Du "Neubau" à la Chambre de Commerce et d'Industrie: 400 ans d'Histoire.
HOTEL DU COMMERCE
MERCER
1585 Notes Historiques publiées à l'occasion du quatrième centenaire de l'Hôtel du Commerce de Strasbourg • par C h r i s t i a n L A M B O L E Y
photo BNU Strasbourg
Du "Neubau" à la Chambre de Commerce et d'Industrie: 400 ans d'Histoire. Notes
Historiques
publiées à l'occasion du quatrième centenaire de l'Hôtel du Commerce de Strasbourg par Christian LAMBOLEY Président de l'Association "Architecture et Patrimoine" STRASBOURG
Chambre de Commerce et d'Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin
1985
Les transformations successives de la Place GUTENBERG
2J L'édifice primitif et ses a n n e x e s .
Bâtiments démolis.
A. B. C. D. E.
Bâtiments subsistants (en partie détruits par les bombardements de 1 9 4 4 , mais reconstruits ou en reconstruction).
•
Alignements c r é é s par les c o n s t r u c t i o n s de 1 8 0 9 (place Gutenberg 11) et 1 8 6 8 (rue de l'Arbre-Vert).
L'édifice de 1 5 8 5 et ses dépendances dans la c o u r . L'escalier à vis, démoli en 1 8 0 9 . Hangars et appentis démolis en 1 8 6 8 . L'ancienne p h a r m a c i e , construite en 1 5 8 9 , acquise en 1 7 8 3 . L'Auberge «Zum grossen Cameelthier», acquise en 1 8 1 0 , démolie en 1 8 6 8 .
F. L'Hôtel de Ville de 1 3 2 2 («Pfalz»), démoli en 1 7 8 1 . G. La Chancellerie de 1 4 6 2 , partiellement détruite p a r incendie en 1 6 8 6 H. Ponts reliant les édifices municipaux. I. La Monnaie, de 1 5 0 7 , démolie en 1 7 3 8 . J.
Le Poêle de la Corporation du Miroir, reconstruit en 1 7 5 7 (rue des Serruriers) et 1 7 8 3 (Grand'rue).
K. Etals des Poissonniers. L. Puits publics. M. Emplacement du Monument Gutenberg ( 1 8 4 0 ) .
©
1985
Edité par la Chambre de Commerce
Sommaire
I
Voyage dans le temps,
5
II
L'église Saint Martin
III
La construction
IV
L'aspect extérieur du bâtiment,
13
V
L'architecte
15
VI
Place Saint Martin, Neubau et urbanistes: le XVIII siècle
1
7 9
e
17
VII La Révolution
19
VIII La Chambre de Commerce et son Hôtel jusqu'en 1860,
21
IX
25
Le Neubau et la Chambre de Commerce de 1860 à nos jours
Annexes: à propos d'Hôtel de Ville
29
Notes - Sources
31
3
I Voyage dans le temps Qui n'a pas imaginé un instant de pouvoir se transporter dans le Strasbourg médiéval? L'heureux bénéficiaire de ce voyage dans le temps aurait à plus d'un titre matière à s'étonner! Certes les points de repère principaux existent toujours: la Cathédrale, point de mire spirituel et optique, Saint Etienne à l'est, l'Ancienne Douane et Saint Thomas à l'ouest, Saint Pierre-le-Jeune au nord... Notre voyageur saura-t-il s'orienter dans le dédale de ruelles crasseuses et bigarrées de notre cité? Le mieux pour lui serait de gravir le sommet de la ville, la Cathédrale, comme le fera en 1548 Conrad Morant. De ce point tellement haut qu'on en oublie la sensation même de vertige, il contemplera, comme les guetteurs urbains, la cité à ses pieds. N'aura-t-il pas tout d'abord l'impression de se trouver bien plus haut que nous aujourd'hui, au même endroit? Car au-delà des remparts et de leur ceinture d'eau, s'étend la campagne: le marécage rhénan, large de plusieurs kilomètres derrière Saint Etienne et le couvent de Sainte-Claire, qui justement se nomme «im Woerth» pour le distinguer de celui au même nom, sur la Place du Marché-aux-Chevaux (Place Broglie); une grande plaine fertile émaillée de quelques fermes isolées et au loin, de villages d'où émergent quelquefois les tours d'une abbaye, du nord au sud, de Brumath vers les Vosges, et des Vosges vers Eschau et Sélestat. Et la ville? Carrefour et ville des routes (Strass Burg) certes, mais aussi ville de l'eau qui la protège, la nourrit et la purifie. Berges à l'étroit entre les maisons, comme sont encore aujourd'hui celles de petites rivières à Wissembourg ou Kaysersberg, cheminant entre lieux d'aisance et lavoirs; ville de canaux dans l'actuel «quartier suisse», et égoûts à ciel ouvert, comme le Fossé des Etudiants au nord, qui achève ainsi sa carrière d'antique fossé de fortifications. Ville trépidante aussi, dont le son des cloches, les bruits des artisans, les appels des commerçants, les jurons des charretiers, occasionnellement aussi comme de nos jours encore, les chants et la musique, mais aussi les odeurs fortes, montent à l'assaut de la flèche gothique. Car il ne faut pas oublier que quelque soient les efforts du Magistrat en ce domaine dès le XV siècle, la rue médiévale n'a rien de commun avec les aimables coulisses touristiques de nos zones piétonnes asseptisées: tout comme les habitants, les passants, les chevaux, vaches, porcs et autres animaux domestiques ont des latrines communes: la rue. Pour être juste, il n'en faudrait pas pour autant oublier dans ce catalogue des senteurs, les tanneries et boucheries certes, mais aussi l'odeur du bois brûlé, seule source de chaleur, et celle bien plus agréable encore des cuisines aux mets épicés. e
Ces premières impressions passées, notre nouveau «Persan», scrutant la mer houleuse des toitures, découvrira, s'il a l'œil exercé, à l'ouest, au-delà du tracé de l'ancien castrum près de la limite duquel il se trouve, les deux artères principales de la ville. - d'une part l'axe du commerce, qui du port (l'Ancienne Douane) au curieux et fier Pfennigthurm au nord, passe par la Place du Marché-aux-Poissons ou Place Saint Martin (Place Gutenberg), et celle du Marché-aux-Grains (les Grandes Arcades). - d'autre part l'axe principal de la ville, la Grand-Rue, qui débouche presque à ses pieds à une des entrées de l'antique Argentorate, la Rue des Hallebardes. Rien d'étonnant à ce que l'endroit où se rejoignent ces deux voies ait été choisi pour établir le centre politique de la République urbaine, après qu'elle eut évincé le pouvoir épiscopal en 1262. Quel est l'aspect de cette partie de la ville au début du XVI siècle? e
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Au nord de l'actuelle Place Gutenberg et au débouché de cette partie de la GrandRue devenue Rue Gutenberg, se dressent à droite la toute nouvelle Monnaie achevée en 1507, et de l'autre côté la Pfalz, l'hôtel de ville de 1321, et derrière elle enfin, la Chancellerie de 1464, reliée à la Pfalz par un pont au niveau du premier étage. Ces trois monuments ont en commun leur style, leurs pignons à redens, et le fait d'avoir été parmi les victimes de l'urbanisme pré-révolutionnaire. Rappelons ici que l'idée de conserver des monuments anciens comme témoins historiques date de l'époque romantique, en réaction à une période qui aurait aimé faire disparaître tout ce que l'on baptisa alors justement gothique, comme synonyme de barbarie. Premier disparu de ces édifices, du moins partiellement, la Chancellerie, dont seul subsista le rez-de-chaussée après l'incendie de 1686; puis ce fut le tour de la Monnaie en 1738, et enfin de la vénérable Pfalz en 1780; nous y reviendrons. Au débouché de la Rue des Serruriers, donc au sud de la Pfalz, existe une place exiguë aux multiples fonctions, délimitée au sud par l'église Saint Martin: la Place Saint Martin, dont la portion Est est le Marché aux Poissons, près de la fontaine du même nom, la partie Ouest un cimetière au moins jusqu'au XIV siècle, et le tout une place de marché à toutes les époques: les arcades sous la Pfalz sont des emplacements fort appréciés, où l'on trouve, entre autres, selliers et bouchers. Voilà planté le décor de l'actuelle Place Gutenberg, occasion de souligner aussi ce qui diffère entre nous et nos ancêtres pourtant pas si lointains. Si, à défaut de fouilles sérieuses, il est impossible de préciser jusqu'à quelle époque la Place Saint Martin fut également cimetière, elle porte encore, ou certaines de ses parties, ce qualificatif en 1526. L'usage d'un tel lieu à différentes fins n'avait rien d'anormal au Moyen Age, où l'espace intra muros était précieux. e
C'est enfin à la limite nord de cette place qu'on élèvera entre 1583 et 1585 la première partie de ce qui deviendra en 1808 l'Hôtel du Commerce, le Neuer Bau ou Neubau, de la construction duquel nous fêtons cette année le quatre-centième anniversaire. Pourtant, pour essayer d'en retracer brièvement l'histoire, c'est bien avant les années 1580 qu'il faut remonter, au début du XVI siècle, et à cet autre monument disparu, qui ne figure déjà plus sur le plan de Conrad Morant: l'église Saint Martin. e
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Il L'Eglise Saint Martin Non seulement le Neubau a été élevé en partie aux dépens de l'église - et non à son emplacement -, mais, fait qui semble avoir été ignoré jusqu'à présent, un Saint Martin transformé a bien failli remplacer la construction de 1585, et ce dès les années 1526-1529. Si l'on en croit Médard Barth (1), les origines de cette église, peut-être la plus ancienne église paroissiale de Strasbourg, seraient à rechercher au Haut Moyen Age. Le fait qu'elle soit placée sous le vocable de Saint Martin plaide d'ailleurs en faveur de cette hypothèse, et J.J. Hatt a souligné l'importance de l'actuelle Place Gutenberg dès la fin de l'Empire romain (2). Toutefois la première mention du monument se trouve dans le droit municipal de Strasbourg de 1129, où est explicitement mentionné le marché près de Saint Martin, «locus autem juridicionum est in foro juxta sanctum Martinum» (3). Si la base de colonne au sphynx sauvée des pelleteuses en 1974 lors du creusement du parking souterrain, peut être rattachée au XII siècle, l'édifice est agrandi et reconstruit vers 1243 (4), vraisemblablement en style gothique, puisque le texte de 1526 que nous verrons plus loin mentionne des arcs-boutants. En 1275 on lui adjoint un chemin de croix, après avoir construit en 1261 une chapelle sur le cimetière déjà fort exigu, et en 1372 les deux tours sont remplacées par des nouvelles, que Médard Barth pense reconnaître sur la vue de Strasbourg de la couverture de la «Scheldelscher Chronik» de 1493. e
