesnel. Le contraste est frappant entre la représentation héroïque de Geoffroy, vêtu de son armure et les pieds reposant sur un lion – symbole de force et de courage – et celle, plus modeste, de son épouse qu’accompagne un petit chien, gage de fidélité. On note sur ces deux œuvres la présence d’anges soutenant le coussin portant la tête mais également, pour Renée, deux anges supplémentaires au niveau des bras. Si le gisant de Geoffroy demeure assez classique dans sa représentation du chevalier, celui de Renée comporte un curieux décor végétal qui vient subtilement masquer le dessous de la robe. 8
# LES ÉPOUX LA VIEUXVILLE
Fin du XIVe ou début du XVe siècle. Coll.1961.229, Musée de Dinan. Provient de l’ancienne église de Trégon.
Prenant place à l’origine dans la chapelle des La Vieux-Ville au Sénéchal, située dans l’ancienne église de Trégon, cette pierre tombale est récupérée par la ville de Dinan lors de la destruction de l’édifice en 1843. Le gisant représente un chevalier et sa dame, identifiés par les armoiries et la tradition comme Sylvestre Le Sénéchal, sieur de La Vieux-Ville et son épouse. Si la forme longiligne des corps traduit une influence anglaise qui se répand à la fin du XIVe siècle, la coiffure du chevalier est plus archaïque et fait référence aux codes français du début du siècle. En revanche, le costume de la femme, plus moderne, semble déjà évoquer la mode du début du XVe siècle. licitant les services de l’Intendance de Bretagne
1. En 2018, quatre gisants ont repris place dans la nef de l’église Saint-Malo. Photo ©service patrimoines Dinan.
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$ ABBÉ GUILLAUME DE LESQUEN
(+ vers 1390)
Fin du XIVe siècle. Coll. 1961.227, Musée de Dinan. Provient de l’abbaye de Beaulieu en Languédias. Attribuable à la fin du XIVe siècle, ce gisant prenait place à l’origine dans l’église abbatiale de Beaulieu. Aux pieds du défunt, les armes de la famille de Lesquen permettent d’attribuer ce gisant à Guillaume de Lesquen, abbé de Beaulieu à la fin du XIVe siècle, probablement entre 1363 et 1390. Les imperfections sont nombreuses sur cette œuvre à commencer par le traitement assez grossier du visage ou encore l’animation du drapé du costume, maladroitement restitué à travers une série de vagues sans finesse. Deux curieux petits personnages prennent place de part et d’autre du corps. Celui de droite soutient le coussin sur lequel repose la tête de Guillaume tandis que celui de gauche porte un bâton sculpté, probablement la crosse de l’abbé.
% GISANT DE FEMME
Première moitié du XIVe siècle. CLMH. 17/11/1969. Dans la chapelle des âmes du purgatoire se trouve un autre gisant, taillé en cuvette, et représentant une femme non identifiée. Une inscription sur le mur nous indique qu’« En l’an 1549, Jehan de La Haye sieur du Bouais Collin a cot. [construit] cette chapelle » mais le gisant est plus ancien puisqu’il date de la première moitié du XIVe siècle. La femme est représentée les mains jointes et est vêtue d’une robe, d’un manteau et d’un bonnet. Inspirée du maniérisme parisien, alors en vogue à la cour de France, cette œuvre témoigne des progrès de l’influence française dans les villes de Haute-Bretagne.
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1. Avec un double coussin sous la tête de la défunte, ce gisant témoigne d’une influence anglaise. Photo ©service patrimoines Dinan.
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LES GISANTS DE L’ÉGLISE SAINTMAGLOIRE DE LÉHON % GISANT DE FEMME Dernier quart du XIIIe siècle. CLMH. 02/06/1976.
Ce gisant de femme a été retrouvé en plusieurs morceaux lors des travaux de restauration de l’église prieurale, à la fin du XIXe siècle. Sculptée dans un calcaire en pierre de Caen, cette œuvre témoigne d’une forte influence anglaise et peut notamment se rattacher, par un mouvement identique des mains, au gisant d’Isabelle d’Angoulême à l’abbaye de Fontevraud. La qualité du traitement du drapé se remarque par les plis du manteau qui recouvre le bas de la robe. Descendant sur la poitrine, on remarque une croix, suspendue par un long ruban. La présence d’un double coussin – qui apparaît dans la sculpture funéraire anglaise à partir des années 1275 – permet de dater ce gisant de la fin du XIIIe siècle. Bien que la tradition, depuis le début du XXe siècle, rattache cette pierre tumulaire à Marguerite d’Avaugour, aucune source historique ne permet de l’attester.