L'église aux nombreux autels dédiés à différents saints, est encore au début du XVI siècle le siège de la confrérie des serruriers, qui commande en 1516 un retable au sculpteur Nicolas Hagnower, renommé entre autres pour son maître-autel de 1501, à la cathédrale. e
L'œuvre malheureusement disparue représentait en son centre une Vierge à l'Enfant, au dessous la Résurrection du Christ, à droite Sainte Anne et à gauche Saint Joachim, ainsi que Sainte Véronique et deux anges dans la prédelle, le tout pour 52 florins du Rhin (5). Tout comme finalement le monument lui-même, ce retable fut victime des «radicaux» de la Réforme, qui en 1524-1525 saccagèrent l'église de fond en comble sous prétexte d'idolâtrie. Que faire alors du bâtiment dévasté, d'autant plus que la Réforme avait sonné le glas du facteur religieux à la base des confréries? Un texte du 19 novembre 1526 propose une solution autre que la démolition pure et simple (6). Il s'agit en bref d'araser les tours au niveau des toitures environnantes, de supprimer le chœur, de créer à l'intérieur du bâtiment quatre pièces séparées par un couloir central et de l'entourer d'une galerie marchande, tout en profitant de l'opération pour élargir quelque peu les ruelles environnantes. Les architectes de la ville ne semblent pourtant pas convaincus par le projet, et invoquant les mauvaises fondations de l'ouvrage, dont une voûte du chœur faillit s'écrouler déjà en 1491, déclarent qu'il n'est pas bon de construire du neuf sur du vieux et qu'il vaut, somme toute, mieux tout arracher pour construire le nouveau bâtiment prévu. Le Magistrat a-t-il poussé en cette direction? S'il faut accueillir avec précaution l'argument du mauvais état constructif, triste refrain plus qu'éculé de nos jours, il faut croire qu'on s'est néanmoins rangé à l'avis des Werckmeister, puisqu'en 1529 l'église est démolie, et sa cloche adjointe au carillon de la cathédrale. Toutes proportions gardées, voilà le «trou des Halles» de l'époque, puisqu'il faudra attendre cinquante ans, près de deux générations, avant que le Magistrat ne se préoccupe à nouveau de réutiliser cet espace vacant. Cinquante ans surtout, pendant lesquels l'on découvre, depuis la place principale de la ville, nombre 7
de constructions lépreuses, masquées jusqu'alors par l'édifice gothique disparu. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps? En l'absence de texte explicite sur la question, il reste difficile de donner une explication satisfaisante en ce qui concerne le choix de la date de construction, toutefois le contexte historique et financier permet-il de suggérer des raisons pour le retard subi par l'opération. En effet, ayant embrassé la Réforme en 1525, la ville se préoccupe alors surtout de trouver la position la moins inconfortable possible dans les conflits opposant le pouvoir impérial resté catholique et nombre de ses sujets protestants. Conflits et tiraillements dont un troisième larron essaye déjà de profiter, certes avec moins de succès que cent ans plus tard: le roi de France. Période longue et pénible, émaillée de famines et de levées de troupes, où la majeure partie des rentrées financières de la ville, en particulier l'impôt dit Stallgelt, servent à compléter et à renforcer les fortifications urbaines, mais aussi à participer financièrement à la vie de l'Empire dont on ne veut pas devenir marginal: Romzug impérial, expéditions militaires contre les Turcs, etc.. (7). Avec la Paix religieuse d'Augsbourg en 1555, débute une période de calme qui durera jusqu'en 1618. Continués par Specklin à la fin des années 1570, les travaux de fortification deviennent donc moins urgents. Et si la période culturelle baptisée aujourd'hui «siècle d'or» est depuis longtemps révolue, une situation politique très différente de celle de 1526 permet au Magistrat d'envisager une construction de prestige qui par ailleurs pose des problèmes tout à fait inattendus. En effet, sauf en ce qui concerne les arcades du rez-de-chaussée à louer à des marchands comme à la Pfalz voisine, aucun usage précis des nouveaux locaux n'est prévu! Il est donc difficile d'admettre, à la suite de Winckelmann (8), qu'il s'agissait là seulement de masquer les maisons en mauvais état bordant la place, et ce à grands frais. Les membres du Magistrat se plaignent d'ailleurs à l'occasion, du coût élevé de l'opération (9). Dans ce contexte, l'explication proposée par Françoise Levy-Coblentz, qui présente le Neubau en opposition avec la nouvelle aile de la maison de l'Oeuvre NotreDame achevée la même année par Hans Thomas Ulberger, semble particulièrement intéressante. La seconde reste largement attachée à une tradition gothique, certes tempérée par ses aménagements intérieurs, alors que le Neubau dont le «mécène» n'est autre que le Magistrat, s'ouvre pour la première fois largement aux spéculations artistiques nouvelles, soutenues par une grande partie de la bourgeoisie. L'œuvre en devient tout à fait originale, car l'art alsacien aurait déjà été acquis au maniérisme, avant que les théories artistiques de la Renaissance italienne ne le touchent. Quelques autres œuvres de la même époque, certes moins importantes, représentent des caractères similaires avec le Neubau, et «il faut voir dans leur classicisme insolite, presque anachronique, une entreprise éphémère, celle d'artisans réunis fortuitement sur les chantiers strasbourgeois, et séduits passagèrement par des formules décoratives qu'ils découvrent ensemble, mais qu'ils n'hésiteront pas à abandonner sitôt séparés, repris ailleurs par les impératifs du goût de leur temps» (10). Nous découvrons ainsi Strasbourg en tant que carrefour artistique important au cours de ce second XVI siècle tourmenté, ce qui lui a valu un édifice dont Hans Haug a souligné «l'aspect de majesté reposante à peu près unique à cette époque dans les pays de l'ancien Empire germanique» (11). e
En même temps prototype et chef-d'œuvre, le Neubau contribuera, sous la houlette du Magistrat au sein duquel les hésitations et discussions à son sujet sont nombreuses comme nous le verrons, à introduire officiellement l'art nouveau de la Renaissance à Strasbourg. 8
III La construction Bernhardt Hertzog note pour l'année 1582 dans sa chronique: «Anno 1582 in dem Mertzen ward das Fundament / an dem jetzigen newen bauw auff S. Martins platz gegen der newen Cantzley gelegt / vnnd hernach der Baw von tag zu tag auffgefuehret vnd volnbracht worden» (12). (L'an 1582 en Mars, furent posées les fondations de l'actuelle nouvelle construction sur la Place Saint Martin, à côté de la nouvelle Chancellerie, et depuis, de jour en jour, le bâtiment fut élevé et achevé). Il aura fallu bien des péripéties pour en arriver là, occasion aussi pour observer comment l'on procédait à l'époque à la construction d'un bâtiment d'une telle importance. Ce n'est que le 27 juillet 1579 que le Magistrat s'inquiète de l'état de la place Saint Martin, et nomme en son sein une commission chargée de s'en occuper (13). Aucun des trois membres de cette dernière n'est architecte, et aucun document concernant les tractations entre cette commission et les hommes de l'art ne nous est conservé. Toujours est-il qu'elle rapporte ses résultats au Magistrat le 5 novembre 1580, donc plus d'un an après. Plusieurs projets ont été vus, et il a été fait une maquette en bois de celui retenu par la commission. Le Magistrat se déclare alors favorable à ce projet, et l'on retrouve la maquette en avril 1581 au Conseil des XIII. Comme elle a été ensuite perdue, on ne sait donc ni qui l'a faite, ni si elle concorde avec le bâtiment finalement construit. De même ignorons-nous tout des auteurs des différents projets. Le reste de l'année 1581 est mis à profit pour préparer le terrain. En effet, la ville n'est propriétaire que de l'emplacement de l'église démolie en 1529, qui ne suffit pas au projet. Il a donc fallu qu'elle acquiert plusieurs maisons de la rue des Serruriers, ainsi que celles bordant la rue s'étant trouvée juste derrière l'église, Immegasse ou Kirchgasse, parallèle à la rue de l'Epine. En février 1582, le Magistrat charge la susdite commission de procéder aux préparatifs du chantier: aplanissement, fondations, recherche de matériaux de construction. Il est de plus décidé d'acquérir encore quelques maisons de la rue de l'Epine, afin de donner plus d'espace à la cour intérieure du nouveau bâtiment et de permettre un accès à celle-ci par la rue de l'Epine. Occasion pour l'un ou l'autre exproprié, de faire monter les enchères pour une masure pratiquement inhabitable. Ainsi le chantier n'avance guère, et à la fin du mois d'août de la même année, seuls les premiers travaux de fondations ont commencé, d'autant plus que l'on manque de voitures pour évacuer les déblais des terrassements. A la fin janvier 1583, les membres de la commission rapportent que rien ne dépasse encore le niveau du sol, alors qu'on avait donné l'ordre au maître d'œuvre de se rendre aux ateliers de la ville et à la carrière, le 14 janvier, pour voir ce qui s'y passe (14). En même temps, on se plaint de la négligeance du conducteur des travaux Frauler (23 janvier). Le 25 mars finalement, ce dernier rapporte qu'il s'est rendu à la carrière, et que de nombreux claveaux y sont prêt à l'emploi. Il est alors décidé de les faire amener par des charretiers de l'Hôpital et de l'Oeuvre Notre Dame. Ce n'est enfin que le 14 octobre que l'on apprend que les voûtes et arcades du rez-de-chaussée sont en voie d'achèvement, et qu'il faudrait les couvrir pour l'hiver. A première vue, ce serait surtout par manque d'organisation qu'il aura fallu dix mois pour en arriver là, mais les hésitations du Magistrat y ont certainement, et dès ce moment, également contribué. En effet, dès janvier 1584, de vives discussions au sein du Magistrat montrent son indécision quand au bâtiment et à sa destination. Lorsque le 20 janvier les 9
maîtres d'œuvre s'enquierrent de savoir comment il faut construire l'étage, afin de pouvoir organiser rationnellement la taille des pierres, on demande à Daniel Specklin de faire plusieurs projets pour l'aménagement intérieur de cet étage. Cela prouve bien qu'il n'en existait pas de plan précis, et surtout qu'on ne savait pas réellement à quoi il devait servir. Si les deux membres adjoints à la commission de construction défendent le projet d'une halle commerciale, on se décide pourtant finalement dans le sens premier de salles de réunion pour les corps urbains. Mais au même moment, prétextant des raisons économiques, certains membres du Magistrat proposent de ne pas construire le second étage initialement prévu. Si les architectes de la ville parviennent un instant à convaincre que ce serait là défigurer le monument, des problèmes d'ordre constructif cette fois remettent la question à l'ordre du jour à l'automne. Entre temps en effet, en octobre, le premier étage étant achevé, un certain nombre de voûtes du rez-de-chaussée se sont écroulées ou présentent d'inquiétantes fissures. La construction pourra-t-elle supporter encore un étage? On est pourtant bien obligé de constater que ce ne sont pas les fondations qui se sont tassées, mais que seuls sont en cause l'enlèvement trop hâtif des coffrages, ainsi que des voûtes pas assez cintrées (15). L'on procède alors à la construction d'une toiture provisoire pour l'hiver, afin de préserver la fragile maçonnerie des intempéries. L'indécision concernant le second étage a pourtant été bien loin, puisque Hugo Haug note que, lors d'un ravalement de façade en 1912, on a pu remarquer que sous le crépi, au dessus du premier étage, se trouve une corniche de toiture en pierres taillées, probablement martelées et dissimulées sous le crépi, lorsqu'on se décida néanmoins à élever encore le bâtiment. Cela en dit long sur les hésitations du Magistrat! Au printemps 1585 - date sculptée au dessus du portail -, il y a donc 400 ans, le gros-œuvre du Neubau est achevé, et fin avril, la commission de construction organise un repas festif pour les ouvriers, la ville faisant à cette occasion couler un peu de vin de ses caves. En juillet enfin, les arcades du rez-de-chaussée, tant attendues, sont louées à bail à des artisans et commerçants (16), emplacements d'ailleurs fort appréciés jusqu'en 1779, moment où la ville a besoin de cet espace (17). En 1776 encore, c'est presque journellement que les demandes affluent pour un emplacement vacant (18). Que faire pourtant du reste de cette vaste bâtisse? Il avait certes été décidé en janvier 1584 d'installer des salles de réunion au premier étage, mais rien pour autant ne se passe. Ce n'est qu'en mars 1587 que le Magistrat ordonne, toujours à la même commission de construction, de faire des propositions quant à l'usage du bâtiment. La commission ne parvient pourtant pas à se décider, et le 19 juin, le Magistrat au grand complet visite les lieux, puis renvoit l'affaire le 30 août à une commission renforcée. Les lenteurs administratives ne sont pas une invention de notre siècle, tant s'en faut! Le 6 mai 1588, après une nouvelle visite des lieux, il est enfin décidé d'installer une salle pour le Grand Conseil ou les Echevins. Il est d'ailleurs probable, comme l'admet Winckelmann, que la visite d'une importante délégation zurichoise venant renouveller l'alliance entre Zurich et Strasbourg ait été à l'origine de cette décision. Pour cette cérémonie, le Neubau semblait idéal, et la délégation y fut donc accueillie le 13 mai de la même année. La salle existait donc, puisqu'il eut été difficile de l'aménager en une semaine, d'autant plus que les Echevins y avaient siégé exceptionnellement le 7 mai. Il semble plausible qu'il s'agisse là de la salle lambrissée en 1585 par le menuisier Maître Veit Eck pour la somme de 120 livres, sur ordre des Directeurs des bâtiments. Simplement, elle ne répondait pas à un besoin réel. D'ailleurs, le Conseil et les XXI resteront encore longtemps dans leurs salles de réunion de la Pfalz. Toutefois, l'on se réuni occasionnellement dans le Neubau 10
en 1589 ou en 1670, lorsque de grands travaux de peinture sont nécessaires dans les salles de la Pfalz. Si au fil des démolitions d'édifices publics de la ville, le Neubau se remplit peu à peu, ce n'est qu'à partir du moment où, après Blondel, Boudhors présente son projet de nouvel hôtel de ville, en 1779, que le Magistrat emménage au grand complet dans le Neubau qui, jusque-là, garde ce nom. Encore n'est-ce que provisoirement, comme nous le verrons, tant d'abord par choix à cause du projet de Boudhors, que finalement par nécessité, à cause de la Révolution qui ajourne ce grand projet, mais saccage le bâtiment... contribuant peut-être, paradoxalement, à le sauver. N'est-il alors pas quelque peu abusif de parler de «mairie» ou de «nouvelle mairie» à propos de ce bâtiment qui n'hébergera les services municipaux que durant quatorze ans? Le Château des Rohan abritera le nouveau Conseil municipal de Strasbourg de 1793 à 1805, soit deux ans de moins seulement que le Neubau. N'aurions nous pas, en baptisant ce bâtiment «mairie», emporté à notre insu, au travers des siècles, les hésitations du Magistrat des années 1580?
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IV L'aspect extérieur du bâtiment Nous ne nous étendrons pas sur l'analyse monumentale du Neubau, Hans Haug l'ayant fait ailleurs mieux que nous ne le pourrions (19). R. Recht résume fort bien le problème, en écrivant qu'il s'agit d'une «construction fort remarquable. Sa façade présente une ordonnance monumentale où sont superposés les trois ordres toscan, ionique et corinthien - tandis que le rez-de-chaussée qui était destiné aux marchands, est voûté sur croisées d'ogives» (20). Quel était l'aspect du bâtiment à la fin du XVI siècle? Tout d'abord, comme nous le verrons plus loin, il n'avait qu'une façade sur la place, prolongée en 1868, après la démolition de la maison «zum grossen Kameeltier» jusqu'à la rue de l'Arbre Vert, et une façade rue des Serruriers, le tout formant comme une réponse à la vieille Pfalz. Le portail sur la place était donc en quelque sorte déporté vers la gauche, alors qu'il l'est vers la droite actuellement. e
L'accès aux étages se faisait par un pont en pierres enjambant la rue des Serruriers, depuis la Chancellerie, démoli en 1793, ainsi que par un escalier à vis dans l'angle nord de la cour intérieure, démoli en 1889, et remplacé à cette date par deux escaliers intérieurs. Une marche de cet escalier richement décoré a été retrouvée, et M. Czarnowsky a pu en faire un essai de reconstitution idéale en 1947. Entre autres, l'escalier contemporain de l'Oeuvre Notre Dame, quoique moins richement décoré, permet de se faire une idée de cette construction dont le revers des marches, richement sculpté, formait plafond. «Celui-ci s'inspirait d'une rose gothique, mais comprenait aussi des éléments de la Renaissance» (21). C'est ce mariage subtil de deux styles différents et que l'on rencontre dans tout le Neubau, qui en fait une œuvre originale et typiquement strasbourgeoise. Mais outre les sculptures disparues du portail, «une statuette de Mercure, flanquée sur les rampants de deux figures féminines couchées» (22), c'est surtout la disparition des peintures qui change profondément l'aspect du monument. En effet, comme tous les édifices municipaux de la place, il était peint à la fresque. Il n'existe toutefois aucune représentation de ces décors, probablement dues au peintre Wendling Dieterlin. Jean Hermann note pendant la Révolution, qu'après le pillage de 1789, «cette maison fut raccommodée et en 1797 elle fut tout à fait repeinte en couleur de terre. Auparavant elle l'avait été en fresque. Le second étage représentait des sculptures gothiques. Au dessus (?) des fenêtres du premier étage étaient peintes des figures allégoriques, une seule grande figure humaine couchée. Voilà ce que j'ai pu distinguer encore des quatre dernières. La première avait l'inscription grecque Nomothalès et dessous, Esaias. Sap I V . 1 , Macc. 3,2. Macc 1 . Celle d'après représentait un homme tenant un crible, avec l'épithète Eucratcia, Corinth. 6, Timoth. 4, Galat 5. La troisième portait Sebast... Jacob 3, Ephes. 4, Tit. 3 , 1 , Patr. 3. La quatrième Poneticos, Syrach. 6, 50, Hebr... Apocal. 2» (23). Ensemble d'allégories plus ou moins théologiques, de la même veine et de la même époque que celles ornant la maison Kammerzell ou l'Horloge astronomique, donnant à la ville un aspect coloré conservé encore dans certaines cités suisses. Somme toute, le bâtiment actuel est-il donc fort différent de celui de la Renaissance, et, comme nous le verrons encore, son aménagement intérieur a souffert encore plus des outrages des hommes et du temps.