^ GISANT DE FEMME Début du XVe siècle. CLMH. 02/06/1976.
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Longtemps désignée comme Gervaise de Dinan (+ 1238), cette statue funéraire de calcaire représente en réalité une femme non identifiée.
Décrite comme la figure « mutilée d’une châtelaine du XIIIe siècle » par l’abbé Fouéré-Macé dans une lettre lue le 22 mai 1897 au Conseil Municipal de Dinan, cette œuvre est plutôt attribuable à la première décennie du XVe siècle comme semble l’indiquer la qualité du drapé mais également la grâce apportée au traitement des deux anges et de leur costume.
& UN PRIEUR DE LÉHON Fin du XIIIe siècle. CLMH. 02/06/1976.
En cette fin de XIIIe siècle, l’influence anglaise se maintient dans la région de Dinan, notamment au travers des persistances de l’art normand. Avec la composition triangulaire de sa partie supérieure et la présence – bien que discrète – d’éléments végétaux, cette plate-tombe, attribuée à un prieur de Léhon, n’a finalement, comme seule trace d’une influence française, que le mouvement croisé de ses mains. Le masque de plomb figurant la tête, que Luigi Odorici indique comme manquant dans son Catalogue des objets d’art et de sciences naturelles, a été restitué assez grossièrement par un visage de calcaire en 1898.
2. Originaire de Redon, Raoullin Pollo arbore un élégant tabard armorié, bel exemple de la mode masculine des années 1410. Photo ©service patrimoines Dinan.
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* RAOULLIN POLLO (+1416) Début du XVe siècle. CLMH. 02/06/1976. La présence à Léhon du tombeau de Raoullin Pollo, issu d’une famille noble des environs de Redon, peut surprendre mais s’explique par le fait que le fils de ce dernier, Raoul, était prieur de Saint-Magloire de Léhon. Malgré son âge – plus de quatre-vingt ans – Raoullin Pollo choisit de se faire présenter dans un élégant tabard armorié, mettant en valeur une silhouette athlétique.
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Mal connu, Raoullin Pollo semble toutefois avoir fréquenté l’entourage des ducs Jean IV et Jean V de Bretagne. L’influence bourguignonne de sa représentation funéraire témoigne d’un renouveau de l’influence française au détriment de l’art funéraire d’Outre-Manche. En bordure du gisant, on peut lire cette inscription « CI GIST RAOULIN POLLO DE REDON PERE DU PRIEUR DE CEANS QUI TRESPASSA LE XVIII JOUR DE NOVEMBRE LAN MIL IIII ET XVI DIEU LUI PARDONT AMEN. »
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1. Dessin du 17e siècle, figurant le gisant de Robert II de Beaumanoir Gravure BNF .
L ES GISANTS DES BEAUMANOIR ! ROBERT II DE BEAUMANOIR
(+1402)
Début du XVe siècle. CLMH. 02/06/1976. Provient de la chapelle funéraire des Beaumanoir. Pendant plus d’un siècle, cette pierre tumulaire a fait l’objet d’une attribution erronée. Pour les érudits du XIX e siècle, Luigi Odorici et l’abbé Fouéré-Macé notamment, la ceinture de fleurs et les courbes de la silhouette ne pouvaient que traduire la représentation d’un personnage féminin qu’ils identifiaient alors comme Typhaine du Guesclin, nièce du connétable et épouse de Jean V de Beaumanoir. Pourtant, la présence de pièces d’armures, de vestiges d’une courte épée, un examen attentif du visage, ainsi que l’étude d’un dessin de ce gisant réalisé au XVIIe siècle, confirment qu’il s’agit bien d’un homme, en l’occurrence Robert II de Beaumanoir, Maréchal de Bretagne.
@ J E A N I V D E B E A U M A N O I R (+1366) et # ROBERT DE BEAUMA-
NOIR (+ après 1347)
Seconde moitié du XIVe siècle. CLMH. 02/06/1976. Provient de la chapelle funéraire des Beaumanoir.