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V L'architecte A construction exceptionnelle, architecte exceptionnel. Nombre d'historiens ont tenté de retrouver ce créateur hors-pairs, sans jamais parvenir à une réponse satisfaisante. Et pour cause, puisque la réponse communément admise de nos jours, est qu'il s'agit là d'une création collective. Il paraît néanmoins intéressant d'esquisser une brève historiographie du sujet, qui est aussi celui de l'article de Winckelmann déjà cité. Jusqu'à ce que von Czihak attribue le bâtiment à Johannes Schoch en 1889, il était communément admis d'y voir une œuvre de ce grand ingénieur des fortifications qu'avait été Daniel Specklin. Il est vrai qu'il marqua son époque, et que la tradition voulut lui attribuer tout monument hors du commun. Il ne faut toutefois pas se laisser abuser par son titre, en fait honorifique, de Stattbaumeister, architecte en chef de la ville, et qu'il porta de 1577 à sa mort en 1586. Von Czihak appuie son hypothèse sur deux éléments dont peut-être d'abord l'apparente similitude avec le Friedrichsbau de Heidelberg, plus tardif que le Neubau, et dû à Schoch. D'autre part, si l'un des écussons de la retombée de voûte de l'entrée porte les initiales P M, incontestablement celles de Paul Maurer de Zurich, venu à Strasbourg en 1583, l'autre porte les lettres I S, où v. Czihak pensait reconnaître Iohannes Schoch. Winckelmann a remarqué très justement qu'il était fort curieux qu'un charpentier se soit servi d'un signe lapidaire de tailleur de pierres, mais surtout que Schoch était absent de Strasbourg de 1583 à 1585, justement les années de construction. Il attribue quand à lui les initiales et le signe lapidaire à Jörg Schmit de Schaffhouse, conducteur des travaux au Mauerhof depuis février 1583, et qui d'ailleurs, à tort ou à raison, fut considéré comme responsable de l'écroulement d'une partie des voûtes du bâtiment à l'automne de la même année. On ne saurait toutefois attribuer plus que la réalisation à Schmit et à Maurer, puisqu'ils n'avaient encore aucun lien avec Strasbourg à l'époque où s'élaboraient les projets, avant 1582, et la question quand au créateur lui-même reste ouverte. Schoch, bien qu'officiellement seulement maître charpentier, était néanmoins un architecte de talent. Mais la seule parenté apparente entre le Friedrichsbau et le Neubau ne suffit pas à pouvoir lui attribuer ce dernier. Par ailleurs, s'il a, à côté de Specklin, proposé ses propres projets pour la restauration du château de Herrenstein en 1582, le projet d'une construction Place Saint Martin l'aurait-il laissé indifférent? Cela reste peu probable, d'autant plus que, parmi les plans et croquis inventoriés après sa mort, se seraient trouvé, si l'on en croit l'inventaire, des plans concernant la Pfalz et la Place Saint Martin qui ont malheureusement disparu. Son départ volontaire de Strasbourg enfin, pour le service du Margrave de Bade en 1583, pourrait également être mis sur le compte de difficultés à s'imposer, de problèmes de personnes au sein de l'équipe strasbourgeoise, où il n'était finalement que maître charpentier. Tout cela d'ailleurs est-il vraiment primordial? Françoise Levy-Coblentz (24) précise avec raison que le maître d'œuvre n'était finalement autre que le Magistrat lui-même, pour qui «le talent se monnaye comme n'importe quelle denrée... c'est pourquoi les noms et les personnes s'effacent devant les fonctions», seuls éléments enregistrés par les greffiers de la ville dans la plupart des cas. Mais le plus important reste que, si le «Magistrat-mécène» soutient le style nouveau, les créateurs viennent des chantiers urbains, le Mauerhof et le Zimmerhof. Il faut alors souligner la mobilité des artisans de l'époque, qui se retrouvent en ce carrefour qu'est Strasbourg, et tout particulièrement peut-être ceux des régions acquises à la Réforme, de la Suisse et de l'Allemagne. Ils y travaillent en commun et y échangent leurs idées. 15
L'étude de G. Groeber en 1954 sur les marques lapidaires du Neubau confirme «l'habitude des tailleurs de pierre de changer souvent de chantier et de lieu. Du grand nombre de tailleurs de pierre - parmi eux se trouvaient beaucoup d'étrangers de passage à Strasbourg - on peut conclure, qu'il y a eu beaucoup de changements au chantier de la ville («Mauerhof») où l'on taillait les pierres à cette époque pour de nombreuses constructions» (25). C'est peut-être là qu'il faut chercher la richesse architecturale, le secret de la perfection du Neubau. Et dès lors, peu importe «qu'il y ait eu ou non, plusieurs architectes, qu'ils se soient succédés ou qu'ils aient dirigé simultanément les travaux, le même esprit de recherche les animait, celui qui régnait sur les chantiers municipaux...» Le résultat de cette «coopération fructueuse», nous l'avons devant les yeux.
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Place Saint-Martin, Neubau et urbanistes: le XVIII siècle e
N'y aurait-il pas en chaque architecte un urbaniste qui s'ignore? Il est probable qu'il n'y en ait que peu qui n'aient pas cédé à un moment ou à un autre de leur carrière, à la tentation de redresser ou de «mettre en valeur» un tissu urbain préexistant, la satisfaction d'imposer - au moins sur le papier - leur volonté tant à leurs contemporains qu'à leurs ancêtres. Combien de programmes ambitieux dont on ne peut le plus souvent que se féliciter qu'ils n'aient pas pu se faire, ainsi cette Place d'Armes (Place Kléber), dont la maquette est exposée au Musée Historique: de l'Aubette au mètre linéaire, tout autour de la place...! Prenons-en néanmoins une portion convenable à disposer en carré entre la rue du Vieux-Marché-aux-Poissons et la rue de l'Epine, la rue du Poumon et celle des Serruriers, y compris quelques alignements stricts des pâtés de maisons alentour, voilà à peu de détails près, le projet de Blondel, architecte qui se penche sur l'urbanisme strasbourgeois dès 1764, pour le nouvel Hôtel de Ville de Strasbourg (26). Ce n'est pas ce projet, mais une des versions de celui de Boudhors, Inspecteur des Bâtiments de la ville de 1777 à 1789 et de 1801 à 1810, qui sera retenu en 1779 par le Magistrat, signant par là même l'arrêt de mort de la vénérable Pfalz (27). Dans la première version, la nouvelle construction, hors d'échelle malgré ses aimables rondeurs, remplace la Pfalz, approximativement au même emplacement, en bouchant la perspective de la rue des Serruriers, comme celle de la rue des Hallebardes. Le second projet est à plan central: le même bâtiment se trouve au milieu d'une place créée de toute pièce aux dépens des bâtiments alentours, ainsi d'ailleurs que du Neubau, et entourée d'arcades. Le troisième, enfin, place toujours le même bâtiment au centre de l'actuelle Place Gutenberg, respectant ainsi les anciennes perspectives des rues, mais transformant le pâté de maisons de l'actuel Hôtel du Commerce... en une Place de l'Hôtel de Ville bien rectangulaire. Tout comme dans les années 1526-1579, nous pouvons légitimement poser la question de la nécessité d'une telle construction. Nécessité dans le cadre desquelles nous pouvons également faire entrer celles d'ordre artistique ou représentatif. Il est un fait que, depuis la Renaissance, la manie des places bien ordonnancées a envahi l'Europe, pour parvenir en France au XVII siècle à la forme de ces Places Royales qui peu à peu encombrent le royaume. La, ou plutôt, les places de Boudhors sont-elles «françaises», sur la trace des plans «d'embellissement» du Prêteur Royal Gayot et de Blondel, lancés en 1764, ou ont-elles un caractère plus spécifiquement strasbourgeois? Le bâtiment lui même répond-il à une nécessité de place, donne-t-il suffisament d'espace au Magistrat dans les deux projets prévoyant aussi la disparition du Neubau? Il est certain qu'il répond à un désir de centralisation des affaires de la ville, regroupant sous un même toit Magistrat et Corporations, permettant ainsi un meilleur contrôle des secondes par le premier. Mais il est aussi dans la ligne d'une évolution, qui au fur et à mesure de la disparition des bâtiments officiels de la ville, regroupe de plus en plus de services dans le Neubau, sans pour autant, répétons-le, en faire un Hôtel de Ville à part entière, rôle que joue toujours la vieille Pfalz. e
La Chancellerie d'abord, disparaît dans l'incendie de 1686, et il n'en reste que le rez-de-chaussée, jusqu'à sa démolition définitive en 1798, malgré différents plans de reconstruction jamais entrepris. La Monnaie, ensuite, est arrachée en 1738, et le Pfennigthurm réduit à l'état de moignon. Combien de trésors et d'archives vénérables déjà transférés dans le Neubau, ainsi que de services! Dès le moment tou17
tefois, où en 1779 on commence à déménager tout le contenu de la Pfalz dans le Neubau, des problèmes de place commencent à se poser. Dès cet instant le bâtiment est réellement utilisé de fond en combles, et, le 29 février de la même année, est prise la décision de rompre le bail des marchands installés sous les arcades, pour gagner de la place (28). Même dans la grande salle lambrissée du premier étage, avec ses 15 x 20 mètres, tout comme dans les autres locaux, des problèmes jusque-là insoupçonnés se posent. Dès 1780, la relative surpopulation fait que les fourneaux doivent être équipés d'écrans (29) et dans la grande salle justement, on réclame un poêle en faïence pour remplacer celui en fonte près duquel on ne peut se tenir, à cause de la chaleur. Il faut pour cela faire venir un poëlier de Colmar (30). En mai, ce sont les latrines trop peu aérées, qui tracassent le «service d'entretien», et il est décidé de les aérer au moyen de deux tuyaux en bois ou cheminées (31). Les aménagements deviennent innombrables. Ainsi faut-il munir la Chambre des XV de portres vitrées entre les trois colonnes (donc au rez-de-chaussée?) et y installer une petite table et douze chaises (32), mettre en place les inscriptions sur les portes, tendre des tapis sur les tables. Il est projeté, en janvier 1781, de construire des remises pour les carosses de la ville dans la cour du Neubau (33). Enfin, pour gagner encore un peu de place, le Magistrat achète, en 1787, le bâtiment rue des Serruriers qui existe toujours et fait l'angle avec la rue de l'Epine. Le Magistrat est donc bien en butte à l'exiguité d'un local qui n'avait jamais été construit pour l'abriter. Par ailleurs, si le déménagement des archives de la Pfalz semble quelque peu traîner, on sent une hâte quelque peu incompréhensible, presque une rage d'en finir. Le 11 mai 1780, guère plus d'un an après la décision de démolir, il est enjoint une fois de plus d'accélérer les travaux de démolition après l'évacuation des archives (qui n'est donc pas encore finie malgré le début des travaux) pour qu'ils soient achevés à la Saint-Jean, afin de pouvoir installer des boutiques pour la foire sur l'emplacement du bâtiment (34)! Pourtant, le 20 mars 1781, l'opération qui s'éternise comme à regrets, n'est pas encore achevée, puisqu'on évalue encore à au moins 80 livres les travaux résiduels d'aplanissement et d'arrachage des fondations (35). Travaux fort bien menés d'ailleurs, puisqu'en 1974 l'on retrouvera les fondations de l'église Saint Martin et celles de la Chancellerie, mais pas celles de la Pfalz! Jamais pourtant l'état constructif de la Pfalz ne semble évoqué pour en excuser la démolition, et jusqu'en 1778 on y procède à des travaux d'entretien courants: réparation des bacs à cendres, d'un coin de plancher, changement de vitres, curage de gouttières, réfection de serrures... Rien ne permet de penser que la vénérable bâtisse était d'une manière ou d'une autre dans un état rendant sa disparition inéluctable. Son seul péché, capital, fut décidément son style résolument gothique, rappel de l'Empire et d'une liberté disparue, et peut-être aussi obstacle moral à la francisation uniformisante du pouvoir royal. Ses dépouilles furent, soit vendues aux Strasbourgeois, ainsi la balustrade (36), soit employées à l'agrandissement de l'Ancienne Douane, afin de diminuer le coût de l'entreprise de démolition (37). Déménagements et sacrifices finalement inutiles, puisque la nouvelle Pfalz de Boudhors ne vit jamais le jour et que les vieilles institutions de la ville de Strasbourg, ou du moins ce qu'il en restait, ne survécurent pas plus d'une décennie à la disparition de leur symbole architectural. Avant de clore ce chapitre sur les urbanistes du XVIII siècle, il convient enfin de signaler le projet de théâtre de Boudhors, toujours au centre la place. A moins qu'il ne s'agisse là d'une allusion acerbe au rôle réduit du Magistrat ou de la municipalité de l'époque, l'unique intérêt de cette masse colossale aurait été l'étonnement provoqué par sa seule présence à cet endroit... e
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VII La Révolution Depuis le printemps 1789, les Strasbourgeois réclamaient un nouveau et plus équitable mode de désignation des membres du Magistrat. Mais une fois parvenue à Strasbourg la nouvelle des événements parisiens de ce mois de juillet 1789, les temps sont à l'agitation. Le 20 juillet, la foule rassemblée devant le Neubau réclame la suppression de l'octroi et de l'accise sur la viande et le pain, en lançant de nombreuses pierres contre le bâtiment où se trouve réuni le Magistrat, qui finalement accepte la revendication. Le lendemain toutefois, le bruit court que le Magistrat serait revenu sur sa décision. De nouveau, une foule menaçante s'attroupe devant le bâtiment. Les esprits s'échauffent, et finalement la populace munie d'échelles prend le Neubau d'assaut. Se déroule alors la scène fixée par la gravure de J. Hans et J.M. Weis et qui orne la plupart de nos manuels d'histoire: tant le Neubau que ce qui reste de l'ancienne Chancellerie, sont vidés de leur contenu, meubles et archives volent par les fenêtres et couvrent bientôt la place. Même la toiture n'est pas épargnée. Ce n'est que lorsque ce «travail» est pratiquement achevé, que les troupes du Maréchal de Rochambeau, qui assistent jusque-là impassibles au spectacle, reçoivent l'ordre d'intervenir et dispersent les vandales enivrés par le vin qu'ils ont trouvé dans les caves. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps? Comme souvent, ce sont surtout des intérêts particuliers qui profitent du désordre, et en l'occurence, semble-t-il, le Baron de Klinglin, Lieutenant du Roi, qui aurait donné l'ordre de ne pas intervenir, espérant que soient ainsi détruites ou récupérées par ses soins, les pièces du procès de son père mort en prison en 1753. Quelque soit le soin avec lequel on a ensuite essayé de ramasser les archives de la ville qui jonchent la place, nombreuses sont celles qui portent encore les stigmates de cette aventure, et de nombreux et précieux documents ont disparu à tout jamais dans la tourmente. Le rafistolage provisoire du bâtiment ne permet pas pour le moment au Magistrat de s'y réinstaller, et il se retire momentanément à l'Aubette. Enfin, le 18 mars 1790, le dernier Stettmeister, le Freiherr von Wurmser, cède la place au premier maire élu, Frédéric de Dietrich. La République de Strasbourg est morte, et une page de plus de cinq cent ans d'histoire est tournée. Le Neubau réorganisé devient alors «Maison du Peuple», alors que la Place Saint Martin se voit rebaptisée Place du Marché aux Herbes, avant de devenir Place Gutenberg en 1840. Une galerie est installée, pouvant contenir au moins cent personnes, dans la grande salle du premier étage, et l'activité devient fébrile à l'intérieur du bâtiment; mais pour peu de temps. Toujours le même et ancien problème de place se pose. En 1793, la jeune municipalité déménage dans le Château des Rohan, devenu bien national et acheté par la ville. Cette même année, l'arc entre la Chancellerie et le Neubau est démoli, la cave dite Neubaukeller est louée au citoyen Rivage pour la somme de 2000 livres par an, et trois pièces de l'ancienne pharmacie Rue des Serruriers sont louées au nouveau Tribunal Commercial pour ses séances. Pour le reste, le bâtiment est vide. La façade est néanmoins ravalée avec une couleur terre, et peut-être qu'est aussi mis en place, vers la même époque, la tête de Mercure ornant le porche. En 1795, le Neubau est vendu en trois lots à des Strasbourgeois qui fondent une société par actions pour le gérer, et le transforment pour le rentabiliser. On ne sait pratiquement rien de ces transformations, qui ont pourtant contribué à la disparition d'une partie de l'aménagement d'origine du bâtiment. (38) 19
Toujours est-il que le rez-de-chaussée retrouve son rôle commercial, le premier étage est transformé en café, le second et les maisons voisines en logements occupés surtout par les commerçants locataires des arcades du rez-de-chaussée. La cour enfin sert à remiser voitures et paniers des commerçants du marché, contre un paiement hebdomadaire. L'Histoire n'en a pas pour autant fini de jouer avec le Neubau qui, entre temps, est devenu plus que bicentenaire.
La Chambre de Commerce et son Hôtel jusqu'en 1860 En même temps que les autres corporations urbaines, le Corps des Marchands, qui avait, dès le début de l'occupation française en 1681, remplacé l'ancienne corporation des marchands, est supprimé au début de la tourmente révolutionnaire. Toutefois le vide institutionnel créé par cette disparition ne tarde pas à se faire sentir, et la municipalité autorise dès mai 1790 la création d'un «Comité du Commerce», destiné à étudier la création d'une Chambre de Commerce, comme il en existe dans d'autres villes. Mais il faut encore attendre une décennie avant que le Ministère de l'Intérieur (et non plus la municipalité, signe du changement des temps) institue un Conseil du Commerce, au rôle d'ailleurs purement consultatif, le 14 prairial an IX (1801). Enfin, l'arrêté consulaire du 3 nivôse an XI (1802) crée des Chambres de Commerce dans 22 villes françaises, dont Strasbourg. Avec un peu moins de 50.000 habitants, notre cité a droit à une Chambre de neuf membres, présidée par le Préfet. Naît alors le désir de réunir sous un même toit, non seulement la Chambre de Commerce, sans locaux propres et qui siège, soit à l'Hôtel de Ville, soit à la Préfecture, mais encore la Bourse et le Tribunal de Commerce. La seule ressource financière de la Chambre de Commerce à ce moment, mais qui deviendra fort intéressante au cours du I Empire, est l'entrepôt municipal sur les berges de Nil, la «Douane», agrandie à la fin du XVIII siècle avec les décombres de la Pfalz. Si la Révolution a eu raison des enclaves territoriales, l'Empire donne à Strasbourg un rôle de plaque tournante à dimension européenne, même si ce n'est que pour une courte période. er
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Il faut en effet, plus que jamais maintenant, tenir compte des répercutions des événements nationaux et internationaux sur les affaires strasbourgeoises. Depuis 1788, le Rhin non entretenu est devenu presque impraticable et dangereux par ses crues. Les voies de communication sont dans un état lamentable encore en 1802. Puis tout change brusquement, et à partir de 1806, l'Alsace connaît un développement économique sans pareil, et le Blocus continental hissera Strasbourg au rang de premier port fluvial européen, et de capitale commerciale du vin. La crise de 1810-1812, l'Allemagne appauvrie, mais surtout la fin, en 1814, du transit qui faisait la fortune de Strasbourg, entraîneront un net recul commercial et financier. Mais nous n'en sommes pas encore là. Après avoir acquis, en 1806, l'emplacement de l'ancienne Chancellerie, dont ce qui restait avait été arraché en 1798 afin d'aligner la rue des Serruriers, la Chambre de Commerce fait faire un projet néoclassique de «Bourse du Commerce» à l'architecte J.J. Schuler. Devant l'impossibilité d'acheter l'ancien poêle du Miroir, tout proche, qui fut le siège de la Corporation des Marchands - renouant ainsi avec la tradition - mais qui fut également vendu comme bien national, reculant finalement devant le prix d'une construction neuve et désirant être logée rapidement, la Chambre de Commerce en arrive à acheter le Neubau à des conditions fort avantageuses en 1808. Le terrain de l'ancienne Chancellerie est alors revendu, à la condition pour l'acquéreur d'y édifier une maison à «caractère noble», dont le plan devra être approuvé par la Mairie. Le bâtiment s'y trouvant actuellement, simplification du projet de Schuler, prouve que ce contrat a été respecté. Dès l'acquisition du Neubau naissent de nombreuses discussions quant à l'aménagement possible de la construction elle-même dont l'intérieur n'est guère utilisable dans l'état, et à son éventuelle extension. La municipalité qui, comme nous l'avons vu, ne se désintéresse pas de l'aspect de la place, pousse en effet de son 21