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Même s’ils ne sont pas identifiés avec certitude, ces deux gisants de facture et de taille très similaires représentent des membres de la famille
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Beaumanoir, probablement Jean IV, le héros du combat des Trente (1351), et son oncle, Robert de Beaumanoir, Maréchal de Bretagne. Incontestablement, le caractère médiocre de ces deux œuvres témoigne des difficultés économiques que connaît l’aristocratie bretonne en ces années 1340-1380, marquées par la guerre de Succession de Bretagne et ses conséquences. Moins coûteuse que la sculpture en relief, c’est la taille en cuvette qui est retenue malgré ses effets malheureux sur la position des jambes. On note également un certain archaïsme dans le costume militaire – qui évoque plutôt le premier tiers du XIVe siècle – ainsi que la persistance de certaines influences des plates-tombes d’Ile-de-France, à commencer par un visage juvénile idéalisé.
BNF MsFr Clairambault 941, fol. 211-216 Il s’agit du gisant de Jean V de Beaumanoir 3 Cette curieuse tombe a disparu et n’est aujourd’hui connue que par la description et le dessin qu’en a fait Clairembault 4 Le dessin qui accompagne la description ne permet pas de trancher entre le gisant de Jean IV ou celui de Robert de Beaumanoir 5 Il s’agit du gisant de Robert II de Beaumanoir. 1 2
2. Vue de la chapelle des Beaumanoir avant le retrait des gisants Gravure BM Dinan.
LA CHAPELLE DES BEAUMANOIR
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$ J E A N V D E B E A U M A N O I R
(+1385)
Dernier tiers du XIVe siècle. CLMH. 02/06/1976. Provient de la chapelle funéraire des Beaumanoir. Avec ce gisant – probablement importé d’Angleterre – la famille Beaumanoir fait preuve d’une anglophilie un peu surprenante pour une maison traditionnellement alliée aux Blois-Penthièvre. Aux traits caractéristiques de la sculpture funéraire d’Outre-Manche – les grandes dimensions, la présence d’un coussin – s’ajoutent quelques éléments qui témoignent d’un renouveau de cet art, notamment avec le monument funéraire élevé à Londres en hommage au Prince Noir et qui s’impose comme un modèle. En témoignent sur le gisant de Jean V, la représentation d’un corps svelte et élancé ainsi que la présence d’une barbe, en totale opposition avec les visages glabres qui caractérisent alors les gisants d’influence française.
Mentionnée en 1363 dans le testament de Jean III de Beaumanoir, la chapelle funéraire de la famille se situait à droite du chœur de l’église prieurale Saint-Magloire de Léhon. Grâce à une description du XVIIe siècle1, nous connaissons la disposition des quatre gisants qui y reposaient : […] y a du costé de l’Epistre une grande tombe posée au bout de l’autel de ladite chapelle sur laquelle est la figure d’homme portant ses armes, 2 anges à son chevet un lyon a ses pieds et le tout relevé en bosse2 […] Plus une autre tombe plate posée du costé gauche de la tombe cy dessus sur laquelle y a un grand lyon tout du long d’ycelle demy effacé en bosse3 […] Plus au-dessous des deux susdite y a une autre tombe la figure d’un chevalier et un lyon à ces pieds le tout relevé demy en bosse avec six marques d’écussons […] et n’y a aucun écrit ny datte. 4 […] Plus dans ladite chapelle au bout de la marche de l’autel du costé de l’évangile y a une tombe effacée sur laquelle y a une figure d’homme en coste autour de laquelle y a six écussons des armes de Beaumanoir comme est la figure cy après.5 Abandonnée lors de la fermeture du prieuré Saint-Magloire en 1767, la chapelle des Beaumanoir tombe en ruines au milieu du XIXe siècle. Sauvée et restaurée à partir de 1885 en même temps que l’église, la chapelle des Beaumanoir assure désormais la fonction de sacristie.
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MAISON DU GISANT Gisant d’un chevalier en arme Dernier tiers du XIVe siècle Retrouvé dans les années 1930 en pierre de réemploi dans la maison dite « du gisant ». C’est dans la rue de l’Horloge que l’on trouve le dernier gisant de Dinan. Bien que le costume militaire évoque les années 1310-1330, cette pierre sculptée se rattache plutôt au dernier tiers du XIVe siècle. Dans la région dinannaise, on note sur les pierres tombales des partisans
des Blois-Penthièvre certaines persistances qui évoquent une forme de nostalgie envers une époque révolue, antérieure à la guerre de Succession de Bretagne. Le gisant de la rue de la Horloge possède une autre particularité que nous indique l’absence de tête et d’armoiries : celle de n’avoir jamais été achevée. En effet, les artisans pouvaient sculpter des corps plusieurs années avant qu’une commande ne leur permette de personnaliser l’œuvre en y rapportant les armoiries ainsi qu’un visage aux traits du défunt.
GLOSSAIRE
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Enfeu : un enfeu désigne une niche en élévation, le plus souvent aménagé dans les murs d’une église, et destiné à recevoir un tombeau. À l’époque médiévale, les grandes familles rivalisent pour obtenir des enfeus dans les sanctuaires les plus prestigieux. Gisant : sculpture funéraire figurant le défunt en position allongée. Le gisant s’oppose à l’orant qui représente les personnages agenouillés et en prière. Gisant armé : sculpture funéraire qui apparaît à la fin du XIIe siècle. Jusqu’alors, la représentation des armes était jugée incompatible avec le repos de l’âme. L’essor des ordres militaires au moment des Croisades – Templiers et Hospitaliers – va changer le regard de l’église sur le combattant. Le gisant armé rencontre alors un grand succès auprès de l’aristocratie. Guerre de Succession de Bretagne : conflit qui oppose entre 1341 et 1364 la famille de Montfort, soutenue par l’Angleterre, à celle de Blois-Penthièvre, proche des rois de France, et toutes deux prétendantes au trône ducal. Après la mort de Charles de Blois en 1364 à la bataille d’Auray, Jean de Montfort devient le duc Jean IV de Bretagne. Pierre tumulaire : terme générique qui désigne l’ensemble des éléments lapidaires en lien avec la mort depuis la simple pierre tombale jusqu’aux monuments funéraires sculptés.
Plate-tombe : terme générique désignant une dalle ou une lame de pierre, fermant un tombeau et sur laquelle peuvent être gravées ou sculptées des inscriptions ou la représentation du défunt. Taille à la cuvette : il s’agit d’une technique qui s’apparente davantage à la gravure puisque l’artisan ne vient pas sculpter un bloc lapidaire en relief mais creuser directement dans la pierre. Plus rapide et plus économique, cette technique, qui ne permet pas de développer le personnage en trois dimensions est en revanche plus grossière. Sculpture en haut-relief : il s’agit d’une technique de sculpture en trois dimensions qui – contrairement à la ronde-bosse – n’est pas totalement détachée. Lorsque le haut-relief figure un personnage, celui-ci est le plus souvent représenté de face.
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1. Exposé dans la rue de l’Horloge depuis la seconde moitié du 20e siècle, ce gisant a donné son nom à la « Maison du gisant » - Photo ©service patrimoines Dinan.
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Rue Chateaubriand
DINAN-LÉHON 1 Maison du gisant 2 Basilique Saint-Sauveur
3 Église Saint-Malo 4 Église Saint-Magloire
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MAIS DANS L’ÉGLISE DU PRIEURÉ, ET TOUT AU BOUT, AU COSTE AUSTRAL DU CHŒUR, EST LA CHAPELLE DE BEAUMANOIR DONT LES ARMES SONT LÀ AU GRAND VITRAIL DU CHŒUR : D’AZUR À SIX OU DIX MAIS PLUS ORDINAIREMENT DIX, 4, 3, 2, 1 OU 4, 2, 4 BILLETTES D’ARGENT Croix A., Dir., 2006, La Bretagne d’après l’itinéraire de Monsieur Dubuisson-Aubenay, PUR, p. 210.
Les gisants de Dinan Basilique Saint-Sauveur Place Saint-Sauveur 22100 Dinan Église Saint-Malo Grand’rue 22100 Dinan Église Saint-Magloire Le Bourg 22100 Dinan-Léhon À proximité : Le Château de Dinan Rue du Château 02 96 39 45 20 La Tour de l’Horloge Rue de l’Horloge 02 96 87 02 26 Le prieuré Saint-Magloire Le bourg 02 96 87 40 40
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