côté la Chambre de Commerce à la réalisation d'un projet déjà nourri par le Magistrat de la ville libre: prolonger la façade du Neubau en direction de la rue de l'Arbre Vert et élargir cette dernière en arrachant les maisons qui la bordent jusqu'à la rue de l'Epine; lui adjoindre une aile rue de l'Arbre Vert, prolonger celle de la rue des Serruriers jusqu'à la rue de l'Epine où la cour intérieure sera fermée par une grille monumentale. Ce projet implique la démolition de toutes les constructions résiduelles au sein de ce pâté de maisons, dont l'ancienne pharmacie à l'angle de la rue de l'Epine. Les premiers aménagements du bâtiment existant, décidés après de longues délibérations, restent nettement plus modestes que ces ambitieux projets. Laissons Hugo Haug nous les décrire (39). «La Bourse, pour laquelle une grande salle de deux étages donnant sur la rue des Tonneliers sera installée plus tard, se vit attribuer pour commencer tout le rez-de-chaussée à droite du portail; la dernière arcade rue des Serruriers devait servir aux courtiers et aux agents de change. Mais comme l'on ne pouvait assez rapidement résilier les contrats de location avec les commerçants qui y étaient installés, on logea provisoirement la Bourse sous les quatre dernières arcades, rue des Serruriers. Au premier étage, il fallait installer la Chambre de Commerce et le Tribunal de Commerce, ainsi que des salles dans lesquelles, comme nous le rapportent les procès verbaux, devaient se réunir quotidiennement les marchands. Il fallait construire trois nouveaux accès à ces pièces. Ce sont les escaliers encore en usage aujourd'hui. La tour d'escalier à l'angle de la cour, jusque-là le seul accès à l'étage, fut arrachée. L'escalier principal, à gauche du portail, conduisait à droite à la Chambre de Commerce. Une anti-chambre, une pièce de dimension moyenne et une salle de réunion un peu plus grande suffisaient alors largement aux besoins de l'époque. A gauche - par la porte d'entrée de notre actuelle grande salle - on accédait à une anti-chambre, puis, en enfilade, à une salle de billard installée par la Chambre de Commerce elle-même, à une salle plus modeste, puis à une grande salle de réunion qui occupait tout l'angle du bâtiment, et enfin à une salle de lecture; vers la cour, il y avait une cuisine, dite «réchauds». Ces derniers locaux étaient alors conçus comme une sorte de Café de la Bourse. Dès 1811, les commerçants qui le fréquentaient se réunient en un cercle fermé dit «Cercle du Commerce», louant ces salles à la Chambre de Commerce pour un loyer annuel de 2.400 F. Son successeur est le «Casino littéraire et Commercial» que nous avons maintenant transféré au second étage. Le second escalier qui sert aujourd'hui d'accès au secrétariat mais n'était à l'époque accessible que par la cour, conduisait au Tribunal du Commerce situé rue des Serruriers. L'on passait tout d'abord par une anti-chambre, puis ensuite par une grande salle de réunion qui prenait toute la largeur du bâtiment, et où il y avait également un grand podium et une balustrade; ici se réunissait le Tribunal du Commerce jusqu'à sa dissolution en 1879. Derrière la salle de réunion se trouvaient d'un côté le bureau du juge, de l'autre le secrétariat des greffiers, les deux étant dans l'ancienne pharmacie. Pour accéder au secrétariat, on aménagea ensuite un accès particulier en perçant le mur à l'angle de la cour et en y construisant un nouvel escalier. Au second étage, on installa quatre logements de fonction pour le secrétaire de la Chambre de Commerce, le greffier du Tribunal de Commerce, l'administrateur de la «Douane» et l'inspecteur de la Bourse. En accord avec l'administration de la «Douane», les caves furent déclarées entrepôt annexe de cette dernière. Les autres parties du bâtiment furent louées à des particuliers». 22
Au fond, on en était pratiquement arrivé là à une des utilisations possibles du Neubau, envisagées dans les années 1586/1587! En 1810 est acquise la maison dite «zum grossen Kameelthier» bordant la rue de l'Arbre Vert, prélude aux grands travaux prévus, mais qui attendront presque encore soixante ans avant de pouvoir être réalisés. En effet, dès la chute de l'Empire, le Rhin redevient frontière. La Chambre de Commerce, dont les revenus dépendent surtout du commerce et de la navigation rhénane, pâtit de l'Union Douanière allemande (Zollverein) de 1819, de la guerre douanière qui s'en suit, mais paradoxalement encore plus des travaux d'endiguement du Rhin achevés en 1840. Le fleuve emprisonné accélère son cours, devenant dangereux pour la navigation, au point que ce nouveau venu, le chemin de fer, se révèle rapidement plus rentable. En 1855, douane et entrepôts quittent le port pour la gare. La Bourse également recule, et la Chambre de Commerce loue en 1817 son local au rez-de-chaussée aux commissaires priseurs, pour les adjudications publiques. Elle se réunit dès lors dans la salle de réunion de la Chambre de Commerce pour la seule activité qui bientôt lui reste: la fixation des cours officiels des transactions. Lorsqu'en 1823 le Préfet propose à la Chambre de Commerce de s'installer dans l'ancien Hôtel de la Prévôté, rue de la Nuée Bleue (40), cela semble être une chance pour résoudre ses problèmes financiers. Le Ministre de l'Intérieur toutefois s'y oppose. La Chambre de Commerce doit alors se résoudre à vendre la maison acquise en 1810, rue de l'Arbre Vert, dont l'entretien s'avère extrêmement coûteux. Mais elle n'arrive à la vendre que pour la moitié de son prix d'achat. En échange d'un loyer plus élevé, le Cercle du Commerce peut alors s'étendre dans le bâtiment, démontrant l'importance à l'époque des lieux de rencontre, Winstub et cafés. Toute la surface qui n'est pas absolument indispensable est alors louée, ainsi même les niches du portail principal qui profitent à des commerçants dès 1840. La Chambre de Commerce n'a en effet toujours pas fini de payer les traites de l'achat du Neubau. Pendant les années cinquante, le Casino, qui s'était également étendu, doit, suite à la diminution du nombre de ses adhérents, se retirer de nouveau dans ses locaux du premier étage. En 1855 enfin, lorsque la Chambre de Commerce abandonne le gestion de la «Douane», elle loue la cave qui avait jusque là servi, on s'en souvient, de dépôt annexe de la «Douane», à un marchand de vin.
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Le Neubau et la Chambre de Commerce de 1860 à nos jours Si le I Empire a laissé, et pour cause, un bon souvenir, la Restauration profitera surtout à l'industrie de Haute-Alsace. L'achèvement de grands travaux durant cette période n'y est certainement pas étranger: ainsi le «Canal Monsieur», reliant le Rhône au Rhin qui entre en fonction en 1832, et le Paris-Mulhouse par Dijon. Comme nous l'avons vu, Strasbourg végète pendant cette période: son comptoir d'escompte ne date que de 1846, et son port ne traite même pas 300.000 tonnes à la même époque. er
Les années soixante voient un net redressement de la situation économique strasbourgeoise, entre autres grâce au Paris-Strasbourg - à une voie! - inauguré en 1852 (et dont l'achèvement était réclamé par la Chambre de Commerce depuis 1848), et à la loi du libre échange de 1860. En 1855 déjà, tout se passe à la gare et non plus au port, et il est probable que cette période aurait plus marqué la mémoire collective, si le passage d'un Second Empire à un autre, n'avait eu pour transition les flammes du bombardement de 1870. Au milieu des années soixante, alors que la dette contractée au début du siècle pour l'achat du Neubau est enfin - et on a vu avec quelle peine - éteinte, la situation de la Chambre de Commerce redevient prospère. Au début de l'année 1866, la maison «zum grossen Kameelthier» ou maison Maioni, est de nouveau à vendre, à bon prix, et la Chambre de Commerce saisit l'occasion. Il est enfin possible, en rachetant encore les autres maisons attenantes, d'envisager les grands travaux dont on rêve depuis soixante ans. Pour pouvoir financer la construction, un contrat est passé avec l'Administration des Postes qui s'engage à louer la nouvelle aile pour trente ans, assurant ainsi le propriétaire des lieux de rentrées régulières. Enfin, la Chambre de Commerce est autorisée par le Décret Impérial du 11 mars 1868 à contracter un emprunt important, qu'elle couvre au moyen d'obligations uninominales. Le chantier de démolition est mis en route immédiatement, et la première pierre du prolongement de la façade, sous la direction de l'architecte Petiti, posée dès le 14 juillet 1868 (41). Le 1 avril 1870, l'Administration des Postes s'installe dans ses locaux, alors que le Tribunal de Commerce peut enfin s'agrandir d'une salle des pas perdus en procédant à un échange de locaux avec le Casino qui obtient une nouvelle bibliothèque dans la nouvelle aile. A la même époque, la Bourse reprend de l'importance et se réinstalle dans ses locaux de la rue des Serruriers. Mais la guerre de 1870 approche. e r
Si le bâtiment ne souffre pas trop de cette dernière, il sert d'abri, de poste de garde pour la Garde nationale sédentaire, puis de lieu de délibération pour la Commission Municipale qui remplace le Conseil Municipal en septembre 1870, mais est trop exposé dans ses locaux de la rue Brûlée. Le 11 septembre, il accueille, comme 300 ans plus tôt, une délégation suisse qui permet aux femmes, enfants et vieillards d'évacuer la place forte assiégée. C'est dans la salle du Tribunal de Commerce que les passeports des personnes évacuées sont établis. Puis, la nouvelle situation politique et économique amène une fois de plus des changements. Après la guerre, l'industrie locale se trouve rapidement coupée de la France, mais n'arrive pas à s'intégrer aux structures préexistantes de l'Empire allemand. De nombreuses entreprises émigrent, et la crise économique de 1873 n'arrange en rien la situation. A nouveau, il y a une période de repli pour la Chambre de Commerce. 25
Dès mars 1872, la poste centrale est transférée à la place de la Cathédrale, et ses locaux sont cédés à l'imprimerie Wolff, éditeur de la Strassburger Zeitung. Dans une partie des locaux de 1868 s'installe le secrétariat de la Chambre, avec accès depuis la cour, alors que le reste est loué à des commerçants. En 1873, la Bourse disparaît à nouveau, et en 1885, les locaux du Tribunal de Commerce, qui avaient, depuis sa dissolution en 1879, servi aux réunions du Tribunal Administratif, sont transformés en logements. Enfin, le Neubau disparaît, en tant que bâtiment officiel, des plans de la ville. Avec l'avènement du nouveau siècle, la situation s'améliore à nouveau, et la Chambre de Commerce cherche à gagner de l'espace. En effet, il s'avère impossible d'étendre le secrétariat dans l'aile de 1868, et la salle de réunion du second étage n'est plus en mesure de satisfaire aux besoins de représentation. Le secrétariat est donc transféré dans les locaux de l'ancien Tribunal de Commerce. Par contre, refaire une grande salle au «bel étage» pose des problèmes inattendus, dus aux multiples transformations de ce niveau au cours de siècles. «L'étude des travaux à faire montra ce qui suit: Tout le système porteur en poutres entre le premier et le second étage tenait à l'origine à des tirants fixés à une charpente autoportante, véritable chef-d'œuvre. L'élément principal de ce niveau suspendu était une forte traverse courant sur le plancher du second étage, sur toute la longueur du bâtiment. Cette traverse a dû souvent poser des problèmes à nos ancêtres lors de l'aménagement de salles ou de logements. Elle était en effet partiellement enlevée et remplacée par une traverse de soutènement et de minces cloisons au premier étage, et partiellement si affaiblie, que l'on pouvait à juste titre se demander, comment le bâtiment tenait encore. Il était impossible au vue de l'aménagement actuel, de penser à reconstituer cet élément. Pour créer notre grande salle, nous avons dû construire un nouveau système porteur, et, comme il sied au XX siècle, en béton armé. Il était hélas impossible d'éviter l'usage d'une forte traverse de soutènement. Nous avons dû par ailleurs aussi garantir la solidité du bâtiment pour l'avenir, en renforçant les cloisons existantes et en construisant de nouvelles en charpente métallique» (42). e
Une grande partie du décor intérieur de 1809, conservé, fut réemployé et remis en valeur. Il fut enlevé en 1940 lorsque la Badische Industrie und Handelskammer transforma pour une brève période le Neubau en bâtiment administratif, en en expulsant tous les locataires. Une partie de ce décor Empire a néanmoins pu être sauvé, et orne aujourd'hui les salles d'apparat du premier étage, entièrement refaites et inaugurées en 1959. Ainsi, de même que les dégâts sur la façade occasionnés par une bombe américaine en août 1944, les traces de la dernière guerre ont disparu, sauf en ce qui concerne les caves, où une grande partie des abris anti-aériens est encore conservée. L'Annexion reste d'ailleurs une période captivante pour l'historien, d'autant plus qu'en ce qui concerne la Chambre de Commerce, aucune étude d'envergure ne semble encore avoir paru (43). Voici quatre années durant lesquelles s'ignorent complètement deux Chambres de Commerce dont l'une, évacuée en 1940, se fixe enfin à Lyon après de multiples péripéties, alors que l'autre, sous plusieurs dénominations successives, remplit un rôle important dans l'organisation de l'économie de guerre allemande. La période qui suit la Libération voit finalement s'opérer la symbiose entre ce qui reste de ces deux administrations concurrentes, et la Chambre de Commerce peut alors s'atteler à la tâche ardue qui lui incombe: la remise en ordre souvent délicate de l'industrie alsacienne, puis l'organisation de l'indemnisation des dommages de guerre. A cette époque où l'on avait des soucis autrement urgents, les travaux de réfection furent limités au nécessaire, et il faut attendre la dynamique présidence de 26
M. Wenger-Valentin en 1956, pour enfin assister à des travaux de réfection d'envergure. C'est à ce moment que la grande salle de séance du premier, fractionnée en de multiples bureaux en 1940, peut enfin retrouver un aspect digne de celui qu'on lui avait connu avant-guerre. De même refait-on entièrement la salle de réception qui donne sur la rue des Serruriers. De nombreux différents naissent à l'occasion de ces travaux entre les architectes et Hans Haug, alors Conservateur des musées de la ville, fils de l'ancien Secrétaire Général de la Chambre de Commerce Hugo Haug, et qui connaissait la maison mieux que personne pour y avoir passé son enfance. Il a fallu encore de nouveaux travaux pour mettre en valeur le rez-de-chaussée et une partie des caves, après l'expropriation des commerçants qui l'occupaient encore jusqu'en 1958, et ce souvent depuis très longtemps. Une partie des nervures des voûtes a dû être refaite, cette fois en béton moulé et peint, réfection d'ailleurs fort discrète, côté Place Gutenberg, dans l'actuel local du Syndicat d'Initiative. De nouvelles transformations ont été réalisées en 1985 au rez-de-chaussée du bâtiment avec la mise en place d'un hall d'accueil et du Centre de Formalités des Entreprises. Un essai de restitution des peintures de la façade est prévu pour le futur. Entre temps, il fut aussi nécessaire d'adapter la place Gutenberg aux conditions de vie modernes. Naguère cimetière et marché, puis promenade ombragée, elle était devenue un parking encombré et peu esthétique. Décidé en 1973, le chantier du parking souterrain débuta en janvier 1974, et si l'on peut regretter l'actuel et constant flot de véhicules de la rue du Vieux-Marché-aux-Poissons, ainsi que l'absence de verdure sur la place, pour le moins le problème aigu qu'était le stationnement dans le quartier est-il résolu, et le Neubau, autant que se peut, remis en valeur (44). Il convient par ailleurs de signaler que, durant cette période, le maître des lieux pris successivement le nom de «Chambre de Commerce et d'Industrie de Strasbourg» (à partir de 1946), puis de «Chambre de Commerce et d'Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin» (à partir de 1980), tout en hébergeant, au premier étage, depuis 1965, la «Chambre Régionale de Commerce et d'Industrie d'Alsace». Bâtiment de prestige controversé et Hôtel de Ville d'une décennie, immeuble locatif et commercial, café et Chambre de Commerce et quelquefois tout à la fois, le Neubau devenu Monument Historique doit d'abord son existence actuelle à son potentiel de possibilités de transformation, et à l'imagination et la sensibilité de ceux qui tour à tour l'occupèrent. Monument des éternelles transformations, il est toujours resté vivant, sans jamais tomber dans le piège de la pétrification muséographique, et il démontre brillamment l'intérêt de la conservation de monuments anciens par la réutilisation. Souhaitons qu'au delà de son quatre-centième anniversaire que nous fêtons cette année, il continue à rester fidèle à cette tradition, en même temps témoin et participant actif de la vie de notre cité et de notre région.
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Annexes
A propos d'Hôtel de Ville... Nous avons vu plus haut pourquoi il était délicat de baptiser le Neubau de 1585 «ancien Hôtel de Ville». Construit sans motif impérieux, autant que l'on peut en juger aujourd'hui, annexe des institutions de la République Urbaine de plus en plus encombrée, il ne joua un réel rôle d'Hôtel de Ville que de 1779 à 1793, occasion de nous pencher brièvement sur les transferts de site du centre administratif de notre cité. Le premier centre urbain fut sans conteste le palais épiscopal (alte Pfalz) qui se trouvait à l'emplacement de l'actuel Château des Rohan. En effet, jusqu'à la mémorable bataille de Hausbergen en 1262, tout pouvoir réel émanait du Prince-Evèque. Traditionnement, le souvenir du vieux centre persista: longtemps encore, chaque rassemblement de la milice urbaine se fit sur la Place de la Cathédrale, avant que le Rossemerckt (Marché aux Chevaux, actuelle Place Broglie), pôle opposé du Stall (écurie municipale à l'emplacement de l'actuelle école du Finkwiller) ne devienne le centre de l'infrastructure militaire, mais surtout le Schwoertag, jour où l'ensemble du Magistrat désigné pour une nouvelle année jurait fidélité à la Constitution de la ville, se déroulait chaque année sur le parvis de la cathédrale, devant les Strasbourgeois réunis. Il fallut encore attendre soixante ans après l'émancipation de la ville, pour que se définisse un nouveau centre, à quelques pas du premier, au cimetière et marché qu'était la Place Saint Martin, actuelle Place Gutenberg. En 1321-1322 y fut élevé la nouvelle Pfalz gothique, vaste bâtiment en deux corps accolés avec pignons à redens, qui restera le centre de la ville jusqu'en 1779. Beaucoup plus tard, en 1464, l'on y édifia la Chancellerie, et en 1507 enfin, la Monnaie, de l'autre côté du débouché de la Grand-Rue. Nous avons déjà souligné le rôle de carrefour important que jouait cette place au Moyen Age. Contemporaines de la Pfalz disparue, la plus ancienne partie de la Maison de l'Oeuvre Notre Dame fut construite en 1347 par la ville à qui incombait depuis 1284 le chantier de la cathédrale, et le premier noyau de l'actuelle «Douane» date de 1358. En 1585 fut achevé le Neubau, en même temps que l'aile Renaissance de la Maison de l'Oeuvre Notre Dame (1579-1585), et deux ans après la Grande Boucherie, l'actuel Musée Historique. L'ensemble des services municipaux y fut regroupé, bien à l'étroit, de 1779 à 1793, avec un bref épisode à l'Au bette, après les déprédations de 1789. Mal à l'aise dans les locaux du Neubau «surpeuplé», renouant avec les traditions séculaires, la nouvelle Municipalité déménagea au Château des Rohan vendu comme bien national et acquis par la ville en 1793. Episode de courte durée également, puisque lorsqu'en 1804 Napoléon devint Empereur, la ville fut priée de lui trouver une résidence digne et convenable. Nulle autre ne semblait envisageable que le Château des Rohan devenant ainsi palais impérial. En 1805, la Municipalité emménagea donc dans l'actuel Hôtel de Ville, rue Brûlée. Construit par Régnier III de Hanau-Lichtenberg de 1731 à 1736, l'Hôtel de HesseDarmstadt s'élève à l'emplacement de l'ancien Ochsensteinerhof, Hôtel des Ochsenstein datant du XIII siècle, et racheté en 1573 par Philippe de Hanau-Lichtenberg. Confisqué comme bien d'émigré et baptisé «maison de Dagobert» par la Municipalité révolutionnaire, il servit à divers usages, dont celui de salon de lecture public de 1801 à 1803, avant de devenir Hôtel de Ville, dans une rue qui, certes dite Brûlée, n'en était pas moins une véritable «allée du pouvoir». Qu'on en juge; voici presque côte à côte l'Evèché, le Commandement militaire, l'Hôtel du Préfet et l'Hôtel de Ville. e
En 1840, l'ancien Fossé des Etudiants qui séparait le bâtiment de la Place Broglie fut recouvert, et l'on établit alors le perron qui donne à l'Hôtel de Ville non seulement une nouvelle entrée, mais encore un nouvel aspect. Mais lui aussi devint trop exigu, dans la mesure où l'administration non plus seulement d'une ville en pleine croissance, mais aussi d'une vaste Communauté Urbaine, requérait 29
de très nombreux services. Si l'Hôtel de Ville est resté rue Brûlée, le centre administratif s'installa au milieu des années soixante-dix dans ses nouveaux locaux de la Place de l'Etoile. Le choix est certes dû au fait qu'il s'agissait d'un emplacement libre à proximité du centre, mais aussi d'un carrefour important. Si l'ancien axe Nord-Sud a été transféré à la proche autoroute, l'axe Est-Ouest, celui qui mène de la ville au port et à la frontière, est appelé non seulement à rester, mais à se développer. Ainsi comme 650 ans plus tôt, le centre administratif de la ville se retrouve sur le croissement des voies de passage les plus importantes. Si le bâtiment est bien sûr moderne, il n'en reste pas moins fidèle, par son emplacement, à la tradition de Strasbourg, StrassBurg, villes des routes, ville des rencontres, et aujourd'hui clé de voûte de la construction de l'Europe.
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Notes/Sources 1/ Archives des Eglises d'Alsace (AEA), XXIX, 1962-1963. «Handbuch des Elsässischen Kirchen», col, 1425-1428. 2/ J.J. Hatt. «La place Gutenberg à l'époque romaine», in: Etudes Strasbourgeoises, 1953. 3/ Wiegand, «Urkundenbuch des Stadt Strassburg», I, n ° 616, p. 468. 4/ L. Pfleger, «Kirchengeschichte der Stadt Strassburg», Alsatia, Kolmar, 1941, pp. 51-52. 5/ «La confrérie des serruriers strasbourgeois et son retable à l'église Saint Martin, œuvre inconnue du sculpteur Nicolas Hagnower», in: Société pour la Conservation des Monuments Historiques d'Alsace, 1967, pp. 285-298. Comme toutes les confréries, celle-ci servait à assurer des funérailles décentes aux membres défunts, et garantissait une assistance en cas de maladie. 6/ Archives Municipales de Strasbourg (AMS), Série III, 37-3, f ° I. Il 1532. AMS, Städte Ordnungen Bd. 4, f ° III, r ° . Le Stallgelt était à l'origine un impôt en nature (tenue de chevaux au service de la ville à partir d'un certain seuil de fortune) destiné à assurer une cavalerie à la ville de Strasbourg. (Voir entre autres C. Lamboley, «Le miroir de Sleipnir», mémoire de maîtrise, 1985). 8/ Otto Winckelmann, «Die Erbauer des alten Strassburger Rathauses» in: Zeitschrift fur die Geschichte des Oberrheins, Neue Folge, 1893, Heft 4, pp. 549-603, p. 5 8 1 . Certains textes relevés par l'auteur vont dans ce sens, mais pourquoi avoir attendu si longtemps pour se préoccuper de l'aspect de la place? Soulignons que cette période est à la construction: maison Renaissance de l'Oeuvre Notre Dame, 1579-1585, Grande Boucherie, 1587. 9/ AMS, Rathsprotokol, 1583, f ° 455, r ° , 14 octobre: «das der Bauw an S. Martin Platz vil gelt cost...» 10/ Françoise Levy-Coblentz, «L'art du meuble en Alsace», Strasbourg, Istra, 1975, pp. 121-129, p. 129. 1 1 / Hans Haug, «L'Hôtel de la Chambre de Commerce...» in: Etudes Strasbourgeoises, publication à l'occasion du 150" anniversaire de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Strasbourg, 1953, pp. 44-77, p. 50. 12/ AMS, B. Hertzog, «Chronicon Alsatiae», Strasbourg, 1592, Achtes Buch, p. 190. 13/ Pour cette partie, cf. Winckelmann, voir plus haut, note 8. 14/ AMS, Rathsprotokol, 1585, f ° 7. 15/ AMS, Rathsprotokol, 1584, f ° 525, v ° . 16/ Hugo Haug, «Das Hôtel du Commerce, Gebäude der Handelskammer zu Strassburg». Vortrag gehalten am 28. April 1913 bei der Einweihung der neuen Amtsräume der Handelskammer von deren Sekretär Dr. Hugo Haug, Strassburg, 1913, p. 9. 17/ AMS. Directeurs du Bâtiment (DB), 1779, 9 février, f ° 217. 18/ AMS. DB. 1776, 19 novembre, f ° 157. 19/ Hans Haug, cf. plus haut, note 1 1 , pp. 50-51. 20/ R. Recht, in: Histoire de Strasbourg, DNA - Istra, 1981, t. Il, p. 602. 2 1 / Hans Haug, cf. plus haut, note 1 1 , p. 56. 22/ Idem, p. 5 1 . 23/ Idem, p. 53. 24/ Françoise Levy-Coblentz, cf. plus haut, note 9, p. 128. 25/ G. Groeber, «Les signes lapidaires de l'Hôtel du Commerce de Strasbourg» in: Cahiers d'Archéologie et d'Histoire d'Alsace, Strasbourg 1954, n ° 134 pp. 126-132, p. 131. 26/ AMS. Plans, C I, 39-39 a. Blondel, Jacques-François, né à Rouen en 1705, mort à Paris en 1774. Fondateur des études d'architecture en France, il donne des cours publics dès 1743 à Paris. Voué à la théorie plus qu'à la pratique, il aura néanmoins une grande influence. Son Hôtel de Ville est inclus dans le projet d'un grand axe NW-SE traversant la ville. Si sa seule construction fut finalement l'Aubette, il n'en marqua pas moins profondément le tissu urbain, car ses projets, commencés en 1764, furent un plan de référence jusqu'à la fin du XIX siècle. Mais Blondel se heurta à un double refus: - d'une part de la ville, car ses plans diminuaient le nombre de logements et nécessitaient de nombreuses expropriations, que les finances municipales médiocres ne pouvaient mener à bien. - d'autre part de Choiseul, Premier Ministre, pour qui les projets de Blondel ne semblaient pas assez représentatifs du règne. e
27/ Boudhors, Pierre-Valentin. Né à Strasbourg en 1754. Il compte à son actif l'agrandissement de l'Ancienne Douane, de très nombreuses casernes, le Pavillon Joséphine. Fortement marqué par ses études du style néo-classique à Paris, il fut chargé par le Prêteur Royal, le Baron François d'Autigny, de poursuivre l'œuvre de Blondel. 28/ AMS, DB, 1779, f° 217. 29/ AMS, DB, 1780, f ° 68 v ° . 30/ AMS, DB, 7 mars 1780. Il est très possible que ces travaux n'aient pas été menés à bien, puisque l'inventaire des objets non compris dans la vente du bâtiment comme bien national (19 thermidor, An III) mentionne entre autres 8 fourneaux en fer et en fonte. On y apprend également que le Neubau semble avoir eu jusque là «une porte en fer..., qui sera remplacée par une porte en bois», «dans la façade principale» (Archives de la Chambre de Commerce, n ° 1413 c). 3 1 / AMS, DB, 1780, f ° 62 v ° . 32/ AMS, DB, 1780, 18 juillet, f ° 104. 33/ AMS, DB, 1781, f ° 81 v ° . 34/ AMS, Série VI, 582/14. 35/ AMS, DB, 1781, f ° 204 r ° . 36/ AMS, DB, 1780, 2 mai, f ° 54 r ° . 37/ AMS, DB, 1780, 18 avril, 49 r ° . C'est Boudhors qui est chargé tant de la démolition de la Pfalz, que de l'agrandissement de la «Douane». 38/ «L'association est composée de vingt quatre actions à raison de quatre pour chaque associé primitif...» Archives de la Chambre de Commerce, n ° 1413 R. 39/ Hugo Haug, cf. plus haut, note 16, pp. 34-35. 40/ Rue de la Nuée Bleue, n ° 25. Hôtel agrandi par deux fois, dont au XVIII siècle, mais Renaissance à l'origine. En 1738 il est destiné au logement du Grand Prévôt du Chapitre, en remplacement de l'hôtel du 10, rue des Orfèvres, que la ville achète pour faire la Place du Marché-Neuf. e
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4 1 / L'encadrement de la porte d'entrée du bâtiment Renaissance qui faisait l'angle de la rue de l'Arbre Vert et de la rue de l'Epine, acheté par la ville lors de la construction du Neubau et démoli en même temps que la maison Maioni, fut réutilisé pour l'entrée de la cave de l'aile de 1868. Il porte la date de 1509. 42/ Hugo Haug, cf. plus haut, note 16, pp. 44-45. 43/ L'étude de Pierre Eude, «La Chambre de Commerce et d'Industrie de Strasbourg de 1945 à 1960», achevée en 1962, mais non publiée, donne aussi quelques détails sur l'Occupation et ses conséquences. 44/ En ce qui concerne les fouilles faites à la Place Gutenberg à l'occasion des terrassements du parking souterrain, les seuls documents actuellement disponibles se trouvent dans la revue «Archéologia» n° 80, mars 1975, pp. 68-70. (Olivier BARBIER, «Le passé de la Place Gutenberg révélé par les fouilles»).
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SEBA S
ISBN 2-900531-00-4
Prix public (TVA incluse): 4 5 F